BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?
No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!
[Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] | ||
European Court of Human Rights |
||
You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> CELIK v. TURKEY - 6670/10 - Committee Judgment (French Text) [2015] ECHR 287 (17 March 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2015/287.html Cite as: [2015] ECHR 287 |
[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]
DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE ÖZGÜR ÇELİK c. TURQUIE
(Requête no 6670/10)
ARRÊT
STRASBOURG
17 mars 2015
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Çelik c. Turquie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :
Helen Keller, présidente,
Egidijus Kūris,
Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 février 2015,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 6670/10) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Özgür Çelik (« le requérant »), a saisi la Cour le 12 janvier 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me İ. Akmeşe, avocat à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.
3. Le 20 février 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4. Le requérant est né en 1993 et réside à Istanbul.
5. Le 23 octobre 2009, le requérant, alors mineur, fut arrêté parce qu’il était soupçonné d’avoir commis un vol et conduit à la brigade des mineurs. Le même jour, il fut traduit devant le juge pénal de Bakırköy sans avoir été interrogé ni par la police ni par le procureur de la République. Au terme de son audition, le juge ordonna son placement en détention provisoire se fondant sur la nature de l’infraction reprochée, l’état des preuves et l’existence de forts soupçons quant à la commission de l’infraction par l’intéressé.
6. Le 30 octobre 2009, le requérant fut inculpé de vol, de détérioration de biens et de violation de domicile.
7. Le 5 novembre 2009, à l’issue d’un examen sur dossier, le juge pour enfants de Bakırköy ordonna le maintien en détention provisoire du requérant compte tenu de la nature de l’infraction reprochée, du laps de temps passé en détention, de l’état des preuves, du risque de fuite et du fait que l’intéressé n’avait pas encore été entendu en sa défense, et considéra qu’une mesure de contrôle judiciaire s’avérait insuffisante. Le juge fonda le risque de fuite sur les modalités de commission de l’infraction, l’importance du préjudice et la peine encourue.
8. Le 6 novembre 2009, l’avocat du requérant forma opposition contre la décision de maintien en détention provisoire de son client.
9. Le 9 novembre 2009, à l’issue d’un examen sur dossier, la cour d’assises pour mineurs rejeta l’opposition conformément à l’avis écrit du procureur de la République, lequel avis ne fut pas communiqué au requérant ou à son avocat. La cour d’assises pour mineurs considéra que la décision attaquée était conforme à la procédure et à la loi.
10. Le 3 décembre 2009, le tribunal pour mineurs de Bakırköy reconnut le requérant coupable des faits qui lui étaient reprochés et le condamna au total à un an, deux mois et vingt jours d’emprisonnement. Cette peine fut commuée en une amende de 8 800 livres turques (TRY). Au terme de l’audience, le tribunal ordonna la libération du requérant.
11. Le 23 décembre 2013, la Cour de cassation confirma le jugement de première instance.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION
12. Le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire. Il invoque l’article 5 § 3 de la Convention.
13. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
14. La Cour rappelle que la détention provisoire des mineurs doit être envisagée comme une solution de dernier ressort, qu’elle doit être la moins longue possible et enfin, lorsque cette mesure est inévitable, les mineurs doivent être détenus séparément des adultes (voir, entre autres, Nart c. Turquie, no 20817/04, §§ 28-35, 6 mai 2008 et Güveç c. Turquie, no 70337/01, §§ 106-110, CEDH 2009 (extraits)).
15. En l’espèce, la période à considérer a débuté le 23 octobre 2009 avec l’arrestation du requérant pour s’achever le 3 décembre 2009 avec sa condamnation (paragraphes 5 et 10 ci-dessus). Elle a donc duré quarante jours. Pendant cette période, la question du maintien en détention provisoire du requérant a été examinée une fois, à savoir le 5 novembre 2009. La décision de maintien en détention était fondée sur la nature de l’infraction reprochée, le laps de temps passé en détention, l’état des preuves, le risque de fuite et le fait que l’intéressé n’avait pas encore été entendu en sa défense. À cette occasion, le juge pour enfants considéra qu’une mesure de contrôle judiciaire s’avérait insuffisante, ce qui indique que la détention provisoire a été envisagée qu’en dernier recours. Il convient aussi de relever que tant le maintien en détention provisoire que l’opposition, ont été examinés par des magistrats spécialisés, à savoir respectivement le juge pour enfants de Bakırköy et la cour d’assises pour enfants de cette même ville. S’il est vrai que le dossier ne contient pas d’information sur les conditions de détention du requérant, ce dernier n’a pas indiqué avoir été détenu avec des adultes. La Cour observe enfin que les autorités nationales ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que la durée de la détention provisoire subie par le requérant n’a pas enfreint l’article 5 § 3 de la Convention.
16. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION
17. Le requérant se plaint de la non-communication de l’avis du procureur dans le cadre de la procédure d’opposition ainsi que de l’absence d’audience à cette occasion. Il invoque l’article 5 § 4 de la Convention.
A. L’absence d’audience lors de l’examen de l’opposition
18. La Cour relève que l’opposition formée par le requérant contre la décision de maintien en détention provisoire du requérant a été rejetée par la cour d’assises pour mineurs le 9 novembre 2009, à l’issue d’un examen sur dossier. À cette dernière date, la dernière comparution de l’intéressé devant un juge remontait à seize jours, à savoir à son audition du 23 octobre 2009. Aussi dans les circonstances de l’espèce, la Cour considère que la tenue d’une audience ne s’imposait pas lors de l’examen de l’opposition le 9 novembre 2009. Il convient de préciser que cette circonstance n’a pas en soi porté atteinte au respect du principe de l’égalité des armes dans la mesure où aucune des parties - le requérant et le procureur de la République - n’a participé oralement à la procédure d’opposition en question (voir, parmi d’autres, Altınok c. Turquie, no 31610/08, § 55, 29 novembre 2011 et Ceviz c. Turquie, no 8140/08, § 49, 17 juillet 2012).
19. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
B. La non-communication de l’avis du procureur de la République
20. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
21. La Cour relève que, dans le cadre de la procédure en opposition, le procureur a déposé devant la cour d’assises pour mineurs ses conclusions écrites tendant au rejet de l’opposition, lesquelles conclusions n’ont pas été communiquées au requérant ou à son avocat. Ces derniers n’ont donc pas eu la possibilité de répondre à cet avis. La cour d’assises pour mineurs a statué dans le sens de l’avis du procureur et a rejeté l’opposition formée par le requérant (paragraphe 9 ci-dessus). Dès lors, considérant que le requérant ou son avocat n’a pas eu la possibilité d’avoir notification de l’avis en question ni d’y répondre, la Cour estime que le recours prévu en droit interne n’a pas satisfait aux exigences de l’article 5 § 4 de la Convention, faute de n’avoir pas respecté l’égalité des armes entre les parties (Altınok, précité, §§ 57-61).
22. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 5 § 4 de la Convention sur ce point.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 5 DE LA CONVENTION
23. Le requérant se plaint de n’avoir disposé d’aucun recours effectif pour obtenir réparation. Il allègue la violation de l’article 5 § 5 de la Convention.
24. La Cour rappelle que le droit à réparation énoncé au paragraphe 5 de l’article 5 de la Convention suppose qu’une violation de l’un des autres paragraphes de cette disposition ait été établie par une autorité nationale ou par les institutions de la Convention (N.C. c. Italie [GC], no 24952/94, § 49, CEDH 2002-X). En l’espèce, la Cour ayant conclu à la violation du paragraphe 4 de l’article 5 en raison de la non-communication de l’avis du procureur de la République (paragraphes 22-23 ci-dessus), reste à déterminer si le requérant disposait de la possibilité de demander réparation pour le préjudice subi.
25. La Cour relève que l’article 141 du code de procédure pénale prévoit la possibilité pour une personne ayant fait l’objet d’une mesure judiciaire de demander une indemnisation dans certains cas limitativement énoncés. Or la Cour observe, à la lecture de cette disposition telle qu’elle était en vigueur à l’époque des faits, qu’aucun des cas de figure énumérés ne prévoyait la possibilité de demander la réparation d’un préjudice subi en raison de l’absence d’un recours effectif au sens de l’article 5 § 4 de la Convention. À cet égard, le Gouvernement est resté en défaut de produire une quelconque décision de justice relative à l’octroi d’une indemnité sur le fondement de cette disposition à un justiciable se trouvant dans la situation du requérant (voir, entre autres, Ergezen c. Turquie, no 73359/10, § 57, 8 avril 2014).
26. Partant, la Cour estime que le requérant ne disposait pas d’un recours pour demander réparation et elle conclut à la violation de l’article 5 § 5 de la Convention.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
27. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage moral
28. Le requérant réclame 20 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.
29. Le Gouvernement conteste ce montant.
30. La Cour estime que le dommage moral est suffisamment réparé par le constat de violation de la Convention auquel elle est parvenue (voir, en ce sens, Ceviz, précité, § 64).
B. Frais et dépens
31. Le requérant demande également 5 048 TRY (environ 2 000 EUR) pour les frais et dépens engagés devant la Cour. À titre de justificatif, il fournit une quittance d’honoraires.
32. Le Gouvernement conteste ce montant.
33. Compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 1 000 EUR et l’accorde au requérant.
C. Intérêts moratoires
34. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’article 5 §§ 4 (non-communication de l’avis du procureur de la République) et 5 de la Convention, et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 5 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 1 000 EUR (mille euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, somme à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 mars 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Abel Campos Helen
Keller
Greffier adjoint Présidente