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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> VANYO TODOROV v. BULGARIA - 31434/15 (Judgment : Right to life : Fourth Section) French Text [2020] ECHR 563 (21 July 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2020/563.html Cite as: ECLI:CE:ECHR:2020:0721JUD003143415, CE:ECHR:2020:0721JUD003143415, [2020] ECHR 563 |
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QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE VANYO TODOROV c. BULGARIE
(Requête no 31434/15)
ARRÊT
Art 2 • Obligations procédurales • Conditions de participation à la procédure pénale du frère de la victime d’un meurtre • Participation à l’enquête pénale jugée suffisante au vu des circonstances de l’affaire, mais rejet des demandes de constitution en tant que partie à la procédure et absence de participation à la phase de jugement pouvant en principe soulever des questions sous l’angle des obligations procédurales • Impossibilité de prétendre à une réparation pour le préjudice moral subi en conséquence du meurtre de son frère, réservée au cercle familial restreint (parents, enfants et conjoints) • Consensus des États membres sur la possibilité pour les membres de la famille les plus proches de la victime décédée de demander une réparation pécuniaire pour le dommage moral subi, sous réserve de l’évaluation dans chaque cas concret de l’intensité des liens les unissant au défunt et du préjudice réellement enduré • Requérant unique membre de la famille et héritier de son défunt frère, ayant eu une relation étroite avec lui • Absence de voie de recours lui permettant de prétendre à une réparation pécuniaire du dommage moral • Système judiciaire ineffectif malgré le caractère efficace de la procédure pénale visée
STRASBOURG
21 juillet 2020
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Vanyo Todorov c. Bulgarie,
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une Chambre composée de :
Iulia Antoanella Motoc, présidente,
Yonko Grozev,
Branko Lubarda,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Georges Ravarani,
Jolien Schukking,
Péter Paczolay, juges,
et de Ilse Freiwirth, greffière adjointe de section,
la requête (no 31434/15) dirigée contre la République de Bulgarie et dont un ressortissant de cet État, M. Vanyo Petkov Todorov (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 18 juin 2015,
la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement bulgare (« le Gouvernement »)
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 30 juin 2020,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. La requête concerne, sous l’angle des obligations procédurales découlant de l’article 2 de la Convention, le caractère effectif de la procédure pénale menée à la suite du meurtre du frère du requérant ainsi que l’impossibilité, selon le droit interne, d’obtenir une indemnisation du préjudice moral qu’il a pu subir du fait du décès de son proche.
2. Le requérant est né en 1956 et réside à Sofia. Il a été représenté par Mes M. Ekimdzhiev et K. Boncheva, avocats à Plovdiv.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agente, Mme B. Simeonova, du ministère de la Justice.
4. Le requérant se plaignait en particulier, sous l’angle de l’article 2 de la Convention, du refus du parquet et des juridictions internes de le constituer partie à la procédure pénale concernant le meurtre de son frère et du caractère à ses yeux insuffisant de l’enquête menée à cette occasion.
5. Le 25 janvier 2014, le requérant découvrit le corps de son frère décédé dans la cour de sa maison, située dans un village de la région de Vratsa, et en informa la police. Une enquête fut immédiatement ouverte. Deux témoins déclarèrent avoir vu un certain G.V., voisin de la victime, se disputer avec lui et le frapper avec un bâton. Le 28 janvier 2014, G.V. fut arrêté et mis en examen pour meurtre. De nombreux d’actes d’enquête, comme l’inspection des lieux, l’audition de témoins et la réalisation d’expertises, furent effectués dans le cadre de l’instruction préliminaire.
6. Le requérant fut entendu par l’enquêtrice en charge de l’affaire le 25 et le 27 janvier 2014. Selon les procès-verbaux d’audition, le requérant fut informé, conformément aux dispositions pertinentes du code de procédure pénale (CPP), des droits dont il était titulaire en tant que victime d’infraction et il déclara qu’il n’avait pas de demandes ou d’observations à formuler. Le 6 février 2014, l’enquêtrice lui notifia ses droits en tant que membre de la famille d’une victime d’infraction en application de la loi relative à l’aide et à l’indemnisation des victimes d’infraction. Le requérant fut de nouveau entendu le 23 mai 2014 et indiqua à cette occasion qu’un certain nombre de biens avaient disparu du domicile de son frère - un téléphone portable, une télévision, une radio et des bons d’achat, ainsi qu’une vingtaine de chèvres.
7. Le 8 juillet 2014, l’enquêtrice notifia les éléments de l’enquête au requérant. À cette occasion, l’ensemble du dossier fut mis à la disposition de l’intéressé et celui-ci put en prendre connaissance pendant une heure environ, assisté de son avocat. Le requérant fit noter au procès-verbal que l’enquête n’avait pas suffisamment éclairci les faits concernant la disparition de certains objets de la maison de son frère, dont notamment un téléphone portable, un téléviseur et des bons d’achat.
8. Par une décision du 14 juillet 2014, l’enquêtrice de police clôtura l’enquête et recommanda le renvoi en jugement de G.V. pour le meurtre du frère du requérant. En réponse aux objections précédemment formulées par le requérant, elle observa que le téléphone portable de la victime avait été localisé et retrouvé chez un tiers qui indiquait l’avoir acheté à un inconnu. Elle ajouta que les autres objets n’avaient pas été retrouvés malgré les recherches effectuées.
9. Le 31 juillet 2014, le requérant s’adressa au parquet d’appel de Sofia pour se plaindre de ne pas avoir été constitué partie à la procédure. Il dénonçait le caractère incomplet à ses yeux de l’enquête qui, selon lui, ne s’était pas suffisamment penchée sur les objets disparus et sur l’éventuelle motivation crapuleuse du meurtre, et invitait le parquet à procéder à la requalification des faits en vol aggravé accompagné de meurtre.
10. Par une ordonnance du 3 octobre 2014, le parquet régional de Vratsa, du ressort duquel relevait l’affaire, considéra que le requérant ne pouvait être constitué comme victime au motif que seuls les héritiers ayant subi un préjudice moral en raison de l’infraction pouvaient avoir cette qualité et que, en vertu des décisions interprétatives rendues par l’ancienne Cour suprême, le cercle de ces personnes était limité aux conjoints, aux parents et aux enfants (paragraphe 16 ci-dessous).
11. Le 5 novembre 2014, G.V. fut renvoyé en jugement devant le tribunal régional de Vratsa (« le tribunal régional »). Le requérant fut informé de la date du procès. À la première audience, qui eut lieu le 1er décembre 2014, il demanda à être constitué partie accusatrice et partie civile et déclara qu’il sollicitait des dommages et intérêts pour les objets qu’il disait avoir été volés au domicile de son frère. Le tribunal régional constata que le requérant était l’unique héritier de son défunt frère mais qu’il ne faisait pas partie des membres de la famille la plus proche qui, selon la jurisprudence de la Cour suprême, pouvaient prétendre à une indemnisation pour dommage moral et qu’il ne pouvait dès lors se constituer partie à la procédure. Le tribunal régional jugea par ailleurs que le préjudice matériel allégué par le requérant relativement aux objets disparus ne résultait pas de l’infraction qui faisait l’objet du renvoi en jugement. En conséquence, il refusa d’admettre la constitution en tant que partie à la procédure du requérant. Selon le procès-verbal d’audience, seules les parties de la décision concernant le refus de constitution de partie accusatrice étaient susceptibles d’appel.
12. Le requérant interjeta appel de cette ordonnance, arguant qu’il était le seul héritier de son frère, qu’il avait entretenu avec lui une relation proche, qu’il le voyait régulièrement et qu’il l’aidait financièrement. Par une décision du 5 janvier 2015, la cour d’appel de Sofia confirma l’ordonnance du tribunal régional pour autant qu’elle concernait la demande de constitution de partie accusatrice. Elle rappela que seules les personnes ayant subi un préjudice matériel ou moral en conséquence d’une infraction pouvaient prendre part au procès en cette qualité. Elle considéra que, en l’espèce, le requérant ne pouvait prétendre ni à un dédommagement pour préjudice moral, dans la mesure où la jurisprudence de la Cour suprême excluait les frères et sœurs des ayants droit, ni à un dédommagement pour préjudice matériel, étant donné que la qualification de vol n’avait pas été retenue par le parquet. S’agissant de la demande de constitution de partie civile, la cour d’appel déclara le recours irrecevable, cette partie de la décision n’étant pas susceptible d’appel.
13. Par un jugement du 19 janvier 2015, le tribunal régional reconnut G.V. coupable de meurtre et le condamna à dix ans d’emprisonnement. Il considéra comme établi qu’une dispute avait éclaté entre G.V. et le frère du requérant au sujet des chèvres que ce dernier aurait laissées en liberté et qui auraient causé des dommages aux autres villageois, et que G.V., qui était ivre, lui avait porté plusieurs coups de bâton qui avaient provoqué le décès. G.V. interjeta appel, puis se pourvut en cassation, arguant, d’une part, que l’infraction devait être requalifiée en coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner et, d’autre part, que l’enquête avait négligé une piste concernant la possibilité que d’autres personnes se soient rendues sur les lieux après lui. La cour d’appel et la Cour de cassation rejetèrent ces recours et jugèrent que l’enquête était complète, qu’il n’y avait pas d’élément indiquant que des tiers s’étaient rendus sur les lieux et que l’intention de tuer pouvait être déduite de l’intensité des coups portés. La condamnation de G.V. devint ainsi définitive le 9 octobre 2015.
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE PERTINENTS
I. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. Le code de procédure pénale
14. En vertu des dispositions pertinentes du CPP, la victime d’une infraction (voir l’article 74 du CPP ci-après) peut prendre part à la phase pré-judiciaire de la procédure pénale et se voir conférer certains droits procéduraux. Au stade du procès, pour participer à la procédure, la victime doit demander à être formellement constituée comme partie accusatrice et/ou partie civile. La partie accusatrice soutient l’accusation aux côtés du parquet. La partie civile introduit une action civile dans le cadre de la procédure pénale ; elle dispose de droits procéduraux similaires à ceux de la partie accusatrice mais ne peut en faire usage que dans la mesure où cela est nécessaire à la preuve de ses prétentions civiles.
Les parties pertinentes en l’espèce du CPP disposent que :
Article 74
« 1. La victime (пострaдал) est la personne à laquelle l’infraction a causé un préjudice matériel ou moral.
2. En cas de décès de la personne, ce droit est transmis à ses héritiers. »
Article 75
« 1. Dans la phase pré-judiciaire de la procédure, la victime dispose des droits suivants : être informée de ses droits ; (...) être informée du cours de la procédure ; prendre part à la procédure selon les modalités prévues par le présent code ; formuler des demandes, remarques et objections ; faire appel des décisions de terminer ou de suspendre la procédure ; être assistée d’un avocat. (...)
3. Pour exercer ces droits, la victime doit exprimer le souhait de participer à la procédure et indiquer une adresse de convocation. »
Article 76
« La victime qui a subi un préjudice matériel ou moral résultant d’une infraction poursuivie par action publique peut prendre part à la procédure judiciaire en tant que partie accusatrice (частен обвинител). En cas de décès de la personne, ce droit est transmis à ses héritiers. »
Article 79
« La partie accusatrice dispose des droits suivants : prendre connaissance du dossier et en faire des copies ; présenter des preuves ; prendre part à la procédure ; faire des demandes, des remarques et des objections ; faire appel des décisions du tribunal qui portent atteinte à ses droits et intérêts légitimes. »
Article 84
« 1. La victime ou ses héritiers, ainsi que les personnes morales ayant subi un préjudice résultant de l’infraction, peuvent introduire une action civile dans la procédure pénale et se constituer partie civile (граждански ищец). »
Article 271
« 1. Après avoir déclaré l’audience ouverte,
(...)
6. Le tribunal se prononce sur les demandes de constitution de nouvelles parties à la procédure. L’ordonnance par laquelle le tribunal refuse de constituer une partie accusatrice est susceptible d’un recours [devant l’instance d’appel]. (...) »
B. L’action en responsabilité délictuelle
15. La victime d’une infraction pénale peut chercher à obtenir réparation du préjudice subi soit en se constituant partie civile dans le cadre de la procédure pénale, soit en introduisant directement sa demande en réparation devant les juridictions civiles. Dans ce cas, étant donné que les juridictions civiles sont liées par les jugements définitifs des juridictions pénales en ce qui concerne la commission des faits et la culpabilité du prévenu (article 300 du code de procédure civile (CPC)), la procédure est en règle générale suspendue dans l’attente de l’issue de la procédure pénale (article 229, alinéa 1, du CPC).
16. Une telle action peut aboutir à l’attribution d’une réparation pour le dommage matériel ou moral subi. Le dommage moral est déterminé en équité. En vertu de la jurisprudence applicable au moment des faits de l’espèce, résultant de trois décisions interprétatives de l’ancienne Cour suprême bulgare datant de 1961, 1969 et 1984 et ayant force obligatoire pour l’ensemble des juridictions (ППВС № 4 от 25.05.1961 г., ППВС № 5 от 24.11.1969 г. et ППВС № 2 от 30.11.1984 г.), en cas de décès, seuls les parents les plus proches de la victime, à savoir les parents, les enfants et le conjoint, pouvaient prétendre à une indemnité et ce uniquement s’ils établissaient avoir réellement subi un préjudice moral. Les frères et sœurs ou les grands-parents étaient ainsi exclus de ce cercle. Ils pouvaient en revanche prétendre à une indemnité pour préjudice matériel lorsqu’ils étaient financièrement à la charge du défunt.
17. Le 28 avril 2016, une procédure d’arrêt interprétatif fut ouverte par la Cour suprême de cassation relativement à la question suivante : « Qui sont les personnes qui peuvent recevoir une indemnité pour le dommage moral subi du fait du décès d’un proche ? ». Par un arrêt interprétatif du 21 juin 2018 (Tълк. реш. № 1 от 21.06.2018 г. по тълк. д. 1/2016 ОСНГТК на ВКС), l’assemblée des chambres criminelle, civile et commerciale réunies de la Cour suprême de cassation, considérant qu’il convenait de modifier la jurisprudence en tenant compte de l’évolution de la société et de la directive européenne 2012/29/UE (paragraphes 21-22 ci‑dessous), jugea que, en plus des personnes mentionnées dans les décisions interprétatives de l’ancienne Cour suprême, une personne ayant eu une relation affective particulièrement proche avec le défunt et ayant, de ce fait, subi un préjudice moral important pouvait, à titre exceptionnel, être fondée à recevoir une indemnité pour dommage moral. La haute juridiction a précisé que, compte tenu de l’objet et des spécificités de la procédure pénale, seuls les descendants et ascendants en ligne directe, le conjoint et les frères et sœurs du défunt pouvaient introduire une action en réparation dans le cadre du procès pénal en se constituant partie civile, les autres personnes pouvant faire valoir leurs prétentions devant les juridictions civiles.
19. Par ailleurs, aux termes de l’article 110 de la loi sur les obligations et les contrats (Закон за задълженията и договорите), l’action en responsabilité délictuelle se prescrit par un délai de cinq ans à compter de la commission du fait délictueux ou de la découverte de l’auteur de ce fait.
C. La loi relative à l’aide et à l’indemnisation des victimes d’infraction
20. La loi relative à l’aide et à l’indemnisation des victimes d’infraction, adoptée en 2006, confère aux victimes d’infractions graves le droit à un soutien médical, pratique et financier. Cette loi prévoit notamment le versement d’une indemnité compensatrice du dommage matériel causé par l’infraction tel que le paiement de frais médicaux, d’obsèques et de justice ou une perte de revenus. À l’époque des faits de l’espèce, seuls les parents, les enfants et le conjoint d’une personne décédée à la suite d’une infraction pénale pouvaient bénéficier de ces droits. Depuis la modification de la loi adoptée en 2016, les dispositions de celle-ci s’appliquent à tous les héritiers et au concubin du défunt.
II. Le droit de l’union européenne
21. La directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité, dont le délai de transposition était le 16 novembre 2015, garantit un certain nombre de droits procéduraux ou matériels au profit des victimes d’infractions. En ce qui concerne le droit des victimes à l’indemnisation du préjudice subi du fait d’une infraction, cette directive dispose en son article 16 :
« 1. Les États membres veillent à ce que la victime ait le droit d’obtenir qu’il soit statué dans un délai raisonnable sur l’indemnisation par l’auteur de l’infraction dans le cadre de la procédure pénale, sauf dans le cas où le droit national prévoit que cette décision est prise dans le cadre d’une autre procédure judiciaire.
2. Les États membres promeuvent les mesures destinées à encourager l’auteur de l’infraction à offrir une indemnisation adéquate à la victime. »
22. L’article 2 de la directive définit la notion de « victime » dans les termes suivants :
« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par :
a) « victime » :
i) toute personne physique ayant subi un préjudice, y compris une atteinte à son intégrité physique, mentale, ou émotionnelle ou une perte matérielle, qui a été directement causé par une infraction pénale ;
ii) les membres de la famille d’une personne dont le décès résulte directement d’une infraction pénale et qui ont subi un préjudice du fait du décès de cette personne ;
b) « membres de la famille », le conjoint, la personne qui est engagée dans une relation intime, stable et continue avec la victime et vit en ménage avec elle, les parents en ligne directe, les frères et sœurs et les personnes qui sont à la charge de la victime ;
(...)
2. Les États membres peuvent mettre en place des procédures :
a) visant à limiter le nombre de membres de la famille susceptibles de bénéficier des droits énoncés dans la présente directive, en tenant compte des particularités de chaque cas ; et
b) en ce qui concerne le paragraphe 1, point a) ii), visant à déterminer quels sont les membres de la famille qui ont priorité pour exercer les droits énoncés dans la présente directive. »
III. éléments de droit comparé
23. Il résulte des éléments dont la Cour dispose sur la législation des États membres du Conseil de l’Europe, et notamment d’une étude portant sur trente-huit États membres, que tous les pays prévoient un droit à compensation du dommage moral subi par les proches d’une personne décédée, droit néanmoins assorti de différentes conditions et limitations. Dans un pays (l’Arménie), cette possibilité n’est toutefois ouverte que lorsque le responsable du décès est une personne publique, à l’exclusion des individus ou entités de droit privé.
24. Dans six États, le droit interne contient une liste exhaustive des personnes pouvant prétendre à une indemnité. Le cercle des personnes pouvant obtenir une indemnisation varie cependant : ainsi, en Islande, seuls les époux, les enfants et les parents du défunt, au Royaume-Uni seuls les conjoints et les enfants, peuvent y prétendre, alors qu’en Irlande cette liste est beaucoup plus large. Dans la grande majorité des États étudiés (trente-deux), la législation et la jurisprudence n’établissent pas de liste mais définissent des critères pour évaluer dans quels cas une indemnité peut être accordée. Ces critères sont variables et incluent en règle générale le degré de parenté, la communauté de vie ou la durée et l’intensité de la relation affective avec le défunt. Dans certains pays, l’existence d’une relation de nature à ouvrir un droit à réparation est présumée pour les membres de la famille la plus proche. Les conditions relatives au préjudice varient également : dans certains pays l’existence d’un préjudice est présumée en raison du lien de parenté, certains exigent la preuve d’un préjudice et d’autres (par exemple l’Autriche) ne permettent que la réparation d’un préjudice grave, ayant entraîné une altération de la santé.
25. De manière similaire, dans tous les États objets de l’étude, il est possible d’obtenir un dédommagement au titre du préjudice matériel subi à la suite du décès d’un proche. Il existe cependant une grande diversité dans les solutions adoptées par les États en ce qui concerne la nature des préjudices susceptibles d’être indemnisés et le cercle des personnes pouvant prétendre à une indemnisation.
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION
26. Invoquant les obligations positives de l’État au regard de l’article 2 de la Convention, le requérant se plaint d’une absence d’approfondissement de certaines pistes d’investigation ainsi que du refus des juridictions internes de le constituer partie à la procédure pénale concernant le meurtre de son frère, ce qui l’a empêché de participer à cette procédure et d’introduire une action en indemnisation de son préjudice. La partie pertinente en l’espèce de l’article 2 de la Convention est libellée comme suit :
« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) »
A. Sur la recevabilité
1. Sur les exceptions du Gouvernement
a) Délai de six mois
27. Le Gouvernement soutient que la requête a été introduite en dehors du délai de six mois prévu par l’article 35 de la Convention car, selon lui, la dernière décision interne à prendre en compte pour le calcul de ce délai est l’ordonnance du tribunal régional de Vratsa du 1er décembre 2014. Il expose que cette ordonnance n’était pas susceptible de recours en ce qui concernait le refus de constitution de partie civile et que, pour ce qui est du refus de constitution de partie accusatrice, compte tenu de la jurisprudence constante des juridictions internes en application des décisions interprétatives de la Cour suprême, le recours était dépourvu de toute perspective raisonnable de succès et était donc inutile.
28. Le requérant réplique que les dispositions concernant la constitution de partie civile et de partie accusatrice figuraient dans la même décision et qu’il n’était pas évident pour un justiciable de distinguer que seule une partie de cette décision était susceptible d’appel. Il soutient par ailleurs que les décisions interprétatives de la Cour suprême n’étaient pas sans équivoque et qu’il pouvait légitimement espérer que sa demande de constitution serait admise. Il ajoute qu’il n’était pas assisté par un avocat dans la phase judiciaire de la procédure et qu’il avait, en toute bonne foi, fait usage du recours existant en droit interne. Il en conclut que la décision interne définitive à prendre en compte en l’espèce est l’ordonnance de la cour d’appel de Sofia du 5 janvier 2015 et que sa requête a été introduite dans le délai de six mois suivant cette décision.
29. La Cour rappelle que, aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes et dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive. L’exercice de recours qui ne satisfont pas aux exigences de l’article 35 § 1 n’est en principe pas pris en compte par la Cour aux fins d’établir la date de la « décision définitive » ou de calculer le point de départ du délai de six mois. Il s’ensuit que si le requérant use d’un recours voué à l’échec dès le départ, la décision sur ce recours ne peut être prise en compte pour le calcul du délai de six mois (voir Jeronovičs c. Lettonie [GC], no 44898/10, § 75, 5 juillet 2016, et les références qui y sont citées).
30. En l’espèce, la Cour note que le requérant a fait appel de l’ordonnance par laquelle le tribunal régional avait refusé sa constitution en tant que partie accusatrice. Cette possibilité, expressément prévue par l’article 271, alinéa 6 du CPP, constitue une voie de recours ordinaire que toute personne qui s’estime victime d’une infraction pénale et dont la constitution en tant que partie accusatrice a été refusée peut utiliser. Certes, cette procédure ne portait pas sur la demande de constitution de partie civile formulée par le requérant, dont le rejet, en date du 1er décembre 2014, était définitif. La cour d’appel, saisie par le requérant, était cependant compétente pour annuler l’ordonnance du tribunal régional et faire droit à la demande du requérant de se constituer partie accusatrice dans la procédure. Eu égard au grief soulevé par l’intéressé dans sa requête, qui concerne notamment l’impossibilité de prendre part à la procédure pénale, cette voie de recours n’apparaît ni inappropriée ni voué à l’échec dès le départ, au sens de la jurisprudence précitée de la Cour. Qui plus est, pour statuer sur la constitution du requérant en tant que partie accusatrice, la cour d’appel a dû se prononcer sur la question de savoir s’il pouvait prétendre à un dédommagement de son préjudice moral, qui fait également l’objet de la présente requête (voir les paragraphes 12 et 14 ci-dessus). La Cour ne saurait dès lors reprocher à l’intéressé d’avoir attendu la fin de cette procédure, qui n’a au demeurant duré que quelques semaines puisque la cour d’appel a rendu sa décision le 5 janvier 2015, et d’avoir introduit sa requête dans les six mois suivant cette décision, le 18 juin 2015.
31. Il convient dès lors de rejeter l’exception du Gouvernement tirée du non-respect du délai de six mois.
b) Épuisement des voies de recours
32. Le Gouvernement soutient par ailleurs que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes puisqu’il aurait eu la possibilité de saisir les juridictions civiles pour demander réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi. Le Gouvernement expose que, en avril 2016, la Cour suprême de cassation a accepté une demande d’arrêt interprétatif concernant les personnes pouvant prétendre à une indemnisation en cas de décès d’un proche, et a rendu l’arrêt interprétatif du 21 juin 2018 (paragraphe 17 ci‑dessus). Eu égard à ces circonstances, le Gouvernement estime que le requérant aurait pu saisir les juridictions civiles d’une action en indemnisation dès le mois d’avril 2016, dans le délai de prescription de cinq ans prévu par la loi pour ce type d’action, et que les juridictions n’auraient pas déclaré l’action irrecevable mais auraient suspendu la procédure dans l’attente de la décision de la Cour suprême de cassation. Il en déduit que cette voie de recours n’était pas dépourvue de perspectives raisonnables de succès et qu’elle aurait dû être épuisée par le requérant.
33. Le requérant répond que son grief porte notamment sur l’impossibilité de participer à la procédure pénale concernant le meurtre de son frère, comme le garantit l’article 2 de la Convention. Il estime qu’une procédure devant les juridictions civiles n’aurait pas été en mesure de remédier à cette situation.
34. La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention impose aux personnes désireuses de saisir la Cour l’obligation d’utiliser auparavant les recours qu’offre l’ordre juridique de leur pays pour leur permettre d’obtenir réparation des violations qu’elles allèguent. Néanmoins, l’article 35 § 1 ne prescrit que l’épuisement des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. L’épuisement des voies de recours s’apprécie en règle générale à la date d’introduction de la requête devant la Cour (voir, entre autres, Baumann c. France, no 33592/96, §§ 40 et 47, CEDH 2001-V (extraits), et Ivan Todorov c. Bulgarie, no 71545/11, §§ 45 et 49, 19 janvier 2017). Cette règle ne va pas sans exceptions, qui peuvent être justifiées par les circonstances particulières de chaque espèce. La Cour s’est déjà écartée de cette règle générale dans des affaires où, à la suite de son constat d’existence de problèmes systémiques dans le droit ou la pratique interne, le gouvernement défendeur a pris l’initiative de créer des voies de recours susceptibles de remédier aux violations alléguées de la Convention concernant, par exemple, la durée excessive des procédures judiciaires (Brusco c. Italie (déc.), no 69789/01, CEDH 2001-IX, et Nogolica c. Croatie (déc.), no 77784/01, CEDH 2002-VIII) ou des conditions de détention inhumaines et dégradantes (Łatak c. Pologne (déc.), no 52070/08, §§ 80-82, 12 octobre 2010, et Łominski c. Pologne (déc.), no 33502/09, §§ 71-73, 12 octobre 2010). Elle a également fait une exception à cette règle lorsqu’une voie de recours est devenue accessible ou effective à une date postérieure à l’introduction de la requête en raison d’un changement de la situation du requérant (voir Demir c. Turquie (déc.), no 51770/07, § 28, 16 octobre 2012, Gürceğiz c. Turquie, no 11045/07, §§ 27 et 34, 15 novembre 2012, et Łatak, décision précitée, § 81, affaires dans lesquelles le requérant a eu la possibilité d’introduire un recours en indemnisation à la suite de sa remise en liberté ou de la clôture de la procédure pénale intervenues après l’introduction de la requête).
35. En l’espèce, le Gouvernement invite la Cour à appliquer une exception à la règle voulant que l’épuisement des voies de recours s’apprécie au moment de l’introduction de la requête eu égard à la saisine de la Cour suprême de cassation d’une demande de décision interprétative en avril 2016, puis à l’adoption de l’arrêt interprétatif du 21 juin 2018 qui a élargi le champ des personnes pouvant prétendre à une indemnisation. La Cour relève cependant que la demande du requérant de se constituer partie à la procédure pénale portant sur le meurtre de son frère a été rejetée par une décision définitive du 5 janvier 2015 et qu’il a introduit la présente requête le 18 juin 2015, soit trois ans avant le changement de la jurisprudence interne invoquée par le Gouvernement. Elle note que le Gouvernement n’a pas invoqué de raisons susceptibles, au regard de sa jurisprudence citée au paragraphe précédent, de justifier la prise en compte d’une autre date. Dans ces circonstances, elle estime que le requérant n’était pas tenu d’introduire une action civile à la suite de l’évolution de la jurisprudence de la Cour suprême de cassation pour satisfaire la condition de l’épuisement des voies de recours internes et rejette l’exception soulevée par le Gouvernement.
2. Conclusion sur la recevabilité
36. Constatant par ailleurs que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour déclare la requête recevable.
1. Thèses des parties
a) Le requérant
37. Le requérant soutient n’avoir été impliqué, du moins pendant la phase initiale de l’enquête, qu’en qualité de témoin, et qu’il n’a donc pas pu exercer les droits réservés aux parties, en particulier ceux de faire des demandes, des remarques ou des objections. Il considère que le refus d’accéder à sa demande de constitution de partie accusatrice et de partie civile l’a dès lors privé de la possibilité de défendre ses intérêts légitimes, en particulier pendant la phase de jugement de la procédure.
38. Il soutient que, en refusant sa demande de constitution de partie à la procédure pénale, les juridictions internes ont appliqué les décisions interprétatives de l’ancienne Cour suprême de manière restrictive et qui plus est contraire à la directive européenne 2012/29/UE, cette dernière visant expressément les frères et sœurs parmi les membres de la famille devant être considérés comme « victimes » d’une infraction ayant causé le décès de leur proche. Il estime que l’article 2 § 2 de cette directive, qui permet de limiter le nombre de membres de la famille susceptibles de bénéficier des droits qui y sont énoncés, ne saurait justifier une restriction dans les cas où, comme en l’espèce, il n’existe aucun autre membre de la famille.
39. Le requérant soutient par ailleurs que des objets avaient disparu du domicile de son frère et que les autorités ont refusé d’enquêter à ce sujet malgré ses demandes. Or le constat de la disparition de ces objets aurait pu expliquer les intentions du meurtrier, justifier une qualification plus sévère de l’infraction et lui permettre d’obtenir une indemnité pour les objets selon lui volés, dont certains lui appartenaient à titre personnel. Il estime que les autorités ont ainsi négligé une piste d’investigation essentielle et n’ont pas mené une enquête suffisamment approfondie.
b) Le Gouvernement
40. Le Gouvernement estime que les obligations positives de l’État ont été remplies en l’espèce. Il indique que les autorités ont ouvert une enquête pénale immédiatement après les faits, que celle-ci a permis d’identifier le responsable et a abouti à sa condamnation à une peine d’emprisonnement dans des délais très brefs. En ce qui concerne la participation du requérant à la procédure, le Gouvernement soutient que le degré d’implication exigé dépend des circonstances de chaque espèce et que la Cour a conclu à une violation de l’article 2 de la Convention principalement dans des cas où des enquêtes non publiques, internes aux administrations en cause, avaient été menées, sans aucune participation des proches du défunt ou contrôle du public. S’agissant de la présente espèce, le Gouvernement expose que le requérant a été entendu au cours de l’instruction, qu’il s’est vu notifier l’ensemble des éléments du dossier, que ses suggestions concernant des pistes d’investigation et ses demandes d’actes d’investigation ont été prises en compte et qu’il a été tenu informé de la tenue du procès, auquel il a pu assister. Ainsi, selon le Gouvernement, même si ses demandes visant à le constituer partie à la procédure pénale ont été rejetées, l’intéressé a néanmoins pu prendre part à cette procédure d’une manière suffisante pour défendre ses intérêts légitimes. Un contrôle public suffisant aurait également été assuré par la tenue d’un procès public.
41. Pour ce qui est de la possibilité d’obtenir une indemnisation pour le préjudice moral subi du fait du décès de son frère, le Gouvernement admet qu’à l’époque pertinente la jurisprudence interne définissait de manière restrictive les personnes pouvant prétendre à une telle indemnisation, en la réservant au cercle familial le plus proche. Se référant à l’arrêt Zavoloka c. Lettonie (no 58447/00, 7 juillet 2009), il soutient cependant que cette situation ne méconnaît pas l’article 2 de la Convention. Renvoyant à la directive 2012/29/UE (paragraphe 22 ci-dessus), il argue que le droit de l’Union européenne laisse également aux États membres la liberté de définir le cercle des personnes pouvant prétendre à une indemnisation pour préjudice moral et qu’il n’existe pas d’approche uniforme de cette question parmi les États parties à la Convention.
2. Appréciation de la Cour
a) Principes généraux
42. La Cour rappelle que l’article 2 de la Convention, qui consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l’Europe, astreint l’État non seulement à s’abstenir d’infliger la mort de manière intentionnelle mais aussi à prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction (voir, entre autres, L.C.B. c. Royaume-Uni, 9 juin 1998, § 36, Recueil des arrêts et décisions 1998-III). Cette obligation positive matérielle implique pour l’État un devoir primordial d’assurer le droit à la vie en mettant en place un cadre législatif et administratif dissuadant de mettre en péril ledit droit (Nicolae Virgiliu Tănase c. Roumanie [GC], no 41720/13, § 135, 25 juin 2019), notamment par la mise en place d’une législation pénale concrète dissuadant de commettre des atteintes contre la personne et s’appuyant sur un mécanisme d’application conçu pour en prévenir, réprimer et sanctionner les violations (Mustafa Tunç et Fecire Tunç c. Turquie [GC], no 24014/05, § 171, 14 avril 2015, Paul et Audrey Edwards c. Royaume-Uni, no 46477/99, § 54, CEDH 2002‑II, et Anguelova et Iliev c. Bulgarie, no 55523/00, § 93, 26 juillet 2007).
43. L’obligation qui pèse sur l’État de protéger le droit à la vie implique aussi l’obligation positive procédurale de veiller à ce que soit en place, dans les cas de décès, un système judiciaire effectif et indépendant qui permette à bref délai d’établir les faits, de contraindre les responsables à rendre des comptes et de fournir aux victimes une réparation adéquate (Nicolae Virgiliu Tănase, précité, §§ 137 et 157). Ce système peut varier selon les circonstances et selon la nature de l’atteinte à la vie. La Cour a ainsi considéré qu’une enquête officielle effective, voire une enquête de nature pénale, doit être menée lorsqu’il y a des raisons de croire que la mort a été infligée volontairement ou lorsque le décès est survenu dans des circonstances suspectes (ibidem, §§ 158 et 160, Mustafa Tunç et Fecire Tunç, précité, §§ 170-171, et Anguelova et Iliev, précité, § 94). Lorsque la mort résulte d’une négligence, l’obligation procédurale de l’État peut être jugée satisfaite si le système juridique offre aux victimes ou à leurs proches un recours devant les juridictions civiles qui, seul ou conjointement avec un recours devant les juridictions pénales, est susceptible d’aboutir à l’établissement des responsabilités éventuelles et à l’octroi d’une réparation civile adéquate (Nicolae Virgiliu Tănase, précité, § 159, Calvelli et Ciglio c. Italie [GC], no 32967/96, § 51, CEDH 2002‑I, et Lopes de Sousa Fernandes c. Portugal [GC], no 56080/13, § 137, 19 décembre 2017).
44. Les critères établis dans la jurisprudence de la Cour concernant l’« effectivité » de l’enquête, au sens où cette expression doit être comprise dans le contexte de l’article 2 de la Convention, ont été résumés, parmi d’autres exemples, dans les arrêts Nicolae Virgiliu Tănase et Mustafa Tunç et Fecire Tunç précités (voir, respectivement, les §§ 165-168 et §§ 172-181 de ces arrêts et les références qui y sont citées).
45. Il en ressort notamment que, pour pouvoir être qualifiée d’effective, l’enquête menée doit être d’abord adéquate. Cela signifie qu’elle doit être apte à conduire à l’établissement des faits et, le cas échéant, à l’identification et à la punition des responsables.
46. L’enquête menée doit être suffisamment approfondie, ce qui signifie que les autorités doivent prendre toutes les mesures raisonnables à leur disposition pour obtenir les preuves relatives aux faits en question. Les conclusions de l’enquête doivent s’appuyer sur une analyse méticuleuse, objective et impartiale de tous les éléments pertinents. Le rejet d’une piste d’investigation qui s’impose de toute évidence compromet de façon décisive la capacité de l’enquête à établir les circonstances de l’affaire et, le cas échéant, l’identité des personnes responsables.
47. Il est par ailleurs nécessaire que les personnes qui sont chargées de l’enquête soient indépendantes des personnes impliquées ou susceptibles de l’être.
48. Une exigence de célérité et de diligence raisonnable est également implicite dans ce contexte.
49. En outre, l’enquête doit être accessible à la famille de la victime dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts légitimes.
50. Le respect de l’exigence procédurale de l’article 2 de la Convention s’apprécie sur la base de plusieurs paramètres essentiels, dont ceux mentionnés plus haut (paragraphes 46-49 ci-dessus), qui, pris conjointement, permettent d’apprécier le degré d’effectivité de l’enquête (Nicolae Virgiliu Tănase, précité, 171).
51. Par ailleurs, lorsque différentes voies de recours, tant civiles que pénales, sont disponibles, la Cour doit examiner si l’on peut dire que, prises dans leur ensemble et telles qu’elles étaient prévues par la loi et appliquées en pratique, celles-ci ont constitué des voies de droit permettant d’établir les faits, d’obliger les responsables à rendre des comptes et d’offrir à la victime une réparation adéquate (ibidem, 169). Il existe en effet divers moyens propres à garantir les droits protégés par la Convention et le choix des mesures que l’État doit adopter pour se conformer à ses obligations positives au titre de l’article 2 relève en principe de sa marge d’appréciation (voir, entre autres, Lopes de Sousa Fernandes, précité, § 216).
b) Application en l’espèce
53. En ce qui concerne le caractère approfondi de l’enquête, la Cour constate que de nombreux actes d’instruction, notamment l’inspection des lieux, des auditions de témoins et des expertises, ont été réalisés, et que l’enquête a permis d’identifier l’auteur du meurtre. Elle note que les enquêteurs et les juridictions ont pris en compte les hypothèses avancées par le requérant dans le sens que les objets disparus au domicile de son frère révélaient un motif crapuleux ou l’implication d’autres personnes mais n’ont pas trouvé d’éléments les confirmant (paragraphes 8 et 13 ci-dessus). Dans ces circonstances, la Cour ne saurait conclure que les autorités ont omis de suivre une piste d’investigation qui s’imposait de toute évidence ni qu’elles ont commis des défaillances blâmables dans la conduite de l’enquête qui auraient compromis l’efficacité de celle-ci au sens de l’article 2 de la Convention.
54. S’agissant du grief que le requérant tire du refus ayant été opposé à sa demande de constitution de partie accusatrice et de partie civile à la procédure pénale, la Cour estime que ce grief, tel que formulé par l’intéressé, contient deux aspects distincts et concerne, d’une part, l’impossibilité de prendre part à la procédure pénale et, d’autre part, l’impossibilité d’obtenir une réparation pour le préjudice subi en conséquence du meurtre de son frère.
55. En ce qui concerne la participation du requérant à la procédure pénale, la Cour note que, dans le cadre de la phase d’instruction de cette procédure, les autorités chargées de l’enquête ont pris ses dépositions, l’ont tenu informé de l’avancée de l’enquête et, une fois celle-ci terminée, lui ont notifié l’ensemble des éléments recueillis. À cette occasion, le requérant a eu la possibilité de soumettre ses observations et ses demandes d’actes d’investigation et le parquet y a répondu dans ses décisions. Le requérant a ensuite été informé de la décision de clôturer l’enquête et de la date de tenue du procès. Dès lors, même si le rejet de ses demandes de constitution en tant que partie à la procédure et son absence de participation à la phase de jugement de l’affaire peuvent en principe soulever des questions sous l’angle des obligations procédurales découlant de l’article 2 de la Convention, dans les circonstances de l’espèce la Cour considère que le requérant a été associé de manière suffisante à l’enquête pénale (voir, a contrario, Ognyanova et Choban c. Bulgarie, no 46317/99, § 115, 23 février 2006, et Seidova et autres c. Bulgarie, no 310/04, § 60, 18 novembre 2010, dans lesquels les proches de la victime n’avaient pas été en mesure de consulter le dossier d’enquête ni de recevoir des informations sur l’avancée de celle-ci). L’article 2 de la Convention n’a donc pas été méconnu sur ce point.
56. Quant à la possibilité d’obtenir une réparation du préjudice subi, la Cour note que, à l’époque des faits de l’espèce, en vertu d’une jurisprudence impérative de l’ancienne Cour suprême, seules les personnes faisant partie d’un cercle familial restreint (parents, enfants et conjoints) pouvaient prétendre à un dédommagement moral pour le décès d’un proche, à l’exclusion d’autres parents tels que les frères et sœurs. Dans la mesure où, en vertu des dispositions pertinentes du code de procédure pénale, seules les personnes pouvant prétendre à l’indemnisation d’un préjudice résultant de l’infraction peuvent se constituer partie à la procédure pénale, les juridictions internes ont refusé la demande du requérant de se constituer partie accusatrice et partie civile, jugeant, d’une part, qu’il ne pouvait prétendre à un préjudice moral en application de la jurisprudence susmentionnée et, d’autre part, que le préjudice matériel qu’il alléguait n’était pas lié à l’infraction pour laquelle le renvoi en jugement avait été effectué.
57. La Cour observe que le préjudice matériel allégué par le requérant dans la procédure interne concernait des biens qui auraient été volés du domicile de son frère et n’était donc pas une conséquence du décès de celui-ci, comme l’ont d’ailleurs constaté les juridictions internes. Elle considère que, dans ces circonstances, la possibilité d’obtenir une indemnité au titre de ce préjudice ne relève pas des obligations procédurales de l’État défendeur au titre de l’article 2 de la Convention et elle estime qu’elle n’a pas à se pencher plus avant sur cette question. Reste à savoir si l’impossibilité pour l’intéressé de prétendre à une réparation du préjudice moral qu’il a pu subir du fait du décès de son frère a méconnu les obligations susmentionnées.
58. À cet égard, la Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, les obligations procédurales découlant de l’article 2 de la Convention exigent que les États mettent en place un système judiciaire effectif qui permette d’établir les faits, de contraindre les responsables à rendre des comptes mais aussi de fournir aux victimes une réparation adéquate (Nicolae Virgiliu Tănase, précité, § 137 ; paragraphe 43 ci-dessus). En ce qui concerne la forme que doit prendre une telle « réparation adéquate », la Cour a maintes fois jugé, sous l’angle de l’article 13 combiné avec l’article 2 de la Convention que, dans les cas où une autorité publique est responsable du décès en cause, l’ordre juridique interne doit permettre une réparation pécuniaire du dommage moral subi par les proches de la victime (voir, entre autres, Paul et Audrey Edwards, précité, §§ 97 et 101).
59. En l’absence de responsabilité d’autorités publiques dans le décès et donc de « grief défendable » de violation de l’article 2 de la Convention, l’article 13 ne trouve cependant pas à s’appliquer (Zavoloka, précité, §§ 38‑39). Dans des affaires où le décès n’était pas imputable à des autorités publiques, la Cour a ainsi envisagé la possibilité d’obtenir une indemnisation pour le dommage moral consécutif au décès d’un proche sous l’angle des obligations procédurales découlant de l’article 2 de la Convention.
61. Dans la présente espèce, le droit interne applicable à l’époque des faits prévoyait la possibilité d’obtenir une compensation pour le préjudice moral subi à la suite du décès d’un proche mais, en vertu d’une jurisprudence impérative de l’ancienne Cour suprême, seules les personnes faisant partie d’un cercle familial restreint (parents, enfants et conjoints) pouvaient prétendre à un tel dédommagement, à l’exclusion d’autres parents tels que les frères et sœurs. La Cour doit donc déterminer si l’exigence de prévoir un système judiciaire effectif susceptible de fournir une « réparation adéquate » a été remplie en l’espèce compte tenu de l’impossibilité pour le requérant de prétendre à un dédommagement en raison des limitations imposées par le droit interne.
62. En ce qui concerne l’existence d’un consensus parmi les États contractants à cet égard, la Cour note qu’il ressort des éléments de droit comparé dont elle dispose que l’ensemble des États contractants étudiés prévoient un droit à réparation au profit des personnes qui ont subi un dommage moral à la suite du décès d’un de leurs proches et que pour la quasi-totalité de ces États cette possibilité existe lorsque le responsable est, comme en l’espèce, un particulier. Elle constate cependant que les conditions et les mécanismes d’attribution d’une indemnité, de même que la détermination des personnes pouvant y prétendre, varient. Dans une vaste majorité de pays, la liste de ces personnes n’est pas prédéfinie mais les ayants droit sont déterminés dans chaque cas en fonction de critères tels que le lien familial avec le défunt, la réalité de la relation affective ou d’entraide existante entre eux, une éventuelle cohabitation ou encore la qualité d’héritier du demandeur. Il semble cependant résulter de l’application de ces critères que très peu de pays encadrent cette possibilité de manière aussi restrictive que le droit bulgare à l’époque pertinente (paragraphes 23-24 ci‑dessus).
63. La Cour note par ailleurs que la directive européenne 2012/29/UE établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité inclut les frères et sœurs d’une personne décédée dans la notion de « victime » d’une infraction pouvant bénéficier des droits qui y sont visés. Si, comme le souligne le Gouvernement, l’article 2 § 2 de la directive permet aux États d’adopter des normes pour limiter le nombre de membres de la famille d’une personne décédée susceptibles de bénéficier de ces droits, le libellé de cette disposition semble plutôt viser des situations où il existe plusieurs « membres de la famille », au sens de l’article 2 § 1 de la directive, et non celles où, comme en l’espèce, une seule personne peut prétendre à cette qualité (paragraphe 22 ci-dessus). La disposition en cause prévoit en outre qu’une telle limitation n’est permise qu’à condition qu’il soit « [tenu] compte des particularités de chaque cas », alors que le droit bulgare applicable à l’époque des faits excluait la possibilité de chercher réparation pour certains membres de la famille de manière absolue, sans appréciation des circonstances particulières de chaque espèce.
64. La Cour note au demeurant que la jurisprudence interne pertinente a été modifiée postérieurement aux faits de l’espèce et que la Cour suprême de cassation admet désormais que d’autres personnes que celles qui étaient limitativement listées dans les décisions interprétatives de l’ancienne Cour suprême peuvent prétendre à une indemnisation si elles parviennent à établir que, compte tenu de leur relation avec le défunt, elles ont subi des souffrances morales comparables à celles du cercle familial proche (paragraphe 17 ci-dessus). Si cette évolution du droit interne ne permet pas en soi de considérer que la situation antérieure était contraire à la Convention (Zavoloka, précité, § 41, in fine), la Cour considère que ce changement de jurisprudence, adopté notamment pour mettre le droit bulgare en conformité avec la directive européenne 2012/29/UE, doit être pris en compte pour constater l’existence d’une tendance dans le droit des États contractants.
65. Compte tenu des éléments qui précèdent, la Cour estime qu’il existe un consensus parmi les États contractants selon lequel les membres de la famille les plus proches doivent avoir la possibilité de demander une réparation pécuniaire pour le dommage moral subi du fait du décès de leur proche, sous réserve que soient évalués dans chaque cas concret l’intensité des liens qui les unissaient au défunt et le préjudice réellement enduré.
66. Dans des circonstances comme celles de l’espèce, où le requérant était l’unique membre de la famille et l’unique héritier de son défunt frère, et où, ainsi qu’il ressort des éléments disponibles au dossier, il avait entretenu une relation étroite avec celui-ci, la Cour considère qu’en ne prévoyant aucune voie de recours qui aurait permis à l’intéressé de prétendre à une réparation pécuniaire du dommage moral qu’il a pu subir, l’État défendeur a failli à son obligation de mettre en place un système judiciaire capable de fournir une « réparation adéquate » au sens de l’article 2 de la Convention.
67. Partant, malgré le caractère efficace de la procédure pénale menée en l’espèce, qui a permis d’établir les faits et qui a abouti à la condamnation du meurtrier, la Cour estime que l’absence de toute possibilité d’obtenir un dédommagement moral a méconnu l’obligation de l’État de mettre en place un système judiciaire effectif qui fournisse une réponse appropriée aux proches de la victime en cas de décès. Il y a dès lors eu violation de l’article 2 de la Convention sous son volet procédural.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
68. Aux termes de l’article 41 de la Convention :
A. Dommage
69. Le requérant demande 20 000 euros (EUR) au titre du dommage moral qu’il aurait subi du fait du caractère inefficace de l’enquête menée sur le meurtre de son frère et de l’impossibilité de se constituer partie à la procédure pénale. Il réclame en outre 25 000 EUR pour le préjudice matériel qu’il estime avoir subi, correspondant selon lui à la perte de chance de se voir allouer une indemnité par les juridictions internes si sa constitution de partie civile avait été acceptée.
70. Le Gouvernement estime que les prétentions du requérant sont exagérées en ce qui concerne le dommage moral demandé. Pour ce qui est du préjudice matériel, il soutient, d’une part, que la perte de chance évoquée par le requérant est spéculative et n’a pas de lien de causalité avec un éventuel constat de violation de l’article 2 de la Convention sous son aspect procédural. Il argue, d’autre part, qu’après le rejet de sa demande de constitution de partie à la procédure pénale, l’intéressé avait la possibilité de saisir les juridictions civiles de ses prétentions.
71. En ce qui concerne la perte de chance alléguée par le requérant, la Cour relève que, au moment du revirement de jurisprudence opéré par la Cour suprême de cassation avec l’arrêt interprétatif du 21 juin 2018, le délai de prescription de l’action en responsabilité civile n’avait pas encore expiré et que l’intéressé avait dès lors la possibilité de saisir les juridictions civiles d’une action en réparation contre G.V. qui n’aurait pas été dépourvue de perspectives de succès. Elle rejette dès lors la demande en ce qui concerne le préjudice matériel allégué. Elle estime en revanche que le requérant a subi un préjudice moral du fait de la violation constatée de l’article 2 et lui octroie 5 000 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.
B. Frais et dépens
72. Le requérant réclame un total de 4 102 EUR au titre des frais et dépens qu’il dit avoir engagés dans le cadre de la procédure menée devant la Cour, dont 3 900 EUR correspondant aux honoraires dus à ses avocats et 202 EUR à des frais de traduction, de courrier et de bureau. Il présente à l’appui de ses demandes les contrats d’assistance juridique conclus avec ses avocats, un compte rendu du travail effectué par ceux-ci pour un total de 32 heures et 30 minutes au taux horaire de 120 EUR et une facture attestant du paiement d’une provision sur honoraires de 1 200 levs bulgares toutes taxes comprises (l’équivalent de 613 EUR). Il produit également des factures pour des frais de traduction à hauteur de 141 EUR et pour des frais postaux à hauteur de 8 EUR et estime les frais de fournitures de bureau à 35 EUR. Le requérant demande que les sommes accordées au titre des frais et dépens soient versées directement à ses avocats, à l’exception de 613 EUR correspondant aux honoraires qu’il aurait déjà payés.
73. Le Gouvernement considère que les prétentions au titre des frais d’avocat sont excessives tant en ce qui concerne les heures de travail indiquées que le taux horaire de 120 EUR. Il estime en outre mal venue la demande de remboursement de frais de bureau, et indique à cet égard que les avocats bénéficient d’une déduction de 25 % de leurs revenus déclarés au titre de frais.
74. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour juge raisonnable d’accorder au requérant un montant global de 3 200 EUR, tous frais confondus, dont 613 EUR seront à verser au requérant et le restant à ses avocats, conformément à la demande de l’intéressé.
C. Intérêts moratoires
75. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 2 de la Convention sous son volet procédural ;
3. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en levs bulgares au taux applicable à la date du règlement :
i. 12 000 EUR (douze mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;
ii. 3 200 EUR (trois mille deux cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens, dont 613 EUR à verser directement au requérant et 2 587 EUR, à verser sur le compte bancaire indiqué par ses avocats ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 juillet 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Ilse Freiwirth Iulia Antoanella Motoc
Greffière adjointe Président