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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> CEPEK v. THE CZECH REPUBLIC - 9815/10 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 815 (05 September 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/815.html
Cite as: [2013] ECHR 815

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    CINQUIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE ČEPEK c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

     

    (Requête no 9815/10)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    5 septembre 2013

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Čepek c. République tchèque,

    La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

    Mark Villiger, président,
    Angelika Nußberger,
    Boštjan M. Zupančič,
    Ganna Yudkivska,
    André Potocki,
    Paul Lemmens,
    Aleš Pejchal, juges,
    et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 30 avril et le 9 juillet 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 9815/10) dirigée contre la République tchèque et dont un ressortissant de cet Etat, M. Zdeněk Čepek (« le requérant »), a saisi la Cour le 4 février 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le requérant a été représenté par Me P. Řehák, avocat au barreau tchèque. Le gouvernement tchèque (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. V.A. Schorm, du ministère de la Justice.

  3. .  Le requérant se plaint en particulier de ne pas avoir eu la possibilité de contester l’application par le tribunal d’une disposition relative au remboursement des frais de procédure.

  4. .  Le 24 janvier 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.
  5. EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  6. .  Le requérant est né en 1954 et réside à Prague.

  7. .  Le requérant était représentant statutaire d’une société S. Le Fonds national d’environnement de la République tchèque (ci-après le « Fonds »), une autorité publique, avait consenti un prêt de 37 500 000 couronnes tchèques (CZK) à la société S. Le requérant s’était porté caution. En 1998, une procédure collective fut ouverte à l’égard de la société S. Le Fonds essayait alors d’obtenir le remboursement du prêt avec les intérêts, d’un montant total de presque 50 millions de CZK. Il ne réussit à recouvrer qu’une partie de sa créance (à savoir environ 3 120 000 CZK en 2002 et 1 220 000 en 2003).

  8. .  En janvier 2005, le Fonds assigna le requérant, en qualité de caution, en paiement du solde du prêt. Le Fonds demandait la condamnation du requérant à lui payer, d’une part, le solde de plus de 33 millions CZK, à savoir environ 1 300 000 euros (EUR), majoré d’intérêts moratoires, d’intérêts contractuels et de pénalités, au total un montant de 122 856 894 CZK (environ 4 730 000 EUR), et d’autre part, un montant de 63 000 000 CZK (environ 2 425 000 EUR), au titre de pénalités, majoré d’intérêts, au total un montant de 133 287 311 CZK (environ 5 131 000 EUR). Selon le requérant, l’action était entièrement prescrite, et donc irrecevable.

  9. .  Le 30 avril 2007, le tribunal d’arrondissement de Prague 1 déclara l’action recevable et partiellement fondée. Il condamna le requérant à payer la somme de 122 856 894 CZK, mais débouta le Fonds de sa demande portant sur le montant de 133 287 311 CZK. En ce qui concerne les frais de procédure, le tribunal fixa le montant des frais exposés par le requérant à 200 000 CZK au titre de frais d’avocat et à 40 657 CZK au titre de frais de transport et TVA, soit au total à un montant de 240 657 CZK (environ 9 265 EUR). Selon le tribunal, prenant en compte les sommes demandées par le Fonds et accordées ou rejetées par le tribunal, le requérant avait obtenu gain de cause à 52,04 % et le Fonds à 47,96 %. La différence étant de 4,07 % au profit du requérant, celui-ci fut considéré la partie gagnante du procès et le Fonds fut condamné à lui rembourser 4,07 % de ses frais, c’est-à-dire 9 800 CZK (environ 377 EUR). En ce qui concerne les frais de justice, le tribunal constata que le Fonds, en tant qu’autorité publique, en était exonéré. Le requérant, quant à lui, fut condamné à verser sur le compte du tribunal les frais de justice s’élevant à 1 000 000 CZK (presque 40 000 EUR), calculés en fonction de la somme qu’il devait payer au Fonds.
  10. 9.  A une date indéterminée, le requérant interjeta appel. Dans sa requête, il demanda au tribunal municipal de Prague de rejeter la demande du Fonds et de condamner celui-ci à lui rembourser les frais qu’il avait exposés.

    10.  Le 8 juin 2007, il fut sommé par le tribunal d’arrondissement de payer 1 000 000 CZK (presque 40 000 EUR) au titre des frais d’appel. Le requérant réagit en demandant d’être exonéré du paiement de ces frais en raison de sa situation financière. Sur la base d’une déclaration de ressources et des autres informations soumises par le requérant, le tribunal d’arrondissement accéda partiellement à sa demande d’exonération en lui ordonnant de payer au titre des frais d’appel la somme de 300 000 CZK (presque 12 000 EUR). Le tribunal releva à cette occasion que le requérant bénéficiait d’un revenu régulier ainsi que d’une rémunération au titre de sa fonction d’organe statutaire dans deux sociétés, qu’il habitait une maison appartenant à sa famille et possédait de vastes terrains. Le requérant fit appel, en vain.

    11.  Le 12 février 2009, le tribunal municipal de Prague tint une audience en l’affaire, en présence de l’avocat du requérant. Celui-ci renvoya à la requête d’appel et demanda de se voir accorder, en cas de succès, les frais à calculer selon le tarif plus TVA.

    12.  A l’issue de cette audience, le tribunal municipal rendit le même jour un arrêt par lequel il réforma le jugement du 30 avril 2007 en rejetant, pour prescription, la demande du Fonds. Statuant sur les frais, le tribunal décida en premier lieu, eu égard au fait que le requérant avait obtenu gain de cause, d’annuler la décision du premier juge lui ordonnant de payer la somme de 1 000 000 CZK au titre des frais de justice en première instance. Quant aux frais de procédure exposés par le requérant tant en première instance (frais d’avocat, évalués par le requérant - dans la procédure devant la Cour - à 1 327 180 CZK) qu’en degré d’appel (frais de justice, c’est-à-dire frais d’appel s’élevant à 300 000 CZK, ainsi que frais d’avocat, évalués par le requérant - de nouveau, dans la procédure devant la Cour - à 1 327 180 CZK), soit un montant total de 2 954 360 CZK (environ 113 700 EUR), le tribunal décida d’appliquer en l’espèce l’article 150 du code de procédure civile (ci-après « CPC ») et donc, en dérogation à la règle générale prévue à l’article 142 § 1 du CPC, de ne pas accorder au requérant le droit au remboursement de ces frais. Cette dernière décision était fondée sur le fait que le requérant était représentant statutaire de la société S. qui avait reçu plusieurs dizaines de millions de couronnes du Fonds et que celui-ci n’en avait recouvré qu’une partie minime dans le cadre de la procédure collective. Le tribunal estima que dans ces conditions il serait contraire aux bonnes mœurs d’accorder au requérant le remboursement de ses frais, bien qu’il ait été fait droit à toutes ses autres demandes.

    13.  Le requérant attaqua la décision du tribunal municipal sur les frais par un recours constitutionnel. Invoquant le droit à un procès équitable et le principe de l’égalité des parties, il contesta l’appréciation du tribunal municipal quant à l’existence de « raisons méritant une considération particulière » au sens de l’article 150 du CPC. Faisant référence aux arrêts de la Cour constitutionnelle II. ÚS 828/06, III. ÚS 1378/07 et IV. ÚS 215/09 (voir paragraphes 20 in fine et 21 ci-dessous), il se plaignit que le tribunal municipal ne lui avait pas donné la possibilité de s’exprimer sur l’application de l’article 150 du CPC.

    14.  Par la décision I. ÚS 1589/09 du 13 août 2009, la Cour constitutionnelle rejeta le recours constitutionnel du requérant pour défaut manifeste de fondement. Elle s’exprima dans les termes suivants :

    « La Cour constitutionnelle indique constamment dans sa jurisprudence qu’un avis différent sur l’interprétation des dispositions inférieures à la Constitution ne peut pas en soi emporter violation du droit à la protection judiciaire ou à un procès équitable au sens de l’article 36 § 1 de la Charte [tchèque des droits et libertés fondamentaux]. Cela vaut également pour l’interprétation des dispositions procédurales relatives aux frais de procédure et à leur remboursement. C’est pourquoi la Cour constitutionnelle procède, en examinant la problématique des frais de procédure, à savoir une problématique essentiellement secondaire par rapport à l’objet de la procédure, avec un maximum de retenue et ne procède à l’annulation de la décision attaquée relative aux frais de procédure qu’exceptionnellement, par exemple lorsqu’elle constate une violation extrême du droit à un procès équitable et lorsqu’un autre droit, par exemple l’égalité des parties au sens de l’article 37 § 3 de la Charte, a également été violé (voir les décisions de la Cour constitutionnelle I. ÚS 351/05, I. ÚS 800/06, II. ÚS 198/07, III. ÚS 604/04).

    La question des frais de procédure ne peut revêtir une dimension constitutionnelle que lors d’un écart extrême des règles réglementant la procédure. Après avoir pris connaissance du contenu du recours constitutionnel et des griefs soulevés, la Cour constitutionnelle conclut que ce n’est pas le cas en l’espèce et que le recours est manifestement mal fondé.

    Le requérant voit la violation de ses droits dans la décision de la juridiction d’appel qui ne lui a pas accordé le remboursement des frais de procédure, en vertu de l’article 150 du CPC.

    La doctrine pertinente relative à l’application de l’article 150 du CPC indique qu’en examinant l’existence des raisons méritant une considération particulière, le tribunal tient compte notamment des conditions patrimoniales, sociales, personnelles et autres de toutes les parties à la procédure; ce faisant, il doit non seulement avoir égard à la situation de celui qui aurait dû supporter les frais de procédure mais il doit aussi considérer comment une telle décision affecterait la situation patrimoniale de l’ayant droit. Revêtent de l’importance également, en vue de l’application de l’article 150 du CPC, les circonstances ayant mené à l’ouverture de la procédure, l’attitude des parties à la procédure, etc. (...).

    Dans la décision I. ÚS 2862/07 du 5 novembre 2008, la Cour constitutionnelle a constaté que "le but de la disposition de l’article 150 du code de procédure civile n’est pas de réduire les disparités patrimoniales entre les parties à la procédure mais de résoudre une situation où il n’est pas juste que celui qui a à raison défendu ses droits ou intérêts légitimes obtienne le remboursement des frais raisonnablement exposés à cette fin. La décision en vertu de laquelle celui qui a eu gain de cause supporte lui-même ses frais apparaîtra juste notamment au vu des circonstances ayant précédé la procédure, du comportement des parties à ce stade, des circonstances entourant l’introduction de l’instance".

    Le principe du succès dans la procédure est profondément lié à la structure et à la fonction du contentieux civil, c’est pourquoi le tribunal devrait interpréter et appliquer l’article 150 du CPC - permettant de renverser ce principe dans un cas exceptionnel concret - de manière à ce que le non-octroi du remboursement des frais de procédure soit seulement exceptionnel et justifié par les raisons méritant une considération particulière.

    Dans la présente affaire, on ne peut cependant pas conclure qu’en décidant d’appliquer l’article 150 du CPC le tribunal municipal n’a pas pesé toutes les circonstances de l’affaire. Dans le cadre de sa discrétion il a examiné et le montant total des frais de procédure, et les conditions patrimoniales des parties et l’impact possible de l’octroi ou du non-octroi du remboursement des frais de procédure sur telle ou telle partie. Sa conduite est motivée de manière suffisamment convaincante, et on comprend à partir des motifs de son arrêt quel était son raisonnement. Sa conclusion, selon laquelle l’octroi du remboursement des frais de procédure au requérant - dans une situation où il avait en tant que représentant statutaire de la société S. obtenu du plaignant une somme de millions de CZK, recouvrée seulement dans une partie minime dans la procédure collective, serait contraire aux bonnes mœurs ne peut pas, compte tenu de ce qui a été dit (circonstances datant d’avant l’introduction de l’instance qui ont mené à la saisine du tribunal), être critiquée sur le plan constitutionnel.

    Pour ces motifs la Cour constitutionnelle a rejeté le recours sans audience et en l’absence des parties comme manifestement mal fondé, en vertu de l’article 43 § 2 a) de la loi sur la Cour constitutionnelle. »

    La Cour constitutionnelle ne se prononça pas explicitement sur le grief du requérant tiré de l’impossibilité de s’exprimer devant le tribunal municipal au sujet de l’application de l’article 150 du CPC.

    II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    A.  Code de procédure civile


  11. .  L’article 137 du CPC dispose que les frais de procédure comprennent les frais engagés par les parties et leurs représentants, incluant les frais de justice, ainsi que, inter alia, la rémunération pour la représentation par un avocat.

  12. .  L’article 140 dispose que chaque partie paye ses propres frais de procédure et les frais de son représentant.

  13. .  L’article 142 § 1 dispose que le tribunal accorde à la partie ayant obtenu gain de cause le remboursement des frais nécessaires pour faire valoir ou défendre ses droits de manière effective contre la partie n’ayant pas obtenu gain de cause.

  14. .  En vertu de l’article 150, le tribunal n’est exceptionnellement pas tenu d’accorder à la partie gagnante le remboursement des frais de procédure lorsque cela est justifié par des raisons méritant une considération particulière.

  15. .  L’article 151 § 1 dispose que le tribunal statue sur l’obligation de rembourser les frais de procédure d’office, dans la décision par laquelle prend fin la procédure devant lui. Aux termes de l’article 151 § 2, en décidant du remboursement des frais de procédure, le tribunal fixe le montant de la rémunération pour la représentation par un avocat selon les forfaits prévus par une réglementation spéciale.
  16. B.  Jurisprudence de la Cour constitutionnelle concernant l’article 150 du CPC


  17. .  La Cour constitutionnelle s’est prononcée dans plusieurs affaires sur les conditions dans lesquelles les tribunaux du fond peuvent faire application de l’article 150 du CPC.
  18. Par exemple, dans l’arrêt no II. ÚS 153/06 du 29 juin 2006, la Cour constitutionnelle nota que la décision sur les frais de procédure devait être en accord avec le déroulement de la procédure et le raisonnement à la base de cette décision devait être donné, fût-ce brièvement.

    Dans l’arrêt no I. ÚS 2862/07 du 5 novembre 2008, la Cour constitutionnelle expliqua :

    « Le but de la disposition de l’article 150 du code de procédure civile n’est pas de réduire les disparités patrimoniales entre les parties à la procédure mais de résoudre une situation où il n’est pas juste que celui qui a à raison défendu ses droits ou intérêts légitimes obtienne le remboursement des frais exposés à cette fin. La décision en vertu de laquelle celui qui a eu gain de cause supporte lui-même ses frais apparaîtra juste notamment au vu des circonstances ayant précédé la procédure, du comportement des parties à ce stade, des circonstances entourant l’introduction de l’instance (...).

    L’application exceptionnelle de l’article 150 du code de procédure civile (...) commande que le tribunal pèse rigoureusement toutes les circonstances de l’affaire et qu’il expose dûment dans les motifs de sa décision pourquoi il considère comme juste, au vu de ces circonstances, de ne pas décider sur le remboursement des frais de procédure selon le principe du succès dans la procédure. Ce raisonnement doit naturellement se fonder sur les faits concrets reflétant les particularités de l’espèce. »

    Dans l’arrêt no IV. ÚS 215/09 du 3 mars 2009, la Cour constitutionnelle reprocha à un tribunal régional d’avoir décidé d’appliquer l’article 150 du CPC sans avoir examiné toutes les circonstances de l’affaire. Le tribunal n’avait notamment pas pris en compte le montant des frais de procédure ni n’avait établi quelle était la situation patrimoniale, sociale, personnelle et autre des parties à la procédure ni quel serait l’impact de la décision de rembourser ou non les frais de procédure sur telle ou telle partie.

    21.  Dans d’autres arrêts, la Cour constitutionnelle a souligné que les parties aux procès devaient avoir la possibilité de s’exprimer sur l’application éventuelle de l’article 150 du CPC.

    C’est ainsi que dans l’arrêt no II. ÚS 828/06 du 6 février 2007 la Cour constitutionnelle considéra :

    « (...) il découle du droit à un procès équitable l’obligation pour le tribunal qui envisage d’avoir recours à l’article 150 du code de procédure de créer un espace procédural permettant aux parties à la procédure de s’exprimer sur une éventuelle mise en œuvre du droit modérateur prévu par l’article 150 et de soumettre leurs arguments et preuves susceptibles d’influencer l’application de cette disposition. Cette obligation s’impose encore davantage dans une procédure d’appel où la partie à la procédure ne dispose plus, après l’adoption de la décision, d’aucun instrument pour faire valoir ses objections.

    Il est d’autant plus important de se conformer à cette exigence dans la situation où la partie s’attend, au vu du déroulement de la procédure, à un certain résultat quant au fond de l’affaire qui est déterminant pour la décision sur le remboursement des frais de procédure, et où elle ne pouvait pas prévoir que le tribunal allait user de son droit modérateur, comme ce fut le cas en l’espèce où la juridiction d’appel était liée par l’avis juridique de la Cour suprême.

    Il y a lieu de souscrire à l’argument de la requérante selon lequel les motifs exposés par la juridiction d’appel dans la décision contestée existaient déjà au moment où la juridiction d’appel avait rendu sa première décision en l’affaire. (...) ces raisons entraînent une inégalité dans l’approche du tribunal à l’égard des parties à la procédure. Il n’y aurait pas lieu de parler d’une telle inégalité si seulement le tribunal régional avait motivé le recours à la modération par des raisons qui n’avaient pas existé au moment de sa première décision. »

    Par l’arrêt no III. ÚS 1378/07 du 31 octobre 2007, la Cour constitutionnelle annula, pour violation du droit à un procès équitable, l’arrêt par lequel la juridiction d’appel avait confirmé le jugement sur le fond rendu par le tribunal de première instance mais réformé sa décision sur les frais de procédure en décidant que le requérant n’avait pas droit au remboursement de ces frais.


  19. .  Enfin, dans un certain nombre d’arrêts la Cour constitutionnelle a souligné que son contrôle sur des décisions prises par les juridictions du fond sur les frais était limité.
  20. Ainsi, dans l’arrêt no III. ÚS 607/04 du 16 février 2006, la Cour constitutionnelle observa qu’il appartenait exclusivement aux tribunaux inférieurs d’apprécier le succès des parties en l’affaire et de décider sur les frais de procédure en conséquence. La Cour constitutionnelle n’était donc appelée à réexaminer ces décisions que lorsqu’elles étaient entachées d’un excès procédural caractérisé par un mépris extrême des principes de l’équité (par exemple lorsque la décision sur les frais ne correspondait manifestement pas à la décision sur le fond).

    Dans l’arrêt no II. ÚS 259/05 du 21 mars 2006, la Cour constitutionnelle considéra que le droit à l’octroi d’un remboursement de frais raisonnable (et prévu par la loi) engagés par la partie gagnante faisait partie du droit à un procès équitable et était lié, pour ce qui était concrètement des frais de représentation légale, au droit à une assistance juridique au sens de l’article 37 § 2 de la Charte tchèque des droits et libertés fondamentaux. Cependant un avis différent sur l’interprétation des dispositions inférieures à la Constitution ne pouvait pas en soi emporter violation du droit à la protection judiciaire ou à un procès équitable au sens de l’article 36 § 1 de la Charte. Cela valait également pour l’interprétation des dispositions procédurales relatives aux frais de procédure et à leur remboursement. C’était pourquoi la Cour constitutionnelle procédait, en examinant la problématique des frais de procédure, à savoir une problématique clairement secondaire par rapport à l’objet de la procédure, avec un maximum de retenue et n’annulait la décision attaquée relative aux frais de procédure qu’exceptionnellement, par exemple lorsqu’elle constatait une violation substantielle du droit à un procès équitable et lorsqu’un autre droit avait également été violé.

    Dans l’arrêt no I. ÚS 800/06 du 7 août 2007, la Cour constitutionnelle répéta qu’en examinant la problématique des frais de procédure, qui était secondaire par rapport à l’objet de la procédure devant les tribunaux inférieurs, elle agissait avec un maximum de retenue. En l’espèce, elle reprocha à la juridiction d’appel de ne pas avoir pris en compte l’argument de la requérante relatif à sa situation sociale difficile et de ne pas avoir du tout examiné sa situation personnelle et patrimoniale.

    Enfin, dans l’arrêt no II. ÚS 198/07 du 3 mai 2007, la Cour constitutionnelle répéta que la question des frais de procédure ne pouvait revêtir une dimension constitutionnelle que lors d’un écart extrême des règles réglementant la procédure. Le droit à un procès équitable au sens de l’article 36 § 1 de la Charte tchèque des droits et libertés fondamentaux était violé par un tribunal qui faisait une application manifestement erronée de l’article 142 § 2 du CPC, ou qui péchait par une motivation insuffisante.

    C.  Loi sur la Cour constitutionnelle


  21. .  Les articles 119 et 119b de la loi sur la Cour constitutionnelle règlent la réouverture de la procédure devant la Cour constitutionnelle.

  22. .  L’article 119 §§ 1 et 2 dispose que, lorsque la Cour constitutionnelle avait statué dans une affaire dans laquelle une juridiction internationale a constaté une violation des droits de l’homme ou des libertés fondamentales, commise par une autorité publique au mépris d’un traité international, une demande en réouverture de la procédure peut être introduite au sujet d’une telle décision de la Cour constitutionnelle par celui qui a été partie à la procédure devant celle-ci et qui a obtenu une décision favorable de la juridiction internationale.

  23. .  Aux termes de l’article 119b § 1, la Cour constitutionnelle décide d’une demande en réouverture de la procédure sans tenir d’audience. Si sa décision est contraire à celle d’une juridiction internationale, elle l’annule ; si ce n’est pas le cas, elle rejette la demande.

  24. .  L’article 119b §§ 2 et 3 dispose que si, à la suite d’une demande en réouverture, la Cour constitutionnelle a annulé sa décision antérieure, elle examine le recours constitutionnel initial selon les dispositions de cette loi. Lors de cet examen, la Cour constitutionnelle est liée par l’opinion de la juridiction internationale.
  25. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  26. .  Le requérant allègue que les conditions pour ne pas lui octroyer le remboursement des frais de procédure n’étaient pas remplies en l’espèce, qu’il n’a pas eu la possibilité de se prononcer sur cette question et que, en rejetant son recours constitutionnel, la Cour constitutionnelle n’a pas respecté sa propre jurisprudence en la matière. Il invoque le droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  27. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  28. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
  29. A.  Sur la recevabilité


  30. .  Le Gouvernement soutient que le requérant n’a pas subi un préjudice important au sens de l’article 35 § 3 b) de la Convention. Il allègue à cet égard que, par l’arrêt de la juridiction d’appel, le requérant a été dégagé de l’obligation infligée en première instance de rembourser au Fonds national d’environnement la somme de plusieurs dizaines de millions de couronnes que ce dernier n’avait pas pu recouvrer dans le cadre de la procédure collective. Dès lors, le préjudice prétendument subi par le requérant du fait de l’application de l’article 150 du CPC est négligeable par rapport au préjudice subi par le Fonds. De plus, on ne saurait spéculer quelle aurait été l’issue de la procédure si le requérant avait pu se prononcer ; au contraire, il est selon le Gouvernement légitime de considérer que, même si le requérant avait été invité par le tribunal à s’exprimer sur la possibilité d’appliquer l’article 150, sa réaction n’aurait rien changé à la décision sur les frais de procédure. Dans la mesure où le requérant a pu soumettre ses arguments à la Cour constitutionnelle qui n’a pas constaté de violation de ses droits, le respect des droits de l’homme n’exige pas un examen de la requête au fond. Enfin, l’affaire du requérant, à savoir la demande en paiement introduite à son encontre, a été dûment examinée par les tribunaux internes.

  31. .  Le requérant s’y oppose.

  32.   L’article 35 § 3 b) de la Convention dispose comme suit :
  33. « 3.  La Cour déclare irrecevable toute requête individuelle introduite en application de l’article 34 lorsqu’elle estime :

    b)  que le requérant n’a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne. »

    La Cour rappelle que l’absence d’un préjudice important au sens de cette disposition renvoie à des critères comme par exemple l’impact monétaire de la question litigieuse ou l’enjeu de l’affaire pour le requérant (Ionescu c. Roumanie (déc.), no 36659/04, 1er juin 2010 ; Piętka c. Pologne, no 34216/07, § 36, 16 octobre 2012).


  34.   Dans la présente affaire, la juridiction d’appel a fait droit à l’objection du requérant tirée de la prescription de la créance du Fonds national d’environnement mais, bien que le requérant ait ainsi obtenu gain de cause, elle ne lui a pas accordé le bénéfice du remboursement des frais engagés aux fins de la procédure et s’élevant, selon le requérant, à 2 954 360 CZK, dont 2 654 360 CZK pour les frais d’avocat. La Cour note sur ce dernier point que, dans ses observations sur la demande de satisfaction équitable du requérant, le Gouvernement a affirmé que, selon ses calculs, le requérant aurait dû s’acquitter, au titre de sa représentation légale devant les tribunaux, de la somme de 953 432 CZK. Il n’est donc pas contesté entre les parties que le montant que le requérant aurait pu se voir rembourser selon la règle du succès dans la procédure prévue par l’article 142 § 1 du CPC était constitué au minimum de cette somme, à laquelle s’ajoutent les 300 000 CZK au titre des frais d’appel, ce qui fait un total de 1 253 432 CZK (environ 49 250 EUR). On ne saurait par ailleurs minimiser le préjudice subi par le requérant en avançant, comme le fait le Gouvernement, que le Fonds a subi une perte financière beaucoup plus grande du fait de l’impossibilité de recouvrer sa créance.

  35.   La Cour estime donc que, compte tenu de l’importance incontestable des moyens que le requérant a dû engager au titre des frais de procédure et dont le remboursement lui a été refusé sans qu’il ait pu faire valoir ses arguments à cet égard, on ne saurait affirmer qu’il n’a pas subi de préjudice important au sens de l’article 35 § 3 b) de la Convention. Il convient donc de rejeter l’exception soulevée par le Gouvernement.

  36. .  La Cour constate en outre que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
  37. B.  Sur le fond

    1.  Arguments des parties


  38. .  Le requérant observe d’abord qu’il a été assigné en justice par une autorité étatique qui l’appelait en responsabilité pour la dette d’une tierce personne, alors que cette demande était dès le départ vouée à l’échec en raison de la prescription.

  39. .  Il estime ensuite que le tribunal municipal n’aurait pas dû appliquer l’article 150 du CPC qui ne peut, selon lui, être appliquée que de manière tout à fait exceptionnelle. Le requérant soutient en particulier que, bien que le tribunal connût sa situation financière, en raison de laquelle il avait d’ailleurs été exonéré d’une grande partie des frais d’appel, il ne l’a pas prise en compte, entachant sa décision d’arbitraire.

  40. .  Le requérant souligne également que ni lui ni son avocat ne pouvaient prévoir que le tribunal allait en l’espèce appliquer l’article 150 du CPC ; pourtant, ils ne se sont pas vu offrir une possibilité de s’exprimer sur ce point. Ne saurait d’ailleurs être considérée comme telle la formulation de la demande de remboursement des frais par l’avocat du requérant à l’audience du 12 février 2009. Le requérant estime que son droit à un procès équitable a dès lors été méconnu par la juridiction d’appel et que ce manquement ne pouvait pas être redressé dans la procédure devant la Cour constitutionnelle, celle-ci n’ayant pas la compétence pour décider des frais de procédure.

  41. .  De ce fait, bien qu’ayant obtenu gain de cause, le requérant aurait subi un dommage s’élevant à 2 954 360 CZK (environ 116 000 EUR), correspondant à 300 000 CZK pour les frais d’appel, plus 2 654 360 CZK pour les frais d’avocat exposés devant les juridictions de première instance et d’appel.

  42. .  Le Gouvernement note d’abord que le droit à une procédure contradictoire ne revêt pas un caractère absolu. Il se réfère à cet égard aux affaires dans lesquelles la Cour a estimé que la non-communication d’une pièce de la procédure au requérant ou le refus par une juridiction de prendre en compte un mémoire présenté par le requérant en réponse aux arguments de l’autre partie n’avait pas porté atteinte à l’équité de la procédure, dépourvus qu’ils étaient d’incidence sur l’issue du litige dans la mesure où la solution juridique retenue n’était pas contestable (Verdú Verdú c. Espagne, no 43432/02, § 28, 15 février 2007 ; Calabrò c. Italie, no 17426/02, § 28, 23 mars 2010).
  43. 40.  En ce qui concerne l’application en l’espèce de l’article 150 du CPC, le Gouvernement observe que cette disposition repose sur le pouvoir discrétionnaire du tribunal qui est appelé à apprécier l’existence de raisons méritant une considération particulière. Selon la pratique interne établie, le tribunal doit ainsi examiner la situation patrimoniale, sociale, personnelle et autre des parties ainsi que les circonstances de l’affaire et il doit motiver sa décision de manière convaincante. En l’espèce, ces principes ont été respectés puisque le tribunal municipal s’est fondé sur les circonstances concrètes de l’affaire résultant des documents figurant dans le dossier, à savoir l’issue de la procédure collective terminée en 2003 et la situation du requérant, celle-ci ayant été dûment examinée par le tribunal d’arrondissement qui avait décidé de l’exonérer d’une partie des frais d’appel. Le Gouvernement estime que, même si la motivation de la décision est succincte, elle rend bien compte de la situation et n’est pas arbitraire.

    41.  Quant à la question de savoir si le requérant a pu s’exprimer sur l’application de l’article 150 du CPC, le Gouvernement admet que le tribunal municipal n’a pas explicitement informé le requérant de son intention d’user de son droit modérateur et que, à l’audience du 12 février 2009, il n’a pas invité l’avocat du requérant à se prononcer sur ce point. Le Gouvernement soutient cependant que, eu égard aux circonstances de l’affaire et au résultat de la procédure collective, l’avocat du requérant pouvait prévoir la possibilité d’une application de l’article 150. Dès lors qu’il a à l’audience réclamé le remboursement des frais selon le tarif, il convient de considérer qu’il s’est ainsi exprimé sur la question des frais. Le Gouvernement estime en outre que, nonobstant la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en la matière, le respect du principe du contradictoire ne devrait pas être compris d’une manière trop formaliste. Selon lui, même si le requérant avait pu s’exprimer en l’espèce, il n’aurait pas pu obtenir une décision différente du tribunal municipal sur les frais de procédure, d’autant plus qu’il est difficile d’imaginer les éléments que le requérant aurait pu faire valoir, en sus de ceux contenus dans le dossier. Le Gouvernement souligne enfin que la partie adverse ne s’est pas non plus vu offrir un espace pour s’exprimer sur l’application de l’article 150 et que le requérant a pu formuler ses objections sur ce point dans son recours constitutionnel, sans que celles-ci aient amené la Cour constitutionnelle à annuler la décision du tribunal municipal.

    42.  Pour ce qui est enfin de la décision rendue en l’espèce par la Cour constitutionnelle, le Gouvernement note en premier lieu que la jurisprudence de cette juridiction est plus complexe que ne le prétend le requérant. En effet, à part l’obligation pour le tribunal de créer un espace procédural permettant aux parties à la procédure de s’exprimer sur une éventuelle mise en œuvre du droit modérateur prévu par l’article 150 du CPC, cette jurisprudence met en évidence d’autres procédés qui jettent une lumière différente sur l’affaire du requérant. Le Gouvernement estime par ailleurs que l’affaire du requérant est à distinguer de celles jugées jusqu’alors par la Cour constitutionnelle, eu égard au contexte factuel très différent. En effet, au vu du résultat de la procédure collective le requérant pouvait prévoir la décision sur les frais de procédure, le tribunal municipal a été bien informé de sa situation personnelle et patrimoniale et n’a décidé qu’une seule fois en l’affaire, réformant également la décision sur le fond. Le Gouvernement est donc convaincu que la décision rendue en l’espèce par la Cour constitutionnelle était conforme à sa jurisprudence établie, suffisamment motivée et dépourvue d’arbitraire.

    2.  Appréciation de la Cour

    a)  Principes généraux


  44. .  La Cour observe d’abord que la décision sur les frais de procédure contestée par le requérant a été rendue par le tribunal municipal de Prague dans le cadre d’une procédure tendant à décider d’une « contestation sur des droits et obligations de caractère civil » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. La partie concernant les frais doit être prise en considération pour déterminer si la procédure civile dans son ensemble a satisfait aux exigences de l’équité. Il s’ensuit que l’article 6 § 1 trouve à s’appliquer (Robins c. Royaume-Uni, 23 septembre 1997, § 29, Recueil des arrêts et décisions 1997-V ; Beer c. Autriche, no 30428/96, §§ 12-13, 6 février 2001 ; Stankiewicz c. Pologne, no 46917/99, § 60, CEDH 2006-VI ; Askon AD c. Bulgarie, no 9970/05, § 25, 16 octobre 2012).
  45. 44.  La Cour rappelle ensuite que la notion de procès équitable comprend le droit à une procédure contradictoire, qui implique le droit pour les parties de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge en vue d’influencer sa décision, et de la discuter (Lobo Machado c. Portugal, 20 février 1996, § 31, Recueil 1996-I ; Vermeulen c. Belgique, 20 février 1996, § 33, Recueil 1996-I). Ce principe vaut pour les observations et pièces présentées par les parties, mais aussi pour celles présentées par un magistrat indépendant tel que le commissaire du Gouvernement (actuellement rapporteur public) (Kress c. France [GC], no 39594/98, CEDH 2001-VI), par une administration (Krčmář et autres c. République tchèque, no 35376/97, 3 mars 2000) ou par la juridiction auteur du jugement entrepris (Nideröst-Huber c. Suisse, 18 février 1997, Recueil 1997-I).

    45.  Le juge doit lui-même respecter le principe du contradictoire, notamment lorsqu’il tranche un litige sur la base d’un motif invoqué d’office ou d’une exception soulevée d’office (voir, mutatis mutandis, Skondrianos c. Grèce, nos 63000/00, 74291/01 et 74292/01, §§ 29-30, 18 décembre 2003 ; Clinique des Acacias et autres c. France, nos 65399/01, 65406/01, 65405/01 et 65407/01, § 38, 13 octobre 2005 ; Prikyan et Angelova c. Bulgarie, no 44624/98, § 42, 16 février 2006 ; Amirov c. Arménie (déc.), no 25512/06, 18 janvier 2011). Dans des affaires pénales et disciplinaires, ledit principe exige qu’une juridiction faisant usage de son droit de requalifier les faits donne la possibilité à la personne poursuivie d’exercer ses droits de défense au regard de la nouvelle qualification d’une manière concrète et effective, par exemple en rouvrant les débats (Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 62, CEDH 1999-II ; D.M.T. et D.K.I. c. Bulgarie, no 29476/06, § 83, 24 juillet 2012).

    46.  Certes, comme le souligne le Gouvernement, le droit à une procédure contradictoire ne revêt pas un caractère absolu et son étendue peut varier en fonction notamment des spécificités de la procédure en cause. Dans quelques affaires aux circonstances très particulières, la Cour a estimé, par exemple, que la non-communication d’une pièce de la procédure et l’impossibilité pour le requérant de la discuter n’avaient pas porté atteinte à l’équité de la procédure, dans la mesure où cette faculté n’aurait eu aucune incidence sur l’issue du litige et où la solution juridique retenue ne prêtait guère à discussion (Stepinska c. France, no 1814/02, § 18, 15 juin 2004 ; Salé c. France, no 39765/04, § 19, 21 mars 2006 ; Verdú Verdú, précité, § 28).


  46.   De même, dans des cas où une juridiction pénale avait requalifié d’office les faits reprochés à un accusé, la Cour n’a conclu à une violation du droit à un procès équitable qu’après avoir vérifié que la requalification n’était pas suffisamment prévisible pour l’accusé (Pélissier et Sassi, précité, §§ 57-61 ; Sadak et autres c. Turquie, nos 29900/96, 29901/96, 29902/96 et 29903/96, §§ 52-56, CEDH 2001-VIII ; Drassich c. Italie, no 25575/04, §§ 37-39, 11 décembre 2007 ; D.M.T. et D.K.I. c. Bulgarie, précité, § 82). On peut en déduire qu’il n’y aurait pas de violation du droit à un procès équitable si l’accusé avait effectivement pu prévoir la requalification.
  47. 48.  L’élément déterminant est donc la question de savoir si une partie a été « prise au dépourvu » par le fait que le tribunal a fondé sa décision sur un motif invoqué d’office (Villnow c. Belgique (déc.), no 16938/05, 29 janvier 2008 ; Clinique des Acacias et autres, précité, § 43). Une diligence particulière s’impose au tribunal lorsque le litige prend une tournure inattendue, d’autant plus s’il s’agit d’une question laissée à la discrétion du tribunal. Le principe du contradictoire commande que les tribunaux ne se fondent pas dans leurs décisions sur des éléments de fait ou de droit qui n’ont pas été discutés durant la procédure et qui donnent au litige une tournure que même une partie diligente n’aurait pas été en mesure d’anticiper.

    49.  Les principes rappelés ci-dessus s’appliquent notamment aux décisions en matière de frais. Certes, il s’agit d’un aspect subsidiaire du procès, ce qui peut justifier que le tribunal ne soit pas obligé de soumettre à discussion tous les éléments de fait ou de droit déterminants pour sa décision sur cet aspect du litige. Le principe du contradictoire ne saurait toutefois être mis à l’écart complètement (Beer, précité, § 18). Même si la possibilité pour les parties de présenter leur point de vue sur la question des frais peut être limitée, il n’en demeure pas moins qu’elles ne doivent pas être surprises par une tournure inattendue et imprévisible (Askon AD, précité, §§ 30-32).

    50.  Enfin, il échet de rappeler que, si le droit à une procédure contradictoire a été méconnu à un stade déterminé de la procédure, il n’est pas exclu qu’une juridiction supérieure soit à même de redresser toute défaillance (Dallos c. Hongrie, no 29082/95, §§ 47-53, CEDH 2001-II ; Amirov c. Azerbaijan (déc.), no 25512/06, 18 janvier 2011).

    b)  Application des principes au cas d’espèce


  48.   Selon l’article 142 § 1 du CPC, c’est normalement la partie succombante qui supporte les frais de procédure de la partie gagnante. L’article 150 du CPC autorise les tribunaux à faire une exception à cette règle lorsqu’il existe des raisons méritant une considération particulière. Selon l’interprétation donnée à cette disposition par les juridictions nationales, pareille exception permet aux tribunaux, lorsqu’ils rendent leur décision sur les frais, de tenir compte notamment de l’impact qu’aura cette décision sur la situation patrimoniale, sociale et personnelle des parties à la procédure, des circonstances ayant mené à l’ouverture de la procédure ou encore de la conduite des parties durant celle-ci, et d’adapter leur décision en conséquence. Se fondant sur cette disposition, le tribunal municipal a décidé en l’espèce de mettre les frais de procédure exposés par le requérant à sa charge, sans toutefois lui avoir offert la possibilité de prendre position à cet égard.

  49.   Il ne prête pas à controverse que le tribunal municipal avait le pouvoir d’appliquer d’office l’article 150 du CPC. N’est pas en jeu non plus, sous l’angle du droit à une procédure contradictoire, la question de savoir si le tribunal s’est fondé sur des motifs arbitraires ou manifestement déraisonnables (voir, au sujet d’une disposition similaire à celle de l’article 150 du CPC, Pyrobatys, A.S. v reštrukturalizácii c. Slovaquie (déc.), no 40050/06, § 65, 3 novembre 2011). Sous l’angle du droit à une procédure contradictoire, le seul point en litige est le fait que les parties n’ont pas été informées de ce que le tribunal municipal envisageait d’avoir recours à l’article 150 du CPC.

  50.   Ce qui caractérise l’article 150 du CPC, c’est qu’il contient une règle qui permet de déroger à une règle de principe, à savoir la règle selon laquelle la partie succombante doit rembourser les frais de la partie gagnante, posée à l’article 142 § 1 du CPC. En plus, l’application de l’article 150 du CPC, même si elle est soumise à certaines conditions, dépend entièrement de la discrétion du tribunal : dans tous les cas il peut appliquer la règle générale ; si les conditions sont remplies, il peut aussi préférer d’appliquer la règle dérogatoire.

  51.   Un élément à prendre en considération est le fait que, selon la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, un tribunal qui envisage d’avoir recours à l’article 150 du CPC a l’obligation de « créer un espace procédural » permettant aux parties de donner leur point de vue sur l’application éventuelle de cette disposition (voir paragraphe 21 ci-dessus). Même si un avocat averti connaît la possibilité qu’a le tribunal d’appliquer l’article 150 et même s’il peut toujours estimer utile de développer spontanément le point de vue de son client à cet égard, il n’en demeure pas moins que sur base de la jurisprudence précitée il peut aussi légitimement s’attendre à être explicitement invité à prendre position sur ce point. On ne saurait donc reprocher à une partie, comme le requérant en l’espèce, qu’elle se limite à demander l’application de la règle générale de l’article 142 § 1 du CPC.

  52.   Pour faire application de l’article 150 du CPC au détriment du requérant, le tribunal municipal s’est référé au fait que celui-ci était le représentant statutaire du débiteur de la partie adverse. La Cour est d’avis que le requérant ne devait pas nécessairement anticiper que cet élément factuel revêtirait une signification déterminante pour la décision sur les frais de procédure. Elle estime également que le requérant ne devait pas nécessairement s’attendre à se voir opposer le principe des bonnes mœurs dans une procédure qu’il n’avait pas intentée et dans laquelle le demandeur avait succombé pour cause objective de prescription.

  53.   La Cour constate enfin que l’enjeu du règlement des frais n’était pas négligeable (voir, mutatis mutandis, Clinique des Acacias et autres, précité, § 42). Les frais de procédure exposés par le requérant s’élevaient, selon lui, à un montant total de 2 954 360 CZK (environ 113 700 EUR) (voir paragraphe 63 ci-dessous). Si le tribunal s’en était tenu à l’application de la règle générale prévue par l’article 142 § 1 du CPC, le requérant aurait pu recevoir le remboursement de ce montant, sous réserve de sa vérification par le tribunal. Du fait de l’application de l’article 150 du CPC, ces frais sont restés à charge du requérant.

  54. .  Eu égard au système légal en matière des frais, à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en matière de respect du droit à un procès équitable, à la nature des éléments sur lesquels la décision du tribunal municipal sur les frais est fondée et à l’enjeu de la question pour le requérant, la Cour estime que le droit à une procédure contradictoire impliquait en l’espèce que le requérant avait droit à être explicitement invité à faire valoir, en temps utile, son point de vue sur l’application éventuelle de l’article 150 du CPC.

  55. .  Selon le Gouvernement, même si le requérant avait eu la possibilité de faire valoir son point de vue, la décision du tribunal municipal n’aurait pas été différente. La Cour ne peut pas souscrire à cet argument. Elle n’a pas à apprécier le bien-fondé des moyens de défense que le requérant aurait pu invoquer s’il avait eu la possibilité de faire valoir son point de vue. Elle relève simplement que, le pouvoir du tribunal étant discrétionnaire, il peut être raisonnablement soutenu que le requérant aurait pu invoquer des éléments militant en faveur de l’application de la règle prévue par l’article 142 § 1 du CPC (voir, mutatis mutandis, Pélissier et Sassi, précité, § 60 ; Sadak et autres, précité, § 55 ; Prikyan et Angelova, précité, § 50 ; Drassich, précité, § 40 ; D.M.T. et D.K.I. c. Bulgarie, précité, § 82 ; et, a contrario, Holub c. République tchèque (déc.), no 24880/05, 14 décembre 2010).

  56.   Par ailleurs, la Cour ne souscrit pas non plus à l’argument du Gouvernement qui semble soutenir que le requérant a obtenu un certain redressement du fait d’avoir pu formuler ses objections quant à l’application de l’article 150 du CPC dans son recours constitutionnel. Elle rappelle à cet égard que la Cour constitutionnelle se limite à un examen de questions de constitutionnalité et qu’en l’espèce, conformément à sa jurisprudence bien établie (voir paragraphe 22 ci-dessus), elle a explicitement considéré qu’en examinant la décision sur les frais de procédure elle devait agir avec un maximum de retenue et n’annuler cette décision qu’en cas de violation exceptionnellement grave du droit au procès équitable ou d’un autre droit (voir paragraphe 14 ci-dessus). La Cour constitutionnelle, qui avait un pouvoir beaucoup plus limité que le pouvoir discrétionnaire dont disposait le tribunal municipal, n’a donc pas pu redresser - et n’a pas redressé - l’iniquité de la procédure au stade de l’appel.

  57. .  Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure qu’une atteinte a été portée au droit du requérant à un procès équitable. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
  58. 61.  Eu égard à ce constat de violation, la Cour n’estime pas nécessaire d’examiner les doléances du requérant relatives au bien-fondé de la décision du tribunal municipal et à la décision rendue en l’espèce par la Cour constitutionnelle.

    II.  SUR L’APPLICATION DES ARTICLES 41 ET 46 DE LA CONVENTION

    62.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    Aux termes de l’article 46 de la Convention,

    « 1.  Les Hautes Parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties.

    2.  L’arrêt définitif de la Cour est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l’exécution. »

    A.  Dommage


  59. .  Au titre du préjudice matériel, le requérant réclame la somme de 2 954 360 CZK (environ 113 700 EUR) que le tribunal municipal aurait dû ordonner à la partie adverse de lui payer au titre des frais d’appel et des frais d’avocat calculés selon le tarif d’avocats. Il ne formule pas de demande au titre du préjudice moral.

  60. .  Le Gouvernement note en particulier qu’on ne saurait spéculer sur ce qu’aurait été la décision sur les frais de procédure si le requérant avait pu s’exprimer sur ce point ; il n’est donc pas certain selon lui que le requérant ait subi une perte de chances réelles. Il observe également que le requérant n’a présenté aucun document attestant qu’il avait réellement engagé lesdits frais d’avocat et qu’il n’explique pas comment ceux-ci ont été calculés. Selon le Gouvernement, ces frais auraient dû s’élever à 325 208 CZK (environ 12 650 EUR) pour la représentation en première instance et à 628 224 CZK (environ 24 410 EUR) pour la représentation en appel.

  61. .  La Cour note qu’en l’espèce, la seule base à retenir pour l’octroi d’une satisfaction équitable réside dans le fait que le requérant n’a pas bénéficié des garanties d’un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. En ce qui concerne le dommage matériel allégué, la Cour ne saurait spéculer sur le résultat auquel la procédure devant le tribunal municipal aurait abouti si l’infraction à la Convention n’avait pas eu lieu. Il n’y a donc pas lieu d’accorder au requérant une indemnité à ce titre.

  62.   En même temps, la Cour rappelle qu’en cas de violation de l’article 6 de la Convention, il découle de l’article 46 § 1 de la Convention que le requérant doit être placé, autant que possible, dans une situation équivalant à celle dans laquelle il se trouverait s’il n’y avait pas eu manquement aux exigences de cette disposition (Lungoci c. Roumanie, no 62710/00, § 55, 26 janvier 2006 ; Askon AD, précité, § 39).

  63. .  Dans ce contexte, la Cour note que le 1er janvier 2013 est entrée en vigueur la loi no 404/2012 par laquelle a été amendé, entre autres, l’article 119 § 1 de la loi no 182/1993 sur la Cour constitutionnelle. Cette disposition permet désormais de demander la réouverture de la procédure devant la Cour constitutionnelle à celui qui a été partie à toute procédure (non seulement pénale), lorsqu’il obtient d’une juridiction internationale le constat que ses droits de l’homme ou libertés fondamentales ont été violés par les autorités publiques. Si, à la suite d’une telle demande de réouverture, la Cour constitutionnelle annule sa décision antérieure, elle procède à un nouvel examen du recours constitutionnel initial, lors duquel elle est liée par l’opinion de la juridiction internationale.
  64. B.  Frais et dépens


  65. .  Le requérant ne demande pas de remboursement de frais et dépens.
  66. PAR CES MOTIFS, LA COUR,

    1.  Déclare, à la majorité, la requête recevable ;

     

    2.  Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 septembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Claudia Westerdiek Mark Villiger
    Greffière Président

     

    Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge Pejchal.

     

    M.V.
    C.W.

     

     


    OPINION partiellement concordante et partiellement dissidente du juge PEJCHAL

    (Traduction)

    J’approuve pleinement mes collègues d’avoir rejeté la demande de satisfaction équitable formulée par le requérant.

    Toutefois, je suis au regret de ne pouvoir souscrire à leurs conclusions quant à la recevabilité de la requête et à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. J’estime pour ma part que la requête est manifestement mal fondée.

    Le présent arrêt cite plusieurs décisions de la Cour constitutionnelle tchèque. Je me félicite que de larges extraits de l’arrêt pertinent de la Cour constitutionnelle y aient été traduits. Toutefois, il me faut rappeler les termes de l’article 150 du code de procédure civile, selon lesquels le tribunal peut à titre exceptionnel ne pas accorder le remboursement de tout ou partie des frais de justice lorsque pareille mesure se justifie par des raisons méritant une considération particulière (texte tchèque: Jsou-li tu důvody hodné zvláštního zřetele, nemusí soud výjimečně náhradu nákladů řízení zcela nebo zčásti přiznat).

    Dans l’arrêt qu’elle a rendu dans la présente affaire, la Cour constitutionnelle s’est exprimée ainsi (selon la traduction française figurant dans le présent arrêt) : « [d]ans la présente affaire, on ne peut cependant pas conclure qu’en décidant d’appliquer l’article 150 du CPC le tribunal municipal n’a pas pesé toutes les circonstances de l’affaire. Dans le cadre de sa discrétion il a examiné et le montant total des frais de procédure, et les conditions patrimoniales des parties et l’impact possible de l’octroi ou du non-octroi du remboursement des frais de procédure sur telle ou telle partie. Sa conduite est motivée de manière suffisamment convaincante, et on comprend à partir des motifs de son arrêt quel était son raisonnement. Sa conclusion selon laquelle l’octroi du remboursement des frais de procédure au requérant - dans une situation où il avait en tant que représentant statutaire de la société S. obtenu du plaignant une somme de millions de CZK, recouvrée seulement dans une partie minime dans la procédure collective - serait contraire aux bonnes mœurs ne peut pas, compte tenu de ce qui a été dit (circonstances datant d’avant l’introduction de l’instance qui ont mené à la saisine du tribunal) être critiquée sur le plan constitutionnel ».

    A mes yeux, l’élément que mes collègues ont reconnu comme déterminant au paragraphe 54 de l’arrêt est dépourvu de pertinence. Je cite : « [u]n élément à prendre en considération est le fait que, selon la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, un tribunal qui envisage d’avoir recours à l’article 150 du CPC a l’obligation de « créer un espace procédural » permettant aux parties de donner leur point de vue sur l’application éventuelle de cette disposition ». Mais en réalité, tout procès - dès lors qu’il est exempt d’arbitraire - crée un espace procédural pour les parties. La Cour constitutionnelle a fait état de l’obligation de créer un « espace procédural » à propos d’erreurs autrement plus graves des juridictions inférieures, elle n’en a jamais fait une obligation autonome. Du point de vue constitutionnel, l’obligation de créer un « espace procédural » n’existe pas en soi. Sur ce point, la jurisprudence de principe de la Cour constitutionnelle tchèque, qui diffère quelque peu de la position adoptée par mes éminents collègues, énonce que « [l]e but de la disposition de l’article 150 du code de procédure civile n’est pas de réduire les disparités patrimoniales entre les parties à la procédure mais de résoudre une situation où il n’est pas juste que celui qui a à raison défendu ses droits ou intérêts légitimes obtienne le remboursement des frais exposés à cette fin. La décision en vertu de laquelle celui qui a eu gain de cause supporte lui-même ses frais apparaîtra juste notamment au vu des circonstances ayant précédé la procédure, du comportement des parties à ce stade, des circonstances entourant l’introduction de l’instance » (arrêt no I. ÚS 2862/07). Cette énonciation revêt une importance capitale pour la présente affaire, car c’est bien le comportement du requérant au stade de la procédure antérieur au procès qui se trouvait ici en cause. La jurisprudence pertinente énonce aussi que « le juge ordinaire a compétence exclusive pour déterminer laquelle des parties au procès a eu gain de cause et statuer en conséquence sur les frais de justice. Il n’appartient pas à la Cour constitutionnelle d’examiner en détail toutes les décisions rendues par les juridictions ordinaires sur les frais. Seules échappent à ce principe les décisions des tribunaux ordinaires entachées d’un vice de procédure allant au-delà d’une simple irrégularité - à laquelle la Cour constitutionnelle n’a pas pour tâche de remédier - et s’analysant en une violation flagrante des principes de justice » (texte tchèque : Je zásadně výlučnou doménou obecných soudů, aby posuzovaly úspěch stran řízení ve věci a podle toho také rozhodovaly o nákladech řízení. Ústavní soud není oprávněn v detailech přezkoumávat každé jednotlivé rozhodnutí obecných soudů o nákladech řízení. To neplatí pouze tehdy, pokud by došlo v rozhodnutí obecného soudu k procesnímu excesu, který by neměl toliko povahu běžného porušení jednoduchého práva, jehož náprava není úkolem Ústavního soudu, nýbrž by naopak měl charakter extrémního rozporu s principy spravedlnosti.) (arrêt no II. US 607/04). Toutefois, on ne saurait dire qu’il y a eu en l’espèce un « vice de procédure s’analysant en une violation flagrante des principes de justice ».

    J’estime que la Cour doit se borner à statuer sur des violations alléguées de la Convention. Elle ne peut substituer à la formation plénière de la Cour constitutionnelle d’une Haute Partie contractante par voie d’arrêts de règlement. Son intervention doit rester subsidiaire. En l’espèce, la Cour a examiné des arrêts rendus par des chambres de la Cour constitutionnelle composées de trois juges, non des arrêts de principe adoptés par la formation plénière (composée de 15 juges) de cette même Cour. C’est l’une de ces chambres de la Cour constitutionnelle qui a jugé que la décision rendue par la juridiction ordinaire dans la présente affaire n’était pas arbitraire. Il me faut rappeler que la décision en question a la même valeur que l’arrêt rendu par la chambre de la Cour constitutionnelle sur lequel notre Cour s’est fondée pour statuer en l’espèce. Les décisions et arrêts rendus par la Cour constitutionnelle tchèque n’ont pas valeur de précédents. Les juridictions ordinaires tchèques interprètent la loi, non les décisions et arrêts rendus par la Cour constitutionnelle dans des cas d’espèce.

    A mes yeux, il n’y a pas eu violation de la Convention dans la présente affaire. Je tiens à souligner que la conclusion à laquelle la Cour est parvenue ne se concilie guère avec le fait que le requérant a toujours eu connaissance de l’article 150 et qu’il pouvait demander au juge, dans ses observations ou à l’audience, d’écarter cette disposition. Le vieil adage romain vigilantibus iura scripta sunt me paraît judicieux en l’espèce.

     


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