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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> PETROIU AND OTHERS v. ROMANIA - 30105/05 - Chamber Judgment (French text) [2014] ECHR 566 (03 June 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/566.html
Cite as: [2014] ECHR 566

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    TROISIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE PETROIU ET AUTRES c. ROUMANIE

     

    (Requête no 30105/05)

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

    (Satisfaction équitable)

     

     

     

    STRASBOURG

     

    3 juin 2014

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Petroiu et autres c. Roumanie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

              Josep Casadevall, président,
              Alvina Gyulumyan,
              Ján Šikuta,
              Luis López Guerra,
              Kristina Pardalos,
              Valeriu Griţco,
              Iulia Antoanella Motoc, juges,
    et de Santiago Quesada, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 13 mai 2014,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 30105/05) dirigée contre la Roumanie et dont douze ressortissants de cet État, Mme Florica-Maria Petroiu, M. Constantin Petroiu, M. Florin-Constantin Stăncescu, Mme Maria Peicev, Mme Lidia Peicev, M. Mircea-Constantin Sterian, Mme Maria-Alexandra Sterian, M. Doru Dănuţ Dumitru Popescu, Mme Ena Rizescu (Georgescu), Mme Mihaela-Iuliana Vintilescu, Mme Ana Maria Apetrei et Mme Paraschiva Vintilescu (« les requérants »), ont saisi la Cour le 9 octobre 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Par un arrêt du 24 novembre 2009 (« l’arrêt au principal »), la Cour a déclaré irrecevable pour non-épuisement la requête en ce qui concerne les quatre derniers requérants, Mmes Ena Rizescu (Georgescu), Mihaela-Iuliana Vintilescu, Ana-Maria Apetrei et Paraschiva Vintilescu (Petroiu et autres c. Roumanie, no 30105/05, § 23, 24 novembre 2009).

    Trois des requérants, Mme Maria-Alexandra Sterian, M. Florin-Constantin Stăncescu et M. Doru Dănuţ Dumitru Popescu, étant décédés les 23 avril 2007, 10 mars 2006 et 20 janvier 2006, respectivement, leurs héritiers, M. Bogdan-Andrei Sterian, Mme Ruxandra-Mariana Stavre et Mme Didona Emilia Didea, respectivement, ont continué la procédure devant la Cour.

    Par le même arrêt au principal du 24 novembre 2009 la Cour a jugé qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention du fait de l’absence d’indemnisation pour la privation de propriété subie par les huit premiers requérants (ibidem, §§ 34-36).

    3.  En s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, les requérants réclamaient à titre principal la restitution de l’appartement vendu par l’État, en subsidiaire une indemnisation équivalente à la valeur marchande de leur bien, ainsi qu’une réparation du défaut de jouissance et de l’impossibilité de vendre le terrain afférent. Enfin, les requérants réclamaient également une réparation du préjudice moral et le remboursement des frais et dépens.

    4.  La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée et a invité les parties à lui soumettre par écrit, dans un délai de trois mois à compter du jour où l’arrêt serait devenu définitif, leurs observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel elles pourraient aboutir (ibidem, § 44, et point 3 du dispositif de l’arrêt au principal).

    5.  Par une lettre du 23 juillet 2013, la Cour a invité les parties à soumettre leurs éventuels commentaires et propositions actualisés. Tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations et commentaires.

    EN DROIT

    6.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    7.  Dans leurs courriers des 20 septembre et 24 octobre 2013, les requérants réclament, à titre principal, la restitution de l’appartement. À titre subsidiaire, ils réclament les sommes suivantes : 239 200 EUR pour la valeur marchande de leur bien conformément à un rapport d’expert datant de 2007, 90 000 EUR pour le défaut de jouissance et 2 472 000 EUR pour le préjudice causé par l’impossibilité de vendre le terrain afférent. En outre, les requérants réclament 2 000 000 EUR au titre du préjudice moral.

    8.  Dans ses observations actualisées, le Gouvernement informe la Cour du fait que la procédure administrative visant la notification formulée par les requérants selon la loi no 10/2001 est toujours pendante devant les autorités administratives. Il invite la Cour à rejeter la demande de satisfaction équitable formulée par les requérants. En premier lieu il estime que les requérants devaient épuiser les nouvelles voies de recours introduites par la loi no 165/2013. En tout état de cause, le Gouvernement soutient que la valeur du bien devrait être calculée selon les critères fixés par le tableau d’estimation des prix de l’immobilier réalisé par la chambre des notaires, instrument prévu par la loi no 165/2013 pour l’évaluation des immeubles visés par les lois de restitution. Il soumet à cet effet un document établi en septembre 2013 par l’Autorité Nationale pour la Restitution des Propriétés indiquant que la valeur du bien des requérants est de 142 052 EUR.

    Quant à la demande visant le défaut de jouissance et le préjudice causé par l’impossibilité de vendre le terrain afférent, le Gouvernement estime qu’elle revêt un caractère spéculatif.

    Il conteste l’existence d’un lien de causalité entre la violation de la Convention et le préjudice moral allégué par les requérants.

    9.  En ce qui concerne l’observation du Gouvernement au sujet du nouveau remède à épuiser selon la loi no 165/2013, la Cour ne peut pas accepter, à ce stade de la procédure, l’argument du non-épuisement des nouvelles voies de recours internes pour l’octroi d’une indemnisation, alors que la Cour s’est déjà prononcée sur le fond de l’affaire (Xenides-Arestis c. Turquie (satisfaction équitable), no 46347/99, § 37, 7 décembre 2006).

    10.  La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’État défendeur l’obligation de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI). En l’espèce, elle rappelle avoir conclu à la violation de l’article 1 du Protocole no 1, en raison de la privation de propriété des huit premiers requérants, suite à la vente de leur bien par l’État à des tierces personnes, combinée avec l’absence totale d’indemnisation.

    11.  La Cour considère que les requérants en cause ont incontestablement subi un préjudice matériel en relation directe avec la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

    12.  Pour déterminer le préjudice éprouvé du fait de la privation de propriété subie, la Cour tient compte des circonstances de chaque espèce et jouit d’une grande marge d’appréciation (voir, par exemple, Agrokompleks c. Ukraine (satisfaction équitable), no 23465/03, §§ 81-84, 25 juillet 2013).

    13.  En l’espèce, la Cour estime qu’il y a lieu à allouer aux requérants une somme en rapport directe avec la valeur actuelle du bien (Loizidou c. Turquie (article 50), 29 juillet 1998, § 31, Recueil des arrêts et décisions 1998-IV ; voir Străin et autres c. Roumanie, no 57001/00, § 81, CEDH 2005-VII).

    14.  Eu égard aux informations en sa possession, la Cour considère qu’il y a lieu d’allouer conjointement aux requérants la somme de 142 052 EUR pour dommage matériel.

    15.  Pour ce qui est des sommes demandées au titre de défaut de jouissance et de l’impossibilité de vendre le terrain afférent à l’immeuble, la Cour ne saurait spéculer sur la possibilité et le rendement d’une location de l’appartement en cause et d’une vente du terrain en question (Buzatu c. Roumanie (satisfaction équitable), no 34642/97, § 18, 27 janvier 2005).

    16.  Elle estime de surcroît que les requérants ont subi un préjudice moral du fait notamment de l’atteinte grave au droit au respect de leur bien. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession et statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, la Cour alloue à chacun la somme de 1 500 EUR, au titre du préjudice moral.

    B.  Frais et dépens

    17.  Les requérants sollicitent le remboursement d’honoraires d’avocat et des frais postaux et ont versé au dossier copie de la facture et le reçu des honoraires d’avocat acquittés en 2005, dont le montant s’élève à 1 190 EUR et copie de la facture des frais postaux, d’un montant de 80 EUR.

    18.  Le Gouvernement conteste la demande des requérants et considère que le montant sollicité pour honoraire d’avocat est excessif.

    19.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.

    20.  En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 1 270 EUR réclamée, pour laquelle des pièces justificatives ont été produites, et elle juge approprié de l’allouer conjointement aux requérants.

    C.  Intérêts moratoires

    21.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR , À L’UNANIMITÉ,

    1.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser aux requérants Mme Florica-Maria Petroiu, M. Constantin Petroiu, Mme Ruxandra-Mariana Stavre, Mme Maria Peicev, Mme Lidia Peicev, M. Mircea-Constantin Sterian, M. Bogdan-Andrei Sterian et Mme Didona Emilia Didea, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :

    i.  142 052 EUR (cent quarante-deux mille cinquante-deux euros), conjointement, pour dommage matériel ;

    ii.  1 500 EUR (mille cinq cents euros) à chaque requérant, pour dommage moral ;

    iii.  1 270 EUR (mille deux cent soixante-dix euros), conjointement, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    2.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 juin 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Santiago Quesada                                                                Josep Casadevall
            Greffier                                                                               Président


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