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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> OOO GASTRONOM v. RUSSIA - 47386/17 (Judgment : Article 1 of Protocol No. 1 - Protection of property : Third Section Committee) French Text [2019] ECHR 225 (19 March 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2019/225.html Cite as: [2019] ECHR 225 |
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TROISIÈME SECTION
AFFAIRE OOO GASTRONOM c. RUSSIE
(Requête n o 47386/17)
ARRÊT
(Fond)
STRASBOURG
19 mars 2019
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire OOO Gastronom c. Russie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :
Branko Lubarda,
président,
Pere Pastor Vilanova,
Georgios A. Serghides,
juges,
et de Fatoş Aracı,
greffière adjointe
de section
,
PROCÉDURE
1. À l'origine de l'affaire se trouve une requête (n o 47386/17) dirigée contre la Fédération de Russie et dont une société de cet État, OOO Gastronom (« la société requérante »), a saisi la Cour le 28 juin 2017 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). 2. La société requérante a été représentée par M e S. Baranov, avocat exerçant à Kaliningrad. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté par M. M. Galperine, représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l'homme. 3. La société requérante alléguait que la saisie par les autorités de ses marchandises et leur perte consécutive à cette saisie, la non-exécution d'un jugement ordonnant leur restitution ainsi que l'impossibilité d'obtenir une indemnisation étaient contraires à l'article 6 § 1 de la Convention et à l'article 1 du Protocole n o 1 à la Convention. 4. Le 29 janvier 2018, la requête a été communiquée au Gouvernement. 5. Le Gouvernement n'a pas commenté dans le délai imparti le fait que la requête soit examinée par un comité.EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
6. La société requérante est une société à responsabilité limitée exerçant l'activité de commerce de boissons alcoolisées et ayant son siège à Kaliningrad.A. L'affaire pénale concernant l'usage de fausses marques fiscales
7. Le 6 février 2012, la police inspecta un entrepôt loué par la société requérante, où se trouvaient plusieurs palettes contenant des bouteilles de boissons alcoolisées (« les marchandises »). Les policiers prélevèrent quelques bouteilles de différentes marques pour les analyser. 8. Selon un rapport d'un spécialiste du 27 février 2012, certaines boissons n'étaient pas conformes aux normes impératives de fabrication et d'autres étaient périmées. Selon un autre rapport d'un spécialiste du 21 mars 2012, les marques fiscales apposées sur 11 types ( наименований ) de marchandises soumises à accise n'étaient pas authentiques. 9. Le 16 avril 2012, une enquêtrice ouvrit une enquête pénale contre X pour usage de fausses marques fiscales. Le 29 avril 2012, une perquisition fut menée dans l'entrepôt susmentionné. L'enquêtrice préleva quelques bouteilles ainsi qu'une machine pour imprimer les marques fiscales, et elle apposa des scellés sur les portes de l'entrepôt. 10. Le 1 er mai 2012, un incendie se propagea dans l'entrepôt et abîma certaines marchandises. 11. Entre le 3 et le 6 mai 2012, l'enquêtrice procéda à une inspection des lieux en cause, saisit ( изъяла протоколом осмотра ) toutes les marchandises qui s'y trouvaient, abîmées ou non par l'incendie, et les transmit à la société D. pour conservation ( на ответственное хранение ). 12. Dans le cadre de l'enquête pénale, plusieurs rapports d'expertise furent effectués. Selon deux rapports du 1 er juin et du 4 juillet 2012, les marques fiscales collées sur une partie des marchandises (15 types de boissons) n'étaient pas authentiques. Selon deux rapports des 4 et 14 juin 2012, certaines marchandises n'étaient pas conformes aux normes impératives de fabrication ou étaient périmées, et étaient donc impropres à la consommation.13 . Le 29 juin 2012, une autre enquêtrice déclara que toutes les marchandises saisies entre le 3 et le 6 mai 2012 constituaient des preuves dans l'affaire pénale. Le 29 octobre 2012, l'enquêteur en chef annula cette décision au motif qu'une partie des marchandises saisies portaient des marques fiscales authentiques et qu'elles ne pouvaient pas être considérées comme des preuves dans l'affaire pénale diligentée pour usage de fausses marques. Le même jour, un enquêteur déclara que seules les marchandises portant des marques fiscales non authentiques étaient des preuves dans l'affaire en question.
14 . À une date non précisée dans le dossier, la société requérante forma un recours en justice. Elle contestait l'inspection des locaux, la perquisition et les saisies des marchandises ainsi que la rétention de celles-ci par les autorités. Elle demandait la restitution desdites marchandises.
15 . Le 19 mars 2013, le tribunal du district Leningradski de Kaliningrad, estimant que les mesures prises en l'espèce avaient été conformes à la loi, rejeta ce recours. Le 27 mai 2013, la cour régionale de Kaliningrad confirma la décision du tribunal en appel. Elle considéra en particulier qu'une partie des marchandises avait été versée au dossier de l'affaire pénale en tant que preuves et qu'une autre partie avait constitué l'objet d'une contravention administrative (voir infra ).
16. L'enquête pénale pour usage de fausses marques fiscales fut plusieurs fois suspendue au motif qu'il était impossible d'identifier un suspect. Elle fut suspendue pour la dernière fois le 29 août 2014. Dans la décision de suspension rendue à cette date, l'enquêteur notait qu'il n'y avait pas lieu de mettre en examen le directeur de la société requérante ni les directeurs de son fournisseur car, selon lui, l'élément intentionnel de l'usage de fausses marques n'avait pas été prouvé.B. L'affaire administrative concernant le stockage des marchandises sans les documents justificatifs nécessaires
17 . Le 1 er novembre 2012, à partir du dossier de l'enquête pénale pour usage de fausses marques fiscales, l'enquêteur décida d'effectuer des vérifications préliminaires au sujet de possibles délits d'activité entrepreneuriale illicite et d'usage illicite de marques commerciales. À cette fin, il ordonna de retenir pour vérifications préliminaires séparées ( выделить в отдельное производство ) 75 types de marchandises saisies portant des marques fiscales probablement authentiques.
18. Après les vérifications préliminaires, le 13 novembre 2012, le ministère de l'Intérieur ouvrit une enquête non pas pénale mais administrative contre la société requérante. Celle-ci fut accusée d'avoir commis une contravention administrative en stockant dans le but de les commercialiser des boissons alcoolisées, sans posséder de documents qui prouvaient la légalité de leur fabrication et de leur commercialisation.19 . Le 28 février 2013, le tribunal de commerce de la région de Kaliningrad (« le tribunal de commerce ») rejeta la demande du ministère de l'Intérieur tendant à condamner la société requérante pour la contravention susmentionnée. Il considéra que la commission de la contravention n'avait pas été prouvée, que la procédure d'engagement de la responsabilité administrative n'avait pas été correctement suivie et que l'action publique était prescrite. S'agissant du sort des marchandises, il se prononça comme suit :
« Le tribunal note que le [ministère de l'Intérieur] n'a pas fourni de preuves incontestables (...) quant à la saisie des boissons alcoolisées dans le cadre de la présente affaire administrative. (...)
En même temps, dans le dossier de l'affaire il n'y a pas de données fiables ( достоверные сведения ) relatives au droit de propriété de la société sur les boissons alcoolisées saisies ; celles-ci n'ont pas été versées ( не приобщена ) au dossier de l'affaire administrative selon les modalités légales (...), c'est pourquoi les boissons alcoolisées saisies entre le 3 et le 6 mai 2012 lors de l'inspection des lieux ne doivent être ni confisquées ni restituées à la société dans le cadre de la présente affaire. »
20 . Le 28 juin 2013, la 13 e cour d'appel de commerce réforma ce jugement. Elle considéra que, selon les rapports d'expertise du 1 er juin 2012 du 4 juillet 2012, « les marchandises saisies » portaient des marques fiscales authentiques ; que les documents justificatifs de la légalité de la commercialisation des boissons avaient été saisis en même temps que les marchandises et que la société requérante en avait fourni des duplicata ainsi que d'autres documents justifiant la provenance des marchandises ( первичная документация ). Elle estima qu'il était donc incontestablement établi que la société requérante était propriétaire des marchandises et que celles-ci n'étaient pas interdites à la circulation ( в незаконном обороте ). Se référant à l'article 29.10 § 3 du code des contraventions administratives (« le CCA »), la 13 e cour d'appel de commerce ordonna au ministère de l'Intérieur de restituer à la société requérante la totalité des marchandises saisies, soit 87 types de marchandises. Pour le reste, elle confirma le jugement du tribunal de commerce.
L'arrêt d'appel devint définitif et la société requérante obtint un titre exécutoire.C. L'affaire pénale concernant la disparition des marchandises
21. Le 27 février 2014, l'enquêteur constata l'absence des marchandises dans les locaux de la société D. À ce titre, deux enquêtes pénales furent ouvertes et, par la suite, jointes : l'une pour négligence professionnelle contre l'enquêtrice, accusée d'avoir transmis les marchandises à des personnes non identifiées, et l'autre pour vol aggravé contre X. La société requérante obtint le statut de victime. 22. Dans le cadre de l'enquête, un représentant de la société D. fut interrogé et il nia que sa société ait conclu un contrat de dépôt avec les autorités ou ait réceptionné les boissons alcoolisées en question. 23. Le 7 octobre 2014, les huissiers clôturèrent la procédure d'exécution de l'arrêt du 28 juin 2013 en raison de l'absence des marchandises objet de l'exécution. 24. L'enquête pénale fut suspendue à plusieurs reprises en raison de l'impossibilité d'identifier un responsable du vol. Elle était toujours pendante en 2018. En juillet 2018, le dossier de l'enquête pour négligence professionnelle fut transmis à un tribunal pour qu'il statuât sur la responsabilité pénale de l'enquêtrice.D. L'affaire civile concernant l'indemnisation du préjudice
25 . Le 17 mars 2015, la société requérante engagea une action civile en responsabilité de l'État. Elle demandait une indemnisation pour le dommage matériel qu'elle alléguait avoir subi en raison de la disparition de ses biens et de l'inexécution de l'arrêt du 28 juin 2013 (paragraphe 20 ci-dessus). Elle estimait le montant de ce préjudice à 63 173 296 roubles (RUB), une somme représentant selon elle, à la date du prononcé de l'arrêt ordonnant la restitution, la valeur commerciale de l'ensemble des marchandises saisies.
26 . Le 19 mai 2016, le tribunal de commerce rejeta l'action de la société requérante. Il considéra que la demanderesse n'avait pas démontré qu'elle était propriétaire des marchandises, faute pour elle d'avoir fourni les documents justifiant la légalité de leur fabrication et de leur commercialisation, et que, par ailleurs, l'arrêt d'appel du 28 juin 2013 n'avait pas la force de chose jugée à cet égard. Il estima aussi que les marchandises constituaient des preuves dans l'enquête pénale pour fausses marques fiscales et que, en application des articles 81 et 82 du code de procédure pénale (CPP), il serait statué sur leur sort après la clôture de ladite enquête. De ce fait, il qualifia l'action en indemnisation de prématurée.
27. La société requérante fit appel. Le 19 août 2016, la 13 e cour d'appel de commerce annula le jugement précité et accueillit l'action de la société requérante. Elle considéra que le droit de propriété de l'intéressée sur les marchandises avait été dûment établi dans le cadre de l'action en indemnisation ainsi que dans l'arrêt d'appel du 28 juin 2013 qui, puisqu'il avait été rendu à l'égard des mêmes parties, avait autorité de chose jugée.28 . S'agissant du statut légal des marchandises saisies, la 13 e cour d'appel de commerce se prononça comme suit :
« La saisie des boissons alcoolisées, objet de la contravention administrative, est prévue par l'article 27.10 du CCA en tant que mesure conservatoire. Ainsi, les agissements des fonctionnaires du [ministère de l'Intérieur] consistant en la saisie des marchandises litigieuses ne peuvent pas, en soi, être déclarés illicites. (...)
L'argument du défendeur selon lequel les marchandises litigieuses ont été versées en tant que preuves matérielles au dossier de l'affaire pénale est infondé car le [ministère de l'Intérieur] n'a pas prouvé l'existence (...) des marchandises litigieuses. Eu égard à ce qui précède, les dispositions de l'article 81 § 3 du CPP sont inapplicables dans la présente affaire. »
29. La 13 e cour d'appel de commerce estima que le ministère de l'Intérieur était responsable de la conservation des marchandises jusqu'au prononcé par le tribunal, à la fin de la procédure administrative, d'une décision relative à leur sort et que, ayant manqué à son obligation d'assurer la conservation de ces marchandises, ledit ministère avait causé un préjudice matériel à la société requérante. Elle considéra que l'existence de l'enquête pénale à l'encontre de l'enquêtrice n'était pas pertinente au motif que, si la responsabilité pénale de celle-ci était établie, le ministère de l'Intérieur pouvait former une action subrogatoire contre elle. Constatant qu'aucune partie n'avait émis d'objection quant au rapport estimatif fourni par la société requérante, la 13 e cour d'appel de commerce ordonna au ministère des Finances de payer à l'intéressée l'intégralité de la somme demandée.30 . Le 28 décembre 2016, la cour fédérale de commerce de la circonscription du Nord-Est (« la cour fédérale ») annula en cassation l'arrêt d'appel et confirma le jugement de première instance. Elle considéra que la société requérante n'avait pas prouvé son droit de propriété sur les marchandises car elle n'avait pas démontré avoir effectivement payé les sommes nécessaires à leur acquisition et les droits d'accise auxquelles celles-ci étaient soumises, et n'avait pas non plus prouvé la légalité de la production et de la commercialisation des boissons litigieuses. La cour fédérale considéra aussi que les marchandises, saisies conformément à la loi, gardaient leur statut de preuves dans le cadre de l'enquête pénale pour fausses marques fiscales, et que le droit à une indemnisation de la société requérante dépendait de l'issue de ladite enquête ainsi que de l'enquête pour vol et pour négligence professionnelle. Pour le reste, elle fit siennes les conclusions du tribunal de commerce.
31. La société requérante forma un pourvoi en cassation devant la Cour suprême de Russie en arguant, entre autres, que les marchandises litigieuses n'avaient jamais eu le statut de preuves matérielles dans l'enquête pénale pour fausses marques fiscales. Le 22 mars 2017, le juge unique de la Cour suprême de Russie refusa de transmettre le pourvoi en cassation de la société requérante à l'examen de la chambre commerciale de cette juridiction.II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. Les dispositions pertinentes relatives au r égime juridique des preuves matérielles dans les affaires pénales
32. Les dispositions pertinentes des articles 81, 82, 213, 299 et 309 du CPP relatifs au régime juridique des preuves matérielles, tels qu'interprétés par la Cour constitutionnelle, ainsi que les dispositions pertinentes de l'instruction relative à la conservation des preuves matérielles, adoptée par l'arrêté du Gouvernement n o 620 du 20 août 2002, sont exposées dans l'arrêt OOO KD-Konsalting c. Russie (n o 54184/11, §§ 30-33, 29 mai 2018).B. Les dispositions pertinentes relatives aux contraventions administratives et au régime juridique des objets saisis pour les besoins des enquêtes administratives
33. Selon l'article 14.16 § 2 du CCA dans sa rédaction à l'époque des faits, la vente de boissons alcoolisées, en l'absence de documents justifiants de la légalité de leur fabrication et de leur commercialisation, dont la liste est réglementée par la loi, était punie d'une amende allant jusqu'à 50 000 RUB assortie d'une confiscation des marchandises. 34. L'article 27.10 du CCA réglemente la saisie ( изъятие ) des biens qui sont objets ou instruments d'une contravention administrative. Selon l'instruction relative aux modalités de la conservation des biens qui sont objets ou instruments d'une contravention, adoptée le 31 décembre 2009 par ordonnance du ministère de l'Intérieur, l'autorité enquêtant sur une contravention administrative doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la conservation de tels biens. 35. Selon l'article 29.10 § 3 du CCA, dans la décision relative à la responsabilité administrative, le juge doit statuer sur le sort des objets saisis s'ils ne sont pas confisqués. En particulier, les objets non interdits à la circulation ( не изъятые из оборота ) doivent être restitués à leur possesseur légitime, et les objets interdits à la circulation doivent être détruits.C. Les dispositions pertinentes relatives à la prescription de l'action publique
36 . Selon les articles 15, 78 et 327.1 § 2 du code pénal, la prescription de l'action publique pour fabrication ou usage de fausses marques fiscales est de six ans à compter de la commission du délit. Selon les articles 15, 78 et 293 de ce code, la prescription de l'action publique pour négligence professionnelle est de deux ans à compter de la commission du délit. Selon les articles 15, 78 et 158 du même code, la prescription de l'action publique pour vol aggravé est de dix ans à compter de la commission de l'infraction.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE N o 1 À LA CONVENTION
37. La société requérante allègue que la disparition de ses marchandises saisies par les autorités et le refus des juridictions internes de lui allouer une indemnisation à cet égard constituent une violation de son droit au respect de ses biens, prévu par l'article 1 du Protocole n o 1 à la Convention, ainsi libellé :« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...) »
A. Sur la recevabilité
38. Le Gouvernement considère que le droit de propriété de la société requérante n'a pas été prouvé devant les juridictions commerciales. Il semble ainsi suggérer que le grief est irrecevable ratione materiae en l'absence de « biens » de l'intéressée au sens de l'article 1 du Protocole n o 1 à la Convention. 39. La société requérante, se référant aux conclusions de la 13 e cour d'appel de commerce dans son arrêt du 28 juin 2013 (paragraphe 20 ci-dessus), argue que son droit de propriété a été reconnu au niveau interne et qu'elle était donc titulaire de « biens » au sens de l'article 1 du Protocole n o 1. 40. La Cour rappelle qu'un requérant ne peut alléguer une violation de l'article 1 du Protocole n o 1 que dans la mesure où les décisions qu'il conteste se rapportent à ses « biens » au sens de cette disposition. Ainsi, la personne qui se plaint d'une violation de ses droits protégés par l'article 1 du Protocole n o 1 doit d'abord démontrer qu'elle était titulaire de tels droits (voir, par exemple, Stephens c. Chypre, Turquie et les Nations Unies (déc.), n o 45267/06, 11 décembre 2008, et Novikov c. Russie , n o 35989/02, § 33, 18 juin 2009). La Cour rappelle également que, en vertu du principe de subsidiarité, elle n'a normalement pas pour tâche de se prononcer sur la qualité de propriétaire des biens d'un requérant car l'examen de cette question, impliquant une interprétation des dispositions internes, incombe aux autorités nationales (voir, par exemple, Järvi-Eristys Oy c. Finlande (déc.), n o 41674/98 , 15 mai 2005), sauf si les circonstances d'une affaire donnée l'obligent à s'écarter des constats opérés par les instances internes et à se livrer à sa propre analyse de cette question ( Novikov , précité, § 38, avec les arrêts qui y sont cités). 41. La Cour observe que, en l'espèce, dans la procédure administrative, la 13 e cour d'appel de commerce a, dans un arrêt devenu définitif, considéré que la société requérante était « incontestablement » propriétaire des marchandises saisies. Elle constate que les autorités de poursuite ont quant à elles accordé à la société requérante le statut de victime dans l'affaire pénale relative au vol et à la négligence professionnelle, et donc qu'elles lui ont aussi reconnu la qualité de propriétaire de ces biens. Elle note cependant que, par la suite, dans le cadre du contentieux civil en indemnisation, les juridictions internes ont finalement estimé que le droit de propriété de la société requérante n'avait pas été établi. 42. Dans ces circonstances, où la question relative à la qualité de propriétaire de la société requérante n'a pas été tranchée par les instances internes de façon unanime, la Cour doit se livrer à sa propre analyse de la situation (voir Novikov , précité, § 38, Uniya OOO et Belcourt Trading Company , n os 4437/03et 13290/03, §§ 297-299, 19 juin 2014, KD-Konsalting , précité, § 46, et, a contrario , par exemple, Protasov c. Russie (déc. comité), n o 68429/13, §§ 37-39, 4 octobre 2018). 43. Elle relève tout d'abord que les marchandises en cause se trouvaient initialement dans un entrepôt loué par la société requérante, que celle-ci a toujours allégué en être propriétaire et que, pendant plus de six ans (entre 2012 et 2018), personne d'autre n'a jamais revendiqué de droits à leur égard. La Cour constate en outre que, malgré la saisie des documents justificatifs de propriété sur les boissons par les autorités de poursuite, la société requérante a néanmoins fourni aux juridictions internes des duplicata, et ce indépendamment de documents justificatifs de la légalité de la fabrication et de la commercialisation des marchandises. La Cour considère donc que l'intéressée a démontré, tant au niveau interne que dans le cadre de la présente requête, que les boissons litigieuses étaient ses « biens » au sens de l'article 1 du Protocole n o 1 à la Convention, et elle rejette l'exception du Gouvernement tirée de l'incompatibilité ratione materiae du grief. 44. Constatant que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention et qu'il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.B. Sur le fond
1. Thèses des parties
45. Le Gouvernement considère que les marchandises ont été saisies en tant que preuves dans l'affaire pénale, conformément aux articles 81 et 82 du CPP, et qu'elles étaient l'objet à la fois d'un délit pénal et d'une contravention administrative. C'est pourquoi, selon lui, l'injonction de restituer les marchandises prononcée par la juridiction administrative était sans préjudice de la rétention des mêmes biens pour les besoins de l'enquête pénale. Le Gouvernement estime que le sort des marchandises doit être réglé lors de la clôture de l'affaire pénale, conformément à l'article 81 du CPP, et que jusque-là, la saisie, une mesure temporaire, reste nécessaire et justifiée. Il considère que la société requérante pourrait saisir la justice d'une action en indemnisation du préjudice soit après un jugement de condamnation ou de relaxe, soit après une décision définitive de non-lieu à poursuivre au pénal. Il conclut que les droits de la société requérante n'ont pas été violés en l'espèce et invite la Cour à rejeter la requête comme manifestement mal fondée. 46. La société requérante argue que la mesure temporaire de saisie est devenue une privation définitive de ses biens en raison de la disparition de ceux-ci. Elle considère aussi que, ses marchandises ayant disparu, elles ne peuvent plus être des preuves dans l'affaire pénale au sens de l'article 81 du CPP. Se référant à l'arrêt Dzugayeva c. Russie (n o 44971/04, 12 février 2013), la société requérante estime que les autorités internes ont failli, dans la présente affaire tout comme dans l'affaire Dzugayeva précitée, à respecter leur obligation positive imposée par l'article 1 du Protocole n o 1 à la Convention d'assurer la conservation des biens saisis.2. Appréciation de la Cour
a) Sur l'existence d'une ingérence et sur la règle applicable
47. La Cour note que, entre le 3 et le 6 mai 2012, toutes les marchandises présentes dans l'entrepôt loué par la société requérante ont été saisies dans le cadre de l'enquête pénale pour usage de fausses marques fiscales et qu'elles ont été transférées à une société tierce pour conservation. Par la suite, le 29 octobre 2012, 15 types de marchandises portant des marques fiscales non authentiques ont été qualifiés de preuves dans l'affaire pénale susmentionnée (paragraphe 13 ci-dessus). Puis, le 1 er novembre 2012, les marchandises sur lesquelles étaient apposées des marques fiscales présumées authentiques ont été « retenues » pour d'autres vérifications préliminaires ayant débouché sur une enquête administrative (paragraphe 17 ci-dessus), et elles ont été considérées comme l'objet d'une contravention administrative, même si elles n'ont pas été formellement saisies selon l'article 27.10 du CCA. Cette division des marchandises en deux groupes a aussi été confirmée par les juridictions pénales (paragraphe 15 ci-dessus). 48. La Cour relève aussi que les juridictions commerciales n'ont pas suivi cette distinction entre deux groupes de marchandises et les ont traitées comme un tout. En effet, à l'exception du tribunal de commerce dans son jugement du 28 février 2013 (paragraphe 19 ci-dessus), les juridictions ont estimé tantôt que toutes les marchandises avaient été saisies conformément au CCA, tantôt qu'elles constituaient l'objet de la contravention administrative, tantôt qu'elles étaient des preuves dans l'affaire pénale (comparer les paragraphes 20, 26, 28 et 30 ci-dessus). Cependant, malgré ces conclusions des juridictions commerciales, la Cour ne peut que constater qu'il existait deux groupes de marchandises saisies : celles qui constituaient des preuves matérielles dans l'enquête pénale et celles qui ne présentaient pas d'intérêt pour l'affaire pénale mais qui avaient été retenues pour les besoins de l'enquête administrative, terminée en 2013 par un jugement de relaxe. 49. La Cour observe que, par la suite, toutes ces marchandises ont disparu, ce qui a rendu impossible leur restitution ordonnée par la 13 e cour d'appel de commerce. Ainsi, la perte définitive des biens saisis s'analyse en une privation de propriété au sens de la deuxième phrase du premier paragraphe de l'article 1 du Protocole n o 1 à la Convention. De l'avis de la Cour, l'ingérence est constituée par la perte des marchandises et par le refus des juridictions d'allouer une indemnisation à la société requérante de ce fait. Il reste à déterminer si cette ingérence était conforme à l'article 1 du Protocole n o 1 à la Convention concernant chacun des deux groupes de biens.b) Sur la justification de l'ingérence dans le droit au respect des biens
50. La Cour rappelle que, lorsque les autorités judiciaires ou de poursuite saisissent des biens, elles doivent prendre les mesures raisonnables nécessaires à leur conservation ( Dzugayeva , précité, § 27), et que la législation interne doit prévoir la possibilité d'entamer une procédure contre l'État afin d'obtenir réparation pour les préjudices résultant d'une conservation défectueuse de ces biens. Encore faut-il que cette procédure soit effective, pour permettre au propriétaire de défendre sa cause ( Tendam c. Espagne , n o 25720/05, § 51, 13 juillet 2010, et les affaires qui y sont citées).51 . En l'occurrence, la Cour observe que les juridictions commerciales statuant sur la demande d'indemnisation du préjudice causé par la perte des marchandises ont finalement décidé que l'action de la société requérante était prématurée tant que les enquêtes pénales étaient pendantes. Or les enquêtes pour fausses marques fiscales et pour vol se sont enlisées et n'ont abouti à aucun résultat, et l'enquête pour négligence professionnelle est prescrite depuis 2016 (paragraphe 36 ci-dessus).
52. S'agissant de la partie des marchandises qualifiées de preuves dans l'enquête pénale pour fausses marques fiscales, la Cour rappelle qu'elle a déjà eu l'occasion de déclarer contraire à l'article 1 du Protocole n o 1 à la Convention la rétention de preuves matérielles illimitée dans le temps et le refus des juridictions internes de statuer sur une demande d'indemnisation avant la clôture d'une enquête pénale qui s'était enlisée ( OOO KD-Konsalting , arrêt précité, § 59). Elle ne voit aucune raison de s'écarter de cette conclusion en l'espèce. 53. S'agissant de l'autre partie des marchandises, qui ont été considérées comme l'objet de la contravention administrative, la Cour estime que, l'affaire administrative s'étant terminée en 2013 par un jugement de relaxe, les juridictions commerciales n'avaient aucune justification objective, en 2016, pour déclarer que l'action en indemnisation pour la perte de ces biens avant la clôture des affaires pénales était prématurée. En effet, ces marchandises ne représentaient aucun intérêt pour l'enquête pénale relative aux fausses marques fiscales, alors que les enquêtes pour vol et pour négligence professionnelle, où ces marchandises pouvaient avoir une utilité, se sont enlisées sans aboutir à aucun résultat concret, comme la Cour l'a déjà constaté dans le paragraphe 51 ci-dessus. 54. Ainsi, l'impossibilité injustifiée pour la société requérante d'entamer une procédure contre l'État afin de prouver que les autorités avaient failli à leur obligation de protéger ses biens et de réclamer une indemnisation en raison de leur manquement a fait supporter à l'intéressée une charge excessive, incompatible avec le respect de l'article 1 du Protocole n o 1 à la Convention. Partant, il y a eu violation de cette disposition.II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
55. La société requérante dénonce une triple violation de l'article 6 § 1 de la Convention. Premièrement, elle se plaint de la non-exécution de l'arrêt du 28 juin 2013 ordonnant la restitution des marchandises. Deuxièmement, elle allègue que les conclusions des juridictions dans les affaires administrative et civile quant à son droit de propriété sur les marchandises ont été contradictoires, en violation du principe de sécurité juridique. Enfin, elle argue que le refus des juridictions de lui allouer une indemnisation du préjudice matériel avant la clôture des enquêtes pénales a constitué un obstacle injustifié à son accès à la justice. L'article 6 § 1 de la Convention est ainsi libellé dans ses dispositions pertinentes en l'espèce :« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
56. Le Gouvernement combat cette thèse. 57. La Cour relève que ces griefs sont liés à celui examiné ci-dessus. La Cour considère qu'elle a examiné la question juridique principale soulevée par la présente requête, de sorte que les griefs tirés de l'article 6 § 1 se trouvent englobés par le constat de violation de l'article 1 du Protocole n o 1. Elle estime ainsi qu'il n'y a pas lieu de statuer séparément sur la violation alléguée (voir, mutatis mutandis , East West Alliance Limited c. Ukraine , n o 19336/04, §§ 219-222, 23 janvier 2014, et Ünsped Paket Servisi SaN. Ve TiC. A.Ş. c. Bulgarie , n o 3503/08, §§ 48-51, 13 octobre 2015).III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
58. Aux termes de l'article 41 de la Convention,« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
59. Au titre du préjudice matériel qu'elle estime avoir subi en raison de la perte de ses marchandises, la société requérante réclame le remboursement de la valeur de ces biens à la date du prononcé de l'arrêt ordonnant leur restitution, soit 63 173 297 roubles (RUB) (1 627 243 euros (EUR)) au moment de la saisie opérée en mai 2012. Elle fournit à l'appui de sa demande le même rapport d'expertise qu'elle avait présenté dans le cadre de sa demande d'indemnisation devant les juridictions commerciales (paragraphe 25 ci-dessus). 60. Le Gouvernement considère que la somme réclamée est excessive, spéculative et non étayée, et il invite la Cour à rejeter cette demande. 61. La Cour relève que certaines marchandises ont été abîmées par l'incendie avant leur saisie entre le 3 et le 6 mai 2012. Elle observe aussi que, selon les différents rapports d'expertise, une partie des marchandises n'était pas conforme aux normes impératives de fabrication, était impropre à la consommation ou portait de fausses marques fiscales, de sorte que la société requérante ne pouvait pas raisonnablement espérer commercialiser ces boissons aux prix qu'elle indique. Ainsi, la Cour indique ne pas pouvoir s'appuyer sur le rapport d'expertise présenté par la société requérante. Dans les circonstances de la cause, elle considère que la question de l'application de l'article 41 de la Convention ne se trouve pas en état concernant le dommage matériel. Partant, il y a lieu de réserver cette question et de fixer la procédure ultérieure en tenant compte d'un éventuel accord entre l'État défendeur et la société requérante (article 75 § 1 du règlement de la Cour).B. Frais et dépens
62. La société requérante demande 200 000 RUB pour la taxe judiciaire qu'elle dit avoir payée lors de l'action en indemnisation qu'elle avait intentée, ainsi que 27 400 EUR pour les frais de représentation et d'assistance devant la Cour, à verser directement sur le compte bancaire de son représentant. Elle fournit à l'appui de cette demande le contrat de service juridique conclu avec M e Baranov. 63. Le Gouvernement considère que le montant de la taxe judiciaire était dû par la société requérante indépendamment de l'issue de son litige et que cette somme ne peut pas être remboursée. Quant aux honoraires de l'avocat, il indique que l'intéressée n'a pas fourni de documents prouvant qu'elle avait effectivement payé cette somme ou qu'elle est dans l'obligation de la payer. 64. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. Les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée ( Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], n o 33202/96, § 27, 28 mai 2002). 65. La Cour ne saurait spéculer sur le montant qui aurait été alloué à la société requérante à titre d'indemnisation pour le préjudice matériel si les juridictions internes n'avaient pas considéré la demande comme prématurée, ni, par conséquent, sur le montant de la taxe judiciaire qui aurait été remboursée à l'intéressée. Partant, elle rejette cette partie de la demande. 66. S'agissant de la somme réclamée pour les honoraires du représentant de la société requérante, la Cour relève que celle-ci figure dans le contrat conclu avec ce dernier mais que le nombre d'heures de travail effectuées et le tarif horaire n'y sont pas indiqués. Elle estime en outre que cette somme apparaît comme excessive eu égard à l'absence de complexité particulière de l'affaire et à sa jurisprudence bien établie en matière de conservation défectueuse des biens saisis par les autorités (voir, mutatis mutandis , Scordino c. Italie (n o 1) [GC], n o 36813/97, § 285, CEDH 2006-V, et Geerings c. Pays-Bas (satisfaction équitable), n o 30810/03, § 28, 14 février 2008). Se livrant à sa propre appréciation sur la base des informations disponibles, la Cour juge raisonnable d'allouer à la société requérante 3 000 EUR à ce titre, à verser directement sur le compte bancaire de son représentant. 67. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole n o 1 à la Convention ;
3. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner les griefs tirés de l'article 6 § 1 de la Convention ;
4. Dit que la question de l'article 41 de la Convention ne se trouve pas en état pour le dommage matériel, en conséquence,
a) réserve cette question ;
b) invite le Gouvernement et la société requérante à lui donner connaissance, dans les trois mois, de tout accord auquel ils pourraient aboutir ;
c) réserve la procédure et délègue au président le soin de la fixer au besoin ;
5. Dit
a) que l'État défendeur doit verser à la société requérante, dans les trois mois, 3 000 EUR (trois mille euros) plus tout montant pouvant être dû par la société requérante à titre d'impôt, pour frais et dépens ; à convertir dans la monnaie de l'État défendeur, au taux applicable à la date du règlement ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette la demande de frais et dépens pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 mars 2019, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Fatoş Aracı
Branko Lubarda.
Greffière Adjointe
Président