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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> SEDAT DOGAN v. TURKEY - 48909/14 (Judgment : Right to a fair trial : Second Section) French Text [2021] ECHR 403 (18 May 2021) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2021/403.html Cite as: CE:ECHR:2021:0518JUD004890914, [2021] ECHR 403, ECLI:CE:ECHR:2021:0518JUD004890914 |
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DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE SEDAT DOĞAN c. TURQUIE
(Requête no 48909/14)
ARRÊT
Art 10 • Liberté d’expression • Sanction disciplinaire, sportive et pécuniaire, par les instances de la Fédération turque de football, à un dirigeant d’un club de football, pour des propos antisportifs lors d’une émission télévisée et sur Twitter • Absence de mise en balance des intérêts en jeu dans le respect de la jurisprudence de la Cour • Motifs ni pertinents ni suffisants
STRASBOURG
18 mai 2021
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Sedat Doğan c. Turquie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une Chambre composée de :
Jon Fridrik Kjølbro, président,
Marko Bošnjak,
Aleš Pejchal,
Valeriu Griţco,
Branko Lubarda,
Pauliine Koskelo,
Saadet Yüksel, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Vu la requête (no 48909/14) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Sedat Doğan (« le requérant »), a saisi la Cour le 17 juin 2014 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
Vu la décision de porter à la connaissance du gouvernement turc (« le Gouvernement ») les griefs fondés sur les articles 6 § 1, 7, 10 et 13 de la Convention et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus,
Vu les observations communiquées par le Gouvernement et celles communiquées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 avril 2021,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. La requête concerne la décision des instances de la Fédération turque de football (TFF) d’infliger au requérant, dirigeant d’un club de football à l’époque des faits, des sanctions sportives et pécuniaires en raison des déclarations qu’il avait faites lors d’une émission télévisée et des messages qu’il avait publiés sur les réseaux sociaux.
2. Le requérant est né en 1971 et réside à Istanbul. Il a été représenté par Me T. Karataş, avocat à Istanbul.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agent.
4. À l’époque des faits, le requérant siégeait au conseil d’administration du club de football Galatasaray.
I. Les sanctions infligées au requérant en raison des déclarations qu’il avait faites lors d’une émission télévisée
5. Le 8 décembre 2013, participant par téléphone à une émission sportive télévisée, le requérant s’exprima à propos du renvoi devant la commission de discipline du football professionnel (« la commission de discipline ») de la TFF de deux joueurs de son club à la suite d’un geste qu’ils avaient eu lors d’un match de football - ils avaient dévoilé sous leur maillot un tee-shirt où était inscrit un message en hommage à Nelson Mandela, décédé la veille. Le requérant s’exprima notamment en ces termes :
« (...) l’humanité lutte contre le racisme (...) et la discrimination depuis [des années]. Nelson Mandela est l’homme qui a mené cette lutte avec succès (...) Maintenant, il est décédé (...) Je veux parler de mes joueurs. [D.D.] et [M.E.] expriment à la fois leur tristesse et leur opposition face au racisme. J’attire votre attention, [M.E.] et [D.D.] ne sont pas citoyens du pays de Nelson Mandela (...) [D.D.] et [M.E.] portent des tee-shirts. Alors, je vous demande maintenant, si un membre de la famille du président de notre fédération était décédé (...) et que [mes joueurs] avaient [inscrit sur leur tee-shirt] « [Repose en paix], membre de la famille du président de notre fédération », les amis de la fédération les auraient-ils renvoyés [devant la commission de discipline] ?
(...)
La punition de personnes et d’institutions en raison de leur opposition au racisme équivaut au crime de racisme (...) [D.D.] et [M.E.] ont-ils affiché un message politique ? Est-ce un message politique [que de s’opposer au] racisme ?
(...)
S’il n’y a pas de message politique dans le [fait de s’opposer au] racisme et si mes deux joueurs n’arborent pas [cette opposition] comme un message politique, si l’un d’entre eux dit « Merci Madiba » [le surnom de Nelson Mandela] (...), l’autre dit « Repose en paix » (...) En punissant un homme pour avoir exprimé son opposition au racisme, vous commettez le crime de racisme. C’est un fait accepté par cent soixante-dix pays des Nations unies... La Fédération turque de football n’en est pas au courant ! Vous renvoyez ces joueurs par une décision si obtuse et si basse. Êtes-vous si obtus ?
(...)
C’est une fédération qui [n’est pas à la hauteur] de ce pays et du niveau économique et social [qu’il a atteint] (...) Vous humiliez la Turquie par la prise de ces décisions.
(...)
C’est une fédération qui inflige à notre joueur une sanction de [privation de ses droits pendant] quatre matchs pour avoir craché alors qu’il n’a pas craché. C’est une fédération qui sanctionne notre entraîneur d’une [privation de ses droits pendant] onze matchs au total. Nous ressentons tout cela comme un parti pris, et nous ne sommes pas les seuls : les [supporteurs de] Galatasaray, tous les supporteurs et la population en Turquie le perçoivent [ainsi].
(...)
Alors, je vous dirai autre chose, quelque chose de plus grave... Cette lettre de renvoi ne nous est pas encore parvenue, et ne nous parviendra pas de toute façon, car (...) ces rapports ne viendront pas tant que tous les matchs de la Ligue ne seront pas joués. Ces rapports ont fuité (...) Voyez le laxisme [dont il est fait preuve] dans cette affaire. Est-ce une institution ou [un foutoir] [Dingonun ahırı] ?
(...)
La fédération est tellement drôle (...) Sur quoi veut-elle faire porter la discussion ? (...) Nelson Mandela est l’un des hommes les plus importants de l’histoire mondiale, l’homme qui a joué un rôle primordial dans la lutte contre le racisme dans l’histoire de l’humanité (...) Personne ne se souviendra de ces amis de la fédération dans mille ans, mais on se souviendra de Nelson Mandela.
(...)
La fédération a-t-elle le droit de me faire passer pour un citoyen (...) d’un pays raciste ayant une fédération raciste (...) ?
(...) »
6. Le 12 décembre 2013, jugeant que les affirmations du requérant étaient constitutives de l’infraction de propos antisportifs prévue à l’article 37 de l’instruction disciplinaire du football (« l’instruction »), la commission de discipline infligea à l’intéressé une sanction disciplinaire de privation des droits attachés à ses fonctions pendant soixante jours assortie d’une amende disciplinaire de 44 000 livres turques (TRY) (soit 15 753 euros (EUR) à l’époque des faits) en application de l’article 37 § 1 b) de cette instruction (paragraphe 11 ci-dessous).
Elle considéra que les expressions employées par le requérant lors de l’émission étaient démesurées, disproportionnées et de nature à porter atteinte aux droits de la personnalité, que leur utilisation n’était pas nécessaire et qu’elles dépassaient les limites du droit de critique. Elle estima également que les affirmations litigieuses étaient de nature à léser la dignité de la TFF et de ses membres, à les rabaisser, à les livrer à l’hostilité du public, à rompre la paix sportive, à attiser les tensions et à dévaloriser l’image du football.
7. Le 19 décembre 2013, saisi d’une opposition formée par le requérant contre la décision de la commission de discipline, le comité d’arbitrage de la TFF (« le comité d’arbitrage ») confirma cette décision. Tout en la considérant conforme à l’instruction, il ramena les sanctions infligées à l’intéressé à une privation des droits attachés à ses fonctions pendant trente jours et à une amende disciplinaire de 22 000 TRY (soit 7 876 EUR à l’époque des faits).
Le comité d’arbitrage jugea que les affirmations du requérant allaient au-delà des limites de la critique et contenaient des expressions non nécessaires, sans lien clair avec la critique visée, qu’elles étaient de nature à léser et à rabaisser inutilement le président et d’autres dirigeants de la TFF. Il estima qu’il était évident que les expressions suivantes en particulier exposaient la TFF en tant qu’institution ainsi que ses dirigeants et les membres de ses comités à l’hostilité de la société et qu’elles étaient dénuées de rapport avec la critique concernant une mauvaise gestion de la TFF :
« La Fédération turque de football n’est pas au courant ! Vous renvoyez ces joueurs par une décision si obtuse et si basse. Êtes-vous si obtus ? », « C’est une fédération qui [n’est pas à la hauteur] (...) du niveau (...) social (...) Vous humiliez la Turquie par la prise de ces décisions. », « Nous ressentons tout cela comme un parti pris (...) », « Voyez le laxisme [dont il est fait preuve] dans cette affaire. Est-ce une institution ou [un foutoir] ? », « La fédération est tellement drôle (...) », « (...) comme un citoyen (...) d’un pays raciste ayant une fédération raciste (...) ».
Le comité d’arbitrage conclut que les déclarations litigieuses ne pouvaient être considérées comme des jugements de valeur négatifs ou des critiques protégés par la liberté d’expression et qu’elles constituaient des propos dénigrants et insultants pour la TFF, qui revêtaient un caractère antisportif au sens de l’article 37 § 1 b) de l’instruction (paragraphe 11 ci-dessous).
II. Les sanctions infligées au requérant en raison de ses tweets
8. Le 12 décembre 2013, à la suite de la décision de sanction susmentionnée rendue par la commission de discipline, le requérant publia sur son compte Twitter les messages suivants, accompagnés du hashtag « au revoir la TFF » (gülegüle tff), qui étaient ainsi libellés :
« Vous aurez ce que vous cherchez ! Nous allons régler nos comptes devant la justice turque. »
« C’est le peuple [qui vous a infligé] la sanction de privation de droits ! [Osez aller] dans les stades ! [Soixante] jours pour moi, perpétuité pour vous, et de la part du peuple. »
« Même si vous le voulez, vous ne pouvez pas [me] faire taire [à coups d’intimidation] ou de sanctions. Nous sommes les petits-enfants de Tevfik Fikret. Qu’a dit le grand penseur ? « Tant que les gens [honnêtes] ne seront pas aussi courageux que les gens [malhonnêtes], il n’y aura pas d’amélioration. » »
« Je vous préviens dès maintenant, prenez vos avocats. À part des spécialistes en droit pénal, vous aurez besoin de spécialistes du droit en matière de dédommagement. »
Le 17 décembre 2013, le requérant publia les messages suivants sur son compte Twitter :
« [Ö.C.] [ex-président décédé du club Galatasaray] ferait équitablement tout le nécessaire pour Galatasaray, y compris mettre fin à la carrière (düdük astırmak) ! Nous [suivons] son exemple pour vous. »
« Oh, mon cher, maintenant, (...) tu t’acharnes contre moi par le biais de ton journal. Aurais-tu si peur ? N’aie pas peur, [cela ne sert à rien] ! »
« Plus personne ne gobe vos articles mensongers ! Pourquoi avez-vous fait une apparition soudaine à la télé hier ? Dites-le d’abord. »
« [İ.S.] [suit aussi les ordres], que peut faire mon frère ? Il n’écrit pas lui-même, il publie l’article sous le nom d’Yalımcan. Pas de souci, continuez ! »
9. Le 19 décembre 2013, jugeant que les tweets susmentionnés diffusés par le requérant constituaient au sens de l’article 37 de l’instruction des propos antisportifs de nature à dévaloriser l’image du football, à inciter à la violence et au désordre dans le sport et à provoquer des protestations de supporters, la commission de discipline infligea à l’intéressé une sanction disciplinaire de privation des droits attachés à ses fonctions pendant quarante-cinq jours assortie d’une amende disciplinaire de 33 000 TRY (environ 11 750 EUR à l’époque des faits) en application de l’article 37 § 1 b) de l’instruction (paragraphe 11 ci-dessous).
La commission de discipline considéra que les expressions employées par le requérant dans ses messages étaient démesurées, disproportionnées et de nature à porter atteinte aux droits de la personnalité, que leur utilisation n’était pas nécessaire et que ces messages dépassaient les limites du droit de critique. Elle estima par ailleurs que les propos litigieux étaient de nature à rompre la paix sportive, à attiser les tensions et à dévaloriser l’image du football.
10. Le 26 décembre 2013, saisi d’une opposition formée par le requérant contre la décision de la commission de discipline, le comité d’arbitrage confirma cette dernière décision au motif qu’il n’y avait décelé aucune erreur manifeste.
Il considéra que les déclarations du requérant dépassaient les limites de la critique et contenaient des expressions non nécessaires, sans lien clair avec la critique visée et de nature à léser et à rabaisser inutilement le président de la TFF et ses dirigeants. Il estima que les tweets publiés par le requérant le 17 décembre 2013 visaient le président de la TFF, qui était intervenu dans une émission télévisée la veille, et que les tweets diffusés le 12 décembre 2013 contenaient des propos antisportifs propres à rompre le climat de paix désiré dans le sport, notamment en ce qu’ils qualifiaient clairement la TFF de « malhonnête ».
Le comité d’arbitrage considéra en outre que les expressions que le requérant avait utilisées dans ses tweets exposaient la TFF en tant qu’institution ainsi que ses dirigeants et les membres de ses comités à l’hostilité de la société et qu’elles étaient dénuées de rapport avec la critique concernant une mauvaise gestion de la TFF.
Le comité d’arbitrage conclut que les affirmations litigieuses ne pouvaient être considérées comme des jugements de valeur négatifs ou des critiques protégés par la liberté d’expression et qu’elles constituaient des propos antisportifs au sens de l’article 37 § 1 b) de l’instruction (paragraphe 11 ci-dessous).
LE CADRE JURIDIQUE INTERNE ET INTERNATIONAL PERTINENT
« 1. Quiconque tient dans les [médias audiovisuels et écrits] des propos contraires à l’esprit sportif, à l’éthique sportive et au principe du fair-play sportif, porte atteinte à la dignité de la TFF, dévalorise l’image du football ou incite à la violence ou au désordre dans le sport par ses propos, ou tient des propos de nature à provoquer des protestations de supporters, à léser les parties des compétitions sportives, [le personnel organisateur] des compétitions, les dirigeants des clubs sportifs ou de la TFF ou à susciter l’hostilité envers ces personnes ;
(...)
(...) »
12. Pour un résumé détaillé du droit interne et international pertinent en l’espèce, voir Ali Rıza et autres c. Turquie (nos 30226/10 et 4 autres, §§ 45‑141, 28 janvier 2020).
I. SUR LES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES DU GOUVERNEMENT
13. Le Gouvernement soulève deux exceptions d’irrecevabilité concernant l’ensemble de la requête. D’une part, il conteste au requérant la qualité de victime et, d’autre part, il plaide le non-épuisement des voies de recours internes. En ce qui concerne la première exception, il expose que les amendes infligées au requérant par les instances de la TFF ont été payées par son club et estime donc que l’intéressé ne peut plus se prétendre victime dans cette affaire. Pour ce qui est de la seconde exception, il reproche au requérant de ne pas avoir saisi le comité d’arbitrage d’une demande de réouverture de la procédure.
14. Le requérant conteste les exceptions du Gouvernement. En ce qui concerne la première, il soutient qu’il n’importe guère de savoir qui a payé les amendes, exposant que celles-ci lui ont bien été infligées et qu’il s’est vu imposer en plus une double privation des droits attachés à ses fonctions à l’issue des procédures disciplinaires litigieuses. Il estime par conséquent qu’il peut toujours se prétendre victime. Pour ce qui est de la seconde exception, le requérant indique que la réouverture de la procédure est un recours extraordinaire qu’il n’aurait pas été tenu d’utiliser.
15. S’agissant de l’exception relative à la qualité de victime du requérant, la Cour note qu’en l’espèce, outre les amendes pécuniaires, le requérant s’est vu infliger à titre de sanction une double privation des droits attachés à ses fonctions et que même si son club a payé les amendes, cela ne change rien au fait qu’il a été reconnu coupable de l’infraction de propos antisportifs dans le cadre des procédures disciplinaires litigieuses. En conséquence, elle rejette cette exception.
16. Quant à la seconde exception, la Cour rappelle sa jurisprudence bien établie selon laquelle la demande de réouverture d’une procédure est un recours extraordinaire (Merter et autres c. Turquie, no 2249/03, § 33, 23 mars 2010) et qu’un requérant n’est pas tenu de se prévaloir d’un recours extraordinaire aux fins de la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée à l’article 35 § 1 (Kiiskinen c. Finlande (déc.), no 26323/95, CEDH 1999‑V, et Korzeniak c. Pologne, no 56134/08, § 39, 10 janvier 2017). Le Gouvernement n’ayant soumis aucun argument particulier qui lui permettrait de se départir de cette règle en l’espèce, la Cour rejette également cette exception (Ali Rıza et autres, précité, §§ 164‑167).
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION concernant L’INDEPENDANCE ET L’IMPARTIALITÉ DU COMITÉ D’ARBITRAGE
17. Le requérant met en doute l’indépendance et l’impartialité du comité d’arbitrage. Il argue à cet égard que les membres de cette instance sont nommés par le président de la TFF et que la durée de leur mandat est limitée à celle du mandat du président. Il invoque à cet égard l’article 6 § 1 de la Convention, qui est ainsi libellé en ses parties pertinentes en l’espèce :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...), par un tribunal indépendant et impartial (...), qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
A. Sur la recevabilité
18. Le Gouvernement soulève une exception d’irrecevabilité, plaidant que le grief formulé par le requérant est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention. Il soutient que la procédure faisant l’objet de la présente affaire porte sur l’organisation et le fonctionnement du football ainsi que sur le maintien de la discipline dans ce domaine et constitue un litige sui generis ayant trait exclusivement à la communauté sportive et footballistique. Il argue que cette affaire ne porte ni sur une contestation relative aux droits ou obligations de caractère civil du requérant, notamment ses droits pécuniaires ou non pécuniaires, ni sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale dirigée contre lui. Il estime qu’à la différence de l’affaire Ali Rıza et autres, précitée, où il était question des droits pécuniaires découlant des relations contractuelles entre un club de football et une personne privée, la présente affaire concerne la procédure disciplinaire suivie devant les organes du football professionnel relevant du droit du sport et ne met en jeu aucun droit de caractère civil. Il considère par conséquent que l’article 6 de la Convention n’est pas applicable en l’espèce.
19. Le requérant combat la thèse du Gouvernement. Il estime qu’à l’issue de la procédure disciplinaire il s’est vu infliger des peines de nature pécuniaire. Il ajoute qu’il a été sanctionné pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression, qui est un droit civil. Il estime donc que l’article 6 est applicable en l’espèce sous son volet tant civil que pénal.
20. La Cour note qu’en l’espèce le requérant, dirigeant d’un club de football à l’époque des faits, a été sanctionné par les instances disciplinaires de la TFF en raison de certains propos qu’il avait tenus lors d’une émission télévisée et de messages qu’il avait diffusés sur son compte Twitter. Elle considère donc que les procédures disciplinaires litigieuses dirigées contre le requérant relevaient essentiellement et incontestablement de l’exercice par l’intéressé de son droit à la liberté d’expression protégé par l’article 10 de la Convention. Elle rappelle à cet égard que ce droit constitue un « droit civil » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention (Kenedi c. Hongrie, no 31475/05, § 33, 26 mai 2009).
21. En tout état de cause, la Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle un contentieux disciplinaire dont l’enjeu est le droit de continuer à pratiquer un métier, peut donner lieu à des « contestations » sur des droits civils au sens de l’article 6 § 1 de la Convention (voir, parmi d’autres, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, 23 juin 1981, § 45, série A no 43). Elle reconnaît donc que l’article 6 § 1 de la Convention trouve à s’appliquer dans son volet civil quand le requérant fait l’objet d’une interdiction temporaire (Diennet c. France, arrêt du 26 septembre 1995, §§ 11 et 27, série A no 325‑A) ou permanente d’exercer son métier (A c. Finlande (déc.), no 44998/98, 8 janvier 2004).
22. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
a) Le requérant
23. Le requérant expose que les membres du comité d’arbitrage sont nommés par le conseil d’administration de la TFF, une fois que les membres de ce dernier ont pris leurs fonctions, et indique que la durée du mandat du comité est identique à celle du mandat des membres du conseil d’administration. Se référant à l’arrêt Ali Rıza et autres, précité, il estime donc que, eu égard au mode de désignation et à la durée du mandat des membres du comité d’arbitrage, ainsi qu’à l’absence de protection contre les pressions au sein de la TFF et contre les pressions externes, ce comité ne peut être considéré comme indépendant et impartial.
b) Le Gouvernement
24. Le Gouvernement soutient d’abord que la composition du comité d’arbitrage et l’élection de ses membres sont conformes au statut de l’UEFA (Union des associations européennes de football) et de la FIFA (Fédération internationale de football association). Il argue ensuite que, dans sa décision Kolgu c. Turquie ((déc.), no 2935/07, § 48, 27 août 2013), la Cour a déclaré n’avoir décelé aucune apparence de violation concernant l’allégation formulée par le requérant dans cette affaire relativement à un manque d’indépendance et d’impartialité du comité d’arbitrage. Il indique que, conformément à la législation pertinente, les membres du comité d’arbitrage se doivent d’être indépendants et impartiaux dans l’exercice de leurs fonctions, qu’ils ne peuvent siéger dans aucun autre organe de la TFF ni occuper un quelconque poste dans un club sportif membre de la TFF ou dans une autre entité privée et qu’ils ne peuvent être révoqués avant la fin de leur mandat, sauf s’ils démissionnent ou se retirent d’eux-mêmes.
25. Faisant référence en outre aux considérations formulées par la Cour dans l’arrêt Ali Rıza et autres, précité, à l’appui de sa conclusion quant au manque d’indépendance et d’impartialité du comité d’arbitrage, notamment concernant l’absence de dispositions spéciales applicables au retrait de ses membres, l’absence d’immunité contre toute action susceptible d’être intentée contre eux dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, l’absence de règles régissant leur conduite professionnelle et l’absence de prestation de serment avant leur prise de fonction, le Gouvernement argue que la présente affaire se distingue de l’affaire Ali Rıza et autres, le requérant n’ayant soulevé en l’espèce aucun grief relatif à ces questions ni devant les autorités nationales ni devant la Cour. Il indique en outre que dans le cas présent le requérant n’allègue pas que les membres du comité d’arbitrage avaient suivi les instructions du conseil d’administration de la TFF ou qu’ils ont subi l’influence de celui-ci de quelque autre manière.
26. En somme, le Gouvernement estime qu’en l’espèce le comité d’arbitrage doit être considéré comme un organe indépendant et impartial.
2. Appréciation de la Cour
27. La Cour rappelle que dans l’arrêt Ali Rıza et autres, précité, elle a déjà eu l’occasion de constater que, eu égard aux déficiences structurelles du comité d’arbitrage découlant des vastes pouvoirs conférés au conseil d’administration de la TFF en ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement de ce comité et en l’absence de garanties adéquates protégeant les membres du comité contre les pressions externes, notamment celles du conseil d’administration, il y avait des raisons légitimes de douter de l’indépendance et de l’impartialité de ses membres. En l’occurrence, elle ne voit aucune raison de s’écarter de cette approche.
28. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION
29. Le requérant allègue que les sanctions qu’il s’est vu infliger en raison des propos qu’il avait tenus et des tweets qu’il avait diffusés ont porté atteinte à son droit à la liberté d’expression. Il invoque l’article 10 de la Convention, qui est ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »
A. Sur la recevabilité
30. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
a) Le requérant
31. Le requérant allègue avoir subi une ingérence dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression qui, selon lui, n’avait pas de base légale. Il soutient à cet égard qu’il est membre du conseil d’administration du club de football Galatasaray, qui est une entité distincte de la société anonyme Galatasaray, cette dernière étant inscrite au registre de la TFF, et que l’on ne peut donc considérer qu’il relève de la compétence des instances de la TFF. Il ajoute que les dispositions de l’instruction n’étaient pas accessibles, indiquant qu’elles étaient publiées uniquement sur le site Internet de la TFF et que leur application manquait de clarté.
32. Il estime en outre que l’ingérence litigieuse n’était pas nécessaire dans une société démocratique. Il argue à cet égard que les propos qu’il a tenus lors de l’émission télévisée visaient à critiquer les actes de la TFF touchant aux questions sensibles du racisme et de la discrimination, que par ses tweets il a voulu critiquer la TFF pour les sanctions, selon lui lourdes et arbitraires, qu’elle lui avait infligées, et qu’aucun de ses propos, verbal ou écrit, ne constituait ni un appel à la violence ni un discours de haine. Il soutient aussi que ce n’est pas parce que son club a payé les amendes qui lui ont été infligées qu’il ne peut plus se dire victime et que, en plus de ces amendes disciplinaires, il a été frappé d’une double privation de ses droits, mesures qui l’ont empêché d’entrer dans les stades et de soutenir son club.
b) Le Gouvernement
33. Le Gouvernement considère qu’en l’espèce il n’y a pas eu ingérence dans l’exercice par le requérant du droit à la liberté d’expression. Pour le cas où la Cour conclurait à l’existence d’une telle ingérence, il soutient que celle-ci était prévue par l’article 37 § 1 b) de l’instruction. Il argue que, même si le requérant siégeait à l’époque des faits au conseil d’administration du club de sport Galatasaray et non pas à celui de la société anonyme Galatasaray, qui était affiliée à la TFF, il était soumis à la compétence disciplinaire de la TFF. Il expose à cet égard que le club et la société en question étaient intégrés l’un à l’autre, 55,3 % des parts de la société appartenant au club, que le requérant avait représenté la société anonyme Galatasaray lors d’un atelier officiel organisé par la TFF et qu’il exerçait les fonctions de directeur sportif du club Galatasaray à l’époque des faits.
34. Le Gouvernement argue ensuite que l’ingérence litigieuse poursuivait les buts légitimes que constituent la défense de l’ordre, la prévention du crime et la protection de la réputation ou des droits d’autrui. Il estime que cette ingérence était nécessaire dans une société démocratique et proportionnée aux buts légitimes poursuivis. Il soutient à cet égard que les représentants des clubs de football, qui d’après lui ont une certaine influence sur le grand public, doivent veiller à prévenir la violence et le désordre dans le contexte sensible du football, et qu’en l’espèce les instances de la TFF ont considéré que les propos et tweets du requérant portaient atteinte à la réputation de la TFF et dévalorisaient l’image du football dans la communauté footballistique. Enfin, il indique qu’en l’occurrence les amendes infligées au requérant n’ont pas été payées par le requérant, mais que leur montant a été déduit par la TFF des créances de son club.
2. Appréciation de la Cour
35. La Cour note d’abord qu’en l’espèce le requérant, dirigeant du club de football Galatasaray à l’époque des faits, s’est vu infliger une double privation de ses droits, l’une de trente jours et l’autre de quarante-cinq jours, et une double amende disciplinaire, l’une de 22 000 TRY et l’autre de 33 000 TRY, par les instances de la TFF à l’issue de deux procédures disciplinaires dirigées contre lui en raison des propos qu’il avait tenus lors d’une émission télévisée et des messages qu’il avait diffusés sur son compte Twitter. Elle considère que ces sanctions constituent une ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit à la liberté d’expression.
36. La Cour note ensuite que cette ingérence avait une base légale, à savoir l’article 37 § 1 b) de l’instruction (paragraphe 11 ci-dessus). Pour autant que le requérant soutient que les faits reprochés n’entraient pas dans le champ d’application des dispositions concernées de l’instruction et que les dispositions sur le fondement desquelles il a été sanctionné manquaient d’accessibilité et de clarté, elle juge inutile de trancher ces questions, eu égard à la conclusion à laquelle elle parvient quant à la nécessité de l’ingérence (paragraphe 43 ci-dessous).
37. La Cour note qu’il ne prête pas à controverse entre les parties que l’ingérence litigieuse poursuivait les buts légitimes de la défense de l’ordre, de la prévention du crime et de la protection de la réputation ou des droits d’autrui.
38. Quant à la nécessité de l’ingérence, elle rappelle les principes découlant de sa jurisprudence en matière de liberté d’expression, lesquels sont résumés notamment dans les arrêts Bédat c. Suisse ([GC], no 56925/08, 29 mars 2016) et Kula c. Turquie (no 20233/06, §§ 45‑46, 19 juin 2018). Elle estime que pour apprécier si la « nécessité » de l’atteinte portée au droit à la liberté d’expression du requérant est établie de manière convaincante en l’espèce, elle doit, conformément à sa jurisprudence, se déterminer essentiellement à la lumière de la motivation retenue par les autorités nationales à l’appui des sanctions litigieuses (Gözel et Özer c. Turquie, nos 43453/04 et 31098/05, § 51, 6 juillet 2010).
39. À cet égard, après avoir analysé les décisions rendues les 12 et 19 décembre 2013 par la commission de discipline et le comité d’arbitrage respectivement dans le cadre de la première procédure disciplinaire, qui avait pour objet les propos tenus par le requérant lors de l’émission télévisée du 8 décembre 2013, la Cour note que ces instances ont estimé que les propos litigieux dépassaient les limites de la critique et portaient atteinte à la dignité du président et d’autres dirigeants de la TFF, livraient ces derniers à l’hostilité du public, constituaient des propos dénigrants et insultants pour la TFF, qui revêtaient un caractère antisportif, et, par conséquent, n’étaient pas protégés par la liberté d’expression (paragraphes 6‑7 ci-dessus).
40. En ce qui concerne les décisions rendues les 19 et 26 décembre 2013 par la commission de discipline et le comité d’arbitrage respectivement dans le cadre de la seconde procédure disciplinaire, qui avait pour objet les tweets du requérant, la Cour note que ces instances ont considéré que les messages en question, en visant le président de la TFF et en exposant la TFF, ses dirigeants et les membres de ses comités à l’hostilité de la société, portaient atteinte au climat de sérénité désiré dans le sport et constituaient des propos antisportifs, non protégés par la liberté d’expression (paragraphes 9‑10 ci-dessus).
41. La Cour relève que la motivation ainsi adoptée par les autorités nationales dans leurs décisions ne lui permet pas d’établir qu’elles ont effectué en l’espèce une mise en balance adéquate, conformément aux critères pertinents découlant de sa jurisprudence, entre, d’une part, le droit du requérant à la liberté d’expression, et, d’autre part, le droit des dirigeants de la TFF au respect de leur vie privée ainsi que d’autres intérêts en jeu, tels que le maintien de l’ordre et de la paix dans la communauté footballistique. En effet, elle observe que dans ces décisions les autorités se sont contentées de citer, de manière générale, certaines parties des déclarations et des tweets litigieux ainsi que des passages de l’article 37 de l’instruction, qui définissait l’infraction de propos antisportifs reprochée au requérant, sans fournir une appréciation circonstanciée des faits de la cause.
42. La Cour considère que dans leurs décisions les autorités n’ont apporté aucun argument satisfaisant tenant compte des principes énoncés dans sa jurisprudence relativement, d’une part, à la mise en balance à effectuer entre le droit à la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée (Tarman c. Turquie, no 63903/10, § 38, 21 novembre 2017) et, d’autre part, aux propos, verbaux ou écrits, présentés comme alimentant ou justifiant la violence, la haine ou l’intolérance (Perinçek c. Suisse [GC], no 27510/08, §§ 204‑208, CEDH 2015 (extraits)). Ainsi, ces décisions ne contiennent pas de réponse suffisante à la question de savoir si l’ingérence dans l’exercice par le requérant du droit à la liberté d’expression était justifiée en l’espèce, eu égard notamment au contexte des propos que le requérant avait tenus lors de l’émission télévisée en question, à savoir le renvoi devant la commission de discipline de deux joueurs de son club pour avoir rendu hommage à Nelson Mandela, et des tweets qu’il avait diffusés en réaction aux sanctions disciplinaires qu’il avait reçues. Ces décisions ne permettent pas d’établir non plus la capacité de nuire des propos et tweets en question, en ce qu’elles ne démontrent pas, par exemple, que dans les faits ils ont incité ou étaient de nature à inciter des supporters à commettre des actes de violence (Mart et autres c. Turquie, no 57031/10, § 32, 19 mars 2019 ; voir aussi, a contrario, Šimunić c. Croatie (déc), no 20373/17, §§ 44‑48, 22 janvier 2019). La Cour considère par conséquent que les autorités nationales n’ont pas procédé en l’espèce à une analyse appropriée au regard de tous les critères énoncés et mis en œuvre par elle dans les affaires relatives à la liberté d’expression (Gözel et Özer, précité, § 51).
43. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que le Gouvernement n’a pas démontré que les motifs invoqués par les autorités nationales pour justifier les mesures incriminées étaient pertinents et suffisants et que ces mesures étaient nécessaires dans une société démocratique.
44. Partant, il y a eu violation de l’article 10 de la Convention.
IV. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE LA CONVENTION
45. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant plaide le manque d’indépendance et d’impartialité de la commission de discipline de la TFF.
46. Sur le terrain de la même disposition, il se plaint d’une absence de publicité et d’audience lors des procédures suivies devant les instances de la TFF.
47. Sous l’angle de l’article 7 de la Convention, il allègue avoir fait l’objet de poursuites arbitraires, soutenant que, selon la législation pertinente, il ne devait pas être soumis aux sanctions infligées par les instances de la TFF.
48. Invoquant l’article 13 de la Convention, il se plaint de n’avoir pas eu la possibilité de soumettre les décisions de la commission de discipline et du comité d’arbitrage à un contrôle judiciaire.
49. Eu égard aux constats de violation auxquels elle est parvenue ci-dessus (paragraphes 28 et 44), la Cour juge inutile d’examiner séparément la recevabilité et le fond des griefs susmentionnés (pour une approche similaire, voir Ali Rıza et autres, précité, § 226, Işıkırık c. Turquie, no 41226/09, § 71, 14 novembre 2017, et Kamil Uzun c. Turquie, no 37410/97, § 64, 10 mai 2007).
V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
50. Aux termes de l’article 41 de la Convention :
A. Dommage
51. Le requérant demande 100 000 euros (EUR) pour préjudice matériel et 100 000 EUR pour préjudice moral. Il n’a soumis aucun justificatif à l’appui de sa demande relative au préjudice matériel.
52. Le Gouvernement estime que la demande pour préjudice matériel est non étayée et excessive. Il soutient qu’il n’y a pas de lien de causalité entre le préjudice moral allégué et les violations constatées. Il considère que la demande présentée à cet égard est également non étayée et excessive et que le montant réclamé ne correspond pas aux montants alloués dans la jurisprudence de la Cour.
53. La Cour note que c’est le club du requérant qui semble avoir payé les amendes disciplinaires infligées au requérant en l’espèce (paragraphes 13, 14 et 34 ci-dessus). En l’absence de justificatif présenté par l’intéressé à l’appui du préjudice matériel qu’il allègue avoir subi, la Cour rejette la demande présentée à ce titre. En revanche, elle estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 7 800 EUR au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
54. Le requérant s’en remet à la sagesse de la Cour pour l’appréciation des frais et dépens. Il n’a présenté aucun justificatif à cet égard.
55. Le Gouvernement estime qu’aucune somme ne devrait être allouée au requérant à ce titre.
56. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens en l’absence de justificatif présenté par le requérant à cet égard.
C. Intérêts moratoires
57. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief formulé sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention relativement au manque allégué d’indépendance et d’impartialité du comité d’arbitrage et au grief présenté sur le terrain de l’article 10 de la Convention ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention ;
4. Dit qu’il n’y a lieu de statuer séparément ni sur la recevabilité ni sur le fond des griefs tirés de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention concernant le manque allégué d’indépendance et d’impartialité de la commission de discipline et l’absence alléguée de publicité et d’audience lors des procédures ainsi que des griefs fondés sur les articles 7 et 13 de la Convention ;
5. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 7 800 EUR (sept mille huit cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 mai 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Stanley Naismith Jon Fridrik Kjølbro
Greffier Président