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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> VASILIOU v. GREECE - 49253/11 (Judgment : Article 6 - Right to a fair trial : First Section Committee) French Text [2018] ECHR 848 (18 October 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2018/848.html Cite as: [2018] ECHR 848 |
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PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE VASILIOU c. GRÈCE
(Requête n o 49253/11)
ARRÊT
STRASBOURG
18 octobre 2018
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Vasiliou c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l'homme (première section), siégeant en un comité composé de :
Kristina Pardalos,
présidente,
Ksenija Turković,
Pauliine Koskelo,
juges,
et de Renata Degener,
greffière adjointe
de section
,
PROCÉDURE
1. À l'origine de l'affaire se trouve une requête (n o 49253/11) dirigée contre la République hellénique et dont une ressortissante de cet État, M me Maria Vasiliou (« la requérante »), a saisi la Cour le 22 juillet 2011 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). 2. La requérante a été représentée par M e S. Lalas, avocat exerçant à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par la déléguée de son agent, M me A. Dimitrakopoulou, assesseure au Conseil juridique de l'Etat. 3. Le 4 mai 2017, la requête a été communiquée au Gouvernement.EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
4. La requérante est née en 1944 et réside à Stamata. 5. La requérante est propriétaire d'un terrain situé à l'île de Mykonos. 6. Par une décision ministérielle du 14-28 juin 1963, la ville de Mykonos et une enceinte de 200 mètres autour d'elle fut classé comme zone nécessitant une protection renforcée car elle présentait une importance particulière de point de vue de l'architecture populaire insulaire et de la beauté naturelle. Le 5 octobre 1973, le ministre de la Culture étendit la zone de protection et, le 10 septembre 1974, le même ministre classa la ville de Mykonos comme site archéologique protégé. Par un décret du 13 août 1976, les conditions de construction inclus dans le plan d'urbanisme de Mykonos furent modifiées afin de mieux protéger le caractère traditionnel de la ville et notamment celui de ses anciens quartiers. 7. Le 18 octobre 1991, un permis de construire fut délivré à la requérante autorisant la construction de quatre bâtiments. 8. Le 13 décembre 1994, alors que les travaux de construction des bâtiments étaient en partie achevés, la direction d'urbanisme des Cyclades ( Διεύθυνση Πολεοδομίας Κυκλάδων ) ordonna la cessation des travaux au motif que le terrain de la requérante était situé en dehors des limites du secteur déterminé par un décret et dans lequel il était autorisé de construire. 9. Le 7 janvier 1999, la requérante écrivit à la direction d'urbanisme des Cyclades et demanda que soit autorisé la reprise des travaux ou que lui soit délivré un permis de construire révisé. 10. Le 1 er février 1999, la direction d'urbanisme rejeta ladite demande au motif notamment que les bâtiments portaient atteinte à la physionomie du quartier des moulins de Mykonos. 11. Le 22 mars 1999, la requérante saisit le Conseil d'État d'une demande en annulation du rejet de sa demande. Le 12 novembre 2001, le président de la 4 e Chambre du Conseil d'État renvoya l'affaire à la cour d'appel administrative du Pirée pour des raisons relevant de la compétence des juridictions. 12. Par un arrêt n o 755/2003 du 31 mars 2003, la cour d'appel administrative débouta la requérante. Elle considéra que le refus de l'administration d'accueillir la demande de reprise des travaux par la requérante contenait indirectement un refus de révocation de la décision d'interrompre les travaux. Or, ce refus n'avait pas de caractère exécutoire car il constituait une simple confirmation de la décision d'interrompre les travaux. 13. Le 23 septembre 2003, la requérante introduisit un appel contre cet arrêt devant le Conseil d'État. 14. L'audience initialement fixée au 1 er décembre 2004, fut ajournée d'office au 13 avril 2005, puis au 25 janvier 2006. À cette dernière date, elle fut encore ajournée en application d'une décision du ministère de la Justice laquelle suspendait le fonctionnement de tous les tribunaux du pays en raison des conditions climatiques extrêmes. Par la suite, l'audience fut à nouveau ajournée aux 8 novembre 2006, 17 janvier, 21 février, 30 mai, 13 juin et 10 octobre 2007, date à laquelle elle eut lieu. 15. Le 31 décembre 2010, le Conseil d'État (arrêt n o 4446/2010) rejeta définitivement la demande de la requérante considérant que la délivrance du permis de construire en l'espèce n'était pas conforme à la loi et que les autorités avaient à juste titre refusé la continuation des travaux et la révision du permis. Plus précisément, le Conseil d'État releva que la délimitation de la ville de Mykonos avant 1923 n'était pas valide car le décret présidentiel qui devait la délimiter n'avait jamais été adopté.II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
16. Les articles 104 et 105 de la loi d'accompagnement du Code civil se lisent comme suit :Article 104
« L'État est responsable, conformément aux dispositions du code civil relatives aux personnes morales, des actes ou omissions de ses organes concernant des rapports de droit privé ou son patrimoine privé. »
Article 105
« L'État est tenu de réparer le dommage causé par les actes illégaux ou omissions de ses organes lors de l'exercice de la puissance publique, sauf si l'acte ou l'omission a eu lieu en méconnaissance d'une disposition destinée à servir l'intérêt public. La personne fautive est solidairement responsable avec l'État, sous réserve des dispositions spéciales sur la responsabilité des ministres. »
17. Ces dispositions établissent le concept d'acte dommageable spécial de droit public, créant une responsabilité extracontractuelle de l'État. Cette responsabilité résulte d'actes ou omissions illégaux. Les actes concernés peuvent être, non seulement des actes juridiques, mais également des actes matériels de l'administration, y compris des actes non exécutoires en principe. La recevabilité de l'action en réparation est soumise à une condition : la nature illégale de l'acte ou de l'omission. 18. Selon les informations fournies par le Gouvernement, lorsque la prétention qui fait l'objet de l'action en dommages-intérêts d'un acte est née d'un administratif illégal, l'action constitue une voie de recours autonome par rapport à l'action en annulation de l'acte dont la légalité est examinée par le tribunal de manière incidente (Conseil d'État, arrêts n o 2312/1995 et 231/1997). Ainsi pour introduire une action en dommages-intérêts sur le fondement de l'article 105 précité, l'annulation préalable de l'acte préjudiciable à l'origine de la prétention d'indemnisation n'est pas nécessaire. 19. Enfin, le délai de prescription de l'action en dommages-intérêts est interrompu par l'exercice d'une action en annulation contre l'acte administratif dont l'illégalité constitue la base de la prétention indemnitaire (Conseil d'État, arrêts n o 4402/2015 et 2152/2010 et jurisprudence citée dans ces arrêts). 20. L'article 24 § 6 de la Constitution dispose :« Les monuments et les sites et éléments traditionnels sont placés sous la protection de l'État. La loi détermine les mesures restrictives de la propriété qui sont nécessaires pour la réalisation de cette protection, ainsi que les modalités et la nature de l'indemnisation des propriétaires. »
21. Depuis 1986, le Conseil d'État a jugé que malgré l'absence d'une loi d'application de la disposition constitutionnelle précitée, l'administration a l'obligation d'indemniser le propriétaire d'un terrain, en vertu de cet article, lorsque des mesures qui tendent à protéger l'environnement ou le patrimoine culturel restreignent considérablement l'usage de celui-ci. Il s'agit là d'une jurisprudence constante et étoffée (arrêts du Conseil d'État nos. 3146/1986, 2801/1991, 1517/1993, 3963/1995, 2725/1997, 4575/1998, 784/1999, 3337/1999, 1432/2002, 530/2003, 2876/2004, 3627/2004, 3000/2005, 3009/2006 et 1920/2007), suivie par les tribunaux administratifs de première instance et les cours d'appel (voir, par exemple, l'arrêt 4401/2004 du tribunal administratif de première instance d'Athènes et l'arrêt 2962/2005 de la Cour d'appel administrative d'Athènes). Le Conseil d'État a souligné qu'une prétention pour se faire indemniser est née, au sens de l'article 24 § 6 de la Constitution, après l'écoulement d'un laps de temps raisonnable depuis l'imposition de mesures restrictives, si le propriétaire saisit l'administration ou le tribunal compétent d'une action en dommages-intérêts pour la fixation desquels est prise en considération la nature des terrains concernés. Le propriétaire qui subit ces mesures peut réclamer une indemnité pour la diminution de la valeur de son bien en raison des limitations apportées aux possibilités d'exploitation et de mise en valeur de celui-ci. A l'appui de son action et afin de faciliter la détermination de la diminution de la valeur précitée, il peut invoquer de quelle façon il comptait exploiter son bien.EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE N o 1
22. La requérante se plaint que les restrictions apportées à la constructibilité de sa propriété ont porté atteinte à son droit au respect de ses biens. Elle allègue une violation de l'article 1 du Protocole n o 1 qui est ainsi libellé :« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
23. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter ce grief pour non-épuisement des voies de recours internes : la requérante n'a pas fait usage de plusieurs voies de recours existantes et n'a pas non plus allégué devant les juridictions internes, ni même en substance, que l'interruption des travaux de construction violait l'article 1 du Protocole n o 1. En premier lieu, se prévalant de l'arrêt Fix c. Grèce (n o 1001/09, 12 juillet 2011), le Gouvernement relève que la requérante n'a pas fait usage du recours prévu par l'article 24 § 6 de la Constitution. En deuxième lieu, se prévalant de la décision Schinas c. Grèce (n o 3608/09, 28 mars 2017), il souligne que la requérante a omis d'introduire une action sur le fondement de l'article 105 de la loi d'accompagnement du code civil. Le gouvernement souligne que selon la jurisprudence constante du Conseil d'État, confirmée aussi dans son arrêt n o 4446/2010 en l'espèce, l'interruption des travaux de construction constitue une révocation du permis de construire. En outre, le Conseil d'État a jugé que les dispositions relatives à la révocation des actes administratifs individuels illégaux n'excluent pas la responsabilité de l'État dans les cas où les intéressés n'ont pas eux-mêmes provoqué l'adoption de l'acte illégal. En outre, si le motif de responsabilité sur le fondement de l'article 105 précité consiste en l'adoption d'un acte favorable à l'intéressé, en dépit du fait que les conditions légales à cet effet n'ont pas été respectées, et à la validité duquel l'intéressé a cru de manière légitime, la responsabilité de l'État s'étend à l'indemnisation du dommage matériel subi, actuel et futur, ainsi que du dommage moral. 24. La requérante souligne qu'elle a épuisé toutes les voies de recours internes et que la procédure a pris fin avec l'arrêt n o 4446/2010 du Conseil d'État. À titre subsidiaire, elle souligne que lorsque le Conseil d'État a rendu son arrêt, plus de douze ans s'étaient écoulés, et pendant cette période les prétentions indemnitaires qu'elle pouvait avoir étaient prescrites. Par ailleurs, une procédure relative à un recours en annulation n'interrompt pas le délai prévu (5 ans) pour introduire une action en dommages-intérêts. Enfin, la requérante réfute l'allégation du Gouvernement selon laquelle elle n'a pas soulevé, même en substance, la violation de l'article 1 du Protocole n o 1 : lorsqu'un État, comme en l'espèce, adopte une loi laquelle 20 ans plus tard est déclarée anticonstitutionnelle par une décision de justice et il est ainsi porté atteinte à la propriété des intéressés qui avaient agi conformément à cette loi, un problème du droit au respect des biens se pose de manière évidente. 25. La Cour rappelle que la condition de l'épuisement des voies de recours internes énoncée à l'article 35 § 1 de la Convention se fonde sur l'hypothèse que l'ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée. Il incombe au Gouvernement excipant du non-épuisement de convaincre la Cour qu'un recours était effectif et disponible tant en théorie qu'en pratique à l'époque des faits, c'est-à-dire qu'il était accessible et susceptible d'offrir au requérant la réparation de ses griefs et présentait des perspectives raisonnables de succès ( D.H. et autres c. République tchèque [GC], n o 57325/00, § 115, CEDH 2007-�IV, et Vučković et autres c. Serbie [GC], n os 17153/11et suivants, 25 mars 2014). 26. La Cour souligne qu'elle doit appliquer la règle de l'épuisement des voies de recours internes en tenant dûment compte du contexte : le mécanisme de sauvegarde des droits de l'homme que les États contractants sont convenus d'instaurer. Elle a ainsi reconnu que l'article 35 § 1 doit être appliqué avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif. Elle a de plus admis que cette règle ne s'accommode pas d'une application automatique et ne revêt pas un caractère absolu ; en en contrôlant le respect, il faut avoir égard aux circonstances de la cause. Cela signifie notamment que la Cour doit tenir compte de manière réaliste non seulement des recours prévus en théorie dans le système juridique de l'État contractant concerné, mais également du contexte dans lequel ils se situent ainsi que de la situation personnelle du requérant. Il lui faut dès lors examiner si, compte tenu de l'ensemble des circonstances de la cause, le requérant a fait tout ce que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour épuiser les voies de recours internes (ibid. §116). 27. Dans l'arrêt Fix c. Grèce (précité, §§ 54-55), la Cour avait noté que les requérants se plaignaient devant le Conseil d'État que l'administration, en se prévalant de la protection du patrimoine culturel, avait violé le principe de proportionnalité en imposant sur leur propriété des restrictions considérables qui aboutissaient à les priver de l'usage de celle-ci sans indemnité. Elle avait également notait que, selon la jurisprudence constante du Conseil d'État et des juridictions administratives (paragraphe 23 cidessus), l'article 24 § 6 de la Constitution prévoit l'obligation pour l'administration d'indemniser le propriétaire d'un terrain lorsque des mesures visant à protéger l'environnement ou le patrimoine culturel en restreignent considérablement l'usage. 28. Or, en l'espèce, comme dans l'arrêt Fix précité, les restrictions apportées à la propriété de la requérante par les autorités, sous la forme de l'interruption des travaux de construction et du refus de réviser le permis de construire, était fondé sur des textes tendant à protéger un site classé en raison de son intérêt culturel, archéologique et architectural (paragraphe 6 ci-dessus). 29. À titre subsidiaire, la Cour relève qu'une action en indemnisation sur le fondement de l'article 105 de la loi d'accompagnement était également offerte à la requérante par le droit interne. À cet égard, elle note que selon les informations fournies par le Gouvernement et non contestées par la requérante, lorsque la prétention qui fait l'objet de l'action en dommages-intérêts d'un acte est née d'un administratif illégal, l'action constitue une voie de recours autonome par rapport à l'action en annulation de l'acte dont la légalité est examinée par le tribunal de manière incidente. Ainsi pour introduire une action en dommages-intérêts sur le fondement de l'article 105 précité, l'annulation préalable de l'acte préjudiciable à l'origine de la prétention d'indemnisation n'est pas nécessaire. En outre, le délai de prescription de l'action en dommages-intérêts est interrompu par l'exercice d'une action en annulation contre l'acte administratif dont l'illégalité constitue la base de la prétention indemnitaire (paragraphes 18-19 cidessus). La requérante avait donc la possibilité d'introduire cette action indépendamment de son recours en annulation, d'autant plus que, comme le Conseil d'État l'a relevé, l'invalidité du permis de construire de la requérante était dû au fait que l'État avait omis d'adopter un décret pour délimiter les zones de la ville de Mykonos tombant sous le coup de la législation protectrice de l'environnement. 30. Il était donc loisible à la requérante d'introduire directement un recours en indemnisation fondé sur l'article 24 § 6 de la Constitution ou sur l'article 105 de la loi d'accompagnement du code civil, soit à la place du recours en annulation, soit en même temps que celui-ci soit après l'arrêt n o 4446/2010 du Conseil d'État. En omettant de l'introduire, la requérante n'a pas fait un usage normal des recours qui s'offraient à elle en droit interne. 31. Une telle conclusion dispense la Cour d'examiner si la requérante a soulevé en substance devant les juridictions administratives le grief qu'elle soulève maintenant devant la Cour. 32. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être déclarée irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
33. La requérante dénonce une violation de son droit à ce que sa cause soit entendue dans un « délai raisonnable ». Elle invoque l'article 6 § 1 de la Convention, qui est ainsi libellé :« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
34. Le Gouvernement conteste cette thèse. Il souligne que la durée de la procédure devant deux instances était justifiée en raison de la complexité des questions légales soulevées en l'espèce et de la charge de travail des juridictions administratives.A. Recevabilité
35. Constatant que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention et qu'il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.B. Fond
36. La Cour note que la période à considérer a débuté le 22 mars 1999, avec la saisine du Conseil d'État par la requérante, et qu'elle s'est terminée le 31 décembre 2010, date à laquelle la haute juridiction a rendu son arrêt n o 4446/2010. Cette période a donc duré onze ans et neuf mois environ pour deux instances. 37. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d'autres, Frydlender c. France [GC], n o 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII). 38. La Cour a traité à maintes reprises d'affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 6 § 1 de la Convention (voir Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce , n o 50973/08, 21 décembre 2010). 39. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne décèle aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. 40. Plus particulièrement, elle note d'abord que le Conseil d'État a mis deux ans et huit mois avant de se déclarer incompétent et renvoyer l'affaire à la cour d'appel administrative du Pirée. Par la suite, lors de l'examen de l'appel de la requérante contre l'arrêt de la cour d'appel administrative, le Conseil d'État a ajournée d'office l'audience à huit reprises (du 1 er décembre 2004 au 10 octobre 2007). Enfin, plus de trois ans se sont écoulés entre l'audience et la date de la décision de la haute juridiction (du 10 octobre 2007 au 31 décembre 2010). 41. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l'exigence du « délai raisonnable ». 42. Il y a donc eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
43. Aux termes de l'article 41 de la Convention,« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
44. La requérante réclame 30 000 euros (EUR) pour le préjudice moral qu'elle estime avoir subi, mais ne précise pas si c'est au titre des deux violations qu'elle alléguait dans sa requête ou seulement pour l'une d'entre elles.
45. Le Gouvernement estime que la somme réclamée est excessive. 46. La Cour rappelle qu'elle a seulement conclu à la violation de l'article 6 §1 pour dépassement du délai raisonnement. Elle considère qu'il y a lieu d'octroyer à la requérante 9 000 EUR au titre du préjudice moral.B. Frais et dépens
47. La Cour note que la requérante ne présente aucune demande de remboursement de frais et dépens. Elle ne lui accorde donc aucune somme à ce titre.C. Intérêts moratoires
48. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de 6 § 1 et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit
a) que l'État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, la somme de 9 000 EUR (neuf mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 octobre 2018, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Renata Degener
Kristina Pardalos
Greffière adjointe
Présidente