ISIK AND OTHERS v. TURKEY - 31714/10 (Judgment : Article 3 - Prohibition of torture : Second Section Committee) French Text [2018] ECHR 823 (09 October 2018)


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European Court of Human Rights


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2018/823.html
Cite as: [2018] ECHR 823

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DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE İŞİK ET AUTRES c. TURQUIE

(Requête n o 31714/10)

ARRÊT

STRASBOURG

9 octobre 2018

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire İşik et autres c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :

Paul Lemmens, président,
Valeriu Griţco, Stéphanie Mourou-Vikström, juges, et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section ,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 septembre 2018,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l'origine de l'affaire se trouve une requête (n o 31714/10) dirigée contre la République de Turquie et dont trois ressortissants de cet État, MM. Mazlum İşik, Muhammed Beyter et Recep Ertunç (« les requérants »), ont saisi la Cour le 12 mai 2010 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants ont été représentés par M e F. Timur, avocat à Hakkari. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Le 16 mars 2015, les griefs concernant les articles 3 et 5 §§ 1 et 3 ont été communiqués au Gouvernement. La requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l'article 54 § 3 du règlement de la Cour.

4. Le Gouvernement s'oppose à l'examen de la requête par un comité. Après avoir examiné l'objection du Gouvernement, la Cour la rejette.

EN FAIT

LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

5. Les requérants sont nés respectivement en 1994, 1994 et 1993, et résident à Hakkari.

A. Contexte de l'affaire

6. Le 6 décembre 2009, des manifestations eurent lieu à Hakkari pour protester contre les conditions de détention d'Abdullah Öcalan, leader du PKK, une organisation illégale. La circulation étant bloquée, des heurts survinrent entre la police et les manifestants. Certains manifestants à visage couvert jetèrent des projectiles et des cocktails molotov sur les véhicules de la police. Les requérants, qui feraient partie de ces personnes furent arrêtés vers 18 h 30.

B. Les rapports médicaux concernant les requérants

7. Le 6 décembre 2009, vers 19 h 30, les requérants furent examinés à l'hôpital civil de Hakkari. D'après les rapports médicaux établis :

- M. İşik ne présentait aucune lésion.

- M. Beyter présentait un « petit œdème » ( küçük kanama odağı ) sur la partie externe de l'œil droit et une sensibilité sur le poignet droit.

- M. Ertunç présentait des rougeurs sur le nez et sur le front, et une fracture sur la partie frontale du crâne. Le rapport indiquait que deux points de suture avaient été faits sur cette blessure.

8. Le 7 décembre 2009, faisant droit à la demande de l'avocat des requérants, le procureur de la République de Hakkari (ci-après « le procureur ») ordonna de nouveaux examens médicaux. Les rapports établis en conséquence le 7 décembre 2009 par la branche de Hakkari de l'Institut médicolégal indiquent ce qui suit :

- M. Beyter présentait des égratignures en croûte sur la partie zygomatique gauche et la partie orbitale gauche inférieure, un œdème de 2 x 2 cm sur la partie frontale, des égratignures de 2 x 1 cm et 1 x 0,5 cm en croûte sur la partie gauche sacrale, une enflure sur le poignet droit et une sensibilité sur palpation.

- M. Ertunç présentait une coupure suturée dans la partie gauche frontale du cuir chevelu, une sensibilité sur palpation à l'extérieur du poignet droit et à la cinquième région carpale [1] , et une égratignure de 1 x 1 cm sur le bras droit. Le rapport indiquait aussi que le requérant ne présentait pas de fracture au crâne.

Les rapports concernant ces deux derniers requérants indiquaient que les lésions constatées n'engendraient aucun pronostic vital et qu'elles pouvaient être traitées par de simples interventions médicales.

9 . Le 7 décembre 2009, les requérants furent examinés à l'hôpital civil de Hakkari vers 14 heures à l'issue de leur garde à vue, puis encore une fois vers 18 heures. Selon les rapports afférant à ces examens, M. İşik présentait « une petite croûte » sur l'occipitale. Les lésions constatées sur M. Beyter et M. Ertunç étaient similaires à celles constatées par les rapports précédents.

C. Les enquêtes à l'encontre des policiers et des requérants

10. Le 6 décembre 2009, les dépositions de cinq policiers qui avaient arrêté les requérants furent recueillies par d'autres policiers. Ceux-ci expliquèrent qu'une quinzaine de manifestants, dont les requérants, avaient jeté des pierres sur eux et leur véhicule, qu'une course-poursuite à pied avait alors eu lieu entre ces manifestants et les policiers, et qu'ils avaient dû faire usage de la force - toutefois de manière proportionnelle - à l'encontre des requérants car ceux-ci s'étaient opposés à leur arrestation.

11. Selon le procès-verbal du même jour, alors qu'il avait été arrêté et se trouvait parmi les policiers, M. Ertunç avait été blessé à la tête par les pierres lancées par les manifestants.

12. Les requérants furent ensuite transférés à un poste de police spécial pour mineurs et furent interrogés en présence d'un avocat commis d'office. Au cours des interrogatoires, les requérants nièrent les allégations d'attaque envers les policiers. MM. İşik et Ertunç déclarèrent avoir été maltraités par la police durant et après leur arrestation.

13 . Le 7 décembre 2009, le procureur recueillit la déposition des requérants accusés de soutien à une organisation terroriste et résistance aux forces de l'ordre. Les requérants nièrent ces accusations. M. Ertunç affirma aussi avoir été frappé par les policiers à la tête quand il avait été placé à l'intérieur de leur véhicule. M. İşik affirma avoir été menotté et frappé. Le même jour, le tribunal d'instance pénal interrogea les requérants et ordonna leur placement en détention provisoire.

14. Le 11 décembre 2009, l'avocat des requérants introduisit une plainte contre les policiers pour mauvais traitements, et contre les médecins pour ne pas avoir procédé aux examens médicaux de manière appropriée.

15. Le 9 février 2010, le procureur rendit un non-lieu concernant cette plainte. Il indiqua dans sa décision que M. İşik n'avait subi aucune blessure et que les blessures constatées sur les corps des deux autres requérants étaient de nature à être traitées par de simples interventions médicales, tel qu'indiqué par les rapports médicaux. Le procureur estima aussi que les blessures auraient pu être occasionnées tant lors des arrestations, durant lesquelles la police était autorisée à avoir recours à une force proportionnelle, que lors de la manifestation. Puis il fit référence au procès-verbal d'arrestation qui indiquait que M. Ertunç avait été touché à la tête par une pierre jetée par les manifestants.

16. Le 8 mars 2010, la cour d'assises de Van rejeta sur dossier l'opposition formée par les requérants.

17. Un certain E.A. arrêté le même jour avec les requérants dénonça lors de sa déposition les noms de plusieurs personnes qui auraient organisé ou forcé les jeunes à attaquer les policiers. Une enquête fut initiée à cet égard. Plusieurs correspondances furent découvertes entre les requérants et certaines personnes qui auraient orchestrés les événements. Le jour des manifestations la police saisit sur les lieux, des bouteilles, du carburant et des allumeurs, autant de matériels pour la fabrication de , ainsi que des masques pour couvrir le visage. Le procureur se référa à ces éléments, ainsi qu'aux enregistrements visuels des faits versés au dossier pour introduire son acte d'accusation.

18. Le 18 février 2010, la cour d'assises de Van condamna les requérants à quatre ans et deux mois d'emprisonnement pour soutien à une organisation terroriste et résistance aux forces de l'ordre. Elle ordonna toutefois leur libération au vu de leur jeune âge et de la durée qu'ils avaient passé en détention provisoire. Le 6 juin 2012, la Cour de cassation infirma ce jugement pour un vice de procédure. Selon les dernières informations figurant dans le dossier, l'affaire était pendante devant le tribunal d'instance pénal de Hakkari.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

19. Invoquant l'article 3 de la Convention, les requérants se plaignent d'avoir été menottés et frappés durant leur arrestation. Invoquant les articles 6 et 13 de la Convention, les requérants considèrent aussi que l'enquête menée au sujet de leurs plaintes de mauvais traitements a été ineffective car les suspects n'ont pas été identifiés, aucune recherche de témoin n'a été réalisée, et leurs dépositions n'ont pas été recueillies en raison de préjugés à leur égard.

20. La Cour rappelle qu'un grief comporte deux éléments : des allégations factuelles et des arguments juridiques. En vertu du principe jura novit curia , elle n'est pas tenue par les moyens de droit avancés par les requérants en vertu de la Convention et de ses Protocoles, et elle peut décider de la qualification juridique à donner aux faits d'un grief en examinant celui-ci sur le terrain d'articles ou de dispositions de la Convention autres que ceux invoqués par les requérants ( Radomilja et autres c. Croatie [GC], n os 37685/10et 22768/12, § 126, 20 mars 2018). En l'espèce, elle estime qu'il convient d'examiner les griefs des requérants sous l'angle du seul article 3 de la Convention, ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

21. Le Gouvernement conteste les allégations et renvoie aux conclusions de l'enquête. Il considère que la force utilisée à l'égard des requérants était nécessaire et proportionnelle dans le but de les arrêter.

22. S'agissant de M. İşik, la Cour note que la seule lésion constatée sur ce requérant était « une petite croûte » sur l'occipitale (voir le paragraphe 9 ci-dessus). Au vu des circonstances ayant entouré les arrestations, la Cour considère que cette blessure ne permet pas de dire que le « seuil de gravité » nécessaire pour faire entrer en jeu l'article 3 de la Convention ( Bouyid c. Belgique 23380/09, § 86-87, CEDH 2015) ait été atteint pour ce requérant. Par conséquent, elle déclare les griefs de M. İşik irrecevables pour défaut manifeste de fondement, en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

23. S'agissant de M. Beyter et M. Ertunç, la Cour considère que leurs griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention et qu'ils ne se heurtent à aucun autre motif d'irrecevabilité. Elle déclare donc les griefs de ces requérants recevables.

24. Pour les principes généraux en la matière, la Cour renvoie aux arrêts El-Masri c. l'ex-République Yougoslave de Macédoine ([GC], n 39630/09, §§ 182-185 et 195-198, CEDH 2012), Mocanu et autres c. Roumanie 10865/09, 45886/07et 32431/08, §§ 314-326, CEDH 2014 (extraits)), et (précité, §§ 81-90 et 114-123, CEDH 2015).

A. Aspect procédural

25. La Cour a déjà dit que l'obligation d'enquêter sur des allégations de mauvais traitements n'est pas une obligation de résultat mais de moyens. L'enquête doit être en principe de nature à conduire à l'établissement des faits et, si les allégations se révèlent vraies, à l'identification et à la sanction des responsables ( Aksoy c. Turquie , 18 décembre 1996, § 98, Recueil des arrêts et décisions , Mikheïev c. Russie , n 77617/01, § 107, 26 janvier 2006, et Mehmet Fidan c. Turquie 64969/10, §§ 46-49, 16 décembre 2014).

26. La Cour rappelle que cette obligation procédurale est essentielle pour préserver la confiance du public dans le respect du principe de légalité et pour éviter toute apparence de complicité ou de tolérance relativement à des actes illégaux (voir, mutatis mutandis dans le cadre du recours à la force létale, McKerr c. Royaume-Uni 28883/95, §§ 114-115, CEDH 2001-III).

27 . Dans la présente affaire, tel qu'il a été allégué par les requérants, aucun élément dans le dossier ne permet de dire que les policiers auteurs de l'intervention en cause ont été interrogés par le procureur. Ce dernier s'est effectivement contenté de faire référence au procès-verbal relatif aux événements. Le procureur n'a pas cherché à obtenir des témoignages sur les événements ni n'a recueilli les dépositions des requérants quant à leur allégations de mauvais traitements.

28 . De fait, le procureur ne s'est aucunement penché sur les circonstances concrètes de l'arrestation des requérants, de telle sorte qu'aucune évaluation objective ne pouvait être faite pour établir s'il y avait eu une nécessité de faire usage de la force, puis évaluer la proportionnalité de celle-ci. La Cour note aussi dans ce contexte que les requérants étaient mineurs à l'époque des faits, alléguaient ouvertement avoir été battus durant leur arrestation, et que M. Ertunç, qui présentait une blessure sur la zone frontale du crâne, précisait avoir été frappé à la tête par les policiers quand il avait été placé dans leur véhicule.

29. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention sous son aspect procédural.

B. Aspect matériel

30. La Cour rappelle que lorsqu'un individu est privé de sa liberté ou, plus généralement, se trouve confronté à des agents des forces de l'ordre, l'utilisation à son égard de la force physique alors qu'elle n'est pas rendue strictement nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l'article 3 ( , précité, § 88, et Vatandaş c. Turquie 37869/08, § 34, 15 mai 2018).

31. En l'espèce, la Cour a déjà conclu que l'enquête menée ne répondait pas aux exigences procédurales de l'article 3 de la Convention. Or ces éléments sapant l'effectivité de l'enquête empêchent aussi de parvenir à une conclusion sur la question de savoir quand et comment les blessures des requérants ont pu se produire (voir, par exemple, pour un examen sur la nécessité et la proportionnalité du recours à la force, Ahmet Akman c. Turquie 33245/05, §§ 41-42, 13 octobre 2009). Cependant, eu égard aux éléments dont elle dispose, la Cour ne peut ignorer le fait que les requérants ont été arrêtés après une course-poursuite au motif qu'ils avaient jeté des projectiles sur les forces de l'ordre. Pareilles conditions pourraient être considérées comme nécessitant l'emploi d'une force proportionnelle pour mettre les intéressés hors d'état de nuire ou de s'enfuir et expliquer des lésions qui auraient alors été occasionnées. Ainsi, la Cour ne peut établir « au-delà de tout doute raisonnable » ( , précité, § 82) que MM. Beyter et Ertunç aient fait l'objet de mauvais traitements lors de leur arrestation

32. La Cour ne dispose donc pas de suffisamment d'éléments pour dire qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention sous son aspect matériel (voir dans le même sens, Nasrettin Aslan et Zeki Aslan 17850/11, §47-49, 30 août 2016).

33. Cependant, elle souligne que cette conclusion découle de l'ineffectivité de l'enquête menée en droit national constatée ci-dessus (voir, Daşlık c. Turquie 38305/07, §§ 52 et 54, 13 juin 2017, Danelia c. Géorgie 68622/01, §§ 42-45, 17 octobre 2006, et Döndü Erdoğan c. Turquie 32505/02, §§ 48-50, 23 mars 2010, affaires dans lesquelles l'absence d'éléments de preuve était attribuée aux autorités au vu de l'ineffectivité de l'enquête).

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 5 DE LA CONVENTION

34. Invoquant l'article 5 § 1 c) de la Convention, les requérants se plaignent d'avoir été arrêtés et placés en garde à vue de manière illégale.

35. Le Gouvernement indique qu'il existait des raisons plausibles pour arrêter les requérants et renvoi à l'acte d'accusation introduit à leur égard.

36. La Cour observe que les requérants se plaignent essentiellement de l'absence de motifs plausibles justifiant leur arrestation. Or, elle observe qu'après leur garde à vue, les requérants ont fait l'objet de poursuites pénales (mise en détention provisoire par le juge, mise en accusation par le procureur) pour soutien à une organisation terroriste et résistance aux forces de l'ordre (voir le paragraphe 13 ci-dessus). Au vu des éléments de preuve recueillis et de l'enchainement de la procédure pénale, la Cour ne peut pas dire que les requérants avaient été placés en garde à vue sans raisons plausibles. Elle déclare donc cette partie de la requête irrecevable pour défaut manifeste de fondement en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention (voir, Rahat et Tuş c. Turquie (déc.), n 39865/02, 18 mars 2004, et Mürsel Okay c. Turquie 6283/02, 1 er juin 2006. Voir également pour la possibilité d'introduire un recours interne en la matière, Mustafa Avcı c. Turquie 39322/12, §§ 63-67, 23 mai 2017).

37. Invoquant l'article 5 § 3 de la Convention, les requérants considèrent que la durée de leur détention provisoire était excessive.

38. Le Gouvernement soutient que les requérants ont omis d'épuiser les voies de recours internes prévues au code de procédure pénale.

39. La Cour réaffirme que l'obtention d'une indemnité constitue effectivement une réparation adéquate dès lors que la détention litigieuse a pris fin. La Cour a déjà dit que depuis la position jurisprudentielle prise par la Cour de cassation turque qui a rendu le recours prévue à l'article 141 § 1 d) du code de procédure pénale accessible avant l'issue de la procédure pénale, les requérants avaient à leur disposition un recours permettant de remédier au niveau national à la violation alléguée de l'article 5 § 3 de la Convention ( Demir c. Turquie 51770/07, § 31, 16 octobre 2012, et Yıldız c. Turquie 42745/09, §§ 25-29, 11 octobre 2016).

40. La Cour ne relève aucun élément ou argument qui nécessite de se départir des précédents susmentionnés. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

41. Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

42. Les requérants réclament chacun 10 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel, sans indiquer les motifs de cette demande. Ils réclament aussi chacun 50 000 EUR au titre du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi des événements à l'origine de la requête.

43. Le Gouvernement considère ces demandes infondées et excessives.

44. La Cour n'aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et un dommage matériel quelconque et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu'il y a lieu d'octroyer au titre du préjudice moral 5 000 EUR séparément à MM. Beyter et Ertunç.

B. Frais et dépens

45. Les requérants demandent également 10 800 EUR pour les honoraires de leur avocat et 3 000 EUR pour les frais engagés devant la Cour, correspondant aux frais postaux, frais de téléphone, de fax, de traduction et aux autres dépenses. Ils ne présentent aucun document à l'appui de ces demandes.

46. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter ces demandes car elles ne sont pas documentées.

47. Un requérant ne peut obtenir un remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux ; en outre, aux termes de l'article 60 §§ 2 et 3 du règlement, il doit soumettre des prétentions chiffrées et ventilées par rubriques et accompagnées des justificatifs pertinents, faute de quoi la Cour peut rejeter tout ou partie de celles-ci. En l'espèce, relevant que le requérant ne fournit pas de justificatif à l'appui de sa demande, la Cour décide de la rejeter dans son intégralité ( Paksas c. Lituanie 34932/04, § 122, CEDH 2011 (extraits)).

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l'article 3 de la Convention s'agissant de M. Beyter et M. Ertunç, et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention sous son aspect procédural ;

3. qu'il n'y a pas eu violation de l'article 3 de la Convention sous son aspect matériel ;

4.

a) que l'État défendeur doit verser séparément à MM. Beyter et Ertunç, 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral, dans les trois mois, à convertir dans la monnaie de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement,

b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 octobre 2018, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Hasan Bakırcı Paul Lemmens Greffier adjoint Président


. Rangée d'os entre l'avant-bras et la main.


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