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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> PETRESCU v. PORTUGAL - 23190/17 (Judgment : Article 3 - Prohibition of torture : Third Section) [2019] ECHR 863 (03 December 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2019/863.html Cite as: CE:ECHR:2019:1203JUD002319017, [2019] ECHR 863, ECLI:CE:ECHR:2019:1203JUD002319017 |
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TROISIÈME SECTION
AFFAIRE PETRESCU c. PORTUGAL
(Requête no 23190/17)
ARRÊT
Art 3 • Traitement inhumain et dégradant • Conditions de détention • Problème structurel de surpeuplement carcéral
Art 35 § 1 • Absence de recours préventifs ou indemnitaires suffisamment accessibles et effectifs
STRASBOURG
3 décembre 2019
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention . Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Petrescu c. Portugal,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :
Paul Lemmens, président,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Dmitry Dedov,
Alena Poláčková,
María Elósegui,
Erik Wennerström,
Lorraine Schembri Orland, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 novembre 2019,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 23190/17) dirigée contre la République portugaise et dont un ressortissant roumain, M. Daniel Andrei Petrescu (« le requérant »), a saisi la Cour le 2 mai 2017 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me I.M. Peter, avocate à Bucarest. Le gouvernement portugais (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme M. F. da Graça Carvalho, procureure générale adjointe.
3. Le requérant alléguait qu’au cours de son séjour dans deux établissements pénitentiaires au Portugal, il avait été détenu dans des conditions inhumaines et dégradantes au sens de l’article 3 de la Convention.
4. Le 13 septembre 2017, la requête a été communiquée au Gouvernement. Informé de son droit de prendre part à la procédure (article 36 § 1 de la Convention), le gouvernement roumain n’a pas souhaité s’en prévaloir.
5. Les 17 avril et 20 mai 2019, le Gouvernement et le requérant ont fait parvenir à la Cour des déclarations de règlement amiable de l’affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
6. Le requérant est un ressortissant roumain, né en 1987, résidant actuellement en Roumanie.
7. À une date non spécifiée, le requérant fut condamné à sept ans d’emprisonnement par le tribunal de Lisbonne à l’issue d’une procédure pénale ouverte contre lui pour vol et association de malfaiteurs (procédure interne no 150/10.5JBLSB).
8. Le 9 mars 2012, le requérant fut arrêté et placé en détention à la prison de la PJ de Lisbonne.
A. Version du requérant
9. Dans sa requête, le requérant alléguait qu’il avait été détenu dans des cellules surpeuplées. Sans préciser les dates, il affirmait qu’il avait été placé dans des cellules de 5 à 12 m2 occupées par deux, voire six codétenus, à la prison de la PJ de Lisbonne, et dans une cellule individuelle de 3,4 m2 à la prison de Pinheiro da Cruz.
10. Il soutenait que les conditions d’hygiène étaient mauvaises et que les locaux étaient insalubres et non chauffés pendant l’hiver. Il se plaignait également d’un manque de lumière et d’une absence d’intimité aux toilettes.
B. Version du Gouvernement
1. Les conditions de détention du requérant à la prison de la PJ de Lisbonne
11. Le Gouvernement indique que le requérant a occupé plusieurs cellules lors de son séjour à la prison de la PJ de Lisbonne. Les dimensions communiquées par le Gouvernement pour chacune d’elles sont récapitulées dans le tableau ci-dessous.
Période de détention |
Nombre de jours |
No de cellule |
Surface totale (m2) |
Espace occupé par les installations sanitaires (m2) |
Nombre total de détenus dans la cellule |
Espace personnel (m2) |
09/03/2012- 13/03/2012 |
4 |
Cellule no 1 Secteur I |
20,2 |
3,8 |
8 |
2,05 |
14/03/2012 |
1 |
Cellule no 35 Secteur IV |
13 |
3,8 |
4 |
2,3 |
15/03/2012- 12/07/2012 |
116 |
Cellule no 15 Secteur II |
9,7 |
2,3 |
2 |
3,7 |
13/07/2012- 19/08/2012 |
36 |
Cellule no 27 Secteur IV |
13 |
3,8 |
2 |
4,6 |
20/08/2012- 24/06/2013 |
304 |
Cellule no 31 Secteur IV |
13 |
3,8 |
4 |
2,3 |
25/06/2013- 02/09/2013 |
67 |
Cellule no 6 Secteur II |
16,20 |
2,3 |
5 |
2,78 |
03/09/2013- 05/02/2014 |
153 |
Cellule no 12 Secteur II |
9,70 |
2,3 |
2 |
3,7 |
06/02/2014- 17/10/2014 |
250 |
Cellule no 8 Secteur II |
9,70 |
2,3 |
2 |
3,7 |
12. Le Gouvernement indique que les cellules de la prison de la PJ de Lisbonne étaient toutes équipées d’une salle de bains avec lavabo, toilettes, douche et accès à l’eau chaude. Il précise que ces installations étaient séparées par une petite cloison. Il ajoute que toutes les cellules disposaient d’une fenêtre de 1,20 m sur 80 cm laissant passer la lumière naturelle, d’une ventilation et d’un système d’éclairage. Il explique que les cellules n’étaient pas équipées d’un système de climatisation, le climat portugais ne justifiant pas pareille installation.
13. Il indique que les cellules étaient équipées de lits superposés à deux ou quatre couchages, de 1,80 m de longueur sur 0,84 m de largeur, avec cadre métallique, sommier en métal ou en bois et matelas en mousse.
14. Il précise que les repas, dont les quantités étaient fixées par un diététicien, étaient servis dans les cellules quatre fois par jour.
15. D’après les informations communiquées par le Gouvernement et non contestées par le requérant, les détenus passaient au total 6 heures et 15 minutes par jour hors de leur cellule. Les détenus auraient été libres de circuler entre 9 heures et 11 h 45 et entre 14 heures et 17 h 30 dans un espace d’une superficie de 630 m² où ils auraient eu la possibilité de se détendre, lire, participer à des jeux collectifs ou jouer sur des tables de jeux (dames, échecs, dominos).
2. Les conditions de détention du requérant à la prison de Pinheiro da Cruz
16. Le 17 octobre 2014, le requérant fut transféré à la prison de Pinheiro da Cruz. Les dimensions des cellules occupées par le requérant, telles que communiquées par le Gouvernement, sont indiquées dans le tableau ci-dessous.
Période de détention |
Nombre de jours |
No de cellule |
Surface totale (m2) |
Espace occupé par les installations sanitaires (m2) |
Nombre total de détenus dans la cellule |
Espace personnel (m2) |
17/10/2014- 05/11/2014 |
18 |
Cellule no 14 Secteur 1 Aile IV |
7 |
3,42 |
2 |
1,79 |
06/11/2014- 19/12/2016 |
402 |
Cellule no 50 Secteur II |
7 |
3,42 |
1 |
3,58 |
17. Le Gouvernement indique que toutes les cellules de la prison de Pinheiro da Cruz disposaient d’installations sanitaires, séparées du reste de la pièce par une cloison à hauteur d’homme.
18. D’après les informations communiquées par le Gouvernement, les lits mesuraient 1,90 m de longueur sur 80 cm de largeur et étaient équipés d’un cadre en métal.
19. Les cellules auraient été dotées d’une fenêtre de 1,20 m de hauteur sur 0,70 cm de largeur laissant entrer la lumière et l’air naturels.
20. Les détenus auraient été libres de circuler dans l’enceinte de l’établissement pénitentiaire entre 8 h 30 et 12 h 45 et entre 14 heures et 18 h 30, et ils auraient ainsi passé neuf heures et quinze minutes par jour hors de leur cellule.
21. L’espace extérieur aurait été d’une superficie de 816 m2, et les détenus auraient eu la possibilité d’y participer à des activités sportives (football, handball, volleyball, basketball, tennis, course à pied, badminton, marche à pied) organisées par un professeur d’éducation physique. L’établissement pénitentiaire aurait renfermé une cour centrale où auraient été organisés des tournois entre pavillons.
22. Les détenus auraient reçu chaque jour quatre repas adaptés à leur régime alimentaire.
23. Le requérant aurait exercé une activité professionnelle à l’intérieur de l’établissement.
24. Le requérant fut libéré le 19 décembre 2016.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. Le droit interne pertinent
1. La Constitution
25. L’article 30 § 5 de la Constitution dispose que toute personne condamnée à une peine ou mesure privative de liberté conserve ses droits fondamentaux dans les limites qui découlent de l’exécution de la condamnation.
2. Le code d’exécution des peines et mesures privatives de liberté
26. Le code d’exécution des peines et mesures privatives de liberté (« le CEP ») fut approuvé par la loi no 115/2009 du 12 octobre 2009, puis modifié par la loi no 33/2010 du 2 septembre 2010, la loi no 40/2010 du 3 septembre 2010 et la loi no 21/2013 du 21 février 2013. Il est ainsi libellé en ses dispositions pertinentes :
Article 26
Hébergement
« 1 ‑ Les détenus sont hébergés dans des cellules individuelles.
2 – Selon le régime d’exécution applicable, un détenu peut être placé dans une cellule collective pour des raisons familiales ou à des fins de traitement ou de prévention des risques physiques ou psychologiques, sous réserve que pareille mesure ne soit pas déconseillée pour des questions de maintien de l’ordre et de la sécurité.
3 ‑ En dehors des cas prévus au paragraphe ci-dessus, un détenu ne peut être placé dans une cellule commune qu’en cas d’insuffisance temporaire du nombre de cellules.
4 ‑ Les espaces d’hébergement sont respectueux de la dignité des détenus et satisfont aux exigences de sécurité et d’habitabilité, notamment en matière d’hygiène, de lumière naturelle et artificielle, d’adéquation aux conditions climatiques, d’aération, de volume et de mobilier.
(...).
7 – Les détenus peuvent à tout moment contacter des agents des services de surveillance et de sécurité.
(...) »
Article 27
Hygiène
« 1 – Le détenu a accès à des installations sanitaires conformes aux conditions d’hygiène et, dans la mesure du possible, respectueuses de son intimité.
2 ‑ Le détenu a droit à un bain par jour, à une température adaptée à la saison, ainsi qu’aux produits et ustensiles nécessaires au maintien de son hygiène personnelle et de celle de sa cellule, conformément aux dispositions prévues au règlement général [des établissements pénitentiaires].
3 ‑ Un bain ainsi qu’une coupe de cheveux et de barbe peuvent être imposés pour des raisons particulières d’ordre sanitaire. »
Article 30
Vêtements et literie
« 1 ‑ Le détenu peut porter ses propres vêtements, à condition qu’ils soient adaptés, en bon état et propres.
(...)
5 ‑ L’établissement pénitentiaire fournit une literie adaptée à la saison (...).
6 ‑ Le règlement général [des établissements pénitentiaires] gère les quantités et les types de vêtements nécessaires, ainsi que leur entretien et leur destruction pour raisons d’hygiène. »
Article 31
Alimentation
« 1 ‑ L’établissement pénitentiaire garantit au détenu des repas dont les quantités, la qualité et la présentation sont conformes à ses besoins diététiques et sont adaptés à son âge, à son état de santé, à la nature de son travail, à la saison, au climat ainsi qu’à ses convictions philosophiques et religieuses.
2 ‑ La Direction générale des services pénitentiaires assure, régulièrement, le contrôle de la qualité, de la composition et de la valeur nutritionnelle des repas distribués dans les établissements.
3. Le détenu doit toujours avoir de l’eau potable à sa disposition.
(...) »
Article 39
Incitation à l’enseignement
« 1 ‑ La fréquentation assidue de cours est considérée comme un temps de travail, ouvrant droit au versement d’une allocation au détenu (...) »
Article 41
Principes généraux applicables au travail des détenus
« (...)
2 ‑ Il doit être assuré au détenu, en fonction des offres disponibles, un travail en unité productive qui tienne compte de ses aptitudes, de ses capacités, de sa formation et de ses préférences, mais qui ne l’empêche pas de suivre des programmes d’enseignement et de formation professionnelle ni de participer aux programmes énumérés au chapitre suivant. »
Article 42
Organisation du travail
« 1 ‑ Le travail peut être effectué à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire, et peut être organisé avec la collaboration d’organisations publiques ou privées, sous la supervision et la coordination des services pénitentiaires (...) »
Article 45
Activités
« 1 – Les détenus ont accès à des activités de nature artisanale, intellectuelle ou artistique, en fonction des disponibilités dans chaque établissement pénitentiaire.
(...) »
Article 49
Activités socio-culturelles et sportives
« 1 – Afin de favoriser le bien-être des détenus et leur permettre de développer leurs compétences, les établissements pénitentiaires doivent organiser en leur sein des activités socio-culturelles et récréatives, notamment à travers la mise en place de bibliothèques, d’espaces de lecture et de vidéothèques, ainsi que de programmes variés d’animation culturelle.
2 – Afin d’assurer le bien-être physique et psychique des détenus et promouvoir un esprit de convivialité ordonnée, les établissements pénitentiaires doivent organiser des activités sportives sous supervision technique appropriée.
3 ‑ Les détenus doivent être encouragés à participer à la programmation et à l’organisation des activités visées aux paragraphes précédents, sans préjudice des considérations relatives au maintien de l’ordre et de la sécurité.
(...) »
Article 50
Temps libre
« 1 ‑ Les activités à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire sont organisées de manière à garantir au détenu du temps libre et des temps de repos, conformément au règlement général [des établissements pénitentiaires].
2. Le détenu peut organiser son propre temps libre, dans le respect de la discipline, de l’ordre et de la sécurité de l’établissement pénitentiaire. »
Article 51
Temps en plein air
« 1 ‑ Le détenu a le droit de passer deux heures par jour au moins dans un espace à ciel ouvert offrant une protection contre les conditions climatiques défavorables.
2 ‑ Dans des cas exceptionnels, expressément prévus dans le présent code, cette durée peut être réduite. Elle ne peut [néanmoins] jamais être inférieure à une heure par jour. »
Article 116
Droit de dépôt de réclamations, pétitions, plaintes et exposés
« 1 ‑ Les détenus, individuellement ou collectivement, ont le droit de déposer par écrit, en vue de la défense de leurs droits, des réclamations, pétitions, plaintes ou exposés concernant l’exécution des mesures privatives de liberté.
2. Les réclamations, pétitions, plaintes et exposés peuvent être adressés au directeur de l’établissement pénitentiaire qui :
a) Aura recours à la médiation afin d’obtenir des solutions consensuelles ;
b) Se prononcera dans un délai de 30 jours à compter de leur réception ; ou
c) Les transmettra immédiatement aux entités et aux organismes compétents, en tenant le détenu concerné informé.
3 ‑ Les réclamations, pétitions, plaintes et exposés peuvent également être adressés au Directeur général des services pénitentiaires (Diretor-geral dos Serviços Prisionais), au service d’audit ou à l’inspection de la Direction générale des services pénitentiaires.
4 ‑ Sans préjudice des dispositions qui précèdent, le détenu peut également adresser des pétitions, plaintes ou exposés aux organes souverains et à d’autres entités, telles que l’Inspection générale des services judiciaires (Inspeção-Geral dos Serviços de Justiça), le Médiateur (Provedor de Justiça), l’Ordre des avocats, la Cour européenne des droits de l’homme, le Comité européen pour la prévention de la torture et le Comité des Nations unies contre la torture.
5 ‑ Le règlement général [des établissements pénitentiaires] précise les conditions d’exercice des droits mentionnés aux paragraphes ci-dessus. »
Article 200
Droit de contestation
« Les décisions des services pénitentiaires peuvent être contestées, dans les cas prévus par le présent code, devant le tribunal de l’exécution des peines. »
3. La loi sur l’organisation du système judiciaire
27. La compétence des tribunaux de l’exécution des peines est définie aux articles 114 et 115 de la loi no 62/2013 du 26 août 2013 sur l’organisation du système judiciaire. Ces dispositions sont ainsi libellées :
Article 114
Compétence [du tribunal de l’exécution des peines]
« 1 ‑ Lorsqu’un jugement portant condamnation à une peine ou une mesure privative de liberté acquière force de la chose jugée, le tribunal de l’exécution des peines assure le suivi et l’exécution de la peine ou mesure en question, et peut ordonner son aménagement, sa substitution ou son annulation (...).
2 – Le tribunal de l’exécution des peines assure par ailleurs le contrôle et la surveillance de l’exécution des peines de détention provisoire ou d’internement préventifs, et ses décisions en la matière sont communiquées au tribunal à l’origine de la peine ou mesure en question.
3 ‑ Sans préjudice des autres dispositions légales applicables et selon l’affaire en question, le tribunal de l’exécution des peines :
a) Homologue les plans individuels d’adaptation (...) ;
b) Accorde ou annule les autorisations de sortie (licenças de saída jurisdicionais) ;
c) Rend ou révoque des décisions de mise en liberté conditionnelle, d’adaptation à la liberté conditionnelle et de libération probatoire (liberdade para prova) ;
d) Approuve avant son exécution toute décision du directeur-général de la réinsertion et des services pénitentiaires de placer un détenu en régime ouvert à l’extérieur ;
e) Ordonne l’exécution de toute peine accessoire d’expulsion (...) ;
(...)
g) Statue sur les recours introduits contre les décisions des services pénitentiaires ;
h) Décide du traitement à réserver au courrier retenu ;
i) Dispose des biens et valeurs saisis sur les détenus et[, le cas échéant,] déclare leur perte ;
j) Statue sur l’aménagement, la substitution ou l’annulation des peines d’emprisonnement des détenus souffrant d’une maladie grave, évolutive ou irréversible, atteints d’un handicap grave et permanent ou ayant un âge avancé ;
k) Approuve le plan de réinsertion sociale et ses changements respectifs et, pour les détenus assignés à résidence, toute autorisation d’absence, la modification des règles de conduite et l’annulation du dispositif ;
(...)
r) Déclare l’extinction de la peine d’emprisonnement (...)
(...) »
Article 115
Extension de la compétence [du tribunal de l’exécution des peines]
« II appartient en outre au tribunal de l’exécution des peines de garantir les droits des détenus en statuant sur la légalité des décisions rendues par l’administration pénitentiaire dans les cas et selon les dispositions prévues par la loi. »
4. Les recours administratifs
28. D’après l’article 4 de la loi no 13/2002 du 19 février 2002 relative au statut des tribunaux administratifs et fiscaux, c’est aux tribunaux administratifs et fiscaux qu’il appartient de statuer sur tout litige ayant pour objet la protection des droits fondamentaux et de tout autre droit dans le cadre des relations juridiques administratives et fiscales.
29. Dans sa rédaction issue du décret-loi nº 214-G/2015 du 2 octobre 2015, l’article 2 § 2 du code de procédure applicable aux tribunaux administratifs (« le CPTA »), tel qu’approuvé par la loi no 15/2002 du 22 février 2002, dispose qu’on entend notamment par protection juridique effective la possibilité d’obtenir l’annulation de tout acte administratif (point a)), une injonction visant à protéger les droits et les libertés (point o)) et toute mesure conservatoire nécessaire pour garantir l’effet utile de toute décision judiciaire devant être rendue (point q)). Conformément à l’article 3 § 2 du CPTA, les tribunaux administratifs peuvent fixer d’office un délai d’exécution des obligations incombant à l’administration.
30. L’article 109 § 1 du CPTA expose les conditions d’application des injonctions visant à protéger les droits et libertés :
« Une injonction visant à protéger les droits, libertés et garanties (direitos, liberdades e garantias) peut être demandée lorsqu’une décision au fond impose à l’Administration l’adoption d’une mesure positive ou négative indispensable à l’exercice, en temps utile, d’un droit, d’une liberté ou d’une garantie, et qu’une mesure conservatoire n’est pas possible ou suffisante dans le cas concret (...) »
31. Des mesures conservatoires peuvent être ordonnées pour que l’effet utile d’un recours administratif soit garanti (article 131 du CPTA).
5. La responsabilité civile extracontractuelle
32. La responsabilité civile extracontractuelle de l’État est régie par la loi no 67/2007 du 31 décembre 2007, qui se lit ainsi en ses dispositions pertinentes en l’espèce :
Article 1
Champ d’application
« 1. En cas de dommage découlant de l’exercice de la fonction législative, juridictionnelle ou administrative, la responsabilité civile extracontractuelle de l’État et des autres personnes morales de droit public est régie par les dispositions de la présente loi, à l’exception des cas prévus par une loi spéciale.
2. Aux fins des dispositions du paragraphe qui précède, l’exercice de la fonction administrative correspond aux actes et omissions qui s’inscrivent dans le cadre de l’exercice des prérogatives du pouvoir public ou sont régis par des dispositions ou principes de droit administratif. (...) »
Article 3
Obligation d’indemnisation
« 1. Conformément aux dispositions de la présente loi, l’obligation de réparer un dommage détermine la reconstitution de la situation qui existerait si l’évènement qui oblige à la réparation ne s’était pas produit.
2. Une indemnisation pécuniaire est accordée dans les cas où une réparation en nature serait impossible, ne permettrait pas de réparer intégralement les dommages subis ou serait excessivement onéreuse.
3. La responsabilité découlant de la présente loi s’étend aux dommages patrimoniaux et non patrimoniaux ainsi qu’aux dommages subis et aux dommages futurs, conformément aux dispositions générales du droit. »
Article 7
Responsabilité exclusive de l’État et des autres personnes morales de droit
public
« 1. L’État et les autres personnes morales de droit public sont exclusivement responsables des dommages qui découlent d’actes ou d’omissions illicites résultant d’une faute légère commise dans l’exercice de leurs fonctions administratives et à cause de cet exercice par des représentants de ces organes, des fonctionnaires ou des agents.
(...)
3. La responsabilité de l’État et des autres personnes morales de droit public est également engagée lorsque les dommages ne résultent pas des actes d’un représentant, d’un fonctionnaire ou d’un agent donné, ou lorsque l’acte ou l’omission en cause ne peut être imputé à une personne donnée mais résulte du fonctionnement anormal d’un service.
4. Un service fonctionne de façon anormale lorsque, compte tenu des circonstances et des schémas de résultats moyens, il serait raisonnable d’exiger du service une forme d’action propre à éviter les dommages produits. »
Article 9
Illicéité
« 1. Tout acte ou omission d’un représentant, d’un fonctionnaire ou d’un agent est réputé illicite dès lors qu’il viole des dispositions ou principes constitutionnels, légaux ou réglementaires, ou qu’il enfreint les règles d’ordre technique ou les devoirs objectifs de précaution, et qu’il en découle une atteinte des droits ou intérêts légalement protégés.
2. Il y a également illicéité quand l’atteinte aux droits ou intérêts légalement protégés découle du fonctionnement anormal du service, conformément à l’article 7 § 3. »
6. Le règlement général des établissements pénitentiaires
33. Le règlement général des établissements pénitentiaires est fixé par le décret-loi no 51/2011 du 11 avril 2011. Il se lit ainsi en son article 177 :
« 1. Les réclamations, pétitions, plaintes et exposés adressés par le détenu au directeur de l’établissement pénitentiaire sont remises aux services de l’établissement pénitentiaire, qui les enregistrent, émettent un reçu et les transmettent au directeur aux fins prévues à l’article 116 § 2 du code [sur l’exécution des peines].
2. Les établissements pénitentiaires disposent d’une boîte fermée, placée dans un lieu accessible garantissant sa confidentialité, où les détenus peuvent déposer des réclamations, des pétitions, des plaintes et des exposés.
(...)
4. Le détenu peut également transmettre par courrier toute requête relative à l’exercice de son droit de dépôt de réclamations, de pétitions, de plaintes et d’exposés (...), étant précisé que [cette correspondance] ne peut être soumise à aucun contrôle. »
7. Le Médiateur (Provedor de Justiça)
34. En vertu de l’article 3 du Statut du Médiateur, approuvé par la loi 9/91 du 9 avril 1991 et modifié en dernier lieu par la loi 17/2013 du 18 février 2013, toute personne peut saisir le Médiateur d’une plainte concernant un acte ou une omission des pouvoirs publics. Le Médiateur rend alors une décision et formule des recommandations afin de permettre aux organes compétents de prévenir les situations dénoncées ou d’y remédier (article 38 du statut).
B. La pratique interne pertinente
1. Les rapports nationaux sur la situation carcérale générale au Portugal
a) Situation générale
35. Selon le dernier rapport de la Direction générale de la réinsertion et des services pénitentiaires (Direção-Geral de Reinserção e Serviços Prisionais, « la DGRSP »)[1], la population carcérale au 31 décembre 2018 s’élevait à 12 867 détenus répartis dans les 49 établissements pénitentiaires du pays. Sur ce total, 82,9 % des détenus purgeaient une peine d’emprisonnement et 17,11 % se trouvaient en détention préventive.
36. En vertu de l’arrêté ministériel no 13/2013 du 11 janvier 2013, les établissements pénitentiaires portugais sont classés en fonction de leur niveau de sécurité : spécial (régime de sécurité renforcée), élevé (régime de détention ordinaire) ou moyen (exécution des peines en milieu ouvert, autrement dit, avec un niveau de sécurité moins élevé). Par ailleurs, le niveau de complexité de leur gestion peut être « élevé » ou « moyen » en fonction de leur niveau de sécurité, de leur capacité d’accueil, des spécificités propres à la population carcérale, de la diversité des régimes de détention et de l’ampleur des moyens à gérer.
37. Le rapport du Mécanisme national de prévention contre la torture présenté en 2018 à l’Assemblée Nationale[2] mettait en évidence un problème général de surpopulation carcérale dans près de la moitié des établissements pénitentiaires du pays, bien que le taux d’occupation carcéral général fût passé à 97,4 %[3]. Il indiquait par ailleurs que tous les établissements pénitentiaires faisaient face à des problèmes structurels, et notamment à une réduction du nombre de surveillants et à des conditions matérielles difficiles (dégradation, humidité, froid, etc.)[4].
b) La prison de la PJ de Lisbonne
38. Selon les données de la DGRSP, la prison de la PJ de Lisbonne fut ouverte en 1958. Prévue pour accueillir des personnes placées en détention préventive, elle a une capacité d’accueil de 116 places mais était occupée par 144 détenus au 31 décembre 2018[5]. Son niveau de sécurité est « élevé » et le niveau de complexité de sa gestion est « moyen » (annexe de l’arrêté ministériel no 13/2013 du 11 janvier 2013).
39. La prison de la PJ de Lisbonne était occupée par 134 détenus au 31 décembre 2012[6], 122 détenus au 31 décembre 2013[7] et 140 détenus au 31 décembre 2014[8].
c) La prison de Pinheiro da Cruz
40. Selon les données de la DGRSP, la prison de Pinheiro da Cruz, créée en 1951, a une capacité de 645 détenus. Au 31 décembre 2018, elle comptait 638 détenus[9]. Située en zone rurale, elle s’étend sur 1 500 hectares et propose de nombreuses activités agricoles. Son niveau de sécurité est « élevé », de même que le niveau de complexité de sa gestion (annexe de l’arrêté ministériel no 13/2013 du 11 janvier 2013).
41. La prison de Pinheiro da Cruz était occupée par 645 détenus au 31 décembre 2014[10] et par 659 détenus au 31 décembre 2015[11].
2. La jurisprudence interne
42. Par un arrêt du 10 juillet 2007, le tribunal des conflits a considéré que les tribunaux administratifs étaient les tribunaux compétents pour statuer sur toute mesure conservatoire, relative à des droits et libertés, dirigée contre le Directeur des services pénitentiaires.
43. Par un arrêt du 29 mars 2007, le tribunal des conflits a dit que les recours contre des décisions de placement en cellule de sécurité relevaient de la compétence des juridictions administratives.
44. Par un arrêt du 17 avril 2015, le tribunal administratif central du Nord a rejeté une demande de mesure conservatoire présentée par un détenu dont le transfert vers un autre établissement pénitentiaire avait été ordonné.
45. Par un arrêt du 27 mars 2008, dans une affaire concernant un détenu dont le transfert vers une prison de haute sécurité avait été ordonné, le tribunal administratif central du Sud a considéré que la mesure à caractère urgentissime prévue par l’article 109 § 1 du CPTA ne se justifiait que lorsqu’il n’était pas possible d’appliquer une mesure conservatoire classique. En l’occurrence, étant donné que l’intéressé souhaitait obtenir une injonction afin d’être affecté dans un établissement pénitentiaire ordinaire (estabelecimento prisional de regime comum), le tribunal administratif central a jugé qu’un recours classique, assorti d’une demande de mesure conservatoire, aurait pu être introduit contre la mesure de transfert, et que la requête formulée en vertu de l’article 109 § 1 du CPTA n’était donc pas adéquate.
C. Les conditions météorologiques au Portugal
46. Selon un rapport de l’Institut portugais de la mer et de l’atmosphère (Instituto Português do Mar e da Atmosfera) - « l’IPMA ») datant de 2018[12], les températures moyennes suivantes ont été enregistrées au Portugal (continental) depuis 1930 :
47. Selon un rapport de l’IPMA, la température moyenne au Portugal (continental) était de 10,9 oC entre décembre 2015 et février 2016, et de 13,11 oC entre mars et mai 2016[13].
III. Les RAPPORTS internationaux pertinents
A. Textes généraux
48. Les parties pertinentes des rapports généraux du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants (« le CPT ») ainsi que les recommandations pertinentes adoptées par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe ont été rappelées par la Cour dans l’arrêt Muršić c. Croatie [GC], no 7334/13, §§ 47-48 et §§ 55-56, 20 octobre 2016).
B. Rapports relatifs au Portugal
1. Situation générale
49. Le CPT a effectué dix visites au Portugal (1992, 1995, 1996, 1999, 2002, 2003, 2008, 2012, 2013 et 2016). Il a visité la prison de la PJ de Lisbonne plusieurs fois mais ne s’est jamais rendu à la prison de Pinheiro da Cruz.
50. Dans le rapport relatif à sa dernière visite, en 2016 (rapport CPT/Inf (2018) 6), il a évoqué de manière générale le problème de la surpopulation carcérale et les mesures prises par les autorités internes pour y remédier. Ce rapport est ainsi libellé en ses parties pertinentes :
“B. Prison establishments
1. Preliminary remarks
a. Recent developments
34. At the time of the visit, the prison population in Portugal stood at 14,007 prisoners for an official capacity of 12,600. However, the overall level of overcrowding within the system (i.e. 110%) masks the fact that certain prison establishments are operating way above their official capacity such as Caxias (160%), Lisbon Central (150%), Porto (180%) and Setúbal (200%).
Further, some 13 smaller regional prisons were operating at 140% or more of their official capacity and three at over 200%. The CPT found that the living conditions within parts of those establishments visited by its delegation could be considered as amounting to inhuman and degrading treatment (see paragraphs 45 and 49 to 50 below). The extreme overcrowding in certain prisons undermined the way in which the prisons operated affecting not only the material conditions but also the regime, staff-inmate relations and good order in the establishments. It also provides fertile ground for cases of ill-treatment by staff and inter-prisoner violence.
(...)
The building of additional accommodation is unlikely in itself to provide a lasting solution to the challenge of prison overcrowding. Instead, the promotion of policies to limit the number of persons being sent to prison such as alternatives to imprisonment can have a positive effect in maintaining the prison population at a manageable level or even lowering it.
(...)
The CPT reiterates its recommendation that the Portuguese authorities pursue a multi-pronged approach towards eradicating prison overcrowding, having regard inter alia to the principles set out in Recommendations Rec (99) 22 concerning prison population inflation and Rec (2006) 13 on the use of remand in custody as well as other pertinent Recommendations of the Council of Europe’s Committee of Ministers.
(...)”
2. La prison de la police judiciaire de Lisbonne
51. Lors de sa dernière visite à la prison de la PJ de Lisbonne, en 2016, le CPT constata ce qui suit (CPT/Inf (2018) 6) :
« 3. Conditions of detention
(...)
51. (...)
As regards Lisbon Judicial Police Prison, the situation had not evolved since the previous visit in 2012. No purposeful activities were offered to remand prisoners at all, notwithstanding the fact that some of them had spent more than 18 months in these establishments. Prisoners spent their time watching television, playing board games or walking in the yard.
(...)
The CPT reiterates its recommendation that the Portuguese authorities take the necessary steps to develop purposeful activities for remand prisoners in Lisbon Judicial Police Prison and that they pursue their efforts to offer an appropriate range of constructive activities to all prisoners in Caxias and Lisbon Central Prisons. Particular efforts need to be made at Setúbal Prison to introduce purposeful activities. The goal should be to ensure that all prisoners (including those on remand) spend a reasonable part of the day outside of their cells engaged in purposeful activities of a varied nature: work, preferably with vocational value; education, sport; recreation/association.
(...)
5. Health care services
(...)
b. Staff and facilities
57. (...)
In the Judicial Police Prison in Lisbon, a doctor was present eight hours a week and there were two nurses, one of whom worked mornings (four hours) and the other evenings (two hours), every day. This is not sufficient; an establishment with a capacity of 140 inmates and a high weekly turnover should benefit from the daily presence of a general practitioner for at least the equivalent of two days a week as well as from two full-time nurses. On a more positive note, a psychiatrist visited the establishment twice a week.
(...) »
52. Le rapport relatif à la visite effectuée par le CPT en 2012 (CPT/Inf (2013) 4) est ainsi libellé en ses parties pertinentes :
« 32. (...)
The Judicial Police Prisons of Lisbon and Porto accommodate remand prisoners usually for periods of up to three months, although at the time of the visit some persons had been in these establishments for over a year.
49. (...)
As regards Lisbon Judicial Police Prison, the cells were generally suitably equipped, had access to natural light and adequate artificial lighting and ventilation. However, many of the cells were overcrowded (four persons in 11 m² and two persons in 7m²) and showed signs of wear and tear. Prisoners accommodated in multi-occupancy cells should each have at least 4m² of living space and cells of 7m² should not accommodate more than one person. The CPT recommends that the Portuguese authorities take the necessary steps to bring cell occupancy rates in line with the above requirements and to maintain cells in a proper state of repair.
(...)
52. (...)
At the Lisbon and Porto Judicial Police Prisons, no purposeful activities were offered to remand prisoners at all, notwithstanding the fact that some of them had spent more than 18 months in these establishments. Prisoners spent their time watching television, playing board games or walking in the yard.
The CPT recommends that the Portuguese authorities take the necessary steps to develop purposeful activities for remand prisoners in the Judicial Police Prisons and that they pursue their efforts to offer an appropriate range of constructive activities to all prisoners in Linhó, Lisbon Central and Paços de Ferreira Prisons. The goal should be to ensure that all prisoners (including those on remand) spend a reasonable part of the day outside of their cells engaged in purposeful activities of a varied nature: work, preferably with vocational value; education, sport; recreation/association.
(...)
62. (...)
In the Judicial Police Prison Lisbon, a doctor was present six hours a week and two nurses, one of whom was on call each night, worked on a part-time basis. This is not sufficient; an establishment with a capacity of 140 inmates and high weekly turnover should benefit from the daily presence of a general practitioner for at least the equivalent of two days a week as well as from two full-time nurses. On a more positive note, a psychiatrist regularly visited the establishment.
(...) »
53. Après avoir examiné les cinquième et sixième rapports périodiques du Portugal, soumis en un seul document (CAT/C/PRT/5-6), à ses 1186e et 1189e séances, les 7 et 8 novembre 2013 (CAT/C/SR.1186 et 1189), et adopté à sa 1204e séance, le 20 novembre 2013 (CAT/C/SR.1204), le Comité des Nations unies contre la torture observa ce qui suit :
« (...)
11. Le Comité prend acte des efforts de l’État partie pour augmenter la capacité des établissements pénitentiaires, mais il demeure préoccupé par l’actuel surpeuplement des prisons, dont le taux d’occupation est de 115 %. Il tient compte à cet égard du fait qu’environ 20 % de la population carcérale sont constitués de personnes en détention avant jugement et regrette le manque d’informations sur la durée moyenne de cette détention. Le Comité regrette en outre que les conditions dans des établissements tels que l’hôpital psychiatrique de la prison de Santa Cruz do Bispo ou la prison centrale de Lisbonne continuent d’être déplorables. Il note avec préoccupation que le placement de prisonniers dans des unités de haute sécurité est, dans la pratique, couramment prolongé sans que les intéressés soient informés des motifs de cette mesure. Le Comité constate également avec préoccupation que les taux de décès, en particulier de suicide, parmi les personnes en détention sont très élevés, que la capacité des services d’hospitalisation en psychiatrie est insuffisante pour accueillir des détenus souffrant de maladies mentales graves, que les hôpitaux psychiatriques médico‑légaux manquent de personnel, que les activités de réadaptation y sont insuffisantes et que l’on a recours à des moyens de contention (art. 2, 11 et 16).
L’État partie devrait redoubler d’efforts pour mettre les conditions de détention dans les lieux de privation de liberté en conformité avec l’Ensemble de règles minima pour le traitement des prisonniers, notamment :
a) S’employer de manière plus soutenue à réduire le surpeuplement des prisons, en particulier par un recours accru à des mesures non privatives de liberté, en lieu et place de l’emprisonnement, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) ;
b) Éviter les longues périodes de détention avant jugement et veiller à ce que les personnes détenues avant jugement soient jugées équitablement et sans retard excessif ;
c) Poursuivre ses efforts pour améliorer et agrandir les établissements pénitentiaires, de façon à remettre à niveau ceux qui ne sont pas aux normes internationales, en particulier la prison centrale de Lisbonne et l’hôpital psychiatrique de la prison de Santa Cruz do Bispo ;
d) Veiller : i) à ce qu’il soit effectivement enquêté sur tous les cas de décès et de suicide en détention ; ii) à ce que la Direction générale des prisons améliore la surveillance et la détection des détenus à risque et prenne des mesures pour prévenir le risque de suicide et de violences entre prisonniers, notamment en renforçant les effectifs du personnel pénitentiaire et en installant des caméras vidéo ; iii) à continuer de réaliser des études sur l’incidence des programmes en cours sur la prévention des suicides et de la consommation de drogues, en vue d’en améliorer l’efficacité ;
e) Veiller à ce que les décisions de placement de prisonniers dans des unités de sécurité et de prolongation de ce placement soient motivées et notifiées aux personnes concernées, et à ce qu’elles puissent faire l’objet d’un recours ;
f) Augmenter la capacité des services d’hospitalisation en psychiatrie et assurer l’accès à tous les services de soins de santé mentale dans tous les établissements pénitentiaires ;
g) Renforcer le personnel médical et les activités de réadaptation dans tous les hôpitaux psychiatriques médico-légaux et empêcher, autant que possible, le recours à des moyens de contention ou ne les utiliser qu’en dernier ressort et pour la période la plus courte possible, lorsque tous les autres moyens ont échoué et jamais en tant que châtiment, sous stricte supervision médicale et après avoir dûment consigné l’utilisation de ces moyens.
(...) »
3. Les voies de recours internes
54. Le dernier rapport du CPT (CPT/Inf (2018) 6) se lit ainsi en ses parties relatives aux voies de recours internes :
« 77. The situation regarding complaints remains the same as that observed at the time of the 2012 visit. Prisoners can address complaints to a number of outside bodies: the court responsible for the enforcement of the sentence, the Inspector-General of Judicial Services (IGJS), the Inspection and Audit Service of the Prison Administration (SAI) or the Ombudsman. The National Preventive Mechanism within the Ombudsman Office carries out visits to prisons.
However, there is a need to introduce a more integrated complaints system. While complaints concerning ill-treatment were recorded and the SAI and other bodies investigated them, there was no specific register for other complaints in the prisons and inmates expressed a great mistrust in the complaints system. Inmates met complained that a response was rarely provided to complaints and, if it was provided, it was always in an oral form.
The CPT considers that the current arrangements need to be reinforced by a uniform internal complaints machinery applied throughout the prison system of Portugal: for example, prisoners ought to be able to make written complaints at any moment and place them in a locked complaints box located in each accommodation unit (forms should be freely available); and all written complaints should be registered centrally within a prison before being allocated to a particular service for investigation or follow up. In all cases, the investigation should be carried out expeditiously (with any delays justified) and prisoners should be informed within clearly defined time periods of the action taken to address their concern or of the reasons for considering the complaint not justified. In addition, statistics on the types of complaints made should be kept as an indicator to management of areas of discontent within the prison. Prisoners should also be able to appeal any decision to an external body, which must be competent to redress the situation. All prisoners should be informed upon admission about how to lodge complaints in a manner that instils trust (for example, complaints boxes which may only be opened by certain persons).
The CPT reiterates its recommendation that the Portuguese authorities introduce a uniform internal complaints system, taking into account the above remarks. »
55. Le rapport relatif à la visite effectuée par le CPT en 2012 (CPT/Inf (2013) 4) se lit ainsi en ses parties pertinentes :
« 83. At present, prisoners can address complaints to a number of outside bodies: the court responsible for the enforcement of the sentence, the Inspector-General of Judicial Services (IGJS), the Inspection and Audit Service of the Prison Administration or the Ombudsman. Just over 25% of the complaints received by the IGJS in 2009 and 2010 concerned prison issues (84 and 97 respectively). Priority was given to dealing with complaints relating to cases of alleged ill-treatment.
As for the Ombudsman’s Office, the main complaints received from prisoners concerned inter alia access to health care, violence in prisons and allegations of abuse by prison staff.
However, the number of complaints relating to disciplinary issues had decreased following the entry into force of the 2009 Code on Execution of Criminal Sanctions.
As regards the internal complaints system, in some prisons (such as Linhó and Lisbon Central), boxes existed for making complaints/requests to the director of the establishment.
However, complaints were not registered and many inmates complained that a response was rarely provided and, if it was provided, was always in an oral form. More specifically, a number of prisoners stated that they had informed the chief prison officer about incidents of alleged ill-treatment by prison officers, but that they had received no feedback. Numerous inmates expressed a lack of confidence in the complaints system.
(...) »
56. Dans son rapport du 20 novembre 2013, précité au paragraphe 53, le Comité des Nations unies contre la torture constata ce qui suit en ce qui concerne les mécanismes de plaintes existants :
« 10. Le Comité constate qu’il existe différents services d’inspection interne et externe de la police et de l’administration pénitentiaire habilités à recevoir des plaintes et mener des enquêtes disciplinaires sur les mauvais traitements, et qu’il en résulte un manque de clarté lorsqu’il s’agit de déposer une plainte. En ce qui concerne les plaintes pénales, le Comité est en outre préoccupé par les cas de refus de la police de fournir une preuve de l’enregistrement de la plainte à la personne qui l’a déposée (art. 12, 13 et 16).
L’État partie devrait mettre en place un mécanisme central pour recevoir les plaintes pour torture ou mauvais traitements, et faire en sorte qu’un tel mécanisme soit accessible dans tous les lieux de détention, en particulier les prisons. Les personnes qui affirment être victimes de mauvais traitements devraient être en mesure de savoir précisément à qui adresser leur plainte et être dûment informées de la suite donnée à celle-ci. L’État partie devrait également faire en sorte d’assurer la protection du plaignant contre tout mauvais traitement ou toute intimidation que pourrait entraîner la plainte déposée. Un registre central des plaintes pour torture et mauvais traitements, dans lequel seraient consignées des informations sur les enquêtes menées, les procès conduits et les sanctions pénales ou disciplinaires imposées, devrait être tenu. Les organes d’inspection en place, notamment le juge de contrôle et le Médiateur, devraient être dotés des ressources nécessaires pour renforcer leurs fonctions de surveillance, y compris dans les hôpitaux psychiatriques médico-légaux. »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
57. Le requérant se plaint de ses conditions de détention, qu’il qualifie d’inhumaines et dégradantes au sens de l’article 3 de la Convention. Cet article est ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
A. Sur la déclaration de règlement amiable présentée par le Gouvernement
58. Par une déclaration du 17 avril 2019, le Gouvernement a proposé au requérant de régler l’affaire de façon amiable moyennant le paiement de 15 000 euros (EUR) en réparation des préjudices matériel et moral subis et en remboursement des frais et dépens. Par une déclaration du 20 mai 2019, le requérant a dit accepter la proposition du Gouvernement.
59. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 39 de la Convention, elle a compétence pour rayer une affaire du rôle en cas de règlement amiable. L’article 39 de la Convention se lit comme suit, en sa partie pertinente :
« En cas de règlement amiable, la Cour raye l’affaire du rôle par une décision qui se limite à un bref exposé des faits et de la solution adoptée. »
60. L’exercice de cette compétence est toutefois subordonné aux conditions énoncées à l’article 37 § 1 de la Convention, qui est ainsi libellé en ses parties pertinentes :
« 1. À tout moment de la procédure, la Cour peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de conclure
(...)
b) que le litige a été résolu ; ou
c) que, pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête.
Toutefois, la Cour poursuit l’examen de la requête si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses protocoles l’exige.
(...) »
61. La Cour peut donc rayer une affaire du rôle lorsqu’elle s’est assurée que le règlement auquel sont parvenues les parties s’inspire « du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention et ses Protocoles ». Cette exigence est également énoncée à l’article 62 § 3 du règlement de la Cour, qui est ainsi libellé :
« Si la chambre apprend par le greffier que les parties acceptent un règlement amiable, et après s’être assurée que ledit règlement s’inspire du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention et ses Protocoles, elle raye l’affaire du rôle conformément à l’article 43 § 3 du (...) règlement. »
62. Dans un tel contexte, la notion de « respect des droits de l’homme » commande à la Cour d’envisager non seulement la situation individuelle du requérant, mais également la situation à une échelle plus étendue, surtout quand il pourrait y avoir des problèmes systémiques ou structurels (voir, dans le cas d’une procédure d’arrêt-pilote, Broniowski c. Pologne (règlement amiable) [GC], no 31443/96, §§ 36-37, CEDH 2005‑IX et Hutten-Czapska c. Pologne (règlement amiable) [GC], no 35014/97, §§ 33‑35, 28 avril 2008).
63. La Cour observe que toutes les requêtes relatives aux conditions matérielles de détention au Portugal qui ont été communiquées ces dernières années au Gouvernement défendeur ont été conclues par une décision de radiation du rôle faisant suite à un règlement amiable entre les parties (Patenaude c. Portugal (déc.), no 26986/16, 4 avril 2017, Butuc c. Portugal (déc.), no 2582/16, 4 avril 2017, Bokor c. Portugal (déc.), no 52909/15, 4 avril 2017, Dragan c. Portugal (déc.), no 56503/15, 23 mai 2017, Dumitru c. Portugal (déc.), no 28794/16, 13 juin 2017, Popa c. Portugal (déc.), no 41906/17, 15 mai 2018, Annear c. Portugal (déc.), no 33561/17, 15 mai 2018, T.M. c. Portugal (déc.), no 40279/17, 13 décembre 2018 et Wahed Hassad c. Portugal (déc.), no 70531/17, 5 mars 2019).
64. Les parties semblent vouloir opter pour cette même voie en l’espèce. Ceci permettrait de régler la situation particulière du requérant. Cependant, la Cour estime que d’importantes questions se trouvent en jeu dans la présente espèce, notamment la question des voies de recours disponibles au niveau interne en ce qui concerne la question des conditions de détention.
65. La Cour observe par ailleurs qu’il existe un problème structurel de surpeuplement qui, comme le montrent les rapports nationaux et internationaux en la matière (paragraphes 37, 50 et 53 ci-dessus), touche encore à ce jour plus de la moitié des établissements pénitentiaires au Portugal.
66. Par conséquent, l’impact de la présente affaire est tel qu’il dépasse la situation individuelle du requérant. Or, le Gouvernement n’a pris aucun engagement au-delà de la situation individuelle de l’intéressé.
67. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que des circonstances touchant au respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exigent désormais qu’elle poursuive l’examen de la requête conformément à l’article 37 § 1 in fine de la Convention.
68. Partant, elle rejette la demande de radiation de la requête du rôle sur le fondement des articles 37 § 1 b) et 39 de la Convention.
B. Sur la recevabilité
1. Sur l’exception préliminaire du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes
a) Thèses des parties
69. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il argue que le requérant avait à sa disposition un certain nombre de recours dont il n’a pas fait usage.
70. Premièrement, le Gouvernement estime que le requérant aurait pu déposer une réclamation, une plainte ou un exposé auprès du directeur de la prison en cause, du Directeur général des services pénitentiaires, de l’inspection des services pénitentiaires ou du Médiateur (Provedor de Justiça), ainsi que le prévoit selon lui l’article 116 du code d’exécution des peines et mesures privatives de liberté (« CEP ») (paragraphe 26 ci-dessus).
71. Deuxièmement, le Gouvernement affirme que le requérant aurait pu s’adresser au juge de l’exécution des peines (juiz de execução das penas) afin de lui exposer toute situation dont il estimait qu’elle portait atteinte à ses droits. Il soutient en effet qu’il appartient à ce juge d’accompagner et de contrôler l’exécution de toute peine de prison ou détention préventive. Il considère que le requérant avait également la possibilité, en vertu de l’article 200 du CEP (paragraphe 26 ci-dessus), de contester devant le tribunal de l’exécution des peines toute décision défavorable des services pénitentiaires concernant ses droits de visite, une demande de liberté conditionnelle ou l’application d’une sanction disciplinaire. Il indique qu’il y a certes peu de jurisprudence en la matière, mais que cela ne signifie pas que cette voie de recours ne soit pas effective. Il considère que cette situation résulte uniquement des choix des personnes détenues ou de leurs défenseurs.
72. Sur la question des conditions de détention en particulier, le Gouvernement considère que le requérant aurait pu saisir les juridictions administratives afin que celles-ci ordonnent à l’administration de respecter ses droits (paragraphe 28 ci-dessus). Sur ce point, il se réfère, à titre d’exemple, à deux arrêts rendus par le tribunal des conflits les 29 mars et 10 juillet 2007 (paragraphes 43 et 42 ci-dessus), et à un arrêt rendu par le tribunal administratif et fiscal du Nord le 17 avril 2015 (paragraphe 44 ci-dessus). Il soutient par ailleurs que l’action en responsabilité civile extracontractuelle devant les tribunaux administratifs aurait constitué un recours effectif propre à permettre au requérant de dénoncer ses conditions de détention (paragraphe 32 ci-dessus).
73. Le requérant conteste l’exception soulevée par le Gouvernement. Il soutient que les recours invoqués par ce dernier n’étaient pas effectifs au sens de l’article 35 § 1 de la Convention, et qu’ils n’auraient permis ni de prévenir ni de réparer les violations dont il se plaint en l’espèce. Concernant plus spécifiquement la question des réclamations dont, d’après le Gouvernement, il aurait pu saisir les directeurs des établissements pénitentiaires, le requérant allègue que les détenus ne font pas usage de cette voie de recours par peur de subir des représailles et en raison des faibles chances de succès de pareils recours. Il argue également que le Gouvernement n’a fourni d’explication ni sur la manière dont ces réclamations doivent être formulées ni sur la manière dont le tribunal de l’exécution des peines exerce son contrôle sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.
b) Appréciation de la Cour
i. Principes applicables
74. La Cour renvoie aux principes établis dans sa jurisprudence, tels qu’énoncés aux paragraphes 69 à 77 de l’arrêt Vučković et autres c. Serbie ((exception préliminaire) [GC] nos 17153/11 et 29 autres, 25 mars 2014) et rappelés dans l’arrêt Varga et autres c. Hongrie (nos 14097/12 et 5 autres, §§ 44-47, 10 mars 2015) et plus récemment dans l’arrêt Nikitin et autres c. Estonie (nos 23226/16 et 6 autres, §§ 119-121, 29 janvier 2019).
75. En ce qui concerne l’appréciation de l’effectivité des recours relatifs aux conditions de détention, la question décisive est de savoir si la personne intéressée peut obtenir des juridictions internes un redressement direct et approprié, et pas simplement une protection indirecte de ses droits garantis par l’article 3 de la Convention. La Cour a certes accepté le principe selon lequel un recours indemnitaire était suffisant dans les affaires portant sur la durée de procédures judiciaires ou la non-exécution de jugements (Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 187, CEDH 2006‑V et Bourdov c. Russie (no 2), no 33509/04, § 99, CEDH 2009), mais elle a estimé qu’en ce qui concerne les allégations de conditions d’internement ou de détention contraires à l’article 3, un recours exclusivement en réparation ne saurait être considéré comme suffisant, dans la mesure où il n’a pas un effet « préventif » en ce sens qu’il n’est pas à même d’empêcher la continuation de la violation alléguée ou de permettre aux détenus d’obtenir une amélioration de leurs conditions matérielles de détention (Torreggiani et autres c. Italie, nos 43517/09 et 6 autres, § 50, 8 janvier 2013, voir aussi les nombreuses références qui y sont citées). Pour qu’un système de protection des droits des détenus garantis par l’article 3 de la Convention soit effectif, les remèdes préventifs et compensatoires doivent donc coexister de façon complémentaire (Ananyev et autres c. Russie, nos 42525/07 et 60800/08, § 98, 10 janvier 2012). Lorsqu’un requérant est détenu dans des conditions contraires à l’article 3 de la Convention, le meilleur redressement possible est la cessation rapide de la violation du droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants. Si, en revanche, le requérant a quitté l’établissement pénitentiaire où il allègue avoir subi une détention portant atteinte à sa dignité, il doit pouvoir obtenir une réparation pour la violation subie (Ananyev et autres, précité, § 97).
76. L’« instance » évoquée à l’article 13 de la Convention peut ne pas être forcément, dans tous les cas, une institution judiciaire au sens strict. La Cour a déjà estimé qu’un recours introduit devant une autorité administrative peut satisfaire aux exigences de cette disposition en ce qui concerne les griefs relatifs aux conditions de détention (Norbert Sikorski c. Pologne, no 17599/05, § 111, 22 octobre 2009). Néanmoins, les pouvoirs de cette instance et les garanties procédurales qu’elle offre entrent en ligne de compte aux fins de l’appréciation de l’effectivité du recours (voir Torreggiani et autres, précité, § 51).
77. Par exemple, pour qu’un recours préventif introduit devant une instance administrative en vue de dénoncer des conditions de détention soit effectif, l’instance en question doit :
a) être indépendante des autorités pénitentiaires,
b) s’assurer de la participation effective des détenus à l’examen de leurs griefs,
c) veiller au traitement rapide et diligent des griefs,
d) disposer d’une large gamme d’instruments juridiques permettant de mettre fin aux problèmes à l’origine des griefs,
e) être propre à rendre des décisions contraignantes et exécutoires (Ananyev et autres, précité, §§ 214-16 et 219).
f) permettre un redressement dans un délai raisonnable (Torreggiani et autres, précité, § 97).
78. Par ailleurs, pour qu’un recours interne visant à dénoncer des conditions de détention soit effectif, l’autorité ou la juridiction saisie doit statuer conformément aux principes pertinents énoncés dans la jurisprudence de la Cour sur le terrain de l’article 3 de la Convention. La réalité de la situation – et non les apparences – étant ce qui importe, le seul fait de renvoyer à cet article dans les décisions internes ne suffit pas : l’affaire doit avoir été effectivement examinée conformément aux normes découlant de la jurisprudence de la Cour (voir la jurisprudence citée dans Neshkov et autres c. Bulgarie, nos 36925/10 et 5 autres, §§ 185-187, 27 janvier 2015). Si elle constate, expressément ou en substance, une violation de l’article 3 de la Convention à raison des conditions dans lesquelles l’intéressé est ou a été détenu, l’autorité ou la juridiction interne saisie doit accorder un redressement approprié (idem, § 188). En ce qui concerne les recours préventifs, ce redressement peut, selon la nature du problème en cause, consister soit en des mesures ne touchant que le détenu concerné, soit – lorsqu’il y a surpopulation – en des mesures plus générales propres à résoudre les problèmes de violations massives et simultanées des droits des détenus résultant des mauvaises conditions de détention dans tel ou tel établissement pénitentiaire (Ananyev et autres, précité, § 219).
ii. Application de ces principes au cas d’espèce
79. À titre liminaire, la Cour relève que, au moment de l’introduction de la requête devant la Cour, le requérant n’était plus détenu.
80. Elle constate que le requérant n’a entrepris aucune démarche administrative ou juridictionnelle pour se plaindre de ses conditions matérielles de détention. Pour déterminer si les exigences d’épuisement des voies de recours internes ont été respectées, il convient donc d’examiner tous les recours évoqués par le Gouvernement afin de vérifier s’ils étaient adéquats, effectifs et de nature à permettre un redressement direct et approprié des conditions dénoncées par le requérant.
α) Voies de recours préventives
81. Premièrement, le Gouvernement affirme qu’en vertu de l’article 116 du CEP (paragraphe 70 ci-dessus), le requérant aurait pu déposer une réclamation, une plainte ou un exposé auprès du directeur de la prison en cause, du Directeur général des services pénitentiaires ou de l’Inspection générale des services pénitentiaires. La Cour estime toutefois que les instances en question ne disposaient pas de l’indépendance exigée pour statuer en la matière étant donné qu’elles relevaient directement de l’administration pénitentiaire (Ananyev et autres, précité, § 215). À cet égard, elle note d’ailleurs que selon le dernier rapport du CPT, les détenus n’ont de manière générale pas confiance dans le système de dépôt de plainte mis en place au sein du système pénitentiaire (paragraphe 54 ci-dessus). Elle en conclut que ce recours ne constituait pas un recours effectif propre à remédier à la violation alléguée de l’article 3 de la Convention.
82. Deuxièmement, le Gouvernement considère que le requérant aurait pu saisir les juridictions administratives et le juge de l’exécution des peines (paragraphes 71 et 72) afin qu’ils ordonnent à l’administration fiscale d’améliorer ses conditions de détention. La Cour observe qu’en vertu de l’article 4 du statut des tribunaux administratifs, il appartient aux tribunaux administratifs de statuer sur tout litige relatif aux droits fondamentaux. Par ailleurs, le CPTA dispose, en ses articles 2 § 2 o) et 109 § 1, que les tribunaux administratifs peuvent émettre des injonctions visant à protéger les droits, libertés et garanties de toute personne (paragraphes 28, 29 et 30 ci-dessus). En vertu de l’article 115 de la loi sur l’organisation du système judiciaire, les tribunaux de l’exécution des peines ont quant à eux compétence pour garantir les droits des détenus, en se prononçant sur la légalité des décisions rendues par l’administration pénitentiaire (paragraphe 27 ci-dessus). La Cour observe cependant que le Gouvernement n’apporte aucune preuve de l’effectivité de pareils recours. Elle note que les décisions du tribunal des conflits auxquelles il renvoie (paragraphe 72 ci-dessus) portaient non pas sur des questions de fond relatives aux conditions de détention, mais sur des transferts de détenus vers d’autres établissements pénitentiaires qui, en l’occurrence, avaient été ordonnés pour des raisons de sécurité par l’administration pénitentiaire (paragraphes 42, 43 et 44 ci‑dessus). En outre, au vu des nombreux rapports nationaux et internationaux montrant qu’un problème structurel de surpeuplement carcéral existait au moment des faits et touche encore aujourd’hui la moitié des établissements pénitentiaires (paragraphes 37, 50 et 53 ci-dessus), il apparaît que ce problème ne concerne pas uniquement le requérant. Par conséquent, quand bien même ces tribunaux rendraient une décision favorable, l’administration pénitentiaire pourrait avoir des difficultés à l’exécuter (Ananyev et autres, précité, § 111, Torreggiani et autres, précité, § 54, Vasilescu c. Belgique, no 64682/12, § 73, 25 novembre 2014, Neshkov et autres, précité, § 210, et Varga et autres, précité, § 63). Par conséquent, la Cour ne peut que conclure que ces recours n’étaient pas effectifs pour redresser la violation alléguée de l’article 3 de la Convention.
83. Troisièmement, en ce qui concerne le Médiateur (paragraphe 70 ci‑dessus), la Cour loue son intervention en tant que mécanisme national de prévention (paragraphe 37 ci-dessus). Cela étant, elle observe relativement à la question de l’effectivité des recours qu’il ne peut pas rendre de décisions contraignantes (paragraphe 34 ci-dessus) et qu’il a le pouvoir non pas de prononcer des injonctions à l’encontre de l’administration mais uniquement de formuler des recommandations (Mandić et Jović c. Slovénie, nos 5774/10 et 5985/10, § 117, 20 octobre 2011, Ananyev et autres, précité, §§ 105-106, et Mironovas et autres c. Lituanie, nos 40828/12 et 6 autres, §§ 107-109, 8 décembre 2015 ; voir, a contrario, Sakin c. Turquie (déc.), no 20616/13, § 33, 28 juin 2016). En outre, il n’a pas été démontré, en l’espèce, que les recommandations en question auraient pu permettre d’améliorer rapidement les conditions de détention dénoncées (Torreggiani et autres, précité, § 97). Les recours devant le Médiateur ne remplissent donc pas les conditions d’effectivité que requiert un recours préventif propre à permettre de dénoncer des conditions matérielles de détention.
84. Au vu de ce qui précède, la Cour ne peut que conclure que le droit interne n’offrait au requérant, lorsqu’il était détenu, aucun recours préventif suffisamment accessible et effectif pour empêcher la continuation de la violation alléguée ou pour obtenir une amélioration de ses conditions de détention (Torreggiani et autres, précité, § 50).
β) Voies de recours indemnitaires
85. Le Gouvernement soutient que l’introduction d’une action en responsabilité civile extracontractuelle contre l’État aurait pu permettre au requérant d’obtenir réparation du préjudice causé par ses mauvaises conditions de détention (paragraphe 72 ci-dessus).
86. La Cour constate que les articles 3 et 7 § 3 de la loi no 67/2007 du 31 décembre 2007 imposent à l’État de réparer tout dommage causé, notamment par le dysfonctionnement d’un service public (paragraphe 32 ci-dessus). Or, alors qu’il lui appartenait de prouver l’effectivité des voies de recours avancées par lui (Varga et autres, précité, § 50), le Gouvernement n’a en l’espèce fait mention d’aucune jurisprudence ni d’aucune information tendant à prouver que cette voie de droit offrait un recours effectif pour se plaindre de conditions de détention contraires aux exigences de l’article 3 de la Convention (Benediktov c. Russie, no 106/02, § 29, 10 mai 2007 et Shishanov c. République de Moldova, no 11353/06, § 76, 15 septembre 2015 ; voir aussi, a contrario, Žirovnický c. République tchèque (déc.), nos 60439/12 et 73999/12, § 97, 15 novembre 2016).
87. En l’absence d’exemples pertinents, la Cour n’est pas en mesure de conclure que l’action en responsabilité civile extracontractuelle constituait un recours effectif relativement à la violation de l’article 3 alléguée en l’espèce.
d) Conclusion
88. Eu égard à ce qui précède, s’il est vrai que le requérant n’a fait usage d’aucun des recours suggérés par le Gouvernement, la Cour estime qu’en l’espèce, il n’est pas possible de conclure avec un degré de certitude suffisant que le droit portugais offrait au requérant un recours préventif et/ou indemnitaire concernant ses conditions de détention à la prison de la PJ de Lisbonne et à la prison de Pinheiro da Cruz. En conséquence, l’exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes doit être rejetée.
2. Le respect du délai de six mois
89. La Cour note que le requérant fut détenu à la prison de la PJ de Lisbonne du 9 mars 2012 au 17 octobre 2014, date à laquelle il fut transféré à la prison de Pinheiro da Cruz où il resta jusqu’à sa libération, le 19 décembre 2016. La requête ayant été introduite le 2 mai 2017, la question pourrait se poser de savoir si le délai de six mois a été respecté en ce qui concerne la première période de détention. En effet, la règle de six mois est une règle d’ordre public, la Cour est donc compétente pour l’appliquer d’office (Assanidzé c. Géorgie [GC], no 71503/01, § 160, CEDH 2004 II) même si le Gouvernement n’a pas soulevé cette exception (Walker c. Royaume-Uni (déc.), no 34979/97, CEDH 2000 I).
90. La Cour rappelle que le délai de six mois prévu par l’article 35 § 1 vise à assurer la sécurité juridique en garantissant que les affaires qui soulèvent des questions au regard de la Convention soient examinées dans un délai raisonnable et que les décisions passées ne soient pas indéfiniment susceptibles d’être remises en cause. Cette règle marque la limite temporelle du contrôle opéré par les organes de la Convention et indique aux particuliers comme aux autorités de l’État la période au-delà de laquelle ce contrôle ne s’exerce plus (Lopes de Sousa Fernandes c. Portugal [GC], no 56080/13, § 129, 19 décembre 2017).
91. En règle générale, le délai de six mois commence à courir à la date de la décision définitive intervenue dans le cadre du processus d’épuisement des voies de recours internes. Toutefois, lorsqu’il est clair d’emblée que le requérant ne dispose d’aucun recours effectif, le délai de six mois prend naissance à la date des actes ou mesures dénoncés ou à la date à laquelle l’intéressé en prend connaissance ou en ressent les effets ou le préjudice (Dennis et autres c. Royaume-Uni (déc.), no 76573/01, 2 juillet 2002).
92. En matière de conditions de détention concernant plusieurs lieux d’incarcération, la violation alléguée peut s’analyser en une « situation continue » si les caractéristiques principales des périodes de détention examinées sont essentiellement les mêmes. Dans le cas contraire, chaque durée de détention doit être traitée séparément et le grief correspondant à chacune de ces périodes doit être introduit devant la Cour dans un délai de six mois à partir de la date à laquelle celle-ci a pris fin (Toncu c. République de Moldova (déc.), no 26710/08, § 33, 13 novembre 2014, et références citées ; voir également, Ananyev et autres, précité, § 78 et Svinarenko et Slyadnev c. Russie [GC], nos 32541/08 et 43441/08, § 86, CEDH 2014 (extraits)).
93. En l’espèce, le requérant se plaint essentiellement du surpeuplement, de l’insalubrité, de l’absence de chauffage et du manque d’intimité autant à la prison de la PJ de Lisbonne qu’à la prison de Pinheiro da Cruz (paragraphe 95 ci-dessous) où il a purgé la peine à laquelle il avait été condamné par le tribunal de Lisbonne (paragraphe 7 ci-dessus). Or, il ressort du dossier qu’il n’y a pas eu de changement notable dans les conditions de détention du requérant après son transfert à la prison de Pinheiro da Cruz. Aux yeux de la Cour, les faits de l’espèce s’analysent donc en « une situation continue » justifiant un examen de la totalité de la période de détention dont se plaint le requérant (voir Haghilo c. Chypre, no 47920/12, §§ 147-150, 26 mars 2019 et a contrario, Maltabar et Maltabar c. Russie, no 6954/02, § 83, 29 janvier 2009, Ananyev et autres, précité, § 76 et Mitrokhin c. Russie, no 35648/04, § 38, 24 janvier 2012, ), d’autant plus que la période de détention globale concerne une seule et même peine d’emprisonnement (paragraphe 7 ci-dessus). Les griefs du requérant tirés des conditions de sa détention à la prison de la PJ de Lisbonne ne peuvent donc être considérés comme tardifs.
3. Conclusion
94. Constatant, par ailleurs, que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.
C. Sur le fond
1. Thèses des parties
95. Le requérant allègue que les cellules qu’il a occupées tant à la prison de la PJ de Lisbonne qu’à la prison de Pinheiro da Cruz étaient surpeuplées et insalubres, et qu’elles étaient froides en hiver. Il soutient également qu’elles n’étaient pas assez éclairées et que les toilettes n’offraient pas assez d’intimité.
96. Le Gouvernement conteste les allégations du requérant. Il affirme que ce dernier a été détenu durant la plus grande période de sa détention dans des cellules lui offrant un espace personnel supérieur à 4 m². Il soutient en outre que les conditions de détention étaient convenables dans les deux établissements pénitentiaires en cause. Il ajoute que dans ces deux établissements, les détenus passent la plus grande partie de leurs journées en dehors de leurs cellules, la prison de la PJ disposant d’un espace extérieur de 630 m² et celle de Pinheiro da Cruz d’un espace extérieur de 816 m². Citant l’arrêt Muršić, précité, il argue que cet élément compense le manque d’espace personnel subi par le requérant pendant les périodes où celui-ci disposait d’un espace personnel inférieur à 3 m². Le Gouvernement considère en conséquence qu’il n’y a pas eu d’effet cumulé au sens de la jurisprudence de la Cour, et que les conditions de détention du requérant à la prison de la PJ de Lisbonne et à la prison de Pinheiro da Cruz ne peuvent donc être considérées comme inhumaines ou dégradantes.
2. Appréciation de la Cour
a) Rappel des principes
97. La Cour a réitéré les principes pertinents concernant la prohibition de la torture et des traitements inhumains et dégradants et la protection des personnes privées de liberté contre des traitements contraires à l’article 3 de la Convention dans l’arrêt Muršić (précité, §§ 96-100), et plus récemment dans l’arrêt Rezmiveș et autres c. Roumanie (nos 61467/12 et 3 autres, §§ 71‑73, 25 avril 2017).
98. En ce qui concerne les conditions de détention, la Cour prend en compte les effets cumulatifs de celles-ci ainsi que les allégations spécifiques du requérant. En particulier, le temps pendant lequel un individu a été détenu dans les conditions incriminées constitue un facteur important à considérer (Ananyev et autres, précité, § 142, Torreggiani et autres, précité, § 66, Muršić, précité, § 101, et Rezmiveș et autres, précité, § 74).
99. Lorsque le surpeuplement atteint un certain niveau, le manque d’espace dans un établissement peut constituer l’élément central à prendre en compte dans l’appréciation de la conformité d’une situation donnée à l’article 3 (Torreggiani et autres, § 68). En effet, l’exiguïté extrême dans une cellule de prison est un aspect particulièrement important qui doit être pris en compte afin d’établir si les conditions de détention litigieuses étaient « dégradantes » au sens de l’article 3 de la Convention (Muršić, précité, § 104).
100. La Cour a confirmé que l’exigence de 3 m² de surface au sol par détenu (incluant l’espace occupé par les meubles, mais non celui occupé par les sanitaires) dans une cellule collective doit demeurer la norme minimale pertinente aux fins de l’appréciation des conditions de détention au regard de l’article 3 de la Convention (Muršić, précité, §§ 110 et 114). Elle a également précisé qu’un espace personnel inférieur à 3 m² dans une cellule collective fait naître une présomption, forte mais non irréfutable, de violation de cette disposition. La présomption en question peut notamment être réfutée par les effets cumulés des autres aspects des conditions de détention, de nature à compenser de manière adéquate le manque d’espace personnel ; à cet égard, la Cour tient compte de facteurs tels que la durée et l’ampleur de la restriction, le degré de liberté de circulation et l’offre d’activités hors cellule, et le caractère généralement décent ou non des conditions de détention dans l’établissement en question (Muršić, précité, §§ 122-138, et Rezmiveș et autres, précité, § 77).
101. Les autres aspects concernant les conditions matérielles de détention ont été résumés dans l’arrêt Rezmiveș et autres (précité), comme suit :
« 78. En revanche, dans des affaires où le surpeuplement n’était pas important au point de soulever à lui seul un problème sous l’angle de l’article 3, la Cour a noté que d’autres aspects des conditions de détention étaient à prendre en compte dans l’examen du respect de cette disposition. Parmi ces éléments figurent la possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée, l’aération disponible, l’accès à la lumière et à l’air naturels, la qualité du chauffage et le respect des exigences sanitaires de base (voir également les éléments ressortant des règles pénitentiaires européennes adoptées par le Comité des Ministres, citées au paragraphe 43 ci-dessus). Comme la Cour l’a précisé dans son arrêt Muršić (précité, § 139 ; voir également Khlaifia, précité, § 167), lorsqu’un détenu dispose dans la cellule d’un espace personnel compris entre 3 et 4 m², le facteur spatial demeure un élément de poids dans l’appréciation du caractère adéquat ou non des conditions de détention. Aussi, dans pareilles affaires, la Cour a conclu à la violation de l’article 3 dès lors que le manque d’espace s’accompagnait d’autres mauvaises conditions matérielles de détention, telles qu’un manque de ventilation et de lumière (Torreggiani et autres, précité, § 69 ; voir également Moisseiev c. Russie, no 62936/00, §§ 124-127, 9 octobre 2008 ; Vlassov c. Russie, no 78146/01, § 84, 12 juin 2008 ; et Babouchkine c. Russie, no 67253/01, § 44, 18 octobre 2007), un accès limité à la promenade en plein air (István Gábor Kovács c. Hongrie, no 15707/10, § 26, 17 janvier 2012 ; Efremidze c. Grèce, no 33225/08, § 38, 21 juin 2011 ; Yevgeniy Alekseyenko c. Russie, no 41833/04, §§ 88-89, 27 janvier 2011 ; Gladkiy c. Russie, no 3242/03, § 69, 21 décembre 2010 ; Shuvaev c. Grèce, no 8249/07, § 39, 29 octobre 2009 ; et Vafiadis c. Grèce, no 24981/07, § 36, 2 juillet 2009) ou un manque total d’intimité dans les cellules (Szafransky c. Pologne, no 17249/12, §§ 39-41, 15 décembre 2015 ; Veniosov c. Ukraine, no 30634/05, § 36, 15 décembre 2011 ; Mustafayev c. Ukraine, no 36433/05, § 32, 13 octobre 2011 ; Belevitski c. Russie, no 72967/01, §§ 73-79, 1er mars 2007 ; Khoudoyorov c. Russie, no 6847/02, §§ 106-107, CEDH 2005-X (extraits) ; et Novosselov c. Russie, no 66460/01, §§ 32 et 40-43, 2 juin 2005).
79. Concernant les installations sanitaires et l’hygiène, la Cour rappelle que l’accès libre à des toilettes convenables et le maintien de bonnes conditions d’hygiène sont des éléments essentiels d’un environnement humain, et que les détenus doivent jouir d’un accès facile à ce type d’installation, qui doit leur assurer la protection de leur intimité (Ananyev et autres, précité, §§ 156 et 157 ; voir également les éléments ressortant des Règles pénitentiaires européennes adoptées par le Comité des Ministres, citées au paragraphe 43 ci-dessus). À cet égard, la Cour rappelle qu’une annexe sanitaire qui n’est que partiellement isolée par une cloison n’est pas acceptable dans une cellule occupée par plus d’un détenu (Canali c. France, no 40119/09, § 52, 25 avril 2013), qu’elle a déjà conclu à la violation de l’article 3 de la Convention en raison des mauvaises conditions d’hygiène en cellule (Vasilescu c. Belgique, no 64682/, § 103, 25 novembre 2014; Ananyev et autres, précité, §§ 156-159 ; Florea c. Roumanie, no 37186/03, § 59, 14 septembre 2010 ; Modarca c. Moldavie, no 14437/05, §§ 65-69, 10 mai 2007 ; et Kalachnikov, précité, §§ 98-103). Un autre aspect sanctionné par la Cour en matière d’hygiène est la présence de cafards, rats, poux, punaises ou autres parasites. Elle a rappelé que les autorités des centres de détention doivent combattre ce type d’infestation par des moyens efficaces de désinfection, des produits d’entretien, des fumigations et des vérifications régulières des cellules, en particulier la vérification de l’état des draps et des endroits destinés au stockage de la nourriture (Ananyev et autres, précité, § 159). »
b) Application de ces principes au cas d’espèce
i. Prison de la PJ de Lisbonne
102. À titre liminaire, la Cour constate qu’au moment des faits, le Portugal connaissait une situation de surpeuplement carcéral, parfois extrême dans certains établissements pénitentiaires (paragraphe 50 ci-dessus).
103. Le requérant fut détenu à la prison de la PJ de Lisbonne du 9 mars 2012 au 17 octobre 2014, soit deux ans, sept mois, et neuf jours. Il ressort des rapports statistiques de la DGRS que la prison était occupée par 134 détenus en 2012, 122 détenus en 2013 et 140 en 2014. Prévue pour 116 détenus, la prison était donc bien en situation de surpeuplement pendant la période au cours de laquelle le requérant y était détenu (paragraphes 38 et 39 ci-dessus). La raison pour laquelle le requérant a toujours occupé une cellule collective à la prison de la PJ de Lisbonne n’a pas été précisée par les parties. La Cour observe toutefois que l’article 26 du CEP prévoit que les détenus soient détenus en cellule individuelle, sauf en cas de risque physique ou psychologique, pour des raisons de sécurité ou en cas d’insuffisance du nombre de cellules disponibles (paragraphe 26 ci-dessus).
104. En ce qui concerne le requérant, il ressort des informations communiquées par le Gouvernement, non contestées par le requérant, que celui-ci a occupé diverses cellules collectives. L’espace personnel qui lui était alloué dans chacune d’elles (sur ce point, voir les précisions figurant dans l’arrêt Muršić, précité, § 114) est indiqué ci-dessous :
- Du 9 mars 2012 au 13 mars 2012 (4 jours), 2,05 m² ;
- Le 14 mars 2012, 2,3 m² ;
- Du 15 mars 2012 au 12 juillet 2012 (116 jours), 3,7 m² ;
- Du 13 juillet 2012 au 19 août 2012 (36 jours), 4,6 m² ;
- Du 20 août 2012 au 24 juin 2013 (304 jours), 2,3 m² ;
- Du 25 juin 2013 au 2 septembre 2013 (67 jours), 2,78 m² ;
- Du 3 septembre 2013 au 5 février 2014 (153 jours), 3,7 m² ;
- Du 6 févier 2014 au 17 octobre 2014 (250 jours), 3,7 m² (paragraphe 11 ci-dessus).
105. La Cour déduit de ces informations que lors de ses séjours en cellule collective, le requérant a disposé d’un espace personnel inférieur à 3 m² pendant 376 jours non consécutifs, d’un espace personnel compris entre 3 m² et 4 m² pendant 385 jours non consécutifs, et d’un espace personnel supérieur à 4 m² pendant trente-six jours. Eu égard à la jurisprudence de la Cour citée ci-dessus, il convient de se pencher sur ces trois périodes de détention distinctes, à savoir la période au cours de laquelle le requérant disposait d’un espace personnel inférieur à 3 m², celle au cours de laquelle il disposait d’un espace personnel compris entre 3 et 4 m², et celle au cours de laquelle il disposait d’un espace personnel supérieur à 4 m².
α) Période au cours de laquelle le requérant disposait d’un espace personnel inférieur à 3 m²
106. Dans la mesure où le requérant a été détenu pendant 376 jours non consécutifs, soit une longue période, dans différentes cellules collectives offrant un espace personnel inférieur à 3 m², il existe en l’espèce une forte présomption de violation de l’article 3 de la Convention, ne pouvant, en l’espèce, être remise en cause (comparer avec Muršić, précité, § 153, Nikitin et autres, précité §§ 173, 178, 188). La Cour juge donc que le requérant a subi une épreuve d’une intensité excédant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et dès lors constitutive d’un traitement dégradant prohibé par l’article 3 de la Convention.
β) Période au cours de laquelle le requérant disposait d’un espace personnel compris entre 3 et 4 m²
107. En ce qui concerne la période de 385 jours non consécutifs au cours de laquelle le requérant disposait d’un espace personnel compris entre 3 m² et 4 m², la Cour observe d’emblée qu’il s’agit d’une longue période. Il reste à déterminer s’il existait des facteurs propres à compenser le manque d’espace personnel constaté (voir Muršić, précité, § 138).
108. Tout d’abord, le Gouvernement allègue que les détenus de la prison de la PJ de Lisbonne étaient libres de circuler librement et se détendre dans la cour extérieure entre 9 heures et 11 h 45 et entre 14 heures et 17 h 30, soit pendant six heures et quinze minutes (paragraphes 15 et 96 ci-dessus). Certes, ce temps n’est pas négligeable. Cependant, il ressort du rapport rédigé par le CPT à la suite de sa dernière visite au Portugal que la prison de la PJ de Lisbonne ne proposait aucun travail ni aucune activité éducative, sportive ou culturelle, et que les détenus passaient donc leur temps à regarder la télévision, à jouer à des jeux ou à marcher dans la cour (paragraphes 51 et 52 ci-dessus). Cette circonstance est inacceptable en l’espèce étant donné que le requérant a été détenu dans cet établissement pénitentiaire pendant plus de deux ans et sept mois, soit une très longue période.
109. Ensuite, la Cour relève que le Gouvernement ne conteste pas l’absence de chauffage et qu’il estime toujours cette considération dénuée d’importance compte tenu du climat à Lisbonne. La Cour ne partage pas cet avis. Elle considère qu’une température basse peut contribuer à un certain inconfort, voire à une détresse. Il ressort en outre des informations figurant dans les rapports publiés par l’IPMA en 2018 et 2016 que la température moyenne au Portugal a oscillé entre 15 oC et 16 oC entre 2014 et 2016, et qu’elle était de 10,9 oC entre décembre 2015 et février 2016 et de 13,11 oC entre mars et mai 2016 (paragraphes 46 et 47 ci-dessus). Ces relevés montrent que le climat peut parfois être froid.
110. Enfin, en ce qui concerne les installations sanitaires (paragraphe 12 ci-dessus), la Cour rappelle qu’une annexe sanitaire qui n’est que partiellement isolée par une cloison n’est pas acceptable dans une cellule occupée par plus d’un détenu (Canali c. France, no 40119/09, § 103, 25 avril 2013; comparer avec Janusz Wojciechowski c. Pologne, no 54511/11, § 56, 28 juin 2016).
111. Les observations qui précèdent suffisent pour considérer que le requérant a subi des traitements inhumains et dégradants pendant cette période de 385 jours de détention. Ceci dispense la Cour d’examiner les allégations d’insalubrité et de manque de luminosité soulevées par le requérant concernant les cellules de la prison de la PJ de Lisbonne.
γ) Période au cours de laquelle le requérant disposait de plus de 4 m² d’espace personnel
112. Pendant trente-six jours, le requérant a partagé avec un autre détenu une cellule offrant 4,6 m² d’espace personnel. Si cet aspect des conditions matérielles de détention du requérant ne soulève pas de problème, la Cour doit néanmoins se pencher sur les autres normes pertinentes découlant des rapports généraux du CPT pour apprécier le caractère adéquat des conditions de détention de l’intéressé au regard de l’article 3 de la Convention (Muršić, précité, § 140). La Cour observe à nouveau que les installations sanitaires de cette cellule n’étaient que partiellement séparées du reste de la pièce par une cloison à hauteur d’homme (paragraphe 17 ci-dessus), ce qui, comme indiqué précédemment (paragraphe 110 ci-dessus), est inacceptable. Cet élément à lui seul est suffisant pour conclure que, même s’il disposait d’un espace personnel supérieur à 4 m² pendant ces trente-six jours, le requérant a subi des traitements inhumains et dégradants contraires à l’article 3 de la Convention.
ii. Conditions de détention à la prison de Pinheiro da Cruz
113. La Cour relève que le requérant a été transféré à la prison de Pinheiro da Cruz le 17 octobre 20014 et qu’il y est resté jusqu’à sa libération le 19 décembre 2016, soit deux ans, deux mois et six jours.
114. Pendant cette période, il n’apparaît pas que la prison ait été surpeuplée (paragraphes 40 et 41 ci-dessus).
En ce qui concerne le requérant, la Cour constate que pendant une période de dix-huit jours ‑ du 17 octobre 2014 au 5 novembre 2014 ‑, il a partagé avec un autre détenu une cellule offrant un espace personnel de 1,79 m².
Il a passé le reste de son séjour, soit plus d’un an, dans une cellule individuelle de 3,58 m² (paragraphe 16 ci-dessus). Cette période ne soulevant aux yeux de la Cour aucun problème au regard de l’article 3 de la Convention étant donné qu’il s’agissait d’une cellule individuelle, il convient d’examiner uniquement la première période de détention à la prison de Pinheiro da Cruz.
115. Ainsi que la Cour vient de le relever, le requérant a passé dix-huit jours dans une cellule dans laquelle il disposait d’un espace personnel de 1,79 m². Aucun des facteurs invoqués par le Gouvernement (paragraphes 20, 21, 22 et 23 ci-dessus) ne saurait compenser l’exiguïté de cet espace personnel, d’autant que les installations sanitaires n’étaient, à nouveau, que partiellement séparées du reste de la pièce par une cloison à hauteur d’homme (paragraphe 17 ci-dessus). La Cour ne peut qu’en déduire que lors de son séjour à l’établissement pénitentiaire de Pinheiro da Cruz, le requérant a été victime pendant la période comprise entre le 17 octobre 2014 et le 5 novembre 2014 d’un traitement dégradant et inhumain contraire à l’article 3 de la Convention.
iii. Conclusion
116. Au vu des constations qui précèdent, la Cour conclut, en ce qui concerne le séjour du requérant à la prison de la PJ de Lisbonne, qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention pendant la période de 376 jours, non consécutifs, au cours de laquelle l’intéressé disposait d’un espace personnel inférieur à 3 m² (paragraphe 106 ci-dessus), pendant la période de 385 jours, non consécutifs, au cours de laquelle il disposait d’un espace personnel compris entre 3 et 4 m² (paragraphe 111 ci-dessus) et pendant la période de trente-six jours (entre le 13 juillet 2012 et le 19 août 2012) au cours de laquelle il disposait d’un espace personnel supérieur à 4 m² (paragraphe 112 ci-dessus) et, en ce qui concerne son séjour de la prison de Pinheiro da Cruz, pendant la période de dix-huit jours (entre le 17 octobre 2014 et le 5 novembre 2014) au cours de laquelle il était détenu en cellule collective et disposait d’un espace personnel inférieur à 3 m² (paragraphe 115 ci-dessus).
117. Dans ce contexte, la Cour recommande à l’État défendeur d’envisager l’adoption de mesures générales. D’une part, des mesures devraient être prises afin de garantir aux détenus des conditions de détention conformes à l’article 3 de la Convention. D’autre part, un recours devrait être ouvert aux détenus aux fins d’empêcher la continuation d’une violation alléguée ou de permettre à l’intéressé d’obtenir une amélioration de ses conditions de détention (voir, à ce propos, Torreggiani et autres, précité, § 50 et Vasilescu, précité, § 128).
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
118. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
119. Le requérant réclame 15 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il estime avoir subi.
120. Le Gouvernement juge le montant réclamé excessif.
121. La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant le montant qu’il réclame, soit 15 000 EUR au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
122. Le requérant n’a pas réclamé de sommes au titre des frais et dépens. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
C. Intérêts moratoires
123. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Rejette la demande de radiation de la requête du rôle sur le fondement du règlement amiable auquel sont parvenues les parties ;
2. Déclare la requête recevable ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention pendant la période de 376 jours non consécutifs au cours de laquelle, à la prison de la PJ de Lisbonne, le requérant disposait d’un espace personnel inférieur à 3 m² ;
4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention pendant la période de 385 jours non consécutifs au cours de laquelle, à la prison de la PJ de Lisbonne, le requérant disposait d’un espace personnel compris entre 3 et 4 m² ;
5. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention pendant la période de trente-six jours (entre le 13 juillet 2012 et le 19 août 2012) au cours de laquelle, à la prison de la PJ de Lisbonne, le requérant disposait d’un espace personnel supérieur à 4 m² ;
6. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention pendant la période de dix-huit jours (entre le 17 octobre 2014 et le 5 novembre 2014) au cours de laquelle, à la prison de Pinheiro da Cruz, le requérant disposait d’un espace personnel inférieur à 3 m² ;
7. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 15 000 EUR (quinze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
8. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 décembre 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Stephen Phillips Paul Lemmens
Greffier Président
[1]. Relatório de atividades e autoavaliação, Direção Geral de Reinserção e Serviços Prisionais, p. 46-48, 2018.
[2]. En vertu de la résolution no 32/2013 adoptée par le Conseil des Ministres le 20 mai 2013, le Médiateur (Provedor de Justiça) a été désigné comme mécanisme national de prévention en application de l’article 17 du Protocole facultatif de 2002 se rapportant à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signé par le Portugal le 15 février 2006 et entré en vigueur le 14 février 2013. Sa mission consiste à surveiller, par des visites régulières, les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté afin de prévenir toute forme de torture ou de traitements inhumains ou dégradants.
[3]. Relatório à Assembleia da República, Mecanismo Nacional de Prevenção, Provedor de Justiça, p. 25, 2018.
[4]. Ibidem, p. 28.
[5]. https://dgrsp.justica.gov.pt/Portals/16/Est%C3%A1tisticas/%C3%81rea%20Prisional/Anuais/2018/quadro_03.pdf?ver=2019-05-21-094610-783
[6]. https://dgrsp.justica.gov.pt/Portals/16/Est%C3%A1tisticas/%C3%81rea%20Prisional/Anuais/2012/20130313020339LotRecExistentes.pdf?ver=2018-12-14-144420-957
[7]. https://dgrsp.justica.gov.pt/Portals/16/Est%C3%A1tisticas/%C3%81rea%20Prisional/Anuais/2013/20140529040500LotRecExist-31dez.pdf?ver=2018-12-14-144201-857
[8]. https://dgrsp.justica.gov.pt/Portals/16/Est%C3%A1tisticas/%C3%81rea%20Prisional/Anuais/2014/2015032304034903EST-PRIS2014_lotac_reclus.pdf?ver=2018-12-14-104809-133
[9]. https://dgrsp.justica.gov.pt/Portals/16/Est%C3%A1tisticas/%C3%81rea%20Prisional/Anuais/2018/quadro_03.pdf?ver=2019-05-21-094610-783
[10]. https://dgrsp.justica.gov.pt/Portals/16/Est%C3%A1tisticas/%C3%81rea%20Prisional/Anuais/2014/2015032304034903EST-PRIS2014_lotac_reclus.pdf?ver=2018-12-14-104809-133
[11]. https://dgrsp.justica.gov.pt/Portals/16/Est%C3%A1tisticas/%C3%81rea%20Prisional/Anuais/2015/2016060210060903lot_recl-31122015.pdf?ver=2018-12-14-100403-303