TKACHUK v. RUSSIA - 2335/09 (Judgment : Article 3 - Prohibition of torture : Third Section Committee) French Text [2018] ECHR 841 (16 October 2018)


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European Court of Human Rights


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2018/841.html
Cite as: [2018] ECHR 841

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TROISIÈME SECTION

 

 

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE TKACHUK c. RUSSIE

 

(Requête n o 2335/09)

 

 

 

 

 

 

 

 

ARRÊT

 

 

 

 

 

 

 

STRASBOURG

 

16 octobre 2018

 

 

 

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Tkachuk c. Russie,

La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :

Alena Poláčková, présidente,
Dmitry Dedov,
Jolien Schukking, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section ,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 septembre 2018,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l'origine de l'affaire se trouve une requête (n o 2335/09) dirigée contre la Fédération de Russie et dont un ressortissant de cet État, M. Yevgeniy Olegovich Tkachuk (« le requérant »), a saisi la Cour le 26 mai 2008 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par M e M. Belinskaya, avocate à Saint-�Pétersbourg. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. G. Matiouchkine, ancien représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, puis par M. M. Galperine, son représentant actuel.

3. Le 22 mars 2016, les griefs relatifs aux mauvais traitements sous forme de passage à tabac que le requérant allègue s'être vu infliger en détention et à l'ineffectivité de l'enquête menée par les autorités nationales, aux conditions de détention et de transfert du requérant et à l'absence de voie de recours effective à cet égard, à la durée de la détention provisoire et à la lenteur de l'examen en appel de la régularité de celle-ci, ainsi qu'au défaut d'équité de la procédure pénale et au non-respect de la présomption d'innocence ont été communiqués au Gouvernement, et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l'article 54 § 3 du règlement de la Cour.

EN FAIT

LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

4. Le requérant est né en 1990 et réside à Saint-�Pétersbourg.

A. Les poursuites pénales dirigées à l'encontre du requérant, la détention provisoire de celui-ci et sa condamnation pour meurtre et vol aggravé

1. Les poursuites pénales dirigées à l'encontre du requérant et la détention provisoire de celui-ci

5. Le 27 février 2007, I., un enfant âgé de 11 ans, fut retrouvé assassiné à son domicile. La victime résidait avec sa famille dans le même immeuble que le requérant.

6 . Le 28 février 2007, la police arrêta le requérant, alors âgé de 17 ans, ainsi que S., une autre personne du même âge. Elle les soupçonnait d'avoir tué I. et d'avoir commis un vol aggravé des biens appartenant à la famille de la victime.

7. Le 2 mars 2007, le requérant fut placé à la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 de la ville de Saint-�Pétersbourg, où il fut détenu avec d'autres mineurs.

8 . Pendant les dix mois qui suivirent l'arrestation du requérant, sa détention provisoire fut prolongée à plusieurs reprises sans que l'intéressé fît appel de ces décisions.

9 . Au stade de l'instruction préliminaire, le requérant avait reconnu une partie des faits incriminés. Il avait notamment avoué avoir planifié et commis avec S. le vol à main armée au domicile de I. Il niait toutefois son implication dans le meurtre de I., soutenant que l'auteur en était S.

10. Le 17 décembre 2007, à l'issue de l'instruction préliminaire, les autorités de poursuite dressèrent l'acte d'accusation à l'encontre du requérant et de S., et l'affaire pénale fut transmise pour jugement.

a) La décision du 21 décembre 2007 et son maintien par l'instance d'appel

11 . Par une décision du 21 décembre 2007, le tribunal de l'arrondissement Petrodvoretski de la ville de Saint-Pétersbourg reconduisit la détention provisoire du requérant jusqu'au 18 janvier 2008. Le tribunal se fondait sur les éléments suivants :

- la gravité des charges portées à l'encontre du requérant ;

- les caractéristiques négatives relatives au comportement du requérant avant l'incarcération : l'intéressé était décrit comme une personne agressive envers les autres, participant à des rixes, ne travaillant pas et ne poursuivant pas d'études ;

- les caractéristiques négatives provenant de l'administration des établissements pénitentiaires dans lesquels le requérant était détenu concernant, notamment, la participation alléguée de l'intéressé à une mutinerie dans la maison d'arrêt n o IZ-47/1 (voir, à ce sujet, les paragraphes 53-�54 ci-�dessous), et son placement dans une cellule disciplinaire dans la maison d'arrêt n o IZ-47/2 pour détention d'un objet interdit (voir, à ce sujet, le paragraphe 43 ci-dessous).

12 . Eu égard à ces éléments, le tribunal considéra qu'il existait des raisons de croire que, une fois remis en liberté et nonobstant son jeune âge, le requérant risquait de poursuivre une activité criminelle, de menacer des témoins ou d'entraver d'une autre manière le cours de la justice.

13 . Le requérant, assisté d'un avocat commis d'office, M e Ya., ne voulut pas se prononcer sur la question de son maintien en détention. En revanche, la mère du requérant, agissant en tant que sa représentante légale, s'opposa à la reconduction de la détention provisoire de son fils et demanda qu'on remplaçât cette mesure par une mesure de placement sous la surveillance d'un représentant légal, comme l'aurait prévu l'article 105 du code de procédure pénale (CPP). Le tribunal rejeta cette demande, estimant que la mère de l'intéressé n'était pas en mesure d'assurer le contrôle de son fils. Le tribunal jugea enfin que la paternité récente du requérant lui-même était sans incidence sur la question de la reconduction de la mesure provisoire.

14. Le 29 décembre 2007, le requérant interjeta appel contre cette décision, invoquant, entre autres, l'article 5 § 3 de la Convention. Le 17 janvier 2008, son mémoire d'appel fut transmis de la maison d'arrêt au tribunal de l'arrondissement Petrodvoretski.

15 . Le 11 février 2008, le procureur soumit ses observations sur le mémoire d'appel du requérant et, le 13 février 2008, le dossier fut transmis au tribunal de la ville de Saint-Pétersbourg pour examen au fond.

16 . Le 12 mars 2008, le tribunal de la ville de Saint-Pétersbourg, faisant siennes les conclusions du tribunal de première instance, rejeta l'appel du requérant.

b) La décision du 29 décembre 2007 et son maintien par l'instance d'appel

17. Par une décision du 29 décembre 2007, le tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg, siégeant en une formation de juge unique et statuant en l'absence des parties, fit droit à la demande du coaccusé du requérant visant à la tenue d'une audience préliminaire en l'affaire pénale, qu'il fixa au 10 janvier 2008. Le dispositif de cette décision se lisait notamment comme suit :

« La mesure préventive prise à l'égard de M. Tkachuk et de [son coaccusé] est à maintenir sans changement - [à savoir prolonger] la détention provisoire. »

18 . Le 11 janvier 2008, le requérant reçut une copie de la décision du 29 décembre 2007. Les 22 et 23 janvier 2008, il interjeta appel de ladite décision, indiquant, entre autres, qu'elle avait été prise en son absence et sans qu'il eût eu l'occasion de présenter ses arguments sur son maintien en détention provisoire. Le 28 janvier 2008, le procureur remit ses observations en réplique. À une date non spécifiée dans le dossier, l'appel du requérant et les observations du procureur furent transmis à l'instance d'appel pour examen au fond.

19 . Le 31 mars 2008, la Cour suprême de la Fédération de Russie (« la Cour suprême ») rejeta l'appel du requérant. Elle indiqua que, en adoptant la décision du 29 décembre 2007, le juge de première instance n'avait fait que confirmer l'existence d'une mesure provisoire qui aurait été reconduite antérieurement à l'égard du requérant jusqu'au 18 janvier 2008.

c) La décision du 18 janvier 2008 et son maintien par l'instance d'appel

20. Le 10 janvier 2008, le requérant demanda le tribunal de remplacer M e Ya., l'avocat commis d'office, par M e Belinskaya, l'avocate de son choix. Lors de l'audience du 18 janvier 2008, le tribunal accueillit la demande du requérant. Lors de la même audience, le tribunal invita les parties à la procédure à se prononcer sur le maintien du requérant et de son coaccusé en détention provisoire. Le requérant et son avocate ne voulurent pas se prononcer sur la question et laissèrent la décision à la discrétion du juge.

21 . Par une décision du 18 janvier 2008, le tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg reconduisit à nouveau la détention provisoire du requérant. Il reprit le raisonnement suivi dans la décision du 21 décembre 2007 par le tribunal de l'arrondissement Petrodvoretski en ce qui concerne la gravité des charges portées à l'encontre du requérant et la personnalité de ce dernier. Il indiqua en outre que la phase d'audience préliminaire n'était pas encore terminée en raison de la nécessité d'examiner des demandes introduites par la défense.

22. Le 28 janvier 2008, le requérant interjeta appel contre cette décision. Invoquant l'article 5 § 3 de la Convention et la jurisprudence de la Cour y relative, il soutenait que la gravité des charges dirigées contre lui n'était pas suffisante pour que sa détention fût prorogée. Il contestait les motifs retenus par le tribunal de première instance à cet égard, arguant, entre autres, qu'il avait occupé un emploi stable jusqu'au mois de janvier 2007 et qu'au moment de son arrestation il était à la recherche d'un emploi, qu'il avait de bonnes appréciations de son employeur précédent et qu'il n'avait pas été inscrit par la police sur le registre des délinquants. Il reprochait enfin au tribunal de ne pas avoir examiné la possibilité de choisir une autre mesure préventive parmi celles qui auraient été prévues par le CPP.

23 . Le 11 février 2008, le procureur soumit ses observations en réplique. À une date non spécifiée dans le dossier, l'appel du requérant et les observations du procureur furent transmis à l'instance d'appel pour examen au fond.

24 . Le 31 mars 2008, la Cour suprême rejeta l'appel du requérant. Elle nota que, lors de l'audience du 18 janvier 2008, le requérant, assisté par son avocate, avait retiré sa demande de remise en liberté et laissé la question de son maintien en détention provisoire à la discrétion du juge. Elle fit par ailleurs siennes les conclusions du juge de première instance quant à la nécessité de reconduire la mesure de détention provisoire du requérant.

d) La décision du 4 février 2008 et son maintien par l'instance d'appel

25. Lors de l'audience du 1 er février 2008, le tribunal invita les parties à la procédure à se prononcer sur le maintien du requérant et de son coaccusé en détention provisoire. Le requérant et son avocate ne voulurent pas se prononcer sur la question et laissèrent la décision à la discrétion du juge.

26 . Le 4 février 2008, le tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg, se prononçant sur diverses demandes procédurales du requérant et de son coaccusé, ordonna le maintien des intéressés en détention provisoire. Il indiquait qu'ils étaient accusés d'infractions particulièrement graves, que les circonstances ayant servi de fondement à leur placement en détention n'avaient pas changé et qu'eux-mêmes risquaient de persister dans leur activité criminelle.

27 . Le 12 février 2008, le requérant interjeta appel contre cette décision. Il réitérait ses arguments quant à l'absence de motifs suffisants pour justifier son maintien en détention et indiquait en outre que la décision litigieuse était « collective » dans le sens où elle aurait visé à la fois lui-même et son coaccusé.

28 . Le 31 mars 2008, la Cour suprême rejeta l'appel du requérant. Elle nota que, lors de l'audience du 4 janvier 2008, le requérant, assisté par un avocat de son choix, avait laissé la question de son maintien en détention provisoire à la discrétion du juge. S'agissant de la durée de la détention, elle indiqua que, conformément à l'article 255 du CPP, cette durée ne pouvait normalement excéder six mois. Elle fit par ailleurs siennes les conclusions du juge de première instance quant à la nécessité de reconduire la mesure de détention provisoire du requérant.

e) La décision du 17 mars 2008 et son annulation par l'instance d'appel

29. Le 17 mars 2008, le tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg décida de reporter l'audience en raison de la non-comparution des avocats du coaccusé, et elle ordonna en même temps le maintien de ce dernier et du requérant en détention provisoire sans indiquer la durée de la mesure ni les motifs la sous-tendant.

30 . Le 25 mars 2008, le requérant interjeta appel contre cette décision, alléguant, entre autres, qu'il n'avait pas eu l'occasion de présenter ses arguments sur la question de son maintien en détention provisoire et que la décision litigieuse était « collective ».

31 . Le 12 mai 2008, la Cour suprême annula la décision du 17 mars 2008. Elle présenta cependant des motifs différents de ceux soulevés par le requérant dans son appel. Elle considéra que le délai de six mois prévu par l'article 255 du CPP n'avait pas expiré à la date de l'adoption de la décision litigieuse et qu'il n'y avait pas lieu pour le juge de se prononcer sur le maintien de la mesure préventive à l'égard du requérant dès lors que cette mesure aurait été dûment reconduite par les décisions du 21 décembre 2007 et des 18 janvier et 4 février 2008. Le requérant et le procureur ne furent pas présents à l'audience du 12 mai 2008.

2. Le procès pénal et la condamnation du requérant

32. Le 18 février 2008, le requérant demanda au juge président à ne pas être placé derrière une grille en métal au motif qu'un tel placement constituait une violation de son droit à la présomption d'innocence et qu'il risquait d'influencer le jury.

33. Le 4 mars 2008, le juge rejeta cette demande en invoquant l'application des normes de sécurité en vigueur.

34. Dans le discours d'ouverture du procès qu'il tint devant les jurés le 4 mars 2008, le juge président indiqua, entre autres, que les accusés bénéficiaient de la présomption d'innocence. Dans ses instructions au jury du 15 mai 2008, le juge président réitéra ce principe et indiqua, en outre, que le placement du requérant derrière une grille en métal dans le prétoire ne devait pas être perçu par les jurés comme une démonstration de la culpabilité de l'intéressé.

35. Au cours du procès, le requérant réitéra sa position selon laquelle, le 27 février 2007, S. et lui-même avaient pénétré dans le domicile de I. et menacé l'enfant avec un couteau pour voler des biens se trouvant dans le logement. Il nia toutefois toute implication dans le meurtre de I., alléguant que c'était S. qui l'avait perpétré.

36. À la fin du procès, le jury estima prouvé que le requérant et S. avaient commis ensemble un vol à main armée ainsi que le meurtre prémédité de I., à qui ils auraient tous deux porté des coups de couteau.

37 . Par un jugement du 25 mai 2008, le tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg, se basant sur le verdict du jury, condamna le requérant à neuf ans d'emprisonnement. Le tribunal qualifia les actes du requérant d'assassinat commis en groupe organisé sur une personne en état de vulnérabilité (article 105 § 2, alinéas 3, 6 et 7, du code pénal (CP)) et de vol à main armée (article 162 § 4, alinéa 3, du CP).

38. Saisie en appel, la Cour suprême confirma ce jugement par un arrêt du 14 août 2008.

39. Le 6 octobre 2010, le présidium de la Cour suprême, statuant en instance de révision, annula l'arrêt du 14 août 2008 au motif que le requérant n'avait pas été assisté par un avocat lors de l'audience tenue à cette dernière date et il renvoya l'affaire devant la Cour suprême pour un nouvel examen d'appel.

40. Le 8 décembre 2010, la Cour suprême débouta le requérant de son appel et entérina l'arrêt du 25 mai 2008.

B. Les mauvais traitements allégués et la vérification menée sur ces allégations

41. Le 21 septembre 2007, à la suite de la mutinerie de détenus dans la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 (voir, à ce sujet, les paragraphes 53-�54 ci-�dessous), le requérant fut transféré à la maison d'arrêt n o IZ-�47/2 de la ville de Tikhvine (région de Saint-Pétersbourg). Il soutient qu'il n'a pas été examiné par un médecin à son arrivée dans cet établissement.

42 . Il soutient en outre que, pendant son séjour à la maison d'arrêt n o IZ-�47/2 de la ville de Tikhvine, il a été régulièrement battu par des gardiens de cet établissement.

43 . Le 12 octobre 2007, le requérant fut placé dans une cellule disciplinaire pour détention d'un objet interdit.

44. Le 17 octobre 2007, il fut renvoyé à la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 de la ville de Saint-�Pétersbourg. Il soutient qu'il n'a pas été examiné par un médecin à son arrivée dans cet établissement et que, le même jour, il a été forcé de signer une demande de placement en isolement.

45. Le 29 octobre 2007, la mère du requérant aurait demandé à l'administration de la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 de mettre fin à la détention de son fils en isolement en raison des mauvaises conditions de détention qui auraient découlé d'un tel régime.

46 . Le 2 novembre 2007, elle adressa une lettre au service du procureur de la ville de Saint-�Pétersbourg. Elle y décrivait les lésions qu'elle aurait constatées sur son fils lors de sa visite du 30 octobre 2007 et y relatait les mauvais traitements que celui-ci aurait subis pendant sa détention. Elle se plaignait également de la détention de son fils en isolement ainsi que de ses mauvaises conditions matérielles de détention.

47 . Par une lettre du 3 décembre 2007, le procureur de la ville de Saint-�Pétersbourg informa la mère du requérant qu'aucune violation des droits de son fils n'avait été constatée lors du contrôle effectué par son service. Il se référa, en particulier, aux résultats de la visite d'un représentant de son service à la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 qui aurait eu lieu le 30 novembre 2007 et au cours de laquelle le requérant n'aurait présenté aucune plainte.

48 . Par des lettres du 24 décembre 2007 et du 30 avril 2008, le service du procureur réitéra ses conclusions quant à l'absence de violation des droits du requérant. Notamment, dans sa lettre du 24 décembre 2007, le procureur indiqua que le requérant avait été détenu en isolement à la suite de sa propre demande du 17 octobre 2007 à l'administration de la maison d'arrêt n o IZ-�47/1.

49 . L'avocate du requérant contesta en justice les réponses susmentionnées du service du procureur. Elle reprocha notamment au procureur de n'avoir pris aucune mesure d'instruction pour établir les faits et d'avoir omis de prendre une décision formelle de refus d'ouvrir une instruction pénale comme le prévoyait selon elle le CPP.

50 . Par une décision du 14 juillet 2008, le tribunal de l'arrondissement Kalininski de la ville de Saint-�Pétersbourg rejeta la contestation.

51 . Le 1 er octobre 2008, le tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg confirma cette décision en appel.

C. La condamnation du requérant pour mutinerie

52 . Auparavant, le 20 septembre 2007, certains détenus mineurs de la maison d'arrêt n o IZ-�47/1, dont le requérant, avaient refusé d'obtempérer aux ordres de gardiens.

53 . À une date non spécifiée dans le dossier, le requérant fut poursuivi pour mutinerie, infraction réprimée par l'article 321 § 2 du CP. Notamment, eu égard aux évènements du 20 septembre 2007 dans la maison d'arrêt n o IZ-�47/1, il fut accusé de refus d'obtempérer aux ordres et de voies de fait à l'égard d'un gardien n'ayant pas entraîné de dommage pour la santé de ce dernier.

54 . Par un jugement du 21 octobre 2008, le tribunal de l'arrondissement Kalininski de la ville de Saint-�Pétersbourg reconnut le requérant coupable de tous les chefs d'accusation et le condamna à une peine d'emprisonnement de deux ans.

D. Les conditions de détention du requérant dans les maisons d'arrêt et au tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg, ainsi que les conditions de transfert de l'intéressé vers et depuis ledit tribunal

1. La version du requérant

55 . Le requérant relate ses conditions de détention et de transfert comme suit.

Du 17 octobre 2007 au 4 avril 2008, il a été détenu à la maison d'arrêt n o IZ-47/1 de la ville de Saint-�Pétersbourg. Il a occupé, en régime d'isolement, les cellules n os 127, 128 et 130 de la section n o 2/1. Les cellules étaient délabrées et infestées de rongeurs. La section n o 2/1 servait à la détention des personnes condamnées à la réclusion à perpétuité. Il s'est vu appliquer le même régime que les détenus majeurs : il ne se déplaçait que menotté et accompagné de gardiens.

56 . Du 4 avril 2008 au 5 mars 2009, il a été détenu à la maison d'arrêt n o IZ-47/4 de la ville de Saint-�Pétersbourg, dans les cellules n os 162, 169 et 177, qui auraient été surpeuplées. Les toilettes étaient dépourvues de porte, ce qui aurait exclu toute intimité. Les détenus ne bénéficiaient que de deux heures de promenade quotidienne et de quinze minutes de douche par semaine.

57 . Les jours des audiences relatives au procès pénal dont il était l'objet, il était d'abord placé dans une « cellule de rassemblement », puis, après une longue attente, il était transféré au tribunal dans un fourgon cellulaire. Les fourgons n'étaient pourvus ni de fenêtres ni de système de ventilation, et la superficie de leurs compartiments ne dépassait pas 1 m². Il était placé seul ou avec un autre détenu dans un de ces compartiments, et le nombre de détenus de chaque transfert excédait toujours la capacité des fourgons.

58 . Une fois arrivé au tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg, il était placé dans une cellule temporaire qui aurait été dépourvue de fenêtres, de toilettes et de point d'eau. Il y était reconduit à chaque pause d'audience. De plus, il ne pouvait pas prendre de repas.

59 . Par ailleurs, il était systématiquement menotté lors de son transfert dans les fourgons et lors de ses déplacements à l'intérieur du tribunal. Certains jours, il a passé jusqu'à douze heures avec les menottes aux poignets. Dans une lettre du 1 er novembre 2008, le service du procureur a informé la mère du requérant que l'utilisation des menottes à l'encontre de son fils était motivée par les tendances suicidaires de celui-�ci, ainsi que par le souci de prévenir toute tentative de fuite dès lors qu'il se serait montré enclin à l'insubordination et à l'incitation à l'insubordination.

60 . Au cours des audiences de première instance, il était placé dans une cage dont les parois auraient été constituées de barreaux métalliques et dans laquelle il n'y aurait eu qu'un banc pour s'asseoir. Des policiers armés étaient en faction à côté de la cage et une zone de sécurité dans laquelle personne n'aurait été admis à entrer avait été délimitée autour de la cage. Son avocate ne pouvait communiquer avec lui qu'avec la permission d'un policier de garde et toujours en présence de celui-ci.

61 . Enfin, il avait également été placé dans une cage métallique au cours de l'audience en appel du 14 août 2008.

2. La version du Gouvernement

62 . Le Gouvernement indique que, du 17 octobre 2007 au 4 mars 2008, le requérant a été détenu à la maison d'arrêt n o IZ-47/1 de la ville de Saint-�Pétersbourg et, du 4 mars 2008 au 5 mars 2009, à la maison d'arrêt n o IZ-47/4 de la ville de Saint-�Pétersbourg.

63 . S'agissant des conditions de détention dans la maison d'arrêt n o IZ-�47/1, il expose que le requérant a été détenu dans les cellules n os 130, 52 et 127, qui auraient mesuré 8 m² et compté chacune deux lits. Il ajoute que, contrairement à l'allégation du requérant, celui-ci n'a pas été détenu seul dans les cellules, mais qu'il a partagé celles-ci avec au moins un autre détenu. Il indique encore que le requérant était séparé des détenus adultes, qu'il disposait de linge de lit et de couverts, et qu'il bénéficiait de deux heures quotidiennes de promenade en plein air séparément des détenus adultes.

64 . S'agissant des conditions de détention dans la maison d'arrêt n o IZ-�47/4, le Gouvernement indique que le requérant était détenu dans des cellules dont la superficie aurait été conforme aux standards internationaux et qui auraient été équipées de tout le matériel et de toutes les commodités nécessaires : lit, lavabo, table, etc. Le requérant aurait également bénéficié d'une promenade en plein air, il aurait été suivi par des médecins, notamment des psychologues, et il aurait reçu sans restriction la visite d'avocats et de proches.

65 . À l'appui de ses déclarations, le Gouvernement soumet diverses attestations délivrées à cet effet les 21 et 22 juin 2016 par les administrations des maisons d'arrêt concernées ainsi que des copies - de mauvaise qualité - de certaines pages de la fiche carcérale du requérant, mentionnant les numéros des cellules que l'intéressé aurait occupées, les dates auxquelles il y aurait été placé ainsi que le matériel et les vêtements qui auraient été mis à sa disposition. Le Gouvernement produit également des copies de certaines pages de la fiche médicale de l'intéressé.

66 . S'agissant des conditions de transfert vers et depuis le tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg, le Gouvernement indique que le requérant a effectué vingt-quatre fois le trajet. Il expose qu'il ne lui est pas possible de fournir la documentation relative aux conditions de transfert au motif que les registres de transport relatifs à la période concernée ont été détruits à l'expiration du délai de conservation de cinq ans. Il ajoute qu'il ne saurait être tiré une conclusion défavorable du fait de la destruction des registres en question. Il confirme par ailleurs que le requérant était menotté lors de son transfert, mais il soutient que cette mesure était nécessaire en raison de tendances suicidaires du requérant et de la nécessité de prévenir toute tentative de fuite ou d'insubordination.

67 . S'agissant des conditions de détention du requérant dans l'enceinte du tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg, le Gouvernement indique qu'il y avait dix cellules dont la superficie totale était de 37 m² et que les détenus en transit devaient disposer d'au moins 3 m² d'espace personnel. Il ajoute que les détenus ne s'y trouvaient pas tous simultanément puisqu'ils auraient participé à tour de rôle aux audiences judiciaires. Il soutient en outre que les cellules étaient ventilées et que les détenus pouvaient se rendre aux toilettes à la demande.

68 . Enfin, s'agissant des conditions de détention du requérant dans le prétoire, le Gouvernement indique que le requérant y était placé derrière une grille de protection en métal et qu'il pouvait s'asseoir sur un banc.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 3 DE LA CONVENTION, PRIS SEUL ET COMBINÉ AVEC L'ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

69. Le requérant dénonce ses conditions de détention dans les maisons d'arrêt n os IZ-47/1 et IZ-47/4 de la ville de Saint-�Pétersbourg et dans la cellule de détention temporaire du tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg, ainsi que ses conditions de transfert vers et depuis ledit tribunal. Il se plaint également de son placement dans une cage métallique à l'intérieur du prétoire lors de son procès. Il dénonce en outre les coups que lui auraient portés des gardiens de la maison d'arrêt n o IZ-�47/2 de la ville de Tikhvine et il déplore l'absence d'enquête effective à cet égard. Il allègue enfin qu'il n'a pas disposé d'une voie de recours effective qui lui aurait permis de présenter ces griefs au niveau interne. Il invoque l'article 3 de la Convention, pris seul et combiné avec l'article 13 de la Convention. Ces deux dispositions sont ainsi libellées en leurs parties pertinentes en l'espèce :

Article 3

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »

A. Sur la violation alléguée de l'article 3 de la Convention

1. Sur les conditions de détention du requérant dans les maisons d'arrêt n os IZ-47/1 et IZ-47/4 et dans le tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg, sur les conditions de son transfert vers et depuis ledit tribunal ainsi que sur son placement dans une cage métallique à l'intérieur du prétoire

a) Thèses des parties

70. S'agissant des conditions de détention dans les maisons d'arrêt n os IZ-�47/1 et IZ-47/4, le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes, estimant que le requérant aurait pu introduire un recours au civil en dédommagement du préjudice moral allégué. Il estime également que le requérant n'a pas étayé par des preuves pertinentes sa thèse quant aux conditions de détention dans la maison d'arrêt n o IZ-47/1. À titre subsidiaire, se référant à sa version des faits (paragraphes 62-�65 ci-�dessus), le Gouvernement soutient que les conditions de détention litigieuses n'étaient pas constitutives de mauvais traitements.

71. Le requérant maintient son grief. Il indique en outre que les conditions de sa détention à la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 étaient similaires à celles décrites dans les arrêts Gorbulya c. Russie (n o 31535/09, 6 mars 2014), Popandopulo c. Russie (n o 4512/09, 10 mai 2011) et Moskovets c. Russie (n o 14370/03, 23 avril 2009).

b) Appréciation de la Cour

i. Sur la recevabilité

72. Eu égard à ses conclusions dans l'arrêt Ananyev et autres c. Russie (n os 42525/07et 60800/08, §§ 100-�119, 10 janvier 2012), la Cour estime que le Gouvernement n'a pas démontré l'existence d'un recours interne que le requérant aurait été tenu d'exercer avant de soumettre sa requête à la Cour pour se plaindre des conditions de détention dans les maisons d'arrêt n os IZ-�47/1 et IZ-�47/4. Elle rejette donc l'argument du Gouvernement.

73. Constatant par ailleurs que ces griefs ne se heurtent à aucun autre motif d'irrecevabilité, elle les déclare recevables.

ii. Sur le fond

α) Sur les conditions de détention à la maison d'arrêt n o IZ-47/1

74. La Cour observe premièrement que les parties sont en désaccord quant à la date du transfèrement du requérant de la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 vers la maison d'arrêt n o IZ-�47/4. Elle note que les attestations soumises par le Gouvernement sont contradictoires à ce sujet : alors que les unes indiquent le 4 mars 2008, les autres retiennent le 4 avril 2008. La Cour relève cependant que, d'après les copies de la fiche carcérale du requérant soumises par le Gouvernement (paragraphe 65 ci-dessus), c'est le 4 avril 2008 que l'intéressé a été transféré vers la maison d'arrêt n o IZ-�47/4. Eu égard à l'importance que la Cour attache aux documents primaires dans le contexte des affaires relatives aux conditions de détention (voir, dans ce sens, Ananyev et autres , précité, §§ 127-�129), elle choisit d'accorder plus de poids à l'information contenue dans la fiche carcérale et elle considère comme établi que requérant a été détenu dans la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 jusqu'au 4 avril 2008, date à laquelle il a été transféré à la maison d'arrêt n o IZ-�47/4.

75. La Cour note ensuite que les parties sont en désaccord quant aux conditions matérielles de détention du requérant à la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 : l'intéressé se plaint, entre autres, d'avoir été détenu en régime d'isolement dans la section n o 2/1 de cet établissement alors que le Gouvernement affirme que l'intéressé a été détenu dans des cellules communes avec au moins une autre personne (paragraphes 55 et 63 ci-�dessus).

76 . La Cour rappelle à cet égard que la procédure prévue par la Convention, telle celle suivie en l'espèce, ne se prête pas toujours à une application stricte du principe affirmanti incumbit probatio (« la preuve incombe à celui qui affirme »), car, dans certains cas, le gouvernement défendeur est le seul à avoir accès aux informations susceptibles de confirmer ou d'infirmer les allégations du requérant. Le fait que, sans donner de justification satisfaisante, un gouvernement s'abstient de fournir pareilles informations peut permettre de tirer des conclusions quant au bien-�fondé des allégations en question (voir, parmi d'autres, Fedotov c. Russie , n o 5140/02, §§ 60 et 61, 25 octobre 2005, et Kokoshkina c. Russie , n o 2052/08, § 60, 28 mai 2009).

77 . La Cour rappelle en outre que, lorsqu'il y a contestation sur les conditions de détention, point n'est besoin pour elle d'établir la véracité de chaque élément litigieux : elle peut conclure à la violation de l'article 3 de la Convention sur la base de toute allégation grave non réfutée par le Gouvernement ( Grigorievskikh c. Russie , n o 22/03, § 55, 9 avril 2009). Dans ce type d'affaires, la charge de la preuve pèse sur les autorités et il incombe au Gouvernement de fournir une explication satisfaisante et convaincante pour contrer les allégations du requérant.

78 . En l'espèce, la Cour note que le Gouvernement, tout en indiquant que le requérant a été placé dans les cellules n os 130, 52 et 127 avec au moins une autre personne (paragraphe 63 ci-�dessus), n'a toutefois pas soumis d'originaux des registres des détenus relatifs à la période concernée pour étayer cet affirmation. Quant aux autres éléments soumis par le Gouvernement, la Cour estime qu'ils ne peuvent compenser l'absence des registres en question ( Ananyev et autres , précité, §§ 127-�129). Elle souligne par ailleurs que l'affirmation du Gouvernement selon laquelle le requérant n'a pas été détenu seul est en partie contredite par la réponse du procureur du 24 décembre 2007, dans laquelle celui-ci avait confirmé le placement du requérant en régime d'isolement dans la maison d'arrêt n o IZ-47/1 (paragraphe 48 ci-�dessus). Eu égard au poids qu'elle attache habituellement aux divers éléments de preuve dans ce contexte, la Cour considère que le Gouvernement n'a pas réfuté l'allégation du requérant selon laquelle il a été détenu en régime d'isolement du 17 octobre 2007 au 4 avril 2008, soit pendant cinq mois et dix-�huit jours.

79. La Cour constate ensuite que, ayant mis en doute l'assertion du requérant quant à son placement en régime d'isolement, le Gouvernement n'a pas cherché à avancer, de manière alternative, la thèse que pareille détention aurait été compatible avec l'article 3 de la Convention.

80. La Cour rappelle que, dans les arrêts A.B. c. Russie (n o 1439/06, §§ 99-�113, 14 octobre 2010) et Gorbulya (précité, §§ 74-�81), elle a conclu à la violation de l'article 3 de la Convention à raison de la détention des requérants en régime d'isolement dans la section n o 2/1 de la maison d'arrêt n o IZ-47/1 de la ville de Saint-�Pétersbourg. Notamment, dans l'arrêt A.B. c. Russie (précité), elle a considéré que la décision de placer l'intéressé en régime d'isolement n'a été suivie ni d'une nouvelle évaluation des circonstances, de la situation et de la conduite du détenu ni d'un contrôle régulier de son état de santé physique et psychique, ce qui aurait permis de s'assurer de la compatibilité de cet état avec le maintien à l'isolement (§§ 107-�108). Au vu des éléments dont elle dispose et eu égard à la position du Gouvernement, la Cour note que celui-ci n'a mis en avant aucun élément de fait ou de droit à même de la convaincre d'adopter en l'espèce une conclusion différente.

81. Notamment, la Cour estime que la détention du requérant en régime d'isolement pendant cinq mois et dix-huit jours n'était pas négligeable compte tenu de l'âge de l'intéressé, qui était mineur à l'époque des faits. À supposer même que la demande du requérant du 17 octobre 2007 visant à son placement en régime d'isolement ait été spontanée, la Cour estime qu'elle ne disait rien des raisons pour lesquelles l'intéressé avait souhaité l'application de cette mesure ( A.B. c. Russie , précité, § 105). Il est vrai que le requérant était réputé avoir un comportement dangereux (paragraphe 52 ci-�dessus). Cependant, les autorités internes n'ont pas retenu cet élément comme fondement pour le placement et le maintien du requérant en régime d'isolement. En tout état de cause, les autorités pénitentiaires ne pouvaient s'affranchir de leur obligation de contrôler régulièrement l'état de santé physique et psychique du détenu ( A.B. c. Russie , précité, § 108).

82 . La Cour constate que les extraits de la fiche médicale du requérant soumis par le Gouvernement (paragraphe 65 ci-�dessus) ne démontrent pas que l'état de santé psychique de l'intéressé a été constamment et régulièrement évalué. Il en ressort que, pendant la période du 17 octobre 2007 au 4 avril 2008, le requérant n'a bénéficié que de trois consultations auprès du service médical de la maison d'arrêt : le 29 et le 30 novembre 2007, il a été examiné par un dermatologue et un généraliste respectivement, et, le 14 février 2008, par un généraliste.

83. Enfin, même si le requérant a pu rencontrer sa mère et son avocate les jours des audiences judiciaires, ces contacts n'étaient pas suffisants pour compenser l'isolement social relatif auquel il a été soumis ( Borodin c. Russie , n o 41867/04, § 134, 6 novembre 2012).

84 . Partant, il y a eu violation de l'article 3 de la Convention à raison des conditions de détention du requérant du 17 octobre 2007 au 4 avril 2008.

β) Sur les conditions de détention à la maison d'arrêt n o IZ-47/4

85. La Cour note que les parties sont également en désaccord quant aux conditions matérielles de détention du requérant à la maison d'arrêt n o IZ-�47/4. Eu égard à ses conclusions énoncées aux paragraphes 76-�77 ci-�dessus quant à la répartition de la charge de la preuve et compte tenu des éléments versés par les parties, elle estime que le Gouvernement ne s'est pas acquitté de la charge de la preuve qui lui incombait et qu'il n'a pas réfuté, à l'aide notamment d'originaux des registres des détenus, les allégations du requérant selon lesquelles il a été détenu dans des cellules surpeuplées à la maison d'arrêt n o IZ-�47/4 (paragraphe 56 ci-dessous).

86. La Cour rappelle avoir déjà conclu dans de nombreuses affaires à la violation de l'article 3 de la Convention à raison principalement du manque d'espace individuel suffisant (voir, par exemple, Zentsov et autres c. Russie , n o 35297/05, §§ 38-45, 23 octobre 2012, Kolunov c. Russie , n o 26436/05, §§ 30-38, 9 octobre 2012, Ananyev et autres , précité, §§ 160-�166, Karalevičius c. Lituanie , n o 53254/99, § 36, 7 avril 2005, Mayzit c. Russie , n o 63378/00, § 39 et suivants, 20 janvier 2005, et Dougoz c. Grèce , n o 40907/98, § 46, CEDH 2001-II).

87. Eu égard à son ample jurisprudence en la matière et à ses conclusions quant au bien-fondé des allégations du requérant, la Cour conclut que ce dernier a été détenu à la maison d'arrêt n o IZ-�47/4 du 4 avril 2008 au 5 mars 2009 dans des conditions contraires aux dispositions de l'article 3 de la Convention.

88 . Partant, il y a eu violation de l'article 3 de la Convention à raison des conditions de détention du requérant pour la période du 4 avril 2008 au 5 mars 2009.

γ) Sur le placement du requérant dans une cage métallique

89. La Cour note qu'il n'est pas contesté entre les parties que, durant tout le procès pénal, le requérant a été placé dans une cage métallique à l'intérieur du prétoire dans le tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg (paragraphes 61 et 68 ci-�dessus).

90. Dans son arrêt Svinarenko et Slyadnev c. Russie [GC] (n os 32541/08et 43441/08, CEDH 2014 (extraits)), la Cour a conclu que l'enfermement d'une personne dans une cage pendant son procès constitue en soi, compte tenu de son caractère objectivement dégradant, incompatible avec les normes de comportement civilisé qui caractérisent une société démocratique, un affront à la dignité humaine contraire à l'article 3 de la Convention. Elle a réitéré cette conclusion dans ses arrêts ultérieurs ( Urazov c. Russie , n o 42147/05, §§ 81-�83, 14 juin 2016, et Vorontsov et autres c Russie , n os 59655/14et 2 autres, § 31, 31 janvier 2017).

91. Eu égard aux arguments des parties et à sa jurisprudence en la matière, la Cour considère que le Gouvernement n'a mis en avant aucun élément de fait ou de droit à même de la convaincre d'adopter une conclusion différente en l'espèce.

92 . Partant, il y a eu violation de l'article 3 de la Convention à raison du placement du requérant dans une cage métallique à l'intérieur du prétoire dans le tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg.

93. Eu égard au constat de violation auquel la Cour est parvenue au paragraphe 92 ci-�dessus, elle estime qu'il n'est pas nécessaire d'examiner séparément le grief quant au placement du requérant dans une cage métallique lors de l'audience en appel du 14 août 2008.

δ) Sur les conditions de détention dans la cellule temporaire du tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg ainsi que sur les conditions de transfert vers et depuis ledit tribunal

94. Ayant conclu à la violation de l'article 3 de la Convention à raison des conditions de détention du requérant du 17 octobre 2007 au 5 mars 2009 (paragraphes 84 et 88 ci-�dessus) ainsi qu'à raison du placement du requérant dans une cage métallique à l'intérieur du prétoire lors de son procès (paragraphe 92 ci-�dessus), la Cour estime qu'il n'est pas nécessaire d'examiner séparément la partie du grief concernant les conditions de détention de l'intéressé dans la cellule de détention temporaire du tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg ainsi que les conditions de son transfert vers et depuis ledit tribunal (paragraphes 57-�59 ci-�dessus).

2. Sur les mauvais traitements allégués

a) Thèses des parties

95 . Le Gouvernement soutient que tant le 21 septembre 2007, lors de son admission à la maison d'arrêt n o IZ-�47/2 de la ville de Tikhvine, que le 17 octobre 2007, lors de son retour à la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 de la ville de Saint-Pétersbourg, le requérant a été examiné par les services médicaux de ces établissements et que ces examens n'ont permis de révéler aucune lésion. Le Gouvernement soumet un extrait du registre des examens médicaux ( журнал медицинских осмотров ) de la maison d'arrêt n o IZ-�47/2, dont il ressort que, au cours de l'examen médical effectué le 21 septembre 2007 lors de l'admission du requérant dans cet établissement, l'intéressé n'avait pas de lésions visibles sur son corps et qu'il ne s'est pas plaint de son état de santé. En revanche, le Gouvernement n'a pas soumis l'extrait du registre des examens médicaux de la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 comme demandé par la Cour lors de la communication de la requête.

96 . Le requérant maintient son grief. S'agissant de la réalité des lésions qu'il allègue avoir subies, il soumet par ailleurs des déclarations de K. et de F., deux anciens employés de la maison d'arrêt n o IZ-�47/1. Ces derniers affirment notamment que le requérant, au moment de son placement dans cet établissement en octobre 2007, avait des lésions visibles sur le corps, notamment des hématomes sur le visage, une plaie sur l'une des arcades sourcilières et une enflure au niveau des lèvres. Ils déclarent également que le requérant n'a pas été examiné par un médecin lors de son placement dans cette maison d'arrêt.

97 . S'agissant de la vérification menée sur ses allégations de mauvais traitements, le requérant indique entre autres que la visite d'un représentant du service du procureur le 30 novembre 2007 s'est déroulée en présence du directeur de la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 et que, par peur de représailles, il n'a pas pu s'exprimer librement sur les mauvais traitements en question.

b) Appréciation de la Cour

i. Sur la recevabilité

98. Constatant que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention et qu'il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

ii. Sur le fond

α) Sur l'aspect procédural

99. La Cour considère que, lorsqu'un individu affirme de manière défendable avoir subi, aux mains de la police ou d'autres services comparables de l'État, de graves sévices illicites et contraires à l'article 3 de la Convention, cette disposition, combinée avec le devoir général imposé à l'État par l'article 1 de la Convention de « reconnaître à toute personne relevant de [sa] juridiction, les droits et libertés définis (...) [dans la] Convention », requiert, par implication, qu'il y ait une enquête officielle effective ( Bouyid c. Belgique [GC], n o 23380/09, § 116, CEDH 2015).

100. Se tournant vers les circonstances de l'espèce, la Cour doit d'abord vérifier si le grief du requérant relatif aux mauvais traitements allégués était « défendable » et s'il impliquait dès lors pour les autorités nationales l'obligation de mener une enquête officielle. Elle relève que, le 2 novembre 2007, la mère du requérant a adressé au procureur une plainte décrivant l'état de santé de son fils, notamment les lésions sur son visage dont elle aurait constaté la présence lors de sa visite du 30 octobre 2007, et répercutant les allégations de son fils quant aux mauvais traitements qu'il aurait dit avoir subis (paragraphe 46 ci-dessus). La Cour estime que la description des lésions figurant dans ladite plainte était suffisante pour qu'une enquête officielle fût déclenchée à ce sujet.

101. La Cour constate ensuite que le Gouvernement n'a soumis aucun document relatif à la réalité ou à l'ampleur de la vérification qui aurait été menée par le service du procureur à la suite de la plainte de la mère du requérant. Quand bien même une telle vérification aurait eu lieu, la Cour ne voit pas d'explication au fait qu'elle n'a revêtu aucune des formes procédurales prévues à cet effet par le CPP, c'est-à-dire ni une vérification préliminaire sur la base de l'article 144 du CPP ni une instruction pénale proprement dite sur la base de l'article 146 du CPP (voir, pour plus de détails sur les deux procédures, Lyapin c. Russie , n o 46956/09 , §§ 99-�102, 24 juillet 2014). De surcroît, le dossier dont la Cour dispose ne démontre pas que, dans le cadre de ladite vérification, le service du procureur ait ordonné un quelconque examen médical du requérant ( Zolotorev c. Russie , n o 13408/07, § 52, 19 septembre 2017), qu'il ait examiné les registres des examens médicaux établis par les services médicaux des maisons d'arrêt concernées ou qu'il ait interrogé les médecins desdits services en vue de vérifier le récit des faits livré par la mère du requérant (voir, mutatis mutandis , Samartsev c. Russie , n o 44283/06, § 90, 2 mai 2013), qu'il ait interrogé les employés de la maison d'arrêt prétendument impliqués dans les mauvais traitements ou qu'il ait organisé des confrontations entre ceux-ci et l'intéressé ( Artyomov c. Russie , n o 14146/02, § 180, 27 mai 2010).

102. La Cour note ensuite que, dans les lettres qu'il a adressées à la mère du requérant les 3 et 24 décembre 2007, le procureur a indiqué que, le 30 novembre 2007, un représentant de son service avait rendu visite au requérant dans la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 et que l'intéressé n'avait formulé aucune plainte à cette occasion. Cependant, eu égard au déroulement de la visite en question telle que décrite par le requérant (paragraphe 97 ci-dessus), notamment à la présence d'un représentant de l'administration pénitentiaire, la Cour estime que l'absence de déclarations de l'intéressé ne peut pas être interprétée à son détriment.

103. De manière globale, la Cour estime que les démarches entreprises par le service du procureur à la suite du dépôt de la plainte de la mère du requérant étaient superficielles et qu'elles n'ont pas constitué une enquête effective au sens de l'article 3 de la Convention ( R. c. Russie , n o 11916/15, §§ 84-�92, 26 janvier 2016, et Lyapin , précité, §§ 133-�140).

104 . Partant, il y a eu violation de l'article 3 de la Convention sous son volet procédural.

β) Sur l'aspect matériel

105. La Cour note que le Gouvernement a soumis un extrait du registre des examens médicaux de la maison d'arrêt n o IZ-�47/2 du 21 septembre 2007 (paragraphe 95 ci-�dessus), dont il ressort que le requérant n'avait pas de lésions visibles lors de son examen réalisé à cette date. Or l'allégation du requérant revient à dire qu'il a été maltraité au cours de sa détention dans cet établissement, laquelle a duré du 21 septembre au 17 octobre 2007 (paragraphe 42 ci-�dessus). Si le Gouvernement voulait vérifier cette allégation, il aurait pu le faire par le biais, notamment, de l'extrait du registre des examens médicaux de la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 du 17 octobre 2007, date à laquelle l'intéressé y avait été transféré. Le Gouvernement n'a donné aucune explication quant à l'impossibilité de soumettre cet élément malgré la demande expresse de la Cour. En revanche, il ressort des déclarations de K. et de F. soumises par le requérant que ce dernier présentait plusieurs lésions sur le corps au moment de son placement dans la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 et qu'il n'a pas été examiné par le service médical de cet établissement (paragraphe 96 ci-�dessus).

106. La Cour rappelle dans ce contexte que, pour apprécier les preuves, elle a généralement adopté jusqu'ici le critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable » ( Irlande c. Royaume-Uni , 18 janvier 1978, § 161, série A n o 25). Elle rappelle à cet égard qu'une preuve peut résulter d'un faisceau d'indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants ( Ribitsch c. Autriche , 4 décembre 1995, § 34, série A n o 336, et Salman c. Turquie [GC], n o 21986/93, § 100, CEDH 2000-VII). En l'espèce, malgré l'absence de documentation médicale attestant la nature des lésions subies par le requérant, la Cour estime que le requérant a pu démontrer, notamment à l'aide des témoignages de K. et de F., qu'il avait des lésions au visage au moment de son transfert depuis la maison d'arrêt n o IZ-�47/2 vers la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 (voir, pour une approche similaire, R. c. Russie , précité, §§ 78-�80, et Artyomov , précité, §§ 150-�155).

107. La Cour rappelle en outre que « lorsqu'un individu est placé en garde à vue alors qu'il se trouve en bonne santé et que l'on constate qu'il est blessé au moment de sa libération, il incombe à l'État de fournir une explication plausible pour l'origine des blessures, à défaut de quoi l'article 3 de la Convention trouve manifestement à s'appliquer » ( Tomasi c. France , 27 août 1992, §§ 108-111, série A n o 241-A, et Selmouni c. France [GC], n o 25803/94, § 87, CEDH 1999-V). Eu égard aux principes énumérés ci-�dessus et à l'absence de toute explication de la part du Gouvernement quant à l'origine des lésions du requérant, la Cour estime que le Gouvernement ne s'est pas acquitté de la charge qui lui incombait en termes d'administration de la preuve (voir, parmi beaucoup d'autres, Zolotarev c. Russie , n o 43083/06, § 42, 15 novembre 2016, et Samartsev , précité, § 96). Elle accepte donc la version du requérant quant à l'origine des lésions, selon laquelle il a été maltraité par le personnel de la maison d'arrêt n o IZ-�47/2 de la ville de Tikhvine au cours de la période du 21 septembre au 17 octobre 2007.

108. La Cour note ensuite que ces lésions ont dû causer au requérant de vives souffrances physiques et morales. Elle considère ainsi que le traitement infligé a atteint le seuil de gravité requis pour constituer un traitement inhumain sous l'angle de l'article 3 de la Convention ( R. c. Russie , précité, § 82).

109 . Partant, il y a eu violation du volet matériel de l'article 3 de la Convention.

B. Sur le respect de l'article 13 de la Convention

1. Thèses des parties

110. Le Gouvernement estime que le requérant disposait de voies de recours internes effectives lui permettant de présenter ses griefs tirés des violations alléguées de l'article 3 de la Convention.

111. Le requérant maintient son grief.

2. Appréciation de la Cour

a) Sur la recevabilité

112. Constatant que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention et qu'il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

b) Sur le fond

i. S'agissant des conditions de détention

113. Eu égard à ses conclusions quant à la violation de l'article 3 de la Convention à raison de la détention du requérant tant dans des conditions de surpopulation carcérale qu'en régime d'isolement (paragraphes 84 et 88 ci-�dessus), la Cour estime que cette partie du grief est « défendable ».

114 . Dans son arrêt Ananyev et autres (précité), la Cour a conclu que le système juridique russe n'offrait pas de voies de recours internes effectives pour faire valoir un grief relatif à des mauvaises conditions de détention dans des maisons d'arrêt en raison notamment de la surpopulation carcérale ( idem , § 119). Elle ne voit aucune raison d'aboutir à une conclusion différente en l'espèce.

115 . S'agissant de la détention du requérant en régime d'isolement à la maison d'arrêt n o IZ-47/1, la Cour estime que le Gouvernement n'a pas non plus démontré, dans les circonstances de l'espèce, l'existence d'une voie de recours interne par le biais de laquelle le requérant aurait pu contester la mesure litigieuse (voir, mutatis mutandis , A.B. c. Russie , précité, § 111).

116. Partant, il y a eu violation de l'article 13 combiné avec l'article 3 de la Convention à raison des conditions de détention du requérant.

ii. Sur le fond

117. Ayant conclu à la violation de l'article 3 de la Convention sous ses volets procédural et matériel (paragraphes 104 et 109 ci-dessus), la Cour estime qu'aucun examen séparé du grief tiré d'une ineffectivité de l'enquête relative aux mauvais traitements qui auraient été infligés au requérant ne s'impose sur le terrain de l'article 13 de la Convention ( Ovakimyan c. Russie , n o 52796/08, § 68, 21 février 2017, Aleksandr Andreyev c. Russie , n o 2281/06, § 71, 23 février 2016, et Minikayev c. Russie , n o 630/08, § 75, 5 janvier 2016).

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION

118. Le requérant se plaint également que la durée de sa détention provisoire n'ait pas été raisonnable au sens de l'article 5 § 3 de la Convention, ainsi libellé en ses parties pertinentes en l'espèce :

« Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article (...) a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience. »

A. Thèses des parties

119 . Le Gouvernement indique que la détention provisoire du requérant a duré du 28 février 2007 au 26 mai 2008, date à laquelle ce dernier a été condamné par le tribunal de première instance. Il argue que les juridictions nationales ont dûment pris en compte les éléments pertinents : la gravité des charges dirigées à l'encontre du requérant, la personnalité de l'intéressé et son comportement avant et après l'infliction de la mesure litigieuse. Pour le Gouvernement, il s'agissait d'accusations particulièrement graves selon lesquelles le requérant aurait porté des coups de couteau à un enfant âgé de 11 ans et aurait donc commis un meurtre avec préméditation en groupe organisé, ce qui, d'après le Gouvernement, nécessitait une réponse adéquate des juridictions nationales.

120. À titre subsidiaire, le Gouvernement avance que le requérant n'a pas épuisé les voies de recours internes, notamment un recours en dédommagement pour une durée excessive de la procédure pénale qui aurait été disponible en vertu de la loi n o 68-FZ du 20 avril 2010.

121. Le requérant maintient son grief.

B. Appréciation de la Cour

1. Sur la recevabilité

122. La Cour note que la loi n o 68-FZ du 20 avril 2010 prévoit la possibilité de réclamer, au niveau interne, réparation des dommages subis par les justiciables victimes d'une violation de leur droit à voir trancher leur cause dans un délai raisonnable ou de leur droit à obtenir l'exécution des décisions de justice dans un délai raisonnable (voir, pour plus de détails, Kalinkin et autres c. Russie , n os 16967/10et 20 autres, §§ 14-�17, 17 avril 2012, et Yevgeniy Alekseyenko c. Russie , n o 41833/04, §§ 70-�71, 27 janvier 2011). Cependant, le Gouvernement n'a pas démontré que ladite loi permettait d'obtenir une réparation pour une détention dont la durée n'aurait pas été raisonnable au sens de l'article 5 § 3 de la Convention. La Cour rejette donc l'exception préliminaire tirée du non-épuisement des voies de recours internes.

123. Constatant que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention et qu'il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

2. Sur le fond

124. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante relative à l'article 5 § 3 de la Convention, la persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d'avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention. Toutefois, au bout d'un certain temps, cela ne suffit plus. La Cour doit dans ce cas établir si les autres motifs adoptés par les autorités judiciaires continuent à légitimer la privation de liberté. Quand ceux-ci se révèlent « pertinents » et « suffisants », elle recherche de surcroît si les autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure (voir, parmi d'autres, Buzadji c. République de Moldova [GC], n o 23755/07, § 87, CEDH 2016, Zherebin c. Russie , n o 51445/09, §§ 49-�54, 24 mars 2016, et Labita c. Italie [GC], n o 26772/95, §§ 152-�153, CEDH 2000-IV).

125. En l'espèce, la Cour relève que le requérant a été placé en détention provisoire le 28 février 2007 et reconnu coupable par la juridiction de jugement le 26 mai 2008 (paragraphes 6 et 37 ci-�dessus). La période à prendre en considération est donc d'un an, deux mois et vingt-sept jours. Eu égard à la durée considérable de cette période et à la présomption en faveur d'une libération, la Cour estime que les juridictions internes devaient invoquer des motifs convaincants pour prolonger la détention de l'intéressé ( Stepan Zimin c. Russie , n o 63686/13, 60894/14, § 55, 30 janvier 2018).

126. La Cour note qu'à la date du 21 décembre 2007, quand la mesure préventive qui avait été prise à l'égard du requérant a été reconduite jusqu'au 18 janvier 2008, l'intéressé avait passé en détention neuf mois et vingt-deux jours. Bien que le requérant n'ait pas contesté son maintien en détention provisoire jusqu'au 21 décembre 2007 (paragraphes 8 et 15 ci-�dessus), la Cour tiendra compte de la période antérieure à cette date pour apprécier si la détention de l'intéressé après le 21 décembre 2007 a été raisonnable au sens de l'article 5 § 3 de la Convention ( Idalov c. Russie [GC], n o 5826/03, §§ 131 et 135, 22 mai 2012).

127. La Cour note ensuite qu'il n'y a pas de désaccord entre les parties quant à l'existence de raisons plausibles de soupçonner le requérant d'avoir commis une infraction considérée comme particulièrement grave au sens de la législation interne. Elle relève que, en adoptant les décisions du 21 décembre 2007 et des 18 janvier et 4 février 2008, le juge de première instance s'est largement appuyé sur les caractéristiques négatives du requérant ainsi que sur son comportement avant et pendant la détention provisoire pour arriver à la conclusion que l'intéressé risquait « de poursuivre l'activité criminelle, de menacer des témoins ou d'entraver d'une autre manière le cours de la justice » (paragraphes 11-�12, 21 et 26 ci-�dessus). Quant aux décisions du 29 décembre 2007 et du 17 mars 2008, la Cour note qu'elles ne contenaient aucun motif sous-tendant la décision de prolongation de la détention provisoire du requérant et que, en outre, celle du 17 mars 2008 a été annulée par l'instance d'appel (paragraphe 31 ci-�dessus).

128. La Cour estime que les conclusions du juge interne selon lesquelles le requérant risquait d'entraver le cours de la justice ou d'influencer les témoins n'étaient basées sur aucun élément factuel concret (voir, parmi beaucoup d'autres sur ces points, G. c. Russie , n o 42526/07, §§ 116-�117, 21 juin 2016, Korkin c. Russie , n o 48416/09, §§ 93-�94, 12 novembre 2015, et Valeriy Kovalenko c. Russie , n o 41716/08, §§ 43-�45, 29 mai 2012). En revanche, elle estime que cela n'est pas le cas en ce qui concernait la nécessité d'empêcher le requérant de commettre d'autres infractions.

129. La Cour rappelle à cet égard que des éléments concrets tels que la dangerosité de l'inculpé peuvent avoir de l'importance pour les juges ; la gravité d'une infraction peut conduire les autorités à placer et à laisser un suspect en détention provisoire pour prévenir de nouvelles infractions si les circonstances de l'affaire, comme les antécédents et la personnalité de l'intéressé, rendent le danger plausible et la mesure adéquate ( Paradysz c. France , n o 17020/05, § 70, 29 octobre 2009). Par exemple, dans l'arrêt J.M. c. Danemark (n o 34421/09, 13 novembre 2012), la Cour a estimé que la détention pendant un an, neuf mois et quinze jours d'un mineur de 15 ans, accusé du viol et du meurtre d'une personne de 85 ans, était raisonnable. Elle a attaché une importance particulière au fait que les juridictions nationales s'étaient expressément référées aux circonstances exceptionnelles du cas et à la gravité particulière des infractions imputées à l'intéressé, au fait que, dès le début de l'instruction, celui-�ci avait avoué être l'auteur des infractions, au fait que l'on avait pris en compte que l'intéressé était mineur en le plaçant dans une institution spécialisée pour jeunes délinquants ainsi qu'au fait que la durée de la détention s'expliquait par le besoin de soumettre l'intéressé à deux expertises psychiatriques ( ibidem , §§ 59-�63).

130. Revenant à la présente affaire, la Cour note que les charges à l'encontre du requérant étaient particulièrement graves et les soupçons quant à son implication dans le meurtre d'un jeune enfant très forts : l'intéressé avait avoué une partie des faits, notamment avoir planifié et commis avec S. le vol à main armée au domicile de la victime (paragraphe 9 ci-dessus). Lors de leur décision de maintenir le requérant en détention, les juridictions internes se sont référées aux antécédents comportementaux du requérant, à savoir sa violence dans la vie quotidienne, ainsi qu'à sa participation à la mutinerie du 20 septembre 2007 dans la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 et à une sanction disciplinaire qui lui avait été imposée en octobre 2007 (paragraphe 11 ci-�dessus). La Cour estime donc qu'il y avait des éléments concrets démontrant un risque plausible que le requérant commît d'autres infractions une fois remis en liberté.

131. Cependant, la Cour est d'avis que, à la différence du mineur délinquant qui, dans l'arrêt J.M. c. Danemark (précité), avait été placé dans un établissement adapté à son âge ( ibidem , §§ 8 et 63), le requérant en l'espèce n'a pas été détenu dans des conditions appropriées. Elle rappelle qu'il avait été placé à l'isolement dans la section n o 2/1 de la maison d'arrêt n o IZ-�47/1 (paragraphes 78-�84 ci-�dessus) sans que ce placement eût été assorti d'un suivi médical approprié (paragraphe 82 ci-dessus).

132. Par ailleurs, lorsque le juge de première instance a refusé de placer le requérant sous la surveillance de sa mère (paragraphe 13 ci-�dessus), il n'a pas pour autant recherché si une autre mesure préventive telle que l'assignation à domicile pouvait se substituer à la détention provisoire de l'intéressé ( Zherebin , précité, § 59, et Aleksandr Makarov c. Russie , n o 15217/07, §§ 138-�139, 12 mars 2009). La Cour rappelle que la nécessité de rechercher une solution alternative est d'autant plus importante lorsqu'il s'agit d'un mineur (voir, sur les principes pertinents et les normes internationales en la matière, Blokhin c. Russie [GC], n o 47152/06, §§ 77-�89, CEDH 2016, et Güveç c. Turquie , n o 70337/01, §§ 58 et 60, CEDH 2009 (extraits)).

133. Eu égard à ce qui précède, la Cour considère que, dans les circonstances de la cause, les autorités ont maintenu le requérant en détention provisoire après le 21 décembre 2007 pour des motifs qui ne peuvent être vus comme « suffisants » pour justifier la durée de cette détention, tout particulièrement compte tenu de l'âge de l'intéressé et des conditions dans lesquelles il a été détenu.

134. Dès lors, il n'est pas nécessaire de rechercher de surcroît si les autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure ( Dolgova c. Russie , n o 11886/05, § 50, 2 mars 2006).

135. Partant, il y a eu violation de l'article 5 § 3 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION

136. Le requérant allègue que ses appels contre les décisions autorisant son maintien en détention provisoire n'ont pas été examinés « à bref délai ». Il se plaint également du rejet de sa demande de participation à l'audience du 12 mai 2008 devant la Cour suprême et il dénonce une violation du principe de l'égalité des armes en raison de la non-�communication des observations du service du procureur sur son appel contre la décision du 17 mars 2008. Il invoque l'article 5 § 4 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité. »

A. Thèses des parties

137 . En ce qui concerne la première partie du grief, le Gouvernement estime que les appels contre les décisions en question ont été examinés en conformité avec la législation nationale et dans un bref délai. Il ajoute qu'un temps supplémentaire était nécessaire pour transmettre le dossier de Saint-�Pétersbourg à Moscou et pour assurer la participation du requérant aux audiences en appel. Il indique que, pendant les audiences des 18 janvier et 1 er février 2008 devant le tribunal de première instance, ni le requérant ni son avocate n'ont voulu se prononcer sur la prolongation de la détention provisoire de l'intéressé et qu'ils ont laissé cette question à la discrétion du tribunal. Quant à la partie du grief concernant l'absence du requérant à l'audience du 12 mai 2008 devant la Cour suprême, le Gouvernement indique que la présence de l'intéressé n'était pas nécessaire dès lors que les arguments de ce dernier auraient été clairement présentés dans son mémoire d'appel. Il précise par ailleurs que le procureur était lui aussi absent à l'audience du 12 mai 2008.

138 . Le requérant répète que l'examen de ses appels n'a pas été effectué à bref délai, et ce, à ses dires, sans aucune raison objective. Il argue en outre que sa présence devant l'instance d'appel a été assurée par le biais de la vidéoconférence à partir de la maison d'arrêt à Saint-�Pétersbourg et que cela n'a donc pas eu d'incidence sur les délais litigieux.

B. Appréciation de la Cour

1. Sur la recevabilité

139. Constatant que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention et qu'il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

2. Sur le fond

140. La Cour note que l'examen des appels du requérant contre les décisions du 21 décembre et du 29 décembre 2007 ainsi que du 18 janvier 2008 a duré respectivement quatre-vingt-un, quatre-vingt-douze et soixante-�douze jours. Ce délai s'est élevé à cinquante-cinq jours pour chacun des recours dirigés contre les décisions des 4 février et 17 mars 2008. Rien ne démontre que ces délais puissent être attribués au requérant ou à son avocate. La Cour observe que, une fois terminé l'échange d'observations sur chacun des recours introduits par le requérant, les juridictions nationales ont laissé les recours sans examen pour de longs laps de temps, qui ont varié entre trente et soixante-deux jours, sans raison objective (paragraphes 15-�16, 18-�19, 23-�24, 27-�28 et 30-�31 ci-�dessus). Elle prend note de l'argument du Gouvernement quant à la nécessité de transférer les dossiers relatifs aux recours du requérant de Saint-Pétersbourg à Moscou, siège de la Cour suprême, mais elle estime cependant que pareil transfert ne peut expliquer des retards aussi importants. Par ailleurs, l'argument du Gouvernement selon lequel le requérant aurait été transféré à Moscou pour participer aux audiences devant l'instance d'appel n'est pas étayé par les éléments du dossier. La Cour accepte donc l'affirmation du requérant selon laquelle il a participé aux audiences en question par le biais de la vidéoconférence depuis la maison d'arrêt dans laquelle il se trouvait au moment des faits (paragraphe 138 ci-�dessus). Ce mode de participation n'a donc pas non plus pu contribuer à la longue durée de l'examen des appels de l'intéressé.

141 . Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que les laps de temps écoulés ne sont pas compatibles avec l'exigence d'un contrôle à bref délai. À titre de comparaison, elle rappelle que, dans l'arrêt Shcherbakov c. Russie (n o 2) (n o 34959/07, § 101, 24 octobre 2013) et l'arrêt Butusov c. Russie (n o 7923/04, § 34, 22 décembre 2009), elle a conclu à la violation de l'article 5 § 4 de la Convention pour des durées respectivement de trente-�quatre jours et de vingt jours. Partant, elle estime que, en l'espèce, il y a eu violation de cette même disposition.

142. Eu égard au constat de violation de l'article 5 § 4 de la Convention auquel la Cour est parvenue au paragraphe 141 ci-�dessus, elle estime qu'il n'est pas nécessaire d'examiner séparément le grief du requérant relatif à son absence à l'audience d'appel du 12 mai 2008 consacrée à la question de la régularité de sa détention provisoire et à la non-�communication des observations du service du procureur sur son appel contre la décision du 17 mars 2008.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION

143. Le requérant se plaint enfin de son placement dans une cage métallique pendant les audiences devant le tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg, puis, le 14 août 2008, devant la Cour suprême. Il dénonce une violation du principe de la présomption d'innocence. Il indique de plus que, en l'absence de table dans la cage, il lui était impossible de prendre des notes et, par conséquent, d'assurer efficacement sa défense. En outre, il lui aurait été impossible de communiquer en privé avec son avocate à cause de la présence de son coaccusé à l'intérieur de la cage et de celle des agents d'escorte de l'administration pénitentiaire à l'extérieur de celle-ci. Le requérant invoque l'article 6 §§ 1, 2, 3 b) et c) de la Convention, ainsi libellé en ses parties pertinentes en l'espèce :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)

2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

3. Tout accusé a droit notamment à :

(...)

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;

(...) »

A. Thèses des parties

144 . Le Gouvernement confirme que le requérant était placé derrière une grille de métal au prétoire et que les agents d'escorte étaient toujours présents à côté de la grille. Il indique que l'intéressé était autorisé à parler avec son avocate avec la permission du juge président lors des pauses prévues pendant les audiences judiciaires et à l'issue de celles-ci. Il argue que tant le requérant que son avocate ont activement pris part à l'examen de l'affaire pénale en s'exprimant sur diverses questions, notamment lors de la constitution du jury et de l'établissement de la liste de questions adressées au jury à la fin du procès. À la demande du requérant, le juge président lui aurait attribué un temps supplémentaire de consultation avec son avocate pour qu'il pût formuler des commentaires sur la liste de questions. Le Gouvernement soutient qu'à aucun moment du procès pénal le requérant n'a demandé ni une consultation en privé avec son avocate ni du papier ou un stylo pour prendre des notes. Enfin, le requérant aurait reçu copie des procès-verbaux des audiences.

145. Le requérant maintient ses griefs.

B. Appréciation de la Cour

1. Sur la recevabilité

146. Constatant que ces griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention et qu'ils ne se heurtent par ailleurs à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour les déclare recevables.

2. Sur le fond

a) Sur le respect de l'article 6 §§ 1 et 3 b) et c) de la Convention en ce qui concerne la possibilité pour le requérant de prendre des notes à l'intérieur de la cage et de communiquer avec son avocate durant le procès

147. La Cour note que le Gouvernement a confirmé que l'unique mobilier à l'intérieur de la cage dans laquelle le requérant avait été placé durant le procès pénal était un banc, que les agents d'escorte de l'administration pénitentiaire étaient toujours présents à côté de cette cage et que le requérant ne pouvait communiquer avec son avocate qu'en leur présence immédiate (paragraphe 144 ci-�dessus).

148. La Cour rappelle que, dans son arrêt Khodorkovskiy et Lebedev c. Russie (n os 11082/06et 13772/05, §§ 642-�647, 25 juillet 2013), elle a conclu à la violation de l'article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention en raison d'un manque de confidentialité des communications verbales entre les intéressés et leurs avocats eu égard, notamment, à la présence immédiate des agents d'escorte de l'administration pénitentiaire. Elle a réitéré cette conclusion dans les arrêts Urazov (précité, §§ 85-�89) et Yaroslav Belousov c. Russie (n os 2653/13et 60980/14, §§ 145-�154, 4 octobre 2016). Par ailleurs, dans l'arrêt Yaroslav Belousov (précité), la Cour a conclu également à la violation de l'article 6 § 3 b) de la Convention à raison, notamment, de l'absence, dans une cage vitrée dans laquelle l'intéressé avait été placé, de dispositifs qui auraient permis à celui-ci de prendre des notes ( idem , § 151).

149. Eu égard aux arguments des parties et à sa jurisprudence en la matière, la Cour considère que le Gouvernement n'a présenté aucun élément de fait ou de droit à même de la convaincre d'adopter une conclusion différente en l'espèce.

150. Partant, il y a eu violation de l'article 6 §§ 1 et 3 b) et c) de la Convention à raison de l'absence, dans la cage métallique dans laquelle le requérant a été placé durant le procès pénal dirigé à son encontre, d'un dispositif qui lui aurait permis de prendre des notes ainsi qu'à raison d'un manque de confidentialité des communications verbales entre l'intéressé et son avocate.

b) Sur le respect de l'article 6 § 2 de la Convention en ce qui concerne le placement du requérant dans une cage à l'intérieur du prétoire

151. Eu égard au constat de violation de l'article 3 de la Convention auquel elle est parvenue au paragraphe 92 ci-�dessus et à la lumière de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'il n'est pas nécessaire d'examiner séparément le grief tiré de l'article 6 § 2 quant au respect de la présomption d'innocence du requérant du fait de son placement dans une cage métallique à l'intérieur du prétoire ( Urazov , précité, §§ 91-�92, et Khodorkovskiy et Lebedev , précité, §§ 741-�744).

V. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

152. Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

153. Le requérant réclame 200 000 euros (EUR) pour préjudice moral.

154. Dans l'hypothèse où la Cour conclurait à la violation de la Convention en l'espèce, le Gouvernement l'invite à établir le montant de la satisfaction équitable à la lumière de sa jurisprudence.

155. La Cour estime qu'il y a lieu d'octroyer au requérant 19 500 EUR pour dommage moral.

B. Frais et dépens

156. Le requérant demande également 250 000 roubles russes (RUB) pour les frais et dépens engagés devant la Cour, dont 200 000 RUB pour les frais de conseil et de représentation et 50 000 RUB pour les frais de traduction. Il étaie sa demande par des tableaux détaillant le nombre d'heures de travail de son avocate et de la traductrice et par des copies de factures pour les frais engagés.

157. Le Gouvernement n'a pas présenté de commentaire sur ce point.

158. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce, la Cour note que les tableaux soumis par le requérant ne justifient que partiellement le nombre d'heures de travail effectuées par son avocate. Eu égard à ce qui précède, et compte tenu des documents dont elle dispose, de sa jurisprudence et du fait qu'une partie de la requête a été déclarée irrecevable, la Cour estime raisonnable la somme de 2 800 EUR tous frais confondus et l'accorde au requérant.

C. Intérêts moratoires

159. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

 

2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention à raison des mauvais traitements auxquels le requérant a été soumis à la maison d'arrêt n o IZ-�47/2 de la ville de Tikhvine et de l'absence d'une enquête effective à cet égard, à raison des conditions de détention de l'intéressé dans la maison d'arrêt n o IZ-47/1 du 17 octobre 2007 au 4 avril 2008 et dans la maison d'arrêt n o IZ-47/4 du 4 avril 2008 au 5 mars 2009, ainsi qu'à raison du placement de l'intéressé dans une cage métallique à l'intérieur du prétoire dans le tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg durant le procès pénal dirigé à son encontre ;

 

3. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément le grief tiré de l'article 3 de la Convention en ce qui concerne les conditions de transfert du requérant vers et depuis le tribunal de la ville de Saint-�Pétersbourg durant le procès pénal dirigé à son encontre ainsi qu'en ce qui concerne le placement du requérant dans une cage métallique lors de l'audience en appel du 14 août 2008 ;

 

4. Dit qu'il y a eu violation de l'article 13 de la Convention à raison de l'absence de voies de recours effectives qui auraient permis de contester les conditions de détention du requérant dans les maisons d'arrêt n o IZ-�47/1 et n o IZ-47/4 ;

 

5. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément le grief tiré de l'article 13 de la Convention en ce qui concerne l'absence d'une enquête effective sur les mauvais traitements infligés au requérant à la maison d'arrêt n o IZ-�47/2 de la ville de Tikhvine ;

 

6. Dit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 3 de la Convention à raison de la durée de la détention provisoire du requérant après le 21 décembre 2007 ;

 

7. Dit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 4 de la Convention à raison de la durée excessive de l'examen des appels du requérant contre les décisions autorisant son maintien en détention provisoire ;

 

8. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément le grief tiré de l'article 5 § 4 de la Convention en ce qui concerne l'absence du requérant à l'audience du 12 mai 2008 devant la Cour suprême et la non-�communication des observations du service du procureur sur son appel contre la décision du 17 mars 2008 ;

 

9. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 §§ 1 et 3 b) et c) de la Convention ;

 

10. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément le grief tiré de l'article 6 § 2 de la Convention ;

 

11. Dit

a) que l'État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l'État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :

i. 19 500 EUR (dix-neuf mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur cette somme, pour dommage moral ;

ii. 2 800 EUR (deux mille huit cents euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d'impôt sur cette somme, pour frais et dépens ;

b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

 

12. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 octobre 2018, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Fatoş Aracı Alena Poláčková
              Greffière adjointe Présidente


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