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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> SABANI v. BELGIUM - 53069/15 (Judgment : Remainder inadmissible : Third Section) French Text [2022] ECHR 221 (08 March 2022)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2022/221.html
Cite as: ECLI:CE:ECHR:2022:0308JUD005306915, [2022] ECHR 221, CE:ECHR:2022:0308JUD005306915

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TROISIÈME SECTION

AFFAIRE SABANI c. BELGIQUE

(Requête no 53069/15)

 

 

 

ARRÊT

 

 

STRASBOURG

8 mars 2022

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Sabani c. Belgique,


La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :

          Georges Ravarani, président,
          Georgios A. Serghides,
          María Elósegui,
          Darian Pavli,
          Anja Seibert-Fohr,
          Andreas Zünd,
          Frédéric Krenc, juges,
et de Milan Blaško, greffier de section,


Vu :


la requête (no 53069/15) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont une ressortissante serbe, Mme Aferdita Sabani (« la requérante ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 21 octobre 2015,


la décision de porter à la connaissance du gouvernement belge (« le Gouvernement ») les griefs concernant les articles 5 § 4 et 8 de la Convention et de déclarer irrecevable la requête pour le surplus,


les observations des parties,


la décision du gouvernement serbe de ne pas intervenir en tant que tierce partie (article 36 § 1 de la Convention),


Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er février 2022,


Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION


1.  L’affaire concerne les griefs de la requérante selon lesquels son arrestation à domicile et l’usage des menottes ne sont pas compatibles avec les exigences de l’article 8 de la Convention. La requérante se plaint également qu’elle n’a pu bénéficier d’un contrôle effectif de la légalité de sa détention à bref délai au sens de l’article 5 § 4 de la Convention.

EN FAIT


2.  La requérante est née en 1958 et réside à Preshevo (Serbie). Elle est représentée par Me Z. Chihaoui, avocat.


3.  Le Gouvernement a été représenté par son agente, Mme I. Niedlispacher, du service public fédéral de la Justice.


4.  Arrivée en Belgique avec sa fille en 2009 pour y rejoindre son mari, la requérante introduisit plusieurs demandes d’asile et de régularisation de son séjour (pour raisons médicales et pour motifs humanitaires), toutes clôturées négativement et suivies de mesures d’éloignement.


5.  Le 19 mars 2015, la requérante se vit notifier un nouvel ordre de quitter le territoire assorti d’une décision de maintien dans un lieu déterminé. Le jour même, l’office des étrangers demanda à la police de la commune où séjournait la requérante de contrôler si elle avait obtempéré à une précédente mesure d’éloignement et dans la négative, de procéder à son arrestation. Le courrier indiquait également qu’une place avait été réservée pour elle en centre de rapatriement.


6.  La police se rendit dans la foulée à l’adresse indiquée par le service Sefor de l’office des étrangers (paragraphe 24 ci-dessous). Selon le rapport administratif établi par la police immédiatement après l’intervention, « la [requérante] a reçu un ordre de quitter le territoire de l’office des étrangers. Sur demande de l’office des étrangers, nous allons sur place afin de déterminer s’il y a été donné suite. Arrivés à l’appartement de l’intéressée, nous remarquons la présence de la [requérante] ainsi que de sa fille. La [requérante] a été privée de sa liberté (...). La [requérante] collabore peu et ne veut pas contacter son père et son fils par téléphone ».


7.  Le procès-verbal de l’intervention, clôturé à 18 heures par les services de police, relatait que l’équipe était arrivée sur les lieux à 10 h 00, et avait été dirigée par le propriétaire des lieux au troisième étage de l’immeuble où la requérante avait ouvert la porte de son appartement. La présence de sa fille était mentionnée. Après avoir constaté que l’intéressée n’avait pas donné suite à l’ordre de quitter le territoire, l’équipe procéda, à 10 h 05, à son arrestation. Le procès-verbal attestait également que la requérante avait été fouillée et que la fouille s’était achevée à 10 h 10. Il relatait enfin que la requérante était restée sous la surveillance des policiers jusqu’à ce que ses données biométriques eussent été vérifiées et avait été emmenée en milieu de journée au commissariat et transférée plus tard au centre fermé de Bruges.


8.  Un autre rapport administratif établi le jour même par les services de police fait état de ce que l’époux de la requérante s’était rendu à 10 heures 55 au commissariat de quartier où il fut également arrêté et emmené au centre fermé de Bruges.


9.  Selon une déclaration de la belle-fille de la requérante, établie postérieurement à l’intervention, le 17 avril 2015, la police était entrée dans l’appartement sans frapper et sans demander le consentement des occupants. Elle relatait également que la requérante, son mari et sa fille avaient été menottés pour être emmenés en voiture au centre fermé de Bruges.


10.  Entre-temps, le 20 mars 2015, la Serbie avait répondu favorablement à une demande de réadmission faite par l’office des étrangers (« OE »).


11.  Un rapatriement, prévu le 1er avril 2015, fut annulé en raison de l’introduction d’une nouvelle demande d’asile le 27 mars 2015. Un nouvel ordre de quitter le territoire fut notifié le 2 avril 2015 assorti d’une nouvelle décision de maintien dans un lieu déterminé. La demande d’asile fit l’objet d’un refus de prise en considération.


12.  Entre-temps, le 23 mars 2015, la requérante avait introduit une requête de mise en liberté visant la décision du 19 mars 2015. Elle fut déclarée sans objet par une ordonnance du 3 avril 2015 de la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles en raison de la nouvelle mesure privative de liberté du 2 avril 2015.


13.  Après s’être désistée d’une première requête de mise en liberté visant cette mesure privative de liberté du 2 avril 2015, la requérante introduisit une deuxième requête qui fut déclarée non fondée le 15 avril 2015 par la chambre du conseil. Elle se plaignait notamment d’une violation de l’article 8 de la Convention au motif que les services de police avaient fait intrusion à son domicile et l’avaient menottée.


14.  La chambre du conseil décida par une ordonnance du 15 avril 2015 de maintenir la privation de liberté. Elle s’appuya sur l’illégalité du séjour de la requérante pour considérer que sa privation de liberté était régulière et rejeter le moyen pris, par la requérante, de la violation de l’article 8 de la Convention du fait de l’illégalité de l’ingérence domiciliaire.


15.  L’ordonnance fut confirmée par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles le 29 avril 2015. En ce qui concerne l’arrestation administrative, la juridiction considéra que la police n’avait pas procédé à une visite domiciliaire mais à un contrôle qui s’inscrivait dans le cadre de l’article 21 de la loi sur la fonction de police du 5 août 1992, et qu’aucun élément du dossier n’était de nature à laisser penser que la porte d’entrée aurait été ouverte de force. Quant à l’usage de menottes, la juridiction jugea qu’il avait pu être jugé justifié par le risque de fuite découlant de ce que la requérante avait multiplié les procédures pour rester sur le territoire belge et n’avait obtempéré à aucune mesure d’éloignement.


16.  Le pourvoi contre l’arrêt du 29 avril 2015 fut rejeté par la Cour de cassation par un arrêt du 10 juin 2015 au motif qu’il était devenu sans objet.


17.  En effet, entre-temps, le 22 mai 2015, la requérante avait introduit une nouvelle demande d’asile à la suite de laquelle le rapatriement prévu le 25 mai 2015 avait été annulé et un nouvel ordre de quitter le territoire assorti d’une prolongation d’une mesure privative de liberté avait été pris le 27 mai 2015. La demande d’asile fit l’objet d’un refus de prise en considération.


18.  La dernière requête de mise en liberté introduite par la requérante et visant le titre de détention du 27 mai 2015 fut déclarée non fondée par une ordonnance de la chambre du conseil du 8 juin 2015, confirmée par un arrêt de la chambre des mises en accusation du 30 juin 2015.


19.  La requérante fut rapatriée le 30 juin 2015.

LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

I.        protection du domicile


20.  L’article 15 de la Constitution énonce que « le domicile est inviolable ; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit ». L’article 22 ajoute que « chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi ». Enfin, l’article 191 garantit à tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique le droit de jouir de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi.


21.  L’article 1er, alinéa 2 de la loi du 7 juin 1969 fixant le temps pendant lequel il ne peut être procédé à des perquisitions, visites domiciliaires ou arrestations, telle qu’il était formulé à l’époque des faits, se lisait comme suit :

« Aucune perquisition ni visite domiciliaire ne peut être faite dans un lieu non ouvert au public avant cinq heures du matin et après neuf heures du soir.

L’interdiction prévue à l’alinéa premier ne s’applique pas : [...]

3o en cas de réquisition ou de consentement de la personne qui a la jouissance effective du lieu [...] ; »


L’article 3 de la loi du 7 juin 1969 précisait que le consentement visé devait être donné par écrit et préalablement à la visite domiciliaire. La Cour de cassation a précisé qu’en donnant son consentement, l’intéressé renonce à la garantie constitutionnelle de l’inviolabilité du domicile (Cass. 8 septembre 1993, P931035F).


22.  Dans le cadre des missions qui leur sont confiées par la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, les services de police peuvent pénétrer un lieu non accessible au public dans le respect des conditions suivantes :

Article 27

« Dans l’exercice des missions de police administrative, les fonctionnaires de police (...) peuvent, en cas de danger grave et imminent de calamités, de catastrophes ou de sinistres, ou lorsque la vie ou l’intégrité physique de personnes sont gravement menacées, fouiller des bâtiments, leurs annexes ainsi que des moyens de transport, tant de jour que de nuit, dans chacun des cas suivants :

1o à la demande de la personne qui a la jouissance effective d’un lieu non accessible au public ou moyennant le consentement de cette personne ;

2o lorsque le danger qui leur est signalé en ce lieu, représente un caractère extrêmement grave et imminent qui menace la vie ou l’intégrité physique de personnes et ne peut être écarté d’aucune autre manière. »

II.     arrestation des Étrangers


23.  L’article 74/7 de la loi du 15 décembre 1980 relative à l’accès au territoire, au séjour, à l’établissement et à l’éloignement des étrangers (« loi sur les étrangers »), dans sa formulation à l’époque des faits, prévoyait que les services de police pouvaient saisir un étranger qui n’était pas porteur des pièces d’identité ou des documents prévus par la loi et le soumettre à une mesure d’arrestation administrative.


24.  Dans la pratique, lorsqu’un étranger fait l’objet d’une mesure d’éloignement, un bureau mis en place au sein de l’office des étrangers (le Sefor) demande, à l’expiration du délai octroyé pour quitter le territoire, à l’administration communale de faire vérifier à l’adresse déclarée si cet étranger a donné suite à la décision d’éloignement et a quitté son lieu de résidence. Ce contrôle par l’administration communale a été institué par la circulaire ministérielle du 10 juin 2011 relative aux compétences du bourgmestre dans le cadre de l’éloignement d’un ressortissant de pays tiers. Les contrôles sont effectués par les services de police.


25.  Ces contrôles s’inscrivent dans le cadre des missions des services de police définies par la loi sur la fonction de police précitée, dont les dispositions pertinentes sont ainsi formulées :

Article 21

« Les services de police veillent au respect des dispositions légales relatives à l’accès au territoire, au séjour, à l’établissement et à l’éloignement des étrangers. Ils se saisissent des étrangers qui ne sont pas porteurs des pièces d’identité ou des documents requis par la règlementation sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, et prennent à leur égard les mesures prescrites par la loi ou par l’autorité compétente. »

Article 34

« § 3. Dans les limites de leurs compétences, les autorités de police administrative peuvent, afin de maintenir la sécurité publique ou d’assurer le respect des dispositions légales relatives à l’accès au territoire, au séjour, à l’établissement et à l’éloignement des étrangers, prescrire des contrôles d’identité à effectuer par les services de police dans des circonstances qu’elles déterminent. »

Article 37bis

« Sans préjudice des dispositions de l’article 37, les fonctionnaires et agents de police ne peuvent menotter une personne que dans les cas suivants :

2o lors de la surveillance d’une personne arrêtée administrativement ou judiciairement, si cela est rendu nécessaire par les circonstances et, notamment, par :

(...)

- le comportement de l’intéressé lors de son arrestation ou pendant sa détention ; »


26.  Un projet de loi qui visait à autoriser les services de police à pénétrer un domicile, moyennant l’autorisation d’un juge d’instruction, afin de procéder à l’arrestation et à l’expulsion d’étrangers en séjour irréguliers a été déposé en 2017 (projet de loi du 7 décembre 2017 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers afin de garantir l’exécution des mesures d’éloignement, Documents parlementaires, Chambre, 2017‑2018, no 2798/001). Il visait à « [combler] (...) une lacune de la loi » en « [créant] (...) un cadre juridique en vue d’effectuer une visite domiciliaire chez des étrangers en séjour illégal en Belgique » (projet de loi précité, p. 3). Non adopté, ce projet de loi a été frappé de caducité à l’issue de la précédente législature. De l’exposé des motifs de ce projet de loi, il ressort qu’en 2016, à la demande de l’office des étrangers, 1 903 visites domiciliaires ont été effectuées par la police. Sur les 69 % de visites qui se sont révélées négatives, 36 % des personnes contrôlées avaient probablement quitté l’adresse, 7 % n’ont pas collaboré et 26 % étaient absentes lors du contrôle. L’expression « n’ont pas collaboré » signifie notamment que l’étranger ouvre la porte, mais ne donne pas son autorisation à ce que l’on accède au domicile.


27.  La Cour de cassation a jugé que la poursuite des finalités que leur assignent les articles 21 et 34 § 3, de la loi sur la fonction de police et 74/7 de la loi sur les étrangers ne suffit pas, à elle seule, à autoriser les services de police à exécuter une visite au domicile des personnes concernées (voir Cass., 17 mai 2017, P.17.0517.F).

III.   detention administrative des Étrangers


28.  Les dispositions légales relatives aux recours judiciaires en matière de détention administrative des étrangers et la jurisprudence « sans objet » de la Cour de cassation sont énoncées dans les arrêts Firoz Muneer c. Belgique (no 56005/10, § 36, 11 avril 2013), et Muhammad Saqawat c. Belgique (no 54962/18, §§ 28-31, 30 juin 2020). Il ressort de cette jurisprudence que, dans le cas où un nouveau titre de détention vient, en cours de procédure, fonder la détention des étrangers maintenus en vue de leur éloignement, les juridictions d’instruction sont tenues de constater que le recours contre la décision initiale est devenu « sans objet ». La Cour de cassation a précisé en outre que les intéressés ne pouvaient pas davantage se prévaloir de l’illégalité de la décision initiale dans le cadre du recours contre la décision subséquente.

EN DROIT

I.        SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION


29.  La requérante soutient que son arrestation administrative a constitué une atteinte injustifiée à son droit au respect de son domicile. Elle invoque l’article 8 dont les parties pertinentes se lisent comme suit :

« 1.  Toute personne a droit au respect (...) de son domicile (...).

2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

A.    Sur la recevabilité


30.  Il n’est pas contesté que l’habitation de la requérante à laquelle se sont rendus les agents de police était le domicile de celle-ci et que la présente affaire concerne donc un droit protégé par l’article 8 de la Convention.


31.  La Cour souligne qu’en vertu des articles 1 et 8 de la Convention, le droit à la protection du domicile bénéficie à toute personne relevant de la « juridiction » des États parties à la Convention. Une personne ne pourrait être privée de la jouissance de ce droit au motif qu’elle serait en situation irrégulière sur le territoire d’un État partie.


32.  À cet égard, la Cour observe que le Gouvernement ne dénie pas à la requérante le droit à la protection de son domicile. Il soutient devant elle que la police a procédé au contrôle et à l’arrestation de la requérante sans pénétrer dans le domicile de celle-ci. L’article 8 est donc applicable.


33.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B.    Sur le fond

1.     Thèses des parties


34.  La requérante soutient que les services de police sont arrivés par surprise pour la prendre en « flagrant délit » de séjour illégal, après avoir pénétré dans son domicile, afin de leur permettre de procéder à son arrestation. Il s’agit, selon elle, d’une pratique contra legem courante des services de police belges afin de faciliter l’exécution des ordres de quitter le territoire en contournant le principe d’inviolabilité du domicile dans le cas où les intéressés ne marquent pas leur accord à l’entrée des policiers dans le domicile.


35.  La requérante souligne qu’il ne ressort pas du rapport administratif dressé initialement que les fonctionnaires de police auraient sonné avant d’entrer, ni que la requérante aurait ouvert la porte ni encore qu’elle les aurait laissés entrer dans son domicile. Quant au procès-verbal, même à admettre que la requérante aurait, quod non, ouvert la porte, il ne précise pas qu’elle aurait donné l’autorisation à la police d’entrer ni la manière dont l’arrestation se serait déroulée. Or, pour procéder à son arrestation, la police a nécessairement dû pénétrer dans son domicile. Dès lors que la législation ne permet pas aux services de police de pénétrer dans un domicile sans le consentement de la personne concernée, l’absence de précision du rapport établi par la police n’est pas de nature à conforter la version des faits soutenue par les autorités belges.


36.  La requérante ajoute que le contrôle ex post facto auquel a procédé la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles, qui est partie du postulat que la police n’était pas entrée dans son domicile, ne peut donc être considéré comme un contrôle adéquat susceptible de compenser l’illégalité de l’ingérence domiciliaire.


37.  La requérante soutient que les motifs retenus par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel pour justifier l’usage des menottes ne peuvent être suivis puisqu’elle n’a fait preuve d’aucune résistance, et n’avait par le passé jamais tenté de se soustraire aux forces de l’ordre. L’usage de menottes n’entrait donc pas davantage dans le cadre légal fixé par l’article 37bis de la loi sur la fonction de police.


38.  Le Gouvernement s’appuie sur les rapports établis par la police pour affirmer que la requérante a ouvert la porte. La police a donc pu contrôler son identité et constater qu’elle n’avait pas obtempéré à une précédente mesure d’éloignement sans pénétrer dans le domicile. Rien n’empêche en effet la police de procéder à une arrestation devant le domicile. Il ne peut rien être déduit des informations qui ne figurent pas dans ces rapports car ils n’ont pas vocation à décrire les circonstances de l’interpellation mais à fournir à l’office des étrangers les éléments nécessaires pour prendre une décision quant au séjour de l’intéressé. Le Gouvernement met en doute le témoignage fourni par la requérante à l’appui de sa version des faits car il résulte de déclarations faites par sa belle-fille et non par elle-même, et comprend des éléments factuels contredits par le rapport administratif et le procès-verbal dressé par la police.


39.  Le contrôle d’identité et l’arrestation étaient prévus par la loi et ont fait l’objet d’un contrôle de leur légalité et de leur nécessité ex post facto. Il était nécessaire car il a permis à la police de vérifier efficacement que la requérante était encore en Belgique et poursuivait l’objectif légitime de maintien de l’ordre.


40.  Enfin, le Gouvernement explique l’usage de menottes par l’attitude de la requérante qui avait multiplié les procédures pour rester sur le territoire belge et ne s’est pas montrée coopérante avec la police.

2.     Appréciation de la Cour

a)      Contrôle d’identité et arrestation au domicile

i.        Existence d’une ingérence


41.  La Cour doit préalablement se prononcer sur l’existence d’une ingérence dans le droit au respect du domicile de la requérante. Elle rappelle que le domicile est normalement le lieu, l’espace physiquement déterminé où se développe la vie privée et familiale. L’individu a droit au respect de son domicile, conçu non seulement comme le droit à un simple espace physique mais aussi comme le droit à la jouissance, en toute tranquillité, de cet espace. À ce titre, il est notamment protégé des atteintes matérielles ou corporelles, telles que l’entrée dans le domicile d’une personne non autorisée (Halabi c. France, no 66554/14, § 54, 16 mai 2019, et références citées).


42.  En l’espèce, la Cour observe que les parties sont en désaccord sur le point de savoir s’il y a eu une ingérence domiciliaire. Les versions de parties divergent, en effet, sur le point de savoir si les services de police ont pénétré dans le domicile de la requérante.


43.  Selon la jurisprudence de la Cour, la répartition de la charge de la preuve et le degré de conviction nécessaire pour parvenir à une conclusion sont intrinsèquement liés à la spécificité des faits, à la nature de l’allégation formulée et au droit conventionnel en jeu. Dans ce contexte, la Cour prend en considération le fait qu’en l’espèce, l’interprétation à donner aux rapports établis par la police quant aux circonstances exactes ayant entouré l’interpellation et l’arrestation de la requérante à son domicile se trouve au cœur du grief de la requérante. La Cour note l’absence de tout autre élément permettant d’établir ces circonstances. Dans ces conditions, elle recherchera si la requérante a apporté un commencement de preuve en faveur de la version des faits qu’elle présente. Si tel est le cas, la charge de la preuve doit être renversée et peser sur le Gouvernement (voir, parmi d’autres, N.D. et N.T. c. Espagne [GC], nos 8675/15 et 8697/15, § 85, 13 février 2020, et Fadeïeva c. Russie, no 55723/00, § 79, CEDH 2005‑IV).


44.  En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties que la police s’est présentée au domicile de la requérante en vue de la contrôler. À cet égard, la Cour constate que la requérante a rendu compte de manière constante et cohérente de sa version des circonstances de son arrestation par les services de police, soutenant devant les juridictions internes et devant elle que les agents étaient entrés dans son domicile.


45.  En revanche, la version du Gouvernement, selon laquelle le contrôle s’est déroulé devant le domicile de la requérante et non à l’intérieur de celui‑ci, n’emporte pas la conviction de la Cour. Les rapports établis par la police n’indiquent pas que le contrôle et l’arrestation de la requérante se sont effectués en dehors du domicile de la requérante, comme le soutient le Gouvernement. En outre, il semble peu cohérent d’affirmer, d’un côté, que la requérante serait sortie d’elle-même de son domicile pour se soumettre au contrôle des agents de police - ce que lesdits rapports ne mentionnent pas - et, de l’autre, qu’elle se montrait peu coopérante avec eux - ce que relève expressément le rapport administratif du 19 mars 2015.


46.  Il n’a pas davantage été établi que la requérante eût renoncé à son droit à la protection du domicile. La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle, pour être valable, la renonciation à un droit fondamental doit être établie de manière non équivoque, avoir été opérée en connaissance de cause (c’est-à-dire sur la base d’un consentement éclairé) et effectuée sans contrainte (Oršuš et autres c. Croatie [GC], no 15766/03, § 178, CEDH 2010). La seule mention figurant dans le procès-verbal du 19 mars 2015 (rédigé postérieurement au rapport administratif du même jour), selon laquelle la requérante aurait ouvert la porte lorsque la police s’est présentée à elle, ne pourrait suffire à déduire une autorisation de pénétrer dans le domicile. Au surplus, à supposer même que la requérante eût donné une telle autorisation, aucune indication n’est donnée quant au caractère libre et éclairé de sa démarche (voir, a contrario, Bože c. Lettonie, no 40927/05, § 69, 18 mai 2017). Au contraire, ainsi que cela ressort dudit procès-verbal, la police s’est rendue directement à l’appartement de la requérante, et n’a donc pas annoncé sa venue, ni a fortiori le motif de sa visite, avant de se présenter à la porte du domicile de la requérante. Quant au contrôle judiciaire ex post facto, tel qu’il a été pratiqué en l’espèce par les juridictions internes (paragraphes 14-15 ci‑dessus), il n’a pas permis d’éclaircir les circonstances ayant entouré le consentement qui aurait été donné par la requérante.


47.  Au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent, la Cour estime que la requérante a présenté un commencement de preuve de la pénétration de son domicile par les services de police, lequel n’a pas été réfuté de manière convaincante par le Gouvernement. En conséquence, la Cour juge établie l’ingérence dans le droit au respect du domicile de la requérante.

ii.      Légalité de l’ingérence


48.  Ayant établi l’existence d’une ingérence dans le droit au respect du domicile de la requérante, la Cour doit à présent déterminer si cette ingérence était justifiée au regard du paragraphe 2 de l’article 8, et commencer par vérifier si elle était prévue par la loi, ce que conteste la requérante.


49.  La Cour rappelle que toute ingérence dans le droit au respect du domicile doit reposer sur un cadre légal strict offrant des garanties suffisantes et adéquates contre l’arbitraire (Gutsanovi c. Bulgarie, no 34529/10, § 220, CEDH 2013 (extraits)). Ainsi l’exige la prééminence du droit, laquelle est inhérente à tous les articles de la Convention (Muhammad et Muhammad c. Roumanie [GC], no 80982/12, § 118, 15 octobre 2020).


50.  En l’occurrence, la Cour constate que le Gouvernement ne fournit aucune base légale susceptible de justifier celle-ci. Il met cependant en exergue le contrôle ex post facto qui fut pratiqué, en l’espèce, par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles.

 


52.  La Cour ne peut manquer de relever à cet égard qu’en droit belge, l’inviolabilité du domicile est spécialement consacrée à l’article 15 de la Constitution et que celui-ci énonce expressément qu’aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi.


53.  En l’espèce, la Cour observe que, dans son ordonnance du 15 avril 2015, la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles s’est appuyée sur l’illégalité du séjour de la requérante pour justifier la privation de liberté et rejeter le moyen pris de la violation de l’article 8 de la Convention du fait de l’illégalité de l’ingérence domiciliaire (paragraphe 14 ci-dessus).


54.  Saisie du même grief sur l’appel de la requérante, la chambre des mises en accusation s’est limitée à constater, dans son arrêt du 29 avril 2015, que l’arrestation de la requérante à son domicile avait été conforme à l’article 8 de la Convention dès lors qu’elle s’inscrivait dans le cadre des missions des service de police prévues par l’article 21 de la loi sur la fonction de police, qui autorise ces services à se saisir des étrangers qui ne sont pas porteurs des pièces d’identité ou des documents requis, et à prendre à leur égard les mesures prescrites par la loi ou par l’autorité compétente (paragraphe 15 ci-dessus).


55.  La Cour ne peut souscrire à cette approche. En effet, dans la mesure où l’ingérence dans le droit au respect du domicile de la requérante a été établie au regard de l’article 8 (paragraphe 47), elle doit reposer sur une base légale claire et précise (Lekić c. Slovénie [GC], no 36480/07, § 95, 11 décembre 2018). Or, l’article 21 de la loi sur la fonction de police ne peut constituer une telle base dès lors qu’il ne confère aucune habilitation aux agents de police de pénétrer dans le domicile d’un étranger. La Cour de cassation belge a d’ailleurs, postérieurement aux faits de l’espèce, jugé que cet article 21 ne pouvait être considéré comme autorisant les services de police à opérer une telle visite domiciliaire (paragraphe 27 ci-dessus).


56.  Aucune autre disposition légale n’ayant été invoquée par les juridictions internes ni par le Gouvernement devant la Cour pour justifier l’ingérence litigieuse, la Cour n’estime pas nécessaire de vérifier d’initiative si l’article 27 de la loi sur la fonction de police pouvait fonder l’ingérence litigieuse (paragraphe 22 ci-dessus). En toute hypothèse, la Cour observe que cette disposition ne trouve à s’appliquer qu’en cas de danger grave et imminent de calamités, de catastrophes ou de sinistres, ou lorsque la vie ou l’intégrité physique de personnes sont gravement menacées. Au surplus, ainsi que la Cour l’a déjà jugé (paragraphe 46 ci‑dessus), il n’a pas été établi que la requérante avait donné son consentement à l’entrée de la police dans son domicile.


57.  En conclusion, la Cour estime que l’ingérence litigieuse était dépourvue d’une base légale répondant aux exigences de l’article 8 de la Convention et n’était dès lors pas « prévue par la loi » au sens de cette disposition.


58.  Il y a dès lors lieu de conclure à la violation de l’article 8 de la Convention.

b)      Usage des menottes


59.  Il n’est pas contesté devant la Cour que la requérante a été menottée lors de son arrestation à son domicile en présence de sa fille.


60.  La Cour considère que la nécessité de l’usage de menottes sur la personne de la requérante dans les circonstances de l’espèce n’a pas été établie par le Gouvernement.


61.  Partant, il y a également eu violation de l’article 8 de la Convention de ce chef.

II.     SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION


62.  La requérante se plaint de la jurisprudence « sans objet » de la Cour de cassation en ce qu’elle n’a pu bénéficier d’un contrôle effectif de la légalité de sa détention à bref délai. Elle invoque l’article 5 § 4 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »


63.  Le Gouvernement conteste cette thèse.


64.  La Cour renvoie à l’arrêt de principe Muhammad Saqawat, précité, dans lequel elle a examiné la jurisprudence « sans objet » de la Cour de cassation au regard des exigences de l’article 5 § 4 de la Convention (§§ 63‑77).


65.  Dans ses observations, la requérante se limite à se plaindre de ce que la Cour de cassation a, dans son arrêt du 10 juin 2015, fait application de sa jurisprudence « sans objet ». Elle se plaint également du caractère excessif du délai d’un mois et demi qui s’est écoulé entre l’introduction de son pourvoi contre l’arrêt de la chambre des mises en accusation du 29 avril 2015 et l’arrêt de la Cour de cassation.


66.  Il n’est pas contesté par les parties que, dans le cadre du contrôle de légalité des mesures privatives de liberté, les juridictions internes se sont prononcées sur le fond en ce qui concerne le titre de détention du 2 avril et celui du 27 mai 2015, et que l’arrêt de la Cour de cassation du 10 mai 2015 constitue une décision finale sur la légalité de sa détention fondée sur le premier de ces titres.


67.  La Cour relève en outre qu’à la différence des affaires Firoz Muneer (précitée, § 84) et Muhammad Saqawat (précitée, § 67), aucune des décisions judiciaires intervenues en l’espèce durant les trois mois et demi de détention de la requérante n’a constaté l’illégalité des périodes de détention. La circonstance que les décisions de détention se soient succédé s’explique uniquement en raison de la poursuite par la requérante de la procédure d’asile et non de l’application de la jurisprudence « sans objet » de la Cour de cassation (paragraphe 28 ci-dessus). La requérante a ainsi introduit le 22 mai 2015 une nouvelle demande d’asile après avoir saisi la Cour de cassation, ce qui a entraîné l’adoption d’un nouvel ordre de quitter le territoire assorti d’une décision de maintien dans un lieu déterminé. Dans ces conditions, la Cour n’est pas convaincue par la critique que la requérante fait de la durée de la procédure judiciaire qui aurait en tout état de cause avorté du fait de la poursuite de la procédure d’asile.


68.  Enfin, à aucun moment, la requérante ne s’est plainte de l’application de la jurisprudence « sans objet » de la Cour de cassation devant les juridictions internes (voir, a contrario, Muhammad Saqawat, § 68).


69.  Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être déclarée irrecevable car manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.

III.   SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


70.  Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.    Dommage


71.  La requérante demande 5 000 euros (EUR) au titre du dommage moral qu’elle estime avoir subi du fait de la violation de l’article 8 de la Convention.


72.  Le Gouvernement estime que si la Cour devait décider d’octroyer une somme au titre de la satisfaction équitable, il serait raisonnable de s’en tenir à un montant de 3 000 EUR.


73.  La Cour estime que la somme réclamée par la requérante au titre de son dommage moral est raisonnable et la lui octroie en intégralité, soit 5 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.

B.    Frais et dépens


74.  La requérante réclame, justificatifs à l’appui, 5 545 EUR au titre des frais et dépens qu’elle a engagés pour sa défense dans le cadre de la procédure menée devant la Cour.


75.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.


76.  En l’espèce, compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime, comme le souligne le Gouvernement, qu’il faut déduire du montant réclamé les heures de travail que le représentant de la requérante a facturées pour préparer sa défense à propos des griefs qui ont été déclarés irrecevables au stade de la communication de la requête et sur lesquels aucune observation n’était sollicitée.


77.  La Cour juge donc raisonnable d’allouer à la requérante la somme de 4 960 EUR pour la procédure menée devant elle, plus tout montant pouvant être dû par la requérante sur cette somme à titre d’impôt.

C.    Intérêts moratoires


78.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.      Déclare les griefs concernant l’article 8 de la Convention recevables et le surplus de la requête irrecevable ;

2.      Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;

3.      Dit,

a)     que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, au taux applicable à la date du règlement :

i. 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii. 4 960 EUR (quatre mille neuf cent soixante euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par la requérante à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b)     qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.      Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 mars 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

                       

             Milan Blaško                                                  Georges Ravarani
                 Greffier                                                              Président

 


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