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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Commission v France (Free movement of persons) French Text [2004] EUECJ C-402/02 (07 October 2004)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2004/C40202.html
Cite as: [2004] EUECJ C-402/02, [2004] EUECJ C-402/2

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IMPORTANT LEGAL NOTICE - The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
7 octobre 2004 (1)


«Manquement d'État - Directives 89/48/CEE et 92/51/CEE - Reconnaissance de diplômes - Accès à l'activité professionnelle d'éducateur spécialisé dans la fonction publique hospitalière et dans la fonction publique territoriale - Notion de 'profession réglementée' - Expérience professionnelle - Article 39 CE»

Dans l'affaire C-402/02,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l'article 226 CE, introduit le 12 novembre 2002,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Patakia et M. D. Martin, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

République française, représentée par M. G. de Bergues et Mme A. Colomb, en qualité d'agents,

partie défenderesse,



LA COUR (deuxième chambre),



composée de M. C. W. A. Timmermans (rapporteur), président de chambre, MM. C. Gulmann, J.-P. Puissochet et J. N. Cunha Rodrigues, et Mme F. Macken, juges,

avocat général: M. A. Tizzano,
greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l'avocat général entendu, de juger l'affaire sans conclusions,

rend le présent



Arrêt



  1. Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que,
  2. - en ne mettant pas en place, pour l'accès à la profession d'éducateur spécialisé dans la fonction publique hospitalière, d'une part, et dans la fonction publique territoriale, d'autre part, une procédure de reconnaissance mutuelle des diplômes, et

    - en laissant subsister une réglementation nationale et une pratique de la commission d'assimilation des diplômes ne prévoyant pas la prise en compte de l'expérience professionnelle des travailleurs migrants,

    la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu respectivement des directives 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans (JO 1989, L 19, p. 16), et 92/51/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48 (JO L 209, p. 25), et de l'article 39 CE.


    Le cadre juridique

    La réglementation communautaire

  3. L'article 1er de la directive 89/48 prévoit:
  4. «Aux fins de la présente directive, on entend:

    a) par diplôme, tout diplôme, certificat ou autre titre ou tout ensemble de tels diplômes, certificats ou autres titres:

    - qui a été délivré par une autorité compétente dans un État membre, désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet État,

    - dont il résulte que le titulaire a suivi avec succès un cycle d'études postsecondaires d'une durée minimale de trois ans, ou d'une durée équivalente à temps partiel, dans une université ou un établissement d'enseignement supérieur ou dans un autre établissement du même niveau de formation et, le cas échéant, qu'il a suivi avec succès la formation professionnelle requise en plus du cycle d'études postsecondaires, et

    - dont il résulte que le titulaire possède les qualifications professionnelles requises pour accéder à une profession réglementée dans cet État membre ou l'exercer,

    dès lors que la formation sanctionnée par ce diplôme, certificat ou autre titre a été acquise dans une mesure prépondérante dans la Communauté, ou dès lors que son titulaire a une expérience professionnelle de trois ans certifiée par l'État membre qui a reconnu un diplôme, certificat ou autre titre délivré dans un pays tiers.

    […]

    c) par profession réglementée, l'activité ou l'ensemble des activités professionnelles réglementées qui constituent cette profession dans un État membre;

    d) par activité professionnelle réglementée, une activité professionnelle dont l'accès ou l'exercice, ou une des modalités d'exercice dans un État membre est subordonné, directement ou indirectement par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession d'un diplôme. [...]

    e) par expérience professionnelle, l'exercice effectif et licite de la profession concernée dans un État membre;

    [...]»

  5. L'article 1er de la directive 92/51 dispose:
  6. «Aux fins de la présente directive, on entend par:

    a) 'diplôme': tout titre de formation ou tout ensemble de tels titres:

    - qui a été délivré par une autorité compétente dans un État membre, désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives dudit État,

    - dont il résulte que le titulaire a suivi avec succès:

    i) soit un cycle d'études postsecondaires, autre que celui visé au deuxième tiret de l'article 1er point a) de la directive 89/48/CEE, d'une durée d'au moins un an ou d'une durée équivalente à temps partiel, dont l'une des conditions d'accès est, en règle générale, l'accomplissement du cycle d'études secondaires exigé pour accéder à l'enseignement universitaire ou supérieur, ainsi que la formation professionnelle éventuellement requise en plus de ce cycle d'études postsecondaires;

    ii) soit l'un des cycles de formation figurant à l'annexe C

    et

    - dont il résulte que le titulaire possède les qualifications professionnelles requises pour accéder à une profession réglementée dans l'État membre en question ou pour l'exercer,

    dès lors que la formation sanctionnée par ce titre a été acquise dans une mesure prépondérante dans la Communauté, ou en dehors de celle-ci, dans des établissements d'enseignement qui dispensent une formation conforme aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives d'un État membre, ou dès lors que son titulaire a une expérience professionnelle de trois ans certifiée par l'État membre qui a reconnu un titre de formation délivré dans un pays tiers.

    […]

    e) 'profession réglementée': l'activité ou l'ensemble des activités professionnelles réglementées qui constituent cette profession dans un État membre;

    f) 'activité professionnelle réglementée': une activité professionnelle dont l'accès ou l'exercice, ou l'une des modalités d'exercice dans un État membre, est subordonné, directement ou indirectement par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession d'un titre de formation ou d'une attestation de compétence. Constituent notamment des modalités d'exercice d'une activité professionnelle réglementée:

    - l'exercice d'une activité sous un titre professionnel, dans la mesure où le port de ce titre est autorisé aux seuls possesseurs d'un titre de formation ou d'une attestation de compétence déterminé par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives,

    - l'exercice d'une activité professionnelle dans le domaine de la santé, dans la mesure où la rémunération et/ou le remboursement de cette activité est subordonné par le régime national de sécurité sociale à la possession d'un titre de formation ou d'une attestation de compétence.

    […]

    h) 'expérience professionnelle': l'exercice effectif et licite de la profession concernée dans un État membre;

    […]»

    La réglementation nationale

    Dispositions concernant l'accès à la profession d'éducateur spécialisé dans la fonction publique hospitalière

  7. L'article 3 du décret nº 93-652, du 26 mars 1993, portant statut particulier des assistants socio-éducatifs de la fonction publique hospitalière (JORF du 28 mars 1993, p. 5376), prévoit:
  8. «Les assistants socio-éducatifs sont recrutés par concours sur titres organisé par l'autorité investie du pouvoir de nomination et ouvert:

    […]

    2º Pour l'emploi d'éducateur spécialisé, aux titulaires du diplôme d'État d'éducateur spécialisé […]»

  9. Aux termes de l'article 13 de ce décret:
  10. «Peuvent être détachés dans le corps des assistants socio-éducatifs […], les fonctionnaires appartenant à un corps, cadre d'emplois ou emploi classé dans la même catégorie, titulaires de l'un des diplômes exigés pour le recrutement dans ce corps et exerçant des fonctions socio-éducatives équivalentes à celles des fonctionnaires du présent corps.

    Peuvent en outre être détachés dans l'emploi visé au 2° de l'article 3 ci-dessus, […], les éducateurs titulaires de la protection judiciaire de la jeunesse ayant accompli cinq années de services effectifs en cette qualité.

    […]

    Les fonctionnaires détachés depuis deux ans au moins peuvent être intégrés dans leur corps de détachement […]»

  11. L'article 1er du décret nº 94-616, du 21 juillet 1994, relatif à l'assimilation, pour l'accès aux concours ou examens de la fonction publique hospitalière, de titres ou diplômes délivrés dans d'autres États membres de la Communauté européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen (JORF du 23 juillet 1994, p. 10608), dispose:
  12. «Lorsque le recrutement par voie de concours ou d'examen dans un corps de la fonction publique hospitalière est subordonné, en application du statut particulier de ce corps, à la possession de certains titres ou diplômes nationaux, les titres ou diplômes de niveau au moins équivalent délivrés dans un autre État membre de la Communauté européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen sont assimilés aux titres ou diplômes nationaux dans les conditions fixées par le présent décret.»

  13. L'article 2 de ce décret prévoit l'institution d'une commission chargée d'examiner et de statuer sur les demandes d'assimilation présentées par les candidats aux concours ou examens définis à son article 1er (ci-après la «commission d'assimilation des diplômes»).
  14. Aux termes de l'article 5, premier alinéa, dudit décret:
  15. «La commission [d'assimilation des diplômes] apprécie le degré des connaissances et des qualifications que le titre ou diplôme présenté permet de présumer chez son titulaire en fonction de la nature et de la durée des études nécessaires, ainsi que, le cas échéant, des formations pratiques dont l'accomplissement était exigé pour l'obtenir.»

  16. Cette disposition est interprétée par la commission d'assimilation des diplômes en ce sens qu'elle ne permet pas que l'expérience professionnelle soit prise en compte (voir, notamment, la décision de la commission d'assimilation des diplômes du 19 février 1999, annexée à la requête de la Commission).
  17. L'article 7, deuxième alinéa, du décret nº 94-616 dispose:
  18. «[Les dispositions du présent décret] ne sont pas applicables aux concours ou examens donnant accès à des emplois dont l'exercice est subordonné à la possession d'un titre ou diplôme faisant l'objet, en vertu de directives de la Communauté européenne, de mesures spécifiques de reconnaissance transposées en droit interne, ainsi qu'aux concours ou examens pour lesquels une procédure spécifique d'assimilation des titres ou diplômes est fixée par des dispositions législatives ou par les statuts particuliers des corps concernés.»

    Dispositions concernant l'accès à la profession d'éducateur spécialisé dans la fonction publique territoriale

  19. L'article 3 du décret nº 92-843, du 28 août 1992, portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux socio-éducatifs (JORF du 30 août 1992, p. 11835), prévoit que le recrutement en qualité d'assistant socio-éducatif intervient après inscription sur une liste d'aptitude.
  20. Aux termes de l'article 4 de ce décret:
  21. «Sont inscrits sur la liste d'aptitude prévue à l'article 3 ci-dessus les candidats déclarés admis à un concours sur titres avec épreuves, ouvert:

    […]

    2º Pour la spécialité Éducation spécialisée, aux candidats titulaires du diplôme d'État d'éducateur spécialisé;

    […]»

  22. L'article 17, premier alinéa, dudit décret dispose:
  23. «Les fonctionnaires de catégorie B exerçant des fonctions de même nature que les assistants territoriaux socio-éducatifs peuvent être détachés dans le présent cadre d'emplois s'ils justifient d'un des diplômes ou titre mentionnés à l'article 4 ci-dessus. Peuvent en outre être détachés dans le cadre d'emplois pour y exercer des fonctions d'éducateur spécialisé les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse ayant accompli dans leur corps au moins cinq années de services effectifs.»

  24. Aux termes de l'article 20, premier alinéa, du décret nº 92-843:
  25. «Les fonctionnaires détachés dans le présent cadre d'emplois peuvent, sur leur demande, y être intégrés lorsqu'ils y ont été détachés depuis deux ans au moins.»

  26. L'article 1er du décret n° 94-743, du 30 août 1994, relatif à l'assimilation, pour l'accès aux concours de la fonction publique territoriale, des diplômes délivrés dans d'autres États membres de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen (JORF du 1er septembre 1994, p. 12649), dispose:
  27. «Lorsque le recrutement par voie de concours dans un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale […] est subordonné, en application du statut particulier de ce cadre d'emplois ou de ce corps à la possession de certains diplômes nationaux, les diplômes de niveau au moins équivalent délivrés dans un autre État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen sont assimilés aux diplômes nationaux dans les conditions fixées par le présent décret.»

  28. Aux termes de l'article 2 de ce décret:
  29. «Les candidats aux concours définis à l'article 1er ci-dessus présentent leur demande d'assimilation à une commission qui est instituée auprès du ministre chargé des collectivités locales. La commission est compétente pour tous les concours de recrutement pour lesquels un diplôme est exigé.»

  30. L'article 4, premier alinéa, dudit décret prévoit:
  31. «La commission apprécie le degré des connaissances et des qualifications que le diplôme présenté permet de présumer chez son titulaire en fonction de la nature et de la durée des études nécessaires, ainsi que, le cas échéant, des formations pratiques dont l'accomplissement était exigé pour l'obtenir.»

  32. L'article 6, deuxième alinéa, du décret nº 94-743 dispose:
  33. «[Les dispositions du présent décret] ne sont pas applicables aux concours donnant accès à des emplois dont l'exercice est subordonné à la possession d'un diplôme faisant l'objet, en vertu de directives de la Communauté européenne, de mesures spécifiques de reconnaissance transposées en droit interne, ainsi qu'aux concours pour lesquels une procédure spécifique d'assimilation des diplômes est fixée par des dispositions législatives ou par les statuts particuliers des cadres d'emplois ou des corps concernés.»

    Dispositions en matière d'accès à la profession d'éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse

  34. L'article 3 du décret n° 92-344, du 27 mars 1992, portant statut particulier du corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (JORF du 2 avril 1992, p. 4736), prévoit:
  35. «Les éducateurs sont recrutés par deux concours distincts:

    1° Un concours externe ouvert aux candidats âgés de quarante-cinq ans au plus au 1er janvier de l'année du concours, titulaires soit du diplôme d'études universitaires générales, du diplôme universitaire de technologie ou d'un diplôme reconnu équivalent par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de la fonction publique, soit du diplôme d'État d'éducateur spécialisé;

    2° Un concours interne ouvert aux fonctionnaires et agents de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent, justifiant, au 1er janvier de l'année du concours, d'au moins cinq ans de services publics.»

  36. L'article 22, premier alinéa, de ce décret dispose:
  37. «Peuvent seuls être détachés dans le corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse les fonctionnaires de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent, qui appartiennent à un corps, cadre d'emplois ou emploi classé dans la même catégorie et qui justifient d'au moins cinq ans de services dans des activités à caractères éducatif ou social.»


    La procédure précontentieuse

  38. À la suite de plaintes qu'elle a reçues, la Commission a envoyé le 16 février 2000 une lettre de mise en demeure aux autorités françaises dans laquelle elle a notamment fait valoir que la profession d'éducateur spécialisé dans la fonction publique hospitalière constitue une profession réglementée au sens des directives 89/48 et 92/51. Or, la législation française ne comporterait pas de procédure de reconnaissance des diplômes d'éducateur spécialisé obtenus dans d'autres États membres qui soit conforme aux dispositions desdites directives. Dans ladite lettre, la Commission a avancé le même grief en ce qui concerne la profession d'éducateur spécialisé dans la fonction publique territoriale.
  39. Dans leur réponse du 26 mai 2000, les autorités françaises ont indiqué que la profession d'éducateur spécialisé dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale ne constitue pas une profession réglementée au sens des directives 89/48 et 92/51. Elles ont également soutenu que l'accès à cette profession n'est pas expressément réservé aux titulaires du diplôme d'État d'éducateur spécialisé délivré en France puisque la législation française, en particulier le décret nº 94-616 pour la fonction publique hospitalière et un dispositif similaire en ce qui concerne la fonction publique territoriale, prévoit une procédure d'assimilation des diplômes d'éducateur spécialisé obtenus dans un autre État membre.
  40. Le 2 février 2001, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure complémentaire auxdites autorités par laquelle elle a fait valoir que l'absence de prise en compte de l'expérience professionnelle par la commission d'assimilation des diplômes dans le cadre de la procédure de reconnaissance de diplômes d'éducateur spécialisé obtenus dans un autre État membre n'est pas compatible avec les articles 39, 43 et 49 CE.
  41. Cette dernière lettre étant restée sans réponse, la Commission a, le 25 juillet 2001, émis un avis motivé reprenant les griefs invoqués dans les deux lettres de mise en demeure précitées.
  42. Dans cet avis motivé, la Commission a indiqué en particulier que les décrets nos 94-616 et 94-743 ne prévoient notamment, lors de l'examen des demandes en vue de la reconnaissance de diplômes d'éducateur spécialisé obtenus dans un autre État membre, ni la prise en compte de l'expérience professionnelle du candidat, ni la possibilité pour le candidat de compléter sa formation, si elle est substantiellement différente de la formation française, par un test d'aptitude ou un stage d'adaptation, au choix du candidat, dans les conditions prévues par les directives 89/48 et 92/51. Dans ledit avis motivé, la Commission a également fait valoir que ces décrets sont contraires aux articles 39, 43 et 49 CE tels qu'interprétés par la Cour, puisqu'ils ne prévoient pas la prise en compte de l'expérience professionnelle des travailleurs migrants à l'occasion de la procédure de reconnaissance de leurs diplômes.
  43. Par lettre du 1er mars 2002, les autorités françaises ont, en réponse à l'avis motivé du 25 juillet 2001, fait valoir que le dispositif qu'elles ont mis en place en vue de l'assimilation des diplômes ne prévoit pas la prise en compte de l'expérience professionnelle en raison du fait que la profession d'éducateur spécialisé ne constitue pas une profession réglementée au sens des directives 89/48 et 92/51.
  44. N'étant pas satisfaite des réponses données par les autorités françaises, la Commission a introduit le présent recours.

  45. Sur le recours

    Sur le premier grief, tiré d'une violation des directives 89/48 et 92/51

  46. Par son premier grief, la Commission reproche à la République française de ne pas avoir transposé les directives 89/48 et 92/51 en ce qui concerne l'accès à la profession d'éducateur spécialisé dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale, alors qu'il s'agit d'une profession réglementée au sens des directives 89/48 et 92/51, telle que cette notion a été interprétée par la Cour.
  47. Le gouvernement français fait valoir que l'activité exercée par les éducateurs spécialisés, tant dans la fonction publique hospitalière que dans la fonction publique territoriale, n'est pas soumise à la détention d'un diplôme unique et ne peut dès lors être considérée comme une profession réglementée au sens des directives 89/48 et 92/51, telle que cette notion a été interprétée par la Cour.
  48. À cet égard, il convient de rappeler que la notion de profession réglementée au sens des directives 89/48 et 92/51 relève du droit communautaire et qu'il résulte en particulier des définitions prévues aux articles 1er, sous c) et d), de la directive 89/48 et 1er, sous e) et f), de la directive 92/51 qu'une profession doit être considérée comme réglementée lorsque l'accès à l'activité professionnelle en cause ou l'exercice de celle-ci est régi par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives établissant un régime qui a pour effet de réserver expressément cette activité professionnelle aux personnes qui remplissent certaines conditions relatives à la possession d'un diplôme, et d'en interdire l'accès à celles qui ne les remplissent pas (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2003, Morgenbesser, C-313/01, non encore publié au Recueil, point 49).
  49. En l'espèce, en vertu de l'article 3 du décret nº 93-652, le recrutement dans l'emploi d'éducateur spécialisé dans la fonction publique hospitalière est subordonné à la réussite d'un concours sur titres ouvert aux titulaires du diplôme d'État d'éducateur spécialisé. Les articles 3 et 4 du décret nº 92-843 prévoient que le recrutement en qualité d'éducateur spécialisé dans la fonction publique territoriale intervient après inscription sur une liste d'aptitude à la suite de la réussite d'un concours sur titres avec épreuves ouvert aux candidats titulaires du même diplôme.
  50. L'activité professionnelle d'éducateur spécialisé dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale est donc incontestablement régie par des dispositions réglementaires établissant un régime qui a pour effet de réserver expressément cette activité professionnelle aux personnes qui remplissent certaines conditions relatives à la possession d'un diplôme, à savoir le diplôme d'État d'éducateur spécialisé, et d'en interdire l'accès à celles qui ne le possèdent pas.
  51. Par conséquent, il n'y a pas lieu en l'espèce d'examiner les hypothèses alternatives visées par la définition de notion d'activité professionnelle réglementée prévue aux articles 1er, sous d), de la directive 89/48 et 1er, sous f), de la directive 92/51, à savoir celles d'une activité professionnelle dont l'exercice ou une modalité d'exercice est subordonnée à la possession d'un diplôme, lesquelles ont fait l'objet d'un débat dans les écrits de la Commission et de la République française.
  52. Partant, eu égard à la jurisprudence citée au point 30 du présent arrêt, il convient de constater que l'emploi d'éducateur spécialisé dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale doit être qualifié de profession réglementée au sens des directives 89/48 et 92/51.
  53. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les circonstances, avancées par la République française, que les contours de la profession d'éducateur spécialisé seraient extrêmement malaisés à définir et que l'accès audit emploi dans le secteur privé ou associatif ne serait pas subordonné à la possession du diplôme d'État.
  54. En effet, il suffit de constater, d'une part, que, par les décrets nos 93-652 et 92-843, les autorités nationales ont adopté une réglementation relative aux statuts particuliers, respectivement, des assistants socio-éducatifs de la fonction publique hospitalière et du cadre d'emplois des assistants territoriaux socio-éducatifs, portant notamment sur le contenu de ces professions, et, d'autre part, que ces professions ne concernent que le secteur public, de sorte qu'il n'y a pas lieu, aux fins de la notion de profession réglementée au sens des directives 89/48 et 92/51, d'examiner les dispositions régissant leur exercice dans le secteur privé ou associatif. Dans l'arrêt du 9 septembre 2003, Burbaud (C-285/01, Rec. p. I-8219), la Cour a ainsi jugé que l'emploi de directeur de la fonction publique hospitalière française constitue une profession réglementée au sens desdites directives.
  55. La République française réfute également la qualification donnée à l'emploi concerné de profession réglementée en raison du fait que la possession du diplôme d'État ne serait pas toujours requise pour pouvoir accéder à l'emploi d'éducateur spécialisé dans les fonctions publiques hospitalière ou territoriale puisque, en vertu des décrets nos 94-616 et 94-743, d'une part, les diplômes étrangers peuvent être assimilés et, d'autre part, les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, qui ne sont pas titulaires du diplôme d'État d'éducateur spécialisé, peuvent, dans les conditions prévues aux articles 13 du décret nº 93-652 et 17, premier alinéa, du décret nº 92-843, être détachés, puis intégrés dans les corps ou cadre d'emplois correspondants.
  56. Ces arguments ne sauraient être retenus, la possibilité d'assimilation des diplômes étrangers constituant une obligation communautaire contenue, sous certaines conditions, dans les directives 89/48 et 92/51. Or, l'existence de cette obligation n'implique nullement que la profession concernée perde sa qualification de profession réglementée au sens desdites directives.
  57. Il est vrai que les décrets nos 93-652 et 92-843 prévoient que les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, même s'ils ne sont pas titulaires du diplôme d'État d'éducateur spécialisé, peuvent, sous certaines conditions, être détachés, puis intégrés dans les corps ou cadre d'emplois correspondants des fonctions publiques hospitalière ou territoriale.
  58. Il s'agit, toutefois, d'une voie de recrutement manifestement secondaire ouverte uniquement aux éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, qui requiert des intéressés d'avoir accompli au moins cinq années de services effectifs avant de pouvoir être détachés dans les fonctions publiques hospitalière ou territoriale, puis d'avoir exercé deux années dans cette position avant de pouvoir être intégrés dans les corps ou cadre d'emplois correspondants. L'existence d'une telle voie d'accès, permettant de recruter certains fonctionnaires en raison notamment de leur expérience dans la fonction publique alors même qu'ils ne possèdent pas le diplôme requis, ne saurait remettre en cause le caractère réglementé de la profession concernée.
  59. Il convient de constater, en outre, ainsi que la Commission l'a relevé, sans être contredite sur ce point par le gouvernement français, que la législation nationale ne prévoit pas de procédure de reconnaissance mutuelle des diplômes acquis dans d'autres États membres répondant aux exigences respectives des directives 89/48 et 92/51, notamment en ce qui concerne la possibilité pour le candidat disposant d'une formation substantiellement différente de la formation française de démontrer ses compétences, soit par un test d'aptitude, soit par un stage d'adaptation, dans les conditions prévues par lesdites directives. En effet, ledit gouvernement s'est borné à soutenir qu'une telle procédure n'a pas à être mise en place, puisque la profession dont il s'agit ne peut être qualifiée de profession réglementée.
  60. Dès lors qu'il résulte du présent arrêt que la profession d'éducateur spécialisé dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale constitue une profession réglementée au sens des directives 89/48 et 92/51, il y a lieu de conclure au bien-fondé du premier grief de la Commission.
  61. Sur le second grief, tiré d'une violation de l'article 39 CE

  62. Par son second grief, la Commission reproche au gouvernement français de ne pas avoir prévu, dans les décrets nos 94-616 et 94-743, l'obligation pour la commission d'assimilation des diplômes de prendre en compte l'expérience professionnelle à l'occasion de la procédure de reconnaissance des diplômes d'éducateur spécialisé obtenus dans un autre État membre. Partant, ces décrets seraient contraires à l'article 39 CE.
  63. Ledit gouvernement fait valoir qu'une telle obligation ne s'applique qu'aux professions dont l'accès est subordonné à la possession d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle. Or, tel ne serait pas le cas en ce qui concerne l'activité professionnelle d'éducateur spécialisé.
  64. À cet égard, il convient de rappeler qu'il résulte notamment de l'article 39 CE que les autorités de l'État membre d'accueil sont tenues, lorsqu'elles examinent la demande d'un ressortissant d'un autre État membre tendant à obtenir l'autorisation d'exercer une profession réglementée, de prendre en considération la qualification professionnelle de l'intéressé en procédant à une comparaison entre, d'une part, la qualification attestée par ses diplômes, certificats et autres titres ainsi que par son expérience professionnelle pertinente et, d'autre part, la qualification professionnelle exigée par la législation nationale pour l'exercice de la profession en cause (voir, notamment, arrêt Morgenbesser, précité, points 56 à 58 et jurisprudence citée).
  65. Or, la Commission a relevé, sans être contredite sur ce point par le gouvernement français, que les décrets nos 94-616 et 94-743 ne prévoient pas l'obligation pour les commissions d'assimilation des diplômes prévues par ces décrets de prendre en compte l'expérience professionnelle lors de la procédure de reconnaissance de diplômes d'éducateur spécialisé obtenus dans un autre État membre.
  66. Partant, compte tenu de la jurisprudence citée au point 45 du présent arrêt et eu égard au point 42 de celui-ci, il y a également lieu d'accueillir le second grief de la Commission.
  67. Au vu des considérations qui précèdent, il convient de constater que,
  68. - en ne mettant pas en place une procédure de reconnaissance mutuelle des diplômes répondant aux exigences des directives 89/48 et 92/51 pour l'accès à la profession d'éducateur spécialisé dans la fonction publique hospitalière, d'une part, et dans la fonction publique territoriale, d'autre part, et

    - en laissant subsister une réglementation nationale et une pratique de la commission d'assimilation des diplômes ne prévoyant pas la prise en compte de l'expérience professionnelle des travailleurs migrants,

    la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu respectivement des directives 89/48 et 92/51 et de l'article 39 CE.


    Sur les dépens

  69. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.



  70. Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

    1) En ne mettant pas en place une procédure de reconnaissance mutuelle des diplômes répondant aux exigences des directives 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans, et 92/51/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48, pour l'accès à la profession d'éducateur spécialisé dans la fonction publique hospitalière, d'une part, et dans la fonction publique territoriale, d'autre part, et en laissant subsister une réglementation nationale et une pratique de la commission d'assimilation des diplômes ne prévoyant pas la prise en compte de l'expérience professionnelle des travailleurs migrants, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu respectivement de ces directives et de l'article 39 CE.

    2) La République française est condamnée aux dépens.


    Signatures.


    1 - Langue de procédure: le français.


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