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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> MICHALAKIS v. GREECE - 8744/14 (Judgment : Right to a fair trial : First Section Committee) French Text [2020] ECHR 404 (04 June 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2020/404.html Cite as: [2020] ECHR 404, CE:ECHR:2020:0604JUD000874414, ECLI:CE:ECHR:2020:0604JUD000874414 |
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PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE MICHALAKIS c. GRÈCE
(Requête no 8744/14)
ARRÊT
STRASBOURG
4 juin 2020
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Michalakis c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :
Aleš Pejchal, président,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Jovan Ilievski, juges,
et de Renata Degener, greffière adjointe de section,
la requête (no 8744/14) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet État, M. Argyrios Michalakis (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 7 janvier 2014,
la décision de porter à la connaissance du gouvernement grec (« le Gouvernement ») la requête
les observations des parties,
la décision par laquelle la Cour a rejeté l’opposition du Gouvernement à l’examen de la requête par un comité,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 avril 2020,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. L’affaire concerne le refus de l’administration de se conformer à un arrêt de la Cour des comptes qui reconnaissait que le requérant avait un droit à percevoir un supplément de sa pension de retraite pour certaines périodes (article 6 § 1 de la Convention).
2. Le requérant est né en 1947 et réside à Salamina. Il est représenté par Me N. Anagnostopoulos, avocat.
3. Le Gouvernement est représenté par le délégué de son agent, M. K. Georgiadis, assesseur au Conseil juridique de l’État.
4. Le requérant est un officier de l’armée de terre à la retraite. Par une décision no 14467/1996, la Comptabilité générale de l’État fixa le montant de sa pension de retraite.
5. Le 16 juin 2005, le requérant demanda à la Comptabilité générale de l’État de réajuster le montant de la pension conformément aux dispositions des lois no 2838/2000 et no 3016/2002 et cela à compter de l’entrée en vigueur de ces lois. Par une décision no 62029 du 3 novembre 2005, la Comptabilité générale de l’État rejeta la demande au motif que le réajustement ne pouvait avoir lieu, dans des cas comme celui du requérant, qu’à compter du 1er octobre 2005.
6. Le 14 décembre 2005, le requérant saisit la Cour des comptes d’un recours en annulation de la décision précitée.
7. Le 29 juin 2012, la Cour des comptes accueillit le recours, annula la décision attaquée et renvoya l’affaire à la Comptabilité générale de l’État afin que celle-ci procède au réajustement de la pension du requérant. La Cour des comptes considéra que la prétention du requérant n’était pas satisfaite car la différence entre le montant que celui-ci recevait et le montant réajusté par la décision no 62029 n’était pas versée de manière rétroactive à compter de l’entrée en vigueur de la loi no 2838/2000 mais seulement à compter du 1er octobre 2005. La Cour des comptes considéra aussi que les lois no 2838/2000 et no 3016/2002 devaient s’appliquer dans le cas du requérant dès la date de leur entrée en vigueur (arrêt no 2387/2012).
8. Le 1er mars 2012, le requérant saisit la Cour des comptes d’une action en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil. Il réclamait 37 430,85 euros, somme correspondant à la différence entre le montant de la pension effectivement versée et celui qui aurait dû lui être versé pour la période du 1er juillet 2000 au 31 décembre 2007 si la Comptabilité générale de l’État avait réajusté la pension conformément à l’arrêt no 2387/2012.
9. Le 29 juin 2013, la Comptabilité générale de l’État prit une décision rectificative (no 25166) concernant la pension du requérant mais qui n’entrainait aucune modification du montant de la pension reçu selon les considérants de l’arrêt no 2387/2012. Elle réajusta la pension à compter seulement du 1er juin 2010.
10. Le 27 septembre 2013, le requérant saisit le comité de trois membres de la Cour des comptes chargé de surveiller l’exécution des arrêts de celle-ci (« le comité de trois membres »). Il se plaignait que l’administration ne s’était pas conformée à l’arrêt no 2387/2012 de la Cour des comptes car les conséquences négatives de la décision no 62029 du 3 novembre 2005 n’était que partiellement remédiées : seulement à compter du 1er juin 2010.
11. Le 20 décembre 2013, le comité de trois membres rejeta le recours du requérant. Il releva que l’arrêt de la Cour des comptes n’avait pas fixé le montant de la pension qui devait être réajusté ni le point de départ de de la période à partir duquel la pension réajustée devait être versée. Il releva aussi que l’arrêt avait seulement déterminé le régime juridique qui devait s’appliquer à l’affaire du requérant et avait renvoyé celle-ci à l’administration afin qu’elle décide sur la base du dossier. Par conséquent, selon le comité de trois membres, il n’y avait pas eu refus de la Comptabilité générale de l’État de se conformer à l’arrêt no 2387/2012.
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
12. Pour le cadre juridique et la pratique internes pertinents se référer aux arrêts Vasilopoulos c. Grèce (no 18106/12, 21 avril 2020) et Di.M. c. Grèce (no 5710/12, 21 avril 2020).
13. Plus particulièrement, l’article 60 § 1 du code des retraites civiles et militaires dispose ce qui suit :
« Il n’est en aucun cas permis de reconnaître rétroactivement, au détriment de la recette publique, des créances résultant des retraites pour une période supérieure à trois ans à compter du premier jour du mois au cours duquel est pris l’acte ou la décision relative à cette retraite. »
Selon la jurisprudence constante de la Cour des comptes à l’époque des faits relative à cet article, lorsqu’un arrêt de celle-ci ne précisait ni le contenu du droit d’un retraité au réajustement de sa pension ni le point de départ des effets dans le temps de ce droit, et se limitait à constater l’illégalité du refus de l’administration de se prononcer sur une demande de réajustement, les effets économiques d’une décision de l’administration procédant par la suite à un certain réajustement ne pouvaient pas remonter rétroactivement à une période supérieure à trois ans à compter du premier jour du mois au cours duquel cette décision avait été prise. Cette même jurisprudence admettait que cette limitation temporelle n’était pas contraire à l’article 20 § 1 de la Constitution (droit d’accès à un tribunal) car l’article 60 § 1 précité n’empêchait pas le retraité de demander des dommages-intérêts sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement d code civil.
14. En outre, par son arrêt no 887/2016, la Cour des comptes, siégeant en formation plénière, a posé les principes généraux en la matière qui devaient régir les affaires comme celle du requérant.
La Cour des comptes a affirmé que la protection judiciaire était dépourvue d’efficacité et le droit d’accès à un tribunal, garanti par l’article 20 de la Constitution et l’article 6 de la Convention, était disproportionnellement limité, dans la mesure où le respect du droit de l’intéressé consistant en l’ajustement du montant de sa pension, lorsque après renvoi de l’affaire à l’administration pour que celle-ci se conforme à décision judiciaire favorable à l’intéressé, celle-ci prenait une décision n’ayant pas ou ayant peu de vraies conséquences pour l’intéressé.
La Cour des comptes a souligné qu’une protection judiciaire insuffisante n’était pas compensée par la possibilité offerte au retraité de réclamer, sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, une indemnité pour le dommage causé par l’absence d’augmentation de sa pension pour la période antérieure aux trois ans. Selon la Cour des comptes, cela s’expliquait par le fait que la personne qui avait introduit une action de nature à remédier, directement ou indirectement, à la situation litigieuse n’était pas obligée d’épuiser d’autres voies de recours, et de perdre ainsi du temps et d’argent, pour réclamer des sommes qui correspondaient au réajustement de sa pension et alors que cela aurait pu être réglé dans la même procédure (référence aux arrêts Manoussakis et autres c. Grèce, arrêt du 26 septembre 1996, § 33, Rapports 1996-IV, Reveliotis c. Grèce, no 48775/06, § 37, 4 décembre 2008, et Kostadimas et autres c. Grèce, no 20299/09 et 27307/09, § 25, 26 juin 2012).
I. SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION ET DE l’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 A LA CONVENTION
15. Le requérant se plaint du refus de la Comptabilité générale de l’État de se conformer à l’arrêt no 2387/2012 de la Cour des comptes et de l’impossibilité dans laquelle il dit s’être trouvé de percevoir le complément de sa pension de retraite, complément qui serait résulté du calcul de celle-ci selon les considérants de cet arrêt. Il allègue des violations de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1, qui sont ainsi libellés en leurs parties pertinentes en l’espèce :
Article 6 § 1de la Convention
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
Article 1 du Protocole no 1 à la Convention
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
A. Sur la recevabilité
16. En premier lieu, le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête pour non-épuisement des voies de recours internes : le requérant n’a pas introduit un recours contre la décision rectificative no 25166 de la Comptabilité générale de l’État (ce qui aurait été une voie de recours efficace contrairement à la saisine du comité de trois membres). Le Gouvernement souligne que c’est cette voie de recours qui aurait été la plus appropriée en l’espèce et non la saisine du comité de trois membres car il était certain que celui-ci allait rejeter la demande du requérant sur la base de la jurisprudence constante jusqu’à lors de la Cour des comptes (paragraphe 13 ci-dessus). En deuxième lieu, le Gouvernement soutient que la requête est prématurée dans la mesure où l’action en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil que le requérant a introduit le 1er mars 2012 est encore pendante.
17. Se prévalant de l’arrêt no 887/2016 de la Cour des comptes siégeant en formation plénière (paragraphe 12 ci-dessus), le requérant soutient qu’il n’y aucune logique à saisir deux fois la même juridiction, à savoir la Cour des comptes, pour obtenir gain de cause en ce qui concerne une seule et même prétention concernant le montant de sa pension de retraite, ce qui a été fait déjà par un arrêt de la Cour des comptes ayant autorité de force jugée. À cela s’ajoute le fait que les procédures devant cette juridiction sont extrêmement longues, pouvant même durer pendant 10 ans, ce qui est d’ailleurs démontré dans son propre cas : alors qu’il a introduit son recours le 14 décembre 2005, la Cour des comptes n’a rendu son arrêt que le 29 juin 2012.
18. La Cour rappelle que celui qui a exercé un recours de nature à remédier directement à la situation litigieuse ‑ et non de façon détournée ‑ n’est pas tenu d’en engager d’autres qui lui eussent été ouverts, mais dont l’efficacité eût été improbable (Manoussakis et autres, précité, § 33,).
19. En l’occurrence, elle constate que le requérant a exercé des recours contestant le calcul de sa pension tant devant les autorités administratives que devant la Cour des comptes et a obtenu une décision définitive, à savoir l’arrêt no 2387/2012. Cet arrêt a confirmé le droit du requérant à une pension plus élevée, mais n’a pas fixé le montant de celle-ci. La Cour des comptes a renvoyé l’affaire à la Comptabilité générale de l’État qui devait fixer le nouveau montant en tenant compte, comme cela ressortait des termes de l’arrêt, de la période remontant à l’entrée en vigueur des lois no 2838/2000 et no 3016/2002. Toutefois, la Comptabilité générale de l’Erat a pris une décision qui n’entrainait aucune augmentation de la pension du requérant selon les termes de l’arrêt no 2387/2012.
20. Dès lors, la Cour estime que le requérant ne saurait se voir imposer l’obligation de saisir à nouveau la Cour des comptes et de perdre du temps et de l’argent afin de réclamer des sommes correspondant aux montants réajustés de sa pension, alors que la Cour des comptes s’est déjà vu offrir l’occasion de porter directement remède à la situation litigieuse (Di.M., précité, § 33).
21. Ceci est d’autant plus vrai, en ce qui concerne le recours prévu par l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, mentionné par le Gouvernement, que le requérant a d’ailleurs tenté par son recours introduit le 1er mars 2012 et qui est depuis cette date pendant devant la Cour des comptes. En tout état de cause, le Gouvernement n’a produit aucun exemple jurisprudentiel où les intéressés auraient reçu une indemnisation à ce titre fondée sur l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil (ibid. § 33 et jurisprudence citée).
22. Compte tenu de ce qui précède, force est à la Cour de rejeter l’exception de non-épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement.
23. En conclusion, constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.
24. Le requérant soutient d’abord, de manière générale, que la Comptabilité générale de l’État a adopté une pratique qui consiste à ne pas se conformer aux arrêts définitifs de la Cour des comptes et à épuiser ainsi, matériellement psychologiquement, les retraités, afin d’échapper à ses obligations envers eux. Il affirme que la Comptabilité générale de l’État persiste à fixer le point de départ de la période des trois ans prévue à l’article 60 § 1 du code des retraites à compter de la date de l’adoption de la décision rectificative et non à compter de l’adoption de la décision initiale annulée par la Cour des comptes. Selon les requérants, la Comptabilité générale de l’État tente de forcer les retraités à s’engager dans un nouveau contentieux chronophage et ayant le même but que leur action initiale devant la Cour des comptes, à savoir le réajustement du montant de leur pension.
25. Le Gouvernement soutient que l’administration a satisfait son obligation de se conformer à l’arrêt no 2387/2012 en adoptant la décision rectificative no 25166, sans qu’il soit nécessaire de fixer le point de départ à partir duquel la pension réajustée devait être versée. Cette façon de procéder était conforme à l’article 60 § 1 du code des retraites car cette décision rectificative était antérieure à l’arrêt no 887/2016 de la formation plénière de la Cour des comptes.
26. La Cour relève que dans son arrêt no 2387/2012, la Cour des comptes a considéré que, par sa décision du 3 novembre 2005, la Comptabilité générale de l’État avait à tort rejeté la demande du requérant tendant au réajustement de sa pension à compter de l’entrée en vigueur des lois no 2838/2000 et no 3016/2002 et cela parce que ces lois s’appliquaient dès leur entrée en vigueur au cas du requérant. La Cour des comptes a renvoyé l’affaire à la Comptabilité générale de l’État pour que celle‑ci augmente le montant de la pension du requérant sur le fondement des lois no 2838/2000 et no 3016/2002 et ceci à compter de l’entrée en vigueur de celles-ci. Toutefois, dans sa décision no 25166 du 29 juin 2013, la Comptabilité générale de l’État n’a augmenté ce montant qu’à compter du 1er juin 2010. Saisi par le requérant, le comité de trois membres de la Cour des comptes a considéré que la Comptabilité générale de l’État s’était conformée à l’arrêt no 2387/2012.
27. La Cour rappelle qu’elle s’est déjà prononcée sur des cas analogues à celui du requérant dans les affaires Vasilopoulos c. Grèce et Di.M. c. Grèce, précitées. Ella a conclu à la violation des articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1 dans la première et à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention dans la deuxième, en raison du refus de la Comptabilité générale de l’État de se conformer à des arrêts de la Cour des comptes qui avaient aussi considéré que les requérants avaient droit au réajustement de leur pension sur le fondement des lois no 2838/2000 et no 3016/2002 et ceci à compter de leur entrée en vigueur respective.
28. Quant à la décision du comité de trois membres constatant que la Comptabilité générale de l’État s’était conformée à l’arrêt no 2387/2012, la Cour note qu’elle s’explique par la jurisprudence de la Cour des comptes à l’époque qui considérait qu’un éventuel réajustement consenti par la Comptabilité générale de l’État ne pouvait pas remonter rétroactivement à une période supérieure à trois ans à compter du premier jour du mois au cours duquel la Comptabilité générale de l’État avait pris la décision de réajustement (paragraphe 13 ci-dessus). Or, tel n’était pas le sens de la décision de l’arrêt no 2387/2012 qui reconnaissait le droit du requérant de voir sa pension réajustée à compter de l’entrée en vigueur des lois no 2838/2000 et no 3016/2002. Le fait que la jurisprudence de la Cour des comptes incitait les retraités à revendiquer en justice le restant de leur pension réajustée, sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil paragraphe 13 ci-dessus), ne saurait être considéré ni comme un recours effectif vis-à-vis la Convention paragraphe 21 ci-dessus), ni comme une alternative à l’obligation de l’État de se conformer à une décision judiciaire.
29. La Cour n’aperçoit aucune raison de s’écarter en l’espèce de ses conclusions dans les deux arrêts susmentionnés. Elle estime donc qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 à l’égard du requérant.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
30. Aux termes de l’article 41 de la Convention :
A. Dommage
31. Au titre du dommage matériel qu’il estime avoir subi le requérant demande 37 430,85 euros (EUR). Cette somme correspond au montant de la pension qu’il aurait dû recevoir du 1er juillet 2000 au 31 décembre 2007 si ce montant avait été calculé selon les dispositions des lois no 2838/2000 et no 3016/2002. Il demande aussi 10 000 EUR pour dommage moral.
32. Le Gouvernement estime que la prétention du requérant quant à son dommage matériel est prématurée. Il souligne que le requérant a demandé la même somme dans son action en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil et que la procédure y afférente est encore pendante. Quant aux montants réclamée, tant pour le dommage matériel que moral, le Gouvernement les estime excessifs et injustifiés.
33. La Cour note que pour dommage matériel, le requérant réclame une somme qu’il explique de manière concrète dans ses observations. Elle note aussi que le Gouvernement, de son côté, ne l’éclaire pas quant au montant qui serait effectivement dû au requérant à la suite de l’arrêt de la Cour des comptes et n’a pas non plus demandé à la Comptabilité générale de l’État d’effectuer le calcul approprié à cet effet. La Cour ne saurait par elle-même spéculer sur le montant exact de la somme due au requérant mais faute d’éclairage de la part du Gouvernement à cet égard, elle s’estime en droit de tirer des conclusions de cette attitude du Gouvernement. Statuant en équité, comme le permet l’article 41, et sur la base des éléments du dossier, elle accorde au requérant 10 000 EUR tous dommages confondus, et ne considère pas qu’il soit nécessaire de demander à l’État de prendre d’autres mesures individuelles en vue de l’exécution du présent arrêt.
B. Frais et dépens
34. Le requérant réclame 2 000 EUR au titre des frais et dépens qu’il a engagés dans le cadre de la procédure menée devant la Cour.
35. Le Gouvernement souligne que la prétention du requérant à cet égard est présenté de manière vague et arbitraire et n’est pas corroborée par les justificatifs nécessaires.
36. La Cour observe, avec le Gouvernement, que la prétention au titre des frais et dépens n’est pas accompagnée des justificatifs. Il convient donc d’écarter la demande.
C. Intérêts moratoires
37. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;
4. Dit,
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois la somme de 10 000 EUR (dix mille euros) tous dommages confondus, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 4 juin 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Renata Degener Aleš Pejchal
Greffière adjointe Président