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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> KATSIGIANNIS AND OTHERS v. GREECE - 35202/10 - Committee Judgment (French Text) [2014] ECHR 23 (09 January 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/23.html
Cite as: [2014] ECHR 23

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE KATSIGIANNIS ET AUTRES c. GRÈCE

     

    (Requête no 35202/10)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    9 janvier 2014

     

     

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Katsigiannis et autres c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :

              Elisabeth Steiner, présidente,
              Linos-Alexandre Sicilianos,
              Ksenija Turković, juges,
    et de André Wampach, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 décembre 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  À l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 35202/10) dirigée contre la République hellénique. Les huit requérants, dont les noms figurent ci-joint en annexe, ont saisi la Cour le 15 juin 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Les requérants ont été représentés par Mes N. Anagnostopoulos et A. Psycha, avocats au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les déléguées de son agent, Mmes V. Pelekou, assesseure auprès du Conseil juridique de l’État et O. Souropani, auditrice auprès du Conseil juridique de l’État.

  3. .  Le 25 novembre 2011, la Requête a été communiquée au Gouvernement.
  4. EN FAIT

    A.  Les circonstances de l’espèce


  5. .  Les cinq premiers requérants sont des militaires à la retraite. La sixième requérante fut l’épouse de T.T., le septième requérant son fils, et la huitième requérante sa fille.

  6. .  Le 28 décembre 2000, les cinq premiers requérants, ainsi que les trois derniers requérants en leur qualité d’héritiers de T.T., saisirent le tribunal administratif de première instance d’Athènes d’une action en dommages-intérêts contre l’État tendant à obtenir l’augmentation de leur allocation de départ du service.

  7. .  Le 27 mai 2004, le tribunal rejeta leur action comme infondée (décision no 5926/2004). Cette décision fut notifiée aux requérants le 28 février 2005.

  8. .  Le 28 avril 2005, les requérants interjetèrent appel.
  9. 8.  Le 30 juin 2006, la cour administrative d’appel d’Athènes rejeta l’appel (arrêt no 2464/2006). Cet arrêt fut notifié aux requérants le 22 juin 2007.

    9.  Le 20 novembre 2007, les requérants se pourvurent en cassation.


  10. .  Le 15 juillet 2009, le Conseil d’État rejeta leur recours (arrêt no 2382/2009). Cet arrêt fut mis au net et certifié conforme le 12 février 2010.
  11. B.  Le droit interne pertinent

    La loi no 4055/2012


  12. .  La loi no 4055/2012, intitulée « procès équitable et durée raisonnable », est entrée en vigueur le 2 avril 2012. Les articles 53 à 58 de la loi précitée introduisent un nouveau recours indemnitaire visant à l’octroi d’une satisfaction équitable causé par la prolongation injustifiée d’une procédure administrative. L’article 55 § 1 dispose:
  13.  « Toute demande de satisfaction équitable doit être introduite devant chaque degré de juridiction séparément. Elle doit être présentée dans un délai de six mois après la publication de la décision définitive de la juridiction devant laquelle la durée de la procédure a été, selon le requérant, excessive. (...) »

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  14. .  Les requérants allèguent que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  15. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  16. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
  17. A.  Sur la recevabilité


  18. .  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  19. B.  Sur le fond

    1.  Période à prendre en considération


  20. .  La période à considérer a débuté le 28 décembre 2000 avec la saisine du tribunal administratif de première instance par les requérants et s’est terminée le 12 février 2010, date à laquelle l’arrêt no 2382/2009 du Conseil d’État fut mis au net et certifié conforme. Elle a donc duré neuf ans et deux mois environ pour trois degrés de juridiction.
  21. 2.  Caractère raisonnable de la procédure


  22. .  Le Gouvernement procède à une analyse chronologique de la procédure en cause et estime que l’affaire a été jugée en général dans un délai raisonnable. Il argue que les démarches devant les juridictions administratives ont eu lieu sans que des périodes d’inaction injustifiées n’interviennent.

  23. .  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce, no 50973/08, 21 décembre 2010).

  24. .  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Vassilios Athanasiou et autres précité). En l’occurrence, la Cour note que l’affaire ne présentait aucune complexité. Qui plus est, elle ne relève aucun élément de nature à mettre en cause la responsabilité des requérants dans l’allongement de la procédure. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour considère qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse a été excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

  25. .  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
  26. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION


  27. .  Les requérants se plaignent également du fait qu’en Grèce il n’existe aucun recours effectif pour se plaindre de la durée excessive de la procédure. Ils invoquent l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :
  28. « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

    A.  Sur la recevabilité


  29. .  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  30. B.  Sur le fond


  31. .  La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).

  32. .  Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (voir, parmi beaucoup d’autres, Vassilios Athanasiou et autres précité).

  33. .  La Cour note que le 12 mars 2012 a été publiée la loi no 4055/2012 portant sur l’équité et la durée raisonnable de la procédure judiciaire, qui est entrée en vigueur le 2 avril 2012. En vertu des articles 53 suiv. de la loi précitée, un nouveau recours a été établi permettant aux intéressés de se plaindre de la durée de chaque instance d’une procédure administrative dans un délai de six mois à partir de la date de publication de la décision y relative (voir paragraphe 11 ci-dessus). La Cour observe cependant que cette loi n’a pas d’effet rétroactif. Par conséquent, elle ne prévoit pas un tel recours pour les affaires déjà terminées six mois avant son entrée en vigueur.

  34. .  En l’espèce, l’arrêt no 2382/2009 du Conseil d’État a été publié le 15 juillet 2009, à savoir plus de six mois avant l’entrée en vigueur de la loi n4055/2012. Dès lors, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention en raison, à l’époque des faits, de l’absence en droit interne d’un recours qui aurait permis aux requérants d’obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
  35. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


  36. .  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
  37.  

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    27.  Les requérants réclament : 20 000 euros (EUR) chacun (pour les requérants identifiés sous les nos 1, 2, 3, 4 et 5) et 6 666, 67 EUR chacun (pour les requérants identifiés sous les nos 6, 7 et 8) au titre du préjudice moral qu’ils auraient subi.

    28.  Le Gouvernement conteste ces prétentions. Il invite la Cour à écarter la demande au titre du dommage moral et il affirme que les sommes réclamées sont disproportionnées par rapport à l’objet du litige et qu’en tout cas, un constat de violation constituerait une satisfaction équitable suffisante au titre du préjudice moral.

    29.  La Cour estime qu’il y a lieu d’octroyer 4 800 EUR à chacun des requérants identifiés sous les nos 1, 2, 3, 4 et 5 et 4 800 EUR conjointement aux requérants identifiés sous les nos 6, 7 et 8 au titre du préjudice moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.

    B.  Frais et dépens

    30.  Les requérants demandent également 109 EUR chacun (pour les requérants identifiés sous les nos 1, 2, 3, 4 et 5) et 36,34 EUR chacun (pour les requérants identifiés sous les nos 6, 7 et 8) pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes. Ils produisent les copies de deux factures. Sur la première facture, établie au nom du premier requérant, la signature de son avocat n’est pas apparente. La seconde facture concerne une personne qui n’est pas comprise parmi les requérants.


  38. .  Le Gouvernement invite la Cour à écarter la demande au titre de frais et dépens.
  39. 32.  Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI).

    33.  En l’espèce, compte tenu de l’absence de tout justificatif valable de la part des requérants et de sa jurisprudence en la matière, la Cour rejette la demande à ce titre.

    C.  Intérêts moratoires

    34.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;

     

    4.  Dit

    a) que l’État défendeur doit verser 4 800 EUR (quatre mille huit cent euros) à chacun des requérants identifiés sous les nos 1, 2, 3, 4 et 5 et 4 800 EUR (quatre mille huit cent euros) conjointement aux requérants identifiés sous les nos 6, 7 et 8, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 janvier 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    André Wampach                                                                  Elisabeth Steiner
      Greffier adjoint                                                                       
    Présidente


    ANNEXE

     

    Liste des requérants

     

    1.      KATSIGIANNIS Dimitrios, date de naissance: 1931

    2.      KOUTSOGIANNIS Ioannis, date de naissance: 1933

    3.      MARKETIS Georgios, date de naissance: 1931

    4.      PAPAGIANNOPOULOS Dimitrios, date de naissance: 1928

    5.      ROGKAKOS Evaggelos, date de naissance: 1933

    6.      TOMBRA Ourania, date de naissance: 1948

    7.      TOMBRAS Georgios, date de naissance: 1972

    8.      TOMBRA Eleana, date de naissance: 1976


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