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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> TISSET v. FRANCE - 53464/11 (Judgment : Right to a fair trial : Fifth Section Committee) French Text [2019] ECHR 885 (05 December 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2019/885.html Cite as: ECLI:CE:ECHR:2019:1205JUD005346411, CE:ECHR:2019:1205JUD005346411, [2019] ECHR 885 |
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CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE TISSET c. FRANCE
(Requête no 53464/11)
ARRÊT
STRASBOURG
5 décembre 2019
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Tisset c. France,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en un comité composé de :
Mārtiņš Mits, président,
André Potocki,
Lәtif Hüseynov, juges,
et de Milan Blaško, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 novembre 2019,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 53464/11) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet État, M. Jean‑Christian Tisset (« le requérant »), a saisi la Cour le 25 août 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me P. Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
3. Le 14 janvier 2015, la requête, qui concerne les griefs tirés de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention, s’agissant du défaut de notification de son droit au silence et l’absence, dès le début de la mesure de garde à vue et durant chacun des interrogatoires, d’assistance effective d’un avocat, a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
4. Le requérant est né en 1971 et réside à Marseille.
5. Le 13 octobre 2008, une information judiciaire fut ouverte pour infraction à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs.
6. Le 19 octobre 2009, le requérant fut interpellé dans le cadre d’une enquête ouverte pour des faits de trafic de stupéfiants et placé en garde à vue le même jour à 16 h 5. Dans un premier temps, il déclara consommer des produits stupéfiants mais ne pas en vendre. Par la suite, il reconnut un certain nombre de faits d’acquisition et de revente de cocaïne. Il expliqua alors avoir agi de manière occasionnelle, pour « dépanner » des connaissances. Il admit avoir vendu des produits stupéfiants à une dizaine de personnes et avoir également servi d’intermédiaire en mettant ces personnes en relation avec un fournisseur. La garde à vue prit fin le 22 octobre 2009, à 9 heures. S’agissant d’une garde à vue en matière de trafic de stupéfiants, l’entretien avec un avocat, d’une durée de trente minutes, ne pouvait légalement intervenir qu’à partir de la soixante‑douzième heure, en cas de prolongation. Le requérant demanda vainement à bénéficier de cet entretien. Il fut placé en détention provisoire le jour même.
7. Le 5 février 2010, le requérant fut mis en examen des chefs d’acquisition, détention, transport, offre, cession de produits stupéfiants, ainsi que d’association de malfaiteurs en vue de commettre des délits punis de dix ans d’emprisonnement. Le même jour, il saisit la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence d’une requête aux fins d’annulation des procès-verbaux d’audition de garde à vue et des actes subséquents, notamment sa mise en examen et sa mise en détention. Il dénonça le fait que la garde à vue s’était déroulée en violation de son droit à l’assistance effective d’un avocat et de son droit de se taire résultant de la jurisprudence de la Cour, ainsi que le report de l’entretien avec un avocat à la soixante-douzième heure de la garde à vue.
8. Par une ordonnance du 11 mars 2010, le juge d’instruction le renvoya devant le tribunal correctionnel de Marseille.
9. Le 1er avril 2010, la chambre de l’instruction rejeta la requête en nullité, estimant qu’en application des principes généraux et de l’article 46 alinéa 1er de la Convention, le juge national n’est lié que par le seul texte de la Convention et par les décisions de la Cour ayant statué dans un litige auquel est partie l’État dont il dépend. Par ailleurs, elle jugea le report de l’intervention de l’avocat conforme à l’article 6 § 3 de la Convention.
10. Le 2 avril 2010, le requérant forma un pourvoi en cassation. Par ailleurs, le 17 mai 2010, il déposa une question prioritaire de constitutionnalité, soulevant la non-conformité à la Constitution des dispositions légales permettant l’audition d’une personne gardée à vue sans l’assistance d’un avocat et sans notification du droit au silence. Le 9 juillet 2010, la Cour de cassation transmit la question au Conseil constitutionnel. Ce dernier se prononça le 6 août 2010, en renvoyant notamment à sa précédente décision du 30 juillet 2010, par laquelle il avait déclaré certains articles du code de procédure pénale non conformes à la Constitution et donné un délai au législateur pour modifier la loi.
11. Par un arrêt du 19 octobre 2010, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta le pourvoi en ces termes :
« Attendu qu’en se prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu le texte conventionnel (...) d’où il résulte que, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce, et non à la seule nature du crime ou du délit reproché, toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée du droit de se taire et bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat.
Attendu que, toutefois, l’arrêt n’encourt pas la censure, dès lors que ces règles de procédure ne peuvent s’appliquer immédiatement à la garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en œuvre, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice.
Que ces règles prendront effet lors de l’entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue ou, au plus tard, le 1er juillet 2011. »
12. Le 13 janvier 2011, le requérant fut condamné à cinq années d’emprisonnement par le tribunal correctionnel de Marseille. Dans sa motivation, le tribunal nota que le requérant avait reconnu les faits, bien qu’il les minimisait en indiquant s’être borné à faire l’intermédiaire entre les acheteurs et les vendeurs. Il se fonda par ailleurs sur les éléments suivants : le résultat d’écoutes téléphoniques concernant des conversations du requérant avec un vendeur de stupéfiants et des acheteurs ; les déclarations d’un vendeur de cocaïne désignant le requérant comme l’un de ses fournisseurs, propos confirmés par un tiers ; les déclarations de sept clients du requérant. Ce dernier interjeta appel.
13. Le 17 juin 2011, la cour d’appel d’Aix-en-Provence confirma ce jugement. Dans son arrêt, elle consacra la majeure partie du rappel des éléments de preuve aux déclarations faites par le requérant au cours de la garde à vue, avant de brièvement noter qu’il avait maintenu ses déclarations devant le juge d’instruction, puis reconnu une part de responsabilité devant le tribunal correctionnel. Le requérant ne se pourvut pas en cassation.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 §§ 1 et 3 c) DE LA CONVENTION
14. Le requérant se plaint du non-respect de son droit à l’assistance d’un avocat, du non-respect de son droit de garder le silence durant sa garde à vue et du refus de la Cour de cassation de tirer les conséquences de son constat de violation de la Convention. Il invoque les articles 1er, 6 et 13 de la Convention. La Cour, maîtresse de la qualification juridique des faits, juge approprié d’examiner ce grief uniquement sous l’angle de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention, lequel est ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)
3. Tout accusé a droit notamment à :
(...)
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
(...) »
15. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
16. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
17. Le requérant souligne le fait que non seulement, en application des dispositions légales en vigueur, il ne s’est pas vu notifier son droit de garder le silence et n’a pas pu bénéficier d’un avocat, mais qu’en outre la chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé d’annuler les procès-verbaux de garde à vue après avoir pourtant jugé que ses droits tirés de la Convention avait été méconnus.
18. Le Gouvernement ne conteste pas, d’une part, que le requérant a été placé en garde à vue sans que lui ait été notifié son droit au silence et, d’autre part, qu’il n’a pas bénéficié de l’assistance effective d’un avocat pendant ses interrogatoires de garde à vue. Il relève que le requérant n’a pas pu s’entretenir avec un avocat, dès lors que cette intervention était reportée à l’issue de la soixante-douzième heure, conformément au droit alors en vigueur en matière de trafic de stupéfiants, et que la garde à vue a finalement duré moins longtemps.
19. Il estime que le droit français présentait d’autres garanties procédurales : le requérant a fait prévenir son père, il aurait pu être examiné par un médecin, ce qu’il a refusé, et sa garde à vue s’est déroulée sous le contrôle du procureur de la République. Il considère en outre que le requérant a pu contester la valeur probante des pièces de la procédure devant les juridictions du fond et que la cour d’appel a repris les motifs retenus par le tribunal correctionnel pour le condamner. Tout en rappelant que le requérant avait reconnu les faits, même en les minimisant, devant le tribunal correctionnel, il indique que cette juridiction s’est fondée sur des écoutes téléphoniques et sur des déclarations du fournisseur et de clients du requérant, sans aucunement prendre en compte les déclarations faites par le requérant durant sa garde à vue.
20. Concernant le fait que la chambre criminelle Cour de cassation ait constaté une violation de l’article 6 sans vouloir en tirer les conséquences pour le requérant, le Gouvernement estime qu’elle disposait d’un tel pouvoir de modulation dans le temps et qu’en tout état de cause l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a mis un terme à cette modulation par ses arrêts du 15 avril 2011.
2. Appréciation de la Cour
21. La Cour renvoie aux principes généraux maintes fois réaffirmés par elle (Salduz c. Turquie [GC], no 36391/02, §§ 56 et 61-62, CEDH 2008, Ibrahim et autres c. Royaume-Uni [GC], nos 50541/08, 50571/08, 50573/08 et 40351/09, 13 septembre 2016, et Simeonovi c. Bulgarie [GC], no 21980/04, 12 mai 2017 (extraits)), et rappelés récemment dans l’affaire Beuze c. Belgique ([GC], no 71409/10, §§ 119 et s., 9 novembre 2018), ainsi que dans les arrêts Olivieri c. France (no 62313/12, 11 juillet 2019) et Bloise c. France (no 30828/13, 11 juillet 2019).
22. En l’espèce, la Cour note tout d’abord que le requérant n’a bénéficié ni de l’assistance d’un avocat pendant les interrogatoires ni de la notification du droit au silence. Il n’a pas davantage pu bénéficier d’un simple entretien avec un avocat, d’une durée légale de trente minutes, la loi applicable à l’époque des faits ne le prévoyant, en matière de trafic de stupéfiant, qu’à partir de la soixante-douzième heure, en cas de prolongation et sa garde à vue n’ayant pas atteint cette durée. Le Gouvernement le reconnaît.
23. Elle relève ensuite qu’aucune raison impérieuse ne justifiait les restrictions susmentionnées en l’espèce (Olivieri, précité, § 32, et Bloise, précité, § 51).
24. La Cour doit dès lors évaluer l’équité de la procédure en opérant un contrôle très strict et ce, à plus forte raison, dans le cas de restrictions d’origine législative ayant une portée générale et obligatoire (Olivieri, précité, § 33, et Bloise, précité, § 52).
25. Examinant, dans la mesure où ils sont pertinents en l’espèce, les différents facteurs découlant de sa jurisprudence tels qu’ils ressortent des arrêts Ibrahim et autres, Simeonovi et Beuze (précités, respectivement §§ 274, 120 et 150), la Cour note en premier lieu l’absence tant de vulnérabilité particulière du requérant que de coercition exercée sur lui durant la garde à vue. Elle estime ensuite que des considérations d’intérêt public justifiaient la poursuite du requérant, celle-ci ayant pour objet des faits de trafic de stupéfiants.
26. En outre, la Cour constate que le requérant, assisté cette fois d’un avocat, a pu faire valoir ses arguments devant les juridictions du fond, notamment pour discuter des différents éléments de preuve, en première instance comme en appel, dans le cadre du recours qui lui était ouvert et qu’il a pu exercer.
27. Elle relève cependant que l’exception de nullité soulevée par le requérant, sur le fondement de l’article 6 de la Convention, en raison du défaut de notification du droit au silence et d’assistance d’un avocat durant sa garde à vue, a été rejetée par la chambre de l’instruction le 1er avril 2010, au motif que le juge national n’était lié que par le texte de la Convention et par les seuls arrêts de la Cour concernant la France. Elle note cependant que la chambre criminelle de la Cour de cassation a ensuite jugé, le 19 octobre 2010, que la chambre de l’instruction avait méconnu la Convention en se prononçant ainsi. Toutefois, la Cour note, avec le requérant, que la chambre criminelle n’a pas tiré les conséquences de son constat de violation des dispositions de la Convention, et ce au regard notamment de l’article 1er de la Convention, qui prévoit que « les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la (...) Convention ». Or, la Cour rappelle que des dispositions légales susceptibles d’être invoquées par le Gouvernement et prévoyant in abstracto certaines garanties qui auraient pu assurer, à elles seules, l’équité globale de la procédure, ne suffisent pas : la Cour doit examiner si l’application de ces dispositions légales au cas d’espèce a eu concrètement un effet compensatoire rendant la procédure équitable dans son ensemble (Beuze, précité, § 161), en particulier si les juridictions internes ont procédé à l’analyse nécessaire de l’incidence de l’absence d’un avocat à un moment crucial de la procédure (ibidem, §§ 174 et 176, et Olivieri, précité, § 36). Tel n’a pas été le cas en l’espèce, faute pour la chambre criminelle de la Cour de cassation d’avoir tiré les conséquences concrètes de son propre constat. La Cour constate en outre que les arrêts de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 15 avril 2011 ont certes mis fin à cette situation, comme le souligne le Gouvernement, mais que cela est resté sans effet sur la situation du requérant.
28. S’agissant du droit du requérant de ne pas s’incriminer lui‑même et de l’utilisation des différents éléments de preuve du dossier, la Cour relève l’existence de déclarations et de réponses faites aux enquêteurs qui ont manifestement affecté sa position de manière substantielle dans la procédure. Tout d’abord, le requérant a été interrogé par la police durant deux jours et presque 17 heures au cours d’une garde à vue. Durant cette période, même s’il a tenté de minimiser l’ampleur de sa responsabilité, le requérant a reconnu un certain nombre de faits d’acquisition et de revente de cocaïne, admettant avoir vendu des produits stupéfiants à une dizaine de personnes et avoir également servi d’intermédiaire en mettant ces personnes en relation avec un fournisseur (paragraphe 6 ci-dessus). Ensuite, la Cour note que, dans son arrêt, la cour d’appel ne s’est pas simplement référée au jugement du tribunal correctionnel, lequel s’était en tout état de cause expressément référé aux déclarations du requérant durant la garde à vue (paragraphe 12 ci-dessus), mais a au contraire motivé sa décision en consacrant la majeure partie du rappel des éléments de preuve aux déclarations faites par le requérant au cours de la garde à vue, ne consacrant ensuite que quelques lignes pour noter que le requérant avait maintenu ses déclarations devant le juge d’instruction, puis reconnu une part de responsabilité devant le tribunal correctionnel (paragraphe 13 ci-dessus). La Cour ne peut dès lors que constater que les déclarations litigieuses faites par le requérant en garde à vue ont manifestement affecté sa position de manière substantielle dans la procédure (Beuze, précité, §§ 178-179, et Olivieri, précité, § 37) et qu’elles constituaient à l’évidence une partie intégrante et importante des preuves sur lesquelles reposait sa condamnation (Beuze, précité, § 193, et, a contrario, Bloise, précité, § 58).
29. En conséquence, rappelant qu’en l’absence de raisons impérieuses justifiant les restrictions constatées, elle est appelée à opérer un contrôle très strict, la Cour considère que ces éléments doivent peser lourdement dans son appréciation de l’équité de la procédure dans son ensemble (Beuze, précité, §§ 178-179). Il en va d’autant plus ainsi en l’espèce que le requérant a été privé à la fois du droit de bénéficier de la présence physique de son avocat durant les interrogatoires menés par la police et de la notification de son droit à garder le silence, ce qui rend encore plus difficile, pour le Gouvernement, de démontrer que le procès a été équitable (Ibrahim et autres, précité, § 273, Beuze, précité, § 146, et Olivieri, précité, § 38).
30. Enfin, s’agissant de l’existence éventuelle d’autres garanties procédurales, la Cour estime que les mesures évoquées à ce titre par le Gouvernement, à savoir le fait que le requérant ait pu faire prévenir son père et qu’il aurait pu se faire examiner par un médecin s’il l’avait souhaité, ne sont pas, malgré leur importance, de nature à compenser l’absence d’assistance d’un avocat et le défaut de notification du droit de garder le silence durant la garde à vue (Olivieri, précité, § 39).
31. Compte tenu de ce qui précède et du contrôle auquel elle doit procéder en l’absence de raisons impérieuses, la Cour estime que la procédure pénale menée à l’égard du requérant, considérée dans son ensemble, n’a pas permis de remédier aux lacunes procédurales survenues durant la garde à vue.
32. Partant, il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
33. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
34. Le requérant réclame 5 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il estime avoir subi.
35. Le Gouvernement considère que la demande concernant le préjudice matériel doit être rejetée et qu’un constat de violation constituerait, en soi, une satisfaction équitable suffisante au titre du préjudice moral subi par le requérant.
36. Ainsi que la Cour l’a fait valoir à maintes reprises, le constat d’une violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention à l’égard du requérant ne permet pas de conclure que celui-ci a été condamné à tort, et il est impossible de spéculer sur ce qui aurait pu se produire si cette violation n’avait pas existé (Beuze, précité, § 199). Dans les circonstances de l’espèce, la Cour estime qu’une constatation de violation suffit et elle rejette dès lors la demande du requérant (Olivieri, précité, § 45).
B. Frais et dépens
37. Le requérant demande également 5 980 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.
38. Le Gouvernement indique qu’il pourra être fait droit à la demande du requérant.
39. Compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 5 980 EUR tous frais confondus et l’accorde au requérant.
C. Intérêts moratoires
40. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention ;
3. Dit que le constat d’une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant ;
4. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, la somme de 5 980 EUR (cinq mille neuf cent quatre-vingts euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 décembre 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Milan Blaško Mārtiņš
Mits
Greffier adjoint President