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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> KARAVOULIAS v. GREECE - 21433/10 36203/10 - Committee Judgment (French Text) [2015] ECHR 347 (02 April 2015)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2015/347.html
Cite as: [2015] ECHR 347

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE KARAVOULIAS ET SKYRODEMA AXIOU AVEE
    c. GRÈCE

     

    (Requêtes nos 21433/10 et 36203/10)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    2 avril 2015

     

     

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Karavoulias et Skyrodema Axiou AVEE c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :

              Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
              Linos-Alexandre Sicilianos,
              Ksenija Turković, juges,
    et de André Wampach, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 mars 2015,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouvent deux requêtes (nos 21433/10 et 36203/10) dirigées contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet État, M. Vasilios Karavoulias et la société anonyme grecque, Skyrodema Axiou AVEE, (« les requérants »), ont saisi la Cour les 29 mars 2010 et 23 juin 2010 respectivement en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Les requérants ont été représentés par Me V. Chirdaris, avocat à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les déléguées de son agent, Mmes V. Pelekou, assesseure auprès du Conseil juridique de l’État, M. Germani et O. Souropani, auditrices auprès du Conseil juridique de l’État.

    3.  Les 21 octobre 2011 et 25 novembre 2011, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement.

    EN FAIT

    A.  Les circonstances de l’espèce

    4.  La liste des requérants, ainsi que les informations pertinentes sur les procédures en cause figurent en annexe.

    5.  Les requérants se plaignent de la durée de deux procédures devant les juridictions pénales, ainsi que de l’absence d’un recours effectif à cet égard. La première procédure concernait la poursuite pénale engagée contre le requérant du chef de falsification des documents (πλαστογραφία μετά χρήσεως). La seconde procédure concernait la plainte avec constitution de partie civile déposée par la requérante contre l’un de ses employés pour faux, soustraction de documents et vol (πλαστογραφία και κλοπή).

    B.  Le droit interne pertinent

    6.  La loi no 4239/2014, intitulée « satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable de la procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes », est entrée en vigueur Le 20 février 2014. La loi précitée introduit, entre autres, un nouveau recours indemnitaire visant à l’octroi d’une satisfaction équitable pour le préjudice moral causé par la prolongation injustifiée d’une procédure devant les juridictions pénales. L’article 3 § 1 dispose:

    « Toute demande de satisfaction équitable doit être introduite devant chaque degré de juridiction séparément. Elle doit être présentée dans un délai de six mois après la publication de la décision définitive de la juridiction devant laquelle la durée de la procédure a été, selon le requérant, excessive (...) ».

    EN DROIT

    I.  SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

    7.  Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et au problème de fond, qu’elles posent, la Cour estime nécessaire de les joindre et décide de les examiner conjointement dans un seul arrêt.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

    A.  Sur la recevabilité

    8.  La Cour constate qu’en ce qui concerne la requête no 36203/10, il ressort du dossier que la procédure devant la cour d’appel criminelle de Thessalonique, siégeant en formation de cinq membres et statuant en appel est encore pendante devant ladite juridiction. Dès lors, ladite procédure entre dans le champ d’application de la loi no 4239/2014, qui est entrée en vigueur le 20 février 2014 et porte, entre autres, sur la satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable d’une procédure devant les juridictions pénales (voir paragraphe 6 ci-dessus).

    9.  Il s’ensuit que la requérante pourra exercer le recours prévu par ladite loi pour se plaindre de la durée de la procédure en cause. Il convient donc de rejeter ledit grief sous l’angle de l’article 6 § 1 pour non-épuisement des voies de recours internes en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention, en ce qui concerne la procédure devant la cour d’appel criminelle de Thessalonique, siégeant en formation de cinq membres et statuant en appel (voir Xynos c. Grèce, n30226/09, 9 octobre 2014).

    10.  La Cour constate par ailleurs que le grief tiré de l’article 6 § 1 de la requête n21433/10 et celui de la requête no 36203/10, quant à la durée de la procédure devant la cour d’appel criminelle de Thessalonique, siégeant comme juridiction de première instance en formation de trois juges, qui a commencé le 4 septembre 2001 et s’est terminée le 22 mai 2012,  ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève également que ceux-ci ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.

    B.  Sur le fond

    11.  Les requérants allèguent que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

    « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

    12.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Michelioudakis c. Grèce, n54447/10, § 42, 3 avril 2012).

    13.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celles posées par les présentes requêtes et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Michelioudakis, précité).

    14.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans les procédures restant en litige, qui se sont terminées six mois avant l’entrée en vigueur de la loi n4239/2014. Plus précisément, elle note que les présentes affaires ne présentaient pas de complexité particulière. Elle estime que même si le premier requérant est responsable de certains retards dans le déroulement de la procédure, il n’en demeure pas moins que la période restante est excessive. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée des procédures litigieuses a été excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

    15.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 concernant la durée des procédures en cause.

    III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

    A.  Sur la recevabilité

    16.  La Cour constate qu’en ce qui concerne la requête no 36203/10, il ressort du dossier que la procédure devant la cour d’appel criminelle de Thessalonique, siégeant en formation de cinq membres et statuant en appel est encore pendante devant ladite juridiction. Dès lors, ladite procédure entre dans le champ d’application de la loi no 4239/2014, qui est entrée en vigueur le 20 février 2014 et porte, entre autres, sur la satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable d’une procédure devant les juridictions pénales (voir paragraphe 6 ci-dessus).

    17. Il s’ensuit que la requérante pourra exercer le recours prévu par ladite loi pour se plaindre de la durée de la procédure en cause. Il convient donc de rejeter ledit grief sous l’angle de l’article 13 comme manifestement mal fondé en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention, en ce qui concerne la procédure devant la cour d’appel criminelle de Thessalonique, siégeant en formation de cinq membres et statuant en appel (voir Xynos c. Grèce, n30226/09, 9 octobre 2014)

    18.  La Cour constate par ailleurs que le grief tiré de l’article 13 de la requête n21433/10 et celui de la requête no 36203/10, quant à la procédure devant la cour d’appel criminelle de Thessalonique, siégeant comme juridiction de première instance en formation de trois juges, qui a commencé le 4 septembre 2001 et s’est terminée le 22 mai 2012,  ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève également que ceux-ci ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.

    B.  Sur le fond

    19.  Les requérants se plaignent également du fait qu’en Grèce il n’existe aucun recours effectif pour se plaindre de la durée excessive des procédures en cause. Ils invoquent l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :

    « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles »

    20.  La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).

    21.  Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (voir Michelioudakis c. Grèce, no 54447/10, § 51, 3 avril 2012, et les références qui s’y trouvent citées).

    22.  La Cour note que le 20 février 2014 est entrée en vigueur la loi n4239/2014, portant sur la satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable d’une procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes. En vertu de la loi précitée, un nouveau recours a été établi permettant aux intéressés de se plaindre de la durée de chaque instance d’une procédure devant les juridictions pénales dans un délai de six mois à partir de la date de publication de la décision y relative (voir paragraphe 6 ci-dessus). Cependant, la Cour observe que cette loi n’a pas d’effet rétroactif.  Par conséquent, elle ne prévoit pas un tel recours pour les affaires, comme en l’espèce, terminées six mois avant son entrée en vigueur. Partant, les requérants ne pouvaient pas exercer ledit recours.

    23.  Partant, il y a eu la violation de l’article 13 de la Convention en raison, à l’époque des faits, de l’absence en droit interne d’un recours qui aurait permis aux requérants d’obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

    IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    24.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    25.  Les requérants réclament 20 000 euros (EUR) et 30 000 euros (EUR) respectivement au titre du préjudice moral qu’ils auraient subi, ainsi que 1 230 euros (EUR) et 1 476 euros (EUR) respectivement, factures à l’appui, pour les frais et dépens engagés devant la Cour.

    26.  Le Gouvernement conteste ces prétentions. Il considère pourtant qu’à l’égard de la requête no 36203/10, la somme de 500 euros (EUR) au titre des frais et dépens engagés devant la Cour serait raisonnable.

    27.  Compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, ainsi que du fait que les requérants sont responsables de certains retards dans le déroulement des procédures, la Cour estime qu’il y a lieu d’accorder aux requérants les sommes figurant en annexe.

    28.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1. Décide de joindre les requêtes et de les examiner conjointement dans un seul arrêt ;

     

    2.  Déclare la requête no 21433/10 recevable et la requête no 36203/10 recevable quant à la durée de la procédure, qui a commencé le 4 septembre 2001 et s’est terminée le 22 mai 2012, et irrecevable pour le surplus ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;

     

    5.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, les sommes figurant en annexe;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 2 avril 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    André Wampach                                                Mirjana Lazarova Trajkovska
      Greffier adjoint                                                               
    Présidente

     


    ANNEXE

     

     

     

    No

    No de Requête

    Date d’introduction

    1. Nom du requérant

    2. Date de naissance

    3. Lieu de résidence

    Début de la procédure

    Fin de la procédure

    Durée totale

    Instances de juridiction

    Somme allouée

    à chaque requérant

    1.

    21433/10

    29/03/2010

    1. Vasilios

    KARAVOULIAS

    2. 14/06/1962

    3. Patra

     

     

    10/06/2002

    30/09/2009

    Sept ans et plus de trois mois

     

     trois instances

    1 400 euros

     

    + 200 euros pour frais et dépens

    2.

    36203/10

    23/06/2010

    1. SKYRODEMA AXIOU AVEE

    2. (non pertinent)

    3. Thessalonique

     

    04/09/2001

    22/05/2012

    Dix ans et plus de huit mois

     

     une instance

    10 400 euros

     

    + 200 euros pour frais et dépens

     

     


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