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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> KOUTALIDIS v. GREECE - 18785/13 - Chamber Judgment (French text) [2014] ECHR 1335 (27 November 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/1335.html
Cite as: [2014] ECHR 1335

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE KOUTALIDIS c. GRÈCE

     

    (Requête no 18785/13)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

    STRASBOURG

     

     

     

     

    27 novembre 2014

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Koutalidis c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

              Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
              Elisabeth Steiner,
              Khanlar Hajiyev,
              Mirjana Lazarova Trajkovska,
              Julia Laffranque,
              Paulo Pinto de Albuquerque,
              Linos-Alexandre Sicilianos, juges,
    et de Søren Nielsen, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 novembre 2014,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 18785/13) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet État, M. Vladimiros Koutalidis (« le requérant »), a saisi la Cour le 11 mars 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le requérant a été représenté par Me N. Dialynas, avocat à Thessalonique. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par la déléguée de son agent, Mme M. Yermani, auditrice auprès du Conseil juridique de l’État.

    3.  Le requérant allègue des violations des articles 3, 5 § 3 et 13 de la Convention, relatives à sa détention à la prison de Diavata, ce qui aurait causé une détérioration de son état de santé.

    4.  Le 29 août 2013, la requête a été communiquée au Gouvernement.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  Le requérant est né en 1980 et réside à Thessalonique.

    A.  La détention provisoire du requérant

    6.  À l’origine de l’affaire, le requérant fut accusé (avec six autres personnes) de onze infractions, dont les plus graves étaient la direction d’une bande criminelle organisée, le trafic de stupéfiants et la tentative d’homicide de deux supporters d’une équipe de football, rivale de la sienne dont il était par ailleurs salarié. Il fut mis en détention provisoire à partir du 22 juin 2012, en vertu d’un mandat du juge d’instruction émis le 18 juin 2012 au motif :

    a)  qu’il existait des indices suffisants accréditant la commission par le requérant des infractions dont il était accusé ;

    b)  que compte tenu des caractéristiques particulières des actes commis et du fait qu’ils l’avaient été dans le cadre de l’activité d’une bande criminelle dont il avait la direction, il y avait un risque sérieux que le requérant commette de nouvelles infractions du même type s’il était mis en liberté.

    7.  Le 25 juin 2012, le requérant introduisit un recours contre le mandat de mise en détention, invoquant parmi les motifs en faveur de sa mise en liberté sa qualité de toxicomane et son effort de suivre un programme de désintoxication. Toutefois, à une date non précisée, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel de Thessalonique rejeta le recours.

    8.  Le 29 novembre 2012, le requérant déposa auprès de la chambre d’accusation des observations tendant à ne pas voir sa détention prolongée au-delà de six mois. Entre autres, il soulignait que le maintien en détention risquait de provoquer un dommage irréparable à sa santé, qui était déjà affectée en raison d’une sclérose en plaques multiple, maladie incurable et dégénérative. Il joignait les certificats médicaux émis par son médecin traitant, le professeur de neurologie N.V., et énumérait ses symptômes, tels la faiblesse musculaire, la perte de la vue, l’instabilité, l’incontinence, la fatigue, les vertiges et la dépression.

    9.  Le 30 novembre 2012, la chambre d’accusation prolongea la détention du requérant jusqu’au 12 juin 2013 (décision no 1401/2012). Elle releva qu’il y avait des indices sérieux de culpabilité du requérant et que les infractions qui lui étaient imputées étaient des crimes passibles de vingt ans de réclusion. Elle souligna aussi que le requérant risquait de commettre de nouvelles infractions, similaires à celles déjà commises, s’il était élargi. La chambre d’accusation entérina la proposition du procureur à cet égard. Ce dernier soulignait en fait que les caractéristiques particulières des infractions commises, l’organisation et la structure de la bande dont le requérant faisait partie, l’efficacité avec laquelle les infractions avaient été conçues et exécutées, démontraient la prédisposition, l’empressement et la tendance de celui-ci à commettre des infractions similaires dès que l’occasion se présenterait.

    10.  La décision détaillait sur deux pages les éléments qui démontraient la participation du requérant à la commission des infractions qui lui étaient reprochées, et en particulier :

    -  le rôle dirigeant que le requérant jouait dans la bande ayant commis les infractions litigieuses, qui ressortait du fait qu’il possédait les clés du bureau de l’association et était impliqué activement dans le fonctionnement, la gestion et les finances de celle-ci ;

    -  les agressions commises par le requérant et les instruments dont il s’était servi (torche, revolver, bombe à gaz, poing américain, barre de fer etc.) ;

    -  le fait que le requérant avait commis de manière répétée et par profession les crimes d’achat, de possession et de trafic de stupéfiants ;

    -  l’habileté dont il avait fait preuve dans la conception de ses actes ;

    -  le caractère vil des mobiles de ces actes ;

    -  l’absence de toute barrière morale ;

    -  le fait que ces actes étaient attestés par les éléments de preuve recueillis jusqu’alors, y compris les communications téléphoniques du requérant.

    11.  Le 29 janvier 2013, le requérant demanda sa mise en liberté sous condition. Il se fondait sur la dégradation de son état de santé et sur le caractère vague des accusations portées contre lui, ce qui ressortait, selon lui de la décision no 565/2012 de la chambre d’accusation du tribunal correctionnel qui avait rejeté une demande du procureur tendant à maintenir les écoutes des conversations téléphoniques du requérant et de quelques autres suspects. Il soulignait que la chambre d’accusation avait relevé qu’après six mois d’écoutes, il n’avait été rapporté qu’un seul incident violent, dans lequel semblait impliqué seulement l’un de sept suspects.

    12.  Quant à la dégradation de son état de santé, il se prévalait de l’article 3 de la Convention, de l’arrêt Serifis c. Grèce (no 27695/03, 2 novembre 2006) et d’autres arrêts de la Cour. Il soulignait que les symptômes de sa maladie s’étaient manifestés pour la première fois pendant sa détention, que le traitement qu’il suivait diminuait les défenses de son organisme, que les autorités de la prison avaient fait preuve d’un manque de diligence dans le suivi de sa maladie et que les piqûres d’interféron devaient lui être administrées dans un environnement stérile.

    13.  Le requérant joignait 43 documents relatifs à ses analyses et diagnostics médicaux ainsi que plusieurs avis, non seulement de son médecin traitant à l’hôpital « G. Papanikolaou », le professeur N.V., mais aussi deux autres avis établis par deux autres médecins, un neurologue et un professeur de neurochirurgie à l’université de Thessalonique, lesquels soulignaient le caractère inadéquat de la prison pour le traitement du requérant et le risque accru de récidive des symptômes en cas de maintien en détention de celui-ci.

    14.  Par une décision no 40/2013 du 28 février 2013, le juge d’instruction entérina la proposition du procureur adjoint et rejeta la demande. Il souligna que les preuves recueillies démontraient « l’absence de tout regret et de toute inhibition de la part du requérant », que des indices sérieux de culpabilité persistaient et que si le requérant était élargi, il était fort probable qu’il commette d’autres crimes similaires. A cet égard, il renvoya à la proposition du procureur adjoint qui préconisait le maintien en détention en raison non seulement de la gravité des infractions, mais aussi du caractère vil et insignifiant des mobiles de celles-ci. Selon le procureur adjoint, le comportement criminel du requérant démontrait sa prédisposition à la délinquance et une personnalité potentiellement menaçante pour l’ordre public.

    D’autre part, le juge d’instruction considéra que le traitement de la sclérose en plaques, maladie évoluant lentement, pouvait se faire au sein de la prison car les symptômes (fatigue, faiblesse des muscles et sentiment de maladresse) pouvaient être atténués par le renforcement de la condition physique (par la gymnastique) et de la fonction intellectuelle (par la lecture) et, en tout cas, par le traitement pharmaceutique dispensé à la prison ou à l’hôpital où le requérant pourrait être transféré en cas de besoin.

    15.  Le requérant fut finalement mis en liberté sous condition le 3 juin 2013 en application d’une nouvelle décision (no 571/2013) de la chambre d’accusation du tribunal correctionnel de Thessalonique - décision rendue dans le cadre de l’examen périodique du respect des conditions justifiant le maintien en détention, prévu par l’article 287 du code de procédure pénale.

    16.  En substance, cette décision était motivée comme suit :

    Les conditions légales énumérées de manière limitative au paragraphe 3 de l’article 282 du code de procédure pénale ne se trouvaient plus réunies dans le cas des accusés pour justifier leur maintien en détention. À eux seuls, la gravité de l’infraction et les indices sérieux de culpabilité ne suffisaient pas pour justifier la détention provisoire. Les circonstances exceptionnelles qui étaient nécessaires pour prolonger la détention au-delà d’un an ou de six mois (en fonction des accusés) faisaient défaut en l’espèce. Comme aucun des sept accusés ne présentait d’élément de dangerosité ou de risque de commission de nouvelles infractions, il n’était pas nécessaire de leur imposer la mesure contraignante la plus stricte, car la détention provisoire n’avait pas une vocation punitive, mais tendait à prévenir tout nouveau comportement criminel de la part des accusés ainsi que leur fuite éventuelle. Or, tous les accusés avaient une résidence connue, un travail, un cercle social et un environnement familial pouvant jouer un rôle de soutien, n’avaient jamais été contumax ou en fuite et n’avaient pas commis d’acte répréhensible dans la prison. La période pendant laquelle les accusés étaient restés en détention avait suffi pour empêcher chacun d’entre eux de commettre à nouveau les mêmes infractions. Sauf à prendre indûment une couleur répressive, le maintien en détention n’était plus compatible avec le principe de la proportionnalité.

    B.  L’état de santé du requérant

    17.  Lors de son admission à la prison, le requérant déclara qu’il était porteur de l’hépatite C. Il fut placé à sa demande dans le dortoir A18 car il le connaissait pour y avoir été détenu aussi dans le passé. Selon le Gouvernement, il ne demanda jamais à être transféré dans un dortoir non-fumeurs.

    18.  Le 13 octobre 2012, il se plaignit auprès des agents pénitentiaires qu’il avait des engourdissements et des vertiges. Il fut transféré le jour même à l’hôpital public « Ippokrateio », mais l’examen clinique ne révéla pas de signes pathologiques.

    19.  Le 17 octobre 2012, le requérant se plaignit à nouveau des mêmes maux et fut transféré au dispensaire de la prison, où il fut décidé de lui faire passer une IRM cérébrale. Rendez-vous fut pris pour le 1er novembre 2012 à l’hôpital « Papageorgiou ». À cette date, le requérant fut soumis à une IRM et les médecins décidèrent de faire des examens cliniques supplémentaires.

    20.  Le 28 novembre 2012, il fut examiné à la clinique neurologique de l’hôpital « G. Papanikolaou » par un professeur de neurologie de l’université de Thessalonique, N. V., qui diagnostiqua que le requérant était atteint d’une sclérose multiple (sclérose en plaques). Toutefois, le professeur précisait dans son rapport qu’à des fins de diagnostic différentiel (pour éviter une confusion avec des maladies aux symptômes similaires), le requérant devait être soumis à un contrôle hématologique complet.

    21.  Le 10 décembre 2012, le directeur de la prison émit un ordre de transfert du requérant au même hôpital, dans lequel il indiquait comme but du transfert « une probable sclérose en plaques à investiguer » et invitait l’hôpital à faire « le nécessaire pour le rétablissement de la santé » du requérant.

    22.  Le 11 décembre 2012, il y fut admis pour y subir des examens et un traitement (par piqûre intraveineuse) jusqu’au 19 décembre 2012. Le diagnostic final confirmait que le requérant était atteint d’une « sclérose multiple » (sclérose en plaques).

    23.  Le 19 décembre 2012, à la demande des autorités de la prison, le requérant fut transféré au dispensaire de la prison afin d’y poursuivre son traitement. L’exeat de l’hôpital indiquait que l’état de santé du requérant s’était amélioré.

    24.  Le 21 décembre 2012, le requérant se plaignit d’engourdissements et de vertiges. Il fut admis à nouveau à l’hôpital « G. Papanikolaou », où il resta jusqu’au 7 janvier 2013, date à laquelle il retourna en prison. L’exeat de l’hôpital indiquait que le médecin traitant avait constaté une amélioration de l’état du requérant. Un rapport de son médecin traitant, daté du 28 décembre 2012, précisait que pendant le traitement, le requérant ne devait ni fumer ni boire de l’alcool et ne pas séjourner dans un espace partagé avec des fumeurs, et recommandait une hospitalisation de quinze jours. Il préconisait un traitement par cortisone et interféron administré par injection pendant six mois.

    25.  Le requérant produit deux rapports médicaux établis à la demande de son avocat les 8 et 11 janvier 2013 par un neurologue et un professeur de neurochirurgie de l’université de Thessalonique. Le premier soulignait le risque d’infection dans l’environnement d’une prison surpeuplée et la détérioration de l’état de santé du requérant qui pourrait en résulter. Le deuxième soulignait que le traitement administré au requérant affaiblissait son système immunitaire, ce qui, combiné avec un séjour dans des conditions d’hygiène inappropriées, risquait de provoquer des poussées de sclérose en plaques et aggraver les troubles de motricité du requérant.

    26.  Le 13 janvier 2013, le requérant fit l’objet d’un examen par le psychiatre de la prison, à la suite d’une proposition de son médecin traitant, le professeur N.V. L’examen releva que le requérant souffrait d’une humeur dépressive et un traitement pharmaceutique approprié lui fut administré.

    27.  Le requérant persista à se plaindre d’une recrudescence de ses symptômes dus à la sclérose en plaques et demanda par écrit aux autorités de la prison de l’autoriser à se faire examiner par le professeur N.V.

    Informé de cette demande, ce dernier répondit le 20 février 2013 qu’il avait la possibilité de recevoir le requérant le 22 février 2013, à 10 heures. Toutefois, la visite n’eut pas lieu à cette date car un interrogatoire supplémentaire devant le juge d’instruction était déjà fixé depuis le 15 février 2013.

    28.  Le requérant fut transféré à l’hôpital « G. Papanikolaou » le 1er mars 2013 et examiné à la clinique neurologique. Le professeur N.V. envoya une note au directeur de la prison, dans laquelle il affirmait que le requérant présentait une amélioration en ce qui concerne la sclérose, mais que son état était aggravé en raison d’une dépression réactionnelle.

    29.  Le 4 mars 2013, le conseil de la prison autorisa l’examen du requérant par le médecin de son choix, en l’occurrence le neurologue qui l’avait examiné déjà le 8 janvier 2013.

    Ce nouvel examen eut lieu le 21 mars 2013. Dans son rapport du 28 mars 2013 à l’issue de celui-ci, le médecin indiqua :

    -  que le requérant présentait une aggravation de ses problèmes de vue et de motricité, souffrait de dépression ainsi que des effets secondaires des piqûres d’interféron ;

    -  qu’il était nécessaire de le soumettre à un examen par scanner de la cage thoracique ainsi qu’à un test des champs visuels, afin de contrôler l’étendue des dommages causés au système nerveux ;

    -  que le requérant devait suivre un programme systématique de kinésithérapie pour faire face à ses problèmes de motricité et éviter qu’ils s’installent de manière pérenne ;

    -  que les structures d’un établissement pénitentiaire ne se prêtaient pas au suivi médical qui était nécessaire dans le cas du requérant, et que l’environnement (risque de transmission de maladies infectieuses, conditions d’asepsie inadéquates) était inapproprié pour un malade soumis tous les deux jours à un traitement injectable avec des effets secondaires.

    30.  Le 18 avril 2013, le requérant fut soumis à un nouveau contrôle hématologique, comme l’avait préconisé le professeur N.V. au moment de la sortie du requérant de l’hôpital le 7 janvier 2013.

    II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

    31.  Pour le droit interne pertinent voir parmi beaucoup d’autres l’arrêt Christodoulou et autres c. Grèce (no 80452/12, 5 juin 2014). Plus particulièrement l’article 282 du code de procédure pénale, tel qu’il était en vigueur à l’époque des faits, disposait :

    Détention provisoire et mesures préventives

    « 1.  Pendant la durée de l’instruction et s’il existe des indices sérieux de culpabilité de l’accusé pour un crime ou un délit punissable d’une peine d’emprisonnement d’au moins trois mois, il est possible d’ordonner des mesures préventives, si cela est jugé absolument nécessaire pour atteindre les buts mentionnés à l’article 296.

    2.  Les mesures préventives consistent en le versement d’une garantie, l’obligation de l’accusé de se présenter périodiquement devant le juge d’instruction ou devant une autre autorité, l’interdiction de se rendre ou d’habiter à un endroit particulier ou à l’étranger, l’interdiction de côtoyer ou de rencontrer certaines personnes.

    3.  La détention provisoire peut être imposée à la place des mesures préventives (...) seulement lorsque l’accusé est poursuivi pour un crime et n’a pas de domicile connu dans le pays ou a pris des dispositions pour faciliter sa fuite (...) ou lorsqu’il a été jugé de façon motivée qu’il est probable (...) [que l’accusé] commette de nouvelles infractions s’il est libéré. La seule gravité de l’acte selon la loi ne suffit pas pour imposer la détention provisoire (...). »

    32.  En outre, l’article 15 § 2 du code pénitentiaire se lit ainsi :

    « Les conditions de détention des prévenus se rapprochent le plus possible des conditions de la vie en liberté. Elles n’entraînent pas d’autres restrictions de la liberté que celles nécessaires au bon déroulement de l’instruction (...) »

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE LARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION

    33.  Le requérant se plaint de la prolongation de sa détention en dépit de son état de santé ainsi que de l’omission des autorités d’examiner la possibilité de prendre des mesures alternatives à la détention. Il allègue une violation de l’article 5 § 3 qui dispose :

    « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. »

    A.  Sur la recevabilité

    34.  La Cour constate que le présent grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Thèses des parties

    35.  Le Gouvernement expose que la détention du requérant a été prolongée en raison de la présence d’indices sérieux de sa culpabilité et du sentiment qu’il était fort probable que l’intéressé reprenne ses activités illégales s’il était élargi. Or, le besoin d’éviter la commission des infractions constitue un motif qui permet le maintien en détention d’un prévenu (Matznetter c. Autriche, arrêt du 10 novembre 1969, série A no 10, §§ 9 et 11).

    36.  Le Gouvernement soutient que les décisions no 1401/2012 et no 40/2013 contenaient des considérations qui se rapportaient au cas individuel du requérant, à sa personnalité, son rôle dirigeant dans l’organisation et ses actes tels que ceux-ci ressortaient des éléments de preuve portés à l’époque à la connaissance des autorités judiciaires.

    37.  Le Gouvernement précise que la décision no 571/2013 n’a pas considéré que les conditions de la mise en détention faisaient défaut dès le début, mais simplement qu’il n’existait plus de motifs pour le maintien de cette mesure. Cette décision n’a pas annulé les décisions 1401/2012 et no 40/2013 ; et si elle s’est écartée des conclusions de celles-ci, c’est parce qu’elle a estimé que le risque pour les accusés de commettre de nouvelles infractions n’existait plus. Le fait que cette décision ait considéré que les motifs ayant justifié la mise en détention avaient disparu ne saurait en soi rendre les décisions initiales contraires à l’article 5 § 3.

    38.  Le requérant affirme qu’à aucun moment les conditions prévues par l’article 282 § 3 du code de procédure pénale pour imposer la détention provisoire ne se trouvaient réunies dans son cas : il n’y avait pas d’indices sérieux de culpabilité, pas de risque de commission de nouvelles infractions, ni de risque de fuite, ni d’antécédents de condamnations pour des infractions similaires. La méconnaissance de l’article susmentionné et les insuffisances de la motivation - excessivement générale - des décisions no 1401/2012 et no 40/2013 sont à ses yeux démontrées par les motifs mêmes de la décision no 571/2013, ce qui d’après lui pourrait donner à penser que ces décisions ont été prises sur le fondement d’articles différents.

    39.  Le requérant prétend que la décision de le mettre en détention, ainsi que les autres coaccusés, obéissait à des impératifs politiques liés à la répression de la violence dans les stades et notamment celle causée par les supporters de l’équipe du PAOK, dont ils faisaient partie.

    2.  Appréciation de la Cour

    a)  Principes généraux

    40.  La Cour rappelle que l’article 5 de la Convention consacre un droit fondamental de l’homme : la protection de l’individu contre les atteintes arbitraires de l’État à sa liberté (Bozano c. France, 18 décembre 1986, § 54, série A n111). La substance même du paragraphe 3 de cette disposition est le droit de rester libre dans l’attente d’un procès pénal. Cette disposition ne peut pas être comprise comme offrant aux autorités judiciaires une option entre jugement dans un délai raisonnable et mise en liberté provisoire. L’objet de l’article 5 § 3 est essentiellement d’imposer la mise en liberté provisoire à partir du moment où le maintien en détention cesse d’être raisonnable (Neumeister c. Autriche, 27 juin 1968, § 14, série A no 8). Dans cette perspective, la Cour considère que la détention provisoire doit apparaître comme la solution ultime, qui ne se justifie que lorsque toutes les autres options disponibles s’avèrent insuffisantes. La Cour renvoie à ce sujet aux derniers mots de l’article 5 § 3 de la Convention, dont il résulte que la libération provisoire de l’accusé doit être ordonnée s’il est possible d’obtenir de lui des garanties assurant sa comparution à l’audience lorsque la détention n’est plus justifiée que par le risque de le voir s’y soustraire par la fuite. Lorsqu’elles sont appelées à se prononcer sur le caractère raisonnable d’une détention au titre de l’article 5 § 1 c), les autorités compétentes ont l’obligation de rechercher s’il n’existe pas de mesures alternatives envisageables, pouvant être substituées à la poursuite de la détention (Jabłoński c. Pologne, no 33492/96, § 83, 21 décembre 2000, Khudoyorov c. Russie, no 6847/02, § 183, CEDH 2005-X, Sulaoja c. Estonie, no 55939/00, 15 février 2005, § 64 in fineLelièvre c. Belgique, no 11287/03, 8 novembre 2007, § 97, et  Vafiadis c. Grèce, no 24981/07, § 50, 2 juillet 2009), notamment si des arguments de poids plaident en faveur de l’élargissement d’un détenu âgé ou à la santé fragile (Nerratini c. Grèce, no 43529/07, § 38, 18 décembre 2008).

    41.  La Cour rappelle aussi que l’existence et la persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d’avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention. Toutefois, au bout d’un certain temps, elle ne suffit plus. La Cour doit dans ce cas établir si les autres motifs adoptés par les autorités judiciaires continuent à justifier la privation de liberté. Dès lors que ceux-ci se révèlent « pertinents » et « suffisants », elle doit également rechercher si les autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure (Labita v. Italy [GC], no. 26772/95, §§ 152-153, ECHR 2000-IV). Les autorités doivent démontrer de manière convaincante que chaque période de détention, aussi courte fût-elle, était justifiée (Chichkov c. Bulgarie, no 38822/97, § 66, CEDH 2003-I et Idalov c. Russie [GC], no 5826/03, § 140, 22 mai 2012). La Cour a aussi à plusieurs reprises considéré que la référence de manière stéréotypée à la gravité des infractions et au risque de commission de nouvelles infractions ne suffit pas pour justifier le maintien en détention ni pour dispenser les autorités d’examiner la situation particulière du requérant et d’envisager des mesures alternatives à la détention (Sutyagin c. Russie, no 30024/02, 3 mai 2011; Khodorkovskiy c. Russie, no 5829/04, 31 mai 2011, Romanova c. Russie, no 23215/02, 11 octobre 2011, Valeriy Samoylov c. Russie, no 57541/09, 24 janvier 2012, et Vyatkin c. Russie, no 18813/06, § 53, 11 avril 2013).

    42.  Il incombe en premier lieu aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans une affaire donnée, la détention provisoire subie par un accusé n’excède pas une durée raisonnable. À cette fin, il leur faut, en tenant dûment compte du principe de la présomption d’innocence, examiner toutes les circonstances de nature à faire admettre ou à faire écarter l’existence d’une exigence d’intérêt public justifiant une dérogation à la règle fixée à l’article 5 et en rendre compte dans leurs décisions relatives aux demandes d’élargissement. C’est essentiellement sur la base des motifs figurant dans lesdites décisions et des faits non contestés indiqués par l’intéressé dans ses moyens que la Cour doit déterminer s’il y a eu ou non violation de l’article 5 § 3 (voir, par exemple, McKay c. Royaume-Uni [GC], no 543/03, § 43, CEDH 2006-X et Idalov, précité, § 141).

    b)  Application de ces principes au cas d’espèce

    43.  En l’espèce, la Cour admet que les soupçons que le requérant avait commis les infractions qui lui étaient reprochées ont pu justifier son placement en détention. D’ailleurs, elle note qu’à l’époque, le diagnostic de sclérose en plaques n’avait pas encore été posé pour le requérant, celui-ci n’invoquait parmi les motifs en faveur de sa mise en liberté que sa qualité de toxicomane et son effort pour suivre un programme de désintoxication. Toutefois, elle ne peut pas admettre que ces soupçons suffisaient à justifier le maintien en détention pendant l’intégralité de la période litigieuse, qui a commencé le 22 juin 2012 et pris fin le 3 juin 2013.

    44.  La Cour note que le 30 novembre 2012, la chambre d’accusation a décidé de prolonger la détention du requérant pour une période supplémentaire de six mois, soit jusqu’au 12 juin 2013. Dans cette décision no 1401/2012, elle relevait qu’il y avait des indices sérieux de culpabilité du requérant et que les infractions qui lui étaient reprochées étaient des crimes passibles de vingt ans de réclusion. Elle soulignait aussi que le requérant risquait de commettre de nouvelles infractions s’il était élargi. Toutefois, elle ne précisait en quoi consistait concrètement ce risque, mais se référait, de manière générale, aux caractéristiques particulières des infractions déjà commises, à l’organisation de la bande dont le requérant faisait partie et à sa prédisposition, supposée, de commettre des infractions similaires dès que l’occasion se présenterait. En outre, elle ne faisait aucune référence aux allégations du requérant selon lesquelles son maintien en détention risquerait de provoquer un dommage irréparable à sa santé, qui avait déjà été affectée en raison d’une sclérose en plaques, maladie incurable et dégénérative. Le requérant avait aussi joint les certificats médicaux émis par son médecin traitant, le professeur de neurologie, N.V., et énumérait ses symptômes, tels la faiblesse musculaire, la perte de la vue, l’instabilité, l’incontinence, la fatigue, les vertiges et la dépression (paragraphe 8 ci-dessus).

    45.  D’autre part, le 28 février 2013, par sa décision no 40/2013, le juge d’instruction a rejeté la demande du requérant tendant au remplacement de sa détention par des mesures moins restrictives. Il a souligné que les preuves recueillies démontraient « l’absence de tout regret et de toute inhibition de la part du requérant », que des indices sérieux de culpabilité persistaient et que si le requérant était élargi, il était fort probable qu’il commette d’autres crimes similaires. A cet égard, il a simplement réitéré de manière abrégée les motifs quelque peu superficiels utilisés dans la décision no 1401/2012 du 30 novembre 2012 tels que la gravité des infractions commises, le caractère vil des mobiles de celles-ci et sa prédisposition à la délinquance.

    46.  Le juge d’instruction a, en outre, considéré que le traitement de la sclérose en plaques, maladie évoluant lentement, pouvait se faire au sein de la prison car les symptômes (fatigue, faiblesse des muscles et sentiment de maladresse) pouvaient être atténués par le renforcement de la condition physique (par la gymnastique) et de la fonction intellectuelle (par la lecture) et, en tout cas, par le traitement pharmaceutique dispensé à la prison ou à l’hôpital où le requérant pourrait être transféré en cas de besoin.

    47.  La Cour note qu’outre ses allégations concernant son état de santé (paragraphe 12 ci-dessus), le requérant joignait, avec sa demande du 29 janvier 2013, 43 documents relatifs à ses analyses et diagnostics médicaux, mais aussi plusieurs avis - non seulement celui de son médecin traitant à l’hôpital « G. Papanikolaou », le professeur N.V., mais aussi deux autres avis établis par deux autres médecins, un neurologue et un professeur de neurochirurgie de l’université de Thessalonique -, qui soulignaient le caractère inadéquat de la prison pour le traitement du requérant et le risque accru de récidive des symptômes en cas de maintien en détention (paragraphes 13 et 25 ci-dessus). Or, le juge d’instruction s’est contenté d’énumérer sur un plan théorique des remèdes qui auraient pu conduire à une rémission de la maladie du requérant, sans que ces conclusions fussent corroborées par les recommandations émises par les médecins qui avaient examiné le requérant les 8 et 11 janvier 2013.

    48.  Pour refuser de libérer le requérant, la Cour constate que les juridictions saisies ont invoqué, avec une certaine constance et de manière quelque peu stéréotypée, comme motif principal, le risque de commission de nouvelles infractions. Pour étayer ce risque, elles invoquaient la gravité des infractions, le caractère vil des mobiles de celles-ci et la prédisposition du requérant à la délinquance. Or, la Cour a des doutes si ces éléments, qui figuraient tous dans le mandat du 18 juin 2012 et qui étaient pertinents et suffisants pour justifier la mise en détention initiale, ont continué à l’être tout au long de l’instruction. De l’avis de la Cour ces éléments ne pouvaient non plus expliquer le risque de commission de nouvelles infractions faute pour la chambre d’accusation et le juge d’instruction d’avoir exposé des considérations de fait sur lesquelles fonder ce risque.

    49.  En outre, la Cour constate que ni la chambre d’accusation ni le juge d’instruction n’ont envisagé d’alternatives à la détention provisoire et n’ont pas répondu aux propositions du requérant tendant à sa mise en liberté assortie de mesures de contrôle.

    50.  Dans la décision no 571/2013 du 3 juin 2013, par laquelle elle a élargi le requérant, la chambre d’accusation a souligné de manière expresse que les conditions légales énumérées de manière limitative à l’article 282 § 3 ne se trouvaient plus réunies dans le cas du requérant (et des autres coaccusés du reste) pour justifier son maintien en détention. Ainsi trois mois environ après le refus du juge d’instruction de mettre fin à la détention du requérant, la chambre d’accusation affirmait que le requérant ne présentait pas d’élément de dangerosité ou de risque de commission de nouvelles infractions et qu’il n’était pas nécessaire de lui imposer la mesure contraignante la plus stricte, puisque la détention provisoire n’est pas censée constituer une peine mais seulement prévenir tout comportement criminel de la part des accusés ou leur fuite éventuelle. La chambre d’accusation a constaté que tous les accusés avaient une résidence connue, un travail, un cercle social et un environnement familial pouvant jouer un rôle de soutien, n’avaient jamais été contumax ou en fuite et n’avaient pas commis d’acte répréhensible dans la prison.

    51.  Par ailleurs, la Cour ne peut s’empêcher de relever une contradiction entre les motifs des décisions no 1401/2012 du 30 novembre 2012, 40/2013 du 28 février 2013 et 571/2013 du 3 juin 2013, prises dans un intervalle relativement restreint (voir, mutatis mutandis, Vafiadis, précité, § 54). En l’absence d’explications, elle n’aperçoit notamment pas ce qui pouvait faire obstacle à ce que les éléments qui ont été pris en compte dans la décision n571/2013 et ont permis la mise en liberté du requérant fussent relevés trois mois plus tôt comme étant de nature à militer contre sa mise en liberté, lorsque la chambre d’accusation et le juge d’instruction ont refusé d’envisager la possibilité d’alternatives à la détention. À cela s’ajoute surtout l’absence de réponse aux arguments du requérant concernant son état de santé dans la décision no 1401/2012 et la réponse quelque peu superficielle à cet égard contenue dans la décision no 40/2013, en dépit de la gravité de sa situation telle que décrite dans les certificats médicaux qu’il avait présentés, et notamment de l’effet néfaste que pouvait avoir son maintien en détention sur l’évolution de sa maladie. De plus, la décision no 571/2013 ne faisait aucune allusion à l’état de santé du requérant, alors que le rapport médical du 28 mars 2013 faisait état de sa détérioration et la liait d’une certaine façon au maintien en détention de celui-ci dans un environnement tout à fait inapproprié pour le soigner.

    52.  La Cour note, en outre, que le requérant est resté en détention pendant plus de onze mois, soit plus longtemps que le requérant dans l’affaire Vafiadis précitée (onze mois environ) et beaucoup plus longtemps que le requérant dans l’affaire Nerattini précitée (sept mois environ), dans lesquelles la Cour avait conclu à la violation de l’article 5 § 3. Or, au cœur de ces deux affaires se trouvait, comme dans la présente, le fait que les graves problèmes de santé dont souffraient les requérants n’avaient pas été pris en considération par les autorités appelées à décider de leur maintien ou non en détention.

    53.  À la lumière de l’ensemble de ces considérations et en particulier du fait qu’à aucun moment les instances saisies du cas du requérant n’ont envisagé une alternative à la détention préventive, la Cour conclut que la durée de la détention provisoire du requérant a dépassé le délai raisonnable prévu à l’article 5 § 3.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

    54.  Le requérant se plaint que son incarcération et le manque de soins adaptés à sa maladie ont contribué à la détérioration de son état de santé. Se prévalant de l’arrêt Serifis précité, il allègue la violation de l’article 3 de la Convention, qui est ainsi libellé :

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    A.  Sur la recevabilité

    55.  Le Gouvernement soutient que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes :

    -  d’une part, parce que pendant toute la durée de sa détention, il ne s’est jamais plaint des conditions de celle-ci ;

    -  d’autre part, parce qu’après sa libération, il a omis d’introduire une action en dommages-intérêts, comme la possibilité lui en était offerte par l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, en combinaison avec :

    a) les articles 2 § 1 (protection de la valeur de la personne humaine) et 7 § 2 (interdiction de la torture et de toute atteinte à la dignité humaine) de la Constitution, 7 et 10 de la loi no 2462/1997 ratifiant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et 3 de la Convention,

    b)  plusieurs articles du code pénitentiaire,

    c)  plusieurs autres articles du code pénitentiaire concernant spécialement la détention provisoire,

    d)  les articles 914 (réparation pour faute), 929 (lésions corporelles ou atteinte à la santé), 931 (infirmité subie par la victime) et 932 (réparation du préjudice moral) du code civil.

    En outre, le requérant aurait selon lui pu demander en même temps l’ouverture d’une procédure pénale dans laquelle il se serait constitué partie civile.

    56.  Se référant à divers arrêts des juridictions administratives, le Gouvernement souligne que si le requérant avait introduit une action en dommages-intérêts et avait suffisamment motivé le dommage causé à sa santé, les tribunaux lui auraient accordé une réparation intégrale. Le fait que la dégradation présumée de sa santé soit survenue alors qu’il était détenu ne pourrait dégager de leur responsabilité ni les médecins chargés de son suivi ni les agents pénitentiaires. Pour les personnes dont la détention a cessé, comme dans le cas du requérant, l’action en dommages-intérêts doit être considérée comme une voie de recours offrant une protection équivalente à celle demandée à travers la saisine de la Cour.

    57.  Le requérant rétorque que toutes ses demandes de remplacement de la détention provisoire par des mesures moins restrictives étaient sous-tendues par une seule préoccupation : sa mise en liberté immédiate, afin qu’il puisse se faire soigner de manière satisfaisante pour sa maladie grave et incurable. En faisant usage de l’article 282 du code de procédure pénale, il estime avoir épuisé toutes les voies de recours offertes à cette fin par l’ordre juridique interne et le Gouvernement ne suggère aucun autre recours qui lui eût permis d’obtenir une remise en liberté immédiate. Plusieurs des dispositions indiquées par le Gouvernement (comme l’article 6 du code pénitentiaire) ne s’appliquent d’ailleurs pas aux prévenus, mais aux seuls condamnés. Les autorités de la prison, déplore-t-il, ont passé outre les recommandations de son médecin traitant pour des motifs relevant du fonctionnement interne de la prison, entre autres la disponibilité du personnel pénitentiaire.

    58.  Le requérant souligne que son but n’a jamais été d’obtenir une indemnité. Il fait remarquer que si le Gouvernement fait état d’un grand nombre de décisions judiciaires accordant des dommages-intérêts, il admet lui-même qu’on ne trouve parmi celles-ci aucun cas de détention dans des établissements pénitentiaires et qu’aucune de ces décisions n’accorde une indemnité à un prévenu pour violation de l’article 15 du code pénitentiaire. Le requérant souligne, en outre, que le juge d’instruction et la chambre d’accusation du tribunal correctionnel étaient au courant de l’insuffisance des soins qui lui étaient prodigués en prison, mais que ni l’un ni l’autre n’ont pour autant ordonné sa mise en liberté ; il est donc peu probable qu’ils eussent consenti à lui accorder une indemnité pour mauvais traitement ou eussent mis en mouvement une procédure pénale contre tel ou tel responsable.

    59.  La Cour rappelle que, s’agissant de l’épuisement des voies de recours internes, l’article 35 § 1 de la Convention prévoit une répartition de la charge de la preuve. Le gouvernement défendeur doit ainsi convaincre la Cour que le recours dont il invoque l’existence était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c’est-à-dire qu’il était accessible et susceptible d’offrir au requérant le redressement de ses griefs et qu’il présentait des perspectives raisonnables de succès (Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 68, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 46, CEDH 2006-II, et Vučković et autres c. Serbie [GC], nos 17153/11 etc., §§ 69-77, 25 mars 2014).

    60.  La Cour rappelle également avoir considéré dans l’arrêt Ananyev et autres c. Russie (nos 42525/07 et 60800/08, § 98, 10 janvier 2012) que, pour qu’un système de garantie aux personnes détenues des droits protégés par l’article 3 de la Convention soit effectif, les recours préventifs et les recours indemnitaires devaient coexister de façon complémentaire. L’importance particulière de cette disposition impose que les États établissent, au-delà d’un simple recours indemnitaire, un mécanisme effectif permettant de mettre rapidement un terme à tout traitement contraire à l’article 3 de la Convention. À défaut d’un tel mécanisme, la perspective d’une possible indemnisation risquerait de légitimer des souffrances incompatibles avec cet article et d’affaiblir sérieusement l’obligation des États de mettre leurs normes en accord avec les exigences de la Convention (idem, § 98).

    61.  La Cour rappelle cependant que, s’agissant de l’épuisement des voies de recours internes, la situation d’une personne qui a été détenue dans des conditions qu’elle estime contraires à l’article 3 de la Convention et qui saisit la Cour après sa mise en liberté diffère de celle d’un individu qui la saisit alors qu’il est toujours détenu dans les conditions qu’il dénonce (Christodoulou et autres c. Grèce, no 80452/12, § 57, 5 juin 2014). En outre, l’obligation pour le requérant d’épuiser les voies de recours internes s’apprécie en principe à la date de l’introduction de la requête devant la Cour (Baumann c. France, no 33592/96, § 47, 22 mai 2001).

    62.  En l’espèce, la Cour observe que le requérant a introduit sa requête devant elle le 11 mars 2013, alors qu’il était encore détenu. Il en résulte que le recours indemnitaire fondé sur l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil mentionné par le Gouvernement n’était pas pertinent, au sens de la jurisprudence Ananyev précitée, à la date de l’introduction de la requête.

    63.  Quant aux différents recours que, selon le Gouvernement, le requérant aurait pu exercer pendant sa détention, la Cour relève que celui-ci, qui était incarcéré au titre de la détention provisoire, a saisi à deux reprises les autorités compétentes - la première fois la chambre d’accusation du tribunal correctionnel, et la deuxième fois le juge d’instruction - de demandes tendant à faire remplacer sa détention par des mesures alternatives telles qu’énumérés à l’article 282 du code de procédure pénale. Dans ces deux demandes, il exposait expressément et longuement son état de santé et le besoin impérieux d’être en liberté afin de pouvoir mieux se soigner (paragraphes 8 et 11 ci-dessus). Selon la jurisprudence constante de la Cour, lorsqu’une voie de recours a été utilisée, l’usage d’une autre voie dont le but est pratiquement le même n’est pas exigé (voir, entre autres, Kozacıoğlu c. Turquie [GC], no 2334/03, § 40, 19 février 2009).

    64.  Dans ces conditions, la Cour estime que le requérant a satisfait à l’obligation d’épuiser les voies de recours internes en ce qui concerne ce grief. Elle constate, en outre, que ces griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’ils ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.

    B.  Sur le fond

    65.  Le Gouvernement soutient que tant les autorités de la prison que le personnel médical des hôpitaux chargé du suivi du requérant ont effectué tout ce qui était nécessaire au diagnostic de sa maladie et à sa prise en charge. L’alimentation offerte au requérant pendant toute la durée de sa détention était de bonne qualité et le traitement pharmaceutique recommandé par son médecin traitant lui a été administré avec diligence. Le requérant a été régulièrement suivi de la manière scientifique la plus appropriée et son médecin traitant, le professeur N.V., a constaté l’amélioration de son état de santé en ce qui concernait la sclérose en plaques. Pour le Gouvernement, la simple conviction du requérant que l’environnement de la prison a contribué à la dégradation de son état de santé n’est pas suffisante pour prouver le contraire, d’autant plus qu’il ne s’est pas servi de la faculté que lui donnait l’article 31 § 12 du règlement intérieur des établissements pénitentiaires et n’a pas demandé qu’un médecin légiste tranche le désaccord qui existait - selon lui - entre les recommandations du professeur N.V. et celles du médecin du choix du requérant. Enfin, estime-t-il, les circonstances de l’affaire Serifis précitée étaient substantiellement différentes de celles de la présente affaire.

    66.  Le Gouvernement affirme que le 19 décembre 2012, lorsque le requérant est sorti de l’hôpital, la partie du traitement qui devait être effectuée en milieu hospitalier avait pris fin et que, de l’avis du professeur N.V., le requérant pouvait retourner en prison sans danger pour sa santé, car le traitement pouvait être poursuivi de manière efficace sous la supervision du médecin de la prison. En outre, selon lui, le report au 1er mars 2013 de la consultation prévue pour le 22 février 2013, pour cause d’interrogatoire supplémentaire devant le juge d’instruction, n’a pas affecté la santé du requérant.

    67.  Le requérant souligne que son hospitalisation a été interrompue et qu’il a été renvoyé en prison à la demande des autorités de celle-ci, qui ne voulaient pas qu’un agent pénitentiaire accompagne le requérant à l’hôpital au lieu d’exécuter ses tâches normales dans la prison. Il souligne aussi que son rendez-vous du 22 février 2012 avec le professeur N.V. a été annulé car les autorités ont considéré que l’interrogatoire devant le juge d’instruction avait priorité sur les soins. Enfin, il fait valoir qu’aucune divergence n’existait entre le professeur N.V. et le médecin de son choix : tous deux étaient d’avis, d’une part, qu’il devait suivre un certain régime alimentaire et se faire hospitaliser en cas de recrudescence des symptômes, et, d’autre part, qu’il ne devait pas vivre dans des conditions de surpopulation, ni faire de piqûres intraveineuses d’interféron dans les conditions d’asepsie insuffisantes de la prison.

    68.  S’agissant des personnes privées de liberté, la Cour rappelle que l’article 3 de la Convention impose à l’État l’obligation d’organiser son système pénitentiaire de façon à assurer aux détenus le respect de leur dignité humaine (Soukhovoy c. Russie, no 63955/00, § 31, 27 mars 2008, et Benediktov c. Russie, n106/02, § 37, 10 mai 2007). Cette obligation positive requiert que les modalités d’exécution des mesures prises ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier soient assurés de manière adéquate, notamment par l’administration des soins médicaux requis (Mouisel c. France, no 67263/01, § 40, CEDH 2002-IX).

    69.  En outre, la Cour rappelle que, en principe, le manque de soins médicaux appropriés peut constituer un traitement contraire à l’article 3 (İlhan c. Turquie [GC], no 22277/93, § 87, CEDH 2000-VII, Gennadiy Naoumenko c. Ukraine, no 42023/98, § 112, 10 février 2004, Gurenko c. Russie, no 41828/10, 5 février 2013, Bubnov c. Russie, no 76317/11, 5 février 2013, Budanov c. Russie, no 66583/11, 9 janvier 2014, et Gorelov c. Russie, no 49072/11, 9 janvier 2014). À cet égard, elle examine tout d’abord si le malade a bénéficié d’une assistance médicale adéquate et si les soins médicaux dispensés étaient adaptés à sa situation particulière (Khatayev c. Russie, no 56994/09, § 84, 11 octobre 2011). L’efficacité du traitement dispensé présuppose ainsi que les autorités pénitentiaires administrent au détenu les soins médicaux prescrits par des médecins compétents (Soysal c. Turquie, no 50091/99, § 50, 3 mai 2007, et Gorodnitchev c. Russie, no 52058/99, § 91, 24 mai 2007). De plus, la diligence et la fréquence avec lesquelles les soins médicaux sont dispensés à l’intéressé sont deux éléments à prendre en compte pour mesurer la compatibilité de son traitement avec les exigences de l’article 3. La Cour n’évalue pas ces deux facteurs en des termes absolus, mais en tenant compte chaque fois de l’état de santé particulier du détenu (Serifis, précité, § 35, Rohde c. Danemark, no 69332/01, § 106, 21 juillet 2005, Iorgov c. Bulgarie, no 40653/98, § 85, 11 mars 2004, et Sediri c. France (déc.), no 4310/05, 10 avril 2007). En général, la dégradation de la santé du détenu ne joue pas en soi un rôle déterminant quant au respect de l’article 3 de la Convention. La Cour examinera à chaque fois si une telle altération était imputable à des lacunes dans les soins médicaux dispensés (Kotsaftis c. Grèce, no 39780/06, § 53, 12 juin 2008).

    70.  La Cour note que les 13 et 17 octobre 2012, lorsque le requérant s’est plaint d’engourdissements et de vertiges, le directeur de la prison a ordonné son transfert immédiat pour des examens dans un hôpital public. Le 1er novembre 2012, le requérant a été transféré à nouveau à l’hôpital « G. Papanikolaou » pour y être soumis à une IRM cérébrale. Le 28 novembre 2012, le requérant a été examiné dans le même hôpital par le professeur de neurologie de l’université de Thessalonique, qui lui a diagnostiqué une sclérose en plaques multiple et lui a prescrit un contrôle hématologique complet. Le 11 décembre 2012, le requérant a été admis à l’hôpital pour des examens et un traitement par piqûre intraveineuse. Il y est resté jusqu’au 19 décembre 2012. L’exeat de l’hôpital indiquait que l’état de santé du requérant s’était amélioré. Le 21 décembre 2012, lorsque le requérant s’est plaint d’une recrudescence des symptômes de sa maladie, le directeur de la prison l’a immédiatement fait transférer à l’hôpital où il est resté jusqu’au 7 janvier 2013. Sa sortie a été autorisée car le médecin traitant avait constaté une amélioration de son état. Le 13 janvier 2013, le requérant a été examiné, sur recommandation de son médecin traitant, le professeur N.V., par le psychiatre de la prison qui lui a prescrit un traitement pour la dépression, état généré par la sclérose en plaques. Le 1er mars 2013, le requérant a été encore examiné à l’hôpital « G. Papanikolaou » par le professeur N.V. et le 18 avril 2013 il a subi un examen hématologique comme l’avait recommandé ce dernier. Enfin, le 21 mars 2013, le requérant a été examiné par un médecin de son choix, le conseil de la prison ayant accueilli une demande en ce sens.

    71.  La Cour estime devoir distinguer la présente affaire de l’affaire Serifis invoquée par le requérant. Dans cette dernière, bien que le requérant eût informé les instances compétentes de son état de santé peu après son arrestation, il avait dû attendre longtemps pour être suivi de manière régulière. Durant les deux premières années de sa détention, il avait été contraint de se contenter de contrôles occasionnels et des soins pouvant lui être administrés dans l’hôpital de la prison. Ainsi, l’intéressé n’avait pas pu faire contrôler régulièrement l’évolution de sa maladie dans un milieu hospitalier spécialisé ni faire face par la prescription de traitements adaptés à son cas aux multiples troubles occasionnés par la sclérose en plaques. Or, rien de tel ne s’est produit en l’espèce, où les autorités grecques n’ont pas tardé à fournir au requérant, lors de sa détention, une assistance médicale conforme à ce qu’exigeait son état de santé.

    72.  Rien dans le dossier ne permet d’établir une dégradation de l’état du requérant due à un manque de diligence des autorités de la prison qui, au demeurant, ont suivi les recommandations du médecin traitant pendant toute la durée de la détention. Par ailleurs, la Cour constate que les trois rapports établis à son sujet par les deux médecins de son choix n’ont pas mis en cause les soins dont le requérant faisait l’objet, mais ont seulement voulu convaincre les autorités que le maintien en détention pourrait avoir à long terme des conséquences néfastes sur sa santé, dans la mesure où il pourrait conduire progressivement à une réduction de ses capacités motrices.

    73.  Il s’ensuit que les autorités ont satisfait à leur obligation positive de fournir au requérant une assistance médicale adéquate. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention.

    III.  SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION COMBINE AVEC L’ARTICLE 3

    74.  Invoquant l’article 13 de la Convention, le requérant dénonce aussi l’absence d’un recours effectif pour se plaindre du manque des soins médicaux devant les juridictions internes.

    75.  La Cour considère que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable. Eu égard, toutefois, aux faits de l’espèce, aux thèses des parties et aux conclusions formulées sous l’angle de l’article 5 § 3 de la Convention, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de statuer séparément sur ce grief.

    IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    76.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    77.  Le requérant réclame 150 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi. Ce préjudice résulterait de la dégradation de son état de santé lors de sa détention provisoire en prison, de l’incapacité du dispensaire de la prison de faire face aux besoins de sa maladie, et des décisions des autorités judiciaires compétentes de prolonger la détention sans prendre en considération le risque d’engendrer des dommages irréparables pour sa santé.

    78.  Le Gouvernement considère que cette somme est excessive et qu’en cas de constat de violation de la Convention, ce constat constituerait une réparation suffisante.

    79.  La Cour rappelle qu’elle a conclu seulement à la violation de l’article 5 § 3. Elle estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 3 000 EUR au titre du préjudice moral.

    B.  Frais et dépens

    80.  Le requérant demande également 565 EUR pour frais et dépens, qui se détaillent ainsi : 30 EUR au titre du remboursement des timbres fiscaux pour sa demande devant le juge d’instruction tendant au remplacement de la détention par des mesures alternatives ; 236 EUR au titre du remboursement des timbres fiscaux à l’occasion du dépôt de son mémoire du 29 avril 2013 devant la chambre d’accusation ; 300 EUR pour la traduction en anglais de ses observations en réponse à celles du Gouvernement devant la Cour.

    81.  Le Gouvernement invite la Cour à rejeter la demande du requérant.

    82.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, la Cour note que les frais réclamés pour la procédure dans l’ordre juridique interne étaient liés aux demandes du requérant tendant à obtenir sa mise en liberté sous conditions et doivent ainsi lui être remboursés. Il en va de même pour les frais de traduction de ses observations devant la Cour. Elle note aussi que le requérant produit les justificatifs nécessaires. Ainsi, la Cour lui accorde la totalité de la somme demandée.

    C.  Intérêts moratoires

    83.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention ;

     

    4.  Dit, qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 3 ;

     

    5.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

    i)  3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    ii)  565 EUR (cinq cent soixante-cinq euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration de ce délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 novembre 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

       Søren Nielsen                                                               Isabelle Berro-Lefèvre
            Greffier                                                                              Présidente


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