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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> DUDAS v. ROMANIA - 80278/13 (Judgment : Right to a fair trial : Fourth Section Committee) French Text [2020] ECHR 435 (09 June 2020)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2020/435.html
Cite as: [2020] ECHR 435, ECLI:CE:ECHR:2020:0609JUD008027813, CE:ECHR:2020:0609JUD008027813

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QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE DUDAȘ c. ROUMANIE

(Requête no 80278/13)

 

 

 

 

 

 

ARRÊT

STRASBOURG

9 juin 2020

 

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Dudaș c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en un comité composé de :

          Faris Vehabović, président,
          Iulia Antoanella Motoc,
          Carlo Ranzoni, juges,
et de Ilse Freiwirth, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête susmentionnée (no 80278/13) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Marcel Dudaș (« le requérant »), a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 12 décembre 2013,

les observations des parties,

la décision par laquelle la Cour a rejeté l’opposition du Gouvernement à l’examen de la requête par un comité,

Notant que le 18 décembre 2014, le grief formulé sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention relativement à l’équité de la procédure a été communiqué au Gouvernement et que la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 mai 2020,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1.  La requête concerne, sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, la condamnation du requérant en appel sans qu’il y ait eu une nouvelle audition de témoins.

EN FAIT

2.  Le requérant est né en 1987. Il est détenu à la prison de Miercurea‑Ciuc.

3.  Il a été représenté par Me C. Butnaru, avocate à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

4.  Le 28 août 2012, alors que le requérant se trouvait sur la voie publique en compagnie de quatre amis, des riverains appelèrent la police pour se plaindre de leur comportement. Trois policiers, M.A., P.V. et K.N., accompagnés de deux agents de sécurité, B.B. et L.J., employés d’une société privée, se rendirent sur place et procédèrent à un contrôle d’identité des cinq personnes. Faute pour celles-ci d’avoir pu présenter des documents d’identité, elles furent emmenées au poste de police en vue de leur identification. Les quatre amis du requérant furent sanctionnés par une amende contraventionnelle pour trouble à l’ordre public et quittèrent le poste de police.

5.  La version du Gouvernement et celle du requérant divergent quant aux évènements qui ont eu lieu au poste de police après le départ des quatre amis du requérant.

I. La version du requérant

6.  Le requérant allègue que les trois policiers et leur chef, C.D., qui les avait rejoints au poste de police, ainsi que les deux agents de sécurité, lui ont donné des coups de poing, de pied et de bâton. Il indique que l’incident a eu lieu dans le hall du poste de police à l’instigation du chef du poste, qui aurait voulu « donner une leçon » aux membres de la communauté rom à laquelle lui et ses amis appartenaient.

II. La version du Gouvernement

7.  Le Gouvernement affirme que le requérant a refusé de signer le procès-verbal, qu’il est devenu violent et qu’il a frappé deux policiers, M.A. et P.V., avant d’être immobilisé par les policiers et les agents de sécurité.

III. Les documents médicaux

8.  Les policiers transportèrent le requérant à l’hôpital local, où il reçut les premiers soins. Il fut ensuite placé en garde à vue. La fiche médicale qui fut dressée à cette occasion mentionnait des ecchymoses à la tête, sur les jambes et sur le dos.

9.  Le 29 août 2012, les policiers furent examinés par un médecin légiste. Celui-ci releva deux ecchymoses sur les jambes de M.A. Pour ce qui est de P.V., il constata une ecchymose sur le bras et une autre sur la lèvre supérieure et nota qu’un implant dentaire avait été abîmé.

10.  Le 5 septembre 2012, le requérant fut transporté à l’hôpital pour des soins. Le 6 septembre 2012, il fut examiné par un médecin légiste, qui rédigea un rapport mentionnant environ treize plaies et ecchymoses sur le dos, sur les jambes et sur la cheville droite. Le médecin estima que ces ecchymoses avaient pu être causées le 28 août 2012 par des coups portés avec des objets durs.

IV. Les poursuites dirigées contre le requérant pour outrage aux forces de l’ordre

11.  Le 29 août 2012, à l’issue de sa garde à vue, le requérant fut placé en détention provisoire jusqu’au 2 novembre 2012.

12.  Les policiers P.V. (le « premier plaignant ») et M.A. (le « second plaignant ») portèrent plainte contre lui pour outrage aux forces de l’ordre. Ils ne se constituèrent pas partie civile.

13.  Après avoir interrogé les plaignants, des témoins et le requérant, le parquet renvoya ce dernier en jugement du chef d’outrage aux plaignants.

14.  Devant le tribunal de première instance de Rupea, le requérant déclara qu’après le départ de ses amis il avait été frappé dans le hall du poste de police, à l’instigation du chef du poste, par les policiers et les agents de sécurité.

15.  Le premier plaignant affirma qu’il se trouvait dans le couloir du poste de police quand le requérant avait frappé le second plaignant. Il ajouta que lorsqu’il avait voulu porter secours à son collègue, le requérant l’avait frappé au visage, au bras et dans les parties génitales.

16.  Le second plaignant déclara que le requérant avait refusé de signer le procès-verbal, qu’il était devenu violent, qu’il lui avait assené des coups de pied par-dessous le bureau, qu’il l’avait ensuite frappé à l’épaule et lui avait arraché une épaulette. Il indiqua que son collègue, le premier plaignant, se trouvait dans la même pièce et qu’il était intervenu pour immobiliser le requérant.

17.  Le policier K.N. dit qu’il se trouvait à l’extérieur du poste de police au moment de l’incident. L’agent de sécurité B.B. déclara qu’il avait vu le requérant frapper les policiers. L’autre agent de sécurité, L.J., affirma que les agents de sécurité n’avaient pas assisté aux faits. Tous nièrent avoir frappé le requérant.

18.  Le tribunal entendit également quatre témoins à décharge, dont la mère et la conjointe du requérant, lesquelles déclarèrent qu’elles avaient vu, par la porte d’entrée du poste de police, plusieurs personnes frapper le requérant, qui était allongé par terre.

19.  Par un jugement du 28 janvier 2013, le tribunal relaxa l’intéressé.

20.  Il nota d’emblée que l’incident du 28 août 2012 avait eu lieu dans un contexte de tensions entre les habitants de la commune et les membres de la communauté rom et que la mairie avait fait appel à une société de sécurité privée pour « réduire le nombre d’infractions commises par les membres de la communauté rom ».

21.  Il releva ensuite que les déclarations des plaignants étaient contradictoires quant au lieu où le requérant aurait commis l’agression et au déroulement exact des faits. Eu égard aux constats médicaux, aux déclarations des témoins à charge et aux photographies du mobilier du bureau du poste de police, il estima que le requérant n’avait pas pu porter aux plaignants les coups qu’ils avaient décrits.

22.  Compte tenu des déclarations des autres témoins, il conclut que l’affirmation selon laquelle l’agent de sécurité B.B. avait vu le requérant frapper les policiers était fausse et il écarta donc son témoignage. Par conséquent, il constata que les seuls éléments qui incriminaient l’intéressé étaient les déclarations des plaignants. Or, compte tenu des contradictions susmentionnées, il jugea que la version des faits présentée par les plaignants n’était pas crédible.

23.  De surcroît, eu égard aux déclarations des témoins à décharge, le tribunal estima qu’il était probable que c’étaient les policiers eux-mêmes qui avaient frappé le requérant dans le hall d’entrée du poste de police. Le parquet fit appel de ce jugement.

24.  À l’audience du 9 mai 2013, la cour d’appel de Brasov interrogea le requérant et le premier plaignant, lesquels maintinrent leur version des faits.

25.  Elle demanda au département de médecine légale de l’hôpital local d’établir un rapport d’expertise. S’appuyant sur les documents médicaux à sa disposition, le médecin légiste conclut que l’ecchymose qui avait été constatée sur le bras de P.V. pouvait avoir eu comme origine un mouvement de défense, alors que le coup qui avait abîmé son implant dentaire lui avait été porté avec le poing. Il indiqua que les ecchymoses relevées sur les jambes de M.A. avaient été provoquées par des coups de pied. Au sujet du requérant, il déclara que les ecchymoses qui avaient été constatées sur son corps n’avaient pas l’aspect typique de lésions de défense : certaines lésions avaient pu être causées par des manœuvres d’immobilisation, alors que d’autres avaient été provoquées par des coups portés avec des objets durs ou par des coups de pied.

26.  Bien qu’il eût été cité à comparaître à l’audience du 6 juin 2013, le second plaignant ne se présenta pas. Après avoir recueilli l’accord du représentant du parquet et de l’avocate du requérant, la cour d’appel renonça à interroger l’intéressé.

27.  Au cours des débats, le représentant du parquet exposa que le tribunal de première instance avait fait une interprétation erronée des pièces du dossier. L’avocate du requérant soutint qu’il existait des contradictions entre les déclarations des plaignants et celles des témoins et elle insista sur l’attitude hostile que les autorités locales avaient, selon elle, adoptée envers la communauté rom.

28.  Par un arrêt définitif du 13 juin 2013, la cour d’appel accueillit l’appel et condamna le requérant à une peine de deux ans d’emprisonnement pour outrage.

29.  Elle estima que les témoignages des plaignants étaient cohérents « dans les grandes lignes » et qu’ils étaient corroborés par les conclusions de l’expertise médicolégale et par les déclarations du policier K.N. et des agents de sécurité B.B. et L.J., dont elle cita des extraits. Elle considéra que les déclarations de ces témoins étaient crédibles dès lors qu’ils n’avaient aucun intérêt à présenter une version des faits contraire à la réalité.

30.  Quant à l’expertise médicolégale, la cour d’appel releva qu’elle établissait que les plaignants avaient subi une agression et que le requérant ne les avait pas frappés pour se défendre lui-même contre une agression.

31.  Enfin, en ce qui concerne les témoins à décharge, elle écarta leurs témoignages au motif qu’ils étaient subjectifs et qu’ils n’étaient pas crédibles dès lors que ces personnes faisaient partie de la famille du requérant.

V. La plainte pénale pour agression

32.  Le requérant porta plainte pour coups et blessures contre les policiers et les agents de sécurité. À une date non précisée, le parquet près le tribunal départemental de Brasov rendit un non-lieu.

LE CADRE JURIDIQUE INTERNE PERTINENT

33.  Le code de procédure pénale (CPP), qui était en vigueur avant le 1er février 2014, renfermait les dispositions pertinentes en l’espèce, qui définissaient l’étendue de la compétence et des pouvoirs des juridictions saisies d’un recours. Ces dispositions sont décrites dans l’arrêt Găitănaru c. Roumanie (no 26082/05, §§ 17-18, 26 juin 2012).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

34.  Le requérant se plaint d’une violation de son droit à un procès équitable dans le cadre de la procédure pénale menée contre lui : il reproche à la cour d’appel de l’avoir condamné sans qu’elle ait elle-même procédé à une nouvelle audition des témoins. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes en l’espèce sont ainsi libellées :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

A.    Sur la recevabilité

35.  Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.

B.     Sur le fond

1.    Les thèses des parties

36.  Le requérant estime que la cour d’appel avait l’obligation d’administrer elle-même les preuves sur lesquelles elle a fondé la condamnation. Il considère que cela était d’autant plus nécessaire que le tribunal de première instance avait émis des réserves quant à la crédibilité des déclarations des plaignants et des témoins à charge.

37.  Il critique le raisonnement de la cour d’appel qui a écarté les déclarations des témoins à décharge et mis en doute leur sincérité. D’après lui, cette juridiction aurait dû réserver le même traitement aux déclarations des témoins à charge.

38.  Le Gouvernement argue que la condamnation était fondée sur les déclarations des plaignants et sur les conclusions de l’expertise médicolégale et qu’il n’y a donc pas eu de violation du droit du requérant à un procès équitable. Il estime que cette expertise a été déterminante pour la condamnation et que la cour d’appel ne s’est fondée qu’à titre subsidiaire sur les déclarations des témoins à charge.

39.  En outre, il indique que la cour d’appel a entendu l’intéressé, ainsi que le premier plaignant en présence de l’avocate du requérant. Par ailleurs, il affirme que cette dernière a expressément et de manière non équivoque renoncé à certaines garanties du droit à un procès équitable en acquiesçant à la décision de la cour d’appel de ne pas entendre le second plaignant.

2.    Appréciation de la Cour

40.  La Cour renvoie aux principes généraux régissant les modalités d’application de l’article 6 de la Convention aux procédures d’appel, qu’elle a réitérés dans l’affaire Găitănaru (précitée, §§ 26-28 ; voir également Flueraş c. Roumanie, no 17520/04, §§ 53-55, 9 avril 2013, et Moinescu c. Roumanie, no 16903/12, §§ 33-35, 15 septembre 2015).

41.  En l’espèce, elle note que le tribunal de première instance de Rupea, après avoir entendu les plaignants, le requérant et plusieurs témoins, a jugé que les pièces du dossier, dont les déclarations des plaignants et des témoins à charge, ne prouvaient pas que le requérant eût commis les faits reprochés et qu’il a prononcé sa relaxe (paragraphes 21 et 22 ci-dessus).

42.  Saisie par le parquet (paragraphe 23 ci-dessus), la cour d’appel s’est prévalue de la possibilité offerte par la loi interne de procéder à un nouvel examen de la question de la culpabilité de l’intéressé. Outre l’examen des preuves qui avaient amené le tribunal à relaxer le requérant, la cour d’appel a procédé à l’audition de l’intéressé et de l’un des plaignants et demandé l’établissement d’une expertise médicolégale (paragraphes 24 et 25 ci‑dessus). Elle a estimé que les déclarations des plaignants, corroborées par celles des témoins à charge et par les conclusions de l’expertise médicolégale, démontraient que le requérant avait commis les faits qui lui étaient reprochés (paragraphes 29 et 30 ci-dessus).

43.  Le Gouvernement considère que les déclarations des témoins à charge citées par la cour d’appel dans son arrêt du 13 juin 2013 (paragraphe 29 ci-dessus) n’ont joué qu’un rôle secondaire dans la condamnation du requérant. De surcroît, il estime que le requérant a renoncé à certaines garanties du droit à un procès équitable (paragraphe 26 ci‑dessus).

44.  La Cour ne saurait se prononcer sur la hiérarchie des preuves ou sur leur valeur probante. Elle rappelle que c’est en principe aux juridictions nationales qu’il revient d’apprécier les éléments recueillis par elles (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999‑I). Il lui suffit de constater en l’espèce qu’il ressort clairement de la motivation de l’arrêt du 13 juin 2013 que les témoignages de K.N., B.B. et L.J. ont contribué à former la conviction des juges de la cour d’appel (paragraphe 29 ci-dessus), alors que ces mêmes témoignages avaient suffisamment fait douter les premiers juges du bien-fondé de l’accusation pour les amener à prononcer la relaxe de l’intéressé (paragraphes 21 et 22 ci-dessus).

45.  Dès lors, la Cour estime que la cour d’appel aurait dû s’interroger sur la nécessité d’une nouvelle audition des témoins à charge, d’autant plus qu’elle s’était prononcée sur la crédibilité des témoins et qu’elle avait privilégié les déclarations des témoins à charge, les estimant plus crédibles que celles des témoins à décharge (paragraphe 31 ci-dessus).

46.  La Cour rappelle, dans ce contexte, que ceux qui ont la responsabilité de décider de la culpabilité ou de l’innocence d’un accusé doivent, en principe, être en mesure d’entendre les témoins en personne et d’évaluer leur fiabilité. L’évaluation de la fiabilité d’un témoin est une tâche complexe qui ne peut généralement pas être menée à bien par la simple lecture des déclarations écrites (Dan c. Moldova, no 8999/07, § 33, 5 juillet 2011). Bien sûr, il existe des cas où il est impossible pour un tribunal de faire interroger un témoin, par exemple si l’intéressé est décédé ou lorsqu’il s’agit de respecter son droit de ne pas s’incriminer lui-même (Craxi c. Italie (no 1), n34896/97, § 86, 5 décembre 2002, et Dan, précité, § 33). Cependant, tel n’était pas le cas en l’espèce.

47.  Pour autant que le Gouvernement soutient que le requérant avait renoncé à son droit à un procès équitable, la Cour note que la position exprimée par l’avocate de l’intéressé ne concernait que la décision de la cour d’appel de ne pas interroger le second plaignant, le policier M.A. (paragraphe 26 ci‑dessus). Elle ne saurait inférer de cette position une renonciation à l’audition des autres témoins à charge, d’autant plus que l’avocate du requérant avait pointé des contradictions dans leurs témoignages (paragraphe 27 ci-dessus).

48.  Enfin, elle rappelle qu’elle a déjà jugé dans des affaires similaires que la juridiction de recours était tenue de prendre d’office des mesures pour entendre des témoins, nonobstant l’absence de demande expresse du requérant (Manolachi c. Roumanie, no 36605/04, § 50, 5 mars 2013, Hanu c. Roumanie, no 10890/04, § 38, 4 juin 2013, et Moinescu, précité, § 28).

49.  Eu égard à ces éléments, la Cour estime qu’en l’espèce l’omission de la cour d’appel d’entendre les témoins avant de déclarer l’intéressé coupable d’outrage a sensiblement réduit les droits de la défense (Destrehem c. France, no 56651/00, § 45, 18 mai 2004, Dan, précité, §§ 31-35, et Lazu c. République de Moldova, n46182/08, §§ 36-44, 5 juillet 2016).

50.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

51.  Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.    Dommage

52.  Le requérant demande 100 000 euros (EUR) au titre du dommage moral qu’il estime avoir subi à raison d’une violation du droit à un procès équitable.

53.  Le Gouvernement s’oppose à cette demande. Il soutient que le nouveau code de procédure pénale permet la révision d’un procès au niveau interne lorsque la Cour a constaté la violation des droits du requérant. Subsidiairement, il indique que la somme réclamée par l’intéressé pour préjudice moral est excessive au regard de la jurisprudence de la Cour en la matière.

54.  La Cour relève que, en l’espèce, la seule base à retenir pour l’octroi d’une satisfaction équitable réside dans le fait que, en raison du défaut d’audition des témoins, le requérant n’a pas bénéficié d’un procès équitable devant la cour d’appel. La Cour ne saurait spéculer sur ce qu’aurait été l’issue du procès si les garanties de l’article 6 § 1 de la Convention avaient été respectées. Elle estime toutefois qu’il n’est pas déraisonnable de penser que l’intéressé a subi un préjudice moral réel dans le cadre dudit procès (mutatis mutandis, Alexe c. Roumanie, no 66522/09, § 50, 3 mai 2016).

55.  Dès lors, statuant en équité comme le veut l’article 41 de la Convention, elle alloue au requérant la somme de 1 500 EUR pour préjudice moral.

B.     Frais et dépens

56.  Le requérant ne demande pas le remboursement des frais et dépens. Dès lors, la Cour n’est pas appelée à statuer sur ce point.

C.    Intérêts moratoires

57.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.      Déclare la requête recevable ;

2.      Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

3.      Dit,

a)     que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 1 500 EUR (mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme, pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement ;

b)     qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.      Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 juin 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Ilse Freiwirth                                                                     Faris Vehabović
Greffière adjointe                                                                       Président


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