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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Nencini v Parliament (Advocate General's Opinion) (French Text) [2014] EUECJ C-447/13_O (19 June 2014) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2014/C44713_O.html Cite as: [2014] EUECJ C-447/13_O |
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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 19 juin 2014 (1)
Affaire C-447/13 P
Riccardo Nencini
contre
Parlement européen
«Pourvoi - Ancien député du Parlement européen - Indemnités visant à couvrir les frais encourus dans l’exercice des fonctions parlementaires - Créance résultant de l’application de la procédure de répétition de l’indu - Règles de prescription - Article 73 bis du règlement financier - Dies a quo - Article 85 ter des modalités d’exécution - Principe de sécurité juridique - Principe du délai raisonnable»
I - Introduction
1. Par son pourvoi, le requérant, M. Nencini, ancien député du Parlement européen, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Nencini/Parlement (2), par lequel celui-ci a rejeté le recours en annulation dirigé contre la décision du secrétaire général du Parlement européen visant à recouvrer certains frais indûment versés au requérant durant son mandat parlementaire.
2. Ce pourvoi soulève un aspect inédit du droit de l’Union concernant le délai de prescription des créances de l’Union européenne sur des tiers.
3. Les arguments du requérant faisant appel au principe de sécurité juridique révèlent une lacune législative potentielle concernant la prescription de certaines créances de l’Union. L’analyse des conséquences de cette lacune sous l’angle du principe de sécurité juridique soulève une interrogation quant au rôle du juge visant à assurer le respect dudit principe dans le silence de la loi.
II - Le cadre juridique
4. À l’époque des faits, le règlement financier de l’Union était établi par le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 (3) et ses modalités d’exécution par le règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 (4).
5. L’article 73 bis du règlement financier dispose:
«Sans préjudice des dispositions de la réglementation spécifique et de l’application de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés, les créances détenues par les Communautés sur des tiers, ainsi que les créances détenues par des tiers sur les Communautés, sont soumises à un délai de prescription de cinq ans.
La date à retenir pour le calcul du délai de prescription et les conditions d’interruption de ce délai sont fixées dans les modalités d’exécution».
6. L’article 85 ter des modalités d’exécution, intitulé «Règles en matière de délais de prescription», dispose à son paragraphe 1, premier alinéa:
«Le délai de prescription pour les créances détenues par les Communautés sur des tiers commence à courir à compter de la date limite communiquée au débiteur dans la note de débit conformément à l’article 78, paragraphe 3, point b) [des modalités d’exécution]».
III - Les antécédents du litige
7. Le requérant a été membre du Parlement durant la législature 1994-1999.
8. Ainsi qu’il ressort de l’arrêt attaqué, à la suite d’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), le Parlement a, en décembre 2006, engagé une procédure de vérification, puis une procédure de recouvrement de certains frais de voyage et d’assistance parlementaire qui avaient été versés au requérant en violation de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés du Parlement (ci-après la «réglementation FID»).
9. Le 16 juillet 2010, le secrétaire général du Parlement a adopté la décision relative au recouvrement du montant de 455 903,04 euros, rédigée en anglais et communiquée au requérant le 28 juillet 2010. Le 16 août 2010, le requérant a reçu la note de débit du directeur général de la direction générale des finances du Parlement du 4 août 2010 portant sur le montant en question.
10. Le 7 octobre 2010, le secrétaire général du Parlement a adopté une nouvelle décision, rédigée en italien, qui remplaçait celle du 16 juillet 2010. Cette décision a été communiquée au requérant le 13 octobre 2010, accompagnée d’une nouvelle note de débit concernant le même montant et remplaçant celle du 4 août 2010.
IV - La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
11. Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 24 septembre et 10 décembre 2010, le requérant a introduit deux recours distincts tendant, le premier, à l’annulation des actes du Parlement qui lui ont été communiqués les 28 juillet et 16 août 2010 (affaire T-431/10) et, le second, à l’annulation tant de ces derniers actes que de ceux communiqués le 13 octobre 2010 ainsi qu’au renvoi du dossier au secrétaire général du Parlement afin qu’il détermine à nouveau le montant à récupérer (affaire T-560/10).
12. Les demandes en référé introduites par le requérant dans ces deux affaires ont été rejetées par le président du Tribunal (5). Les affaires T-431/10 et T-560/10 ont été jointes par le Tribunal aux fins de l’ensemble de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt.
13. Lors de l’audience du 18 avril 2012, le requérant s’est désisté du recours dans l’affaire T-431/10.
14. Aux points 22 à 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a déclaré recevable le recours introduit dans l’affaire T-560/10 en ce qu’il tendait à l’annulation de la décision du secrétaire général du Parlement du 7 octobre 2010 (ci-après la «décision attaquée»).
15. À l’appui dudit recours, le requérant invoquait, en substance, quatre moyens, tirés, premièrement, de la prescription, deuxièmement, des violations du principe du contradictoire et du principe de la protection juridique effective, troisièmement, de violations de la réglementation FID et, quatrièmement, d’une violation du principe de proportionnalité.
16. Aux points 34 à 54 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné et rejeté le premier moyen tiré de la prescription.
17. Le Tribunal a considéré, en premier lieu, que la prescription quinquennale visée à l’article 73 bis du règlement financier doit être calculée, compte tenu de l’article 85 ter des modalités d’exécution, à partir de la date limite communiquée au débiteur dans la note de débit. En l’espèce, compte tenu de la date du 20 janvier 2011 qui a été communiquée au requérant dans la note de débit du 13 octobre 2010, le délai de prescription n’était pas expiré.
18. En deuxième lieu, le Tribunal a examiné le premier moyen du requérant en ce qu’il était tiré de la violation du principe du délai raisonnable.
19. À cet égard, le Tribunal a indiqué que la procédure engagée par le Parlement aurait pu être diligentée plus tôt, eu égard notamment à la durée qui s’était écoulée entre la fin du mandat parlementaire du requérant et la date d’adoption de la décision attaquée, au fait que des pièces comptables pertinentes étaient déjà en possession du Parlement ainsi qu’au fait que l’attention de ce dernier aurait dû être attirée par une lettre du requérant sollicitant une clarification des modalités de remboursement des frais en question.
20. Le Tribunal a ainsi constaté que le Parlement avait manqué aux obligations résultant du principe du délai raisonnable, tout en indiquant qu’une violation de ce principe ne saurait emporter l’annulation d’un acte que si ladite violation a affecté l’exercice des droits de la défense de son destinataire. Or, en l’espèce, le requérant n’avait fait valoir aucun argument faisant état d’une atteinte portée à ses droits de la défense du fait de la violation du principe du délai raisonnable. La violation par le Parlement du principe du délai raisonnable ne pouvait donc emporter l’annulation de la décision attaquée.
21. Aux points suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le deuxième moyen comme étant inopérant (points 55 à 63) ainsi que les troisième et quatrième moyens comme étant non fondés (respectivement, points 64 à 101 et 102 à 113).
22. Par conséquent, le Tribunal a, d’une part, radié l’affaire T-431/10 du registre en ordonnant que chaque partie supporte ses propres dépens et, d’autre part, rejeté le recours dans l’affaire T-560/10 et condamné le requérant aux dépens dans ladite affaire, y compris les dépens de la procédure en référé.
V - Les conclusions des parties
23. Par son pourvoi, le requérant demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et, si le pourvoi est accueilli, à titre préliminaire, d’annuler la décision attaquée ou, à titre subsidiaire, de déterminer en équité le montant à récupérer ou de renvoyer le dossier devant le secrétaire général du Parlement pour une telle détermination.
24. En outre, le requérant demande à la Cour que le Parlement soit condamné aux dépens dans les affaires T-431/10 et T-561/10 ainsi qu’aux dépens du pourvoi.
25. Le Parlement demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner le requérant aux dépens.
VI - Analyse
26. Le requérant soulève cinq moyens de pourvoi, dont les quatre premiers ont un certain lien avec les quatre moyens soulevés en première instance.
27. Ainsi, le premier moyen est tiré de la violation des règles de prescription et des principes de sécurité juridique, de raison et d’effectivité. Dans le cadre de ce moyen, le requérant invoque une exception d’illégalité dirigée contre l’article 85 ter des modalités d’exécution et, à titre subsidiaire, également contre l’article 73 bis du règlement financier.
28. Le deuxième moyen du pourvoi est tiré de la violation des principes du contradictoire et de la protection juridique effective, le troisième, de l’application erronée de la réglementation FID et le quatrième, de la violation du principe de proportionnalité lors de la détermination du montant à récupérer. Enfin, par le cinquième moyen, le requérant conteste la mise à sa charge de l’ensemble des dépens dans l’affaire T-560/10 et d’une partie des dépens dans l’affaire T-431/10.
29. Le Parlement conteste ces moyens en soutenant qu’ils sont irrecevables ou qu’ils ne sont pas fondés.
30. Je concentrerai mon analyse sur le premier moyen, les autres moyens du pourvoi devant, pour les raisons que j’expliciterai brièvement par la suite, être écartés d’emblée pour irrecevabilité ou pour défaut de fondement.
A - Sur le premier moyen, tiré de la violation des règles de prescription et des principes de sécurité juridique, de raison et d’effectivité
31. Le premier moyen, qui vise les motifs énoncés aux points 34 à 54 de l’arrêt attaqué, s’articule, en substance, en trois branches.
32. En premier lieu, le requérant soutient que le Tribunal a retenu une interprétation erronée de l’article 85 ter des modalités d’exécution, en considérant que le délai de prescription commence à courir à compter de la date communiquée au débiteur dans la note de débit. Sauf à méconnaître les principes de sécurité juridique et de la protection juridique effective, le délai de prescription ne saurait commencer à courir à partir d’une date qui reste à définir librement par le créancier, à savoir le jour où le créancier invoque la créance. Selon le requérant, le délai visé à l’article 85 ter des modalités d’exécution, interprété à la lumière du principe de sécurité juridique, doit être considéré comme étant «un autre délai quinquennal», qui court à compter de l’envoi de la note de débit et qui s’ajoute au délai de prescription proprement dit, visé à l’article 73 bis du règlement financier. Ce dernier délai court, selon lui, à compter du moment où le droit peut être exercé.
33. En deuxième lieu, pour le cas où l’interprétation explicitée au point précédent ne convaincrait pas la Cour, le requérant invoque une exception d’illégalité de l’article 85 ter des modalités d’exécution, au motif qu’il est contraire à l’article 73 bis du règlement financier. À titre subsidiaire, il excipe de l’illégalité tant de l’article 85 ter des modalités d’exécution que de l’article 73 bis du règlement financier, du fait de la méconnaissance du «fondement juridique essentiel» de la prescription ainsi que de la violation des principes de sécurité juridique et des droits de la défense.
34. En troisième lieu, le requérant reproche au Tribunal d’avoir examiné, à tort, en tant que moyen autonome, son argument tiré de la violation du délai raisonnable. Selon le requérant, le Tribunal, au lieu de répondre à son argument tiré de la violation des règles de prescription et de la nécessité de procéder à une interprétation conforme de l’article 85 ter des modalités d’exécution, a examiné ces arguments comme portant sur la violation du délai raisonnable en tant que corollaire du principe de bonne administration.
35. J’examinerai les trois branches du moyen dans le même ordre.
1. Sur la première branche, tirée de l’interprétation erronée des règles relatives à la prescription
a) Sur l’institution de la prescription
36. Aux termes de l’article 73 bis du règlement financier, les créances des tiers sur l’Union ainsi que celles de l’Union sur des tiers sont soumises à un délai de prescription de cinq ans.
37. Cette disposition instaure, en droit de l’Union, une prescription extinctive des créances applicable de manière générale et sans préjudice de règles spéciales, qui pourrait donc être comparée à un délai de prescription de droit commun dans les ordres juridiques nationaux (6).
38. La prescription extinctive des créances est une institution juridique connue de la plupart des systèmes juridiques contemporains. Elle est, à ma connaissance, présente, sans exception, dans les ordres juridiques de tous les États membres.
39. Il convient de rappeler, à cet égard, les fondements axiologiques de la prescription en tant qu’institution du droit moderne (7).
40. Premièrement, dans l’intérêt de l’ordre public, le système juridique doit être construit de manière à éviter la remise en cause des situations factuelles de longue durée. Ces situations sont d’ailleurs plus souvent conformes au droit que l’inverse. Leur contestation, compte tenu de l’incertitude des preuves, risque donc de conduire à des solutions injustes. En outre, l’écoulement du temps doit mener à la légalisation même des situations contraires au droit. En effet, après une longue période d’inaction, la personne soumise à une obligation peut ne plus être tenue de compter avec le fait qu’elle sera obligée de l’exécuter. Le passage du temps implique des difficultés de preuve, les personnes concernées ne pouvant être obligées de conserver les preuves indéfiniment. Enfin, la prescription incite le créancier à agir avec célérité pour faire valoir ses droits.
41. Ainsi, l’objectif de la prescription, outre son rôle de stabilisateur, réside, d’une part, dans la stigmatisation de l’indolence du créancier qui ne fait pas preuve de diligence pour faire valoir ses droits. D’autre part, la prescription vise à limiter le contentieux lié à des litiges anciens, qui impliquent un risque élevé de solutions arbitraires en raison des difficultés de preuve.
42. Cela étant dit, cette institution est régie de manière différente dans les divers systèmes juridiques et, même au sein d’un même système juridique, pour différentes catégories de créances (8).
43. Il convient encore d’observer que l’institution de la prescription ne consiste pas uniquement en un délai, mais inclut l’ensemble des conditions entourant son application, notamment, le dies a quo, les modalités de calcul du délai, les causes de suspension et d’interruption, la possibilité de modification du délai par les parties, les effets de l’expiration du délai, etc.
44. L’ensemble de ces modalités, qui peuvent être prévues par différentes dispositions, forme un tout indivisible. Seul l’ensemble de la réglementation permet d’apprécier la portée réelle de la prescription (9).
b) Sur l’interprétation de l’article 73 bis du règlement financier et de l’article 85 ter des modalités d’exécution
45. En l’espèce, l’interprétation de la prescription quinquennale implique une lecture conjointe des dispositions du règlement financier et des modalités d’exécution.
46. Cette lecture conjointe résulte du fait que l’article 73 bis du règlement financier définit les créances visées par la prescription et instaure le délai de cinq ans, mais délègue à la Commission européenne la tâche de déterminer les modalités de son application, telles que la date de départ du délai et les conditions de son interruption. Ces modalités sont réglementées par l’article 85 ter des modalités d’exécution.
47. S’agissant du dies a quo, aux termes de l’article 85 ter, paragraphe 1, premier alinéa, des modalités d’exécution, le délai de prescription pour les créances de l’Union sur des tiers court à partir de la «date limite communiquée au débiteur dans la note de débit».
48. J’observe qu’il ressort clairement de la lecture conjointe des dispositions citées ci-dessus que, pour ce qui est des créances de l’Union sur des tiers, le délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 73 bis du règlement financier commence à courir à la date limite indiquée dans la note de débit.
49. Cette interprétation est corroborée par l’objectif de l’article 73 bis du règlement financier ainsi que par son contexte normatif.
50. Je relève que l’article 73 bis du règlement financier a été inclus dans la section intitulée «Recouvrement» de la première partie, titre IV, chapitre 5, de ce règlement, qui régit les pouvoirs du comptable de l’Union dans le cadre de la procédure de recouvrement. Il ressort des motifs de l’acte modificatif ayant inséré ledit article 73 bis dans le règlement financier que cette nouvelle disposition vise notamment à limiter dans le temps la possibilité de recouvrer les créances de l’Union sur des tiers, afin de satisfaire au principe de bonne gestion financière (10). Or, l’instauration d’un délai qui court à partir de la date déterminée au début de la procédure de recouvrement et qui encadre cette procédure répond audit objectif consistant à promouvoir le principe de bonne gestion financière.
51. Cette interprétation, selon laquelle le délai en cause court à partir de la date indiquée dans la note de débit, a été également retenue dans l’arrêt attaqué.
52. En effet, le Tribunal a considéré, aux points 39 et 40 de l’arrêt attaqué, que, en vertu des dispositions pertinentes du règlement financier et des modalités d’application, le délai de prescription a commencé à courir en l’espèce le 20 janvier 2011, à savoir à la date limite communiquée au requérant dans la note de débit qui lui a été adressée par le Parlement le 13 octobre 2010. À la date de l’adoption de la décision attaquée, soit le 7 octobre 2010, ce délai n’avait pas commencé à courir et, par conséquent, la prescription n’était pas acquise en l’espèce.
53. Le requérant prétend que cette constatation du Tribunal repose sur une erreur d’interprétation de l’article 85 ter, paragraphe 1, premier alinéa, des modalités d’exécution. Selon le requérant, cette disposition, en ce qu’elle se réfère à la date communiquée dans la note de débit, doit être considérée comme visant «un autre délai quinquennal» que le délai de prescription proprement dit, qui, quant à lui, devrait courir à partir du jour où la créance peut être invoquée.
54. Or, j’observe que l’interprétation avancée par le requérant n’est aucunement corroborée par les termes de l’article 73 bis du règlement financier, lesquels se réfèrent clairement, en ce qui concerne les créances de l’Union sur des tiers, à un seul délai de cinq ans.
55. En outre, l’approche proposée par le requérant me semble mettre en cause la légalité de l’article 85 ter, paragraphe 1, premier alinéa, des modalités d’exécution et conduire potentiellement à une interprétation contra legem.
56. En effet, supposer que, en adoptant l’article 85 ter des modalités d’exécution, la Commission a instauré des modalités relatives à «un autre délai quinquennal» que celui visé à l’article 73 bis du règlement financier, comme le propose le requérant, reviendrait à dire que lesdites modalités sont entachées d’illégalité, en ce qu’elles s’écartent de la délégation prévue audit article 73 bis, deuxième alinéa.
57. Dès lors, je considère que les dispositions en cause ne se prêtent pas à l’interprétation proposée par le requérant et que le Tribunal a jugé à bon droit que le délai en cause court à partir de la date limite indiquée dans la note de débit.
c) Sur les conséquences de l’interprétation sous l’angle du principe de sécurité juridique
58. Quelles sont les conséquences de l’interprétation que j’ai proposée au regard du principe de sécurité juridique invoqué par le requérant?
59. Je tiens à souligner que, à mon avis, ce principe s’oppose à ce que l’action résultant d’une créance puisse être perpétuée dans le temps sans limitation. Une telle situation porterait atteinte au rôle de stabilisateur du système juridique ainsi qu’à l’équilibre entre les intérêts légitimes respectifs des débiteurs et des créanciers. C’est en ce sens qu’il est permis de dire que la prescription extinctive constitue un «principe» commun des systèmes juridiques modernes.
60. La réponse à la question de savoir si le délai de prescription résultant de l’interprétation donnée dans l’arrêt attaqué permet d’assurer les intérêts du débiteur en termes de sécurité juridique dépend de la relation entre le moment où la créance de l’Union devient exigible et le moment où elle est constatée au moyen de l’adoption d’un acte administratif.
61. Il convient d’observer que, dans l’économie de l’article 60 du règlement financier, l’exécution des recettes de l’Union comprend notamment la constatation de la créance et son recouvrement.
62. En vertu de l’article 71, paragraphe 2, dudit règlement, toute créance de l’Union identifiée comme certaine, liquide et exigible doit être constatée par un ordre de recouvrement, suivi d’une note de débit adressée au débiteur.
63. L’article 78, paragraphe 1, des modalités d’exécution définit la constatation d’une créance, par l’ordonnateur de l’Union, comme la «reconnaissance du droit de l’Union sur un débiteur et l’établissement du titre à exiger de ce débiteur le paiement de sa dette». Il ressort du paragraphe 3 du même article que la note de débit est un acte par lequel cette constatation est portée à la connaissance du débiteur. La note de débit indique la date limite pour le paiement, après laquelle l’institution procède au recouvrement de la créance et les intérêts de retard deviennent exigibles.
64. J’observe, à cet égard, qu’il ne saurait être exclu que certaines créances de l’Union ne deviennent exigibles qu’à la suite de l’acte qui constate la créance conformément à l’article 71, paragraphe 2, du règlement financier.
65. À ce titre, l’acte qui constate la créance et qui est communiqué au débiteur par le biais de la note de débit pourrait, pour certaines créances, être considéré comme un acte constitutif faisant naître le droit de l’Union d’invoquer la créance à l’encontre du tiers concerné (11).
66. Pour ces créances, le délai de prescription visé à l’article 73 bis du règlement financier et à l’article 85 ter des modalités d’exécution, qui commence à courir à la date indiquée dans la note de débit, constitue un moyen adéquat de protéger les intérêts du débiteur. En effet, pour ces créances, la date de communication de la note de débit est très proche de celle où elles deviennent exigibles.
67. Il ne fait pas de doute, néanmoins, que d’autres créances de l’Union sont déjà exigibles au moment de l’adoption de l’acte constatant la créance, lequel constitue, à cet égard, un acte déclaratif.
68. Pour ces dernières créances, le délai prévu à l’article 73 bis du règlement financier et à l’article 85 ter des modalités d’exécution est insuffisant en tant qu’instrument de protection des intérêts du débiteur résultant du principe de sécurité juridique, étant donné qu’il commence à courir à la date choisie par le créancier, laquelle n’a aucun lien avec le moment où la créance naît ou devient exigible.
69. Il existe donc une lacune en droit de l’Union qui pourrait créer un risque que certaines créances de l’Union se perpétuent indéfiniment dans le temps, étant donné que le délai de prescription ne commence à courir qu’à partir du moment où elles sont constatées et mises en recouvrement conformément à la procédure prévue par le règlement financier.
70. La portée de cette lacune semble être relativement limitée en raison de la spécificité des relations juridiques de l’Union en tant que créancier.
71. Tout d’abord, ainsi que je l’ai déjà indiqué, pour les créances qui ne deviennent exigibles qu’à partir de leur constatation par l’ordonnateur de l’Union, le délai de prescription qui court à partir de la date indiquée dans la note de débit semble être adéquat.
72. En outre, en ce qui concerne les créances résultant de sanctions et de mesures punitives, la sécurité juridique des particuliers est assurée par l’existence des délais spéciaux qui encadrent l’exercice du pouvoir de sanction (12).
73. Par ailleurs, les créances résultant des relations contractuelles de l’Union peuvent être soumises aux règles de prescription contenues dans la loi applicable désignée par les parties au contrat ou par les règles de conflit. Enfin, les créances détenues par l’Union sur des tiers en conséquence d’un délit peuvent également être soumises au droit national désigné par les règles de conflit de lois (13).
74. Il n’en demeure pas moins que certaines créances de l’Union, comme celle visée en l’espèce, ne relèvent d’aucune de ces hypothèses et risquent donc de persister indéfiniment jusqu’à ce que l’institution de l’Union constate de manière déclarative leur existence et procède à leur recouvrement.
d) Sur l’existence de la lacune législative
75. Selon moi, il s’agit d’une lacune à laquelle il ne peut être remédié par la voie de l’interprétation du règlement financier et des modalités d’exécution.
76. À cet égard, le requérant propose d’interpréter les dispositions en cause comme instituant une «double» prescription, composée de deux délais ayant, chacun, un point de départ différent: pour l’un, la date où la créance peut être invoquée et, pour l’autre, la date indiquée dans la note de débit.
77. À mon sens, cette approche signifierait, en réalité, que le juge devrait s’écarter du texte normatif et instaurer un nouveau délai de prescription, en sus de celui prévu par le règlement financier et les modalités d’exécution.
78. Je reste convaincu que le juge de l’Union doit pleinement assumer son rôle afin de condamner les violations du principe de sécurité juridique dans les cas individuels dont il est saisi.
79. Néanmoins, je ne pense pas que ce rôle puisse légitimement aller jusqu’à instaurer un nouveau délai de prescription.
80. À mon avis, l’instauration du délai de prescription relève de la compétence propre au législateur.
81. Cette considération s’appuie sur plusieurs raisons. Afin de déterminer le délai de prescription, le législateur doit mettre en balance la sécurité juridique du débiteur avec l’intérêt légitime du créancier à ce que la légalité soit restaurée. Pour déterminer un délai précis, cette mise en balance doit s’effectuer in abstracto, et non pour un litige concret. Sauf à compromettre les attentes légitimes du créancier, le délai de prescription ainsi que l’ensemble de ses modalités d’application doivent être établis et connus à l’avance. Par ailleurs, l’instauration d’un délai de prescription nécessite la détermination de l’ensemble des conditions entourant son application.
82. Ces considérations s’appliquent avec la même force à la compétence relative à la détermination du point de départ du délai de prescription.
83. En effet, l’identification du point de départ constitue un instrument de calibrage, aussi important que le délai de prescription lui-même, qui permet d’assurer un équilibre entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur.
84. Cet équilibre peut être défini différemment dans le cadre des responsabilités contractuelle et extracontractuelle.
85. D’une part, pour les créances résultant de la violation d’une clause contractuelle, le délai de prescription commence à courir, en règle générale, au moment où la créance devient exigible, ce qui coïncide habituellement avec la date à laquelle la violation s’est produite.
86. D’autre part, pour les créances résultant d’un délit, il convient de tenir compte du fait que le créancier peut ne pas être immédiatement conscient du fait commis ou même ne pas être conscient d’avoir subi un dommage. En outre, il peut ne pas être en possession de toutes les informations nécessaires pour exercer une action.
87. Pour ces dernières créances, la détermination du point de départ du délai de prescription est une question plus délicate, qui est résolue de manière variable par les législateurs des différents États membres.
88. Dans les différents systèmes juridiques, ce point de départ peut être fixé a tempore facti, à savoir à la date à laquelle le fait a été commis ou à laquelle le dommage est apparu, ou bien il peut être reporté a tempore scientiae. Ce dernier moment peut à son tour être identifié différemment: ce peut être le jour où le fait ou le dommage a été découvert par le créancier, le jour où le fait ou le dommage a raisonnablement dû être découvert, le jour où le créancier a acquis une certitude quant au lien de causalité entre le fait et le dommage, voire celui où il a connu ou a dû connaître l’identité de la personne responsable (14). Le critère de la prise de connaissance implique, en outre, la détermination du niveau d’information suffisant pour déclencher l’ouverture du délai (15). Par ailleurs, certains systèmes juridiques établissent un point de départ différent pour les créances résultant d’un acte fautif intentionnel ou d’actes susceptibles de poursuites pénales (16).
89. Le choix entre ces diverses possibilités est un exercice d’équilibrage des intérêts qui, selon moi, relève clairement de la fonction du législateur.
90. Pour l’ensemble de ces raisons, je considère qu’il n’est pas envisageable d’instaurer un délai de prescription ni son point de départ par voie juridictionnelle. Indépendamment même du nombre de solutions possibles, le délai de prescription et son point de départ doivent être connus du créancier à l’avance.
91. Dans certains cas exceptionnels, le juge peut moduler le délai de prescription ou les modalités de son application (17), mais, comme je viens de le souligner, la possibilité d’instaurer un tel délai ou de telles modalités me semble ne pas relever du rôle d’une juridiction.
92. Je considère que l’absence de délai susceptible d’éteindre certaines créances de l’Union avant qu’elles ne soient constatées par le créancier est déplorable du point de vue du principe de sécurité juridique.
93. Néanmoins, il incombe au législateur d’y remédier en modifiant les règles d’application du règlement financier.
e) Sur le principe du délai raisonnable
94. Dans cette situation, porteuse d’insécurité juridique, le juge de l’Union doit, à mon avis, recourir à tout instrument qui relève de ses compétences afin d’assurer le plein respect du principe de sécurité juridique dans le litige dont il est saisi.
95. Je pense à cet effet aux divers concepts de droit liés à l’écoulement du temps, qui peuvent varier selon l’ordre juridique, mais qui sont, à l’instar de l’institution de la prescription, des corollaires du principe de sécurité juridique.
96. En droit de l’Union, s’agissant des relations juridiques entre les institutions de l’Union et les débiteurs particuliers, ce rôle d’une «solution de secours» est, à mon sens, le plus adéquatement rempli par le principe du délai raisonnable.
97. Selon ce principe, dont le rôle transversal a été confirmé à maintes reprises (18), dans l’hypothèse où un délai légal n’est pas prévu, les institutions de l’Union sont tenues de respecter un délai raisonnable dans tous leurs agissements.
98. Ce délai raisonnable dépend des circonstances de l’espèce et ne peut pas être fixé par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite. Son application doit viser à protéger, au cas par cas, la sécurité juridique des particuliers dans leurs relations avec l’Union, lorsqu’un délai légal fait défaut (19).
99. Je tiens à souligner que l’application du principe du délai raisonnable n’est pas susceptible de garantir le même degré de sécurité juridique et de prévisibilité des situations juridiques que le délai de prescription légal, dont la durée et les conséquences de l’écoulement sont déterminées à l’avance.
100. Néanmoins, en l’absence de délai légal adéquat, le recours au principe du délai raisonnable me semble être l’instrument approprié pour permettre d’éviter, dans le cadre d’un litige donné, qu’une lacune législative en matière de prescription ne porte atteinte aux intérêts légitimes du débiteur de l’Union.
101. En l’espèce, en situant son contrôle sous l’angle dudit principe, le Tribunal a donc répondu aux allégations du requérant sur un terrain qui, à la fois, était approprié au rôle du juge et permettait d’assurer la protection des intérêts légitimes sous-tendant l’argument du requérant.
102. Par ailleurs, dans son pourvoi, le requérant ne critique pas les considérations retenues par le Tribunal dans le cadre de cet examen.
103. Notamment, le requérant ne conteste pas le motif du point 51 de l’arrêt attaqué, qui rappelle une considération bien établie dans la jurisprudence de la Cour selon laquelle la constatation d’une violation du principe du délai raisonnable ne peut conduire à l’annulation d’un acte que si la durée des agissements de l’institution a eu une incidence possible sur l’issue de la procédure ayant abouti à l’adoption de cet acte. Tel est le cas, notamment, si les droits de la défense du destinataire sont potentiellement compromis (20). Or, le requérant ne conteste pas la constatation du Tribunal selon laquelle il n’avait pas établi en l’espèce l’existence d’une atteinte à ses droits de la défense.
104. À la lumière de l’ensemble de ces observations, je considère que la première branche du premier moyen du requérant, tirée d’une erreur d’interprétation, n’est pas fondée.
2. Sur la deuxième branche, reposant sur une exception d’illégalité
105. Le requérant soutient que l’article 85 ter des modalités d’exécution et, à titre subsidiaire, également l’article 73 bis du règlement financier sont entachés d’illégalité.
106. Je rappelle qu’un moyen présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi devant la Cour doit être rejeté comme irrecevable, sauf lorsqu’il s’agit d’un moyen que le Tribunal aurait dû soulever d’office.
107. En effet, conformément à notre jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (21).
108. Or, ainsi qu’il résulte du dossier, le requérant n’a pas fait valoir, devant le Tribunal, l’illégalité de l’article 73 bis du règlement financier ni celle de l’article 85 ter des modalités d’exécution.
109. En outre, dans son pourvoi, le requérant n’invoque aucun argument tiré de la violation, par le Tribunal, de l’obligation de soulever un moyen d’ordre public.
110. Je considère donc que l’exception d’illégalité invoquée par le requérant en l’espèce se heurte à l’interdiction des nouveaux moyens au stade du pourvoi et, partant, est irrecevable.
3. Sur la troisième branche, relative à la portée de l’examen par le Tribunal
111. Le requérant soutient, en substance, que le Tribunal a, à tort, examiné la violation du principe du délai raisonnable au lieu de répondre à son argument principal tiré de la violation des règles de prescription.
112. Cet argument soulève, en réalité, deux problématiques distinctes. Premièrement, il porte sur la question de savoir si le Tribunal a répondu à l’argument invoqué par le requérant en première instance. Deuxièmement, il se pose la question de savoir si c’est à bon droit que le Tribunal a examiné cet argument sous l’angle du respect du principe du délai raisonnable.
113. En premier lieu, en ce qui concerne le prétendu défaut de réponse, je rappelle que le Tribunal n’est pas tenu de répondre explicitement à tous les arguments soulevés par les parties au litige. En effet, la motivation apportée dans l’arrêt du Tribunal peut être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (22).
114. En l’espèce, ainsi qu’il ressort du dossier, le requérant a soutenu devant le Tribunal qu’il existe un principe général de droit selon lequel la prescription commence à courir au moment où le créancier peut faire valoir sa créance. Selon le requérant, ce principe, commun aux systèmes juridiques des États membres, devait conduire le Tribunal à écarter toute autre interprétation des règles de prescription en cause.
115. Or, le Tribunal a implicitement, mais nécessairement, rejeté cette argumentation aux points 38 à 42 de l’arrêt attaqué.
116. En effet, s’agissant du moyen tiré de la violation des règles de prescription quinquennale, le Tribunal a indiqué que l’article 73 bis du règlement financier, invoqué par le requérant, renvoie à la date fixée dans les modalités d’exécution et doit ainsi être lu en combinaison avec ces dernières. Ensuite, le Tribunal a procédé à une interprétation de la prescription quinquennale à la lumière de l’article 85 ter des modalités d’exécution, en constatant que le délai de prescription court, ainsi qu’il ressort explicitement dudit article, à partir de la date limite indiquée dans la note de débit.
117. Je considère donc que la présente branche du premier moyen du pourvoi n’est pas fondée, pour ce qui est du prétendu défaut de réponse à un argument soulevé en première instance.
118. En second lieu, le reproche formulé par le requérant concerne la pertinence de l’analyse fondée sur le principe du délai raisonnable.
119. Or, d’une part, même à supposer que le Tribunal ait pu se dispenser d’examiner le respect du principe du délai raisonnable en tant que moyen distinct d’annulation, cela signifierait seulement que l’arrêt attaqué contient des motifs surabondants, ce qui n’est pas susceptible de conduire à son annulation. D’autre part, ainsi que je l’ai déjà observé dans le cadre de l’analyse de la première branche du présent moyen (23), c’est à bon droit que le Tribunal a examiné l’argument du requérant sur le terrain du principe du délai raisonnable.
120. Selon moi, l’argument du requérant tiré du caractère inapproprié de l’examen du délai raisonnable de même que la troisième branche du premier moyen du pourvoi dans son ensemble doivent être écartés.
121. À l’issue de cette analyse, je considère que le premier moyen du pourvoi ne saurait prospérer.
B - Sur les deuxième à cinquième moyens
122. Par son deuxième moyen de pourvoi, le requérant reproche au Tribunal d’avoir dénaturé le deuxième moyen du recours, selon lequel le requérant n’avait pas pu présenter ses observations sur tous les points qui avaient servi de base à la décision attaquée.
123. J’observe que le requérant omet de préciser clairement en quoi consisterait la prétendue dénaturation, mais renvoie de manière globale à l’exposé des faits du litige. Ses allégations dans le cadre du deuxième moyen du pourvoi sont donc, d’emblée, insuffisamment étayées.
124. Par son troisième moyen de pourvoi, le requérant soutient que, dans le cadre du rejet de l’argumentation relative à la détermination du domicile aux fins du remboursement des frais de voyage, le Tribunal était tenu de préciser le contenu de la notion de domicile au sens du droit de l’Union. En outre, selon le requérant, le Tribunal ne pouvait exclure toute possibilité de régularisation de l’irrégularité commise dans la désignation des bénéficiaires des indemnités, alors que les faits allégués établissaient le caractère purement formel de cette irrégularité.
125. Selon moi, par ces allégations, bien que formulées sous l’angle d’une erreur d’interprétation de la réglementation FID, le requérant cherche, en réalité, à obtenir une nouvelle appréciation des faits, ce qui échappe à la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (24). Dès lors, le troisième moyen du pourvoi est irrecevable.
126. Le quatrième moyen du pourvoi, invoqué à titre subsidiaire, est tiré de la violation du principe de proportionnalité. Le requérant soutient que, si les créances du Parlement devaient être justifiées dans leur principe, elles devraient être modulées dans leur montant pour tenir compte de la bonne foi du requérant et des circonstances concrètes du cas d’espèce.
127. Ainsi, le requérant réitère, en substance, les arguments qui ont été examinés et rejetés par le Tribunal aux points 102 à 113 de l’arrêt attaqué et ne soulève aucune erreur de droit entachant les motifs de l’arrêt attaqué. Selon moi, le quatrième moyen est, de ce fait, irrecevable (25).
128. Enfin, le cinquième moyen du pourvoi concerne uniquement la charge des dépens dans les deux affaires jointes devant le Tribunal.
129. Je rappelle que, aux termes de l’article 58, second alinéa, du statut de la Cour de justice, un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dépens. Selon une jurisprudence bien établie, cette règle s’applique aux conclusions concernant la prétendue irrégularité de la décision du Tribunal sur les dépens, dans l’hypothèse où tous les autres moyens d’un pourvoi ont été rejetés (26).
130. Dès lors, si la Cour suit ma proposition de rejeter les quatre premiers moyens du pourvoi, il n’y aura pas lieu d’examiner le cinquième moyen du pourvoi tiré de la prétendue irrégularité commise par le Tribunal lors de la répartition des dépens de l’instance.
131. Par conséquent, je propose de rejeter les deuxième à cinquième moyens et de rejeter ainsi le pourvoi dans son ensemble.
132. Le requérant ayant succombé en ses moyens, je propose, en application des articles 184, paragraphe 1, et 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.
VII - Conclusion
133. Au vu de tout ce qui précède, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner M. Riccardo Nencini aux dépens.
1 - Langue originale: le français.
2 - T-431/10 et T-560/10, EU:T:2013:290 (ci-après l’«arrêt attaqué»).
3 - Règlement du Conseil du 25 juin 2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO L 390, p. 1, ci-après le «règlement financier»).
4 - Règlement de la Commission du 23 décembre 2002 établissant les modalités d’exécution du règlement n° 1605/2002 (JO L 357, p. 1), dans sa version modifiée par le règlement (CE, Euratom) n° 478/2007 de la Commission, du 23 avril 2007 (JO L 111, p. 13, ci-après les «modalités d’exécution»).
5 - Respectivement, ordonnances Nencini/Parlement du 19 octobre 2010 (T-431/10 R, EU:T:2010:441) et du 16 février 2011 (T-560/10 R, EU:T:2011:40).
6 - Il convient encore de distinguer ledit article 73 bis d’autres dispositions d’actes de l’Union qui instaurent des prescriptions relatives au pouvoir d’imposer des sanctions ou d’autres mesures punitives. Voir, en matière de sanctions imposées au titre des violations des articles 101 TFUE et 102 TFUE, article 25 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et, en matière de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, article 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1).
7 - Ces fondements ont été établis par Friedrich Carl von Savigny dans son System des heutigen römischen Rechts (Band 5., Berlin 1841, p. 267). Je cite d’après Kordasiewicz, B., Problematyka dawności, in: System prawa prywatnego, Tom 2, Prawo cywilne - Część ogólna, Varsovie, CH Beck, Instytut Nauk Prawnych PAN 2012, p. 576.
8 - Pour une analyse de droit comparatif, voir Hondius, E. W. (ed.), Extinctive prescription: on the limitation of actions: reports to the XIVth Congress, International Academy of Comparative Law, Athènes 1994, et Zrałek, J., Przedawnienie w międzynarodowym obrocie handlowym, Zakamycze - Cracovie, 2005.
9 - Ainsi, Hondius (op. cit., p. 8) cite plusieurs facteurs différents ayant une influence sur la portée de la prescription, en concluant qu’une discussion limitée à un seul aspect de la prescription, tel que le délai, n’a pas de sens. En droit international privé, le recours à l’exception d’ordre public, en raison du caractère inadéquat du délai de prescription résultant de la lex causae, est limité à des hypothèses exceptionnelles et nécessite la prise en considération de l’ensemble des dispositions ayant une influence sur la durée du délai (voir Zrałek, op. cit., p. 150).
10 - Voir considérant 26 du règlement (CE, Euratom) n° 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006, modifiant le règlement n° 1605/2002 (JO L 390, p. 1).
11 - Voir, par exemple, arrêt Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (T-552/11, EU:T:2013:349, points 46 et 72). Le Tribunal a constaté que, pour qu’une créance exigible puisse naître en vertu du contrat en cause, conclu entre la Commission et un tiers, la Commission devait notamment avoir spécifié les conditions de remboursement de la somme indûment payée, ce qu’elle a fait dans une note de débit. Cela signifie que, dans le cas d’espèce, la créance n’est devenue exigible qu’à partir de l’envoi de la note de débit.
12 - Voir note 6 en bas de page ci-dessus.
13 - En l’absence d’harmonisation du droit de la responsabilité extracontractuelle, le droit national pourrait être applicable aux créances résultant d’un délit qui cause un dommage à l’Union. Voir également le recours en dommages-intérêts intenté par la Commission devant une juridiction belge, concernant le préjudice subi du fait d’une entente entre plusieurs fabricants d’ascenseurs. Ce recours a impliqué une demande de décision préjudicielle qui a donné lieu à l’arrêt Otis e.a. (C-199/11, EU:C:2012:684).
14 - Voir Hondius in Hondius (ed.), op. cit., p. 21, faisant référence aux rapports nationaux contenus dans l’ouvrage, et Zrałek, op. cit., p. 59.
15 - Par exemple, la doctrine polonaise s’accorde sur le fait qu’une information quelconque sur la personne responsable ne suffit pas, et que le créancier doit disposer d’une information provenant d’une source compétente et ayant une portée telle qu’elle permet d’attribuer, avec un degré de probabilité suffisant, la commission des faits à une personne connue. Voir Kordasiewicz, op. cit., p. 612.
16 - À titre d’exemple, l’article 4421, paragraphe 2, du code civil polonais prévoit un délai de prescription exceptionnellement long, de vingt ans à partir du jour où le fait a été commis, pour les créances concernant le dommage subi du fait d’une infraction pénale.
17 - En droit polonais, le juge peut intervenir sur les conséquences de la prescription dans le cas d’un abus de droit, ce qui constitue une sorte de «soupape de sécurité» (voir Kordasiewicz, op. cit., p. 606). En droit allemand, le Bundesfinanzhof a jugé qu’il dispose d’une compétence «de secours» («Notkompetenz») lui permettant de raccourcir le délai de prescription prévu à l’ancien article 195 du BGB (code civil fédéral) (BFH, 7. Juli 2009, Az. VII R 24/06). En vertu du droit de l’Union, la juridiction nationale peut être tenue de moduler le délai de prescription résultant du droit national dans l’hypothèse où son application ne respecterait pas les principes de l’équivalence et d’effectivité (voir, en ce sens, arrêt Manfredi e.a., C-295/04 à C-298/04, EU:C:2006:461, points 77 à 82).
18 - Je me limiterai à citer quelques exemples de son application dans divers domaines, notamment, la récupération des aides versées illégalement (arrêt Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C-74/00 P et C-75/00 P, EU:C:2002:524), l’apurement des comptes du FEOGA (arrêt Grèce/Commission, C-321/09 P, EU:C:2011:218), la récupération des dépens exposés devant le juge de l’Union (ordonnance Dietz/Commission, 126/76 DEP, EU:C:1979:158), l’introduction d’une demande en indemnité par un fonctionnaire (ordonnance Marcuccio/Commission, T-157/09 P, EU:T:2010:403) et les actions en matière de répétition de l’indu en matière de fonction publique (arrêt Ronsse/Commission, T-205/01, EU:T:2002:269).
19 - Voir, pour une synthèse de la jurisprudence de la Cour relative à la notion de «délai raisonnable», arrêt Arango Jaramillo e.a./BEI (C-334/12 RX-II, EU:C:2013:134, points 27 à 34).
20 - Voir arrêts Technische Unie/Commission (C-113/04 P, EU:C:2006:593, point 48) et, par analogie, Groupe Gascogne/Commission (C-58/12 P, EU:C:2013:770, points 73 et 74).
21 - Arrêts Sison/Conseil (C-266/05 P, EU:C:2007:75, point 95) ainsi que Suède e.a./API et Commission (C-514/07 P, C-528/07 P et C-532/07 P, EU:C:2010:541, point 126) et ordonnance EMC Development/Commission (C-367/10 P, EU:C:2011:203, point 93).
22 - Voir arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission (C-120/06 P et C-121/06 P, EU:C:2008:476, point 96 et jurisprudence citée).
23 - Voir points 94 à 104 ci-dessus.
24 - Voir arrêt E.ON Energie/Commission (C-89/11 P, EU:C:2012:738, point 64 et jurisprudence citée).
25 - Voir, notamment, arrêt Eurocoton e.a./Conseil (C-76/01 P, EU:C:2003:511, point 47).
26 - Arrêts Henrichs/Commission (C-396/93 P, EU:C:1995:280, points 65 et 66) ainsi que Edwin/OHMI (C-263/09 P, EU:C:2011:452, point 78). Bien que la jurisprudence citée déclare un tel moyen relatif aux dépens irrecevable, il serait à mon avis plus approprié de considérer que, dans l’hypothèse du rejet des autres moyens du pourvoi, il n’y a plus lieu de l’examiner.
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