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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> DOTAS AND OTHERS v. GREECE - 33983/13 - Committee Judgment (French Text) [2014] ECHR 1384 (11 December 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/1384.html
Cite as: [2014] ECHR 1384

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE DOTAS ET AUTRES c. GRÈCE

     

    (Requêtes nos 33983/13, 33989/13, 33994/13, 34000/13, 34005/13, 34950/13, 35169/13, 35174/13, 35784/13, 35843/13 et 36097/13)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    11 décembre 2014

     

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Dotas et autres c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :

              Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
              Paulo Pinto de Albuquerque,
              Linos-Alexandre Sicilianos, juges,
    et de Søren Prebensen, greffier adjoint de section f.f.,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 novembre 2014,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouvent onze requêtes (nos 33983/13, 33989/13, 33994/13, 34000/13, 34005/13, 34950/13, 35169/13, 35174/13, 35784/13, 35843/13 et 36097/13) dirigées contre la République hellénique par treize ressortissants de cet État, dont les noms figurent ci-joint en annexe (« les requérants »), qui ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Les requérants ont été représentés par Me N. Anagnostopoulos, avocat au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par la déléguée de son agent, Mme K. Karavasili, auditrice auprès du Conseil juridique de l’État.

    3.  Le 29 août 2013, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement.

    EN FAIT

    A.  Le contexte des affaires

    4.  Les lois nos 2838/2000 et 3016/2002 prévoyaient une augmentation des salaires des officiers des forces armées, de la police hellénique, de la police des ports et du corps des pompiers.

    5.  Les présentes requêtes portent sur des procédures engagées par les requérants, en vue d’obtenir le réajustement et l’augmentation du montant de leurs pensions conformément aux dispositions de ces lois.

    B.  Les procédures en cause

    6.  Le 19 mai 2005, les requérants ou leurs devanciers saisirent séparément la Comptabilité générale de l’État de demandes tendant à obtenir le réajustement du montant de leurs retraites.

    7.  Le 13 septembre 2005, suite au rejet tacite de leurs demandes, ils formèrent des oppositions devant le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État.

    8.  Considérant que leurs demandes avaient été tacitement rejetées après l’écoulement d’un délai de trois mois sans réponse de la part de l’administration, les requérants saisirent, le 3 février 2006, la Cour des comptes de recours contre le rejet de leurs demandes.

    9.  Le 21 août 2006, le devancier des requérants de la requête no 34950/13 décéda. Le 21 février 2007, ces derniers lui succédèrent dans la procédure.

    10.  Le 27 novembre 2012, la Cour des comptes donna gain de cause aux requérants (arrêts nos 3242/2012, 3247/2012, 3238/2012, 3241/2012, 3231/2012, 3230/2012, 3248/2012, 3229/2012, 3237/2012, 3234/2012 et 3232/2012).

    11.  Ces arrêts furent notifiés aux requérants comme suit :

     

    -  Le 18 décembre 2012 (requête no 33983/13) ;

    -  Le 27 décembre 2012 (requête no 33989/13) ;

    -  Le 21 décembre 2012 (requêtes nos 33994/13 et 35784/13) ;

    -  Le 10 décembre 2012 (requête no 34000/13) ;

    -  Le 13 décembre 2012 (requête no 34005/13) ;

    -  Le 20 décembre 2012 (requête no 34950/13) ;

    -    Le 12 décembre 2012 (requêtes nos 35169/13, 35174/13 et 36097/13) ;

    -  Le 21 janvier 2013 (requête no 35843/13).

    C.  Le droit interne pertinent

    12.  La loi no 4239/2014, intitulée « satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable de la procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes », est entrée en vigueur le 20 février 2014. Elle introduit, entre autres, un nouveau recours indemnitaire prévoyant l’octroi d’une satisfaction équitable en raison de la prolongation injustifiée d’une procédure devant la Cour des comptes. L’article 3 § 1 dispose:

    « Toute demande de satisfaction équitable doit être introduite devant chaque degré de juridiction séparément. Elle doit être présentée dans un délai de six mois après la publication de la décision définitive de la juridiction devant laquelle la durée de la procédure a été, selon le requérant, excessive (...). ».

    EN DROIT

    I.  SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

    13.  Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et au problème de fond qu’elles posent, la Cour estime nécessaire de les joindre et décide de les examiner conjointement dans un seul arrêt.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

    14.  Les requérants allèguent que la durée des procédures en cause a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

    « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

    A.  Sur la recevabilité

    15.  Le Gouvernement soutient que les requêtes devraient être déclarées irrecevables en application du nouveau critère prévu par l’article 35 § 3 b) de la Convention telle qu’amendé par le Protocole no 14, selon lequel la Cour peut déclarer une requête irrecevable lorsque « le requérant n’a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne ».

    16.  La Cour note qu’elle a déjà rejeté une exception identique à celle soulevé en l’espèce (voir, Gletsos c. Grèce, no 58572/10, § 18, 6 février 2014). En application de cette jurisprudence, il convient de rejeter cette exception dans le cadre de la présente affaire.

    17. Par ailleurs, la Cour constate que les requêtes ne sont pas manifestement mal fondées au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celles-ci ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.

    B.  Sur le fond

    1.  Périodes à prendre en considération

    18. La Cour note que les requérants, avant de saisir la Cour des comptes, ont introduit des recours devant le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État. Lesdits recours étaient des démarches indispensables afin qu’il soit possible de saisir la Cour des comptes. À cet égard, la Cour rappelle que lorsqu’en vertu de la législation nationale, un requérant doit épuiser une procédure administrative préalable avant d’avoir recours à un tribunal, la procédure devant l’organe administratif doit être incluse dans le calcul de la longueur de la procédure civile aux fins de l’application de l’article 6 (voir en ce sens, Paskhalidis et autres c. Grèce, 19 mars 1997, § 33, Recueil des arrêts et décisions 1997-II ; Ichtigiaroglou c. Grèce, no 12045/06, § 38, 19 juin 2008).

    19.  Dans ces conditions, les périodes à considérer ont débuté le 13 septembre 2005, avec l’opposition introduite par les requérants devant le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État, et s’est terminée le 27 novembre 2012, date à laquelle les arrêts nos 3242/2012, 3247/2012, 3238/2012, 3241/2012, 3231/2012, 3230/2012, 3248/2012, 3229/2012, 3237/2012, 3234/2012 et 3232/2012 de la Cour des comptes ont été publiés. Chacune d’elles a donc duré sept ans et plus de deux mois pour deux instances.

    2.  Durée raisonnable des procédures

    20.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Mavredaki c. Grèce, no 10966/10, 24 octobre 2013).

    21.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Mavredaki, précité).

    22.  Elle note que les présentes affaires ne présentaient pas de complexité particulière. Qui plus est, la Cour ne relève pas d’élément de nature à mettre en cause la responsabilité des requérants dans l’allongement des procédures. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle considère qu’en l’espèce la durée des procédures litigieuses a été excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

    23.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

    III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

    24.  Les requérants se plaignent également du fait qu’en Grèce il n’existe aucun recours effectif pour se plaindre de la durée excessive des procédures en cause. Ils invoquent l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :

    « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

    A.  Sur la recevabilité

    25.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

    B.  Sur le fond

    26.  La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).

    27.  Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (Konti-Arvaniti c. Grèce, no 53401/99, §§ 29-30, 10 avril 2003, et Tsoukalas c. Grèce, no 12286/08, §§ 37-43, 22 juillet 2010).

    28.  La Cour note que le 20 février 2014 est entrée en vigueur la loi n4239/2014, portant sur la satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable d’une procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes. En vertu de la loi précitée, un nouveau recours a été établi permettant aux intéressés de se plaindre de la durée de chaque instance d’une procédure devant la Cour des comptes dans un délai de six mois à partir de la date de publication de la décision y relative (voir paragraphe 12 ci-dessus). La Cour observe cependant que cette loi n’a pas d’effet rétroactif. Par conséquent, elle ne prévoit pas un tel recours pour les affaires, comme en l’espèce, terminées six mois avant son entrée en vigueur. Partant, les requérants ne pouvaient pas exercer ledit recours.

    29Au vu de ce qui précède, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention en raison, à l’époque des faits, de l’absence en droit interne d’un recours qui aurait permis aux requérants d’obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

    IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

     

    30.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    31.  Les requérants réclament respectivement l’octroi des sommes suivantes (à allouer à chacun d’entre eux) : 15 000 euros (EUR) (requêtes nos 33983/13, 33989/13, 33994/13, 34000/13, 34005/13, 35169/13, 35174/13, 35784/13, 35843/13 et 36097/13) et 10 000 EUR (requête no 34950/13), au titre du préjudice moral qu’ils auraient subi.

    32.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

    33.  La Cour estime qu’il y a lieu d’octroyer 3 900 EUR à chacun des requérants dans les requêtes nos 33983/13, 33989/13, 33994/13, 34000/13, 34005/13, 35169/13, 35174/13, 35784/13, 35843/13 et 36097/13 et 3 900 EUR conjointement aux requérants dans la requête no 34950/13 au titre du préjudice moral, plus tout montant pouvant être dû par eux à titre d’impôt.

    B.  Frais et dépens

    34.  Pour chaque requête, les requérants demandent également 1 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes, ainsi que 500 EUR pour les frais et dépens encourus devant la Cour. En ce qui concerne ces derniers, ils produisent des copies des factures y relatives.

    35.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

    36.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre les violations constatées et les frais et dépens sollicités devant les juridictions internes et rejette cette demande. En ce qui concerne les frais exposés pour les besoins de la représentation des requérants devant elle, elle estime qu’il y lieu d’octroyer 2 200 EUR conjointement pour toutes les requêtes.

    C.  Intérêts moratoires

    37.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Décide de joindre les requêtes et de les examiner conjointement dans un seul arrêt ;

    2. Déclare les requêtes recevables ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;

     

    5.  Dit

     

    a)  que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, les sommes suivantes :

     

    - pour dommage moral :

     

    i. requêtes nos 33983/13, 33989/13, 33994/13, 34000/13, 34005/13, 35169/13, 35174/13, 35784/13, 35843/13 et 36097/13 : 3 900 EUR (trois mille neuf cents euros) à chacun des requérants ;

    ii. requête no 34950/13 : 3 900 EUR (trois mille neuf cents euros) conjointement aux requérants ;

     

    - pour frais et dépens :

     

    2 200 EUR (deux mille deux cents euros) conjointement ;

     

    b)  qu’aux sommes accordées ci-dessus il faut ajouter tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants ;

     

    c) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    6.  Rejette les demandes de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 décembre 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Søren Prebensen                                                   Mirjana Lazarova Trajkovska
    Greffier adjoint f.f.                                                             
    Présidente

    Annexe

     

    No

    No de requête

    Date d’introduction

     

    Nom du requérant

    Date de naissance

    Lieu de résidence

    1.         

    33983/13

    24/05/2013

    Panagiotis DOTAS

    29/09/1939

    Diakopto

     

    2.         

    33989/13

    24/05/2013

    Antonios CHATZOUDIS

    10/09/1952

    Kalamata

     

    3.         

    33994/13

    24/05/2013

    Stylianos CHELIOTIS

    05/10/1936

    Athènes

     

    4.         

    34000/13

    24/05/2013

    Georgios ARCHONTIS

    01/01/1932

    Athènes

     

    5.         

    34005/13

    24/05/2013

    Nikolaos STAVROPOULOS

    07/03/1934

    Volos

     

    6.         

    34950/13

    28/05/2013

    Theoktisti LAZARIDI

    17/04/1941

    Thessalonique

     

    Georgios LAZARIDIS

    24/07/1966

    Thessalonique

     

    Nikoloaos LAZARIDIS

    12/03/1968

    Thessaloniki

     

    7.         

    35169/13

    28/05/2013

    Panagiotis CHOCHOLIS

    06/04/1935

    Xanthi

     

    8.         

    35174/13

    28/05/2013

    Dimitra TRIGGIDOU

    26/06/1945

    Xanthi

     

    9.         

    35784/13

    31/05/2013

    Michail KOUTELIDAKIS

    06/02/1935

    Athènes

     

    10.      

    35843/13

    31/05/2013

    Konstantinos AGATHOS

    13/03/1951

    Alexandroupoli

     

    11.      

    36097/13

    31/05/2013

    Konstantinos TRIANTAFYLLOPOULOS

    20/01/1936

    Xanthi

     


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