BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> MAVREDAKI v. GREECE - 10966/10 - Committee Judgment (French Text) [2013] ECHR 1043 (24 October 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/1043.html
Cite as: [2013] ECHR 1043

[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]


     

     

     

    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE MAVREDAKI c. GRÈCE

     

    (Requête no 10966/10)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    24 octobre 2013

     

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Mavredaki c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :

              Elisabeth Steiner, présidente,
              Linos-Alexandre Sicilianos,
              Ksenija Turković, juges,
    et de André Wampach, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er octobre 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1.   A l’ origine de l’affaire se trouve une Requête (no 10966/10) dirigée contre la République hellénique et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Aikaterini Mavredaki (« la requérante »), a saisi la Cour le 28 janvier 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2.   La requérante est représentée par Mes N. Anagnostopoulos et A. Psycha, avocats au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par la déléguée de son agent, Mme M. Germani, auditrice auprès du Conseil Juridique de l’Etat.

  3.   Le 31 août 2011, la Requête a été communiquée au Gouvernement.
  4. EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  5. La requérante est née en 1941 et réside à Athènes.

  6. Les lois nos 2838/2000 et 3016/2002 prévoyaient une augmentation des salaires des officiers des forces armées, de la police hellénique, de la police des ports et du corps des pompiers.

  7. La présente Requête porte sur la procédure engagée par la requérante, en vue d’obtenir le réajustement et l’augmentation du montant de sa pension conformément aux dispositions de ces lois.

  8.   En 2001, la requérante saisit la Comptabilité générale de l’Etat d’une demande tendant à obtenir le réajustement du montant de sa retraite.

  9.   Le 17 mai 2002, la Comptabilité générale de l’Etat rejeta sa demande (décision no 90 795/2001).

  10.   Le 9 juillet 2002, la requérante saisit la Cour des comptes d’un recours contre la décision de la Comptabilité générale.

  11.   Le 29 juin 2006, la Cour des comptes donna gain de cause à la requérante (arrêt no 1843/2006).

  12. Le 25 octobre 2006, l’Etat se pourvut en cassation devant la formation plénière de la Cour des comptes contre l’arrêt no 1843/2006.

  13. Le 3 juin 2009, la formation plénière de la Cour des comptes rejeta le pourvoi (arrêt no 1706/2009). La formation plénière examina, entre autres, une question de constitutionnalité relative à la procédure applicable lors de l’augmentation de la retraite des pensionnaires des forces armées. L’arrêt fut notifié à la requérante le 30 juillet 2009.
  14. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  15.   La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  16. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  17. Le Gouvernement n’a pas soumis d’observations.
  18. A.  Sur la recevabilité


  19.   La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  20. B.  Sur le fond

    1.  Période à prendre en considération


  21. 6.  La période à considérer a débuté le 9 juillet 2002 avec la saisine de la Cour des comptes par la requérante et s’est terminée le 3 juin 2009, date à laquelle l’arrêt no 1706/2009 a été publié. Elle a donc duré six ans et onze mois environ pour deux degrés de juridiction.
  22. 2.  Caractère raisonnable de la procédure


  23.   La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Glentzes c. Grèce, no 28627/08, 13 janvier 2011).

  24.   La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Glentzes précité). La Cour note qu’il est vrai qu’en l’espèce, l’objet du litige soumis aux juridictions internes présentait une complexité certaine, étant donné que l’affaire soulevait une question de constitutionnalité traitée par la formation plénière de la Cour des comptes. En même temps, la Cour ne relève aucun élément de nature à mettre en cause la responsabilité de la requérante dans l’allongement de la procédure. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour considère qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse a été excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

  25. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
  26. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION


  27.   La requérante se plaint également du fait qu’en Grèce il n’existe aucun recours effectif pour se plaindre de la durée excessive de la procédure. Elle invoque l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :
  28. « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

    A.  Sur la recevabilité


  29.   La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  30. B.  Sur le fond


  31.   La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).

  32.   Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (Konti-Arvaniti c. Grèce, no 53401/99, §§ 29-30, 10 avril 2003, Tsoukalas c. Grèce, no 12286/08, §§ 37-43, 22 juillet 2010 et Glentzes c. Grèce précité, §§ 21-22).

  33.   La Cour note que le 12 mars 2012 a été publiée la loi no 4055/2012 portant sur l’équité et la durée raisonnable de la procédure judiciaire, qui est entrée en vigueur le 2 avril 2012. En vertu des articles 53 suiv. de la loi précitée, un nouveau recours a été établi permettant aux intéressés de se plaindre de la durée de chaque instance d’une procédure administrative dans un délai de six mois à partir de la date de publication de la décision y relative. La Cour observe cependant que cette loi n’inclut pas les procédures devant la Cour des comptes.

  34.   En l’espèce, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention en raison de l’absence en droit interne d’un recours qui aurait permis à la requérante d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
  35. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


  36.   Aux termes de l’article 41 de la Convention,
  37. « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  38.   La requérante réclame 15 000 EUR au titre du préjudice moral qu’elle aurait subi.

  39.   Le Gouvernement invite la Cour à écarter la demande au titre du dommage moral. Il affirme en outre qu’en tout cas, un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante.

  40.   La Cour estime qu’il y a lieu d’octroyer à la requérante 4 000 EUR au titre du préjudice moral subi, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
  41. B.  Frais et dépens


  42.   La requérante demande également 1 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et 500 EUR pour ceux engagés devant la Cour, sans toutefois produire une facture à l’appui.

  43.   Le Gouvernement conteste ces prétentions.

  44.   Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI).

  45.   En l’espèce, compte tenu de l’absence de tout justificatif valable de la part de la requérante et de sa jurisprudence en la matière, la Cour rejette la demande à ce titre.
  46. C.  Intérêts moratoires


  47.   La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  48. PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;

     

    4.  Dit

    a) que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois 4 000 EUR (quatre mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 octobre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    André Wampach                                                                  Elisabeth Steiner
      Greffier adjoint                                                                       
    Présidente

     


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/1043.html