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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> FRUJA v. ROMANIA - 2071/14 (Judgment : Right not to be tried or punished twice-{general} : Fourth Section Committee) French Text [2020] ECHR 729 (13 October 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2020/729.html Cite as: CE:ECHR:2020:1013JUD000207114, [2020] ECHR 729, ECLI:CE:ECHR:2020:1013JUD000207114 |
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QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE FRUJA c. ROUMANIE
(Requête no 2071/14)
ARRÊT
STRASBOURG
13 octobre 2020
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Fruja c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en un comité composé de :
Faris Vehabović, président,
Iulia Antoanella Motoc,
Carlo Ranzoni, juges,
et de Ilse Freiwirth, greffière adjointe de section,
Vu la requête (no 2071/14) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Sergiu Dan Fruja (« le requérant »), a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 31 décembre 2013,
Vu la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement roumain le 16 juillet 2014,
Vu les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 septembre 2020,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. L’affaire porte sur la réouverture alléguée des poursuites pénales contre le requérant pour les mêmes faits, en violation de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention.
2. Le requérant est né en 1988 et réside à Deva. Il est représenté par Me A.F. Stoica, avocat à Timișoara.
3. Le Gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par ses agents, en dernier lieu Mme S.M. Teodoroiu, du ministère des Affaires étrangères.
4. Par une ordonnance du 30 octobre 2012, le parquet de Timișoara mit fin aux poursuites qui avaient été ouvertes contre le requérant pour conduite d’un véhicule sous l’influence de stupéfiants, infraction réprimée par l’article 87 de l’ordonnance d’urgence du gouvernement no 195/2002 (« l’OUG no 195/2002 »). Estimant que les faits en cause n’atteignaient pas le degré de gravité d’une infraction, le parquet infligea au requérant une amende à caractère administratif. Le requérant ne contesta pas l’amende et la paya.
5. Le 30 janvier 2013, le procureur en chef du parquet infirma d’office l’ordonnance du 30 octobre 2012 et renvoya le requérant devant le tribunal afin qu’il répondît du chef de l’infraction susmentionnée. Il estimait en effet que le procureur qui avait décidé d’abandonner les poursuites avait commis une erreur d’appréciation.
6. Par un jugement du 26 septembre 2013, le tribunal de première instance de Timișoara condamna le requérant à une peine de huit mois d’emprisonnement avec sursis. Par un arrêt définitif du 21 janvier 2013, la cour d’appel de Timisoara confirma la condamnation. Estimant que le principe ne bis in idem ne s’appliquait pas aux ordonnances du parquet, les deux juridictions rejetèrent les arguments tirés par le requérant de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention.
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
7. Les dispositions pertinentes, dans leur version en vigueur à l’époque des faits, ainsi que la pratique interne, sont décrites dans l’arrêt Mihalache c. Roumanie ([GC], no 54012/10, §§ 31‑35, 8 juillet 2019).
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 4 DU PROTOCOLE No 7 À LA CONVENTION
8. Le requérant allègue qu’il a été poursuivi et condamné pénalement deux fois pour les mêmes faits. Il y voit une violation de l’article 4 du Protocole no 7, qui se lit comme suit dans ses parties pertinentes en l’espèce :
« 1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.
2. Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.
(...) »
9. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.
10. Le Gouvernement soutient principalement que la présente affaire porte sur une procédure « unique » tranchée de manière définitive par l’arrêt de la cour d’appel de Timisoara en date du 21 janvier 2013, et non pas sur deux procédures distinctes.
11. La Cour rappelle qu’elle a déjà examiné un grief identique dans une affaire similaire à celle de l’espèce (Mihalache c. Roumanie [GC], no 54012/10, §§ 44‑139, 8 juillet 2019), et qu’elle a conclu que la réouverture des poursuites contre le requérant, qui s’était vu infliger une sanction à caractère administratif pour une infraction réprimée par l’article 87 de l’OUG no 195/2002, sanction qui était devenue définitive au moment du déclenchement de nouvelles poursuites, contrevenait au principe ne bis in idem.
12. En l’espèce, la Cour ne relève rien qui puisse la conduire à s’écarter de cette conclusion. Dès lors, elle estime qu’il y a eu en l’espèce violation de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
13. Aux termes de l’article 41 de la Convention :
14. Le requérant demande 10 000 euros (EUR) pour dommage moral. Il demande également 1 760 EUR en remboursement des frais et dépens qu’il dit avoir engagés dans les procédures devant les juridictions internes et devant la Cour.
15. Le Gouvernement conteste ces prétentions.
16. La Cour estime que le simple constat de violation n’est pas suffisant pour réparer le sentiment d’injustice et de frustration que le requérant a dû ressentir en raison de la réouverture des poursuites (voir, en ce sens, Mihalache, précité, § 148). Compte tenu de la nature de la violation constatée, la Cour, statuant en équité, alloue au requérant 5 000 EUR pour préjudice moral.
17. Pour ce qui est des frais et dépens, selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose, la Cour estime raisonnable la somme de 1 600 EUR tous frais confondus et l’accorde au requérant.
18. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention ;
3. Dit,
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :
i. 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral,
ii. 1 600 EUR (mille six cents euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 13 octobre 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Ilse Freiwirth Faris Vehabović
Greffière adjointe Président