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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Emadi v Council (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-274/13 (04 December 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T27413.html Cite as: [2015] EUECJ T-274/13 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
4 décembre 2015 (*)
« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Iran – Gels de fonds – Restrictions d’entrée et de passage en transit sur le territoire de l’Union – Base juridique – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Erreur d’appréciation – Ne bis in idem – Liberté d’expression – Liberté des médias – Liberté professionnelle – Libre circulation – Droit de propriété »
Dans l’affaire T‑274/13,
Hamid Reza Emadi, demeurant à Téhéran (Iran), représenté initialement par Me T. Walter, puis par Mes J. M. Viñals Camallonga, L. Barriola Urruticoechea et J. L. Iriarte Ángel, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-P. Hix et Á. de Elera-San Miguel Hurtado, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenu par
Stiftung Organisation Justice for Iran, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée initialement par Me G. Pulles, puis par Me R. Marx, avocats,
partie intervenante,
ayant pour objet une demande d’annulation partielle, premièrement, de la décision 2013/124/PESC du Conseil, du 11 mars 2013, modifiant la décision 2011/235/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Iran (JO L 68, p. 57), deuxièmement, du règlement d’exécution (UE) n° 206/2013 du Conseil, du 11 mars 2013, mettant en œuvre l’article 12, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 359/2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Iran (JO L 68, p. 9), troisièmement, de la décision 2014/205/PESC du Conseil, du 10 avril 2014, modifiant la décision 2011/235/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Iran (JO L 109, p. 25), quatrièmement, du règlement d’exécution (UE) n° 371/2014 du Conseil, du 10 avril 2014, mettant en œuvre l’article 12, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 359/2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Iran (JO L 109, p. 9), pour autant que ces actes concernent le requérant,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni et L. Madise (rapporteur), juges,
greffier : Mme K. Andová, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 mai 2015,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
1 Le 12 avril 2011, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/235/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Iran (JO L 100, p. 51).
2 Le considérant 4 de la décision 2011/235 se lit comme suit :
« Les mesures restrictives devraient viser les personnes et entités responsables d’avoir ordonné ou mis en œuvre de graves violations des droits de l’homme, et celles qui s’en sont rendues complices, par des actes de répression contre des manifestants pacifiques, des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des étudiants ou d’autres personnes qui prennent la parole pour défendre leurs droits légitimes, y compris le droit à la liberté d’expression, ainsi que les personnes responsables d’avoir ordonné ou mis en œuvre de graves violations du droit à un procès équitable, le recours à la torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants ou l’application inconsidérée, excessive et croissante de la peine de mort, y compris des exécutions publiques, des lapidations, des pendaisons ou des exécutions de jeunes délinquants, et celles qui s’en sont rendues complices, en violation des obligations internationales de l’Iran en matière de droits de l’homme. »
3 L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/235 prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes responsables de graves violations des droits de l’homme en Iran et des personnes qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe à ladite décision.
4 L’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/235 dispose :
« Sont gelés tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent à des personnes responsables de graves violations des droits de l’homme en Iran et aux personnes et entités qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et les ressources qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent. »
5 L’article 3 de la décision 2011/235 prévoit ce qui suit :
« 1. Le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, établit la liste qui figure à l’annexe et la modifie.
2. Le Conseil communique sa décision à la personne ou à l’entité concernée, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.
3. Si des observations sont formulées, ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne ou l’entité concernée. »
6 L’article 6, second alinéa, de la décision 2011/235 dispose :
« La présente décision s’applique jusqu’au 13 avril 2012. Elle fait l’objet d’un suivi constant. Elle est prorogée, ou modifiée le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. »
7 Le 12 avril 2011, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) n° 359/2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Iran (JO L 100, p. 1).
8 Le considérant 2 du règlement n° 359/2011 se lit comme suit :
« Les mesures restrictives devraient viser les personnes responsables d’avoir ordonné ou mis en œuvre de graves violations des droits de l’homme, et celles qui s’en sont rendues complices, par des actes de répression contre des manifestants pacifiques, des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des étudiants ou d’autres personnes qui prennent la parole pour défendre leurs droits légitimes, y compris le droit à la liberté d’expression, ainsi que les personnes responsables d’avoir ordonné ou mis en œuvre de graves violations du droit à un procès équitable, le recours à la torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants ou l’application inconsidérée, excessive et croissante de la peine de mort, y compris des exécutions publiques, des lapidations, des pendaisons ou des exécutions de jeunes délinquants, et celles qui s’en sont rendues complices, en violation des obligations internationales de l’Iran en matière de droits de l’homme. »
9 L’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 359/2011 prévoit le gel de tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes énumérés à l’annexe I du même règlement, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’ils possèdent, détiennent ou contrôlent.
10 L’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 359/2011 dispose :
« L’annexe I comprend la liste des personnes qui, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la décision [2011/235], ont été reconnues par le Conseil comme étant responsables de graves violations des droits de l’homme en Iran, ainsi que les personnes, entités et organismes qui leur sont associés. »
11 L’article 12 du règlement n° 359/2011 prévoit ce qui suit :
« 1. Lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures visées à l’article 2, paragraphe 1, il modifie l’annexe I en conséquence.
2. Le Conseil communique sa décision à la personne physique ou morale, à l’entité ou à l’organisme, y compris les motifs de l’inscription sur la liste, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.
3. Si des observations sont formulées, ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne, l’entité ou l’organisme concerné en conséquence.
4. La liste figurant à l’annexe I est examinée à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois. »
Antécédents du litige
12 Le requérant, M. Hamid Reza Emadi, est directeur de l’information de la société Press TV international (ci-après « Press TV »), créée en 2007 et établie à Téhéran (Iran). Les programmes de cette chaîne d’information sont diffusés en anglais et accessibles dans le monde par le satellite et le câble. La société Press TV Ltd (ci-après « Press TV Ltd »), établie au Royaume-Uni, était titulaire d’une licence de diffusion dans cet État membre.
13 À la suite d’une plainte déposée par M. Maziar Bahari, journaliste irano-canadien, contre Press TV Ltd auprès de l’Office of Communications (OFCOM), autorité de régulation et de la concurrence indépendante dans le secteur des communications au Royaume-Uni, ladite autorité a, par lettres du 17 mai 2011 et du 1er décembre 2011, conclu à la violation par Press TV Ltd des règles 7.1 et 8.1 du code de radiodiffusion au Royaume-Uni et infligé à Press TV Ltd une amende de 100 000 livres sterling (GBP) (ci-après la « décision de l’OFCOM »). L’OFCOM a, en résumé, motivé sa décision au regard de certaines considérations. En l’occurrence, la plainte déposée par M. Bahari auprès de l’OFCOM reposait sur la diffusion par Press TV Ltd, le 1er juillet 2009, de l’extrait d’une interview de M. Bahari, dans lequel ce dernier avouait avoir communiqué à des médias étrangers occidentaux des informations sur des manifestations violentes dirigées contre une base militaire en Iran. Premièrement, l’OFCOM a constaté que l’interview de M. Bahari avait été enregistrée alors qu’il était détenu en prison en Iran, et ce sous la contrainte. Deuxièmement, cette autorité a notamment constaté que, d’une part, M. Bahari n’avait donné son accord ni quant à l’enregistrement de ladite interview ni quant à sa diffusion et, d’autre part, aucune indication lors de la diffusion par Press TV Ltd de l’extrait de cette interview n’informait le public des circonstances particulières dans lesquelles elle avait été enregistrée. Au regard de ces considérations, l’OFCOM a estimé que le fait que Press TV Ltd avait enregistré cette interview et en avait diffusé un extrait sans le consentement de M. Bahari constituait un traitement inéquitable et une atteinte injustifiée à sa vie privée et, partant, une violation des règles 7.1 et 8.1 du code de radiodiffusion au Royaume-Uni.
14 Le 20 janvier 2012, l’OFCOM a révoqué, avec effet immédiat, la licence de diffusion au Royaume-Uni de Press TV Ltd (ci-après la « décision de révocation de l’OFCOM »), au motif que, alors que la règlementation applicable au Royaume-Uni requérait que le détenteur d’une licence de diffusion d’une chaîne de télévision exerce le contrôle éditorial de ladite chaîne, il avait été constaté, lors de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision de l’OFCOM, que ledit contrôle n’était pas exercé par Press TV Ltd mais par Press TV, établie à Téhéran. Le 4 avril 2012, la Bayerische Landeszentrale für Neue Medien (office pour les nouveaux médias du Land de Bavière, Allemagne) a interdit à l’exploitant de satellites APS (ASTRA Platform Services) de diffuser les programmes de Press TV par satellite, et ce avec effet immédiat, au motif que, à la suite du retrait de la licence par l’OFCOM, la licence européenne requise faisait désormais défaut. Le 11 octobre 2012, la société Arquiva Ltd a mis fin au contrat qui la liait à l’Islamic Republic of Iran Broadcasting (IRIB) et a décidé la suspension immédiate de la diffusion des programmes de Press TV sur le satellite Hotbird 8, au motif que le président de l’IRIB, à l’époque, M. Ezzatollah Zarghami, figurait parmi les personnes faisant l’objet de mesures restrictives en vertu du règlement (UE) n° 264/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, modifiant le règlement n° 359/2011 (JO L 87, p. 26).
15 Le 11 mars 2013, le Conseil a adopté la décision 2013/124/PESC, modifiant la décision 2011/235 (JO L 68, p. 57). Par ladite décision, le Conseil a décidé de proroger l’application de la décision 2011/235 jusqu’au 13 avril 2014 et d’ajouter le nom de plusieurs personnes et entités à la liste figurant à l’annexe de cette dernière décision. À ce titre, le nom du requérant a été ajouté à ladite liste en vertu des motifs qui suivent :
« Directeur de l’information de Press TV. Responsable de la production et de la diffusion des aveux forcés de détenus, y compris de journalistes, d’activistes politiques, de personnes appartenant aux minorités kurdes et arabes, en violation du droit internationalement reconnu à un procès juste et équitable. OFCOM, l’autorité indépendante de régulation de l’audiovisuel, a condamné Press TV à une amende de 100 000 GBP au Royaume-Uni pour la diffusion des aveux forcés du journaliste et réalisateur irano-canadien Maziar Bahari en 2011, qui avaient été filmés sous la contrainte alors que celui-ci était en prison. Des ONG ont fait état d’autres cas d’aveux forcés diffusés par Press TV. Emadi est donc associé à des violations du droit à un procès juste et équitable. »
16 Le 11 mars 2013, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 206/2013, mettant en œuvre l’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 359/2011 (JO L 68, p. 9). Par ce règlement d’exécution, le Conseil a décidé d’ajouter le nom de plusieurs personnes et entités à la liste figurant à l’annexe I du règlement n° 359/2011. À ce titre, le nom du requérant a été ajouté à la ladite liste en vertu de motifs identiques à ceux visés au point 15 ci-dessus.
17 Par lettre du 12 mars 2013, le Conseil a, en vertu des dispositions de l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2011/235 et de l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 359/2011, informé le requérant, d’une part, de l’adoption de la décision 2013/124 et du règlement d’exécution n° 206/2013, dont il lui a communiqué une copie, et, d’autre part, de son droit de demander au Conseil de réexaminer la décision d’inscrire son nom sur les listes annexées auxdits actes et de contester ladite décision devant le Tribunal.
18 Le 12 mars 2013, le Conseil a, en vertu des dispositions de l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2011/235 et de l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 359/2011, publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives prévues par la décision 2011/235, telle que modifiée par la décision 2013/124, et par le règlement n° 359/2011, mis en œuvre par le règlement d’exécution n° 206/2013 (JO C 72, p. 2).
19 Par lettre du 16 avril 2013, le requérant a contesté les mesures adoptées par le Conseil à son égard. Le Conseil a accusé réception de ladite lettre le 24 avril 2013. Par lettre du 18 juillet 2013, le requérant a demandé un accès au dossier.
20 Par lettre du 16 décembre 2013, le Conseil a répondu, d’une part, aux observations du requérant figurant dans la lettre du 16 avril 2013 et, d’autre part, à la demande d’accès au dossier figurant dans la lettre du 18 juillet 2013. En substance, le Conseil a conclu que, au regard des éléments en sa possession, il y avait lieu de maintenir les mesures restrictives imposées au requérant.
21 Le 10 avril 2014, le Conseil a adopté la décision 2014/205/PESC, modifiant la décision 2011/235 (JO L 109, p. 25). Par ladite décision, le Conseil a décidé de proroger l’application de la décision 2011/235 jusqu’au 13 avril 2015 et d’actualiser les mentions relatives à certaines personnes figurant à l’annexe de cette dernière décision. À ce titre, la motivation relative à l’inscription du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe de la décision 2011/235 a été remplacée par la motivation suivante :
« Directeur de l’information de Press TV. Ancien producteur en chef de Press TV. Responsable de la production et de la diffusion des aveux forcés de détenus, y compris de journalistes, d’activistes politiques, de personnes appartenant aux minorités kurde et arabe, en violation du droit internationalement reconnu à un procès juste et équitable. OFCOM, l’autorité indépendante de régulation de l’audiovisuel, a condamné Press TV à une amende de 100 000 GBP au Royaume-Uni pour la diffusion des aveux forcés du journaliste et réalisateur irano-canadien Maziar Bahari, en 2011, qui avaient été filmés sous la contrainte alors que celui-ci était en prison. Des ONG ont fait état d’autres cas d’aveux forcés diffusés par Press TV. Emadi est donc associé à des violations du droit à un procès juste et équitable. »
22 Le 10 avril 2014, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 371/2014, mettant en œuvre l’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 359/2011 (JO L 109, p. 9). Par ce règlement d’exécution, le Conseil a décidé d’actualiser, en les modifiant, les mentions relatives à certaines personnes dont les noms figuraient à l’annexe I du règlement n° 359/2011, conformément à la décision 2014/205. À ce titre, les motifs relatifs à l’inscription du nom du requérant sur la liste figurant à ladite annexe ont été remplacés par des motifs identiques à ceux mentionnés au point 21 ci-dessus.
23 Le 12 avril 2014, le Conseil a, en vertu des dispositions de l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2011/235 et de l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 359/2011, publié un avis à l’attention des personnes auxquelles s’appliquent les mesures prévues par la décision 2011/235, telle que modifiée par la décision 2014/205, et par le règlement n° 359/2011, mis en œuvre par le règlement d’exécution n° 371/2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Iran (JO C 111, p. 5).
24 Par deux lettres du 14 avril 2014 à destination des avocats représentant le requérant et respectivement adressées, d’une part, au cabinet d’avocats dans lequel exerçait Me T. Walter et, d’autre part, au cabinet d’avocats dans lequel exerçait Me J. M. Viñals Camallonga, le Conseil a fait état, en vertu des dispositions de l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2011/235 et de l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 359/2011, en premier lieu, de l’adoption de la décision 2014/205 et du règlement d’exécution n° 371/2014, dont il a communiqué une copie, et, en second lieu, du droit de demander au Conseil de réexaminer la décision d’inscrire le nom du requérant sur les listes annexées audits actes et de contester cette décision devant le Tribunal.
25 Le 7 avril 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/555, modifiant la décision 2011/235 (JO L 92, p. 91). Par cette décision, le Conseil a décidé de proroger l’application de la décision 2011/235 jusqu’au 13 avril 2016 et, notamment, d’actualiser les mentions relatives à certaines personnes figurant à l’annexe de cette dernière décision.
26 Le 7 avril 2015, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2015/548, mettant en œuvre l’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 359/2011 (JO L 92, p. 1). Par ce règlement d’exécution, le Conseil a notamment décidé d’actualiser, en les modifiant, les mentions relatives à certaines personnes dont les noms figuraient à l’annexe I du règlement n° 359/2011.
Procédure et conclusions des parties
27 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mai 2013, le requérant a introduit le présent recours.
28 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2014, Stiftung Organisation Justice for Iran, qui est une organisation non gouvernementale (ONG) (ci-après l’« ONG Justice for Iran »), a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.
29 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juin 2014, le Conseil a indiqué ne pas avoir d’objections à l’égard de la demande d’intervention de l’ONG Justice for Iran.
30 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 juillet 2014, le requérant a demandé, d’une part, le changement de la langue de procédure de l’allemand vers l’espagnol et, d’autre part, à pouvoir adapter ses conclusions afin que le recours en annulation vise également la décision 2014/205 et le règlement d’exécution n° 371/2014, en ce que ces actes le concernent (ci-après la « demande d’adaptation des conclusions »).
31 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 juillet 2014, le requérant a conclu au rejet de la demande d’intervention de l’ONG Justice for Iran.
32 Par décision du 23 septembre 2014, le Tribunal a rejeté la demande de changement de langue de procédure formulée par le requérant.
33 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 octobre 2014, le Conseil a formulé des observations sur la demande d’adaptation des conclusions.
34 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 novembre 2014, le requérant a formulé des observations sur les observations du Conseil sur la demande d’adaptation des conclusions.
35 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2014, le requérant a déposé une demande de dérogation au régime linguistique, sur le fondement de l’article 35, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991. À ce titre, il a demandé que ses représentants soient autorisés à utiliser la langue espagnole au cours de l’audience. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 décembre 2014, le Conseil a formulé des observations sur ladite demande.
36 Par décision du 28 janvier 2015, le Tribunal a décidé de faire droit à cette demande du requérant.
37 Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 25 mars 2015, l’ONG Justice for Iran a été admise à intervenir à l’instance, au soutien des conclusions du Conseil, en vertu de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du 2 mai 1991.
38 Au terme de la requête et des mémoires déposés au cours de la phase écrite de la procédure, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision 2013/124, en ce qu’elle le concerne ;
– annuler la décision 2014/205, en ce qu’elle le concerne ;
– annuler le règlement d’exécution n° 206/2013, en ce qu’il le concerne ;
– annuler le règlement d’exécution n° 371/2014, en ce qu’il le concerne ;
– condamner le Conseil aux dépens.
39 Au terme des mémoires déposés au cours de la phase écrite de la procédure, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le recours irrecevable en ce qu’il tend à obtenir l’annulation de la décision 2014/205 et du règlement d’exécution n° 371/2014 ;
– pour le surplus et en tout état de cause, déclarer le recours non fondé ;
– condamner le requérant aux dépens.
40 Au cours de l’audience, l’intervenante a conclu, en substance, au soutien des conclusions du Conseil, à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.
41 Toujours au cours de l’audience, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal. À cette même occasion, à l’invitation du Tribunal, la décision de révocation de l’OFCOM a été, avec l’accord des parties, versée au dossier de l’affaire, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.
En droit
1. Sur la recevabilité
Sur la recevabilité du recours en ce que le requérant vise à l’annulation de la décision 2013/124 et sur la recevabilité de l’exception d’illégalité soulevée par le requérant contre ladite décision
42 Dans la réplique, le requérant fait valoir que, ainsi que cela ressort, en substance, de l’exposé des motifs figurant dans la requête, le recours en annulation introduit dans la présente affaire est dirigé tant contre le règlement d’exécution n° 206/2013 que contre la décision 2013/124. À titre conservatoire, toujours dans la réplique, le requérant soulève, sur le fondement des articles 277 et 263 TFUE, une exception d’illégalité dirigée contre la décision 2013/124.
43 Dans la duplique, le Conseil conteste, au regard des dispositions de l’article 44, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du 2 mai 1991, la recevabilité de l’extension par le requérant, dans la réplique, de l’objet du recours, de sorte qu’il soit dirigé non seulement contre le règlement d’exécution n° 206/2013 mais également contre la décision 2013/124. En outre, il conteste la recevabilité de l’exception d’illégalité soulevée par le requérant contre la décision 2013/124, au motif qu’elle constitue un moyen nouveau, au sens de l’article 84 du règlement de procédure du 2 mai 1991.
44 En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, le requérant s’est opposé aux chefs d’irrecevabilité soulevés par le Conseil concernant, d’une part, la prétendue extension de l’objet du recours tendant à obtenir l’annulation de la décision 2013/124, et, d’autre part, l’exception d’illégalité soulevée, à titre conservatoire, contre ladite décision.
45 S’agissant de la recevabilité de la demande d’annulation de la décision 2013/124, telle qu’elle est expressément formulée dans la réplique, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du 2 mai 1991, la requête doit contenir les conclusions du requérant.
46 Selon une jurisprudence constante, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure du 2 mai 1991, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige, les conclusions et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnances du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec, EU:T:1993:39, point 20, et du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, Rec, EU:T:1999:109, point 49 ; voir, également, arrêt du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, Rec, EU:T:2006:267, point 208 et jurisprudence citée).
47 En l’espèce, il y a certes lieu d’observer que le point 2 de la requête, qui comporte l’énoncé formel des conclusions du requérant, vise uniquement, s’agissant des conclusions en annulation, le règlement d’exécution n° 206/2013.
48 Toutefois, il convient de constater que, ainsi que le fait valoir le requérant, il ressort clairement des motifs de la requête que, à plusieurs reprises, il a identifié explicitement ou implicitement les actes litigieux comme étant non seulement le règlement d’exécution n° 206/2013, mais également la décision 2013/124. C’est ainsi que, tout d’abord, aux points 30 et 31 de la requête, qui figurent sous le titre « 2. Décision et règlement litigieux », le requérant vise explicitement lesdits actes. Ensuite, au point 60 de la requête, le requérant renvoie à « l’article 215, paragraphe 2, TFUE, lu en combinaison avec les actes attaqués […] ». Enfin, au point 159 de la requête, le requérant renouvelle sa demande d’annulation au titre du présent recours en visant « la mesure attaquée ». Or, il est constant que le règlement d’exécution n° 206/2013 et la décision 2013/124 contiennent des motifs strictement identiques pour justifier l’inscription du requérant sur les listes respectivement annexées auxdits actes. Partant, il y a lieu de considérer que, en mentionnant « la mesure attaquée » dans la requête, le requérant a désigné la décision d’inscription de son nom dans les listes annexées respectivement à la décision 2013/124 et au règlement d’exécution n° 206/2013.
49 À la lumière des constatations qui précèdent, il convient de considérer qu’il ressort d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête que, au regard des éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels se fonde le présent recours, ce dernier a pour objet d’obtenir l’annulation de la décision 2013/124 et du règlement d’exécution n° 206/2013 (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2009, R/Commission, T‑156/08 P, RecFP, EU:T:2009:69, point 36).
50 Consécutivement, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité de l’exception d’illégalité soulevée par le requérant, au stade de la réplique, contre la décision 2013/124, il convient d’écarter le chef d’irrecevabilité soulevé par le Conseil, quant à une prétendue extension de la portée du recours, dans la réplique, tendant à obtenir l’annulation de la décision 2013/124, comme étant non fondé.
Sur la recevabilité de la demande d’adaptation des conclusions tendant à ce que le recours vise à l’annulation de la décision 2014/205 et du règlement d’exécution n° 371/2014
51 Dans ses observations sur la demande d’adaptation des conclusions du requérant, tendant à ce que le recours vise à l’annulation de la décision 2014/205 et du règlement d’exécution n° 371/2014 (ci-après les « actes attaqués adoptés en 2014 »), le Conseil soulève l’irrecevabilité de ladite demande au motif qu’elle serait tardive. En effet, le Conseil soutient que le délai de deux mois prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, qui s’applique aux demandes d’adaptation des conclusions, a commencé à courir à compter de la réception, le 23 avril 2014, des lettres du 14 avril 2014, par lesquelles il a communiqué au requérant la décision 2014/205 et le règlement d’exécution n° 371/2014. Compte tenu du délai de distance de dix jours prévu à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991, le délai d’introduction de la demande d’adaptation des conclusions aurait expiré le 3 juillet 2014. Partant, ladite demande ayant été déposée au greffe du Tribunal le 7 juillet 2014, elle devrait être déclarée irrecevable.
52 Il convient de rappeler que, selon l’article 263, sixième alinéa, TFUE, les recours en annulation doivent être formés dans un délai de deux mois. Ce délai court, suivant le cas, à compter de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.
53 Selon une jurisprudence constante, l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991 permet la production de moyens nouveaux à la condition que ceux-ci se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Il ressort de la jurisprudence que cette condition régit a fortiori toute modification des conclusions et que, à défaut d’éléments de droit et de fait révélés pendant la procédure écrite, seules les conclusions de la requête peuvent être prises en considération (arrêts du 8 juillet 1965, Krawczynski/Commission, 83/63, Rec, EU:C:1965:70, point 2, et du 26 octobre 2010, Allemagne/Commission, T‑236/07, Rec, EU:T:2010:451, point 28).
54 Toujours selon la jurisprudence, tout d’abord, pour être recevable, une demande d’adaptation des conclusions doit être présentée dans le délai prévu par l’article 263, sixième alinéa, TFUE. En effet, selon une jurisprudence constante, ce délai est d’ordre public et doit être appliqué par le juge de l’Union européenne de manière à assurer la sécurité juridique ainsi que l’égalité des justiciables devant la loi (voir, en ce sens, arrêts du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C‑229/05 P, Rec, EU:C:2007:32, point 101, et du 16 juillet 2014, Hassan/Conseil, T‑572/11, Rec, EU:T:2014:682, point 32). Il appartient ainsi au juge de vérifier, le cas échéant d’office, si ce délai a été respecté (ordonnance du 11 mars 2013, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑110/12 R, Rec, EU:T:2013:118, point 17).
55 Ensuite, il convient de rappeler que, en ce qui concerne les actes adoptés sur la base des dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), tels que les actes attaqués en l’espèce, ils revêtent une nature particulière. En effet, ils s’apparentent, à la fois, à un acte de portée générale dans la mesure où ils interdisent à une catégorie de destinataires déterminés de manière générale et abstraite, notamment, de mettre des fonds et des ressources économiques à la disposition des personnes et des entités dont les noms figurent sur les listes contenues dans leurs annexes, et à un faisceau de décisions individuelles à l’égard de ces personnes et entités (arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, Rec, EU:C:2013:258, point 56). C’est en raison de ladite nature que de tels actes sont, d’une part, au regard de leur portée générale, publiés au Journal officiel et, d’autre part, au regard de leur portée individuelle, en ce qu’ils désignent une personne, également communiqués à cette dernière directement, par une notification à son adresse, voire, lorsque cette adresse est inconnue, indirectement, par la publication d’un avis (voir, en ce sens, arrêt Gbagbo e.a./Conseil, précité, EU:C:2013:258, point 55).
56 En outre, c’est la nature individuelle de ces actes qui ouvre, conformément aux termes de l’article 275, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, l’accès au juge de l’Union (arrêt Gbagbo e.a./Conseil, point 55 supra, EU:C:2013:258, point 57).
57 Enfin, il y a lieu de rappeler que, en principe, le délai de deux mois, prévu par l’article 263, sixième alinéa, TFUE, commence à courir uniquement, en ce qui concerne les actes imposant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité, soit à partir de la date de la communication individuelle de cet acte à l’intéressé, si son adresse est connue, soit à partir de la publication d’un avis au Journal officiel, dans le cas contraire (voir, en ce sens, arrêt Gbagbo e.a./Conseil, point 55 supra, EU:C:2013:258, points 59 à 62).
58 Partant, afin de se prononcer sur la recevabilité d’une demande d’adaptation des conclusions telle que celle en cause en l’espèce, il y a lieu de tenir compte de la communication directe des actes en cause à la personne désignée, voire, lorsque l’adresse de cette dernière n’est pas connue, de leur communication indirecte, par la publication d’un avis.
59 En l’espèce, premièrement, il y a lieu de relever que le Conseil ne fait pas valoir qu’il ne connaissait pas l’adresse du requérant. Tout au plus, il a fait observer, lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal, qu’il ne connaissait que l’adresse professionnelle du requérant et que, en substance, au regard notamment du droit à la protection de la renommée, il n’était pas possible de communiquer les actes attaqués adoptés en 2014 à ladite adresse.
60 À cet égard, d’une part, il convient de constater que la législation applicable en l’espèce ne précise pas à quel type d’adresse, personnelle ou professionnelle, la communication des mesures restrictives doit être adressée à la personne désignée. D’autre part, force est de rappeler, ainsi que cela ressort de la jurisprudence rappelée au point 55 ci-dessus, que lesdits actes attaqués devaient, au regard de leur portée générale, être publiés au Journal officiel. Or, ladite publication, en ce qu’elle désigne nommément les personnes visées par les mesures restrictives en cause ainsi que les motifs de leur inscription, rend publiques les données personnelles desdites personnes. Partant, c’est à tort que le Conseil se prévaut, en substance, de la protection des données personnelles du requérant, notamment par rapport à la société pour laquelle il travaillait, pour justifier sa décision de ne pas communiquer directement au requérant les actes attaqués adoptés en 2014 à son adresse professionnelle, mais d’adresser ladite communication à ses supposés représentants.
61 Par conséquent, dès lors que l’adresse du requérant, fût-elle professionnelle, était connue du Conseil, il ressort de la jurisprudence visée au point 55 ci-dessus que le Conseil était tenu de communiquer directement au requérant, à cette adresse, les actes attaqués adoptés en 2014, et non pas indirectement par la publication d’un avis.
62 Deuxièmement, s’agissant des modalités de notification retenues par le Conseil pour communiquer au requérant les actes attaqués adoptés en 2014, il ressort des éléments du dossier de l’affaire que le Conseil n’a pas communiqué directement au requérant, par une notification à son adresse, la décision 2014/205 et le règlement d’exécution n° 371/2014, mais a procédé à la communication de ces actes en les notifiant respectivement, par les lettres du 14 avril 2014, aux avocats dont il présumait qu’ils représentaient le requérant, à savoir, d’une part, Me Walter et, d’autre part, Me Viñals Camallonga.
63 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 263, sixième alinéa, TFUE se réfère à la « notification [de l’acte] au requérant », et non à la notification de l’acte au représentant de celui-ci.
64 Il s’ensuit que, lorsqu’un acte doit faire l’objet d’une notification pour que le délai de recours commence à courir, celle-ci doit en principe être adressée au destinataire de cet acte, et non aux avocats qui le représentent. En effet, selon la jurisprudence, la notification au représentant d’un requérant ne vaut notification au destinataire que lorsqu’une telle forme de notification est prévue expressément par une réglementation ou par un accord entre les parties (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, Rec, EU:T:2014:926, point 74 et jurisprudence citée).
65 C’est à la lumière des rappels effectués aux points 63 et 64 ci-dessus qu’il convient, d’emblée, afin de se prononcer sur la recevabilité de la demande d’adaptation des conclusions, d’examiner la validité de la communication au requérant des actes attaqués adoptés en 2014.
66 S’agissant de la réglementation applicable en l’espèce, à savoir, d’une part, l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2011/235 et, d’autre part, l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 359/2011, il convient de constater qu’elle ne fait aucune référence à la possibilité que la notification, visée par la jurisprudence rappelée au point 64 ci-dessus, prenne la forme de la communication d’un acte à un représentant du requérant.
67 S’agissant de l’existence d’un accord entre les parties, en réponse à une question posée au requérant et au Conseil lors de l’audience, le premier a répondu qu’un tel accord n’existait pas, alors que le second a répondu que cet accord pouvait être déduit, en substance, d’échanges de correspondances entre les représentants du requérant et les services du Conseil durant la procédure administrative ayant suivi la décision initiale d’inscrire le nom du requérant sur la liste litigieuse.
68 À cet égard, d’une part, force est de relever que le Conseil, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, n’a pas rapporté la preuve de l’existence d’un accord exprès entre les parties au sens de la jurisprudence rappelée au point 64 ci-dessus, selon lequel les notifications dont le requérant serait destinataire à l’avenir pourraient être adressées à ses représentants. D’autre part, contrairement à ce que soutient le Conseil, il convient de considérer que le simple échange de correspondances entre un représentant d’une personne faisant l’objet de mesures restrictives et les services du Conseil, au sujet, notamment, du bien-fondé de l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes en cause, puis de son maintien, ne saurait être interprété, en substance, comme établissant l’existence d’un accord exprès entre les parties. En effet, conformément à la jurisprudence rappelée au point 64 ci-dessus, la notification au représentant d’un requérant ne vaut notification au destinataire que lorsqu’une telle forme de notification est prévue expressément par une réglementation ou par un accord entre les parties.
69 Partant, en l’espèce, en l’absence d’une réglementation autorisant le recours à un tel mode de notification, un tel recours aurait dû être expressément et donc formellement prévu dans un accord entre les parties. Une telle exigence est justifiée par des raisons de sécurité juridique tenant à l’objet de la notification individuelle au requérant des mesures restrictives, tel qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 55 à 57 ci-dessus. En effet, ladite notification, en ce qu’elle fait notamment courir le délai prévu par l’article 263, sixième alinéa, TFUE, conditionne l’exercice par le requérant de son droit d’accès au juge de l’Union. Or, en l’espèce, force est de constater que, ainsi que le Conseil l’a lui-même fait observer lors de l’audience, ayant eu des échanges au cours de la procédure administrative avec des avocats différents concernant les mesures restrictives imposées au requérant, il n’était pas en mesure d’identifier avec certitude le représentant de ce dernier, de sorte qu’il a décidé d’adresser les deux lettres du 14 avril 2014, respectivement, à Me Walter, représentant initial du requérant dans la présente affaire, jusqu’au 7 juillet 2014, et à Me Viñals Camallonga, représentant du requérant dans la présente affaire, après le 7 juillet 2014. Si un tel dédoublement de la communication par le Conseil des actes attaqués adoptés en 2014 peut s’expliquer par un souci de la part du Conseil de s’assurer que le requérant pourra prendre effectivement connaissance desdits actes, il n’en démontre pas moins de manière manifeste que, en l’absence d’un accord exprès entre les parties quant aux modalités de communication future, le Conseil ne pouvait pas garantir la sécurité juridique à laquelle le requérant avait droit, afin de protéger son droit d’accès au juge permettant de faire contrôler la légalité des actes en cause.
70 Au demeurant, contrairement à ce que fait valoir le Conseil, en l’absence d’un accord exprès entre les parties, au sens de la jurisprudence rappelée au point 64 ci-dessus, désignant Me Viñals Camallonga comme représentant du requérant auquel le Conseil aurait été autorisé à notifier toute décision concernant ledit requérant, l’accusé de réception, daté du 23 avril 2014, de la lettre du 14 avril 2014 adressée à Me Viñals Camallonga ne permet pas d’établir avec certitude que, en l’espèce, le requérant a pris connaissance du contenu de cette dernière à compter du 23 avril 2014, de sorte que le délai imparti pour introduire un recours, au titre de l’article 263 TFUE, aurait commencé à courir à compter de la réception de ladite lettre.
71 Il s’ensuit que, par la communication de la décision 2014/205 et du règlement d’exécution n° 371/2014 par les lettres du 14 avril 2014, le Conseil ne s’est pas conformé à la lettre de la réglementation, qu’il s’était lui-même imposée (voir, en ce sens, arrêt Mayaleh/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:926, point 76).
72 Dans ces circonstances, le Conseil n’ayant pas valablement communiqué directement et personnellement, comme il y était tenu, la décision 2014/205 et le règlement d’exécution n° 371/2014 au requérant, ce dernier n’était pas forclos, à la date du 7 juillet 2014, pour introduire la demande d’adaptation des conclusions. Ainsi, en l’absence de communication valable desdits actes, en l’espèce, il n’est pas possible de déterminer la date à laquelle le délai de recours contre les actes attaqués adoptés en 2014 a commencé à courir, de sorte que la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil à l’égard de ladite demande ne peut qu’être rejetée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Mayaleh/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:926, point 78).
2. Sur le fond
73 Au regard des conclusions formulées aux points 50 et 72 ci-dessus, il doit être considéré que le recours a pour objet une demande tendant à obtenir l’annulation de la décision 2013/124, de la décision 2014/205, du règlement d’exécution n° 206/2013 et du règlement d’exécution n° 371/2014, pour autant qu’ils concernent le requérant (ci-après les « actes attaqués »).
74 Au soutien de son recours, le requérant soulève, en substance, six moyens. Ils sont tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une violation du droit d’être entendu, le troisième, d’une erreur de droit, le quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation, le cinquième, d’une violation du principe ne bis in idem et, le sixième, d’une violation de ses droits fondamentaux.
75 Dans le cadre de la demande d’adaptation des conclusions, le requérant précise que la demande d’annulation de la décision 2014/205 et du règlement d’exécution n° 371/2014 est fondée sur les mêmes moyens et arguments que ceux figurant dans la requête et dans la réplique.
76 Le Conseil s’oppose à l’ensemble des moyens soulevés au soutien du présent recours. S’agissant de la demande d’adaptation des conclusions, il estime que, à supposer que ladite demande soit déclarée recevable, les conclusions en annulation, telles qu’adaptées par le requérant, devraient être rejetées comme étant non fondées.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
77 Premièrement, le requérant soutient en substance qu’il ne ressort pas clairement des motifs des actes attaqués si le Conseil lui a imposé les mesures restrictives en cause au motif qu’il était lui-même personnellement responsable d’une violation des droits de l’homme en Iran ou au motif qu’il était associé à une personne responsable d’une telle violation. À cet égard, dans la réplique, le requérant fait observer que, d’une part, le Conseil aurait considéré que, d’un côté, en tant que directeur de l’information de Press TV, il était responsable de la production et de la diffusion d’aveux forcés de détenus, en violation du droit à un procès juste et équitable, et, d’un autre côté, il était associé à des violations dudit droit. D’autre part, la motivation des actes attaqués ne préciserait pas à quelle personne, parmi celles désignées dans les listes annexées aux actes attaqués, le requérant était lié pour justifier l’imposition de mesures restrictives à son égard. Deuxièmement, le Conseil n’aurait pas précisé les raisons individuelles qui l’ont amené à considérer que le requérant était étroitement associé à l’appareil sécuritaire de l’État et que, sous sa direction, Press TV avait coopéré avec les services de sécurité et les procureurs iraniens en vue de diffuser les aveux forcés de détenus, y compris ceux de M. Bahari. Troisièmement, le Conseil n’aurait pas justifié le grief pris de la diffusion de plusieurs aveux forcés. En effet, il n’aurait cité qu’un seul cas concret, au demeurant inexact, de diffusion de tels aveux, à savoir, au regard de la décision de l’OFCOM, ceux de M. Bahari.
78 Le Conseil conteste l’ensemble des arguments exposés par le requérant au soutien du premier moyen.
79 Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union européenne et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, Rec, EU:C:2012:718, point 49 et jurisprudence citée).
80 La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt Conseil/Bamba, point 79 supra, EU:C:2012:718, point 50 et jurisprudence citée).
81 Dans la mesure où la personne concernée ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption d’une décision initiale de gel des fonds, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (arrêt Conseil/Bamba, point 79 supra, EU:C:2012:718, point 51).
82 Partant, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel des fonds doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (arrêt Conseil/Bamba, point 79 supra, EU:C:2012:718, point 52).
83 Cependant, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Conseil/Bamba, point 79 supra, EU:C:2012:718, point 53 et jurisprudence citée).
84 En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Conseil/Bamba, point 79 supra, EU:C:2012:718, point 54 et jurisprudence citée).
85 Enfin, il importe de souligner que la question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle, est distincte de celle de la preuve du comportement allégué, laquelle relève de la légalité au fond de l’acte en cause et implique de vérifier la réalité des faits mentionnés dans cet acte ainsi que la qualification de ces faits constituant des éléments justifiant l’application de mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (voir arrêt Conseil/Bamba, point 79 supra, EU:C:2012:718, point 60 et jurisprudence citée).
86 Ainsi, le contrôle du respect de l’obligation de motivation doit être distingué de l’examen du bien-fondé de la motivation, qui consiste à vérifier si les éléments invoqués par le Conseil sont établis et s’ils sont de nature à justifier l’adoption des mesures en cause (arrêt du 23 septembre 2014, Ipatau/Conseil, T‑646/11, EU:T:2014:800, point 105). Les griefs et arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte litigieux sont dès lors inopérants dans le cadre d’un moyen tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation (voir arrêt du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec, EU:T:2005:221, points 52 et 59 et jurisprudence citée).
87 En premier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel il ne ressortirait pas clairement des motifs des actes attaqués si le Conseil a imposé au requérant les mesures restrictives en cause au motif qu’il était lui-même personnellement responsable d’une violation des droits de l’homme en Iran ou au motif qu’il était associé à une personne responsable d’une telle violation, premièrement, il ressort expressément des considérants 1 à 4 de la décision 2011/235 que cette dernière a été adoptée au regard de la détérioration de la situation des droits de l’homme en Iran et vise à continuer à lutter contre les violations desdits droits par l’adoption de mesures restrictives.
88 Deuxièmement, il convient de rappeler que, d’une part, en vertu des dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/235, les personnes susceptibles de voir leur nom inscrit sur la liste figurant en annexe de ladite décision sont soit des personnes responsables de graves violations des droits de l’homme en Iran, soit des personnes et entités qui leur sont liées. D’autre part, les règlements d’exécution nos 206/2013 et 371/2014 mettent en œuvre l’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 359/2011. En outre, le règlement n° 359/2011 se fonde sur l’article 215, paragraphe 2, TFUE et vise la décision 2011/235. Or, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 359/2011, l’annexe I de ce dernier règlement comprend la liste des personnes reconnues par le Conseil comme responsables de graves violations des droits de l’homme et de celles qui leur sont associées, dont l’inscription des noms sur les listes en cause repose sur l’adoption d’une décision fondée sur l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/235.
89 En l’espèce, s’agissant des motifs pour lesquels le Conseil a considéré que le requérant devait faire l’objet de mesures restrictives, la motivation figurant dans les actes attaqués, telle que reproduite aux points 15 et 21 ci-dessus, identifie les éléments spécifiques et concrets, en termes de fonctions exercées à titre professionnel par le requérant, qui traduisent, selon le Conseil, une implication personnelle de l’intéressé dans une grave violation des droits de l’homme en Iran (voir, en ce sens, arrêt Conseil/Bamba, point 79 supra, EU:C:2012:718, point 56).
90 En effet, tout d’abord, ainsi que cela ressort expressément de la requête, d’une part, Press TV est une chaîne de télévision, établie en Iran, qui diffuse des programmes d’information dans le monde et, d’autre part, l’extrait de l’interview de M. Bahari, visé dans les motifs des actes attaqués, a été diffusé par Press TV Ltd, le 1er juillet 2009, dans un bulletin d’information du programme hebdomadaire « Iran Today ». Ensuite, il ressort des motifs des actes attaqués que la violation des droits de l’homme, dont le Conseil a tenu le requérant pour responsable, réside, selon le Conseil, dans la diffusion, par la chaîne d’information Press TV d’aveux forcés de détenus. Enfin, le Conseil fait état dans lesdits motifs de ce que, à l’époque des faits litigieux, le requérant exerçait les fonctions de directeur de l’information de Press TV et que, au regard, en substance, des responsabilités qu’elles lui conféraient au titre de la production et de la diffusion des programmes d’information de ladite chaîne, il y avait lieu de le tenir pour responsable de la production et de la diffusion d’aveux forcés par cette dernière.
91 Dès lors, le requérant, qui ne conteste pas avoir exercé lesdites fonctions, ne pouvait raisonnablement ignorer que, en faisant allusion, dans les actes attaqués, à ses fonctions de directeur de l’information de Press TV, chaîne qui diffuse des programmes d’information dans le monde, le Conseil entendait mettre en exergue le pouvoir d’influence et la responsabilité personnels du requérant qui sont supposés résulter desdites fonctions, en ce qui concerne la production et la diffusion des programmes d’information de ladite chaîne, et ce, notamment, s’agissant de la production et de la diffusion d’aveux forcés de détenus par Press TV (voir, par analogie, arrêts Conseil/Bamba, point 79 supra, EU:C:2012:718, point 59, et Ipatau/Conseil, point 86 supra, EU:T:2014:800, point 102).
92 Il résulte des considérations qui précèdent que, en vertu des motifs figurant dans les actes attaqués, le Conseil a tenu le requérant pour personnellement responsable, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/235 et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 359/2011, de la violation des droits fondamentaux en cause en l’espèce.
93 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la dernière phrase des motifs figurant dans les listes annexées aux actes attaqués afin de justifier l’inscription du nom du requérant sur celles-ci, à savoir que « [le requérant] est donc associé à des violations du droit à un procès juste et équitable ». En effet, il ressort de ladite phrase, et ce notamment par l’usage de la conjonction « donc », qu’elle doit être lue à la lumière des motifs qui la précèdent.
94 En second lieu, s’agissant des deuxième et troisième arguments exposés par le requérant au soutien du premier moyen, tels que visés au point 77 ci-dessus, force est de constater que, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 85 et 86 ci-dessus, lesdits arguments sont inopérants, dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation.
95 En effet, l’argument pris de ce que les motifs figurant dans les actes attaqués ne préciseraient pas les raisons individuelles qui auraient amené le Conseil à considérer que le requérant était étroitement associé à l’appareil sécuritaire de l’État iranien et que, sous sa direction, Press TV aurait coopéré avec les services de sécurité et les procureurs iraniens en vue de diffuser les aveux forcés de détenus, y compris ceux de M. Bahari, relève de l’examen du bien-fondé des actes attaqués et, partant, du quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation. Il en va de même de l’argument pris de ce que, alors que les griefs retenus à l’encontre du requérant font état de la diffusion de plusieurs aveux forcés, le Conseil n’aurait cité qu’un seul cas concret, au demeurant inexact, à savoir la diffusion des aveux forcés de M. Bahari.
96 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les actes attaqués ne sont pas entachés d’une violation de l’obligation de motivation et que, partant, le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu
97 Le requérant soutient que le Conseil a violé son droit d’être entendu, en ce qu’il n’a pas pu, préalablement à l’adoption de la décision initiale d’inscrire son nom sur la liste des personnes faisant l’objet des mesures restrictives en cause, présenter des observations et demander ainsi au Conseil de réexaminer sa décision. Dans la réplique, il fait grief au Conseil de ne pas avoir procédé à l’examen de sa demande d’accès au dossier, telle que formulée dans la lettre du 18 juillet 2013.
98 Le Conseil réfute les arguments exposés au soutien du deuxième moyen.
99 Il ressort de la jurisprudence que, lors du contrôle de mesures restrictives, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, Rec, EU:C:2013:775, point 58 et jurisprudence citée).
100 Au rang de ces droits fondamentaux figurent, notamment, le respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 99 supra, EU:C:2013:775, point 59 et jurisprudence citée).
101 Le droit au respect des droits de la défense, qui est consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, comporte le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité (voir arrêt Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 99 supra, EU:C:2013:775, point 60 et jurisprudence citée).
102 S’agissant du droit à une protection juridictionnelle effective, qui est affirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, ce dernier exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 99 supra, EU:C:2013:775, point 61 et jurisprudence citée).
103 À titre liminaire, il convient de relever que, s’agissant du deuxième moyen, le requérant fait grief au Conseil, en substance, de ne pas l’avoir entendu préalablement à l’adoption d’une décision initiale d’imposer une mesure restrictive. Or, il est constant que, parmi les actes attaqués, la décision 2013/124 et le règlement d’exécution n° 206/2013 constituent les deux actes contenant la décision initiale d’imposer une mesure restrictive à l’encontre du requérant.
104 À titre principal, premièrement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, que, au demeurant, le requérant admet ne pas ignorer, afin d’atteindre l’objectif poursuivi par la décision initiale de gel de fonds, les mesures restrictives en cause doivent, par leur nature même, bénéficier d’un effet de surprise. Pour cette raison, en l’espèce, le Conseil n’était pas tenu de procéder à une audition du requérant préalablement à l’inclusion initiale de son nom dans les listes en cause (voir, en ce sens, arrêt Conseil/Bamba, point 79 supra, EU:C:2012:718, point 74 et jurisprudence citée).
105 Deuxièmement, s’agissant de la prétendue absence de réponse du Conseil à la demande d’accès au dossier du requérant, formulée dans la lettre du 18 juillet 2013, au regard de la jurisprudence rappelée au point 102 ci-dessus, il convient tout d’abord de constater que le requérant n’a pas allégué l’existence d’une violation du droit d’accès au dossier en temps utile, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il était utile de saisir le juge compétent, mais il a uniquement affirmé que le Conseil n’avait pas répondu à sa demande du 18 juillet 2013. Ensuite, il convient de relever que la demande d’accès au dossier du requérant a été formulée un peu plus de deux mois après l’introduction du recours en annulation dans la présente affaire et que, au regard des moyens soulevés dans ledit recours, le requérant a manifestement été en mesure, d’une part, au regard de la motivation des actes attaqués, de comprendre la portée de la mesure prise à son égard et, d’autre part, de défendre ses droits. Enfin, force est de constater que, contrairement à ce qu’affirme le requérant, le Conseil a répondu, dans la lettre du 16 décembre 2013, à la demande d’accès au dossier du requérant formulée dans la lettre du 18 juillet 2013.
106 Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit
107 Dans le cadre du troisième moyen, le requérant fait valoir que, en substance, le Conseil a commis une erreur de droit dans l’application de la réglementation en vigueur en l’espèce, de sorte que les actes attaqués seraient dépourvus de fondement juridique. Au soutien dudit moyen, le requérant formule quatre griefs. Premièrement, la responsabilité du requérant quant à la diffusion par Press TV d’un prétendu aveu, en raison de ses fonctions de directeur de l’information du service international de cette dernière, ne saurait fonder une accusation à son endroit au titre d’une violation du droit à un procès juste et équitable, dans la mesure où, en substance, il n’aurait ni participé à ni été en mesure d’influencer aucun procès. Deuxièmement, la responsabilité de Press TV n’ayant pas été établie dans le cadre d’une décision de gel des fonds de cette entité, le Conseil ne pouvait pas tenir le requérant pour responsable de la violation des droits de l’homme en cause en l’espèce. Troisièmement, ainsi que cela ressortirait des termes du considérant 4 de la décision 2011/235 et du considérant 2 du règlement n° 359/2011, le Conseil aurait omis de préciser, dans les motifs des actes attaqués, que l’inscription du requérant, en tant que responsable ou complice d’une violation du droit à un procès juste et équitable, reposait sur le constat qu’il avait « ordonné ou mis en œuvre » une telle violation. Quatrièmement, la mesure restrictive qui lui a été imposée ne reposerait au demeurant pas sur la législation en matière de procédure pénale, mais sur celle relative aux médias.
108 Dans la réplique, le requérant se prévaut d’une violation du principe de légalité des délits et des peines et du principe de proportionnalité.
109 Le Conseil conteste les arguments exposés au soutien du troisième moyen.
110 Il convient de rappeler que l’article 21, paragraphe 2, TUE, qui figure sous le chapitre 1, intitulé « Dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union », du titre V du traité UE, intitulé « Dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union et dispositions spécifiques concernant la [PESC] », dispose :
« L’Union définit et mène des politiques communes et des actions et œuvre pour assurer un haut degré de coopération dans tous les domaines des relations internationales afin :
[…]
b) de consolider et de soutenir la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et les principes de droit international. »
111 L’article 23 TUE, qui figure sous le chapitre 2, intitulé « Dispositions spécifiques concernant la [PESC] », du titre V du traité UE, prévoit que « [l]’action de l’Union sur la scène internationale, au titre du présent chapitre, repose sur les principes, poursuit les objectifs et est menée conformément aux dispositions générales visées au chapitre 1. »
112 Selon l’article 29 TUE, qui figure sous le chapitre 2 du titre V du traité UE :
« Le Conseil adopte des décisions qui définissent la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique. Les États membres veillent à la conformité de leurs politiques nationales avec les positions de l’Union. »
113 Par ailleurs, en vertu de l’article 205 TFUE, qui figure sous le titre I, intitulé « Dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union », de la cinquième partie du traité FUE, intitulée « L’action extérieure de l’Union » :
« L’action de l’Union sur la scène internationale, au titre de la présente partie, repose sur les principes, poursuit les objectifs et est menée conformément aux dispositions générales visés au chapitre 1 du titre V du traité [UE]. »
114 Selon l’article 215, paragraphe 2, TFUE :
« Lorsqu’une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité [UE], le prévoit, le Conseil peut adopter, selon la procédure visée au paragraphe 1, des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques. »
115 En l’espèce, premièrement, il convient de constater que la décision 2011/235 se fonde sur l’article 29 TUE. À la suite des décisions 2013/124 et 2014/205, l’application de la décision 2011/235 a été prorogée jusqu’au 13 avril 2015 et l’inscription du nom du requérant a été effectuée, puis actualisée, sur la liste annexée à la décision 2011/235.
116 Deuxièmement, les règlements d’exécution nos 206/2013 et 371/2014 mettent en œuvre l’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 359/2011, ce dernier étant fondé sur l’article 215, paragraphe 2, TFUE et visant la décision 2011/235.
117 Troisièmement, ainsi qu’il a été mentionné au point 88 ci-dessus, en vertu des dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/235 et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 359/2011, les personnes susceptibles de voir leur nom inscrit sur les annexes respectives desdits actes sont soit des personnes responsables de graves violations des droits de l’homme en Iran, soit des personnes et entités qui leur sont liées ou associées.
118 Au regard des rappels et des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que le Conseil disposait d’une base légale pour, sur le fondement des dispositions des traités relatives à la PESC, et, notamment, en vertu des dispositions de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, adopter une mesure restrictive à l’encontre du requérant, à le supposer responsable d’une grave violation des droits de l’homme en Iran.
119 En premier lieu, s’agissant du grief pris de ce que le requérant n’aurait personnellement ni participé à ni été en mesure d’influencer un procès, il doit être écarté comme étant non pertinent. En effet, la violation des droits de l’homme en cause en l’espèce ne réside pas dans la conduite d’un procès, mais dans la diffusion d’aveux forcés par Press TV. Or, ainsi qu’il a été exposé aux points 90 à 92 ci-dessus, c’est au regard de ses fonctions de directeur de l’information de Press TV, fonctions qui, en substance, lui conféraient des responsabilités au titre de la production et de la diffusion des programmes d’information de ladite chaîne, que le requérant a été tenu pour responsable de la violation des droits de l’homme en cause en l’espèce.
120 En deuxième lieu, contrairement à ce que fait valoir le requérant, le fait que la responsabilité de Press TV n’ait pas été retenue par le Conseil, dans le cadre d’une mesure de gel des fonds de cette entité, ne saurait conduire à écarter toute responsabilité du requérant. À ce titre, ainsi qu’il a été constaté aux points 90 à 92 ci-dessus, c’est au regard de ses fonctions de directeur de l’information de Press TV que le requérant a été tenu pour personnellement responsable de la diffusion par Press TV d’aveux forcés. Partant, le Conseil n’était pas tenu d’identifier, dans les actes attaqués, les personnes ou entités, désignées dans lesdites annexes aux actes attaqués, auxquelles, selon le requérant, ce dernier était prétendument associé.
121 En troisième lieu, contrairement à ce que fait valoir le requérant, il convient de considérer que le Conseil a fondé sa décision d’inscrire son nom sur la liste litigieuse sur des motifs susceptibles de démontrer, à les supposer étayés à suffisance de droit, qu’il était responsable d’une grave violation du droit à un procès juste et équitable, en ce qu’il avait participé à la mise en œuvre d’une telle violation. En effet, au regard des dispositions, d’une part, des articles 1er, paragraphe 1, et de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/235 et, d’autre part, de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 359/2011, il incombait au Conseil d’apporter la preuve que le requérant était responsable de graves violations des droits de l’homme.
122 En l’espèce, il convient de constater que les actes attaqués, en ce qu’ils concernent le requérant, reposent notamment sur la constatation que, ainsi que cela ressort de la décision de l’OFCOM, l’extrait d’une interview de M. Bahari a été diffusé sans que, d’une part, le public ait été informé de la circonstance qu’elle avait été enregistrée en prison, sous la contrainte, et sans que, d’autre part, l’accord de M. Bahari ait été obtenu tant quant à l’enregistrement que quant à la diffusion de cet extrait.
123 Or, ainsi que cela ressort de la décision de l’OFCOM, il y a lieu de considérer que le fait, pour une chaîne de télévision telle que Press TV, de diffuser des aveux prétendument forcés, sans veiller à informer le public des conditions dans lesquelles lesdits aveux ont été enregistrés et sans avoir recueilli l’accord des personnes concernées avant de les diffuser, est susceptible de participer à un plan de communication des autorités iraniennes qui vise à faire reconnaître publiquement, par des personnes détenues en Iran, leur culpabilité, antérieurement, d’une part, à une audition devant un juge ou une juridiction compétente et, d’autre part, au prononcé d’une décision judiciaire sur les faits reprochés à ces personnes. Cela est notamment le cas lorsque les aveux ainsi obtenus sont ensuite utilisés comme élément à charge contre la personne poursuivie devant une juridiction compétente pour se prononcer et fondent les conclusions tirées par ladite juridiction tant quant à l’existence d’une infraction pénale que quant à la sanction encourue (voir, par analogie, Cour EDH, Blokhin c. Russie, n° 47152/06, § 166 à 169, 14 novembre 2013). Il y a donc lieu de considérer que la diffusion d’aveux forcés de détenus sur une chaîne d’information, telle que Press TV, en ce qu’elle assure la publicité auprès d’un large public (national et international) desdits aveux, est susceptible de constituer une violation du droit à un procès juste et équitable, au sens des dispositions de la décision 2011/235 et du règlement n° 359/2011. La violation d’un tel droit fondamental, en ce que, dans la mesure où la diffusion par une chaîne de télévision d’aveux forcés d’une personne quant à sa culpabilité porte atteinte à son droit à ce que sa cause soit entendue par un juge indépendant et impartial, doit être qualifiée de grave, au sens de la réglementation applicable en l’espèce.
124 Par conséquent, au regard des fonctions de directeur de l’information du requérant au sein de Press TV et des responsabilités qu’elles lui conféraient au titre de la production et de la diffusion des programmes d’information de ladite chaîne, c’est à bon droit que le Conseil a tenu le requérant pour responsable, en substance, au regard de la diffusion d’aveux prétendument forcés par Press TV, de la mise en œuvre d’une grave violation du droit à un procès juste et équitable et, partant, a adopté la mesure restrictive en cause en l’espèce.
125 En quatrième lieu, il convient d’écarter l’argument selon lequel la mesure restrictive imposée au requérant ne reposerait pas sur la législation en matière de procédure pénale mais sur celle relative aux médias comme étant manifestement dénué de fondement.
126 En effet, il suffit de rappeler que les mesures de gel de fonds prises à l’encontre d’une personne ou d’une entité, sur la base des dispositions relatives à la PESC, constituent des mesures préventives ciblées, qui visent à lutter contre les menaces pour la paix et la sécurité internationale et dont l’adoption s’inscrit dans le cadre strict des conditions légales définies par une décision adoptée sur la base de l’article 29 TUE et par un règlement fondé sur l’article 215, paragraphe 2, TFUE, mettant en œuvre cette décision dans le champ d’application du traité FUE. Partant, en l’espèce, contrairement à ce que soutient le requérant, les mesures restrictives en cause ne se rattachent en aucune mesure à une quelconque législation relative aux médias.
127 En cinquième lieu, le requérant soutient que les actes attaqués violent le principe de légalité des délits et des peines et le principe de proportionnalité. En ce qui concerne la prétendue violation du principe de légalité des délits et des peines, le requérant se prévaut, en substance, d’une absence de mention, dans la législation applicable en l’espèce, des critères permettant de caractériser le statut de personne associée à des personnes ou entités responsables de violations des droits de l’homme mais non désignées comme telles. En ce qui concerne la prétendue violation du principe de proportionnalité, le requérant considère que l’application de sanctions identiques tant à des personnes responsables de violations des droits de l’homme qu’à des personnes associées viole ledit principe.
128 Premièrement, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, la requête doit notamment contenir un exposé sommaire des moyens invoqués qui, conformément à la jurisprudence constante rappelée au point 46 ci-dessus, doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Toujours selon une jurisprudence constante, tout moyen qui n’est pas suffisamment articulé dans la requête introductive d’instance doit être considéré comme irrecevable. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen. S’agissant d’une fin de non-recevoir d’ordre public, cette irrecevabilité peut être soulevée d’office par le Tribunal, au besoin (voir arrêt du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, Rec, EU:T:2005:455, points 54 et 55 et jurisprudence citée).
129 En l’espèce, il convient de relever que les deux chefs d’illégalité, pris de la violation du principe de légalité des délits et des peines et du principe de proportionnalité, ont été soulevés pour la première fois dans la réplique et ne constituent l’ampliation ni d’un moyen ni même d’un argument énoncés dans la requête. Partant, il y a lieu de les écarter comme étant irrecevables.
130 Deuxièmement, en tout état de cause, force est de constater que ces deux griefs reposent sur une prémisse erronée selon laquelle le Conseil aurait, dans les actes attaqués, tenu le requérant pour associé à une grave violation du droit à un procès équitable.
131 En effet, ainsi qu’il a été conclu au point 92 ci-dessus, il ressort des motifs des actes attaqués que le Conseil a tenu le requérant pour personnellement responsable, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/235 ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 359/2011, de la violation des droits fondamentaux en cause en l’espèce. Partant, les griefs pris d’une violation du principe de légalité des délits et des peines et du principe de proportionnalité devraient, en tout état de cause, être écartés comme étant inopérants.
132 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation
133 Le requérant soutient en substance que les motifs des actes attaqués ne sont pas étayés à suffisance de droit pour justifier son inscription sur les listes annexées auxdits actes.
134 Le Conseil s’oppose à l’ensemble des arguments exposés par le requérant au soutien du quatrième moyen.
135 Ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée aux points 99 et 100 ci-dessus, le contrôle de la légalité assuré par les juridictions de l’Union sur l’ensemble des actes de l’Union doit être effectué au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, au rang desquels figure, notamment, le droit à une protection juridictionnelle effective.
136 L’effectivité du contrôle juridictionnel, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir arrêt Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 99 supra, EU:C:2013:775, point 64 et jurisprudence citée).
137 À cette fin, il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 99 supra, EU:C:2013:775, point 65 et jurisprudence citée).
138 C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée. Si ces éléments ne permettent pas de constater le bien-fondé d’un motif, le juge de l’Union écarte ce dernier en tant que support de la décision d’inscription ou de maintien de l’inscription en cause (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, Rec, EU:C:2013:518, points 121 à 123).
139 C’est à la lumière de la jurisprudence mentionnée ci-dessus qu’il convient de contrôler la légalité des actes attaqués, quant à la question de savoir si, au regard des arguments exposés par le requérant au soutien du quatrième moyen, le Conseil a justifié à suffisance de droit sa décision d’inscrire le requérant sur les listes annexées auxdits actes.
140 En l’espèce, il ressort des motifs des actes attaqués que le Conseil a décidé d’imposer au requérant des mesures restrictives au motif que, eu égard à la diffusion d’aveux forcés de détenus par Press TV, il avait, en sa qualité de directeur de l’information de cette dernière, violé le droit à un procès juste et équitable.
141 Il convient d’examiner les arguments exposés par le requérant au soutien du quatrième moyen en les regroupant en deux branches.
142 S’agissant de la première branche du quatrième moyen, en premier lieu, le requérant soutient que ni les motifs de la décision de l’OFCOM ni le rapport de l’ONG Justice for Iran, d’avril 2012, intitulé « Cut ! Take Press TV off the Air », ne démontrent que la diffusion d’aveux prétendument forcés par Press TV, et notamment ceux de M. Bahari, était constitutive d’une grave violation du droit à un procès juste et équitable.
143 À titre liminaire, il convient d’observer que, en ce qui concerne la diffusion de l’extrait de l’interview de M. Bahari par Press TV Ltd, expressément visée dans les motifs des actes attaqués, bien que dans lesdits motifs le Conseil ait indiqué que les aveux forcés de M. Bahari avaient été diffusés par Press TV en 2011, il est constant, ainsi que cela ressort des éléments du dossier, que ceux-ci ont été diffusés le 1er juillet 2009 et, plus précisément, par Press TV Ltd.
144 Premièrement, il convient de rappeler que, tout d’abord, ainsi que cela a été exposé au point 13 ci-dessus, la décision de l’OFCOM a été adoptée au motif que Press TV Ltd avait diffusé un extrait de l’interview de M. Bahari sans avoir, d’une part, informé le public du fait qu’elle avait été enregistrée en prison, sous la contrainte, et, d’autre part, obtenu l’accord de M. Bahari tant quant à l’enregistrement de cette interview que quant à sa diffusion. Ensuite, le requérant ne conteste pas que, dans l’extrait de l’interview diffusé le 1er juillet 2009 par Press TV Ltd, M. Bahari avait déclaré notamment avoir « envoyé un reportage à Channel 4 News ainsi qu’à Newsweek magazine concernant les violences dirigées contre la base, une base militaire du Basij ». Enfin, il ressort de cet extrait diffusé par Press TV Ltd que, d’une part, il contient une reconnaissance par M. Bahari de ce qu’il avait communiqué à des médias étrangers des informations sur des manifestations contre une base militaire nationale en Iran et, d’autre part, ainsi que le requérant l’a lui-même reconnu lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal, ce comportement de M. Bahari portait atteinte aux intérêts de la République islamique d’Iran.
145 Deuxièmement, il y a lieu de relever que, ainsi que cela ressort de la décision de révocation de l’OFCOM, cette décision est fondée sur le constat, au cours de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision de l’OFCOM, que le contrôle éditorial de Press TV Ltd était exercé par Press TV. Dès lors, il convient de considérer que les décisions de programmation et de diffusion des programmes d’information de Press TV Ltd étaient prises par Press TV.
146 Troisièmement, il ressort notamment du point 1.3 du rapport de l’ONG Justice for Iran, d’avril 2012, intitulé « Cut ! Take Press TV off the Air », lui-même intitulé « About Press TV », que, d’une part, la chaîne d’information en cause avait été créée en juillet 2007 par la République islamique d’Iran. D’autre part, il ressort expressément des termes de la partie introductive dudit rapport que Press TV constituait l’outil de propagande de la République islamique d’Iran et que les liens étroits et la collaboration entre Press TV et les « services secrets et de sécurité iraniens » avaient amené Press TV à cibler dans ses programmes des personnes résidant en dehors du territoire iranien, en portant atteinte à leur dignité personnelle et professionnelle. Il y a donc lieu de considérer que Press TV entretenait des liens de coopération avec les autorités publiques de la République islamique d’Iran et, notamment, avec les services de sécurité iraniens.
147 Au regard des considérations exposées aux points 144 à 146 ci-dessus, il convient de conclure que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a estimé que, en diffusant l’extrait de l’interview de M. Bahari, dans laquelle ce dernier reconnaissait, alors qu’il était détenu en prison et sous la contrainte, avoir porté atteinte aux intérêts de la République islamique d’Iran, sans avoir obtenu préalablement son accord tant quant à l’enregistrement de ladite interview que quant à sa diffusion, Press TV avait diffusé des aveux forcés de M. Bahari, ce qui constitue ainsi qu’il a été dit pour droit au point 123 ci-dessus, une grave violation du droit à un procès juste et équitable.
148 Cette conclusion ne saurait être modifiée au regard des arguments du requérant exposés au soutien de la première branche.
149 En effet, premièrement, il convient de constater que, en tout état de cause, bien que le requérant conteste à tout le moins le bien-fondé de la décision de l’OFCOM, il n’a pas été en mesure de rapporter la preuve que la légalité tant de ladite décision que de la décision de révocation de l’OFCOM avait été contestée devant les juridictions compétentes au Royaume-Uni et, a fortiori, que ces décisions étaient entachées d’une illégalité susceptible d’entraîner leur annulation par lesdites juridictions.
150 Deuxièmement, bien que le requérant prétende que M. Bahari avait donné son accord pour que son interview soit diffusée, force est de constater que, ainsi qu’il le reconnaît lui-même dans la réplique, il n’a pas été en mesure de produire une quelconque preuve quant à l’existence d’un tel accord de M. Bahari.
151 Troisièmement, il y a lieu d’observer que le requérant n’a pas été en mesure, au cours de la procédure dans la présente affaire, de produire un quelconque élément de preuve au soutien de son allégation selon laquelle, en substance, M. Bahari aurait effectivement prononcé, publiquement et antérieurement à sa diffusion par Press TV Ltd, le 1er juillet 2009, la phrase contenue dans l’extrait de l’interview litigieuse, afin de démontrer que la qualification d’aveux forcés, retenue par le Conseil, serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
152 Quatrièmement, le requérant fait valoir que, en substance, dès lors que la décision de l’OFCOM reposait sur un motif pris de la violation de la vie privée de M. Bahari à la suite de la diffusion d’un extrait de son interview enregistrée en prison, sous la contrainte, le Conseil ne pouvait pas se fonder sur ladite décision pour conclure que la diffusion, par Press TV Ltd, de l’extrait de l’interview de M. Bahari constituait une grave violation du droit à un procès juste et équitable. À ce titre, il suffit de constater que la décision d’imposer au requérant des mesures restrictives ne se fonde pas uniquement sur la décision de l’OFCOM. En effet, ainsi qu’il a été conclu au point 147 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a, au regard tant de la décision de l’OFCOM que du rapport de l’ONG Justice for Iran, considéré que la diffusion de l’extrait de l’interview de M. Bahari constituait une diffusion d’un aveu forcé et, partant, une violation du droit à un procès juste et équitable.
153 Cinquièmement, le requérant conteste la fiabilité du rapport de l’ONG Justice for Iran, d’avril 2012, intitulé « Cut ! Take Press TV off the Air » au motif que cette ONG, dans la mesure où elle soutiendrait des actions d’opposition aux intérêts du régime en place en Iran, ne serait pas impartiale. À ce titre, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dans certaines situations, le juge de l’Union peut prendre en considération des rapports d’ONG (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a., C‑411/10 et C‑493/10, Rec, EU:C:2011:865, points 90 et 91). Or, en l’espèce, il y a lieu de relever que les allégations formulées par le requérant afin de contester l’impartialité de l’ONG Justice for Iran ne reposent que sur des présomptions non étayées. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de considérer que le rapport en question de l’ONG Justice for Iran manquerait de fiabilité.
154 En second lieu, le requérant soutient que les éléments de preuve fournis par le Conseil ne permettent pas d’étayer le grief pris de la diffusion de plusieurs aveux forcés par Press TV.
155 À ce titre, il suffit de rappeler que, eu égard à la nature préventive des mesures restrictives en cause, si, dans le cadre de son contrôle de légalité de la décision attaquée, le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt Commission e.a./Kadi, point 138 supra, EU:C:2013:518, point 130).
156 En l’espèce, ainsi qu’il a été conclu au point 147 ci-dessus, le Conseil a justifié à suffisance de droit que Press TV Ltd avait, en diffusant les aveux forcés de M. Bahari, violé le droit fondamental à un procès juste et équitable. Partant, au regard de la jurisprudence rappelée au point 155 ci-dessus, à supposer même que le Conseil n’ait pas rapporté à suffisance de droit la preuve de la diffusion d’autres aveux forcés que ceux de M. Bahari, cela ne saurait entraîner l’annulation des actes attaqués. Il y a donc lieu d’écarter cet argument comme étant inopérant.
157 S’agissant de la seconde branche du quatrième moyen, le requérant soutient que le Conseil n’a pas démontré à suffisance de droit que, au regard, d’une part, des liens d’association étroits entre le requérant et l’appareil sécuritaire de l’État et, d’autre part, de ce que, sous sa direction, Press TV avait coopéré avec les services de sécurité et les procureurs iraniens en vue de diffuser les aveux forcés de détenus, il avait participé à la violation des droits de l’homme en cause en l’espèce.
158 À cet égard, certes, il convient de constater que les motifs des actes attaqués, en ce qu’ils concernent le requérant, ne font pas mention de ce que, d’une part, il aurait été étroitement associé à l’appareil sécuritaire de l’État iranien ni que, d’autre part, sous sa direction, Press TV aurait coopéré avec les services de sécurité et les procureurs iraniens en vue de diffuser les aveux forcés de détenus.
159 Cependant, premièrement, ainsi qu’il a été relevé au point 146 ci-dessus, il ressort en tout état de cause du rapport de l’ONG Justice for Iran, d’avril 2012, intitulé « Cut ! Take Press TV off the Air » que Press TV entretenait des liens de coopération avec les autorités publiques de la République islamique d’Iran et, notamment, avec les services de sécurité iraniens.
160 Deuxièmement, ainsi que cela ressort du point 147 ci-dessus, le Conseil a rapporté à suffisance de droit la preuve que, à la suite de la diffusion de l’extrait de l’interview de M. Bahari par Press TV Ltd, Press TV, dès lors qu’elle contrôlait la programmation de la première, avait diffusé des aveux forcés de M. Bahari, ce qui constitue une grave violation du droit à un procès juste et équitable.
161 Or, il n’est pas contesté que, ainsi que cela ressort des motifs figurant dans les actes attaqués, le requérant exerçait les fonctions de directeur de l’information de Press TV, fonctions qui lui conféraient des responsabilités au titre de la production et de la diffusion des programmes d’information de ladite chaîne.
162 Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a tenu le requérant pour personnellement responsable, au regard de la diffusion par Press TV Ltd, dans un bulletin d’information du programme hebdomadaire « Iran Today », des aveux forcés de M. Bahari, d’une grave violation du droit à un procès juste et équitable.
163 Cette conclusion ne saurait être modifiée au regard de l’argument selon lequel, outre le fait que les employés de Press TV n’étaient pas présents lors de l’enregistrement de l’interview de M. Bahari, en tout état de cause, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que la liberté d’expression et des médias justifierait le droit pour un organisme de radiodiffusion et ses employés d’interviewer un détenu en prison.
164 En effet, force est de relever que les actes attaqués, en ce qu’ils concernent le requérant, ne reposent pas sur la constatation que Press TV, dont le requérant était directeur de l’information, avait enregistré des interviews de personnes détenues en prison, mais, notamment, ainsi que cela ressort de la décision de l’OFCOM, sur le fait que l’extrait de l’interview de M. Bahari avait été diffusé sans que, d’une part, le public ait été informé de la circonstance que ladite interview avait été enregistrée en prison, sous la contrainte, et, d’autre part, l’accord de M. Bahari ait été obtenu tant quant à l’enregistrement que quant à la diffusion de cette interview. Partant, cet argument doit être écarté comme étant inopérant.
165 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant pour partie non fondé et pour partie inopérant.
Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe ne bis in idem
166 Le requérant soutient que les actes attaqués, en ce que le Conseil a décidé d’inscrire ou de maintenir son nom sur la liste en cause, violent le principe ne bis in idem reconnu à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux. En substance, il fait valoir que, d’une part, les faits retenus à son endroit pour justifier l’inscription de son nom sur la liste annexée aux actes attaqués avaient déjà été retenus pour justifier la décision de l’OFCOM, à laquelle le Conseil renvoie dans les motifs desdits actes, contre Press TV Ltd, en tant que personne morale, ainsi que contre « les responsables en cause dans cette procédure ». D’autre part, le Conseil n’aurait pas justifié l’adoption d’une sanction supplémentaire, à savoir l’inscription du nom du requérant sur la liste en cause. Au demeurant, le requérant fait observer que l’OFCOM n’avait formulé aucun grief tiré d’une violation du droit à un procès juste et équitable, en rapport avec la diffusion de l’extrait de l’interview de M. Bahari.
167 Le Conseil conteste l’ensemble des arguments invoqués au soutien du cinquième moyen.
168 L’article 50 de la charte des droits fondamentaux dispose :
« Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi. »
169 Selon la jurisprudence, le principe ne bis in idem interdit de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger un même intérêt juridique. L’application de ce principe est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir l’identité des faits, l’identité du contrevenant et l’identité de l’intérêt juridique protégé (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec, EU:C:2004:6, point 338).
170 En l’espèce, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision de l’OFCOM, à laquelle le Conseil renvoie dans les motifs retenus afin de justifier l’inscription de son nom sur les listes annexées aux actes attaqués, visait uniquement le comportement de Press TV Ltd, en ce que, en tant que détentrice d’une licence de diffusion au Royaume-Uni, elle avait diffusé un programme, en violation du code des communications dudit État membre. Il ne ressort pas de ladite décision qu’elle était, ainsi que le fait valoir le requérant, également dirigée contre « les responsables en cause dans la procédure ».
171 En revanche, s’agissant des actes attaqués, d’une part, force est de constater que, ainsi qu’il a été considéré aux points 90 à 92 ci-dessus, ils visent uniquement le comportement du requérant, en ce que, au regard des responsabilités que lui conféraient ses fonctions de directeur de l’information de Press TV, il était personnellement responsable d’une violation du droit à un procès juste et équitable. Partant, la deuxième condition visée dans la jurisprudence citée au point 169 ci-dessus et nécessaire à l’application du principe ne bis idem, en l’occurrence l’identité du contrevenant, n’est pas remplie.
172 D’autre part, force est également de constater que les deux mesures adoptées respectivement par l’OFCOM, contre Press TV Ltd, et par le Conseil, contre le requérant, poursuivent des objectifs distincts. En effet, si, dans le premier cas, ainsi que cela ressort de la décision de l’OFCOM (voir point 13 ci-dessus), il s’agissait de garantir le respect de la législation en vigueur au Royaume-Uni dans le secteur des communications, dans le second cas, ainsi que cela ressort des points 110 à 117 ci-dessus, il s’agissait de garantir l’un des objectifs visés à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE, à savoir, en l’espèce, la consolidation des droits l’homme et le soutien à ces derniers. Partant, la troisième condition requise pour appliquer le principe ne bis in idem, à savoir l’identité de l’intérêt juridique protégé, fait également défaut en l’espèce.
173 Il ressort des considérations qui précèdent que le principe ne bis in idem n’a pas été méconnu en l’espèce. Consécutivement, l’argument selon lequel le Conseil n’aurait pas justifié l’adoption d’une sanction supplémentaire, à savoir l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse, doit être écarté comme étant non pertinent.
174 Par conséquent, il y a lieu d’écarter le cinquième moyen comme étant non fondé.
Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de droits fondamentaux
175 Le requérant se prévaut dans le cadre du sixième moyen de la violation de plusieurs droits fondamentaux qui sont, dans la requête, formellement regroupés en deux branches visant respectivement, la première, une violation de la liberté d’expression et des médias et, la seconde, une violation du droit de propriété, de la liberté professionnelle et de la liberté de circulation.
Sur la recevabilité des griefs visés dans la seconde branche du sixième moyen
176 D’emblée, force est de relever que les violations du droit de propriété, de la liberté professionnelle et de la liberté de circulation, telles qu’alléguées par le requérant dans la seconde branche du sixième moyen, sont étayées par un simple renvoi aux arguments exposés dans le cadre de la première branche dudit moyen, pris de la violation de la liberté d’expression et des médias.
177 À ce titre, ainsi qu’il a été rappelé aux points 46 et 128 ci-dessus, d’une part, pour répondre aux conditions de recevabilité d’un recours fixées par le règlement de procédure du 2 mai 1991, la requête doit notamment contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et, d’autre part, tout moyen qui n’est pas suffisamment articulé dans la requête introductive d’instance doit être considéré comme irrecevable.
178 En l’espèce, s’agissant de la prétendue violation de la liberté professionnelle du requérant, il convient de constater que les arguments exposés au soutien des griefs visés dans la première branche du sixième moyen sont susceptibles d’étayer ladite violation. En effet, il ressort desdits arguments que le requérant soutient que, en substance, la mesure restrictive en cause a eu pour objet et pour effet de l’empêcher d’exercer librement son activité professionnelle dans le secteur des médias. Partant, il y a lieu de considérer que le grief pris d’une violation de la liberté professionnelle, soulevé dans la seconde branche du sixième moyen, est recevable et, partant, il convient de l’examiner conjointement avec les griefs pris de la violation de la liberté d’expression et des médias, dans le cadre de la première branche du sixième moyen.
179 En revanche, s’agissant des griefs pris de la violation du droit de propriété et de la libre circulation, il convient certes d’observer que les mesures litigieuses, en ce que, d’une part, l’article 1er de la décision 2011/235 prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes reconnues responsables de graves violations des droits de l’homme en Iran et, d’autre part, l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/235 et l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 359/2011 prévoient que les fonds et ressources économiques qui appartiennent à de telles personnes sont gelés, sont susceptibles d’entraver la circulation sur le territoire de l’Union d’une personne visée par de telles mesures de même que la jouissance de ses biens. Néanmoins, la simple allégation d’une violation de tels droits ne saurait suffire, au regard de la jurisprudence constante rappelée aux points 46 et 128 ci-dessus, pour répondre aux conditions de recevabilité d’un recours fixées par le règlement de procédure du 2 mai 1991. Or, en l’espèce, il convient de constater que les arguments exposés au soutien des griefs pris de la violation de la liberté d’expression et des médias, tels que visés dans la première branche du sixième moyen, et auxquels le requérant se contente de renvoyer au soutien de la seconde branche du sixième moyen, ne sont pas susceptibles d’étayer les deux griefs pris de la violation de la liberté de circulation et du droit de propriété. Au demeurant, s’agissant du grief pris de la violation de la liberté de circulation, il convient de relever que le représentant du requérant a indiqué, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, qu’il ne savait pas si le requérant, ressortissant d’un État tiers de l’Union, disposait d’un titre de séjour légal lui conférant un droit d’entrer et, a fortiori, de circuler sur le territoire de l’Union. Par conséquent, les griefs pris de la violation de la liberté de circulation et du droit de propriété doivent être écartés comme étant irrecevables.
Sur le bien-fondé des griefs soulevés au soutien du sixième moyen
– Sur les griefs pris d’une violation de la liberté d’expression et des médias et d’une violation de la liberté professionnelle
180 Le requérant soutient que, tout d’abord, l’inscription de son nom sur la liste litigieuse aurait eu pour conséquence de le priver totalement de son droit d’exercer son activité professionnelle en tant que rédacteur en chef et gérant d’affaires ou d’entreprises de médias en Europe. Il aurait ainsi été empêché, d’une part, de diffuser la chaîne Press TV sur le territoire de l’Union et, d’autre part, de continuer de concevoir et de réaliser, sur le territoire de l’Union, des reportages sur des sujets ayant trait à l’Europe et de les diffuser sur ladite chaîne. Ensuite, l’atteinte portée à la liberté d’expression et des médias, en ce qu’il a été mis fin à l’ensemble des activités professionnelles du requérant en Europe, pour une période indéterminée, ne serait ni nécessaire ni proportionnée. Enfin, la violation alléguée serait d’autant plus grave et disproportionnée que le requérant ne disposerait pas, en ce qui concerne son inscription sur les listes annexées aux actes attaqués, du droit procédural de demander des mesures provisoires.
181 Dans la réplique, afin d’illustrer l’argument selon lequel l’inscription de son nom sur les listes annexées aux actes attaqués aurait notamment eu pour conséquence d’empêcher la diffusion de Press TV sur le territoire de l’Union, le requérant rappelle que l’inscription du nom du président de l’IRIB, M. Ezzatollah Zarghami, sur la liste annexée au règlement n° 264/2012 aurait suffi pour entraîner la rupture du contrat entre l’IRIB et la société Arquiva et, partant, l’arrêt de la diffusion des programmes de Press TV par l’intermédiaire du satellite Hotbird 8. Il importerait peu que la mesure restrictive en cause consiste en un gel de ses ressources financières, étant donné qu’elle aurait pour objet d’empêcher, d’une part, le requérant de concevoir et de diffuser librement des programmes contenant notamment des interviews de détenus et, d’autre part, de diffuser la chaîne Press TV en Europe.
182 Le Conseil s’oppose à l’ensemble des arguments exposés au soutien de la première branche du sixième moyen.
183 En premier lieu, s’agissant de l’argument pris de ce que les actes attaqués auraient empêché la diffusion de Press TV sur le territoire de l’Union, il ne saurait prospérer.
184 En effet, premièrement, il convient de constater qu’il ressort des éléments du dossier, tels que rapportés au point 14 ci-dessus, que l’impossibilité pour Press TV de diffuser ses programmes sur le territoire de l’Union résulte directement de la décision de révocation de l’OFCOM. En effet, tout d’abord, dans cette décision, qui se fonde uniquement sur une violation des dispositions de la législation dans le secteur des communications en vigueur au Royaume-Uni à l’époque des faits, l’OFCOM a constaté que Press TV Ltd ne remplissait plus la condition requise pour détenir une licence de diffusion au Royaume-Uni, à savoir que le détenteur de la licence exerce le pouvoir de contrôle éditorial sur les programmes qu’il diffuse. Dans le cas d’espèce, l’OFCOM avait constaté que ce pouvoir était exercé par Press TV, dont le siège était établi en Iran. Ensuite, la décision de révocation de l’OFCOM a été adoptée le 20 janvier 2012, avec effet immédiat, soit, plus d’une année avant l’adoption, le 11 mars 2013, de la décision initiale d’inscrire le nom du requérant sur les listes annexées aux actes attaqués. Partant, c’est manifestement à tort que le requérant soutient que l’impossibilité pour Press TV de diffuser ses programmes sur le territoire de l’Union est la conséquence de l’adoption des actes attaqués au cours de l’année 2013. Enfin, ainsi que le requérant l’a lui-même fait valoir dans la requête, la décision de la Bayerische Landeszentrale für Neue Medien du 4 avril 2012, également antérieure à la décision initiale d’inscrire le nom du requérant sur les listes annexées aux actes attaqués, a été adoptée au motif que, à la suite du retrait de la licence par l’OFCOM, la licence européenne requise faisait désormais défaut.
185 Deuxièmement, s’agissant de la comparaison effectuée par le requérant entre le cas d’espèce et la rupture du contrat qui liait l’IRIB et la société Arquiva, à la suite de l’adoption du règlement n° 264/2012, en ce qu’il contient une décision d’inscrire le nom de M. Ezzatollah Zarghami, président de l’IRIB, sur la liste figurant en annexe du règlement n° 359/2011, elle ne saurait modifier le constat figurant au point 184 ci-dessus selon lequel l’impossibilité de diffuser Press TV sur le territoire de l’Union découle directement de la décision de révocation de l’OFCOM.
186 En second lieu, s’agissant de l’argument pris de ce que, en substance, les actes attaqués auraient empêché le requérant d’exercer librement son activité professionnelle dans le secteur des médias, à supposer même que la mesure restrictive en cause porte atteinte, au regard des activités professionnelles du requérant dans ledit secteur, à la liberté d’expression et des médias et à la liberté professionnelle, c’est à tort que le requérant soutient que ladite atteinte serait injustifiée et disproportionnée.
187 En effet, le droit à la liberté d’expression, auquel se rattachent, en l’espèce, la liberté des médias et la liberté professionnelle, dont se prévaut le requérant, tel que protégé par l’article 11 de la charte des droits fondamentaux, ne constitue pas une prérogative absolue (voir, par analogie, arrêts du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, Rec, EU:C:2001:127, point 40, et du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec, ci-après l’« arrêt Kadi I », EU:C:2008:461, point 355) et peut, en conséquence, faire l’objet de limitations, dans les conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux .
188 En effet, aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, d’une part, « [t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par [ladite c]harte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et, d’autre part, « [d]ans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ».
189 Ainsi, pour être conforme au droit de l’Union, une atteinte à la liberté d’expression et des médias doit, en tout état de cause, répondre à une triple condition.
190 Premièrement, la limitation en cause doit être « prévue par la loi ». En d’autres termes, la mesure dont il s’agit doit avoir une base légale (voir arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, Rec, EU:T:2014:93, point 198 et jurisprudence citée).
191 Or, en l’espèce, étant donné que, ainsi qu’il a été conclu aux points 118 et 162 ci-dessus, le Conseil disposait d’une base légale pour adopter les actes attaqués et n’a commis aucune erreur d’appréciation en imposant au requérant la mesure restrictive en cause, il y a lieu de considérer que l’atteinte susceptible d’avoir été portée à l’exercice de la liberté d’expression et des médias dont il s’agit en l’espèce est prévue par la loi, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux .
192 Deuxièmement, la limitation en cause doit viser un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. Au nombre de ces objectifs figurent ceux poursuivis dans le cadre de la PESC, tels que visés à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE, cité au point 110 ci-dessus, à savoir le soutien et la consolidation de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme (arrêt Ezz e.a./Conseil, point 190 supra, EU:T:2014:93, point 199).
193 Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été constaté aux points 110 à 117 ci-dessus, tant les actes attaqués que la décision 2011/235 et le règlement n° 359/2011, mis en œuvre par ces derniers, ont été adoptés sur la base des dispositions relatives à la PESC et contribuent effectivement à la réalisation d’un des objectifs d’intérêt général poursuivi dans le cadre de cette dernière, à savoir consolider et soutenir les droits de l’homme.
194 Troisièmement, la limitation en cause ne doit pas être excessive. D’une part, elle doit être nécessaire et proportionnelle au but recherché. D’autre part, le « contenu essentiel », c’est‑à‑dire la substance, du droit ou de la liberté concerné ne doit pas être atteint (voir arrêt Ezz e.a./Conseil, point 190 supra, EU:T:2014:93, point 200 et jurisprudence citée).
195 Par ailleurs, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, Rec, EU:C:2001:420, point 81, et du 6 mai 2010, Comune di Napoli/Commission, T‑388/07, EU:T:2010:177, point 143).
196 Or, en l’espèce, la mesure restrictive que le Conseil a adoptée à l’encontre du requérant, sur le fondement des dispositions de la décision 2011/235 et du règlement n° 359/2011, est appropriée pour atteindre l’objectif poursuivi, au titre de la PESC, consistant à consolider et soutenir les droits de l’homme.
197 En effet, tout d’abord, s’agissant d’une personne telle que le requérant, ressortissant d’un État tiers à l’Union, la mesure restrictive en cause, en ce qu’elle prévoit, d’une part, que les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher son entrée ou son passage en transit sur leur territoire et, d’autre part, un gel de ses fonds et de ses ressources économiques, permet de lutter contre des graves violations des droits de l’homme, telles que celle pour laquelle il a été tenu pour responsable. Pour rappel, l’adoption de ladite mesure s’inscrit dans le cadre strict des conditions légales définies par un règlement fondé sur l’article 215, paragraphe 2, TFUE, mettant en œuvre une décision adoptée sur la base de l’article 29 TUE, dans le champ d’application du traité FUE.
198 Ensuite, le requérant ne démontre pas que le Conseil pouvait envisager d’adopter des mesures moins contraignantes, mais tout autant appropriées que celle prévue par les actes attaqués.
199 En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, l’atteinte portée par la mesure restrictive en cause au droit à la liberté d’expression et des médias n’est pas disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis. En effet, d’une part, il convient de rappeler que la mesure restrictive imposée au requérant présente, par nature, un caractère temporaire et réversible. En effet, il ressort des dispositions de l’article 6, second alinéa, de la décision 2011/235 et de l’article 12, paragraphe 4, du règlement n° 359/2011 que les mesures restrictives adoptées sur le fondement de ces actes font, en substance, l’objet d’un suivi constant. Or, en l’espèce, il est constant, ainsi qu’il a été mentionné aux points 15, 21 et 25 ci-dessus, que la mesure restrictive imposée au requérant a été réexaminée sur une base annuelle. À la suite des réexamens intervenus en 2014 et 2015, le Conseil a décidé de maintenir ladite mesure et, à ce titre, l’a prorogée, voire actualisée. Il ressort des considérations qui précèdent que la mesure restrictive imposée au requérant ne porte pas atteinte au contenu essentiel de la liberté d’expression et des médias.
200 D’autre part, s’agissant du caractère prétendument disproportionné de l’atteinte que la mesure restrictive en cause porterait spécifiquement à l’exercice par le requérant de son activité professionnelle, en particulier sur le territoire de l’Union, cet argument ne saurait prospérer. En effet, il est constant que ladite mesure ne produit des effets que sur le territoire de l’Union. Or, il convient de relever que, ainsi que cela ressort notamment des données d’identification du requérant figurant dans les actes attaqués, ce dernier réside et exerce ses activités professionnelles au sein de l’IRIB et de Press TV à Téhéran. Au demeurant, le requérant ne conteste pas lesdites données. Partant, la mesure restrictive en cause ne porte pas atteinte au droit du requérant d’exercer son activité professionnelle dans le secteur des médias notamment dans le pays où il réside (voir, par analogie, arrêt Ezz e.a./Conseil, point 190 supra, EU:T:2014:93, point 209).
201 Enfin, s’agissant de l’argument pris de l’absence de mesures provisoires susceptibles d’être sollicitées, il suffit de rappeler que, bien que, en vertu des dispositions de l’article 278 TFUE, « [l]es recours formés devant la Cour de justice de l’Union européenne n’ont pas d’effet suspensif, la Cour peut, si elle estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ». De même, l’article 279 TFUE prévoit que, « [d]ans les affaires dont elle est saisie, la Cour […] peut prescrire les mesures provisoires nécessaires ». L’article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure du 2 mai 1991, au même titre que l’article 156, paragraphe 3, du même règlement de procédure, fixe les conditions de recevabilité formelles et substantielles des demandes de sursis à l’exécution d’un acte, aux termes de l’article 278 TFUE, et de toute demande relative aux autres mesures provisoires visées à l’article 279 TFUE. Partant, c’est de manière manifestement erronée que le requérant soutient qu’il ne disposait pas d’un droit procédural de demander au juge de l’Union de prononcer une mesure provisoire au titre des mesures restrictives contre lesquelles est dirigé le présent recours.
202 Il résulte des considérations qui précèdent que les griefs pris de la violation de la liberté d’expression et des médias et de la liberté professionnelle doivent être écartés comme étant non fondés.
– Sur les griefs pris d’une violation de la liberté de circulation et du droit de propriété
203 Nonobstant la conclusion tirée au point 179 ci-dessus, en ce que les griefs pris, d’une part, d’une violation de la liberté de circulation et, d’autre part, d’une violation du droit de propriété doivent être écartés comme étant irrecevables, il convient de constater que, en tout état de cause, ils ne sauraient prospérer.
204 En effet, en premier lieu, s’agissant du grief pris d’une violation de la liberté de circulation, à supposer même que le requérant puisse se prévaloir, à l’avenir, d’un droit d’entrer et de circuler sur le territoire de l’Union, en tout état de cause, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres s’exerce sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application. Ladite réserve, formulée dans le second membre de phrase de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, faisant référence aux traités, au pluriel, elle inclut également le traité UE. Or, les restrictions en matière d’admission, qui figurent dans des décisions adoptées sur le fondement de l’article 29 TUE, sont à l’évidence des dispositions prises en application du traité UE (arrêt Mayaleh/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:926, point 195).
205 Il ressort des considérations qui précèdent que, par l’adoption d’actes relevant de la PESC, le Conseil peut en principe limiter le droit de circuler voire de travailler sur le territoire des États membres de l’Union. Cependant, il convient de vérifier si, en l’espèce, le Conseil a agi dans le respect du principe de proportionnalité, tel que défini par la jurisprudence rappelée au point 195 ci-dessus (voir, par analogie, arrêt Mayaleh/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:926, point 196).
206 À cet égard, il suffit de relever que les considérations exposées aux points 191, 193 et 196 à 199 ci-dessus, quant au caractère approprié, nécessaire et limité dans le temps des mesures portant gel des fonds du requérant, sont applicables par analogie aux dispositions sur les restrictions en matière d’admission et de libre circulation sur le territoire de l’Union dont pourrait jouir un ressortissant d’un État tiers à l’Union, tel que le requérant (voir, par analogie, arrêt Mayaleh/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:926, point 197).
207 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief pris de la violation de la liberté de circulation doit, en tout état de cause, être rejeté comme étant non fondé.
208 En second lieu, s’agissant du grief pris d’une violation du droit de propriété, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux :
« Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. »
209 En l’espèce, par les actes attaqués, le Conseil a gelé durant une période déterminée les fonds détenus par le requérant. Ainsi, le Conseil doit être regardé comme ayant limité l’exercice par le requérant du droit visé à l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt Kadi I, point 187 supra, EU:C:2008:461, point 358).
210 Toutefois, conformément aux considérations figurant aux points 187 à 194 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que le droit de propriété, tel que protégé par cet article, ne constitue pas une prérogative absolue (voir, en ce sens, arrêts du 14 mai 1974, Nold/Commission, 4/73, Rec, EU:C:1974:51, point 14, et Kadi I, point 187 supra, EU:C:2008:461, point 355) et peut, en conséquence, faire l’objet de limitations, dans les conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux .
211 En l’espèce, il convient de considérer que, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 191, 193 et 196 à 199 ci-dessus, chacune des trois conditions qui découlent des dispositions de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux est remplie.
212 Partant, le grief pris de la violation du droit de propriété devrait, en tout état de cause, être rejeté comme étant non fondé.
213 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le sixième moyen comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondé et, partant, le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
214 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.
215 L’intervenante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Hamid Reza Emadi supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.
3) Stiftung Organisation Justice for Iran supportera ses propres dépens.
Martins Ribeiro | Gervasoni | Madise |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 décembre 2015.
Signatures
Table des matières
Cadre juridique
Antécédents du litige
Procédure et conclusions des parties
En droit
1. Sur la recevabilité
Sur la recevabilité du recours en ce que le requérant vise à l’annulation de la décision 2013/124 et sur la recevabilité de l’exception d’illégalité soulevée par le requérant contre ladite décision
Sur la recevabilité de la demande d’adaptation des conclusions tendant à ce que le recours vise à l’annulation de la décision 2014/205 et du règlement d’exécution n° 371/2014
2. Sur le fond
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu
Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit
Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation
Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe ne bis in idem
Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de droits fondamentaux
Sur la recevabilité des griefs visés dans la seconde branche du sixième moyen
Sur le bien-fondé des griefs soulevés au soutien du sixième moyen
– Sur les griefs pris d’une violation de la liberté d’expression et des médias et d’une violation de la liberté professionnelle
– Sur les griefs pris d’une violation de la liberté de circulation et du droit de propriété
Sur les dépens
* Langue de procédure : l’allemand.
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