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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Georgiev (Social policy) French Text [2010] EUECJ C-250/09 (02 September 2010) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2010/C25009_O.html |
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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. Yves Bot
présentées le 2 septembre 2010 (1)
Affaires jointes C-250/09 et C-268/09
Vasil Ivanov Georgiev
contre
Tehnicheski universitet – Sofia, filial Plovdiv
[demande de décision préjudicielle formée par le Rajonen sad Plovdiv (Bulgarie)]
«Politique sociale – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Contrat de travail à durée déterminée pour les professeurs d’université ayant atteint l’âge de 65 ans – Fixation de l’âge définitif de la retraite pour les professeurs d’université à 68 ans – Justification des différences de traitement fondées sur l’âge»
1. Les problématiques liées à la mise à la retraite d’office, à l’autorisation de licencier un travailleur ayant atteint l’âge de la retraite, ainsi qu’à l’engagement de travailleurs au moyen de contrats à durée déterminée à partir d’un certain âge ont déjà été abordées par la Cour dans plusieurs arrêts ou vont l’être dans un proche avenir (2). La présente affaire va permettre à la Cour de compléter sa jurisprudence en traitant cette fois conjointement ces différentes problématiques.
2. Le Rajonen sad Plovdiv (Bulgarie) interroge, en effet, la Cour sur la conformité avec la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (3), d’une réglementation nationale qui permet à un employeur de mettre fin au contrat de travail d’un professeur d’université ayant atteint l’âge de 65 ans et qui prévoit que, au-delà de cet âge, la relation de travail peut uniquement être prolongée sous la forme de contrats à durée déterminée d’un an dans la limite totale de trois ans.
3. Dans les présentes conclusions, nous exposerons, en nous fondant largement sur la jurisprudence existante, les raisons pour lesquelles nous considérons que la directive ne s’oppose pas à une telle réglementation.
I – Le cadre juridique
A – Le droit de l’Union
4. Aux termes de l’article 1er de la directive, celle-ci «a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement».
5. L’article 2 de la directive énonce:
«1. Aux fins de la présente directive, on entend par ‘principe de l’égalité de traitement’ l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.
2. Aux fins du paragraphe 1:
a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er;
[…]»
6. L’article 6, paragraphe 1, de la directive dispose:
«Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.
Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre:
a) la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection;
b) la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi;
c) la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite.»
B – La réglementation nationale
7. L’article 325, paragraphe 3, du code du travail (4) prévoit que le contrat de travail prend fin sans préavis des parties à l’expiration du délai contractuel.
8. Aux termes de l’article 328 du code du travail:
«1) Un employeur peut mettre fin au contrat de travail moyennant un préavis écrit adressé au travailleur ou à l’employé dans les délais prévus à l’article 326, paragraphe 2, dans les cas suivants:
[…]
10. Lorsque le droit à la pension de retraite est acquis, et pour les professeurs, les maîtres de conférence et les assistants des niveaux I et II et les docteurs en sciences – lorsqu’ils atteignent l’âge de 65 ans;
[…]»
9. Le paragraphe 11 des dispositions transitoires et finales du code de l’enseignement supérieur (5) dispose:
«Sur proposition du conseil professoral et du conseil de la vie académique et/ou de l’antenne, par décision du conseil académique, les contrats de travail de personnes habilitées à enseigner peuvent, lorsque ces personnes atteignent l’âge visé à l’article 328, premier alinéa, point 10, du code du travail, être prolongés de durées d’un an, dans la limite totale de trois ans lorsque l’intéressé occupe un poste de ‘professeur’ et dans la limite totale de deux ans lorsque l’intéressé occupe un poste de ‘maître de conférence’.»
10. L’article 7, paragraphe 1, point 6, du code de protection contre la discrimination (6) prévoit que n’est pas constitutive de discrimination «la fixation d’une limite d’âge pour embaucher, laquelle est liée à la nécessité d’une formation pour l’occupation d’une fonction correspondante ou à l’exigence d’un délai raisonnable entre l’occupation du poste et la mise à la retraite, à condition qu’il s’agisse là d’une raison objective destinée à la réalisation d’un objectif légitime et que le moyen employé pour cette réalisation n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire».
II – Le litige au principal et les questions préjudicielles
11. Les présentes demandes de décision préjudicielle concernent la même personne, M. Georgiev, et portent sur les mêmes faits. La différence entre les deux demandes tient à ce que la seconde (affaire C-268/09) contient une question supplémentaire par rapport à la première (affaire C-250/09).
12. M. Georgiev a commencé à travailler à la Tehnicheski universitet – Sofia, filial Plovdiv (université technique de Sofia – antenne de Plovdiv (ci-après l’«université») en 1985, en qualité de chargé de cours.
13. Il a été mis fin à son contrat de travail en 2006, lorsqu’il a atteint l’âge de 65 ans, au motif qu’il avait l’âge de la retraite.
14. Le conseil académique de l’université a toutefois autorisé M. Georgiev à continuer de travailler en vertu du paragraphe 11 des dispositions transitoires et finales du code de l’enseignement supérieur. Un nouveau contrat de travail d’un an a été signé, prévoyant que M. Georgiev travaillerait comme enseignant à la faculté d’ingénierie.
15. Par un avenant signé en 2006, le contrat a été prorogé d’un an.
16. M. Georgiev a été nommé professeur en 2007.
17. Par un nouvel avenant signé en 2008, le contrat a encore été prorogé d’un an.
18. En 2009, il a été mis fin à la relation de travail entre l’université et M. Georgiev, en vertu de l’article 325, paragraphe 3, du code du travail, par un arrêté du directeur de l’université.
19. M. Georgiev a introduit deux recours devant le tribunal de Plovdiv. L’un vise à faire constater que la clause de son premier contrat à durée déterminée limitant à un an son contrat de travail est nulle et que ce contrat doit être requalifié de contrat à durée indéterminée (recours à la base de l’affaire C-268/09). L’autre porte sur l’arrêté du directeur de l’université mettant fin à sa relation de travail avec l’université lorsqu’il a atteint l’âge de 68 ans (recours à la base de l’affaire C-250/09). Le Rajonen sad Plovdiv a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les trois questions préjudicielles suivantes. Les deux premières sont communes aux deux affaires, la troisième n’est posée que dans l’affaire C-268/09:
«1) Les dispositions de la [directive] font-elles obstacle à l’application d’une loi nationale n’autorisant pas la conclusion de contrats de travail à durée indéterminée par des professeurs ayant atteint l’âge de 65 ans? À cet égard et plus particulièrement au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive, la disposition de l’article 7, premier alinéa, point 6, de la loi de protection contre les discriminations est-elle une mesure objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et est-elle proportionnée, alors même qu’elle prévoit des limites d’âge pour l’occupation de certains postes, compte tenu du fait que la directive a été intégralement transposée dans la législation bulgare?
2) Les dispositions de la [directive] font-elles obstacle à l’application d’une loi nationale prévoyant la mise à la retraite d’office des professeurs ayant atteint l’âge de 68 ans? À la lumière des faits et circonstances précités tirés du litige en l’espèce et compte tenu de la contradiction constatée entre, d’une part, les dispositions de la [directive] et, d’autre part, la législation nationale pertinente dans laquelle la directive a été transposée, est-il possible que l’interprétation des dispositions du droit communautaire ait pour résultat une non-application de la législation nationale?
3) La législation nationale fait-elle du fait d’atteindre un âge spécifique l’unique condition pour qu’il soit mis fin à la relation de travail à durée indéterminée et pour que cette relation puisse se poursuivre en tant que relation à durée déterminée entre le même travailleur et le même employeur, pour le même poste? Dans la mesure où, après que le contrat à durée indéterminée a été transformé en contrat à durée déterminée, la législation nationale instaure une limite maximale à la continuité et un nombre maximal de prorogations de la relation de travail à durée déterminée avec un même travailleur, après quelle limite n’est-il plus possible que la relation de travail se poursuive entre les parties?»
20. M. Georgiev, l’université, les gouvernements bulgare, allemand et slovaque, ainsi que la Commission des Communautés européennes ont déposé des observations écrites.
III – Analyse
21. Nous examinerons ensemble les trois questions préjudicielles qui tendent, en substance, à savoir si la directive doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui permet à un employeur de mettre fin au contrat de travail d’un professeur d’université ayant atteint l’âge de 65 ans et qui prévoit que, au-delà de cet âge, la relation de travail peut uniquement être prolongée sous la forme de contrats à durée déterminée d’un an dans la limite totale de trois ans.
22. Pour répondre à ces questions, il convient de rechercher si la réglementation en cause au principal entre dans le champ d’application de la directive, si elle contient une différence de traitement en fonction de l’âge et, dans l’affirmative, si la directive s’oppose à cette différence de traitement.
23. S’agissant, d’abord, du champ d’application de la directive, il convient de constater qu’il découle de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de celle-ci qu’elle s’applique, dans le cadre des compétences dévolues à l’Union, à toutes les personnes en ce qui concerne les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération. Or, la réglementation en cause au principal affecte directement la durée et les modalités de la relation de travail liant les parties ainsi que, plus généralement, l’exercice par les professeurs d’université de leur activité professionnelle, en limitant la participation future de ceux-ci à la vie active à partir de 65 ans et en empêchant une telle participation après 68 ans. Il ne fait donc pas de doute, selon nous, que cette réglementation entre dans le champ d’application de la directive (7).
24. S’agissant, ensuite, de la question de savoir si la réglementation en cause au principal contient une différence de traitement en fonction de l’âge en ce qui concerne l’emploi et le travail, il y a lieu de constater que, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive, aux fins de cette dernière, on entend par «principe de l’égalité de traitement» l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur l’un des motifs visés à l’article 1er de la directive. L’article 2, paragraphe 2, sous a), de celle-ci précise que, pour les besoins de son paragraphe 1, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de la directive.
25. En autorisant un employeur à mettre fin au contrat de travail d’un professeur d’université ayant atteint l’âge de 65 ans et en prévoyant que, au-delà de cet âge, la relation de travail peut uniquement être prolongée sous la forme de contrats à durée déterminée d’un an dans la limite totale de trois ans, la réglementation en cause au principal réserve aux professeurs d’université ayant atteint l’âge de 65 ans, ainsi qu’à ceux ayant atteint l’âge de 68 ans, un traitement moins favorable qu’aux autres professeurs d’université en activité. En effet, contrairement aux autres professeurs en activité qui bénéficient, en principe, d’un contrat à durée indéterminée, les professeurs âgés de 65 ans sont contraints d’accepter un contrat à durée déterminée s’ils souhaitent poursuivre leur activité. En outre, les professeurs qui atteignent l’âge de 68 ans sont contraints d’arrêter leur activité au sein de l’université. Une telle réglementation instaure, dès lors, une différence de traitement directement fondée sur l’âge, telle que visée à l’article 2, paragraphes 1 et 2, sous a), de la directive (8).
26. Il nous faut, à présent, rechercher si les différences de traitement résultant de la réglementation nationale en cause au principal sont conformes ou non à la directive. Il ressort, à cet égard, de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination interdite en vertu de l’article 2 de celle-ci «lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires».
27. L’objectif poursuivi par la réglementation en cause au principal ne ressort pas expressément du libellé de celle-ci. Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, à défaut d’une précision de la réglementation nationale en cause quant à l’objectif poursuivi, il importe que d’autres éléments, tirés du contexte général de la mesure concernée, permettent l’identification de l’objectif sous-tendant cette dernière aux fins de l’exercice d’un contrôle juridictionnel quant à sa légitimité ainsi qu’au caractère approprié et nécessaire des moyens mis en œuvre pour réaliser cet objectif (9).
28. Dans le cadre du litige au principal, il appartient en dernier ressort au juge national, seul compétent pour apprécier les faits du litige dont il est saisi et pour interpréter la réglementation nationale applicable, d’identifier l’objectif poursuivi par celle-ci et de vérifier qu’il s’agit bien d’un objectif légitime au sens de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive (10).
29. Cela étant, afin de donner au juge national une réponse utile lui permettant de trancher le litige au principal, il y a lieu de rechercher si la directive s’oppose à des différences de traitement fondées sur l’âge, telles que celles en cause au principal, compte tenu des objectifs qui ont été invoqués comme justifications potentielles dans les observations écrites qui ont été soumises à la Cour.
30. L’objectif visant à répartir les possibilités d’emploi entre les générations au sein de la profession concernée est celui qui a été principalement avancé. Selon les arguments développés par plusieurs intervenants à la présente procédure, essentiellement les gouvernements bulgare, allemand et slovaque ainsi que la Commission, la réglementation en cause au principal, en poursuivant une telle finalité, permettrait de garantir aux jeunes générations la possibilité d’accéder à des postes de professeurs et d’assurer la qualité de l’enseignement et de la recherche.
31. Selon les termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive, les objectifs pouvant être considérés comme «légitimes», au sens de cette disposition, sont notamment des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle. À cet égard, la Cour a déjà jugé que la promotion de l’embauche constitue incontestablement un objectif légitime de politique sociale ou de l’emploi des États membres et que cette appréciation doit à l’évidence s’appliquer à des instruments de politique du marché du travail national visant à améliorer les chances d’insertion dans la vie active de certaines catégories de travailleurs. De même, une mesure prise afin de favoriser l’accès des jeunes à l’exercice de la profession de professeur d’université peut être considérée comme une mesure relevant de la politique de l’emploi (11).
32. Il convient, à présent, de vérifier, selon les termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive, si les moyens mis en œuvre pour réaliser cet objectif sont «appropriés et nécessaires». Il importe, à cet égard, de rappeler que les États membres disposent d’une large marge d’appréciation dans le choix des mesures susceptibles de réaliser leurs objectifs en matière de politique sociale et d’emploi (12).
33. Dans son arrêt Petersen, précité, la Cour a relevé que, selon l’évolution de la situation de l’emploi dans le secteur concerné, il n’apparaît pas déraisonnable pour les autorités d’un État membre d’estimer que l’application d’une limite d’âge, laquelle conduit à la sortie du marché du travail des travailleurs les plus âgés, puisse permettre de favoriser l’emploi des professionnels plus jeunes. Quant à la fixation de cette limite d’âge à 68 ans, la Cour a considéré que cet âge paraît suffisamment avancé pour servir de terme à l’exercice d’une profession (13). Il ressort de l’arrêt Palacios de la Villa, précité, que la même appréciation peut être faite à propos d’une limite d’âge de 65 ans (14), a fortiori lorsque, à l’instar de ce qui est le cas dans la présente affaire, cet âge n’entraîne pas obligatoirement la mise à la retraite des travailleurs qui l’ont atteint.
34. Il convient, à notre avis, de reconnaître qu’un État membre peut légitimement tendre à garantir l’existence d’une pyramide des âges équilibrée au sein du corps des professeurs d’université en instaurant une limite d’âge. La cohabitation de différentes générations d’enseignants et de chercheurs favorise, à notre avis, l’échange d’expériences ainsi que l’innovation, et donc le développement de la qualité de l’enseignement et de la recherche au sein des universités. Par ailleurs, compte tenu du fait que le nombre de postes vacants est limité dans ce secteur et que les carrières peuvent y être relativement longues, il est raisonnable de penser qu’une limite d’âge facilitera l’accès des plus jeunes à la profession.
35. Dans cette perspective, une réglementation telle que celle en cause au principal ne nous paraît pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir l’objectif visant à répartir les possibilités d’emploi entre les générations au sein de la profession concernée.
36. Le caractère proportionné de cette réglementation tient d’abord dans le fait que, tant à l’âge de 65 ans qu’à celui de 68 ans, un professeur d’université qui se trouve contraint de cesser son activité bénéficie d’un droit à une pension de retraite. Ladite réglementation ne saurait donc être regardée comme portant une atteinte excessive aux prétentions légitimes des travailleurs qui devraient cesser leur activité du fait qu’ils ont atteint un âge compris entre 65 et 68 ans, dès lors qu’une telle réglementation ne se fonde pas seulement sur un âge déterminé, mais prend également en considération la circonstance que les intéressés bénéficient au terme de leur carrière professionnelle d’une compensation financière au moyen de l’octroi d’une pension de retraite (15) dont, au demeurant, M. Georgiev ne conteste pas le montant.
37. Ensuite, il importe de relever que la possibilité pour les professeurs d’exercer au-delà de 65 ans au moyen de contrats à durée déterminée a pour effet d’assouplir la règle du départ à la retraite à partir de cet âge en permettant à ces professeurs de poursuivre leur activité durant trois ans. Cette possibilité contribue donc à atténuer la différence de traitement dont font l’objet les professeurs ayant atteint l’âge de 65 ans.
38. Sur cet aspect de la réglementation en cause au principal, il convient de bien distinguer la présente affaire de celle ayant donné lieu à l’arrêt Mangold, précité. Nous rappelons que dans cet arrêt la Cour a dit pour droit qu’était contraire à la directive une mesure nationale autorisant la conclusion d’un contrat à durée déterminée, sans raison objective, avec les travailleurs ayant atteint l’âge de 52 ans. À la différence de la présente affaire, la réglementation nationale en cause dans ledit arrêt concernait des travailleurs n’ayant pas acquis un droit à pension de retraite et les contrats étaient susceptibles d’être reconduits un nombre indéfini de fois. En outre, la réglementation en cause au principal ne concerne qu’une catégorie spécifique de travailleurs alors que la réglementation en cause dans l’arrêt Mangold, précité, était d’application générale.
39. Enfin, nous observons que, si la Cour a eu plusieurs fois l’occasion d’indiquer que le bénéfice de la stabilité de l’emploi est conçu comme un élément majeur de la protection des travailleurs, elle a, dans le même temps, admis qu’il existe des circonstances dans lesquelles des contrats de travail à durée déterminée sont susceptibles de répondre aux besoins tant des employeurs que des travailleurs (16).
40. Tel nous paraît précisément être le cas dans la présente affaire. En effet, le recours à des contrats à durée déterminée est de nature à concilier le souhait que pourraient émettre des professeurs de poursuivre leur activité après 65 ans avec la nécessité pour les universités de pouvoir réévaluer chaque année, en fonction des besoins de celles-ci et des caractéristiques propres à la discipline en cause, si cette prolongation ne nuit pas à une juste répartition des possibilités d’emploi entre les générations au sein de cette profession.
41. Nous déduisons de l’ensemble de ces éléments que les articles 2, paragraphe 2, sous a), et 6, paragraphe 1, de la directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet à un employeur de mettre fin au contrat de travail d’un professeur d’université ayant atteint l’âge de 65 ans et qui prévoit que, au-delà de cet âge, la relation de travail peut uniquement être prolongée sous la forme de contrats à durée déterminée d’un an dans la limite totale de trois ans, pour autant que cette réglementation vise à répartir les possibilités d’emploi entre les générations au sein de cette profession, ce qu’il appartient au juge national de vérifier.
IV – Conclusion
42. Eu égard à l’ensemble de ces considérations, nous proposons à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions préjudicielles posées par le Rajonen sad Plovdiv:
«Les articles 2, paragraphe 2, sous a), et 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet à un employeur de mettre fin au contrat de travail d’un professeur d’université ayant atteint l’âge de 65 ans et qui prévoit que, au-delà de cet âge, la relation de travail peut uniquement être prolongée sous la forme de contrats à durée déterminée d’un an dans la limite totale de trois ans, pour autant que cette réglementation vise à répartir les possibilités d’emploi entre les générations au sein de cette profession, ce qu’il appartient au juge national de vérifier.»
1 – Langue originale: le français.
2 – S’agissant de la mise à la retraite d’office, voir arrêt du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa (C-411/05, Rec. p. I-8531) et affaires pendantes devant la Cour Rosenbladt (C-45/09), ainsi que Fuchs et Köhler (C-159/10 et C-160/10); concernant l’autorisation de licencier un travailleur ayant atteint l’âge de la retraite, voir arrêt du 5 mars 2009, Age Concern England (C-388/07, Rec. p. I-1569); pour l’engagement de travailleurs au moyen de contrats à durée déterminée à partir d’un certain âge, voir arrêt du 22 novembre 2005, Mangold (C-144/04, Rec. p. I-9981), ainsi que affaire pendante devant la Cour Deutsche Lufthansa (C-109/09). Voir, également, arrêt du 12 janvier 2010, Petersen (C-341/08, non encore publié au Recueil), au sujet d’une disposition nationale fixant à 68 ans l’âge maximal pour l’exercice de la profession de dentiste conventionné.
3 – JO L 303, p. 16, ci-après la «directive».
4 – DV n° 26, du 1er avril 1986, modifié ensuite et publié au DV n° 41, du 2 juin 2009, entré en vigueur le 1er juillet 2009.
5 – DV n° 112, du 27 décembre 1995, modifié en dernier lieu et publié au DV n° 74, du 15 septembre 2009.
6 – DV n° 86, du 30 septembre 2003, entré en vigueur le 1er janvier 2004, modifié et publié au DV n° 74, du 15 septembre 2009, entré en vigueur le 15 septembre 2009.
7 – Voir, par analogie, arrêts précités Palacios de la Villa (points 45 et 46) et Age Concern England (points 27 et 28).
8 – Il ressort du dossier que, en application du droit bulgare, il peut être mis fin au contrat de travail des salariés, en principe, dès l’âge de 63 ans pour les hommes. Si les professeurs d’université paraissent être, sous cet angle, dans une situation avantageuse par rapport aux autres salariés, cela n’exclut cependant pas qu’ils puissent être victimes d’une différence de traitement en fonction de l’âge potentiellement contraire à la directive dès lors que le point de comparaison est la situation des professeurs d’université qui n’ont pas atteint l’âge de 65 ans ou de 68 ans.
9 – Voir, notamment, arrêt Petersen, précité (point 40 et jurisprudence citée).
10 – Voir, notamment, arrêts précités Age Concern England (point 47) et Petersen (point 42).
11 – Voir, par analogie, arrêt Petersen, précité (point 68 et jurisprudence citée).
12 – Voir, notamment, arrêt du 19 janvier 2010, Kücükdeveci (C-555/07, non encore publié au Recueil, point 38 et jurisprudence citée).
13 – Arrêt Petersen, précité (point 70).
14 – Arrêt Palacios de la Villa, précité (point 72).
15 – Voir, à cet égard, arrêt Palacios de la Villa, précité (point 73), dans lequel la Cour fait référence à une pension de retraite «dont le niveau ne saurait être considéré comme déraisonnable». La définition de ce que recouvre cette formule constitue l’un des problèmes au cœur de l’affaire Rosenbladt, précitée.
16 – Voir, notamment, arrêt du 15 avril 2008, Impact (C-268/06, Rec. p. I-2483, point 87 et jurisprudence citée).