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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Rosenbladt (Social policy) French Text [2010] EUECJ C-45/09 (28 April 2010)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2010/C4509_O.html

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(AVIS JURIDIQUE) IMPORTANT: IMPORTANT LEGAL NOTICE - The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.



CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 28 avril 2010 (1)

Affaire C-45/09

Gisela Rosenbladt

contre

Oellerking Gebäudereinigungsges.mbH

[demande de décision préjudicielle formée par l’Arbeitsgericht Hamburg (Allemagne)]

«Directive 2000/78/CE – Article 2, paragraphe 2, sous a) – Discrimination directe fondée sur l’âge – Article 6, paragraphe 1 – Justification des différences de traitement fondées sur l’âge – Objectif légitime – Caractère objectivement justifié – Limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite – Convention collective – Habilitation spécifique des partenaires sociaux par l’État membre – Article 18, paragraphe 1 – Mise en œuvre confiée aux partenaires sociaux»





Table des matières


I –   Le droit applicable

A –   Le droit communautaire

B –   Le droit national

1.     Le sixième livre du code de la sécurité sociale

2.     La loi générale sur l’égalité de traitement

3.     La convention collective

II – Les faits

III – La procédure devant la juridiction de renvoi

IV – Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

V –   Sur l’objection générale avancée par l’Irlande quant à la compétence de la Cour

VI – Observations liminaires concernant l’application de la directive 2000/78 et la disposition pertinente

A –   Sur l’application de la directive 2000/78

B –   Sur la disposition pertinente de la directive 2000/78

VII – Sur la première question préjudicielle

A –   Argumentation des participants à la procédure

B –   Appréciation

1.     Sur la recevabilité

2.     Sur la compatibilité avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78

a)     Dispositions nationales dont pourrait découler l’octroi d’un pouvoir spécifique aux partenaires sociaux de convenir des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite dans des conventions collectives

b)     Indications complémentaires concernant la mise en œuvre par les partenaires sociaux

i)     Transposition par les partenaires sociaux sur le fondement de l’article 18 de la directive

ii)   Convention collective conclue sur la base d’une disposition générale «nue»

3.     Conclusion

VIII – Sur les autres questions préjudicielles

A –   Sur la recevabilité

B –   Sur l’objet des autres questions préjudicielles

C –   Sur le pouvoir conféré par la loi aux partenaires sociaux à convenir par convention collective de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite

1.     Sur l’identification des objectifs poursuivis

2.     Sur les conditions auxquelles doivent satisfaire les objectifs

a)     Le caractère légitime

b)     Le caractère suffisamment concret

c)     Aspect temporel

3.     Sur le caractère objectivement justifié

a)     Argumentation des participants à la procédure

b)     Appréciation

i)     Sur la signification des exemples fournis à l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive

ii)   Sur la conformité des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/78

–       Sur l’appréciation effectuée par le législateur national

–       Sur l’intensité réduite du contrôle

–       Sur le contrôle de cette appréciation

c)     Conclusion

4.     Sur le transfert du pouvoir aux partenaires sociaux

a)     Sur la garantie du respect des conditions de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive

b)     Sur la nécessité d’une demande en vertu de l’article 18, premier alinéa, de la directive

5.     Conclusion

D –   Sur la limite d’âge fixée à l’article 19, point 8, du RTV

1.     Sur l’identification des objectifs poursuivis

2.     Sur les exigences auxquelles doivent satisfaire les objectifs

3.     Sur la poursuite de plusieurs objectifs qui ne sont pas tous légitimes

4.     Sur le caractère objectivement justifié

a)     Sur l’appréciation effectuée par les partenaires sociaux

b)     Sur l’examen de l’appréciation

i)     Utilisation constante de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite

–       Argumentation des participants à la procédure

–       Appréciation

Aspects temporels

Examen spécifique au secteur économique concerné

Pas de limitation aux mesures particulières

ii)   Sur l’absence d’obligation d’embaucher de jeunes travailleurs

–       Argumentation des participants à la procédure

–       Appréciation

iii) Sur la possibilité d’une réembauche des salariés ayant dépassé l’âge normal de la retraite

iv)   Sur la possibilité d’une prolongation de la relation d’emploi d’un commun accord

–       Argumentation des participants à la procédure

–       Appréciation

v)     Sur l’insuffisance des droits à pension à subvenir aux besoins du retraité

–       Argumentation des participants à la procédure

–       Appréciation

5.     Conclusion

IX – Résumé

X –   Conclusion

1.        La présente procédure préjudicielle en vertu de l’article 234 CE (2) porte sur des accords prévoyant que la relation de travail prend en principe fin de plein droit lorsque le salarié atteint l’âge requis pour pouvoir prétendre à une pension de retraite au titre du régime légal (ci-après «limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite»). La licéité et l’utilité économique de ce type de limites d’âge sont discutées (3). La juridiction de renvoi demande si une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite qui a été convenue par voie de convention collective est conforme à l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge édictée par la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (4). Après les arrêts Palacios de la Villa (5), Age Concern England (6) et Petersen (7), la présente affaire offre à la Cour une nouvelle opportunité de développer et affiner sa jurisprudence relative à l’article 6 de cette directive, en vertu duquel les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement justifiées par un objectif légitime.

I –     Le droit applicable

A –    Le droit communautaire (8)

2.        La directive 2000/78 a créé un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

3.        Selon son quatorzième considérant, la directive ne porte pas atteinte aux dispositions nationales fixant les âges de la retraite.

4.        D’après le vingt-cinquième considérant de la directive, l’interdiction des discriminations liées à l’âge constitue un élément essentiel pour atteindre les objectifs établis par les lignes directrices sur l’emploi et encourager la diversité dans l’emploi. Néanmoins, des différences de traitement liées à l’âge peuvent être justifiées dans certaines circonstances et appellent donc des dispositions spécifiques qui peuvent varier selon la situation des États membres. Aux termes de ce considérant, il est donc essentiel de distinguer entre les différences de traitement qui sont justifiées, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et les discriminations qui doivent être interdites.

5.        En application de l’article 1er de la directive, celle-ci a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l’handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement.

6.        L’article 2 de la directive définit la discrimination. Conformément au paragraphe 1 dudit article, aux fins de la directive, on entend par «principe de l’égalité de traitement» l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er. Selon le paragraphe 2, sous a), de ce même article, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er.

7.        L’article 3 de la directive définit le champ d’application de celle-ci. Conformément au paragraphe 1, sous c), de cet article, la directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération.

8.        L’article 6 de la directive porte sur la justification des différences de traitement fondées sur l’âge. Le paragraphe 1 dudit article énonce:

«Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.
Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre:

a)      la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection;

b)      la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi;

c)      la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite.»

9.        L’article 18, premier alinéa, de la directive dispose:

«Les États membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 2 décembre 2003 ou peuvent confier aux partenaires sociaux, à leur demande conjointe, la mise en œuvre de la présente directive pour ce qui est des dispositions relevant des accords collectifs. Dans ce cas, ils s’assurent que, au plus tard le 2 décembre 2003, les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres concernés devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par ladite directive. Ils en informent immédiatement la Commission.»

10.      Selon l’article 18, deuxième alinéa, première phrase, de la directive, pour tenir compte de conditions particulières, les États membres peuvent disposer, si nécessaire, d’un délai supplémentaire de 3 ans à compter du 2 décembre 2003 pour mettre en œuvre les dispositions de la directive relatives à la discrimination fondée sur l’âge et l’handicap. La République fédérale d’Allemagne ayant sollicité un tel délai supplémentaire pour transposer la directive, le délai de transposition n’a expiré à l’égard de cet État membre que le 2 décembre 2006.

B –    Le droit national

1.      Le sixième livre du code de la sécurité sociale

11.      L’article 41, paragraphe 4, troisième phrase, du 6ème livre du code de la sécurité sociale allemand (Sozialgesetzbuch, ci-après le «SGB VI»), dans sa version en vigueur entre le 1er janvier 1992 et le 31 juillet 1994 (9), énonçait:

«Un accord en vertu duquel une relation de travail doit prendre fin à une date à laquelle le salarié peut prétendre à une pension de retraite ne produit effet que si l’accord a été conclu ou a été confirmé par le salarié au cours des trois dernières années précédant cette date.»

12.      La version suivante de l’article 41, paragraphe 4, troisième phrase, du SGB VI, en vigueur entre le 1er août 1994 et le 31 juillet 2007 (10), disposait:

«Un accord qui prévoit la cessation de la relation de travail d’un salarié, sans licenciement ni démission, à une date à laquelle le salarié peut solliciter une pension de retraite avant d’avoir atteint l’âge de 65 ans révolus est réputé, à l’égard du salarié, viser la date à laquelle il atteint cet âge, à moins que l’accord ait été conclu ou confirmé par le salarié au cours des trois dernières années précédant cette date.»

13.      La disposition qui y a succédé, l’article 41, deuxième phrase, du SGB VI, en vigueur depuis le 1er janvier 2008 (11), est rédigée en ces termes:

«Un accord qui prévoit la cessation de la relation de travail d’un salarié, sans licenciement ni démission, à une date à laquelle ce salarié peut solliciter une pension de retraite avant d’avoir atteint l’âge normal de la retraite, est réputé, à l’égard du salarié, viser la date à laquelle il atteint cet âge, à moins que l’accord ait été conclu ou confirmé par le salarié au cours des trois dernières années précédant cette date.»

2.      La loi générale sur l’égalité de traitement

14.      Afin de mettre en œuvre la directive 2000/78, le législateur allemand a adopté le 14 août 2006 la loi générale sur l’égalité de traitement (Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz, ci-après l’«AGG») (12). Selon son article 1er, ladite loi vise à empêcher ou éliminer tout désavantage fondé sur la race ou l’origine ethnique, le sexe, la religion ou les croyances, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

15.      Conformément à l’article 2, paragraphe 4, de l’AGG, les licenciements sont uniquement régis par les dispositions relatives à la protection générale et spécifique contre les licenciements.

16.       Initialement, l’article 10 de l’AGG était rédigé comme suit:

«Licéité de certaines différences de traitement fondées sur l’âge
Nonobstant l’article 8, une différence de traitement en raison de l’âge est également autorisée lorsqu’elle est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime. Les moyens mis en œuvre pour réaliser cet objectif doivent être appropriés et nécessaires. Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre:
[…]

5.       un accord qui prévoit la cessation de la relation de travail, sans licenciement ni démission, à une date à laquelle le (la) salarié(e) peut solliciter une pension de retraite; ce sans préjudice de l’application de l’article 41 du 6ème livre du code de la sécurité sociale,

[…]

7.       le fait de convenir, par contrat individuel ou par convention collective, une interdiction de licencier les salariés d’un certain âge et d’une certaine ancienneté dans l’entreprise, pour autant que cela ne diminue pas de manière grossièrement fautive la protection due à d’autres salariés dans le cadre du choix fondé sur des critères sociaux prévu à l’article 1er, paragraphe 3, de la loi sur la protection contre le licenciement.»

17.      Ce point 7 a cependant été abrogé à compter du 12 décembre 2006 (13). Dans la version applicable aux faits de la cause, l’article 10 de l’AGG ne contient donc plus de point 7.

3.      La convention collective

18.      La convention collective du personnel des entreprises de nettoyage des bâtiments (Rahmentarifvertrag für gewerblich Beschäftigte in der Gebäudereinigung, ci-après le «RTV»), applicable aux faits en cause au principal, a été conclue au cours de l’année 2004 par la confédération fédérale des entreprises du nettoyage des bâtiments, du côté patronal, et par le syndicat des salariés du bâtiment, de l’agriculture et de l’environnement, du côté des salariés. L’article 19, point 8, du RTV énonce:

«Sauf stipulation contraire dans le contrat de travail, la relation de travail prend fin au terme du mois civil à partir duquel le (la) salarié(e) peut prétendre à une pension de retraite, exception faite d’une pension à laquelle le (la) salarié(e) peut prétendre avant l’âge de la retraite applicable à son égard, au plus tard au terme du mois au cours duquel le (la) salarié(e) a atteint l’âge de 65 ans révolus.»

19.      Dans les précédentes conventions collectives, une règle comparable à l’article 19, point 8, du RTV avait été convenue pour la première fois le 8 mai 1987. Depuis août 1987, cette disposition vise l’âge de 65 ans. Le RTV a été déclaré d’application générale par le ministère fédéral de l’économie et du travail à compter du 1er janvier 2004. Cela signifie que le RTV produit également effet à l’égard des employeurs et salariés qui ne sont pas déjà liés par cette convention en qualité de membres d’une confédération patronale ou d’un syndicat. L’article 19, point 8, du RTV n’a pas été modifié avant, lors de ou après l’entrée en vigueur de l’AGG.

20.      En République fédérale d’Allemagne, l’âge normal de la retraite a été augmenté pour passer progressivement de 65 à 67 ans. En ce qui concerne la demanderesse au principal, née en 1943, l’âge normal de la retraite est cependant toujours de 65 ans.

II – Les faits

21.      La partie défenderesse au principal (ci-après la «partie défenderesse») est une entreprise de nettoyage des bâtiments. La partie défenderesse compte parmi son personnel plusieurs salariés âgés de plus de 65 ans, voire de 70 ans.

22.      La demanderesse au principal (ci-après la «demanderesse») est née le 26 mai 1943, est mariée et a un fils atteint d’un handicap avec un taux de handicap de 100. Son mari est retraité. Depuis 39 ans, la demanderesse nettoie une caserne de l’armée fédérale à Hamburg-Blankenese, depuis le 1er novembre 1994 pour le compte de la partie défenderesse. La demanderesse n’est pas syndiquée.

23.      Selon le contrat de travail conclu entre la partie défenderesse et la demanderesse le 10 octobre 1994 (ci-après le «contrat»), la demanderesse a été engagée en qualité de «technicienne de surface dans la caserne». La durée du travail était de deux heures par jour, 10 heures par semaine. La rémunération brute versée par la partie défenderesse à la demanderesse s’élevait en dernier lieu à 307,48 euros. Le contrat renvoie au RTV.

24.      Par courrier du 14 mai 2008, la partie défenderesse, s’appuyant sur l’article 19, point 8, du RTV, a informé la demanderesse de ce que sa relation de travail prendrait fin le 31 mai 2008, c’est-à-dire au terme du mois civil au cours duquel elle atteignait l’âge de 65 ans et dès lors l’âge normal de la retraite selon le régime légal. Par lettre du 18 mai 2008, la demanderesse s’est opposée à la cessation de la relation de travail. Elle indiquait vouloir continuer à travailler et a offert une nouvelle fois ses services. Depuis le 1er juin 2008, la partie défenderesse n’emploie plus la demanderesse, mais lui a offert une relation d travail pour la durée de la procédure. Depuis le 1er juin 2008, la demanderesse reçoit une pension au titre du régime légal d’assurance vieillesse. Celle-ci s’élève à un montant brut de 253,19 euros par mois, soit 228,26 euros net.

III – La procédure devant la juridiction de renvoi

25.      Le 28 mai 2008, la demanderesse a saisi l’Arbeitsgericht Hamburg. Elle estime que sa relation de travail avec la partie défenderesse continue d’exister même après le 31 mai 2008 et formule des demandes à ce titre. La partie défenderesse, invoquant l’article 19, point 8, du RTV, soutient que la relation de travail a pris fin et conclut au rejet de la demande. La juridiction de renvoi considère que le renvoi au RTV opéré dans le contrat est certes nul, mais que l’article 19, point 8, du RTV est néanmoins applicable du fait que cette convention a été déclarée d’application générale. Elle doute de la compatibilité de l’article 19, point 8, du RTV avec l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge édictée par la directive 2000/78.

26.      La juridiction de renvoi a adressé aux partenaires sociaux des demandes de renseignements quant aux motifs ayant présidé à l’adoption de l’article 19 du RTV, ainsi qu’au ministère fédéral du travail et des affaires sociales quant aux raisons pour lesquelles le RTV a été déclaré d’application générale. Seule l’organisation patronale a répondu.

IV – Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

27.      Par ordonnance de renvoi du 20 janvier 2009, parvenue au greffe de la Cour le 26 février 2009, la juridiction de renvoi a soumis à la Cour les questions ci-après:

«1)      Après l’entrée en vigueur de la loi générale sur l’égalité de traitement (Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz, AGG), des dispositions d’une convention collective, qui différencient en fonction de la caractéristique de l’âge sans que ladite loi ne l’autorise expressément (comme elle le faisait auparavant en son article 10, troisième phrase, point 7), sont-elles compatibles avec l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge, édictée par les articles 1er et 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78?

2)      Une réglementation nationale, qui autorise l’État, les partenaires sociaux et les parties à un contrat de travail à prévoir la cessation automatique de la relation de travail lorsque l’intéressé atteindra un âge déterminé (en l’espèce: 65 ans révolus), contrevient-elle à l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge édictée par les articles 1er et 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, lorsque, dans l’État membre concerné, des clauses en ce sens sont appliquées, de façon constante, depuis des décennies à la relation de travail de presque tous les salariés, indépendamment de la situation économique, sociale et démographique et de la situation prévalant concrètement sur le marché de l’emploi?

3)      Une convention collective, qui autorise l’employeur à mettre fin à la relation de travail lorsque l’intéressé atteint un âge déterminé (en l’espèce: 65 ans révolus), contrevient-elle à l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge édictée par les articles 1er et 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78 lorsque, dans l’État membre concerné, des clauses en ce sens sont appliquées, de façon constante, depuis des décennies à la relation de travail de presque tous les salariés, indépendamment de la situation économique, sociale et démographique et de la situation prévalant concrètement sur le marché de l’emploi?

4)      L’État, qui déclare d’application générale une convention collective autorisant l’employeur à mettre fin à la relation de travail lorsque l’intéressé atteint un âge déterminé (en l’espèce: 65 ans révolus) et maintient cette application générale, enfreint-il l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge édictée par les articles 1er et 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78 lorsqu’il fait cela indépendamment de la situation économique, sociale et démographique existant alors concrètement et de la situation prévalant concrètement sur le marché de l’emploi?»

28.      L’audience a eu lieu le 23 février 2010; des représentants de la demanderesse, de la partie défenderesse, des gouvernements allemand, danois et du Royaume-Uni, ainsi que de la Commission, y ont participé, complétant leur argumentation et répondant à des questions.

V –    Sur l’objection générale avancée par l’Irlande quant à la compétence de la Cour

29.      Selon l’Irlande, la Cour n’a pas compétence pour répondre à la demande de décision préjudicielle. L’Irlande estime que les questions posées à la Cour sont matériellement identiques à celles auxquelles elle a répondu dans l’arrêt Age Concern England (14). La Cour s’est ainsi déjà acquittée de sa mission.

30.      Il convient de rejeter cette objection. Selon une jurisprudence établie, l’article 234 CE autorise les juridictions nationales à déférer des questions d’interprétation à la Cour même si la Cour a déjà répondu à des questions matériellement identiques (15). La Cour a par conséquent également compétence dans ce type de cas pour répondre à la demande de décision préjudicielle.

VI – Observations liminaires concernant l’application de la directive 2000/78 et la disposition pertinente

31.      Avant de nous pencher sur les quatre questions posées par la juridiction de renvoi, visant à obtenir une interprétation des articles 1er et 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, nous souhaitons examiner brièvement la question, qui se pose en amont, de savoir si la directive 2000/78 est applicable (A) et quelle disposition de cette directive est pertinente aux fins de la présente affaire (B).

A –    Sur l’application de la directive 2000/78

32.      En vertu de son article 3, paragraphe 1, sous c), la directive est applicable dans un cas tel que le cas présent. Selon ladite disposition, la directive s’applique en ce qui concerne les conditions de licenciement. Une norme telle que l’article 19, point 8, du RTV, en vertu de laquelle une relation de travail prend par principe fin lorsque le salarié a atteint l’âge de la retraite applicable, a une incidence sur les conditions dans lesquelles une personne est licenciée. Le quatorzième considérant de la directive, aux termes duquel la directive ne porte pas atteinte aux dispositions nationales fixant les âges de la retraite, ne peut pas davantage être opposé à l’application de la directive. Ce considérant vient simplement préciser que la directive laisse intacte la compétence des États membres pour déterminer l’âge de la retraite. Il ne fait donc pas obstacle à l’application de la directive à des mesures nationales réglementant les conditions dans lesquelles un contrat de travail prend fin lorsque le salarié atteinte l’âge normal de la retraite (16).

B –    Sur la disposition pertinente de la directive 2000/78

33.      Dans son ordonnance, la juridiction de renvoi fait uniquement référence aux articles 1er et 2, paragraphe 1, de la directive. À cet égard, il convient de constater, tout d’abord, qu’une règle telle que celle énoncée à l’article 19, point 8, du RTV constitue une différence directe de traitement fondée sur l’âge au sens des articles 1er et 2, paragraphe 1, sous a), de la directive; en effet, en application de cette règle, la relation de travail de la demanderesse prend fin lorsqu’elle atteint l’âge normal de la retraite de 65 ans. Elle subit ainsi un traitement moins favorable, directement lié à son âge, qu’un salarié qui n’a pas encore atteint cet âge (17).

34.      L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive prévoit cependant qu’il ne s’agit pas d’une discrimination fondée sur l’âge prohibée lorsqu’une différence de traitement fondée sur l’âge est objectivement et raisonnablement justifiée, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. La juridiction de renvoi n’a pas expressément mentionné cette disposition dans ses questions préjudicielles. Comme, sur le fond, c’est cependant cette disposition que visent ses questions, il convient de les interpréter comme tendant à obtenir une interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive.

VII – Sur la première question préjudicielle

35.      Dans sa première question, la juridiction de renvoi souligne que l’article 10, troisième phrase, de l’AGG dans sa version applicable aux faits en cause ne cite plus d’exemple autorisant expressément de stipuler une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite dans une convention collective. Elle déclare à ce propos que, dans une version antérieure, l’article 10, troisième phrase, de l’AGG mentionnait expressément un tel exemple en son point 7. Or, observe-t-elle, depuis l’abrogation de ce point 7, l’article 10, troisième phrase, de l’AGG ne contient plus d’exemple de ce type. Partant de cette lecture de l’article 10, troisième phrase, de l’AGG, la juridiction de renvoi se demande s’il est compatible avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive que les partenaire sociaux conviennent, par voie de convention collective, d’une limite d’âge telle que celle fixée à l’article 19, point 8, du RTV, alors que l’article 10, troisième phrase, de l’AGG ne l’autorise plus expressément.

A –    Argumentation des participants à la procédure

36.      La demanderesse, la partie défenderesse, le gouvernement allemand et la Commission observent que l’article 10, troisième phrase, point 7, de l’AGG, désormais abrogé, ne concernait pas les limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite. Ils expliquent que ce point édictait une disposition faisant bénéficier les salariés plus âgés d’une protection renforcée contre les licenciements. Or, déclarent-ils, une limite d’âge telle que celle prévue à l’article 19, point 8, du RTV ne réglemente pas la résiliation du contrat par voie de licenciement, mais l’assortit d’un terme. Ils précisent que ce type de cas relève de l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG. Celui-ci, relèvent-ils, est toujours en vigueur. Ils constatent que la juridiction de renvoi ne s’est pas exprimée au sujet de cette dernière disposition.

37.      Selon le gouvernement allemand, la demanderesse et la partie défenderesse, la première question préjudicielle est irrecevable, du fait que les développements consacrés par la juridiction de renvoi à l’article 10, troisième phrase, point 7, de l’AGG sont sans incidence sur l’issue du litige. Le gouvernement allemand considère que la première question préjudicielle est par ailleurs également irrecevable du fait que la juridiction de renvoi ne s’est pas penchée sur l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG, déterminant de l’issue du litige.

38.      Sur le fond, la partie défenderesse, les gouvernements de tous États membres qui ont participé à la procédure, ainsi que la Commission, estiment qu’il est compatible avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive de convenir par convention collective d’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite. La partie défenderesse renvoie au trente-sixième considérant de la directive, dont il découle que la transposition de celle-ci peut être confiée aux partenaires sociaux. Le gouvernement allemand observe que les différents points de l’article 10, troisième phrase, de l’AGG ne sont que des exemples. De ce fait, déclare-t-il, une différence de traitement fondée sur l’âge peut également s’appuyer sur la disposition générale de l’article 10, première et deuxième phrases, de l’AGG, qui reprend les conditions générales de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive. Selon le gouvernement allemand, la transposition de la directive peut également se faire par la voie d’une disposition générale, à laquelle il sera possible de recourir ensuite dans le cadre d’une convention collective ou d’une relation de travail individuelle.

39.      La demanderesse estime que cette démarche n’est pas conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive. D’après elle, une convention collective n’est pas un moyen approprié pour réaliser les objectifs légitimes au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive. Au contraire, déclare-t-elle, selon cette disposition, il appartient au législateur national de définir lui-même quelles différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination. Elle observe en outre que l’AGG ne nomme pas expressément les objectifs poursuivis. Elle en conclut qu’il n’est donc pas possible de contrôler ces objectifs.

B –    Appréciation

1.      Sur la recevabilité

40.      La juridiction de renvoi déclare que l’article 10, troisième phrase, de l’AGG ne vise plus expressément les limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite. Eu égard au libellé univoque de l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG, toujours en vigueur, cette interprétation nous semble incompréhensible (18). Toutefois, dans le cadre des procédures de renvoi préjudiciel en vertu de l’article 234 CE, il existe une relation de coopération entre les juridictions nationales et la Cour, dans le cadre de laquelle les juridictions nationales sont seules compétentes pour interpréter et appliquer le droit national (19). La Cour n’a donc pas qualité pour contrôler l’interprétation faite par la juridiction de renvoi des dispositions nationales.

41.      Une limite est certes atteinte lorsque la question préjudicielle n’est manifestement pas pertinente aux fins de la solution du litige (20). Eu égard aux déclarations faites par la juridiction de renvoi au sujet de l’article 10, troisième phrase, de l’AGG, nous ne saurions cependant considérer que tel est le cas. En répondant à la première question préjudicielle, la Cour aura en outre la possibilité de fournir à la juridiction de renvoi des indications concernant l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive. La première question préjudicielle est dès lors recevable.

2.      Sur la compatibilité avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78

42.      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande s’il est compatible avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive que les partenaires sociaux conviennent par convention collective d’une clause d’âge normal de la retraite, alors qu’aucun des exemples fournis à l’article 10, troisième phrase, de l’AGG ne l’autorise.

43.      Afin de fournir à la juridiction de renvoi une réponse utile aux fins du litige dont elle est saisie, il nous semble opportun de donner d’abord quelques indications concernant l’identification des normes nationales dont il pourrait découler l’octroi d’un pouvoir spécifique aux partenaires sociaux de convenir des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite par voie de convention collective.

a)      Dispositions nationales dont pourrait découler l’octroi d’un pouvoir spécifique aux partenaires sociaux de convenir des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite dans des conventions collectives

44.      Lorsqu’elle examinera le point de savoir s’il existe une disposition de droit interne dont il peut être déduit qu’un tel pouvoir a été conféré aux partenaires sociaux, la juridiction de renvoi devra tout d’abord prendre en considération toutes les dispositions nationales dont l’octroi d’un tel pouvoir peut ressortir expressément. Dans ce contexte, il convient de mentionner que la demanderesse, la partie défenderesse, le gouvernement allemand et la Commission considèrent que l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG est d’évidence pertinent.

45.      À supposer que la première question ne soit pas déjà devenue sans objet après cette observation, il convient d’ajouter que l’article 6, paragraphe 1, de la directive ne fait pas obligation au législateur national de réglementer dans une seule et unique loi les différences de traitement fondées sur l’âge qui ne sont pas à considérer comme des discriminations. Dans sa recherche d’un pouvoir à convenir, par voie de convention collective, de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, conféré aux partenaires sociaux par l’État membre, la juridiction nationale n’est donc pas limitée au seul AGG.

46.      Le droit national ne semble pas non plus y faire obstacle. Selon les déclarations du gouvernement fédéral, les exemples énumérés à l’article 10, troisième phrase, de l’AGG n’ont pas un caractère exhaustif. L’octroi d’un pouvoir spécifique peut donc également résulter d’autres lois. Dans son ordonnance, la juridiction de renvoi se réfère à un arrêt du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, ci-après le «BAG») du 18 juin 2008 (21). Dans ledit arrêt, le BAG, appelé à statuer sur la réglementation antérieure à l’entrée en vigueur de l’AGG, avait fait découler une habilitation législative spécifique à convenir des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite par voie de convention collective de l’article 41 du SGB VI. Si la juridiction de renvoi devait estimer que l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG n’est pas pertinent, il lui appartiendra donc de vérifier plus particulièrement si une autorisation spécifique pourrait éventuellement également découler de l’article 41 du SGB VI.

47.      Enfin, l’article 6, paragraphe 1, de la directive n’exige pas à titre de condition qu’il doive également expressément ressortir de la disposition nationale autorisant la stipulation de clauses d’âge normal de la retraite dans des conventions collectives la justification pourquoi une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite n’est pas à considérer comme une discrimination fondée sur l’âge. Lorsque la justification n’est pas expressément indiquée dans la disposition en cause, le point déterminant est de savoir si d’autres éléments, tirés de son contexte général, permettent l’identification des objectifs la sous-tendant aux fins de l’exercice d’un contrôle juridictionnel quant à la légitimité des objectifs ainsi qu’au caractère approprié et nécessaire des moyens mis en œuvre pour les réaliser (22).

48.      Si la juridiction de renvoi devait ainsi constater qu’une disposition de droit interne, telle que l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG ou l’article 41 du SGB VI, habilite les partenaires sociaux à convenir des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite par voie de convention collective, mais que la justification ne ressort pas expressément de cette disposition, elle devra prendre en considération le contexte général de celle-ci. La justification peut en particulier découler de l’exposé des motifs. Il ne s’agit pas là nécessairement de l’exposé des motifs de la loi dans laquelle figure la disposition en cause. Dans un cas tel que le cas présent, où la loi avait interdit pendant une certaine période de convenir par convention collective de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, pour l’autoriser ensuite de nouveau (comme c’est encore le cas aujourd’hui), la justification peut notamment résulter de l’exposé des motifs de la loi qui avait levé cette interdiction.

49.      Eu égard aux informations sur le droit national fournies par la juridiction de renvoi dans son ordonnance, il y a raisonnablement lieu de considérer qu’elle parviendra, compte tenu des indications ci-dessus, à identifier une habilitation législative spécifique des partenaires sociaux à convenir par convention collective de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite.

50.      Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner dans la présente affaire la question de savoir si la stipulation de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite dans des conventions collectives pourrait également être conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive dans l’hypothèse où la loi nationale ne prévoirait pas de pouvoir spécifique à le faire.

b)      Indications complémentaires concernant la mise en œuvre par les partenaires sociaux

i)      Transposition par les partenaires sociaux sur le fondement de l’article 18 de la directive

51.      Ce n’est donc que pour être complète que nous rappellerons que, en vertu de l’article 18, premier alinéa, de la directive, sa mise en œuvre peut également être confiée aux partenaires sociaux.

52.      La première condition expressément énoncée d’une telle mise en œuvre est une demande conjointe des partenaires sociaux. Il appartiendrait par conséquent à la juridiction de renvoi de vérifier si, en l’occurrence, une telle demande a été faite.

53.      La deuxième condition expresse est que les États membres prennent toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la directive. Il incomberait par conséquent à la juridiction de renvoi de contrôler si une disposition telle que l’article 10, première et deuxième phrase, de l’AGG garantit cela dans une mesure suffisante (23).

54.      En troisième lieu, certains auteurs ont exprimé des doutes quant au pouvoir des partenaires sociaux à transposer également l’article 6, paragraphe 1, de la directive. Ils fondent leur position sur la qualité d’objectifs d’intérêt général que doivent posséder les objectifs légitimes. Or, déclarent-ils, la fixation d’objectifs d’intérêt général relève du domaine politique et incombe donc à l’État membre (24).

55.      À tout le moins dans un cas tel que celui en cause en l’espèce, ces doutes ne nous semblent pas justifiés. Il convient d’observer, tout d’abord, que le libellé de l’article 18, premier alinéa, de la directive ne limite pas la possibilité d’une mise en œuvre par les partenaires sociaux à des dispositions déterminées de la directive. Une transposition de l’article 6, paragraphe 1, de la directive par les partenaires sociaux n’est donc pas expressément exclue. Indépendamment de la question du bien-fondé de ces doutes quant à une mise en œuvre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive qui se ferait exclusivement par le biais de conventions collectives, ils ne nous semblent en l’espèce pas concluants. Il convient de distinguer entre la fixation d’un objectif légitime et l’invocation d’un objectif légitime déjà fixé par le législateur national. Dans la mesure où le législateur national a déjà défini l’objectif légitime et a indiqué les moyens de le réaliser, il ne nous semble pas exclu que les partenaires sociaux puissent l’invoquer (25).

ii)    Convention collective conclue sur la base d’une disposition générale «nue»

56.      En revanche, en l’absence de demande conjointe des partenaires sociaux au sens de l’article 18 de la directive, il nous semble incompatible avec les articles 6 et 18 de la directive que le législateur national se borne à reprendre les conditions de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive dans une disposition générale et renvoie à une mise en œuvre par les partenaires sociaux sur la base de cette disposition générale «nue». Une transposition suffisante de l’article 6, paragraphe 1, de la directive par l’État membre ferait alors en effet défaut. L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive exige que l’État membre prévoie quelles différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination. L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive laisse donc par conséquent en première ligne aux États membres le soin d’identifier les différences de traitement qu’il entend faire échapper à la qualification de discriminations. Il ressort des conditions énoncées à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive que les différences de traitement ainsi prévues doivent être objectivement justifiées. Si un État membre reprend globalement les conditions sous lesquelles ce type de différences de traitement peuvent être justifiées, cela ne suffit pas pour qu’elles aient été prévues par l’État membre. Dans ce cas, il n’est de plus pas davantage possible, à tout le moins en l’absence de demande conjointe des partenaires sociaux, de renvoyer à la mise en œuvre par les partenaires sociaux et la libre négociation collective. L’article 18 de la directive exige en effet expressément une telle demande pour que la mise en œuvre de la directive puisse être confiée aux partenaires sociaux.

3.      Conclusion

57.      En conclusion, il convient de retenir qu’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, convenue par voie de convention collective, peut être conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 tout d’abord dans le cas où les partenaires sociaux y ont été spécifiquement habilités par une disposition nationale qui satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la directive. Ce type de disposition nationale peut également remplir les conditions de l’article 6, paragraphe 1, de la directive alors que les motifs justifiant que des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite ne sont pas à considérer comme une discrimination fondée sur l’âge ne ressortent pas expressément de la disposition concernée. Lorsque ces motifs ne sont pas expressément indiqués, le point déterminant est de savoir si d’autres éléments, tirés du contexte général de la disposition en cause, permettent l’identification de l’objectif sous-tendant la disposition et si ces éléments sont suffisamment concrets pour permettre un contrôle du caractère objectivement justifié.

58.      Une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite convenue par voie de convention collective peut, par ailleurs, également être conforme à la directive si les conditions sont réunies pour confier la mise en œuvre de la directive aux partenaires sociaux en vertu de son article 18, premier alinéa, conditions dont fait notamment partie la demande conjointe des partenaires sociaux.

VIII – Sur les autres questions préjudicielles

59.      Par ses autres questions préjudicielles, la juridiction de renvoi souhaite savoir s’il est compatible avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive lorsqu’une réglementation nationale autorise l’État, les partenaires sociaux et les parties à un contrat de travail à convenir d’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, que les partenaires sociaux conviennent, sur le fondement de cette réglementation, par convention collective d’une telle limite d’âge et que la clause d’âge normal de la retraite ainsi stipulée dans la convention collective est ensuite déclarée d’application générale. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi déclare que des clauses d’âge normal de la retraite sont appliquées depuis de nombreuses années en Allemagne à la relation de travail de pratiquement tous les salariés, indépendamment de la situation économique, sociale et démographique et de la situation prévalant concrètement sur le marché de l’emploi.

60.      Il y a lieu de considérer raisonnablement que la juridiction de renvoi, eu égard aux indications fournies ci-dessus, analysera l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG, ou l’article 41 du SGB VI, comme autorisation législative spécifique à convenir de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite. À cet égard, il convient de constater que la disposition nationale décrite par la juridiction de renvoi en termes abstraits dans la deuxième question préjudicielle concorde très largement avec ces dispositions. Afin de fournir à la juridiction de renvoi une réponse utile à ses autres questions préjudicielles, nous partirons par conséquent ci-après du principe qu’il s’agit d’une disposition nationale telle que l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG ou l’article 41 du SGB VI.

A –    Sur la recevabilité

61.      Selon l’Irlande, ces questions préjudicielles sont irrecevables. D’une part s’agit-il de questions non d’interprétation, mais d’application de la directive. D’autre part, estime l’Irlande, la compétence d’interprétation de la Cour est limitée en ce qui concerne l’article 6 de la directive.

62.      Il convient de rejeter ces objections.

63.      Il est exact que, dans le cadre de la relation de coopération qu’est celle établie par l’article 234 CE entre la Cour et les juridictions nationales, seule la juridiction nationale est compétente pour appliquer le droit communautaire. La Cour est en revanche compétente pour répondre aux questions d’interprétation de l’article 6 de la directive auxquelles la juridiction nationale est confrontée lors de son application.

64.      Il est de même vrai que, dans le cadre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive, les États membres disposent d’une importante marge d’appréciation (26). Cette marge d’appréciation des États membres comporte cependant des limites, qui peuvent être excédées lorsque les mesures sont manifestement disproportionnées (27). La Cour est donc compétente pour répondre à des questions préjudicielles, par lesquelles la juridiction de renvoi souhaite savoir s’il convient d’interpréter l’article 6, paragraphe 1, de la directive en ce sens que certaines circonstances indiquent un dépassement des limites de cette importante marge d’appréciation et, par voie de conséquence, une violation de cette disposition. Ce type de questions vise en effet à obtenir une interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive.

B –    Sur l’objet des autres questions préjudicielles

65.      Dans un cas comme celui se présentant en l’espèce, une démarche possible est d’examiner uniquement si une règle contenue dans une convention collective déclarée d’application générale, telle que l’article 19, point 8, du RTV, est compatible avec l’article 6 de la directive. C’est en effet cette clause de la convention collective qui est au final à l’origine de la différence de traitement fondée sur l’âge.

66.      Cette façon de procéder ne tiendrait cependant pas compte de ce que, dans la présente affaire, nous sommes en présence de deux mesures distinctes. Une règle telle que l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG ou l’article 41 du SGB VI habilite, au niveau législatif, les partenaires sociaux à convenir par voie de convention collective de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite. Même si, à ce stade, aucune différence de traitement directe fondée sur l’âge n’est encore opérée, il ressort d’une telle réglementation déjà un certain nombre d’exigences et d’appréciations du législateur national quant aux objectifs que la stipulation et l’application de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite doivent poursuivre. Déjà l’habilitation législative peut donc faire l’objet d’un contrôle quant à sa conformité à l’article 6, paragraphe 1, de la directive, même si, par la force des choses, ce contrôle restera relativement abstrait. Comme la différence de traitement fondée sur l’âge n’aura concrètement lieu que par la stipulation d’une clause d’âge normal de la retraite, telle que l’article 19, point 8, du RTV, celle-ci doit également faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 6 de la directive.

67.      D’après nous, cette dernière approche est à préférer. Un contrôle en deux étapes permet de distinguer clairement entre la compatibilité du cadre légal avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive, d’une part, et la conformité des différentes limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite stipulées dans des conventions collectives à cette même disposition, d’autre part (28). Cette distinction nous semple tout à fait indiquée, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité juridique, étant donné qu’une non-conformité du cadre juridique pourrait avoir des répercussions, au-delà du cas concret, sur toutes les limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite stipulées dans des conventions collectives en Allemagne.

C –    Sur le pouvoir conféré par la loi aux partenaires sociaux à convenir par convention collective de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite

68.      Comme nous l’avons exposé ci-dessus, le contrôle de la compatibilité d’une disposition telle que l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive n’a pas pour objet de contrôler une limite d’âge concrète, mais de contrôler le pouvoir conféré par la loi aux partenaires sociaux de convenir de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite.

69.      Il convient d’observer que la deuxième question préjudicielle est formulée de façon très large et recouvre également des hypothèses qui ne sont manifestement pas pertinentes aux fins de la décision dans la présente affaire. La deuxième question englobe en effet non seulement la question qui se pose en l’occurrence, à savoir s’il est compatible avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive de confier aux partenaires sociaux ou à l’État (29) le pouvoir de prévoir des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, mais également la question de savoir si ce pouvoir pourrait être valablement conféré aux parties à un contrat de travail. Cette dernière question étant dépourvue de toute pertinence aux fins de la présente affaire, nous ne l’examinerons pas ci-après.

70.      Le contrôle de la conformité à l’article 6, paragraphe 1, de la directive d’une disposition législative qui confère aux partenaires sociaux le pouvoir de convenir des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite par convention collective doit, d’après nous, comprendre les étapes suivantes: tout d’abord, la juridiction de renvoi devra identifier l’objectif que poursuivait le législateur en conférant ce pouvoir (1). Ensuite, il lui appartiendra d’examiner si l’objectif ainsi identifié satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la directive, c’est-à-dire s’il s’agit d’un objectif légitime et s’il est suffisamment concret (2). Elle devra par ailleurs contrôler si l’application de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite peut être un moyen approprié et nécessaire à la réalisation du ou des objectifs légitime(s) identifiés. Au niveau de l’habilitation législative, ce point ne pourra être contrôlé que de façon abstraite (3). Il se pose enfin la question de savoir s’il est compatible avec l’article 6 de la directive de confier ce pouvoir aux partenaires sociaux, comme le prévoit l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG (4).

1.      Sur l’identification des objectifs poursuivis

71.      La demanderesse relève que l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG ne mentionne pas expressément les objectifs poursuivis. Comme nous l’avons déjà exposé ci-dessus, il n’est pas pour autant nécessairement exclu que la mesure puisse être justifiée, puisque l’objectif poursuivi peut aussi découler d’éléments tirés du contexte général de la mesure concernée (30).

72.      L’ordonnance de renvoi fait référence à un arrêt du BAG du 18 juin 2008. Selon cet arrêt, le législateur allemand a considéré nécessaire de restaurer la possibilité de convenir de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite par convention collective parce que la poursuite, par les salariés âgés, de leur activité professionnelle au-delà de l’âge de la retraite a pour effet de bloquer l’accès à l’emploi de nouvelles générations de travailleurs et que les nouvelles embauches qui sont en règle générale possibles soulagent le marché du travail (31). Pour identifier ces objectifs, le BAG s’est appuyé sur l’exposé des motifs de la loi restaurant la possibilité de convenir par voie de convention collective de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite (32).

73.      C’est en définitive à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra de déterminer les objectifs poursuivis par une disposition telle que l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG (ou, le cas échéant, l’article 41 du SGB VI). Comme la juridiction de renvoi s’est toutefois bornée à renvoyer aux seuls objectifs identifiés par le BAG, ce sont ces objectifs que nous prendrons en considération ci-après.

2.      Sur les conditions auxquelles doivent satisfaire les objectifs

a)      Le caractère légitime

74.      Il incombera par ailleurs à la juridiction de renvoi de vérifier si les objectifs constatés sont des objectifs légitimes au sens de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive. Les objectifs identifiés par le BAG sont des objectifs de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage. Comme la Cour l’a déjà jugé à plusieurs reprises, la légitimité, au sens de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, de ces objectifs ne saurait être raisonnablement mise en doute (33).

b)      Le caractère suffisamment concret

75.      La juridiction de renvoi devra en outre vérifier si ces objectifs sont suffisamment concrets pour permettre un contrôle efficace du caractère objectivement justifié des différences de traitement fondées sur l’âge utilisées en vue de les réaliser. Là encore, il convient de se baser sur les objectifs identifiés par le BAG. Contrairement à ce que soutient la demanderesse, le seul fait qu’ils soient déduits d’éléments tirés du contexte général de la mesure concernée ne fait en effet pas automatiquement obstacle à ce que ces objectifs puissent être suffisamment concrets.

c)      Aspect temporel

76.      Enfin, le fait que le législateur allemand a fixé les objectifs ainsi identifiés dès 1994, donc bien avant l’entrée en vigueur de la directive 2000/78 et l’expiration du délai pour la transposer, ne saurait pas davantage faire obstacle à la compatibilité de ces objectifs. Comme des directives ne lient les États membres que quant à l’objectif à atteindre, l’élément déterminant est de savoir si ces objectifs sont des objectifs légitimes au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive, non à quelle date ils ont été fixés.

3.      Sur le caractère objectivement justifié

77.      Dans la mesure où seul est examiné, au niveau législatif, le point de savoir s’il est compatible avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive de conférer aux partenaires sociaux le pouvoir de convenir par voie de convention collective de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, le caractère justifié d’une limite d’âge concrète ne peut être contrôlé complètement à ce niveau. Il ressort toutefois déjà d’un cadre légal tel que l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG, ou l’article 41 du SGB VI, que le législateur allemand considère que la stipulation de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite dans des conventions collectives et leur application sont en principe appropriées à la réalisation des objectifs de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage. Cette appréciation, qui est déjà effectuée au niveau législatif, peut être contrôlé quant à sa compatibilité avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive.

a)      Argumentation des participants à la procédure

78.      La demanderesse fait valoir que les limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite ne relèvent d’aucun des cas de figure visés à l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive. D’après elle, il découle par ailleurs de l’histoire de la directive que ces limites d’âge ne sont pas conformes à l’article 6, paragraphe 1, de la directive. La demanderesse soutient en outre que, dans le cadre du contrôle de proportionnalité en application de l’article 6, paragraphe 1, de la directive, il convient de soumettre le caractère justifié d’une différence de traitement fondée sur l’âge à des exigences élevées. Elle observe, enfin, que les limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite n’ont pas pour effet de créer de nouveaux emplois, mais redistribuent les emplois existants au détriment des salariés plus âgés.

79.      Les autres participants à la procédure soulignent que les États membres disposent d’une importante marge d’appréciation. Selon la Commission, il est cependant incohérent lorsque le législateur allemand, d’une part, prévoit des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite et, d’autre part, augmente l’âge normal de la retraite. Le gouvernement allemand précise que l’augmentation progressive de l’âge normal de la retraite et l’autorisation de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite poursuivent des objectifs politiques différents.

b)      Appréciation

i)      Sur la signification des exemples fournis à l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive

80.      Il convient de remarquer tout d’abord que l’article 6, paragraphe 1, de la directive ne saurait être interprété en ce sens que seules peuvent être justifiées des différences de traitement fondées sur l’âge qui relèvent d’un des cas de figure visés à l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive. Comme il ressort du mot «notamment» employé par l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive, la liste des cas de figure y énumérés n’est pas exhaustive. Il n’est donc pas exclu que des différences de traitement qui ne correspondent à aucun de ces cas de figure puissent avoir un caractère justifié et il convient de les apprécier au regard des exigences de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive (34).

81.      Dans ces conditions, l’argument que la demanderesse tente de tirer du fait que la liste d’exemples figurant dans la proposition de directive initialement présentée par la Commission incluait les limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, mais que cet exemple avait disparu de la proposition modifiée, n’emporte pas la conviction. En effet, l’histoire de la directive montre que cet exemple a été supprimé à l’initiative du Parlement. Celui-ci souhaitait éviter de donner l’impression que cet exemple «[ait] déjà franchi avec succès l’épreuve de la justification objective» (35). Le Parlement a estimé que cela n’était pas opportun à un moment où la réflexion sur l’intérêt social du facteur de l’âge était en pleine mutation (36).

82.      On ne saurait toutefois déduire de cette suppression que des cas de figure qui ne correspondent pas aux exemples énumérés ne soient pas susceptibles d’être objectivement justifiés. Outre le texte, clair, de l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive, l’histoire de celle-ci plaide également contre une telle déduction. Ainsi, il avait été envisagé dans l’avis de la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures du Parlement, de remplacer les critères de justification objective, tel qu’ils sont au final énoncés à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, par une liste de motifs de dérogation généralement acceptés à l’interdiction des discriminations directes fondées sur l’âge. Cette approche a reçu l’approbation de principe du rapporteur, mais n’a pas été poursuivie plus loin, car il doutait de ce qu’«un consensus social suffisant se dégage, dans le contexte de cette approche, au sujet de l’(in)admissibilité des limites d’âge» (37).

83.      La seule circonstance que l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive ne mentionne pas les limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite n’en entraîne donc pas l’incompatibilité avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive. Seul importe de savoir si elles sont conformes aux conditions de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive.

ii)    Sur la conformité des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/78

84.      Selon l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, les États membres qui prévoient des différences de traitement fondées sur l’âge sont tenus de les justifier. C’est pourquoi nous nous pencherons d’abord sur l’appréciation effectuée par le législateur national. Ensuite, nous décrirons le critère applicable aux fins du contrôle en vertu de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive. Nous vérifierons enfin si l’appréciation effectuée par le législateur national satisfait au critère ainsi défini du caractère objectivement justifié.

–       Sur l’appréciation effectuée par le législateur national

85.      Dans son ordonnance, l’Arbeitsgericht Hamburg renvoie à la motivation de l’arrêt du BAG du 18 juin 2008. Ce dernier a exposé que la cessation des relations du travail du fait d’une limite d’âge offrait une chance de trouver un emploi aux travailleurs plus jeunes. Elle visait également à soulager le marché du travail. Sauf en période de plein emploi, des emplois n’étaient disponibles qu’en quantité limitée. Une limite d’âge, par le jeu de laquelle la relation de travail prenait fin lorsque le salarié atteignait l’âge à partir duquel il pouvait prétendre à une pension de retraite, entraînait une répartition équitable de ces emplois. Du fait que le salarié qui avait atteint l’âge de la retraite perdait l’emploi qu’il occupait depuis déjà de longues années, d’autres travailleurs se voyaient offrir une chance de trouver un emploi, des travailleurs qui travaillaient à temps partiel, étaient menacés du chômage ou à la recherche d’un emploi. Ces travailleurs avaient ainsi la possibilité de se constituer eux aussi une retraite et assuraient en même temps, par leurs cotisations au régime légal d’assurance vieillesse, le financement des pensions de retraite des salariés concernés par la limite d’âge, dans la mesure où ces derniers percevaient une pension de retraite au titre du régime légal. C’était même seul le départ continu de salariés à la retraite, du fait de la limite d’âge de l’âge normal de la retraite, qui ouvrait aux nouvelles générations de travailleurs arrivant sur le marché du travail la possibilité d’acquérir une expérience professionnelle peu de temps après leur formation, laquelle perdait toute valeur en cas de chômage prolongé. En outre, une limite d’âge fixée par référence à l’âge normal de la retraite soulageait le marché national du travail. En raison de la sécurité économique que leur procurait la pension de retraite, les salariés qui quittaient l’entreprise lorsqu’ils atteignaient l’âge normal de la retraite ne cherchaient, en règle générale, plus d’autre emploi sur le marché du travail. D’autres travailleurs avaient ainsi la possibilité d’occuper les emplois libérés par les départs en raison de l’âge. Même s’il n’y avait pas de nouvelle embauche d’un travailleur jusque-là à la recherche d’un emploi et que le poste était occupé par un salarié déjà employé dans l’entreprise, le marché du travail était soulagé dans la mesure où le départ en raison de l’âge permettait d’éviter que ce dernier salarié ne perde son emploi (38).

–       Sur l’intensité réduite du contrôle

86.      En l’état du droit communautaire tel qu’applicable à la présente affaire, les États membres, tout comme les partenaires sociaux, disposent d’une large marge d’appréciation en matière de politique sociale et de l’emploi, non seulement dans le choix de la poursuite d’un objectif déterminé parmi d’autres en matière de politique sociale et de l’emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de réaliser cet objectif (39). Pour cette raison, l’intensité du contrôle effectué par la Cour dans le cadre de l’examen, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, si une différence de traitement fondée sur l’âge est, au regard de l’objectif légitime poursuivi, appropriée et nécessaire, est fort réduite.

–       Sur le contrôle de cette appréciation

87.      Dans les arrêts Palacios de la Villa (40) et Petersen (41), la Cour a déclaré qu’il n’apparaissait pas déraisonnable pour les autorités d’un État membre d’estimer que l’application d’une limite d’âge, laquelle conduisait à la sortie du marché du travail des professionnels les plus âgés, favorisait l’emploi des professionnels plus jeunes. Cette approche, considérant que l’application de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite n’est pas nécessairement à regarder comme un moyen illicite de réalisation des objectifs de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage, se heurte à des objections de la part de la doctrine.

88.      L’argument est avancé, tout d’abord, que le postulat, selon lequel des limites d’âge créent des possibilités d’embauche pour les travailleurs plus jeunes, repose sur des études économiques anciennes. Selon ces mêmes auteurs, des études plus récentes montrent, au contraire, que l’augmentation du taux d’emploi, y compris des travailleurs plus âgés, a une incidence positive sur la croissance économique et, par voie de conséquence, également sur l’emploi des travailleurs plus jeunes (42).

89.      D’un point de vue juridique, cette objection n’est pas concluante. Selon l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, les États membres sont tenus de déterminer les différences de traitement fondées sur l’âge qu’ils entendent faire échapper à la qualification de discrimination. En matière de politique sociale et de l’emploi, les États membres disposent cependant d’une importante marge d’appréciation. Pour cette raison, il n’appartient pas à la Cour de se substituer au législateur national dans l’appréciation de questions aussi complexes. L’importante marge d’appréciation n’existe pas seulement aux fins de la décision de savoir quels objectifs les États membres souhaitent concrètement atteindre et quels moyens ils veulent utiliser pour y parvenir. Sur le plan factuel, elle inclut également une marge de pronostic et, dans le cadre de cette marge de pronostic, aussi le choix des études économiques sur lesquelles le législateur national se base. Dans ces circonstances, il est incompatible avec l’importante marge d’appréciation des États membres et le rôle de la Cour que celle-ci remette en cause des analyses économiques du législateur national en invoquant les résultats de nouvelles études économiques.

90.      Un autre argument avancé contre cette approche de la Cour est qu’il convient d’interpréter l’article 6, paragraphe 1, de la directive de sorte à lui donner une signification communautaire autonome. Dès lors que l’on tient compte de la stratégie européenne en matière d’emploi, estiment les partisans de ce point de vue, force est de constater que des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite sont incompatibles avec celle-ci (43).

91.      Cet argument ne convainc pas davantage. La prise en considération des lignes directrices pour l’emploi ne saurait avoir pour effet que, lors de l’interprétation de la directive, des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite soient à considérer comme illégales, pas plus qu’il ne saurait être déduit de ces lignes directrices une limitation de l’importante marge d’appréciation des États membres.

92.      En ce qui concerne l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive, force est certes de constater que le septième considérant de la directive renvoie au chapitre sur l’emploi inséré au traité CE et que le huitième considérant rappelle que, dans les lignes directrices pour l’emploi en 2000, approuvées par le Conseil européen de Helsinki les 10 et 11 décembre 1999, le Conseil européen a souligné la nécessité d’accorder une attention particulière à l’aide aux travailleurs âgés pour qu’ils participent davantage à la vie professionnelle. Le vingt-cinquième considérant insiste par ailleurs sur le fait que l’interdiction des discriminations liées à l’âge constitue un élément essentiel pour atteindre les objectifs établis par les lignes directrices sur l’emploi et encourager la diversité dans l’emploi.

93.      On ne saurait toutefois en conclure que l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive impose de considérer des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite comme un moyen dont l’utilisation pour poursuivre des objectifs de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage ne serait pas autorisée. Ainsi qu’il ressort en effet de l’histoire de la directive, rappelée ci-dessus (44), le législateur a volontairement renoncé à faire figurer à l’article 6, paragraphe 1, de la directive une liste exhaustive de motifs de dérogation acceptés à l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge. L’article 6, paragraphe 1, de la directive repose, au contraire, manifestement sur une approche réservant par principe aux États membres le pouvoir de déterminer les différences de traitement fondées sur l’âge qu’ils entendent faire échapper à la qualification de discrimination, à condition, toutefois, qu’elles puissent être objectivement justifiées. L’incompatibilité de cette approche avec une signification communautaire autonome ressort clairement du vingt-cinquième considérant, aux termes duquel des différences de traitement liées à l’âge peuvent être justifiées dans certaines circonstances et appellent donc des dispositions spécifiques «qui peuvent varier selon la situation des États membres».

94.      L’histoire et les considérants de la directive interdisent donc d’interpréter l’article 6, paragraphe 1, de la directive comme contenant une règle autonome quant à la licéité ou non de certaines mesures. L’illicéité d’un moyen déterminé ne peut donc résulter que du contrôle de son caractère objectivement justifié, auquel il convient de procéder en application de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive et en tenant compte de l’importante marge d’appréciation des États membres.

95.      Enfin, on ne saurait soutenir de façon convaincante que l’importante marge d’appréciation dont disposait la République fédérale d’Allemagne se trouvait, à la date en cause, limitée par les lignes directrices pour l’emploi, adoptées sur le fondement de l’article 128 CE. S’il est vrai que ces lignes directrices sont le fruit d’une concertation politique, dès lors qu’aucun effet contraignant n’a été donné à cette concertation politique sous la forme d’un acte législatif, elles ne sauraient restreindre la marge d’appréciation des États membres (45).

c)      Conclusion

96.      C’est donc, d’après nous, à juste titre que la Cour a jugé que, eu égard à l’importante marge d’appréciation des États membres, il n’était pas déraisonnable pour les autorités nationales d’estimer que l’application d’une limite d’âge pouvait favoriser l’emploi des professionnels plus jeunes.

4.      Sur le transfert du pouvoir aux partenaires sociaux

97.      Enfin convient-il de vérifier s’il est compatible avec la directive de confier aux partenaires sociaux le pouvoir de convenir, par voie de convention collective, de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite.

98.      Comme nous l’avons exposé ci-dessus (46), ce pouvoir pourrait leur être conféré, d’une part, sur le fondement de l’article 18, premier alinéa, de la directive. Cela suppose, parmi d’autres conditions, une demande conjointe des partenaires sociaux à cette fin. Nous ne savons pas si, en l’espèce, une telle demande conjointe avait été faite.

99.      Nous examinerons par conséquent ci-après si l’octroi de ce pouvoir, tel que prévu par l’article 10, première, deuxième et troisième phrases, point 5, de l’AGG peut être compatible avec la directive même en l’absence de demande des partenaires sociaux à cette fin. La condition en est, premièrement, que l’État membre garantit également dans ce cas de figure que les conditions de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive seront au final respectées (a). Deuxièmement, la question se pose si une réglementation telle que l’article 10, première, deuxième et troisième phrases, point 5, de l’AGG, peut déjà être considérée comme une mise en œuvre de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive de la part du législateur national et que, par voie de conséquence, la demande conjointe des partenaires sociaux, à laquelle l’article 18, premier alinéa, de la directive subordonne une mise en œuvre par les partenaires sociaux, n’est plus nécessaire (b).

a)      Sur la garantie du respect des conditions de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive

100. Selon une jurisprudence établie, les États membres doivent garantir que les résultats imposés par une directive soient également au final atteints dans le cas où ils associent les partenaires sociaux à sa mise en œuvre (47).

101. Lors de l’appréciation de la conformité de ce type de réglementation à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, il convient de prendre tout d’abord en considération que, en conférant ce pouvoir aux partenaires sociaux, le législateur allemand poursuivait des objectifs légitimes au sens de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive et que, pour y parvenir, il a opté pour un moyen, à savoir l’application de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, dont l’emploi ne saurait être considéré comme déraisonnable. Le pouvoir dont disposent les partenaires sociaux en vertu d’une disposition telle que l’article 10, première, deuxième et troisième phrases, point 5, de l’AGG se trouve ainsi réduit aux seules décisions de convenir ou non de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite pour le secteur économique concerné et d’en déterminer les modalités dans le cadre tracé par la loi. 

102. En faveur de la conformité du transfert d’un pouvoir ainsi limité à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive plaide le fait qu’il permet aux partenaires sociaux de faire usage, avec une flexibilité non négligeable, du mécanisme des limites d’âge et de tenir dûment compte, du fait de leur connaissance du secteur économique concerné, des caractéristiques propres aux emplois en cause (48). Cette démarche permet ainsi d’exercer pleinement le droit fondamental de libre négociation collective, lequel est reconnu également au niveau communautaire (49).

103. Une disposition telle que l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG ne serait toutefois pas conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive si, dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir limité, les partenaires sociaux n’étaient pas obligés de tenir compte du point de savoir si, dans leur secteur économique, les conditions de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive sont bien réunies et donc à vérifier si une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite est objectivement justifiée au regard de l’objectif poursuivi.

104. À ce sujet, le gouvernement allemand fait observer que, même lorsque l’exemple de l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG est d’application, il faut toujours vérifier si les conditions générales de l’article 10, première et deuxième phrases, de l’AGG (qui correspondent aux conditions d’une justification objective au sens de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive) sont réunies. Partant, déclare le gouvernement allemand, une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite stipulée dans une convention collective peut être soumise à un contrôle juridictionnel afin de vérifier le respect des conditions de justification objective. Cela découle, explique-t-il, du libellé de l’article 10, troisième phrase, de l’AGG, selon lequel des différences de traitement justifiées peuvent notamment comprendre les exemples énoncés aux différents points de cette disposition.

105. Le gouvernement allemand expose que, pour la rédaction l’article 10, troisième phrase, de l’AGG, le législateur allemand a recouru à la technique législative, bien établie en droit national, de l’«exemple type» («Regelbeispiel»). Cela signifie, explique-t-il, que la réunion des conditions du point 5 indique que les conditions générales de l’article 10, première et deuxième phrase, de l’AGG sont a priori satisfaites. Toutefois, ajoute-t-il, même lorsque les conditions de l’exemple énoncé au point 5 sont satisfaites, il faut toujours vérifier que les conditions générales de l’article 10, première et deuxième phrase, de l’AGG sont remplies. Le gouvernement allemand précise que l’indice que constitue l’énoncé de l’exemple au point 5 peut être réfuté dans le cadre de cet examen. Selon le gouvernement allemand, tout praticien du droit saura que les conditions de l’article 10, première et deuxième phrases, de l’AGG (qui correspondent aux conditions d’une justification objective en vertu de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive) devront toujours être également vérifiés.

106. Les développements du gouvernement allemand ne sont, d’après nous, pas dénués de pertinence. Premièrement, cette interprétation de l’article 10, troisième phrase, de l’AGG a également des partisans au sein de la doctrine allemande (50). Deuxièmement, l’utilisation du mot «peuvent» à l’article 10, troisième phrase, de l’AGG ne peut pas s’expliquer uniquement par le caractère non exhaustif de la liste d’exemples. En effet, ce caractère est déjà exprimé par l’emploi du mot «notamment» par cette même disposition.

107. Il appartiendra au final à la juridiction de renvoi de décider de l’interprétation de l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG. Une disposition telle que l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG ne nous semble cependant pas nécessairement incompatible avec l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, car elle nous semble, à tout le moins, se prêter à une interprétation conforme à la directive.

108. Cela ne signifie pas que nous considérions que la transposition de la directive effectuée à l’article 10 de l’AGG ne soulève aucun problème. Comme nous l’avons déjà mentionné, on peut tout à fait douter de la conformité d’une telle disposition à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, dans la mesure où il est soutenu qu’une différence de traitement fondée sur l’âge pourrait être justifiée par la disposition générale «nue» de l’article 10, première et deuxième phrases, de l’AGG (51). Dans la présente affaire, seule se pose cependant la question de la conformité à la directive de l’exemple énoncé à l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG en liaison avec les conditions édictées par l’article 10, première et deuxième phrases, de l’AGG, et uniquement dans la mesure où les partenaires sociaux sont ainsi autorisés à convenir, par voie de convention collective, de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite.

b)      Sur la nécessité d’une demande en vertu de l’article 18, premier alinéa, de la directive

109. Il se pose enfin la question de savoir si, dans un cas tel que celui se présentant en l’espèce, une demande conjointe des partenaires sociaux en vertu de l’article 18, premier alinéa, de la directive est nécessaire. Il en irait ainsi si une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite convenue par convention collective sur le fondement de l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG était à qualifier de mise en œuvre de la directive par les partenaires sociaux.

110. D’après nous, il convient de répondre par la négative à cette question, à tout le moins dans des circonstances telles que celles du cas présent. Premièrement, en adoptant l’article 10, première, deuxième et troisième phrases, point 5, de l’AGG, le législateur national a déjà largement transposé lui-même l’article 6, paragraphe 1, de la directive en ce qui concerne la possibilité de convenir de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite. Avec l’exemple de l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG, le législateur allemand a prévu un cas de figure dans lequel il estime qu’une certaine différence de traitement fondée sur l’âge est licite, à condition, toutefois, d’être objectivement justifiée dans le cas concret (52). Sur le plan qualitatif, il ne peut de ce fait, d’après nous, plus s’agir d’une mise en œuvre par les partenaires sociaux au sens de l’article 18, premier alinéa, de la directive. Deuxièmement, en ce qui concerne la présente affaire, il convient de souligner que l’article 19, point 8, du RTV produit effet non pas directement pour avoir été convenu par les partenaires sociaux, mais uniquement du fait de sa déclaration d’application générale. C’est ainsi au final à une mesure de l’État que l’article 19, point 8, du RTV doit son applicabilité. Dans une affaire comparable, la Cour n’a pas subordonné la conformité à l’article 6 de la directive d’une limite d’âge initialement convenue par voie de convention collective, puis reprise par la loi, à l’existence, à l’origine, d’une demande des partenaires sociaux (53).

5.      Conclusion

111. En conclusion il convient de constater que, en l’état du droit communautaire tel qu’applicable aux faits à l’origine de la présente affaire, l’habilitation législative des partenaires sociaux à convenir, par voie de convention collective, des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, comme le prévoit l’article 10, premier, deuxième et troisième phrases, point 5, de l’AGG, est à considérer comme conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive à tout le moins dans le cas où le législateur national poursuit, à travers ce type de dispositions, des objectifs de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage, qu’il impose aux partenaires sociaux de toujours vérifier, avant de convenir d’une telle limite d’âge, si celle-ci est objectivement justifiée au regard de ces objectifs et que cette vérification peut être soumise à un contrôle juridictionnel.

D –    Sur la limite d’âge fixée à l’article 19, point 8, du RTV

112. Une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, telle que prévue à l’article 19, point 8, du RTV, convenue par les partenaires sociaux sur le fondement d’une habilitation législative comme l’article 10, troisième phrase, point 5, de l’AGG ou de l’article 41 du SGB VI, applicable, le cas échéant avant l’entrée en vigueur de l’AGG, est conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive si les partenaires sociaux ont tenu compte des conditions exigées par ce dernier. Il appartiendra donc à la juridiction de renvoi de vérifier si les partenaires sociaux poursuivaient un objectif légitime au sens de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive lorsqu’ils ont convenu cette limite d’âge et si l’application d’une telle limite d’âge est objectivement justifiée en ce qui concerne le secteur économique en cause.

1.      Sur l’identification des objectifs poursuivis

113. La juridiction de renvoi a constaté dans son ordonnance qu’il ne ressortait de l’article 19, point 8, du RTV pas d’objectifs exprès. Comme nous l’avons déjà mentionné (54), cela n’exclut pas nécessairement une justification. Il suffit que l’objectif poursuivi résulte d’éléments découlant du contexte général de la mesure concernée.

114. Dans l’arrêt du BAG du 18 juin 2008 auquel l’Arbeitsgericht Hamburg a renvoyé, le BAG a constaté que l’article 19, point 8, du RTV poursuivait, premièrement, des objectifs de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage, deuxièmement des objectifs de planification des recrutements et de gestion du personnel des entreprises et troisièmement d’équilibre quant à l’âge du personnel de l’entreprise (55). L’organisation patronale ayant signé la convention collective a également mentionné ces objectifs.

115. Dans ce contexte, il convient de souligner une nouvelle fois que c’est à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra d’identifier les objectifs poursuivis par l’article 19, point 8, du RTV. Comme la juridiction de renvoi s’est bornée à renvoyer aux objectifs précités, dont le BAG et les partenaires sociaux avaient fait état, c’est sur ces objectifs que nous baserons la suite de notre analyse.

2.      Sur les exigences auxquelles doivent satisfaire les objectifs

116. En ce qui concerne les objectifs de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage, la légitimité de ces objectifs ne fait aucun doute. Ces objectifs sont en outre suffisamment déterminés. Nous renvoyons à cet égard à nos développements ci-dessus (56). Le fait que l’article 19, point 8, du RTV, dans sa version applicable au principal, ait été convenu en 2004, c’est-à-dire alors que le délai dont disposait la République fédérale d’Allemagne pour transposer la directive, expirant le 2 décembre 2006, n’était pas encore écoulé et l’AGG n’était pas encore entré en vigueur, ne fait pas obstacle à ce que les objectifs qu’il poursuit puissent être qualifiés d’objectifs légitimes au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive. Ainsi qu’il ressort de l’article 249, troisième alinéa, CE, en vertu duquel la directive ne lie les États que quant au résultat à atteindre, il suffit pour une mise en œuvre de la directive que, en convenant l’article 19, point 8, du RTV, les partenaires sociaux aient poursuivi un objectif qui est à considérer comme un objectif légitime au sens de l’article 6 de la directive. Il n’est pas nécessaire qu’ils aient fixé cet objectif spécifiquement dans le cadre de la transposition de l’article 6, paragraphe 1, de la directive.

117. En revanche, le point de savoir si la planification des recrutements et la gestion du personnel des entreprises, ainsi qu’un équilibre quant à l’âge du personnel de l’entreprise, envisagés isolément, constituent également des objectifs légitimes, doit, d’après nous, être soumis par la juridiction de renvoi à un examen rapproché. Il ne s’agit pas là d’objectifs relevant des domaines de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, visés à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive. Il est vrai que l’énumération à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive n’est pas limitative, comme le montre l’emploi du mot «notamment». La Cour a cependant souligné que tous les objectifs visés au premier alinéa de ladite disposition possèdent un caractère d’intérêt général. Des motifs purement individuels qui sont propres à la situation de l’employeur, tels que, par exemple, la réduction des coûts ou l’amélioration de la compétitivité, ne peuvent donc pas être considérés comme des objectifs légitimes au sens de ladite disposition (57). La structure des recrutements et du personnel d’une entreprise ainsi qu’un équilibre quant à l’âge du personnel de l’entreprise nous semblent, à tout le moins à première vue, relever de cette catégorie des motifs individuels (58). Il appartiendra cependant à la juridiction de renvoi de vérifier si, à travers ces objectifs, ce ne sont pas éventuellement d’autres objectifs qui sont poursuivis, qui peuvent être considérés avoir un caractère d’intérêt général.

3.      Sur la poursuite de plusieurs objectifs qui ne sont pas tous légitimes

118. Dans un cas tel que celui se présentant en l’occurrence, où les partenaires sociaux poursuivaient plusieurs objectifs lorsqu’ils ont convenu la limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, dont la qualification d’objectifs légitimes au sens de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive ne s’impose pas avec évidence pour tous, il suffit que la différence de traitement fondée sur l’âge soit justifiée au regard d’un objectif légitime. La Cour n’a ainsi émis aucune réserve quant au fait que, dans la poursuite desdits objectifs légitimes, une règle nationale reconnaissait un certain degré de flexibilité aux employeurs (59).

4.      Sur le caractère objectivement justifié

119. La juridiction de renvoi devra par ailleurs vérifier si l’article 19, point 8, du RTV est objectivement justifié par ces objectifs légitimes de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage.

a)      Sur l’appréciation effectuée par les partenaires sociaux

120. L’organisation patronale qui a signé la convention collective a déclaré que les partenaires sociaux avaient procédé à une mise en balance des intérêts du salarié, à ce que la relation de travail se poursuive, et de l’employeur, à ce qu’elle cesse. Le syndicat cocontractant avait tenu compte de l’intérêt économique légitime du salarié à ce que ses moyens de subsistance soient assurés et de son intérêt moral à se réaliser sur le plan professionnel en poursuivant son activité professionnelle au-delà de son 65ème anniversaire. Il avait par ailleurs pris en considération le fait que, lorsque les salariés atteignaient l’âge normal de la retraite, leurs moyens de subsistance étaient en principe assurés par leur pension de retraite et qu’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite avait pour effet d’améliorer considérablement les possibilités d’embauche et de carrière de nouvelles générations de salariés. L’organisation patronale avait pris en compte le besoin de pouvoir planifier, de façon adéquate et prévisible, la gestion du personnel et les recrutements en vue d’un équilibre quant à l’âge du personnel de l’entreprise. Les objectifs du législateur en matière de politique de l’emploi et du marché du travail, tels qu’ils étaient exprimés à l’article 41 du SGB VI, avaient également été pris en considération. En outre, lors de chaque renégociation de la convention collective, ainsi en 2004, les partenaires sociaux en avaient réexaminé les différentes dispositions au regard de la situation sociale, démographique et du marché du travail, afin de déterminer si et dans quelle mesure il était nécessaire de les modifier. Il était ressorti de cette appréciation que la limite d’âge fixée à l’article 19, point 8, du RTV était bien toujours justifiée (60).

b)      Sur l’examen de l’appréciation

121. La juridiction de renvoi devra examiner si cette appréciation satisfait aux conditions de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive. À cette fin, elle devra tenir compte de l’importante marge d’appréciation dont les partenaires sociaux disposent l’en état actuel du droit communautaire (61). Selon nous, il convient en outre de considérer par principe que, lors de la conclusion d’une convention collective, les droits des salariés, et dès lors également des salariés plus âgés, sont pris en considération par le syndicat qui conclut cette convention collective.

122. Dans son ordonnance, la juridiction de renvoi a énuméré toute une série de circonstances particulières, de droit et de fait, qui le font douter du caractère objectivement justifié de l’article 19, point 8, du RTV. Pour cette raison, nous examinerons ci-après s’il convient d’interpréter l’article 6, paragraphe 1, de la directive en ce sens qu’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite prévue dans une convention collective, telle que l’article 19, point 8, du RTV, peut, en présence de ce type de circonstances particulières, être considérée ne pas être objectivement justifiée.

i)      Utilisation constante de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite

123. La juridiction de renvoi relève tout d’abord que la limite d’âge de 65 ans est utilisée dans le secteur du nettoyage des bâtiments depuis de nombreuses années et sans modification. Elle déclare ne pas être en mesure de constater la moindre incidence de la situation prévalant sur le marché du travail, ni de l’évolution de la conjoncture économique et démographique. D’après elle, la limite d’âge n’est pas utilisée pour apporter une solution à des situations particulières existant concrètement ou pour les atténuer.

–       Argumentation des participants à la procédure

124. Selon la demanderesse et la Commission, ce fait entraîne l’incompatibilité de l’article 19, point 8, du RTV avec l’article 6 de la directive. La Commission doute de l’affirmation avancée par l’organisation patronale, selon laquelle les partenaires sociaux ont systématiquement réexaminé lors de chaque renégociation de la convention collective les différentes dispositions au regard de la situation politique, économique, sociale, démographique et du marché du travail. Elle considère que des affirmations générales ne suffisent pas à démontrer que l’objectif de la mesure est de nature à justifier une dérogation au principe de non discrimination.

125. La partie défenderesse, le gouvernement allemand et le gouvernement du Royaume-Uni sont d’avis que l’article 19, point 8, du RTV est conforme à l’article 6 de la directive. La partie défenderesse invoque que, selon les informations fournies par les parties à la convention collective en cause, cette règle est le résultat d’une mise en balance des intérêts des travailleurs et de ceux des employeurs. Elle souligne que les partenaires sociaux sont en possession des informations nécessaires sur le secteur concerné. Selon la partie défenderesse, cela leur permet de tenir dûment compte des caractéristiques propres aux emplois en cause. La partie défenderesse observe par ailleurs que le chômage a été très important s’agissant des professions exercées par des personnes peu qualifiées. Les parties à la convention collective, déclare-t-elle, ont pour cette raison estimé qu’il n’était pas nécessaire de modifier l’article 19, point 8, du RTV. Le gouvernement allemand remet en doute les constatations de la juridiction de renvoi, selon lesquelles les limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite sont appliquées en Allemagne indépendamment de la situation prévalant sur le marché du travail et de la conjoncture économique et démographique. Il rappelle que, entre le 1er janvier 1992 et le 31 juillet 1994, les limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite prévues dans des conventions collectives étaient sans effet. Le législateur a cependant choisi de modifier cette réglementation, au motif que, eu égard au chômage frappant également des travailleurs plus jeunes, elle était difficilement acceptable pour les citoyens. Le gouvernement allemand ajoute que le législateur a maintenu cette position ces quinze dernières années dans la mesure où le chômage massif a persisté tout au long de ces années et qu’il régnait un consensus politique et social sur le fait que le chômage avait atteint un niveau beaucoup trop élevé.

126. Selon le gouvernement du Royaume-Uni, des mesures concernant l’âge de la retraite peuvent également être d’application générale et pendant une longue période, car ils peuvent faire partie d’un cadre réglementaire pour le fonctionnement du marché du travail à long terme. Il déclare que ce type de règles ne se limite donc pas à apporter une solution à une situation particulière. Le gouvernement du Royaume-Uni estime que des modifications trop fréquentes risquent en outre de créer l’incertitude chez les salariés et les employeurs. L’élément déterminant est, selon le gouvernement du Royaume-Uni, que les mesures étaient suffisamment justifiées lorsqu’elles ont été arrêtées. Il ajoute que les mesures sont de plus le résultat d’une négociation collective. Les représentants des travailleurs ont estimé que cette règle était un élément approprié de régulation du marché du travail.

–       Appréciation


 Aspects temporels

127. En ce qui concerne l’article 19, point 8, du RTV, il convient de relever que, lorsque cette disposition a été convenue en 2004, l’AGG n’était pas encore entré en vigueur, ni le délai pour transposer la directive (2 décembre 2006) expiré. En l’occurrence, l’article 19, point 8, du RTV vient toutefois à s’appliquer à des faits qui se sont produits après l’expiration du délai de transposition de la directive 2000/78.

128. Comme le fait de conférer des pouvoirs aux partenaires sociaux ne décharge pas les États membres de leur obligation de transposer la directive, il importe en l’occurrence de savoir si les parties à la convention collective ont procédé, avant l’expiration du délai de transposition, à une appréciation qui satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive. Il n’est cependant pas impératif que cette appréciation ait été sciemment effectuée au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive. Il suffit si cette appréciation satisfait sur le fond aux conditions de l’article 6, paragraphe 1, de la directive.

129. Il appartiendra par conséquent à la juridiction de renvoi d’examiner si, lorsqu’elles ont convenu l’article 19, point 8, du RTV, les parties à la convention collective ont procédé à une appréciation qui satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive.

130. Il convient d’en distinguer la question de savoir dans quel laps de temps les parties à une convention, qui ont déjà convenu une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite conforme à l’article 6 de la directive, doivent réagir à des modifications intervenues dans le secteur économique concerné. Dans ce contexte, il convient de tenir également compte de l’aspect de la sécurité juridique. Une modification trop fréquente des conventions collectives est de nature à ébranler la confiance des travailleurs et des employeurs en la pérennité de l’ordre juridique. Il nous semble par conséquent suffire, eu égard à la confiance en la pérennité de l’ordre public et au principe de libre négociation collective, que, lorsque des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite sont fixées dans une convention collective, les modifications intervenues ne soient prises en compte que dans le cadre des prochaines négociations. La condition en est toutefois qu’il existe, à tout le moins à moyen terme, une possibilité d’adapter la convention collective.

 Examen spécifique au secteur économique concerné

131. Il est certes exact que les partenaires sociaux disposent, dans le cadre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive, d’une importante marge d’appréciation. La prise en considération de cette marge d’appréciation importante, tout comme de la liberté de la négociation collective, ne saurait cependant avoir pour effet de vider de toute substance le principe de non-discrimination en raison de l’âge. L’objectif de l’article 6, paragraphe 1, de la directive est en effet de soumettre les différences de traitement liées à l’âge, existantes ou nouvellement introduites, et dès lors également les limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, à un contrôle de leur caractère objectivement justifié.

132. De simples affirmations générales quant à l’aptitude intrinsèque d’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite à participer à la politique de l’emploi ou à enrayer le chômage ne suffisent donc pas à en démontrer le caractère objectivement justifié en ce qui concerne le secteur économique en cause (62). Il ne saurait donc suffire que les parties à la convention collective invoquent la situation du marché du travail en général ou des réflexions du législateur national concernant cette situation. Il peut en aller différemment lorsque ces réflexions peuvent être transposées au secteur économique concerné.

133. Par ailleurs, le fait que des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite sont appliquées dans d’autres secteurs économiques (ou non) ne permet pas de tirer des conclusions quant au caractère objectivement justifié de l’application d’une limite d’âge dans le secteur économique en cause. Les parties à la convention collective doivent, au contraire, examiner la question de la justification objective de l’application d’une limite d’âge spécifiquement pour le secteur économique concrètement concerné.

134. Il appartiendra par conséquent à la juridiction de renvoi d’examiner si une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, telle que celle fixée à l’article 19, point 8, du RTV, est justifiée, eu égard aux objectifs poursuivis de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage dans le secteur du nettoyage des bâtiments (63).

 Pas de limitation aux mesures particulières

135. Il nous semble en revanche être sans importance qu’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite telle que l’article 19, point 8, du RTV n’est pas une mesure particulière limitée dans le temps. Il ne ressort pas de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive que la différence de traitement en raison de l’âge doive être limitée dans le temps et qu’il ne puisse y être recouru que pour apporter une solution à des situations particulières. Selon l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, le seul élément déterminant est de savoir si l’application d’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite est objectivement justifiée par l’objectif légitime.

136. Si la juridiction de renvoi devait, comme le BAG, conclure que l’article 19, point 8, du RTV repose sur l’idée que, en période sans plein emploi, il est nécessaire de répartir équitablement les emplois, dont seule une quantité limitée est disponible, et dans la mesure où, eu égard à l’importante marge d’appréciation dont disposent les États membres, l’application d’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite ne peut, pour les raisons précitées, être considérée comme déraisonnable (64), l’application d’une telle limite d’âge peut être considérée comme justifiée aussi longtemps que le secteur économique concerné se caractérise par un niveau de chômage élevé.

ii)    Sur l’absence d’obligation d’embaucher de jeunes travailleurs

137. La juridiction de renvoi relève par ailleurs qu’une règle telle que l’article 19, point 8, du RTV n’implique aucune obligation pour l’employeur de remplacer le salarié dont la relation de travail prend fin du fait qu’il atteint l’âge normal de la retraite. Elle déclare qu’il est impossible de constater de façon empirique, ni un fait constant, que les employeurs procèdent à de nouvelles embauches lorsque la relation de travail d’un salarié prend fin du fait que celui-ci a atteint la limite d’âge sans y être tenus par une obligation juridique.

–       Argumentation des participants à la procédure

138. Selon la demanderesse, il en résulte qu’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite telle que celle fixée à l’article 19, point 8, du RTV est inappropriée.

139. Le gouvernement allemand, en revanche, fait valoir que le législateur allemand part, tout comme lui-même, du principe que l’employeur remplace en règle générale par un autre salarié, plus jeune, le salarié qui quitte l’entreprise pour avoir atteint l’âge normal de la retraite.

–       Appréciation

140. La circonstance qu’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite ne soit assortie d’aucune obligation d’embaucher un autre salarié à la place du salarié qui a atteint l’âge normal de la retraite ne constitue pas un obstacle insurmontable à la conformité de cette limite d’âge à l’article 6, paragraphe 1, de la directive.

141. Comme nous l’avons déjà mentionné (65), l’importante marge d’appréciation des États membres et dès lors des partenaires sociaux inclut, sur le plan factuel, également une marge de pronostic. Cette marge de pronostic comprend la possibilité de s’appuyer sur des présomptions quant au déroulement normal et prévisible des événements. Dès lors que ces présomptions ne sont manifestement déraisonnables, la Cour doit les respecter, sous peine de se substituer aux partenaires sociaux.

142. La supposition, selon laquelle la cessation de la relation de travail d’un salarié âgé du fait qu’il a atteint l’âge normal de la retraite est de nature à accroître les chances d’embauche pour les salariés plus jeunes, ne peut être considérée comme manifestement déraisonnable. Selon nous, il importe peu de savoir si cette nouvelle embauche a lieu dans tous les cas. C’est, au contraire, une approche abstraite, détachée des cas d’espèce, qu’il y a lieu d’adopter (66).

iii) Sur la possibilité d’une réembauche des salariés ayant dépassé l’âge normal de la retraite

143. La juridiction de renvoi fait par ailleurs observer que, si une personne, dont la relation d’emploi a pris fin parce qu’elle a atteint l’âge normal de la retraite tente de se faire embaucher par un autre employeur, voire de se faire réembaucher par son ancien employeur, elle ne peut voir sa candidature rejetée au motif de son âge. La demanderesse estime que cette circonstance est susceptible d’entraîner l’incompatibilité d’une clause d’âge normal de la retraite, telle que l’article 19, point 8, du RTV, avec l’article 6 de la directive.

144. D’après nous, cette circonstance n’entraîne pas non plus inéluctablement l’incompatibilité d’une clause d’âge normal de la retraite telle que l’article 19, point 8, du RTV avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive. Il convient d’observer tout d’abord que, dans l’arrêt Palacios de la Vila, la Cour a considéré qu’une limite d’âge de 65 ans fixée par convention collective, qui entraînait la mise à la retraite d’office, n’était pas nécessairement injustifiée au regard des objectifs de politique de l’emploi (67).

145. Lorsque le droit du travail allemand permet une nouvelle embauche ou une réembauche, cela fait apparaître, en comparaison, une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, telle que prévue à l’article 19, point 8, du RTV, comme une mesure moins radicale. Dans ces circonstances, nous ne parvenons pas à comprendre pour quelles raisons une règle, applicable en vertu du droit allemand, qui, en comparaison d’une mise à la retraite d’office, vient atténuer l’atteinte portée au principe de non-discrimination en raison de l’âge, exclurait qu’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite puisse être justifiée. Il est vrai que la poursuite des objectifs de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage se trouve ainsi limitée; elle a toutefois également pour effet d’atténuer l’atteinte portée au principe de non-discrimination en raison de l’âge.

146. S’il devait être objecté l’incohérence de cette situation, il convient d’observer, tout d’abord, que, dans un domaine dans lequel les États membres possèdent une très importante marge d’appréciation, la Cour ne peut procéder qu’à un contrôle de cohérence très limité (68). Une incohérence manifeste ne peut cependant être constatée sur la seule base des indications de la juridiction de renvoi. Il est en effet tout à fait possible de comprendre le système allemand en ce sens que des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, telle que celle prévue à l’article 19, point 8, du RTV, visent à offrir une chance d’embauche à des salariés plus jeunes. Dans l’intérêt des employeurs et des salariés qui ont atteint l’âge normal de la retraite, ce système ne s’obstine cependant pas à vouloir poursuivre cet objectif dans l’hypothèse où un tel salarié s’avère (éventuellement de nouveau) être le meilleur candidat pour un poste donné. Une telle approche ne nous semble pas manifestement incohérente. La juridiction n’a d’ailleurs pas fait état d’éventuels abus.

iv)    Sur la possibilité d’une prolongation de la relation d’emploi d’un commun accord

147. La juridiction de renvoi doute de la conformité à l’article 6, paragraphe 1, de la directive d’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, telle que celle prévue à l’article 19, point 8, du RTV, également en raison du fait que ce dernier prévoit que la relation de travail peut être prolongée, d’un commun accord, au-delà de l’âge normal de la retraite. Elle estime que, eu égard à la situation actuelle du marché de l’emploi, cela permet, de fait, à l’employeur de se séparer à sa guise de ses salariés plus âgés. L’entreprise de la partie défenderesse, précise-t-elle, compte parmi son personnel plusieurs salariés âgés de plus de 70 ans.

–       Argumentation des participants à la procédure

148. Selon la demanderesse, le gouvernement italien et la Commission, cet élément entraîne une incompatibilité avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive. Ils exposent qu’une clause d’âge normal de la retraite peut uniquement prendre en considération des objectifs légitimes au sens de l’article 6 de la directive. Or, estiment-ils, si l’employeur pouvait, de fait, décider à sa guise d’employer un salarié au-delà de l’âge normal de la retraite ou non, des motifs individuels, propres à la situation de l’employeur, seraient également pris en considération. Ils soutiennent qu’il ne s’agit pas là d’une différence de traitement fondée sur des motifs objectifs au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive. Il semble de plus, ajoutent-ils, n’exister aucune procédure semblable à celle en cause dans l’affaire Age Concern England (69). Le gouvernement italien déclare douter, sur le plan factuel, de ce qu’une clause d’âge normal de la retraite telle quelle l’article 19, point 8, RTV confère effectivement une telle marge de manœuvre à l’employeur.

149. Le gouvernement allemand souligne plus particulièrement que, en vertu du droit du travail allemand, le principe de la disposition la plus favorable s’applique. Il explique que, dans un contrat de travail individuel, il est toujours possible de déroger aux dispositions de la convention collective au profit du salarié. Déjà pour cette raison, estime le gouvernement allemand, l’article 19, point 8, du RTV ne contient pas de règle accroissant la flexibilité en faveur du seul employeur. Il considère que l’analyse de la Commission a pour effet de restreindre considérablement la liberté de la négociation collective.

–       Appréciation

150. La possibilité d’une prolongation, d’un commun accord, de la relation de travail au-delà de l’âge normal de la retraite ne nous semble pas non plus être une circonstance qui exclut nécessairement que l’article 19, point 8, du RTV puisse être objectivement justifié. L’article 6, paragraphe 1, de la directive exige uniquement qu’une différence de traitement fondée sur l’âge soit objectivement justifiée par un objectif légitime. Il est de ce fait sans incidence lorsqu’une règle, telle que l’article 19, point 8, du RTV, poursuit et prend en considération également d’autres objectifs qui ne sont pas légitimes. Il y a uniquement lieu de s’assurer que la différence de traitement fondée sur l’âge soit entièrement justifiée par l’objectif légitime poursuivi.

151. La possibilité d’une prolongation, d’un commun accord, de la relation de travail au-delà de l’âge normal de la retraite n’entraîne pas à une différence de traitement fondée sur l’âge, mais vient l’atténuer. Ainsi, dans la mesure où est critiquée une incompatibilité avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive, c’est au final le fait qu’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, telle que celle édictée à l’article 19, point 8, du RTV, ouvre, à l’occasion d’une différence de traitement fondée sur l’âge, la possibilité d’une différence de traitement fondée sur un autre motif, qui est ainsi critiqué.

152. Dans la mesure où la Commission fonde son analyse sur le texte de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, en application duquel la différence de traitement doit être objective, son argumentation ne convainc pas. Cette analyse peut, certes, s’appuyer sur la version de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive en langue allemande, selon laquelle la différence de traitement doit être «objective et appropriée» («objektiv und angemessen»). D’autres versions linguistiques de cette disposition, en revanche, ne peuvent pas être comprises comme signifiant que le caractère objectif de la différence de traitement constitue une condition autonome. Ainsi, les versions en langues française, anglaise, néerlandaise, espagnole, italienne et slovène exigent uniquement que les différences de traitement fondées sur l’âge soient objectivement justifiées (70). Il ne saurait donc être déduit de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive que la différence de traitement elle-même doive, elle aussi, avoir un caractère objectif.

153. Une interprétation, selon laquelle la différence de traitement doit également être objective, nous semble de plus être difficilement compatible avec l’importante marge d’appréciation dont disposent les États membres en matière de politique du travail et sociale. Elle ne nous semble par ailleurs pas davantage pouvoir être conciliée avec les constatations de la Cour, selon lesquelles, dans la poursuite des objectifs légitimes au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive, il peut être reconnu un certain degré de flexibilité aux employeurs (71).

154. Que l’employeur dispose d’une marge d’appréciation lorsqu’il décide de prolonger la relation de travail d’un commun accord au-delà de l’âge normal de la retraite ne fait ainsi pas obstacle à la conformité à l’article 6, paragraphe 1, de la directive d’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite convenue par voie de convention collective.

v)      Sur l’insuffisance des droits à pension à subvenir aux besoins du retraité

155. La juridiction de renvoi fait enfin observer que la demanderesse et, en schématisant, un salarié employé à temps partiel dans le secteur du nettoyage des bâtiments, ne peut se constituer des droits à pension au titre du régime légal qui lui permettent de subvenir à ses besoins. Elle déclare que la rémunération de ces salariés ne leur laisse en règle générale aucune marge de manœuvre pour se constituer une épargne ou pour souscrire des assurances complémentaires. De même l’argument, selon lequel des salariés qui quittent l’entreprise pour avoir atteint l’âge normal de la retraite ne cherchent pas d’autre emploi par la suite, n’est, selon la juridiction de renvoi, a priori pas fondé s’agissant des emplois à bas salaire.

–       Argumentation des participants à la procédure

156. La demanderesse invoque sa situation personnelle. Elle explique que sa propre pension de retraite est insuffisante à subvenir à ses besoins, parce qu’elle a pris soin de son fils handicapé. D’après elle, l’article 19, point 8, du RTV n’est pas conforme à l’exigence formulée par la Cour dans l’arrêt Palacios de la Villa (72), selon laquelle une pension de retraite d’un niveau non déraisonnable est une condition de la conformité d’une limite d’âge à l’article 6 de la directive.

157. La partie défenderesse rappelle que, en Allemagne, les salariés peuvent prétendre à une pension de retraite au titre du régime légal dès lors qu’ils ont atteint l’âge normal de la retraite. Elle ajoute que les personnes, dont les droits à pension au titre du régime légal ne sont pas suffisants lorsqu’ils atteignent l’âge normal de la retraite, perçoivent des «prestations de base» permettant de subvenir aux besoins fondamentaux.

158. Selon le gouvernement allemand et le gouvernement du Royaume-Uni, l’unique élément déterminant est que, au terme de leur relation de travail, les salariés concernés par la limite d’âge puissent prétendre à une pension de retraite de type contributif. Il convient de procéder à un examen général; la situation individuelle du salarié n’est pas à examiner. Dans le cas contraire, les salariés ayant travaillé à plein temps seraient désavantagés.

–       Appréciation

159. D’après nous, la circonstance que, lorsqu’elle a atteint l’âge normal de la retraite, la demanderesse n’avait pas acquis des droits à pension au titre du régime légal d’assurance vieillesse qui lui permettent de subvenir à ses besoins, n’est pas un obstacle insurmontable à la conformité à l’article 6, paragraphe 1, de la directive d’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, telle que celle édictée à l’article 19, point 8, du RTV.

160. Au point 73 de l’arrêt Palacios de la Villa (73), la Cour a accordé une importance décisive au fait que la mesure de la mise à la retraite d’office ne pouvait être regardée comme portant une atteinte excessive aux prétentions légitimes des travailleurs concernés. Dans ce contexte, elle a souligné que la limite d’âge en cause ne se fondait pas seulement sur un âge déterminé, mais prenait également en considération la circonstance que les intéressés bénéficiaient au terme de leur carrière professionnelle d’une compensation financière au moyen de l’octroi d’une pension de retraite, telle que celle prévue par le régime national en cause au principal, dont le niveau ne pouvait être considéré comme déraisonnable.

161. Selon nous, la Cour n’a cependant pas entendu dire par là qu’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite n’est conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive que si le salarié concrètement concerné perçoit une pension de retraite qui lui permette de subvenir à ses besoins. La Cour s’est, en effet, basée en première ligne non pas sur le niveau de la pension de retraite concrètement perçue dans le cas d’espèce, mais sur la protection des prétentions légitimes du travailleur concerné. Or, la protection des prétentions légitimes ne semble pas être en cause dans la présente affaire, étant donné que la relation de travail de la demanderesse a, comme elle devait s’y attendre, pris fin lorsqu’elle a atteint l’âge normal de la retraite.

162. Les doutes de la juridiction de renvoi sont en réalité dus au fait que la demanderesse ne perçoit pas une pension de retraite dont le montant lui permettrait de subvenir à ses besoins. Elle explique cet état des choses par le fait que la demanderesse a dû travailler pendant des années à temps partiel parce que les soins à fournir à son fils, lourdement handicapé, occupaient une grande partie de son temps.

163. Tout en comprenant très bien la situation particulière de la demanderesse, cela ne nous semble pas être une circonstance à prendre en compte lors de l’examen de la conformité à l’article 6, paragraphe 1, de la directive d’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite. Le caractère insuffisant de la pension de retraite de la demanderesse s’explique en effet en l’occurrence par le fait que, en raison de sa situation particulière, la demanderesse n’a pu travailler qu’à temps partiel. Il n’y a là qu’un lien ténu avec l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge. La question de savoir si, et dans quelle mesure, la société doit aider un travailleur parce qu’il prend soin d’un membre handicapé de sa famille est en tout premier lieu une question de droit de la sécurité sociale, à laquelle il appartient aux États membres de répondre.

164. Il n’est pas nécessaire de répondre ici à la question de savoir si l’application d’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite peut encore être considérée comme objectivement justifiée dans le cas où le salarié n’est pas en mesure de subvenir à ses besoins fondamentaux, dans la mesure où il n’est pas contesté que, en l’occurrence, les besoins fondamentaux de la demanderesse sont couverts par les prestations de base versées par l’État.

165. La juridiction de renvoi a par ailleurs relevé que, de façon générale, un salarié travaillant à temps partiel dans le secteur du nettoyage des bâtiments ne pouvait acquérir de droits à pension au titre du régime légal d’assurance vieillesse qui lui permettent de subvenir à ses besoins. Il ne ressort cependant pas clairement de l’ordonnance de renvoi pour quelles raisons les salariés travaillent seulement à temps partiel dans ce secteur économique. Nous ne voyons par ailleurs pas de raison impérative de résoudre par le biais de l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge le véritable problème, à savoir que le travail à temps partiel peut ne pas permettre de se constituer des droits à pension de retraite qui permettent à l’intéressé de subvenir à ses besoins.

5.      Conclusion

166. Il appartiendra par conséquent à la juridiction de renvoi d’examiner la conformité d’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, telle que celle édictée à l’article 19, point 8, du RTV, à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive en tenant compte des indications fournies ci-dessus. Les circonstances particulières de droit et de fait relevées dans l’ordonnance de renvoi n’entraînent cependant pas nécessairement l’incompatibilité avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive.

IX – Résumé

167. En conclusion, il convient de retenir, premièrement, qu’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, convenue par convention collective, peut être conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, tout d’abord dans le cas où les partenaires sociaux y ont été spécifiquement habilités par une disposition nationale qui satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la directive. Ce type de disposition nationale peut également remplir les conditions de l’article 6, paragraphe 1, de la directive alors que les motifs justifiant que des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite ne sont pas à considérer comme une discrimination fondée sur l’âge ne ressortent pas expressément de la disposition concernée. Lorsque ces motifs ne sont pas expressément indiqués, le point déterminant est de savoir si d’autres éléments, tirés du contexte général de la disposition en cause, permettent l’identification de l’objectif sous-tendant la disposition et si ces éléments sont suffisamment concrets pour permettre un contrôle du caractère objectivement justifié.

168. Une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite convenue par voie de convention collective peut, par ailleurs, également être conforme à la directive si les conditions sont réunies pour confier la mise en œuvre de la directive aux partenaires sociaux en vertu de son article 18, premier alinéa, conditions dont fait notamment partie la demande conjointe des partenaires sociaux.

169. Deuxièmement, il y a lieu de constater que, en l’état du droit communautaire tel qu’applicable aux faits à l’origine de la présente affaire, l’habilitation législative des partenaires sociaux à convenir, à l’intérieur d’un cadre imposé, des limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite et leurs modalités par voie de convention collective, comme le prévoit l’article 10, premier, deuxième et troisième phrases, point 5, de l’AGG, est à considérer comme conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 à tout le moins dans le cas où le législateur national poursuit, à travers ce type de dispositions, des objectifs de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage, qu’il résulte de ces dispositions que, avant de convenir d’une telle limite d’âge, les partenaires sociaux doivent toujours vérifier si cette différence de traitement en raison de l’âge est objectivement justifiée, dans le secteur économique concerné, au regard des objectifs poursuivis et que cette vérification peut être soumise à un contrôle juridictionnel.

170. Troisièmement, il convient de constater qu’une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite déclarée d’application générale, telle que celle édictée à l’article 19, point 8, du RTV, qui a été convenue avant l’expiration du délai fixé pour la transposition de la directive 2000/78, n’a plus été modifiée sur le fond depuis et vient à s’appliquer à des faits qui se sont produits après l’expiration du délai de transposition, est conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive si, au moment de convenir cette limite d’âge ou lors d’un examen effectué par la suite, les partenaires sociaux ont apprécié, avant expiration du délai de transposition de la directive 2000/78, si l’application d’une telle différence de traitement fondée sur l’âge en vue d’atteindre les objectifs légitimes définis par le législateur est objectivement justifiée en ce qui concerne le secteur économique en cause. La circonstance qu’une règle telle que l’article 19, point 8, du RTV, premièrement, ne soit pas appliquée à titre de mesure particulière limitée dans le temps, deuxièmement, ne prévoie pas d’obligation contraignante d’embaucher un autre salarié, troisièmement, permette de prolonger la relation de travail, d’un commun accord, au-delà de l’âge normal de la retraite et, quatrièmement, ne tienne pas compte du niveau concret des droits à pension au titre de l’assurance vieillesse, n’entraînent pas nécessairement à eux seuls l’incompatibilité de cette limite d’âge avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive.

171. Si la juridiction de renvoi devait conclure que l’article 19, point 8, du RTV n’est pas conforme à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, il lui appartiendra de vérifier si elle peut en tenir compte en interprétant l’article 10 de l’AGG de façon conforme à la directive. Si cela devait s’avérer possible, il ne sera pas nécessaire de recourir à un principe général de non-discrimination en raison de l’âge «concrétisé par la directive 2000/78».

X –    Conclusion

172. Eu égard aux considérations exposées ci-dessus, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par la juridiction de renvoi:

«1)      Une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, convenue par voie de convention collective, peut être conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, si les partenaires sociaux y ont été spécifiquement habilités par une disposition nationale qui satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive ou si les conditions sont réunies pour confier la mise en œuvre de ladite directive aux partenaires sociaux en vertu de son article 18, premier alinéa.

2)      Le pouvoir, conféré aux partenaires sociaux par le législateur, de convenir par voie de convention collective de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite et de leurs modalités, comme le prévoit l’article 10, premier, deuxième et troisième phrases, point 5, de la loi générale sur l’égalité de traitement (Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz), est à considérer comme conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 lorsque le législateur national poursuit à travers ces dispositions des objectifs de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage, qu’il résulte de ces dispositions que, avant de convenir de telles limites d’âge, les partenaires sociaux doivent toujours vérifier si elles sont objectivement justifiées au regard des objectifs poursuivis et que cette vérification peut être soumise à un contrôle juridictionnel.

3)      Une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite déclarée d’application générale, telle que celle édictée à l’article 19, point 8, de la convention collective du personnel des entreprises de nettoyage des bâtiments (Rahmentarifvertrag für gewerblich Beschäftigte in der Gebäudereinigung), est conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 si les partenaires sociaux ont apprécié, avant expiration du délai de transposition de cette directive, si l’application d’une telle différence de traitement fondée sur l’âge en vue d’atteindre les objectifs légitimes définis par le législateur est objectivement justifiée en ce qui concerne le secteur économique en cause. La circonstance qu’une règle telle que l’article 19, point 8, de ladite convention collective, premièrement, ne soit pas appliquée à titre de mesure particulière limitée dans le temps, deuxièmement, ne prévoie pas d’obligation contraignante d’embaucher un autre salarié, troisièmement, permette de prolonger la relation de travail, d’un commun accord, au-delà de l’âge normal de la retraite et, quatrièmement, ne tienne pas compte du niveau concret des droits à pension au titre de l’assurance vieillesse, n’entraînent pas nécessairement à eux seuls l’incompatibilité de cette limite d’âge avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – Conformément au traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 (JO C 306. p. 1), la procédure de décision préjudicielle est désormais régie par l’article 267 FUE.


3 – Pour un exposé du problème et une vue d’ensemble, voir O’Cinneide, C., «Diskriminierung aus Gründen des Alters und Europäische Rechtsvorschriften», Europäische Gemeinschaften 2005, p. 45 à 47. Pour des voix critiques, voir Bredt, S., «Compulsory retirement as an instrument to strengthen labour market opportunities for young employment seekers? An annotation to the European Court of Justice’s decision C-411/05 – Palacios de la Villa», European Journal of Social Security 2008, p. 190 et suiv.; Temming, F., «The Palacios Case: Turning Point in Age Discrimination Law?», European Law Reporter 2007, p. 382 et suiv.


4 – JO L 303, p. 16; ci-après également la «directive».


5 – Arrêt du 16 octobre 2007 (C-411/05, Rec. p. I-8531).


6 – Arrêt du 5 mars 2009, Age Concern England (C-388/07, Rec. p. I-1569).


7 – Arrêt du 12 janvier 2010, Petersen (C-341/08, non encore publié au Recueil).


8 – Dans les présentes conclusions, nous utiliserons l’expression «droit communautaire» dans la mesure où, ratione temporis, c’est encore le droit communautaire et non le droit de l’Union qui trouve à s’appliquer.


9 – BGBl. I 1989, p. 2261.


10 – BGBl. I 1994, p. 1797.


11 – BGBl. I 2007, p. 554.


12 – BGBl. I 2006, p. 1897.


13 – BGBl. I 2007, p. 2742.


14 – Cité à la note 6 des présentes conclusions.


15 – Arrêts de la Cour du 27 mars 1963, Da Costa e.a. (28/62 à 30/62, Rec. p. 59), et du 3 mars 1994, Eurico Italia e.a. (C­-332/92, C-333/92 et C-335/92, Rec. p. I-711, point 15). La question peut cependant se poser de savoir si une juridiction nationale de dernière instance est alors toujours tenue de l’obligation, édictée à l’article 234 CE, de saisir la Cour et si la Cour répond à la question préjudicielle par voie d’ordonnance.


16 – Voir arrêt Palacios de la Villa (cité à la note 5, points 42 à 47).


17 – Voir arrêts Palacios de la Villa (cité à la note 5, point 51), Age Concern England (cité à la note 6, points 33 et suiv.), et Petersen (cité à la note 7, points 34 et suiv.).


18 – Une explication possible pourrait être que, dans la note 1 de son ordonnance, la juridiction de renvoi définit le terme de «Senioritätsregelung» («règle d’âge») de façon très générale comme règle qui différencie en fonction de la caractéristique «âge». En revanche, les auteurs cités par la juridiction de renvoi aux pages 30 et 31 de l’ordonnance de renvoi semblent avoir utilisé ce terme pour désigner exclusivement des règles en matière de licenciement.


19 – Arrêt de la Cour du 4 décembre 2008, Jobra (C-330/07, Rec. p. I-9099, point 17 et jurisprudence y citée).


20 – Arrêts de la Cour du 25 mars 2004, Karner (C-71/02, Rec. p. I-3025, point 21), et du 1er avril 2004, Bellio F.lli (C-286/02, Rec. p. I-3465, point 28).


21 – Voir pages 14 à 29 de l’ordonnance de renvoi.


22 – Voir arrêts Palacios de la Villa (cité à la note 5, point 57), Age Concern England (cité à la note 6, point 45) et Petersen (cité à la note 7, point 40).


23 – Nous ne souhaitons pas approfondir cette question ici et renvoyons aux points 101 à 107 des présentes conclusions.


24 – Voir Wiedemann, H., Thüsing, G., «Der Schutz älterer Arbeitnehmer und die Umsetzung der Richtlinie 2000/78/EG», Neue Zeitschrift für Arbeitsrecht 2002, p. 1234 et suiv., 1238; Bros, C., dans Däubler, W., Bertzbach, M., Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz, Nomos, 2007, «§ 10», point 6.


25 – Dans ce cas, les partenaires sociaux devraient cependant en règle générale – comme c’est a priori le cas en l’occurrence – avoir été spécifiquement habilités par l’État membre. La question se pose alors de savoir si l’article 6, paragraphe 1, de la directive n’a pas déjà été transposé par l’État membre. Sur cette question, voir points 109 et suiv. des présentes conclusions.


26 – Arrêts Palacios de la Villa (cité à la note 5, point 68) et Age Concern England (cité à la note 6, point 51).


27 – Voir arrêt de la Cour du 19 janvier 2010, Kücükdeveci (C-555/07, non encore publié au Recueil, points 37 à 43). Dans cet arrêt, la Cour s’est certes appuyée sur le principe général de non-discrimination en raison de l’âge. Elle semble cependant considérer que la directive 2000/78, acte de droit dérivé, peut concrétiser ce principe du droit primaire de telle manière que celui-ci vient à s’appliquer également dans des cas où la directive ne peut être appliquée entre particuliers. Dans ce type de situation, la Cour semble appliquer aux fins du contrôle du principe général des conditions qui correspondent à celles de la directive 2000/78, ce qui permet d’en tirer des conclusions quant à l’interprétation de la directive. La solidité de la thèse, selon laquelle un principe général du droit ou un droit fondamental peut être concrétisé par un acte de droit secondaire de sorte à s’appliquer, au final, également entre particuliers, nous semble mériter discussion. Il n’est pas nécessaire de mener cette discussion dans le cadre de la présente affaire, l’application du principe général du droit étant en définitive sans incidence.


28 – Bayreuther, F., «Altersgrenzen nach der Palacios-Entscheidung des EuGH», Der Betrieb 2007, p. 2425 et suiv., 2426, relève par ailleurs, à juste titre, que cette approche permet un contrôle clair. Koch, E., «Neujustierung des Verhältnisses zwischen EuGH und nationalen Arbeitsgerichten – oder ein Ausrutscher?», Recht der Arbeit 2008, p. 238 et suiv., 240, critique également la confusion des objectifs d’une convention collective et d’une mesure adoptée au niveau législatif.


29 – Lorsqu’elle vise le pouvoir confié à l’État, la question fait très probablement référence à la déclaration d’application générale.


30 – Voir points 47 et suiv. des présentes conclusions.


31 – Pages 21 et 22 de l’ordonnance de renvoi.


32 – Ibidem.


33 – Voir arrêts Palacios de la Villa (cité à la note 5, points 64 et suiv.) et Petersen (cité à la note 7, point 68).


34 – Arrêt Age Concern England (cité à la note 6, point 43).


35 – Voir amendement du Parlement figurant à la p. 26 du rapport du 21 septembre 2000 sur la proposition de directive du Conseil portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (A5-0264/2000).


36 – Ibidem.


37 – Voir avis de la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures du Parlement, loc. cit., p. 54.


38 – Voir p. 19 à 22 de l’ordonnance de renvoi.


39 – Voir arrêts Palacios de la Villa (cité à la note 5, point 68) et Age Concern England (cité à la note 6, point 51).


40 – Cité à la note 5, point 72.


41 – Cité à la note 7, point 70.


42 – Bredt, S. (cité à la note 3), p. 195 et suiv., avec d’autres références; Temming, F. (cité à la note 3), p. 385; Tissandier, H., «L’actualité de la jurisprudence communautaire et internationale», Revue de jurisprudence sociale 2008, p. 97 et suiv., p. 99; O’Cinneide, C. (cité à la note 3), p. 47.


43 – En ce sens, Koch, E. (cité à la note 28), p. 240. Bredt, S. (cité à la note 3), p. 197 et suiv.


44 – Voir point 82 des présentes conclusions.


45 – Krebber, S., dans Callies, C., et Ruffert, M., EUV/EGV, 3ème édition 2007, «Art. 128 EG», point 6, fait observer à juste titre que les lignes directrices pour l’emploi ont, en vertu de 128 CE, un effet contraignant sur le plan politique, mais non sur le plan juridique, étant donné que les États membres doivent uniquement en tenir compte. Il n’en résulte aucune obligation juridique, la seule sanction prévue par l’article 128, paragraphe 4, CE pour l’hypothèse d’une omission à en tenir compte étant que la Communauté peut émettre des recommandations. Il serait absurde de sanctionner le non-respect d’une obligation par une simple recommandation sans effet contraignant.


46 – Voir points 51 à 55 des présentes conclusions.


47 – Arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, Commission/Italie (235/84, Rec. p. 2291, point 22); du 8 juillet 1999, Fernández de Bobadilla (C-234/97, Rec. p. I-4773, point 19), et du 18 décembre 2008, Ruben Andersen (C-306/07, Rec. p. I-10279, point 26).


48 – Voir arrêt Palacios de la Villa (cité à la note 5, points 70 et 74).


49 – Sur le droit fondamental de libre négociation collective, voir nos conclusions présentées le 14 avril 2010 dans l’affaire Commission/Allemagne (C-271/08, pendante devant la Cour, point 204), ainsi que le libellé de l’article 6 de la charte sociale européenne, de l’article 6 de la charte sociale européenne révisée, du point 12 de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et de l’article 28 de la charte des droits fondamentaux.


50 – Voir Bauer, J., Göpfert, B., Krieger, S., Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz, 2008, «§ 10», point 25, qui font observer que, même lorsque l’exemple est d’application, on ne saurait se dispenser du contrôle de proportionnalité dans le cas concret. Roloff dans Beck’scher Online-Kommentar Arbeitsrecht, à jour au 1er décembre 2009, «§ 10», point 11, relève qu’une justification est possible lorsque les exemples jouent, mais qu’elle n’existe pas nécessairement. Fuchs dans Bamberger, Roth, Beck’scher Online-Kommentar BGB, à jour au 1er novembre 2009, «§ 10 AGG», point 2, souligne qu’il convient toujours, pour chaque point, de vérifier l’objectif légitime, ainsi que le caractère objectif et approprié de la réglementation.


51 – À ce sujet, voir point 56 des présentes conclusions.


52 – Selon Roloff (cité à la note 50), point 11, les exemples de réglementation de l’article 10, troisième phrase, de l’AGG sont des cas, dans lesquels le législation exprime ce qu’il estime être licite et ce qui ne l’est pas, définissant ainsi des objectifs légitimes.


53 – Voir arrêt Palacios de la Villa (cité à la note 5).


54 – Voir points 47 et suiv. des présentes conclusions.


55 – P. 16 à 20 de l’ordonnance de renvoi.


56 – Voir points 74 et suiv. des présentes observations.


57 – Arrêt Age Concern England (cité à la note 6, point 46).


58 – En ce sens déjà Roloff (cité à la note 50), point 11, qui observe que ce type d’objectifs vise au final à ne plus devoir continuer à employer des salariés d’un certain âge.


59 – Arrêt Age Concern England (cité à la note 6, point 46).


60 – Voir réponse de l’organisation patronale à la demande de renseignements de la juridiction de renvoi, annexe 5 aux observations de la partie défenderesse.


61 – Arrêt Palacios de la Villa (cité à la note 5, point 68).


62 – Arrêt Age Concern England (cité à la note 6, point 51), renvoyant à l’arrêt de la Cour du 9 février 1999, Seymour-Smith et Perez (C-167/97, Rec. p. I-623, points 75 et 76).


63 – En ce sens, Bayreuther, F. (cité à la note 28).


64 – Voir points 87 à 96 des présentes conclusions.


65 – Voir point 89 des présentes conclusions.


66 – En ce sens, Bauer, J.-H., Krieger, S., «Das Orakel aus Luxemburg: Altersgrenzen für Arbeitsverhältnisse zulässig – oder doch nicht?», Neue Juristische Wochenschrift, 2007, p. 3672, 3674.


67 – Arrêt Palacios de la Villa (cité à la note 5, points 2, 11, 13, 15, 21, 72 et 75).


68 – Dans l’arrêt Persen (cité à la note 7, points 75 à 77), la Cour a procédé à un contrôle de cohérence.


69 – Arrêt cité à la note 6, point 14.


70 – Voir, dans la version en langue française, «objectivement et raisonnablement justifiées», en langue anglaise «objectively and reasonably justified«», en langue néerlandaise «objectief en redelijk worden gerechtvaardigd», en langue espagnole «justificadas objetiva y razonablemente», en langue italienne «oggettivamente e ragionevolmente giustificate», en langue slovène «objektivno in razumno utemeljujejo».


71 – Arrêt Age Concern England (cité à la note 6, point 46).


72 – Arrêt cité à la note 5, point 73.


73 – Arrêt cité à la note 5.


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