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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> POTOROC c. ROUMANIE - 59452/09 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Fourth Section Committee)) French Text [2017] ECHR 169 (14 February 2017)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2017/169.html
Cite as: ECLI:CE:ECHR:2017:0214JUD005945209, CE:ECHR:2017:0214JUD005945209, [2017] ECHR 169

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    QUATRIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE POTOROC c. ROUMANIE

     

    (Requête no 59452/09)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    14 février 2017

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Potoroc c. Roumanie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en un comité composé de :

              Paulo Pinto de Albuquerque, président,
              Iulia Motoc,
              Marko Bošnjak, juges,
    et de Andrea Tamietti, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 24 janvier 2017,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 59452/09) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Ioan Potoroc (« le requérant »), a saisi la Cour le 20 octobre 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le requérant a été représenté par Mes N. Olteanu et M. Olteanu, avocats à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

    3.  Le 7 octobre 2013 le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention a été communiqué au Gouvernement, ce grief concernant le défaut allégué d’équité de la procédure pénale en raison de la condamnation du requérant par la juridiction de recours en l’absence d’administration directe des preuves alors que l’intéressé avait été acquitté par les tribunaux inférieurs. La requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du Règlement de la Cour.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    4.  Le requérant est né en 1953 et réside à Bucarest.

    A.  La détention provisoire du requérant et l’enquête pénale

    5.  Le 6 juin 2004, le requérant fut placé en garde à vue puis en détention provisoire, au motif qu’il était soupçonné d’être un trafiquant international de stupéfiants. Il lui était plus particulièrement reproché d’avoir demandé à C.I., employé de la brigade anti-terroriste, d’intervenir auprès de B.C., douanier, afin de faciliter le passage de R.R. par le point de contrôle de la frontière à l’aéroport international Henry Coandă de Bucarest en ne vérifiant pas ses bagages, alors qu’il savait que ce dernier transportait de la cocaïne.

    6.  Pendant l’enquête pénale, plusieurs actes d’enquête furent réalisés et des témoins furent entendus. Le requérant et R.R. furent interrogés à plusieurs reprises. Le requérant a toujours nié les faits qui lui étaient reprochés. Une confrontation fut organisée entre le requérant et C.I.

    B.  Le procès en première instance

    7.  Par un réquisitoire du 27 août 2004, le requérant et R.R. furent envoyés en jugement devant le tribunal départemental de Bucarest (« le tribunal départemental ») du chef de trafic international de stupéfiants. Ce réquisitoire était fondé sur des documents écrits, des déclarations de témoins et des enregistrements vidéo.

    8.  Le tribunal départemental interrogea le requérant, qui clamait son innocence, le coïnculpé de ce dernier, R.R., ainsi que seize témoins, dont B.C., C.I., R.S., C.F., R.D., M.V., S.C.M., M.G. et T.C.S.

    9.  D’autres preuves furent versées au dossier, parmi lesquelles des documents écrits contenant des informations sur les passagers des vols et sur les horaires d’atterrissage des vols, des procès-verbaux relatifs aux appels téléphoniques émis et reçus par le requérant ainsi que les numéros de téléphone qui se trouvaient sur l’agenda de ce dernier.

    10.  Le tribunal départemental visionna tous les enregistrements réalisés au cours de l’enquête.

    11.  Par un jugement du 1er juin 2005, le tribunal départemental condamna R.R. à une peine de seize ans de prison ferme du chef de trafic international de stupéfiants. Par le même jugement, le tribunal départemental acquitta le requérant, au motif qu’il ne ressortait pas avec certitude des preuves qui lui avaient été soumises que ce dernier avait commis les faits dont il était accusé. Après avoir étudié les déclarations des témoins, le tribunal départemental jugea que rien ne prouvait que le requérant avait demandé à C.I. de faciliter le transit de R.R. par l’aéroport et qu’il n’avait pas été démontré qu’il existait un lien ou une entente préalable entre l’intéressé et R.R., les arguments du réquisitoire étant fondés sur des simples suppositions à cet égard. Le tribunal estima également qu’il n’y avait aucune preuve que le requérant connaissait le contenu des bagages de R.R.

    C.  La procédure d’appel

    12.  Sur appel du parquet, par un arrêt du 21 septembre 2005, la cour d’appel de Bucarest (« la cour d’appel ») procéda à une requalification juridique des faits et condamna le requérant à une peine de quinze ans de prison ferme du chef de complicité de trafic international de stupéfiants. Pour justifier la responsabilité pénale du requérant, la cour d’appel se fonda sur les déclarations des témoins C.I., M.G., T.C.S. et M.V., sur un écrit attestant du temps passé par l’intéressé à l’aéroport et sur le fait que le requérant n’avait présenté aucune preuve pour étayer sa version des faits.

    13.  Sur recours (recurs) du requérant, par un arrêt du 13 décembre 2006, la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour ») cassa l’arrêt du 21 septembre 2005 et renvoya l’affaire devant la cour d’appel pour un nouvel examen, au motif que cette dernière juridiction avait condamné l’intéressé sans l’avoir interrogé au préalable.

    14.   Par un arrêt du 10 mai 2007, la cour d’appel, après avoir procédé à l’interrogatoire du requérant, condamna ce dernier à une peine de quinze ans de prison ferme du chef de complicité au de trafic international de stupéfiants.

    15.  Sur un nouveau recours du requérant, par un arrêt du 5 décembre 2007, la Haute Cour cassa l’arrêt du 10 mai 2007 et renvoya l’affaire devant la cour d’appel pour un nouvel examen, au motif que l’arrêt avait été rendu par un juge incompétent.

    16.  Saisie à nouveau de l’affaire, la cour d’appel interrogea le requérant ainsi que les témoins C.I., M.G., B.C. et P.F.I. Ce dernier avait été proposé par le requérant.

    17.  Par un arrêt du 16 octobre 2008, la cour d’appel rejeta l’appel du parquet et confirma le jugement du tribunal départemental du 1er juin 2005 (paragraphe 11 ci-dessus). La cour d’appel motiva sa décision en considérant qu’il n’existait aucune preuve permettant de requalifier les faits reprochés au requérant en complicité de trafic international de stupéfiants ou de prouver que la personne qui devait faciliter le passage de la frontière de R.R. à l’aéroport était le requérant.

    18.  La cour d’appel jugea que la déclaration du douanier B.C. était importante et que les déclarations faites par l’employé de la brigade anti-terroriste, C.I., au cours de la procédure (paragraphes 6, 8 et 16 ci-dessus), susceptibles de faire le lien entre le requérant et R.R., étaient contradictoires et non crédibles. Elle ajouta que la décision de renvoyer le requérant en jugement était fondée sur des simples suppositions et qu’il ne ressortait pas des preuves soumises à son examen que l’intéressé avait commis les faits dont il était accusé.

    D.  La condamnation pénale du requérant

    19.  Le parquet forma un recours, en soutenant que la culpabilité du requérant ressortait clairement des preuves versées au dossier.

    20.  Aucun témoin ne fut entendu pendant la procédure de recours et aucune preuve nouvelle ne fut versée au dossier.

    21.  Par un arrêt définitif du 28 avril 2009, la Haute Cour fit droit au recours du parquet, cassa les décisions des juridictions inférieures et procéda au jugement au fond de l’affaire. Elle estima qu’il ressortait du contenu des déclarations de certains témoins que le requérant était coupable de complicité de trafic international de stupéfiants et le condamna de ce chef à une peine de quinze ans de prison ferme. La Haute Cour tint le raisonnement suivant :

    « (...) En effet, contrairement à la déclaration de l’inculpé [le requérant] (...) par laquelle il clamait son innocence, (...), il ressort des preuves instruites et de la combinaison des déclarations du coïnculpé R.R. avec celles des témoins C.I., B.C., R.D., C.F., S.C.M., R.S., M.G. et T.C.S. que l’inculpé a commis les faits qui lui sont reprochés, tels qu’ils sont présentés dans le réquisitoire, en ayant la qualité de complice [de] R.R. (...)

    Par ailleurs, les faits qui ressortent de manière certaine des preuves versées au dossier, quant à l’aide que l’inculpé (...) avait promis et essayé d’apporter à R.R. dans la forme présentée par ce dernier, ont décidé la cour d’appel de Bucarest, dans son arrêt du 21 septembre 2005 (...), à faire droit à l’appel du parquet, (...). »

    II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

    22.  Les dispositions du code de procédure pénale définissant à l’époque des faits l’étendue de la compétence et des pouvoirs de la juridiction saisie d’un recours sont décrites dans l’affaire Găitănaru c. Roumanie (no 26082/05, §§ 17-18, 26 juin 2012).

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

    23.  Le requérant se plaint de n’avoir pas bénéficié d’un procès équitable, alléguant qu’il a été condamné par la Haute Cour en l’absence d’administration directe des preuves, et plus particulièrement des témoignages, alors qu’il avait été acquitté par les tribunaux inférieurs sur le fondement des mêmes preuves. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé dans ses parties pertinentes en l’espèce :

    « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...). »

    A.  Sur la recevabilité

    24.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Arguments des parties

    25.  Le requérant considère qu’il n’a pas bénéficié d’un procès équitable puisqu’il a été condamné pour la première fois lors de la procédure de recours, alors que la Haute Cour n’avait pas procédé à un examen direct des preuves.

    26.  Il explique que, s’il est vrai que la cour d’appel avait à deux reprises prononcé sa condamnation pénale (paragraphes 13 et 15 ci-dessus), il n’en reste pas moins que les deux arrêts en cause ont été annulés pour nullité absolue, de sorte qu’ils ne peuvent plus être considérés comme valables. Il ajoute que, après avoir procédé à l’interrogatoire de certains témoins, la cour d’appel a prononcé son acquittement (paragraphes 17 et 18 ci-dessus).

    27.  Le requérant indique qu’il a présenté sa défense dans la procédure de recours et que la Haute Cour, qui a examiné l’affaire en fait et en droit, a omis de clarifier les ambiguïtés dans les déclarations des témoins.

    28.  Le Gouvernement explique tout d’abord qu’il appartient au juge national de décider de la nécessité de citer un témoin et que la Cour ne pourrait conclure à l’incompatibilité de la procédure avec l’article 6 de la Convention en raison de la non-audition d’un témoin que dans des circonstances exceptionnelles, lesquelles, à ses yeux, n’existent pas en l’espèce.

    29.  Il expose ensuite que, à la différence d’autres affaires déjà examinées par la Cour, dans lesquelles les intéressés avaient été relaxés par toutes les juridictions inférieures, en l’espèce, trois instances ont reconnu l’intéressé coupable sur la base des preuves instruites et seulement deux formations de jugement ont prononcé son acquittement. Il ajoute que, dans la présente affaire, les personnes interrogées ont fait preuve de constance dans leurs déclarations et qu’un nouvel interrogatoire n’était pas justifié pour clarifier certaines dépositions. Selon lui, la Haute Cour n’a fait qu’établir des connexions entre les déclarations des témoins interrogés par les juridictions inférieures et en tirer des conclusions. Le Gouvernement indique enfin que la condamnation du requérant n’était pas uniquement fondée sur les déclarations des témoins mais également sur les écrits versés au dossier.

    30.  Le Gouvernement remarque enfin que le requérant n’a pas demandé à la juridiction de recours saisie de son affaire d’interroger à nouveau les témoins.

    2.  Appréciation de la Cour

    31.  La Cour renvoie aux principes généraux régissant les modalités d’application de l’article 6 de la Convention aux procédures d’appel qu’elle a rappelés dans l’affaire Găitănaru c. Roumanie, (no 26082/05, § 26-28, 26 juin 2012 ; voir, plus récemment, Flueraş c. Roumanie, no 17520/04, § 53-55, 9 avril 2013, et Moinescu c. Roumanie, no 16903/12, § 33-35, 15 septembre 2015).

    32.  En l’espèce, le tribunal départemental et la cour d’appel, après avoir entendu les témoins, ont jugé que les pièces du dossier, notamment les déclarations faites par les témoins, ne prouvaient pas que le requérant avait commis les faits reprochés, et ont ordonné son acquittement (paragraphes 11 et 17-18 ci-dessus).

    33.  S’il est vrai que, à deux reprises, la cour d’appel a condamné l’intéressé du chef de complicité de trafic international de stupéfiants (paragraphes 12 et 14 ci-dessus), il n’en reste pas moins que ces arrêts ont été cassés à la suite d’erreurs de procédure (paragraphes 13 et 15 ci-dessus) et que, après avoir interrogé le requérant et certains témoins (paragraphe 16 ci-dessus), la même cour d’appel a acquitté l’intéressé. Dès lors, le requérant n’a, à aucun moment, été condamné pénalement par un arrêt valable rendu par les juridictions inférieures.

    34.  Sur recours du parquet (paragraphe 19 ci-dessus), la Haute Cour s’est prévalue de la possibilité offerte par la loi interne de procéder à un nouvel examen de la question de la culpabilité de l’intéressé. Pour ce faire, elle s’est basée sur les mêmes preuves que celles qui avaient mené les juridictions inférieures à relaxer l’intéressé, aucune nouvelle preuve n’étant présentée devant elle (paragraphe 20 ci-dessus). Elle a conclu qu’il ressortait avec certitude des preuves, et plus particulièrement du contenu des déclarations des témoins, que le requérant avait commis les faits qui lui étaient reprochés (paragraphe 21 ci-dessus).

    35.  Pour se prononcer ainsi, la Haute Cour a procédé plus particulièrement à une nouvelle interprétation des témoignages figurant au dossier, dont elle n’a pas elle-même entendu les auteurs. Elle a ainsi pris le contre-pied des jugements des tribunaux inférieurs, qui avaient relaxé le requérant sur la base, notamment, des dépositions de ces témoins faites lors des audiences tenues devant eux. De l’avis de la Cour, en se livrant à une telle analyse, la Haute Cour ne s’est pas limitée à la simple appréciation d’une question de droit, mais a bel et bien procédé à une nouvelle interprétation des faits, qui a conduit à requalifier les actions du requérant. Condamné au pénal, l’intéressé a vu, par conséquent, sa situation s’aggraver.

    36.  S’il appartenait à la juridiction de recours d’apprécier les divers éléments de preuve, il n’en demeure pas moins que le requérant a été reconnu coupable sur la base des témoignages qui avaient suffisamment fait douter les premiers juges du bien-fondé de l’accusation à l’encontre de l’intéressé pour motiver son acquittement. Or, la Haute Cour aurait dû questionner la nécessité d’un nouvel interrogatoire des témoins, d’autant plus que le témoignage de l’employé de la brigade anti-terroriste, C.I., susceptible de faire le lien entre le requérant et R.R., n’a pas été considéré crédible par la cour d’appel (paragraphe 18 ci-dessus). La Cour rappelle, dans ce contexte, que ceux qui ont la responsabilité de décider de la culpabilité ou de l’innocence d’un accusé doivent, en principe, être en mesure d’entendre les témoins en personne et d’évaluer leur fiabilité. L’évaluation de la fiabilité d’un témoin est une tâche complexe qui ne peut généralement pas être menée à bien par la simple lecture des déclarations écrites (Dan c. Moldova, no 8999/07, § 33, 5 juillet 2011). Bien sûr, il existe des cas où il est impossible de faire interroger un témoin par le tribunal, par exemple si l’intéressé est décédé, ou afin de respecter son droit de ne pas s’incriminer lui-même (Craxi c. Italie (no 1), no 34896/97, § 86, 5 décembre 2002, et Dan, précité, § 33). Cependant, tel n’est pas le cas en l’espèce.

    37.  La Cour rappelle enfin qu’elle a déjà statué dans des affaires similaires, dans lesquelles le Gouvernement soulevait l’argument selon lequel le requérant n’avait jamais demandé lui-même à la juridiction de recours d’entendre des témoins, que la juridiction de recours était tenue de prendre d’office des mesures en ce sens, nonobstant l’absence de sollicitation expresse du requérant (Manolachi c. Roumanie, no 36605/04, § 50, 5 mars 2013, Hanu c. Roumanie, no 10890/04, § 38, 4 juin 2013, et, plus récemment, Moinescu précité, § 28). De plus, la Cour note que l’on ne saurait en l’espèce reprocher au requérant un manque d’intérêt pour son procès (voir, a contrario, Bragadireanu c. Roumanie, no 22088/04, § 110, 6 décembre 2007).

    38.  Ces éléments permettent à la Cour de conclure que la condamnation du requérant par la Haute Cour, prononcée sans que les témoins n’aient été directement entendus et alors que l’intéressé avait été acquitté par les deux juridictions inférieures, doit être considérée comme étant contraire aux exigences d’un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

    39.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

    II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    40.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    41.  Le requérant réclame 100 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

    42.  Le Gouvernement soutient que le lien de causalité entre la prétendue violation de l’article 6 de la Convention et le préjudice moral allégué n’a pas été prouvé, étant donné l’impossibilité de spéculer sur l’issue de la procédure devant les instances internes si la Haute Cour avait procédé à l’administration directe des preuves. Il rappelle que le code de procédure pénale permet la révision d’un procès sur le plan interne si la Cour a constaté la violation des droits du requérant. Subsidiairement, le Gouvernement indique que la somme sollicitée par l’intéressé au titre de préjudice moral est excessive par rapport à la jurisprudence de la Cour en la matière.

    43.  La Cour relève que, en l’espèce, le seul fondement à retenir pour l’octroi d’une satisfaction équitable réside dans le fait que le requérant n’a pas bénéficié d’un procès équitable devant la Haute Cour. Elle ne saurait certes spéculer sur ce qu’aurait été l’issue du procès si l’article 6 de la Convention avait été respecté, mais estime qu’il n’est pas déraisonnable de penser que l’intéressé a subi une perte de chance réelle dans ledit procès (Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 80, CEDH 1999-II).

    44.  Dès lors, statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle alloue au requérant la somme de 3 000 EUR au titre du préjudice moral.

    45.  En outre, la Cour rappelle que, lorsqu’un particulier, comme en l’espèce, a été condamné à l’issue d’une procédure entachée de manquements aux exigences de l’article 6 de la Convention, un nouveau procès ou une réouverture de la procédure à la demande de l’intéressé représente en principe un moyen approprié de remédier à la violation constatée (Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 126, CEDH 2006-II). À cet égard, elle note que l’article 465 du nouveau code de procédure pénale, entré en vigueur le 1er février 2014, permet la révision d’un procès sur le plan interne lorsque la Cour a constaté la violation des droits et libertés fondamentaux d’un requérant (Moinescu, précité, § 48).

    B.  Frais et dépens

    46.  Le requérant ne demande pas le remboursement des frais et dépens. Dès lors, la Cour n’est pas appelée à statuer à cet égard.

    C.  Intérêts moratoires

    47.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 février 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

          Andrea Tamietti                                             Paulo Pinto de Albuquerque
           Greffier adjoint                                                            Président


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