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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ALEXIOU v. GREECE - 47008/12 - Committee Judgment (French Text) [2015] ECHR 703 (16 July 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2015/703.html Cite as: [2015] ECHR 703 |
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PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE ALEXIOU c. GRÈCE
(Requête no 47008/12)
ARRÊT
STRASBOURG
16 juillet 2015
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Alexiou c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :
Mirjana Lazarova Trajkovska,
présidente,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Linos-Alexandre Sicilianos, juges,
et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 23 juin 2015,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 47008/12) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet État, M. Pavlos Alexiou (« le requérant »), a saisi la Cour le 19 juillet 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me C. Chaskis, avocat au barreau de Thessalonique. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par la déléguée de son agent, Mme F. Dedousi, assesseure auprès du Conseil juridique de l’État.
3. Le 26 octobre 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
A. Les circonstances de l’espèce
4. Le requérant est né en 1970 et réside à Drama.
5. Le requérant est un militaire à la retraite. Le 15 juillet 2003, il saisit la Comptabilité générale de l’État d’une demande en vue d’obtenir le réajustement du montant de sa pension conformément aux dispositions des lois nos 2838/2000 et 3016/2002.
6. Le 21 novembre 2003, suite au rejet tacite de sa demande, le requérant forma une opposition devant le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État.
7. Considérant que sa demande était tacitement rejetée après l’écoulement d’un délai de trois mois sans réponse de la part de l’administration, le 18 février 2005 le requérant saisit la Cour des comptes d’un recours contre le rejet tacite de l’administration.
8. Une audience eut lieu le 30 janvier 2009. En raison de l’omission de l’État de fournir le dossier de pension du requérant, la Cour des comptes par une décision avant dire droit reporta l’examen de l’affaire (no 927/2009). Une nouvelle audience eut lieu le 7 octobre 2011.
9. Le 2 mars 2012, la Cour des comptes par son arrêt no 649/2012 donna gain de cause au requérant. Cet arrêt fut notifié au requérant le 6 mars 2012.
B. Le droit interne pertinent
La loi no 4239/2014
10. La loi no 4239/2014, intitulée « satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable de la procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes », est entrée en vigueur le 20 février 2014. La loi précitée introduit, entre autres, un nouveau recours indemnitaire visant à l’octroi d’une satisfaction équitable pour le préjudice moral causé par la prolongation injustifiée d’une procédure devant la Cour des comptes. L’article 3 § 1 dispose :
« Toute demande de satisfaction équitable doit être introduite devant chaque degré de juridiction séparément. Elle doit être présentée dans un délai de six mois après la publication de la décision définitive de la juridiction devant laquelle la durée de la procédure a été, selon le requérant, excessive (...). »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE
11. Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Sur la recevabilité
12. Le Gouvernement soutient que la requête devrait être déclarée irrecevable en application du nouveau critère prévu par l’article 35 § 3 b) de la Convention telle qu’amendée par le Protocole no 14, selon lequel la Cour peut déclarer une requête irrecevable lorsque « le requérant n’a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne ».
13. La Cour note qu’elle a déjà rejeté une exception identique à celle soulevé en l’espèce (voir, Gletsos c. Grèce, no 58572/10, § 18, 6 février 2014). En application de cette jurisprudence, il convient de rejeter cette exception dans le cadre de la présente affaire.
14. Par ailleurs, la Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Période à prendre en considération
15. La Cour note que le requérant, avant de saisir la Cour des comptes a introduit un recours devant le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État. Ledit recours était une démarche indispensable afin qu’il soit possible de saisir la Cour des comptes. À cet égard, la Cour rappelle que lorsqu’en vertu de la législation nationale, un requérant doit épuiser une procédure administrative préalable avant d’avoir recours à un tribunal, la procédure devant l’organe administratif doit être inclus dans le calcul de la longueur de la procédure civile aux fins de l’application de l’article 6 (voir en ce sens et mutatis mutandis, Paskhalidis et autres c. Grèce, 19 mars 1997, § 33, Recueil des arrêts et décisions 1997-II, Ichtigiaroglou c. Grèce, no 12045/06, § 38, 19 juin 2008). Dès lors, la date à laquelle le requérant a introduit ledit recours doit être considérée comme le début de la procédure.
16. Dans ces conditions, la période à considérer a débuté le 21 novembre 2003 avec la saisine du comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État et a pris fin le 2 mars 2012, date à laquelle l’arrêt no 649/2012 de la Cour des comptes a été publié. Elle a donc duré huit ans et plus de trois mois pour deux instances, dont sept ans pour une instance.
2. Durée raisonnable de la procédure
17. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Mavredaki c. Grèce, no 10966/10, 24 octobre 2013).
18. La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Mavredaki, précité).
19. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans la présente affaire, qui s’est terminée six mois avant l’entrée en vigueur de la loi no 4239/2014. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse a été excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
20. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 au regard de la durée de la procédure en cause.
II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
21. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, le requérant se plaint qu’en raison de la durée de la procédure litigieuse, il a été privé pour longtemps du réajustement de sa pension.
22. La Cour constate que ce grief est étroitement lié à celui tiré de la durée de la procédure. Elle note en outre que selon la jurisprudence de la Cour, les répercussions patrimoniales négatives éventuellement provoquées par la durée excessive de la procédure s’analysent comme la conséquence de la violation du droit garanti par l’article 6 § 1 de la Convention et ne sauraient être prises en considération qu’au titre de la satisfaction équitable que le requérant pourrait obtenir à la suite du constat de cette violation (voir Varipati c. Grèce, no 38459/97, § 32, 26 octobre 1999). En somme, la Cour estime qu’aucune question ne se pose à l’égard de l’article 1 du Protocole no 1.
23. Le requérant se plaint encore d’une violation des articles 13, 17 et 18 de la Convention. La Cour constate qu’il se contente d’invoquer lesdits articles, sans fournir d’éléments de nature à étayer ses griefs.
24. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
25. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
26. Le requérant n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable dans le délai imparti à cet effet. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive de la procédure et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 juillet 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
André Wampach Mirjana
Lazarova Trajkovska
Greffier adjoint Présidente