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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> PIROZZI v. BELGIUM - 21055/11 (Judgment : No Article 5 - Right to liberty and security : Second Section) French Text [2018] ECHR 337 (17 April 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2018/337.html Cite as: ECLI:CE:ECHR:2018:0417JUD002105511, CE:ECHR:2018:0417JUD002105511, [2018] ECHR 337 |
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DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE PIROZZI c. BELGIQUE
(Requête no 21055/11)
ARRÊT
STRASBOURG
17 avril 2018
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Pirozzi c. Belgique,
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :Robert Spano, président,
Paul Lemmens,
Ledi Bianku,
Nebojša Vučinić,
Valeriu Griţco,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
PROCÉDURE
1. À l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 21055/11) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant italien, M. Vittorio Pirozzi (« le requérant »), a saisi la Cour le 22 mars 2011 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).2. Le requérant a été représenté par Me H. El Abouti, avocat à Bruxelles. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme I. Niedlispacher, service public fédéral de la Justice.3. Le requérant allègue en particulier, d'une part, que son arrestation par les autorités belges ne s'est pas faite selon les voies légales, et d'autre part, qu'il a été remis aux autorités italiennes en vertu d'un mandat d'arrêt européen (« MAE ») se basant sur une condamnation prononcée par les juridictions italiennes au terme d'une procédure contraire au droit à un procès équitable.4. Le 2 février 2017, les griefs concernant les articles 5 § 1 et 6 § 1 ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l'article 54 § 3 du règlement de la Cour.5. Le requérant étant de nationalité italienne, le gouvernement italien a été informé, le 8 février 2017, qu'il avait la possibilité de présenter des observations écrites en vertu de l'article 36 § 1 de la Convention et de l'article 44 du règlement de la Cour. N'ayant pas reçu de réponse du gouvernement italien dans le délai imparti, la Cour considère que ce dernier n'entend pas se prévaloir de son droit d'intervention.EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
6. Le requérant est né en 1952 et est actuellement détenu à la prison de Spoleto (Italie).A. La procédure suivie en Italie
7. Le requérant fut condamné le 26 juin 1998 par le tribunal de Brescia pour trafic de stupéfiants à dix-huit ans de réclusion et à 250 000 euros (« EUR ») d'amende. Le requérant assista à son procès.8. La décision de première instance fut réformée par arrêt du 18 avril 2002 de la cour d'appel de Brescia qui réduisit la peine d'emprisonnement à quinze ans et l'amende à 80 000 EUR. L'arrêt fut rendu par défaut, le requérant ayant allégué avoir été empêché de comparaître pour des raisons médicales. Il fut représenté par l'avocat qu'il avait désigné et qui l'avait défendu en première instance. L'arrêt fut notifié au requérant le 28 mai 2002.
9. Le droit italien n'offrant à l'époque pas la possibilité de former opposition, le requérant se pourvut en cassation. La Cour de cassation rejeta son pourvoi le 23 mai 2003. Elle considéra que la cour d'appel en ne légitimant pas l'empêchement du requérant à être présent à son procès, avait agi de manière diligente et légale, dès lors que le certificat fourni n'était pas un original, et qu'il ne comprenait pas de signature ni d'autres éléments propres à démontrer qu'il avait été émis par l'hôpital, et qu'en l'absence d'indication sur la gravité de l'état du requérant et de sa transportabilité, il n'était pas démontré que la pathologie, dont le certificat faisait état, était de nature à l'empêcher de comparaître. Enfin, le document comprenait une date de décharge de l'hôpital, ce qui indiquait que l'empêchement allégué n'était pas absolu.10. Le 15 janvier 2004, l'avocat du requérant soumit un nouveau pourvoi à la Cour de cassation qui fut déclaré irrecevable par un arrêt du 17 mai 2004.11. Par une décision du 24 janvier 2007, le tribunal de Brescia, saisi d'une demande de grâce, réduisit la peine du requérant d'un an.12. Le 27 juillet 2010, le procureur de la République près le tribunal de Naples émit un MAE en vue de l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel du 18 avril 2002 des quatorze années d'emprisonnement restant à purger. Le MAE fut transmis aux autorités belges le 2 août 2010 sur la base de la présomption que le requérant se trouvait à Bruxelles.B. La procédure suivie en Belgique
13. Le requérant fut localisé à Bruxelles le 4 août 2010. Il ressort du procès-verbal dressé à la suite de la localisation et l'arrestation du requérant par les services de la police judiciaire fédérale le soir du 4 août 2010 que les faits se déroulèrent comme suit :« Référons à la commission rogatoire internationale émise par les autorités judiciaires italiennes de Naples transmise et validée par le juge d'instruction L. (...) consistant en une demande d'interception et de localisation de numéros de téléphone mobiles belges qui seraient utilisés par [le requérant] et par conséquent aussi à la localisation et l'interception de ce dernier.
Exposons que les résultats et exploitation permettent de déterminer que [le requérant] utilisait bien les numéros dont question dans la commission rogatoire internationale (...)
Exposons que [le requérant] fait en outre l'objet d'un signalement international délivré par les autorités italiennes sur la base d'un MAE émis par le parquet de la cour de Naples.
Exposons que lors de l'observation classique effectuée ce jour à partir de 10.00 heures dans le quartier (...) il a été remarqué qu'une personne présentant une forte ressemblance avec [le requérant] entrait à 14.30 heures dans l'immeuble (...).
Contactons ce jour à 16.00 heures madame le procureur du Roi (...) du parquet de Bruxelles et l'avons informée des résultats de nos recherches et nos observations.
Exposons qu'une apostille nous a été transmise par fax à 16.30 heures nous demandant de procéder à l'arrestation [du requérant] et de le mettre à sa disposition.
Madame le procureur du Roi (...) nous a autorisé, porteur de la présente apostille et du MAE, à pénétrer dans l'immeuble sis (...).
À 17.55 heures, la porte d'entrée de l'immeuble est ouverte par le serrurier (...).
Vu les risques de fuite par l'arrière, tous les étages sont immédiatement investis.
La serrure de la porte d'entrée de l'appartement du 2ème étage occupé par [X] a été cassée et ensuite remplacée par une nouvelle. (...)
Exposons que [le requérant] a été découvert dans l'appartement situé au troisième étage en compagnie de sa femme. (...)
Exposons que [le requérant] a fait part de sa véritable identité (...).
Exposons que la fausse carte d'identité italienne retrouvée dans l'appartement et en possession [du requérant] (...) a été émise le 24.08.2006 (...).
Exposons que le commissaire de police (...) à 18.20 heures a pris contact avec madame le procureur du Roi (...) qui a donné pour instruction de priver [le requérant] de sa liberté et de le mettre à sa disposition pour le lendemain.
(...) »
14. Le soir de son arrestation, le requérant fut auditionné avec l'aide d'un interprète italien et informa les services de police qu'il était arrivé en Belgique en 2008 et y séjournait illégalement.15. Le 5 août 2010, le requérant fut présenté au juge d'instruction et un interrogatoire fut mené avec un interprète italien. Le requérant indiqua qu'il ne consentait pas à sa remise aux autorités italiennes, qu'il savait qu'il était condamné mais ignorait que cette condamnation était définitive. À l'issue de l'interrogatoire, le juge ordonna sa mise en détention considérant, au regard des pièces transmises par les autorités italiennes, qu'il n'y avait pas de raison de refuser l'exécution du MAE.16. Le 21 août 2010, le parquet du procureur de la République près le tribunal de Naples établit une note récapitulant la procédure menée en Italie à l'endroit du requérant et précisant que les articles 175 et 670 du code italien de procédure pénale prévoyaient qu'en cas de décisions rendues par défaut le prévenu pouvait demander la réouverture du délai pour former recours à condition qu'il n'ait pas renoncé à comparaître et que cette demande soit introduite, en cas d'extradition, dans les trente jours qui suivaient la remise de l'intéressé. La note fut ensuite transmise aux autorités belges.17. Par ordonnance du 25 août 2010, la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles rendit le MAE exécutoire. Devant la juridiction d'instruction, invoquant l'article 5 § 1 de la Convention, le requérant se plaignait qu'il ne pouvait pas vérifier la légalité des voies utilisées pour son arrestation. La chambre du conseil répondit en ces termes à ce moyen :« Attendu qu'il convient de rappeler que le juge qui statue sur l'exécution du mandat d'arrêt européen n'a pas à apprécier la légalité et la régularité dudit mandat, mais uniquement son exécution conformément au prescrit des articles 4 à 8 de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen. En cas d'exécution, la légalité et la régularité du mandat d'arrêt européen sont appréciées par l'autorité judiciaire qui délivre le mandat et à laquelle la personne recherchée est livrée en telle sorte qu'il est ainsi satisfait à l'article 5 [ § 4] de ladite Convention. »
18. Le requérant invoquait également que la procédure de contumace italienne avait été condamnée par la Cour étant donné que le droit italien ne garantissait pas avec un degré suffisant de certitude la possibilité d'obtenir la réouverture du procès. La chambre du conseil rejeta cet argument constatant que le code italien de procédure pénale avait été modifié en 2005 et prévoyait la possibilité de réouverture de la procédure, y compris en cas d'extradition.19. Sur l'appel du requérant, par un arrêt du 9 septembre 2010, la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Bruxelles confirma l'ordonnance de la chambre du conseil. Elle constata que les conditions résultant des articles 3 et 5 § 1 de la loi du 19 décembre 2003 relative au MAE étaient remplies et que les faits décrits dans le MAE correspondaient à ceux prévus à l'article 5 § 2 de la même loi. Il n'y avait pas lieu d'appliquer une des causes de refus prévues par la loi. Par ailleurs, elle considéra que l'arrestation de l'intéressé était légale dès lors que le MAE et le signalement international Schengen permettaient, à l'instar d'une ordonnance de capture, de pénétrer dans un domicile aux fins d'arrêter la personne recherchée. Elle rappela également qu'elle n'était saisie que de l'examen du MAE et qu'il ne lui appartenait pas de vérifier la légalité d'une demande d'entraide judiciaire de l'Italie. Elle considéra que l'article 7 de la loi du 19 novembre 2003 n'était pas applicable puisqu'il résultait du MAE que l'intéressé avait été cité personnellement ou informé autrement de la date et du lieu de l'audience qui avait conduit à la décision rendue par défaut. Elle constata que l'arrêt de la cour d'appel de Brescia mentionnait que l'intéressé avait été défendu par un avocat qui avait été entendu en ses moyens par la cour. Elle conclut qu'il n'existait dès lors pas de sérieuses raisons de croire que l'exécution du MAE aurait pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux de l'intéressé.
20. Le requérant introduisit un pourvoi contre l'arrêt de la chambre des mises en accusation. Il invoquait une violation de l'article 5 § 1 de la Convention dès lors que l'absence au dossier des pièces relatives aux mesures d'observation prises dans le cadre de la demande d'entraide judiciaire en vue de le localiser et de l'arrêter, rendait le contrôle de la légalité de ces mesures impossible. La Cour de cassation, par un arrêt du 22 septembre 2010, rejeta ce moyen en ces termes :
« L'exécution d'un [MAE] est indépendante des devoirs exécutés dans l'État d'émission ou sur commission rogatoire internationale. Les mesures prises dans ce cadre sont étrangères aux vérifications que doivent effectuer les juridictions d'instruction en application des articles 16 § 1 et 17 § 4 de la loi du 19 décembre 2003.
Aux termes de l'article 15, 2o de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, dans l'exercice de leurs missions de police judiciaire, les services de police ont pour tâche de rechercher les personnes dont l'arrestation est prévue par la loi, de s'en saisir, de les arrêter et de les mettre à la disposition des autorités compétentes.
En vertu de l'article 9 de la loi du 19 décembre 2003, le [MAE] constitue un titre d'arrestation. Conformément à l'article 2 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, il appartient au procureur du Roi de prescrire aux services de police de se saisir de la personne recherchée en pénétrant, le cas échéant, dans son lieu de résidence.
En considérant que le [MAE] et le signalement international Schengen permettent de pénétrer dans un domicile aux fins d'arrêter la personne recherchée, et que la cour d'appel n'était saisie que de l'examen dudit mandat sans avoir à examiner la légalité d'une demande d'entraide émanant des autorités italiennes, l'arrêt ne viole pas la disposition conventionnelle invoquée. »
21. Invoquant ensuite l'article 6 de la Convention, le requérant soutenait d'une part que la procédure italienne par contumace constituait un motif de refus d'extradition pour plusieurs pays de l'UE car la décision de condamnation restait exécutoire et qu'aucun recours n'était possible, situation qui avait par ailleurs été condamnée à plusieurs reprises par la Cour. Il se plaignait de ne pas avoir bénéficié d'un procès équitable en Italie ; la procédure en vigueur à l'époque ne permettant pas de saisir la cour d'appel par voie d'opposition, il avait été contraint de saisir la Cour de cassation italienne qui n'avait statué qu'en droit et non sur le bien-fondé de l'accusation. D'autre part, le requérant faisait valoir qu'ayant fait appel et n'ayant pas comparu, il n'était pas dans la situation visée par les articles 175 et 670 du code italien de procédure pénale qui concernaient les condamnations par défaut en première instance. Dans l'état actuel du droit italien, la Cour de cassation italienne ayant rejeté son recours, il ne disposait d'aucune garantie de faire réexaminer, conformément à l'article 6 de la Convention, le bien-�fondé de sa condamnation prononcée par défaut.22. La Cour de cassation rejeta la première branche du moyen au motif que, critiquant l'appréciation par la chambre des mises en accusation de la manière dont les autorités judiciaires italiennes avaient respecté les droits fondamentaux du requérant, il exigeait une vérification d'éléments de fait pour laquelle la Cour de cassation était sans pouvoir. Sur la base des faits constatés par eux, les juges d'appel avaient légalement justifié leur décision. Quant à la deuxième branche, la Cour de cassation la rejeta au motif que la crainte que les autorités italiennes n'agiraient pas dans le respect de l'article 6 de la Convention était purement hypothétique.23. Le 30 septembre 2010, le requérant fut remis aux autorités italiennes.II. LE DROIT ET LA PRATIQUE PERTINENTS
A. La décision-cadre 2002/584/JAI
24. La décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au MAE et aux procédures de remise entre États membres tend à améliorer et simplifier les procédures judiciaires pour la remise d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté. Il s'agit d'un système de remise par l'État membre de l'Union européenne (« UE ») sur le territoire duquel se trouve la personne recherchée, appelé « État membre d'exécution », à l'État membre dont émane le MAE, appelé « État membre d'émission ».
25. Le MAE remplace le système d'extradition. Il impose à chaque autorité judiciaire de l'État membre d'exécution de reconnaître et d'exécuter, moyennant des contrôles minimaux et dans des délais stricts, la demande de remise d'une personne formulée par l'autorité judiciaire de l'État membre d'émission. Le MAE vise l'arrestation et la remise de la personne concernée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sécurité privative de liberté.26. La décision-cadre énumère notamment les cas dans lesquels le mandat est applicable (article 2), et les cas dans lesquels les États peuvent ou doivent refuser l'exécution (articles 3 à 5, dans leur version avant la modification par la décision-cadre 2009/99/JAI du Conseil du 26 février 2009).27. Dans un arrêt Melloni (affaire C-�399/11, arrêt du 26 février 2013), la Cour de Justice de l'Union européenne (« CJUE ») a émis les considérations générales suivantes au sujet de la décision-cadre 2002/584/JAI telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI :
« 36. Il convient de rappeler que ladite décision-cadre, tel que cela ressort en particulier de son article 1er, paragraphes 1 et 2, ainsi que de ses considérants 5 et 7, a pour objet de remplacer le système d'extradition multilatéral entre États membres par un système de remise entre autorités judiciaires des personnes condamnées ou soupçonnées aux fins de l'exécution de jugements ou de poursuites, ce dernier système étant fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle (voir arrêt du 29 janvier 2013, Radu, C-�396/11, point 33).
37. Ladite décision-cadre 2002/584 tend ainsi, par l'instauration d'un nouveau système simplifié et plus efficace de remise des personnes condamnées ou soupçonnées d'avoir enfreint la loi pénale, à faciliter et à accélérer la coopération judiciaire en vue de contribuer à réaliser l'objectif assigné à l'Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice en se fondant sur le degré de confiance élevé qui doit exister entre les États membres (arrêt Radu, précité, point 34).
38. En vertu de l'article 1er, paragraphe 2, de ladite décision-cadre 2002/584, les États membres sont en principe tenus de donner suite à un mandat d'arrêt européen. En effet, selon les dispositions de cette décision-cadre, les États membres ne peuvent refuser d'exécuter un tel mandat que dans les cas de non-exécution obligatoire prévus à l'article 3 de celle-ci ainsi que dans les cas de non-exécution facultative énumérés à ses articles 4 et 4 bis. En outre, l'autorité judiciaire d'exécution ne peut subordonner l'exécution d'un mandat d'arrêt européen qu'aux seules conditions définies à l'article 5 de ladite décision-cadre (arrêt Radu, précité, points 35 et 36).
(...)
En ce qui concerne la portée du droit à un recours effectif et à un procès équitable prévu à l'article 47 de la Charte ainsi que des droits de la défense garantis par l'article 48, paragraphe 2, de celle-ci, il convient de préciser que, si le droit de l'accusé de comparaître en personne au procès constitue un élément essentiel du droit à un procès équitable, ce droit n'est pas absolu (voir, notamment, arrêt du 6 septembre 2012, Trade Agency, C 619/10, points 52 et 55). L'accusé peut y renoncer, de son plein gré, de manière expresse ou tacite, à condition que la renonciation soit établie de manière non équivoque, qu'elle s'entoure d'un minimum de garanties correspondant à sa gravité et qu'elle ne se heurte à aucun intérêt public important. En particulier, la violation du droit à un procès équitable n'est pas établie, quand bien même l'accusé n'aurait pas comparu en personne, dès lors qu'il a été informé de la date et du lieu du procès ou a été défendu par un conseil juridique, auquel il a donné mandat à cet effet.
(...)
Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que l'article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 ne méconnaît ni le droit à un recours effectif et à un procès équitable ni les droits de la défense garantis respectivement par les articles 47 et 48, paragraphe 2, de la Charte. »
Des considérations du même ordre ont été émises dans un arrêt Dworzecki (affaire C-108/16 PPU, arrêt du 24 mai 2016, points 26-�27 et 42).28. Dans un arrêt Lanigan (affaire C-237/15 PPU, arrêt du 2 juillet 2015), la CJUE précisa qu'en raison du fait que la décision-cadre ne pouvait avoir pour effet de modifier les droits fondamentaux tels que consacrés par la Charte des droits fondamentaux de l'UE et plus particulièrement par son article 6 qui prévoit que toute personne a droit à la liberté et à la sûreté, l'article 12 de la décision-cadre devait être lu en conformité avec celui-�ci. La CJUE rappela qu'en vertu de l'article 52 § 1 de la Charte, les limitations à l'article 6 de la Charte devaient nécessairement être prévues par la loi, respecter le contenu essentiel des droits prévus à cet article, respecter le principe de proportionnalité c'est-à-dire être nécessaire et répondre à des objectifs d'intérêt général connus. En outre, il résultait de l'article 52 § 3 de la Charte que, dans la mesure où celle-ci contenait des droits correspondant à des droits garantis par la Convention, leur sens et leur portée étaient les mêmes que ceux que leur conférait la Convention. De plus, en vertu de l'article 53 de la Charte, aucune disposition de la Charte ne pouvait avoir pour effet de limiter ou de porter atteinte aux droits reconnus par la Convention. Se référant à l'arrêt Quinn c. France de la Cour (22 mars 1995, série A no 311), la CJUE conclut qu'au terme de l'expiration des délais prévus à l'article 17 de la décision-cadre, le maintien de la détention ne pouvait être conforme à l'article 6 de la Charte que si la procédure d'exécution du MAE avait été menée avec suffisamment de diligence et ne présentait pas un caractère excessif, ce qui relevait de l'appréciation par le juge national.29. Dans un arrêt Aranyosi et Căldăraru (affaires jointes C-�404/15 et C-�659/15, arrêt du 12 avril 2016), la CJUE jugea que si, à la lumière des informations fournies ou de toute autre information dont elle dispose, l'autorité responsable de l'exécution du MAE constate qu'il existe, à l'égard de la personne faisant l'objet du mandat, du fait des conditions de détention dans l'État membre d'émission, un risque réel de traitement inhumain ou dégradant au sens notamment de l'article 3 de la Convention, l'exécution du mandat doit être reportée jusqu'à l'obtention d'informations complémentaires permettant d'écarter l'existence d'un tel risque. Si l'existence de ce risque ne peut pas être écartée dans un délai raisonnable, cette autorité doit décider s'il y a lieu de mettre fin à la procédure de remise.
B. La loi du 19 décembre 2003 relative au MAE
30. En Belgique, la décision-cadre précitée a été transposée par la loi du 19 décembre 2003 relative au MAE, dont les dispositions pertinentes en l'espèce sont les suivantes :
« Art. 2. § 1er. L'arrestation et la remise de personnes recherchées pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté entre la Belgique et les autres États membres de l'Union européenne sont régies par la présente loi.
§ 2. L'arrestation et la remise s'effectuent sur la base d'un mandat d'arrêt européen.
§ 3. Le mandat d'arrêt européen est une décision judiciaire émise par l'autorité judiciaire compétente d'un État membre de l'Union européenne, appelée autorité judiciaire d'émission, en vue de l'arrestation et de la remise par l'autorité judiciaire compétente d'un autre État membre, appelée autorité d'exécution, d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté.
(...)
Art. 3. Un mandat d'arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l'État membre d'émission d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au moins douze mois ou, lorsqu'une condamnation à une peine est intervenue ou qu'une mesure de sûreté a été infligée, pour autant qu'elles soient d'une durée d'au moins quatre mois.
Art. 4. L'exécution d'un mandat d'arrêt européen est refusée dans les cas suivants :
1o si l'infraction qui est à la base du mandat d'arrêt est couverte par une loi d'amnistie en Belgique, pour autant que les faits aient pu être poursuivis en Belgique en vertu de la loi belge ;
2o s'il résulte des informations à la disposition du juge que la personne recherchée a été définitivement jugée pour les mêmes faits en Belgique ou dans un autre État membre à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d'exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de l'État membre de condamnation, ou lorsque la personne concernée a fait l'objet en Belgique ou dans un autre État membre d'une autre décision définitive pour les mêmes faits qui fait obstacle à l'exercice ultérieur de poursuites ;
3o si la personne qui fait l'objet du mandat d'arrêt européen ne peut encore être, en vertu du droit belge, tenue pénalement responsable des faits à l'origine du mandat d'arrêt européen en raison de son âge ;
4o lorsqu'il y a prescription de l'action publique ou de la peine selon la loi belge et que les faits relèvent de la compétence des juridictions belges ;
5o s'il y a des raisons sérieuses de croire que l'exécution du mandat d'arrêt européen aurait pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée, tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 du traité sur l'Union européenne.
Art. 5. § 1. L'exécution est refusée si le fait qui est à la base du mandat d'arrêt européen ne constitue pas une infraction au regard du droit belge.
§ 2. Le paragraphe précédent ne s'applique pas si le fait constitue une des infractions suivantes, pour autant qu'il soit puni dans l'État d'émission d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins trois ans :
(...)
5o trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ;
(...)
Art. 7. Lorsque le mandat d'arrêt européen a été délivré aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté prononcée par une décision rendue par défaut, et si la personne concernée n'a pas été citée personnellement ni informée autrement de la date et du lieu de l'audience qui a mené à la décision rendue par défaut, la remise peut être subordonnée à la condition que l'autorité judiciaire d'émission donne des assurances jugées suffisantes pour garantir à la personne qui fait l'objet du mandat d'arrêt européen qu'elle aura la possibilité de demander une nouvelle procédure de jugement dans l'État d'émission et d'être jugée en sa présence.
Art. 9. § 1er. Un signalement effectué conformément aux dispositions de l'article 95 de la Convention d'application du 19 juin 1990 de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes vaut mandat d'arrêt européen.
§ 2. Tant que le signalement ne contient pas toutes les informations requises par le mandat d'arrêt européen, le signalement devra être suivi d'une transmission de l'original du mandat d'arrêt européen visé aux articles 2 et 3 ou d'une copie certifiée conforme.
Art. 10. La personne recherchée peut être arrêtée, sur la base du signalement visé à l'article 9 ou sur production d'un mandat d'arrêt européen. L'arrestation est soumise aux conditions de l'article 2 de la loi du 20 juillet 1990 sur la détention préventive.
Art. 11. § 1er. Dans les vingt-quatre heures qui suivent la privation effective de liberté, la personne concernée est présentée au juge d'instruction, qui l'informe : 1o de l'existence et du contenu du mandat d'arrêt européen; 2o de la possibilité qui lui est offerte de consentir à sa remise à l'autorité judiciaire d'émission; 3o du droit de choisir un avocat et un interprète.
Il est fait mention de cette information au procès-verbal d'audition.
(...) »
31. L'article 7 de la loi relative au MAE fut remplacé par la loi du 24 avril 2014. Il se lit dorénavant comme suit :« Art. 7. § 1er. L'exécution du mandat d'arrêt européen aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté peut également être refusée si l'intéressé n'a pas comparu en personne au procès qui a mené à un jugement par défaut, sauf si le mandat d'arrêt européen indique que l'intéressé, conformément aux autres exigences procédurales définies dans la législation nationale de l'État membre d'émission :
1o en temps utile, soit a été cité à personne et a ainsi été informé de la date et du lieu fixés pour le procès qui a mené au jugement par défaut, soit a été informé officiellement et effectivement par d'autres moyens de la date et du lieu fixés pour ce procès, de telle sorte qu'il a été établi de manière non équivoque qu'il a eu connaissance du procès prévu, et qu'il a été informé qu'une décision pouvait être prise en cas de non-comparution; ou
2o ayant eu connaissance du procès prévu, a donné mandat à un conseil juridique, qui a été désigné soit par l'intéressé, soit par l'État, pour le défendre au procès, et a été effectivement défendu par ce conseil pendant le procès; ou
3o après s'être vu signifier la décision et avoir été expressément informé de son droit à une nouvelle procédure de jugement ou à une procédure d'appel, à laquelle l'intéressé a le droit de participer et qui permet de réexaminer l'affaire sur le fond, en tenant compte des nouveaux éléments de preuve, et peut aboutir à une infirmation de la décision initiale :
a) a indiqué expressément qu'il ne contestait pas la décision; ou
b) n'a pas demandé une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d'appel dans le délai imparti; ou
4o n'a pas reçu personnellement la signification de la décision, mais :
a) la recevra personnellement sans délai après la remise et sera expressément informé de son droit à une nouvelle procédure de jugement ou à une procédure d'appel, à laquelle l'intéressé a le droit de participer et qui permet de réexaminer l'affaire sur le fond, en tenant compte des nouveaux éléments de preuve, et peut aboutir à une infirmation de la décision initiale; et
b) sera informé du délai dans lequel il doit demander une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d'appel, comme le mentionne le mandat d'arrêt européen concerné.
§ 2. Si le mandat d'arrêt européen est délivré aux fins de l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté conformément aux dispositions du paragraphe 1er, 4o, et si l'intéressé n'a pas été officiellement informé auparavant de l'existence de poursuites pénales à son encontre, ledit intéressé peut, au moment où le contenu du mandat d'arrêt européen est porté à sa connaissance, demander à recevoir une copie du jugement avant d'être remis. Dès que l'autorité d'émission est informée de cette demande, elle fournit la copie du jugement à l'intéressé par l'intermédiaire de l'autorité d'exécution. La demande de l'intéressé ne retarde ni la procédure de remise, ni la décision d'exécuter le mandat d'arrêt européen. Le jugement est communiqué à l'intéressé pour information uniquement, et cette communication n'est pas considérée comme une signification officielle du jugement et ne fait courir aucun des délais applicables pour demander une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d'appel.
§ 3. Si la personne est remise conformément aux dispositions du paragraphe 1er, 4o, et si elle a demandé une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d'appel, son maintien en détention jusqu'au terme de ladite procédure de jugement ou d'appel est examiné, conformément au droit de l'État membre d'émission, soit régulièrement, soit à sa demande. Cet examen porte notamment sur la possibilité de suspendre ou d'interrompre la détention. La nouvelle procédure de jugement ou d'appel commence en temps utile après la remise. »
C. Code italien de procédure pénale
32. La validité d'un jugement de condamnation peut être contestée en soulevant un incident d'exécution, comme prévu à l'article 670 § 1 du code de procédure pénale (« CPP »), lequel dispose, dans ses parties pertinentes :
« Lorsque le juge de l'exécution établit que l'acte n'est pas valide ou qu'il n'est pas devenu exécutoire, [après avoir] évalué aussi sur le fond [nel merito] le respect des garanties prévues pour le cas où le condamné est introuvable, (...) il suspend l'exécution et ordonne si nécessaire la libération de l'intéressé et le renouvellement de la notification qui avait été irrégulière. Dans ce cas, le délai d'appel recommence à courir. »
33. Le 22 avril 2005, le Parlement a approuvé la loi no 60 de 2005, qui a converti en loi le décret-loi no 17 du 21 février 2005. La loi no 60 de 2005 a été publiée au Journal officiel (Gazzetta ufficiale) no 94 du 23 avril 2005. Le décret-�loi no 17 précité a modifié l'article 175 du CPP dont le nouveau paragraphe 2 est ainsi rédigé :« En cas de condamnation par contumace (...), le délai pour attaquer le jugement est rouvert, à la demande de l'accusé, sauf si ce dernier a eu une connaissance effective de la procédure [diligentée à son encontre] ou du jugement et a volontairement renoncé à comparaître ou à attaquer le jugement. Les autorités judiciaires accomplissent toute vérification nécessaire à ces fins. »
34. Le décret-loi no 17 précité a en outre introduit à l'article 175 du CPP un paragraphe 2 bis, ainsi rédigé :
« La demande indiquée au paragraphe 2 est introduite, sous peine d'irrecevabilité, dans les trente jours qui suivent la date à laquelle l'accusé a eu une connaissance effective du jugement. En cas d'extradition depuis l'étranger, le délai pour présenter la demande commence à courir à partir du moment où l'accusé est livré [aux autorités italiennes] (...) »
EN DROIT
I. SUR LA RECEVABILITÉ
A. Respect du délai de six mois
35. Le Gouvernement soulève une exception tirée du non-�respect du délai de six mois. Il fait valoir que le cachet de la Cour figurant sur le formulaire de requête date du 29 mars 2011 alors que l'arrêt de la Cour de cassation belge date du 22 septembre 2010.36. La Cour rappelle que dans sa jurisprudence relative au respect du délai de six mois à compter de la décision définitive pour l'introduction des requêtes (Edwards c. Royaume-Uni (déc.), no 46477/99, 7 juin 2001), pour que la date figurant sur les documents de la première communication soit considérée comme la date d'introduction de la requête, le courrier devait avoir été posté au plus tard le lendemain de cette date. Dans le cas contraire, la date d'introduction de la requête était celle du cachet de la poste, et non celle qui figurait dans la lettre ou le formulaire de requête (Arslan c. Turquie (déc.), no 36747/02, CEDH 2002-X (extraits)).37. En l'espèce, la Cour constate que le cachet de la poste indique le 22 mars 2010. Celui-ci faisant foi, il y a lieu de considérer que le délai de six mois a été respecté et donc de rejeter l'exception soulevée par le Gouvernement.B. Non-épuisement des voies de recours internes
38. En ce que la requête concerne l'article 6 § 1 de la Convention, le Gouvernement reproche au requérant de ne pas avoir introduit de demande de réouverture de la procédure suivie en Italie dans les trente jours de sa remise aux autorités belges ainsi que le prévoit le code italien de procédure pénale.39. La Cour observe que cette exception concerne la procédure telle qu'elle s'est déroulée en Italie et non les recours concernant les décisions prises par les autorités belges. Ce constat suffit pour rejeter l'exception.C. Conclusion
40. Constatant que les griefs soumis à son examen ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention et qu'ils ne se heurtent par ailleurs à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour les déclare recevables.II. SUR LE FOND
A. Sur la violation alléguée de l'article 5 § 1 de la Convention
41. Le requérant se plaint que l'exécution du MAE par les autorités belges l'a été en violation de l'article 5 § 1 en ce que son arrestation n'a pas respecté les voies légales. Cette disposition, en ses passages pertinents, est ainsi libellée :« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
(...)
f) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne (...) contre laquelle une procédure (...) d'extradition est en cours. »
42. Le requérant se plaint du fait que les pièces relatives aux moyens mis en œuvre par les policiers belges pour le localiser et l'arrêter n'ont pas été versées au dossier du parquet et que cela a rendu impossible le contrôle de la légalité et de la régularité des opérations préalables à son arrestation. Il en déduit que, pour cette raison, son arrestation n'a pas été effectuée selon les voies légales au sens de l'article 5 § 1 de la Convention.
43. Le Gouvernement fait valoir que, à l'instar de ce qu'ont considéré les juridictions belges, l'arrestation s'est faite dans la conformité des garanties procédurales encadrant le travail d'investigation et les arrestations devant s'effectuer dans le cadre de l'exécution d'un MAE. La circonstance que ni la commission rogatoire internationale ni l'ordonnance de recherche et localisation de conversations téléphoniques ne figuraient au dossier du parquet se justifie par le fait qu'elles pouvaient contenir des informations dont la communication aurait pu mettre en danger la vie de tiers.2. Appréciation de la Cour
44. La Cour constate que la localisation et l'arrestation du requérant en Belgique ont eu lieu en exécution d'un MAE délivré par les autorités judiciaires italiennes et transmis par signalement international Schengen.45. Elle relève ensuite qu'il n'est pas contesté entre les parties que l'arrestation litigieuse a eu lieu en vue de la remise du requérant aux autorités italiennes, si bien que l'article 5 § 1 f) de la Convention trouve à s'appliquer en l'espèce. Elle rappelle qu'en matière de « régularité » d'une détention, y compris l'observation des « voies légales », la Convention renvoie pour l'essentiel à l'obligation d'observer les normes de fond comme de procédure de la législation nationale, mais elle exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de l'article 5 : protéger l'individu contre l'arbitraire (Saadi c. Royaume-Uni [GC], no 13229/03, §§ 67-74, CEDH 2008).46. En l'espèce, en vertu des articles 9 et 10 de la loi du 19 décembre 2003, le MAE délivré par les autorités judiciaires italiennes et transmis par signalement international Schengen constituait un titre d'arrestation. La Cour note ensuite, ainsi que cela ressort du procès-verbal du 4 août 2010, que la commission rogatoire internationale émise par ces autorités, et validée par le juge d'instruction belge, demandait aux services de police la localisation de numéros de téléphone mobile et l'interception du requérant. Ainsi que l'a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 22 septembre 2010, la loi belge confère aux services de police la tâche de rechercher les personnes dont l'arrestation est prévue par la loi, de s'en saisir, de les arrêter et de les mettre à la disposition des autorités compétentes.47. La Cour relève en outre qu'ainsi que le prévoyait l'article 2 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, le procureur du Roi prescrivit aux services de police par apostille de procéder à l'arrestation du requérant et de le saisir en pénétrant dans son lieu de résidence.48. La Cour estime que ces éléments lui suffisent pour considérer que l'arrestation du requérant en vue de sa mise en détention et de sa remise aux autorités italiennes a été effectuée selon les voies légales au sens de l'article 5 § 1 de la Convention.49. Il est vrai que les juridictions belges se sont estimées incompétentes pour examiner, dans le cadre de l'exécution du MAE (voir paragraphes 19 et 20, ci-dessus), les devoirs d'enquête exécutés sur commission rogatoire internationale, en vue de localiser le requérant et l'arrêter. La Cour note toutefois que le grief du requérant n'est pas étayé au moyen d'indices factuels attestant de manœuvres abusives de la part des services de police (comp. Čonka c. Belgique, no 51564/99, §§ 41-42, CEDH 2002-�I). Elle estime en outre que, si des mesures d'observation ont été prises, ces mesures sont étrangères à l'arrestation du requérant qui en aurait résulté. Il s'ensuit que la légalité de la privation de liberté du requérant ne dépendait pas, en l'absence d'indication d'arbitraire de celle-ci, de la légalité des opérations préalables en vue de localiser et d'arrêter le requérant.50. La Cour constate enfin qu'il n'est pas contesté devant elle que la suite des évènements - l'audition par les services de police et l'interrogatoire par le juge d'instruction -�, s'est déroulée selon les règles prescrites par le droit belge.51. Partant, la Cour conclut qu'il n'y a pas eu de violation de l'article 5 § 1 de la Convention.
B. Sur la violation alléguée de l'article 6 § 1 de la Convention
52. Le requérant se plaint que sa remise par les autorités belges aux autorités italiennes en exécution du MAE a emporté violation de l'article 6 § 1 de la Convention qui est ainsi formulé en ses parties pertinentes :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
1. Thèses des parties
53. Le requérant se plaint que les autorités belges ont procédé à sa remise aux autorités italiennes sans avoir contrôlé la légalité et la régularité du MAE alors que celui-ci se basait sur une condamnation prononcée par les juridictions italiennes au terme d'une procédure par contumace contraire à l'article 6 de la Convention. Il fait valoir que la procédure italienne par contumace constituait un motif de refus d'extradition pour plusieurs pays de l'UE car la personne arrêtée ne pouvait plus purger la contumace c'est-�à-�dire que la décision restait exécutoire et qu'aucun recours n'était possible. La Cour a d'ailleurs considéré elle-même que le refus de rouvrir une procédure qui s'est déroulée par contumace en l'absence, comme en l'espèce, de toute indication que l'accusé a renoncé à son droit de comparaître est à considérer comme un « flagrant déni de justice », ce qui correspond à la notion de procédure « manifestement contraire aux dispositions de l'article 6 ou aux principes qui y sont consacrés » (Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 84, CEDH 2006-II).54. Le Gouvernement considère qu'eu égard aux éléments retenus par la Cour de cassation italienne pour considérer que la cour d'appel de Brescia avait légitimement rejeté les excuses fournies par le requérant et sachant que le requérant était représenté devant cette juridiction par un avocat, rien n'autorise à considérer que l'arrêt prononcé contre le requérant par la cour d'appel de Brescia l'aurait été en violation de l'article 6 § 1 au vu de la jurisprudence de la Cour dans les affaires Medenica c. Suisse (no 20491/92, §§ 56-58, CEDH 2001-VI), et Sejdovic (précitée, § 88).55. De plus, le juge belge n'avait en l'espèce pas de marge pour refuser la remise du requérant ou la subordonner à l'octroi de garanties que le requérant condamné par défaut aurait la possibilité de demander une nouvelle procédure de jugement. Ainsi que cela a été confirmé ensuite par la jurisprudence de la CJUE (affaire Melloni), cette marge est limitée aux situations dans lesquelles la personne concernée n'a pas été citée ni autrement informée de la date et du lieu de l'audience qui a mené à la décision rendue par défaut ou n'a pas été défendue par un conseil juridique auquel il a donné mandat à cet effet.56. Enfin, plusieurs éléments étaient de nature à donner confiance aux juridictions belges que les droits fondamentaux du requérant seraient respectés en cas de transfert : la procédure en Italie était achevée depuis six ans et n'avait pas été contestée devant la Cour ; dans la note du 21 août 2010 établie par les autorités judiciaires italiennes, mention était faite des voies de recours ouvertes au requérant par les articles 175 et 670 du code italien de procédure pénale s'il souhaitait contester le déroulement du procès ou la peine, ainsi que du délai prévu en cas d'extradition ; l'Italie est partie à la Convention et tenue, à ce titre, de l'appliquer.2. Appréciation de la Cour
a) Les principes généraux
57. Il est établi dans la jurisprudence de la Cour qu'une décision d'expulsion ou d'extradition peut exceptionnellement soulever une question sous l'angle de l'article 6 lorsque le fugitif a subi ou risque de subir un déni de justice flagrant dans l'État requérant. Ce principe a été énoncé pour la première fois dans l'arrêt Soering c. Royaume-Uni (7 juillet 1989, § 113, série A no 161) puis confirmé dans plusieurs autres affaires (voir par exemple Mamatkoulov et Askarov c. Turquie [GC], nos 46827/99 et 46951/99, §§ 90-�91, CEDH 2005-�I, Al-Saadoon et Mufdhi c. Royaume-�Uni, no 61498/08, § 149, CEDH 2010, et Othman (Abu Qatada) c. Royaume-Uni, no 8139/09, § 258, CEDH 2012 (extraits)). En l'espèce, ce principe doit être appliqué dans le contexte particulier de l'exécution par un État membre de l'UE d'un MAE délivré par les autorités d'un autre État membre de l'UE.58. À ce sujet, la Cour observe que la décision-cadre relative au MAE s'appuie sur un mécanisme de reconnaissance mutuelle lui-même fondé sur le principe de confiance mutuelle entre les États membres de l'UE (voir paragraphes 24-29, ci-dessus).59. La Cour est consciente de l'importance des mécanismes de reconnaissance mutuelle pour la construction de l'espace de liberté, de sécurité et de justice et de la confiance mutuelle qu'ils nécessitent. Le MAE prévu par la décision-cadre est une concrétisation de ce principe de reconnaissance mutuelle, dans le domaine dont l'objectif est d'assurer la libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale dans l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Le MAE est un titre d'arrestation résultant d'une décision judiciaire émise par l'autorité judiciaire compétente d'un État membre de l'UE, en vue de l'arrestation et de la remise par l'autorité judiciaire compétente d'un autre État membre, d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté.60. La Cour a indiqué son attachement à la coopération internationale et européenne. Elle estime entièrement légitimes au regard de la Convention, dans son principe, la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice en Europe et l'adoption de moyens nécessaires à cette fin (voir, notamment, Avotiņš c. Lettonie [GC], no 17502/07, § 113, CEDH 2016). Partant, elle estime que le système du MAE ne se heurte pas, en soi, à la Convention.61. Cela étant, la Cour a également précisé que les modalités de création de cet espace ne peuvent se heurter aux droits fondamentaux des personnes concernées (idem, § 114).62. À cet égard, la Cour a rappelé que lorsque les autorités internes mettent en œuvre le droit de l'UE sans disposer d'un pouvoir d'appréciation, la présomption de protection équivalente établie dans l'arrêt Bosphorus Hava Yolları Turizm ve Ticaret Anonim Şirketi c. Irlande [GC] (no 45036/98, CEDH 2005-�VI) et développée dans l'arrêt Michaud c. France (no 12323/11, CEDH 2012) s'applique. Tel est le cas lorsque les mécanismes de reconnaissance mutuelle obligent le juge à présumer le respect suffisant des droits fondamentaux par un autre État membre. Ainsi que le prévoit la décision-cadre relative au MAE, le juge national se verrait alors privé de son pouvoir d'appréciation, ce qui entraînerait une application automatique de la présomption d'équivalence (Avotiņš, précité, § 115). Toutefois, cette présomption peut être renversée dans le cadre d'une affaire donnée (Bosphorus, précité, § 456, et Michaud, précité, § 103). Même si elle entend tenir compte, dans un esprit de complémentarité, du mode de fonctionnement des dispositifs de reconnaissance mutuelle et notamment de leur objectif d'efficacité, la Cour doit vérifier que le principe de reconnaissance mutuelle n'est pas appliqué de manière automatique et mécanique, au détriment des droits fondamentaux (Avotiņš, précité, § 116).63. Dans cet esprit, lorsque les juridictions des États qui sont à la fois parties à la Convention et membres de l'UE sont appelées à appliquer un mécanisme de reconnaissance mutuelle établi par le droit de l'UE, telle que celui prévu pour l'exécution d'un MAE décerné par un autre État européen, c'est en l'absence de toute insuffisance manifeste des droits protégés par la Convention qu'elles donnent à ce mécanisme son plein effet (idem, § 116).64. En revanche, s'il leur est soumis un grief sérieux et étayé dans le cadre duquel il est allégué que l'on se trouve en présence d'une insuffisance manifeste de protection d'un droit garanti par la Convention et que le droit de l'UE ne permet pas de remédier à cette insuffisance, elles ne peuvent renoncer à examiner ce grief au seul motif qu'elles appliquent le droit de l'UE (idem, § 116). Il leur appartient dans ce cas de lire et d'appliquer les règles du droit de l'UE en conformité avec la Convention.b) Application en l'espèce
65. En l'espèce, le requérant a été détenu sur la base d'un MAE émis par les autorités italiennes le 27 juillet 2010 en vue de l'exécution d'une peine privative de liberté à laquelle il avait été condamné au terme d'une procédure qui s'est achevée par un arrêt de la Cour de cassation italienne du 23 mai 2003.66. Conformément au système mis en place par la décision-cadre relative au MAE et, ainsi que l'ont rappelé les juridictions belges, il appartenait à l'autorité judiciaire qui avait délivré le mandat et à laquelle le requérant devait être livré, en l'espèce les autorités judiciaires italiennes, d'apprécier la légalité et la régularité du MAE. En ce qui concerne la Belgique, le ministère public belge n'avait pas de pouvoir d'appréciation quant à l'opportunité de l'arrestation, et les juridictions belges compétentes ne pouvaient en refuser l'exécution que pour les motifs fixés par la loi belge du 19 décembre 2003 relative au MAE (voir paragraphe 30, ci-dessus).67. A la lumière des principes généraux rappelés ci-dessus, la Cour estime que le contrôle effectué par les autorités belges, ainsi limité, ne pose pas de problème en soi avec la Convention dès lors que les juridictions belges ont examiné le bien-fondé des griefs tirés de la Convention par le requérant. Elles ont ainsi vérifié si l'exécution du MAE ne donnait pas lieu, dans le cas du requérant, à une insuffisance manifeste de protection des droits garantis par la Convention.68. Le requérant fait valoir qu'en le remettant aux autorités italiennes alors qu'il avait été condamné par contumace et que le système juridique italien à l'époque ne lui garantissait pas, avec un degré suffisant de certitude, la possibilité de se défendre au cours d'un nouveau procès, les autorités belges ont entériné une situation contraire à la Convention.69. La Cour rappelle que dans l'affaire Sejdovic précitée à laquelle se réfèrent les deux parties, le requérant avait également été jugé par contumace et n'avait reçu aucune information officielle quant aux accusations ou à la date de son procès. De plus, il avait été jugé par une cour d'assises devant laquelle il ne fut pas représenté. Autant de circonstances qui ont amené la Cour à examiner si le requérant avait décidé de renoncer à son droit de comparaître ou de se dérober à la justice, et à vérifier si le droit interne lui offrait, à un degré suffisant de certitude, une possibilité d'obtenir qu'une juridiction statue à nouveau, en sa présence après l'avoir entendu dans le respect des droits de la défense, sur le bien-fondé des accusations portées à son encontre. Ayant conclu à la négative, la Cour conclut à la violation de l'article 6 de la Convention (idem, §§ 105-106).70. La Cour constate que l'article 7 de la loi belge du 19 décembre 2003 relative au MAE, conformément à l'article 5, 1) de la décision-�cadre 2002/584/JAI avant sa modification par la décision-�cadre 2009/299/JAI, prévoyait la possibilité pour le juge belge de refuser l'exécution du MAE si le requérant avait été dans la situation que la Cour a condamnée dans l'affaire Sejdovic. Toutefois, ainsi que l'a constaté la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Bruxelles dans son arrêt du 9 septembre 2010 (voir paragraphe 19, ci-dessus), tel n'était pas le cas en l'espèce. Le requérant avait été officiellement informé de la date et du lieu du procès devant la cour d'appel de Brescia. Il avait en outre été assisté devant la cour d'appel et défendu par un avocat qu'il avait désigné lui-même et qui l'avait également défendu en première instance et dont la défense s'est d'ailleurs avérée effective puisqu'elle a conduit à une réduction de peine (voir paragraphe 8, ci-dessus).71. Ces éléments suffisent à la Cour pour constater qu'en l'espèce la mise en œuvre du MAE par les juridictions belges n'était pas entachée d'une insuffisance manifeste susceptible de renverser la présomption de protection équivalente dont bénéficient tant le système du MAE tel que défini par la décision-cadre et précisé par la jurisprudence de la CJUE que sa mise en œuvre par le droit belge et dans le cas particulier du requérant. Pour les mêmes raisons, la Cour conclut que la remise du requérant aux autorités italiennes ne saurait être considérée comme étant basée sur un procès constituant un déni de justice flagrant.72. Partant, la remise du requérant ne l'a pas été en violation de l'article 6 § 1 de la Convention.PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 5 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 avril 2017, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Stanley NaismithRobert Spano
GreffierPrésident