Italy v Commission (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-44/11 (06 July 2015)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T4411.html
Cite as: [2015] EUECJ T-44/11, ECLI:EU:T:2015:469, EU:T:2015:469

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

6 juillet 2015 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement  – Aides à la production du lait écrémé en poudre – Irrégularités ou négligences imputables aux administrations ou organismes des États membres – Proportionnalité – Obligation de motivation – Principe ne bis in idem – Délai raisonnable »

Dans l’affaire T‑44/11,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. L. Ventrella et G. Fiengo, avvocati dello stato,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Rossi et D. Nardi, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2010/668/UE de la Commission, du 4 novembre 2010, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 288, p. 24), en ce qu’elle exclut certaines dépenses effectuées par la République italienne,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz et A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 9 octobre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Réglementation générale relative au financement de la politique agricole commune

1        La réglementation de base relative au financement de la politique agricole commune est constituée, en ce qui concerne les dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000, par le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103).

2        En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles entreprises selon les règles de l’Union européenne dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles.

3        L’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 dispose :

« La Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3 lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires.

Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.

La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

[…] »

4        L’article 8 du règlement n° 1258/1999 prévoit :

« 1.      Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour :

a)      s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le Fonds ;

b)      prévenir et poursuivre les irrégularités ;

c)      récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

Les États membres informent la Commission des mesures prises à ces fins, et notamment de l’état des procédures administratives et judiciaires.

2.      À défaut de récupération totale, les conséquences financières des irrégularités ou des négligences sont supportées par la Communauté, sauf celles résultant d’irrégularités ou de négligences imputables aux administrations ou autres organismes des États membres.

Les sommes récupérées sont versées aux organismes payeurs agréés et portées par ceux-ci en déduction des dépenses financées par le Fonds. Les intérêts afférents aux sommes récupérées ou payées tardivement sont versés au Fonds.

3.      Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, arrête les règles générales d’application du présent article. »

5        Le règlement n° 1258/1999 a été abrogé par le règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1), qui concerne notamment l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), qui est entré en vigueur, selon son article 49, le 18 août 2005.

6        Toutefois, l’article 47 du règlement n° 1290/2005 précise que « le règlement (CE) n° 1258/1999 demeure applicable jusqu’au 15 octobre 2006 pour les dépenses effectuées par les États membres, et jusqu’au 31 décembre 2006 pour celles effectuées par la Commission ».

 Réglementation spécifique relative à la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie »

7        Les modalités de la procédure d’apurement des comptes demeurent fixées par le règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), tel que modifié notamment par le règlement (CE) n° 2245/1999 de la Commission, du 22 octobre 1999 (JO L 273, p. 5).

8        L’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1663/95, tel que modifié par le règlement n° 2245/1999, dispose :

« 1. Si, à l’issue d’une enquête, la Commission considère que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, elle communique les résultats de ses vérifications à l’État membre concerné et indique les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles précitées.

La communication fait référence au présent règlement. L’État membre répond dans un délai de deux mois et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation de ce délai.

Après l’expiration du délai accordé pour la réponse, la Commission convoque une discussion bilatérale et les deux parties essayent d’arriver à un accord sur les mesures à prendre ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté européenne. Après cette discussion et après toute date fixée par la Commission, en consultation avec l’État membre, après la discussion bilatérale pour la communication d’informations supplémentaires ou, si l’État membre n’accepte pas la convocation dans un délai fixé par la Commission, après l’échéance de ce délai, cette dernière communique formellement ses conclusions à l’État membre en faisant référence à la décision 94/442/CE de la Commission. Sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa du présent paragraphe, cette communication évaluera les dépenses qu’elle envisage d’exclure au titre de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement […] n° 729/70.

L’État membre informe la Commission dans les meilleurs délais des mesures correctives prises pour assurer le respect des règles communautaires et de la date effective de leur mise en œuvre. La Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions en application de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement […] n° 729/70 pour exclure jusqu’à la date effective de mise en œuvre des mesures correctives les dépenses affectées par le non-respect des règles communautaires.

2. Les décisions visées à l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement […] n° 729/70 doivent être prises après examen de tout rapport établi par l’organe de conciliation en application des dispositions de la décision 94/442/CE. »

 Orientations de la Commission

9        Les orientations de la Commission des communautés européennes pour l’application des corrections financières ont été définies dans le document VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après le « document VI/5330/97 »). Selon l’annexe 1 du document VI/5330/97, lorsque des carences sont constatées dans le système de contrôle ou de gestion d’un État membre dans le cadre d’une enquête, l’adoption d’une correction financière est fondée sur le manquement de cet État membre au respect des règles de l’Union, qui a une incidence financière sur les dépenses de l’Union.

10      Dans l’annexe 2 du document VI/5330/97, la Commission précise :

« Lorsqu’un État membre ne respecte pas les règles communautaires visant à vérifier l’éligibilité des demandes, ce seul manquement implique que les paiements contreviennent aux dispositions communautaires applicables à la mesure concernée et à l’obligation générale de détection et de prévention des irrégularités incombant aux États membres prévue par l’article 8 du règlement n° 729/70. Cela ne signifie pas nécessairement que toutes les demandes satisfaites constituent des irrégularités, mais que le risque de voir le [FEOGA] supporter des dépenses indues s’en trouve accru. S’il est vrai que, dans certains cas flagrants, la Commission pourrait être habilitée à refuser toutes les dépenses concernées lorsque les contrôles requis par un règlement ne sont pas effectués, dans un certain nombre de cas le montant des dépenses à écarter excéderait, selon toute probabilité, la perte financière subie par la Communauté. Il convient alors d’estimer la perte lors de l’évaluation des corrections financières. »

11      Dans l’annexe 2 du document VI/5330/97, la Commission indique également que, lorsqu’il est impossible de déterminer le montant réel des paiements irréguliers et, de ce fait, le montant des pertes financières subies par l’Union, ce sont des corrections forfaitaires qui sont appliquées en fonction de l’évaluation du risque de perte encouru par le budget de l’Union du fait des contrôles déficients.

12      Ainsi, conformément à l’annexe 2 du document VI/5330/97, lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou le sont si mal ou si rarement qu’ils en sont inefficaces, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 10 % des dépenses déclarées. Lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais le sont sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 5 % des dépenses déclarées. Si l’État membre effectue correctement les contrôles clés, mais omet de réaliser un ou plusieurs contrôles secondaires, la correction applicable est une correction à hauteur de 2 % des dépenses déclarées. Dans des cas exceptionnels, l’application de taux de correction plus élevés peut être décidée.

13      Dans l’annexe 2 du document VI/5330/97, la Commission précise en outre que le taux de correction doit être appliqué à la part des fonds pour laquelle la dépense a constitué un risque. Ainsi, lorsque la carence résulte de l’absence d’adoption d’un système de contrôle approprié par un État membre, la correction doit être appliquée à toutes les dépenses relevant de la mesure concernée.

14      Enfin, dans l’annexe 2 du document VI/5330/97, la Commission indique que, lorsque les carences proviennent de difficultés d’interprétation des textes de l’Union, sauf dans les cas où il est raisonnablement possible de penser que l’État membre résoudra ces difficultés avec l’aide de la Commission et lorsque les autorités nationales ont fait le nécessaire pour remédier aux carences dès que celles-ci ont été décelées, des facteurs de pondération peuvent être pris en compte et donner lieu à l’application d’un taux plus bas ou à une absence de correction.

 Décision attaquée

15      Par sa décision 2010/668/UE, du 4 novembre 2010, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie », du FEAGA et du Feader (JO L 288, p. 24, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a écarté du financement de l’Union certaines dépenses effectuées, notamment, par la République italienne.

16      Les motifs des corrections financières contestées en l’espèce ont été exposés dans le rapport de synthèse du 19 juillet 2010, relatif aux résultats des inspections menées par la Commission dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité au titre de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31 du règlement n° 1290/2005 (ci-après le « rapport de synthèse »).

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 janvier 2011, la République italienne a introduit le présent recours.

18      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, a posé certaines questions écrites aux parties. Celles-ci ont répondu à ces demandes dans le délai imparti.

19      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 octobre 2014.

20      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle lui a infligé, d’une part, s’agissant de l’enquête LA/2004/03/IT, pour les exercices financiers 2004 à 2006, une correction financière ponctuelle et forfaitaire (2 %) au titre de différentes carences dans le secteur de l’aide au lait écrémé en poudre, pour un total de 1 688 049,32 euros, et, d’autre part, s’agissant des enquêtes FA/2003/01/IT, FA/2003/38/IT et FA/2003/52/IT, une correction financière spécifique pour l’exercice financier 2009, relative à l’organisation du système de recouvrement des organismes payeurs Agenzia per le erogazioni in agricoltura (AGEA, agence pour l’octroi d’aides dans le secteur agricole) et Servizio autonomo interventi nel settore agricolo (SAISA, service autonome d’intervention dans le secteur agricole), pour un total de 14 257 072,07 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

 En droit

22      Le présent recours concerne certaines corrections, comprises dans la décision attaquée et appliquées aux dépenses déclarées par la République italienne.

23      S’agissant du secteur de l’aide au lait écrémé en poudre, la République italienne conteste une correction financière d’un montant total de 1 688 049,32 euros, correspondant à une correction ponctuelle de 19 021,62 euros, pour une irrégularité relevée à Brescia (Italie), à des corrections ponctuelles de respectivement 2 961,86 euros et 86 072,22 euros, pour des irrégularités constatées à Bolzano (Italie) et à une correction forfaitaire de 1 579 993,62 euros correspondant à 2 % de l’aide payée à la République italienne pendant la période du 3 novembre 2002 au 3 novembre 2004.

24      S’agissant de l’organisation du système de recouvrement des organismes payeurs, AGEA et SAISA, elle conteste une correction financière d’un montant total de 14 257 072,07 euros, correspondant à la somme de 7 852 872,39 euros pour les crédits d’AGEA et à la somme de 6 404 199,68 euros pour les crédits de SAISA.

 Considérations liminaires

25      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, seules sont financées par le FEOGA les interventions entreprises selon les règles de l’Union, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles. À cet égard, il appartient à la Commission, lorsqu’elle refuse de mettre à la charge du budget de l’Union certaines dépenses pour cause de violations des dispositions du droit de l’Union imputables à un État membre, de prouver l’existence desdites violations (voir arrêt du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, Rec, EU:C:1999:527, point 6 et jurisprudence citée). En d’autres termes, la Commission est obligée de justifier la décision par laquelle elle constate l’absence ou la défaillance des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné (voir arrêt du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec, EU:C:2003:251, point 46 et jurisprudence citée).

26      Toutefois, la Commission est tenue non de démontrer de façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les autorités nationales ou l’irrégularité des données transmises, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres (arrêts du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, Rec, EU:C:2001:455, point 36, et Espagne/Commission, point 25 supra, EU:C:2003:251, point 47).

27      Il appartient ensuite à l’État membre concerné de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission (arrêt Belgique/Commission, point 26 supra, EU:C:2001:455, point 36). Cette jurisprudence est également applicable lorsque la Commission considère que l’État membre ne s’est pas acquitté de l’obligation de vérifier correctement les différentes opérations ou de procéder avec diligence à la récupération des aides indûment perçues par les bénéficiaires (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 1999, Espagne/Commission, C‑240/97, Rec, EU:C:1999:479, point 38)

28      En d’autres termes, l’État membre concerné ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles‑ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (arrêts Italie/Commission, point 25 supra, EU:C:1999:527, point 7, et Espagne/Commission, point 25 supra, EU:C:2003:251, point 48).

29      Cet allégement de l’exigence de la preuve à la charge de la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète des contrôles effectués, de la réalité de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des calculs de la Commission (arrêts Belgique/Commission, point 26 supra, EU:C:2001:455, point 37 ; du 24 janvier 2002, France/Commission, C‑118/99, Rec, EU:C:2002:39, point 37, et Espagne/Commission, point 25 supra, EU:C:2003:251, point 49).

30      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens soulevés par la République italienne à l’encontre des corrections financières visées en l’espèce, le premier moyen étant relatif aux corrections effectuées au titre de l’aide au lait écrémé en poudre et les deuxième et troisième moyens aux corrections relatives à l’organisation du système de recouvrement des organismes payeurs.

 Aide au lait écrémé en poudre 

 Réglementation de l’Union

31      Le règlement (CE) n° 1255/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 160, p. 48), a notamment introduit des mesures d’aide en faveur de la commercialisation du lait écrémé en poudre.

32      L’article 11 du règlement n° 1255/1999 dispose :

« 1. Des aides sont accordées au lait écrémé et au lait écrémé en poudre utilisés pour l’alimentation des animaux, si ces produits satisfont à certaines conditions.

Sont assimilés au lait écrémé et au lait écrémé en poudre, au sens du présent article, le babeurre et le babeurre en poudre.

2. Le montant des aides est fixé compte tenu des facteurs suivants :

–        le prix d’intervention du lait écrémé en poudre,

–        l’évolution de la situation en matière d’approvisionnement de lait écrémé et de lait écrémé en poudre et l’évolution de l’utilisation de ces produits dans l’alimentation animale,

–        le cours des prix du veau,

–        le cours des prix de marché des protéines concurrentes par comparaison avec ceux du lait écrémé en poudre. »

33      Le règlement (CE) nº 2799/1999 de la Commission, du 17 décembre 1999, portant modalités d’application du règlement nº 1255/1999 en ce qui concerne l’octroi d’une aide au lait écrémé et au lait écrémé en poudre destinés à l’alimentation des animaux et la vente dudit lait écrémé en poudre (JO L 340, p. 3), a fixé les pourcentages de réduction des aides payables au titre du règlement n° 1255/1999 lorsque les produits en question ne satisfont pas à certaines conditions.

34      L’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 2799/1999 dispose :

« Si le produit fabriqué ne contient pas la quantité minimale de 50 kg de lait écrémé en poudre visée au paragraphe 1, [sous] a), i), une aide dont le montant est réduit de 15 % est accordée pour le lait écrémé en poudre effectivement incorporé, à condition que la teneur en lait écrémé en poudre soit au moins égale à 45 kg sur 100 kg de produit fini. »

35      Conformément à l’article 7, paragraphe 2, du même règlement :

« Pour les quantités de lait écrémé en poudre dont la teneur en eau dépasse 5 %, le montant de l’aide est diminué de 1 % pour chaque fraction supplémentaire de 0,2 % de la teneur en eau. »

36      L’article 24 du règlement n° 2799/1999 dispose :

« 1. Sans préjudice de l’article 25, si le résultat des analyses prévues par le présent chapitre et des contrôles visés à l’article 15 font apparaître que le bénéficiaire n’a pas respecté les dispositions du présent chapitre au cours de la période de paiement précédente, le paiement de l’aide pour la période faisant l’objet de la demande est suspendu, en attendant le résultat des contrôles effectués pour cette période. En outre, l’aide indûment versée pour la période précédente concernée est récupérée.

2. Le montant de l’aide indûment versée concerne la totalité du lait écrémé ou du lait écrémé en poudre utilisé pendant la période qui s’étend entre la date du contrôle précédent n’ayant pas donné lieu à des observations et la date du contrôle établissant que le bénéficiaire se conforme de nouveau aux dispositions du présent règlement.

Toutefois, si le bénéficiaire en formule la demande et à sa charge, l’organisme chargé du contrôle effectue une enquête spéciale dans les meilleurs délais. Si la preuve est apportée que la quantité est inférieure à celle visée au premier alinéa, le montant à récupérer est adapté en conséquence. »

 Antécédents du litige

37      Du 7 au 11 juin 2004, les services de la Commission ont effectué une mission de contrôle en Italie, au cours de laquelle ils ont constaté que les organismes payeurs des provinces de Brescia et de Bolzano ne calculaient pas correctement les réductions nécessaires des aides à la commercialisation du lait écrémé en poudre destiné à l’alimentation des animaux qui avaient été indûment versées.

38      Par la lettre d’observations du 28 octobre 2004 (AGR 27121), la Commission a informé les autorités italiennes des conclusions de sa mission de contrôle, qui a notamment relevé des irrégularités dans les provinces de Brescia et de Bolzano. La lettre indiquait que la vérification de certaines analyses effectuées pour le compte de l’organisme payeur AGEA avait révélé les irrégularités suivantes :

–        dans un cas, à Brescia, il avait été constaté une teneur en lait écrémé en poudre dans le produit fini commercialisé inférieure à 50 % et, partant, le paiement irrégulier des aides qui y étaient afférentes. En l’espèce, AGEA avait appliqué des sanctions se limitant au recouvrement de l’aide versée durant la semaine pendant laquelle l’anomalie avait été constatée alors que, selon l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2799/1999, l’aide indûment versée correspondait à celle payée pendant toute la période qui s’étendait entre la date du contrôle précédent n’ayant pas donné lieu à des observations et la date du contrôle établissant que le bénéficiaire se conformait de nouveau aux dispositions dudit règlement ;

–        dans un autre cas, à Bolzano, les analyses prélevées sur un échantillon de lait écrémé en poudre (lot n° 20030452, du 3 juillet 2003) qui s’avérait avoir une teneur en humidité de 5,69 %, donc supérieure à la limite maximale de 5 %, n’avaient pas donné lieu à l’application de la réduction de l’aide versée telle que le prévoient l’article 7, paragraphe 2, et l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2799/1999 ;

–        dans un troisième cas, survenu à Bolzano, les inspecteurs de la Commission avaient constaté que les analyses effectuées avaient révélé une différence supérieure au seuil de tolérance de 4,5 % entre la valeur déclarée par le bénéficiaire de l’aide (56 %) et la teneur en lait écrémé en poudre du produit final inférieure à 50 % (48,1 %) sans qu’ait été appliquée la réduction de l’aide fondée sur la teneur effective en lait écrémé en poudre, majorée de 15 % à titre de sanction.

39      Par cette lettre, la Commission invitait les autorités italiennes à prendre des mesures correctives au sujet des irrégularités constatées et leur faisait savoir que certaines dépenses pourraient ne pas bénéficier du financement du FEOGA, section « Garantie », eu égard à la gravité des faiblesses relevées et que cette exclusion ne concernait pas les dépenses effectuées avant la période de 24 mois précédant la date d’envoi de ladite lettre.

40      Par lettre du 30 décembre 2004, les autorités italiennes ont répondu à la lettre d’observations de la Commission en faisant valoir leurs observations et conclusions en réponse aux griefs avancés.

41      À la demande de la Commission, une rencontre bilatérale a eu lieu le 30 juin 2005 entre celle-ci et les autorités italiennes afin de discuter des conclusions de l’inspection de juin 2004 à la lumière des constatations de la Commission et des réponses apportées par les autorités italiennes.

42      Par lettre du 12 août 2005 (AGR 20807), le procès-verbal de cette réunion a été envoyé aux autorités italiennes.

43      Par lettre du 28 septembre 2005, les autorités italiennes ont fourni d’autres informations aux services de la Commission.

44      Par lettre du 19 novembre 2008 (AGR 27782), la Commission a communiqué aux autorités italiennes les conclusions provisoires de l’enquête portant sur l’application des sanctions adoptées après la constatation de résultats d’analyses insuffisants à Brescia et à Bolzano. Elle a indiqué que, pour l’irrégularité relevée à Brescia, une correction ponctuelle de 19 021,62 euros était exigible, pour les irrégularités constatées à Bolzano, des corrections ponctuelles de 2 961,86 euros et de 86 072,22 euros étaient exigibles et, pour les mêmes faiblesses constatées auprès d’AGEA concernant la non‑prise en compte des résultats des analyses faites à Bolzano et leur évaluation insuffisante à Brescia, une correction forfaitaire de 2 % des dépenses effectuées pendant la période s’étendant du 3 novembre 2002 au 3 novembre 2004 était exigible. Au total, la correction proposée par la Commission s’élevait à 1 688 049,32 euros.

45      Le 22 décembre 2008, les autorités italiennes ont saisi l’organe de conciliation, qui a adopté son rapport le 22 avril 2009. L’organe de conciliation a constaté, d’une part, l’impossibilité de concilier les positions de la Commission avec celles des autorités italiennes au sujet des corrections ponctuelles et, d’autre part, a pris acte de l’intention de la Commission d’éviter une correction forfaitaire si de nouveaux renseignements fournis par les autorités italiennes permettaient de définir avec précision les conséquences financières des faiblesses constatées durant la période ayant fait l’objet de la vérification.

46      Par lettre du 19 novembre 2009 (Ares 331909), les services de la Commission ont indiqué que les informations transmises par les autorités italiennes, pendant et après la procédure de conciliation, ne contenaient pas les données ou les résultats des prélèvements des échantillons effectués et ne permettaient donc pas d’apporter une définition analytique des conséquences financières. Par conséquent, ils ont confirmé qu’ils proposeraient d’exclure du financement de l’Union la somme globale de 1 688 049,32 euros.

47      Par la décision attaquée, la Commission a confirmé la correction financière proposée par ses services correspondant à une correction ponctuelle de 19 021,62 euros pour l’irrégularité relevée à Brescia, à des corrections ponctuelles de 2 961,86 euros et de 86 072,22 euros pour les irrégularités constatées à Bolzano et à une correction forfaitaire de 2 % de l’aide payée à la République italienne pendant la période du 3 novembre 2002 au 3 novembre 2004, correspondant à la somme de 1 579 993,62 euros.

 Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de motivation, d’une dénaturation des faits, d’une violation du principe de proportionnalité et d’une violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement nº 2799/1999

48      Le premier moyen soulevé par la République italienne peut être divisé en trois branches. La première branche concerne la correction ponctuelle imposée pour l’irrégularité constatée dans la province de Brescia, la deuxième branche concerne les corrections ponctuelles imposées pour les irrégularités constatées dans la province de Bolzano et la troisième branche concerne la correction forfaitaire de 2 %.

–       Sur l’irrégularité constatée dans la province de Brescia

49      La République italienne soutient, en substance, que la correction ponctuelle appliquée par la Commission est erronée du fait que la période d’application des sanctions, en vertu de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2799/1999, aurait dû s’étendre du 29 septembre au 3 octobre 2003, soit seulement la semaine pendant laquelle a été produit l’échantillon d’aliments non conforme à la teneur minimale en lait écrémé en poudre. Elle considère que la période d’application de sanctions ne devait couvrir ni la semaine correspondant au dernier contrôle positif, celle du 23 septembre 2003, ni la période du 4 au 7 octobre 2003.

50      La République italienne conteste la conclusion des services de la Commission selon laquelle l’enquête menée les 6 et 7 octobre 2003 n’était qu’une simple inspection trimestrielle et ne pouvait pas remplacer une enquête spéciale au sens de l’article 24, paragraphe 2, du règlement nº 2799/1999. Elle fait valoir que l’enquête trimestrielle, en raison de sa nature administrative et comptable particulièrement approfondie, tient lieu d’enquête spéciale.

51      La République italienne considère que l’exigence de contrôles continus et approfondis envers les bénéficiaires, aux termes de l’article 24, paragraphe 2, du règlement nº 2799/1999, a été pleinement observée, et ce en temps utile, par les autorités italiennes.

52      En l’espèce, il ressort du point 5.2.1 du rapport de synthèse ce qui suit :

« [L]es résultats officiels d’analyses en laboratoire de l’échantillon d’aliments pour animaux prélevé le 30 septembre 2003 par l’inspecteur local ont montré que la teneur en lait écrémé en poudre de ces aliments composés était inferieure de plus de 4,5 % (valeur seuil) à la valeur déclarée par le bénéficiaire.

Une analyse ultérieure des échantillons retenus, effectuée par un autre laboratoire officiel sélectionné conjointement par l’entreprise et l’administration provinciale, a confirmé la teneur inférieure en lait écrémé en poudre du produit final. Par conséquent, 15 % de l’aide se rapportant à la semaine de production des analyses en question (du 29 septembre 2003 au 3 octobre 2003) ont été recouvrés. Conformément au règlement n° 2799/1999, la période à laquelle les sanctions doivent s’appliquer est toutefois celle qui s’étend entre la date du contrôle précédent n’ayant pas donné lieu à des observations et la date du contrôle établissant que le bénéficiaire se conforme de nouveau aux dispositions du règlement.

Aucun élément ne permet de prouver ni l’existence d’une enquête visant spécifiquement à limiter la période à laquelle la réduction de l’aide a été appliquée, ni le fait que des échantillons auraient été prélevés entre le 23 septembre 2003 et le 7 octobre 2003. L’enquête effectuée les 6 et 7 octobre 2003 était une inspection trimestrielle normale. C’est pourquoi la période à laquelle une réduction de 15 % de l’aide aurait dû être appliquée est la période du 23 septembre 2003 au 6 octobre 2003. »

53      À cet égard, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 24, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 2799/1999, « [l]e montant de l’aide indûment versée concerne la totalité du lait écrémé ou du lait écrémé en poudre utilisé pendant la période qui s’étend entre la date du contrôle précédent n’ayant pas donné lieu à des observations et la date du contrôle établissant que le bénéficiaire se conforme de nouveau aux dispositions du présent règlement ».

54       Il s’ensuit que la Commission a correctement appliqué cette disposition en considérant que la période à laquelle les sanctions devaient s’appliquer était la période du 23 septembre 2003, à savoir la date du contrôle précédent n’ayant pas donné lieu à des observations, au 6 octobre 2003, à savoir la date du contrôle établissant que le bénéficiaire s’était conformé de nouveau aux dispositions du règlement n° 2799/1999.

55      Il est certes vrai que le bénéficiaire pouvait obtenir la réduction de la période d’application des sanctions. Toutefois, dans cette hypothèse, l’article 24, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 2799/1999 prévoit expressément que « le bénéficiaire en formule la demande et à sa charge » et que « l’organisme chargé du contrôle effectue une enquête spéciale dans les meilleurs délais ».

56      Or, en l’espèce, il est constant qu’aucune demande en ce sens n’a été formulée et que, par conséquent, aucune enquête spéciale n’a été conduite.

57      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les arguments de la République italienne tirés d’une application erronée de l’article 24, paragraphe 2, du règlement nº 2799/1999.

58      Partant, il y a lieu de rejeter cette branche du premier moyen.

–       Sur les irrégularités constatées dans la province de Bolzano

59      S’agissant de l’irrégularité consistant en la non-conformité d’un échantillon analysé avec les teneurs maximales en humidité prévues pour le lait écrémé en poudre, la République italienne fait valoir que les analyses effectuées par le laboratoire d’analyse des aliments de la province de Bolzano sur l’échantillon prélevé le 3 juin 2003 n’avaient donné lieu à aucun commentaire négatif de la part de l’analyste, qui a indiqué que le lait en poudre, en tant que produit hygroscopique, est notoirement sujet à des modifications du seul fait des conditions environnantes (diminution naturelle). En conséquence, la variation de 0,69 % représentait, pour l’analyste, un élément dépourvu d’influence aux fins de l’appréciation de conformité de l’échantillon analysé relevant de sa compétence.

60      S’agissant de l’irrégularité consistant en l’absence totale de sanction dans le cas d’un échantillon qui révélait que la teneur minimale en lait en poudre dans les aliments n’avait pas été respectée, la République italienne conteste que les autorités italiennes aient admis qu’elles auraient dû appliquer des sanctions. Elle indique, en outre, que la Commission, à partir de cas spécifiques isolés, pour lesquels ont été fournies des explications très détaillées, a procédé arbitrairement à des généralisations en termes d’éventuelles et parfaitement hypothétiques carences en matière de sanctions de la part d’AGEA.

61      En tout état de cause, elle considère que, même si ces cas spécifiques isolés de non-conformité étaient avérés, il s’agirait de carences occasionnelles et non systématiques, dont l’incidence en pourcentage est négligeable au regard de tous les paiements effectués, et qui n’ont aucune incidence sur la précision du système de contrôle.

62      En l’espèce, s’agissant de l’irrégularité consistant en la non-conformité d’un échantillon analysé avec les teneurs maximales en humidité prévues pour le lait écrémé en poudre, il y a lieu de rappeler que, au point 5.2.3 du rapport de synthèse, il est indiqué que, dans un cas, il a été constaté que la teneur en eau des échantillons de lait écrémé en poudre était supérieure à la limite maximale de 5 % (à savoir, 5,69 %) sans qu’aucune sanction ait été appliquée.

63      Le rapport de synthèse indique ensuite que les organismes payeurs peuvent appliquer une marge de tolérance égale à 4 % de la limite légale du taux d’humidité admis et que, au-dessus d’une teneur en eau de 5,19 % du lait écrémé en poudre, l’aide doit être diminuée de 1 % pour les échantillons présentant un taux d’humidité compris entre 5,2 et 5,39 %, de 2 % pour les échantillons compris entre 5,4 et 5,59 %, de 3 % pour les échantillons compris entre 5,6 et 5,79 %, et ainsi de suite. Selon le même rapport, la réduction s’appliquant à l’échantillon en question aurait donc dû être de 3 %.

64      Cette conclusion est conforme à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 2799/1999, selon lequel, « [p]our les quantités de lait écrémé en poudre dont la teneur en eau dépasse 5 %, le montant de l’aide est diminué de 1 % pour chaque fraction supplémentaire de 0,2 % de la teneur en eau ».

65      À cet égard, il convient de constater que la République italienne ne conteste ni que la teneur en eau des échantillons de lait écrémé en poudre était supérieure à la limite maximale de 5 % (5,69 %), ni qu’aucune sanction n’a été appliquée.

66      Elle se limite à faire valoir que les analyses effectuées par le laboratoire d’analyse des aliments sur l’échantillon prélevé le 3 juin 2003 n’avait donné lieu à aucun commentaire négatif de la part de l’analyste, qui avait indiqué que le lait en poudre, en tant que produit hygroscopique, était notoirement sujet à des modifications du seul fait des conditions environnantes.

67      Or, cet argument ne saurait nullement infirmer les constatations de la Commission. En particulier, s’agissant du fait que le lait en poudre est un produit hygroscopique, il convient de considérer, à l’instar de la Commission, que le législateur avait conscience de ce fait quand il a prévu des marges de tolérance adaptées et des fourchettes de réduction de plus en plus importantes à mesure qu’augmente l’écart par rapport à la teneur maximale en humidité.

68      Dans ces conditions, la Commission n’a pas commis d’erreur en appliquant une correction ponctuelle pour le cas d’irrégularité concernant la non-conformité d’un échantillon analysé avec les teneurs maximales en humidité prévues pour le lait écrémé en poudre.

69      S’agissant de l’irrégularité consistant en l’absence totale de sanction dans le cas d’un échantillon qui révélait que la teneur minimale en lait en poudre dans les aliments n’avait pas été respectée, le rapport de synthèse, au point 5.2.3, indique que, « dans un autre cas […], il a été constaté que le résultat des analyses de laboratoire de la teneur en lait écrémé en poudre du produit final était inférieur à 50 % (48,10 %), soit plus de 4,5 points de pourcentage (seuil) en dessous de la valeur déclarée par la société (56 %) sans que des sanctions aient été appliquées ».

70      À cet égard, il y a lieu de constater que la République italienne se limite, en substance, à indiquer, sans étayer aucunement ses affirmations, que les irrégularités en cause constituent des cas isolés pour lesquels ont été fournies des explications très détaillées.

71      Dans ces circonstances et à la lumière de la jurisprudence citée aux points 25 à 29 ci-dessus, les conclusions de la Commission concernant la seconde irrégularité ne sauraient être remises en cause.

72      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter cette branche du premier moyen, dès lors notamment que la Commission n’a pas dénaturé les faits de l’espèce.

–       Sur la correction forfaitaire

73      S’agissant de la correction forfaitaire de 2 % imposée par la Commission, d’une part, la République italienne fait valoir que la motivation de la décision attaquée est générique, inappropriée et insuffisante. Selon elle, les autorités italiennes ont toujours fourni une argumentation détaillée sur le caractère complet et précis de leur système de contrôle en matière de versement des aides au secteur du lait écrémé en poudre destiné à l’alimentation des animaux.

74      D’autre part, la République italienne invoque la violation du principe de proportionnalité. Elle indique que l’audit portait sur trois exercices financiers, tandis que le compte rendu sur les aides versées dans les cas litigieux ne concerne qu’un seul exercice financier du FEOGA, à savoir celui de 2004. Elle soutient que les résultats relatifs aux autres exercices financiers ont été comptabilisés séparément ; partant, elle considère inapproprié que la correction financière soit demandée pour les trois ans.

75      En outre, selon la République italienne, étant donné que les montants des sanctions qui n’ont pas été infligées sont très largement inférieurs au montant global de la sanction par laquelle est pénalisée l’Italie, elle ne comprend guère la raison de l’application de la correction forfaitaire.

76      Enfin, la République italienne soutient que les autorités italiennes ont fourni les états récapitulatifs demandés par l’organe de conciliation, comportant les dates ou les périodes au cours desquelles ont été effectués les contrôles, tant administratifs que physiques, avec, pour ces derniers, les résultats des analyses de laboratoire. Toutefois la Commission les a inexplicablement jugés insuffisants et impropres à écarter la correction forfaitaire. Ainsi, selon la République italienne la correction financière ne prend pas dûment en considération les précisions ponctuellement fournies par les autorités italiennes.

77      Elle rappelle, à cet égard, que, au cours de l’audition devant l’organe de conciliation, les représentants de l’administration italienne avaient expressément demandé si les tableaux récapitulatifs devaient s’accompagner des procès-verbaux de vérification et des analyses de laboratoire, mais la réponse de l’organe de conciliation avait été négative, la demande ayant été limitée exclusivement à la production desdits tableaux.

78      En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, du prétendu défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la correction forfaitaire de 2 % appliquée par la Commission, il convient de rappeler que la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêts du 14 juillet 2005, Pays-Bas/Commission, C‑26/00, Rec, EU:C:2005:450, point 113 et jurisprudence citée, et du 19 juin 2009, Qualcomm/Commission, T‑48/04, Rec, EU:T:2009:212, point 174 et jurisprudence citée).

79      De plus, selon une jurisprudence constante, la mesure de l’obligation de motivation consacrée par l’article 296 TFUE dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêts du 22 juin 1993, Allemagne/Commission, C‑54/91, Rec, EU:C:1993:258, point 10, et du 14 avril 2005, Portugal/Commission, C‑335/03, Rec, EU:C:2005:231, point 83).

80      S’agissant des décisions de la Commission en matière d’apurement des comptes du FEOGA, elles sont prises sur le fondement d’un rapport de synthèse ainsi que d’une correspondance entre la Commission et l’État membre concerné (arrêt du 14 mars 2002, Pays-Bas/Commission, C‑132/99, Rec, EU:C:2002:168, point 39). Dans ces conditions, la motivation de telles décisions doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration desdites décisions et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA la somme litigieuse (arrêt du 21 mars 2002, Espagne/Commission, C‑130/99, Rec, EU:C:2002:192, point 126).

81      En l’espèce, la position de la Commission concernant la correction forfaitaire ressort du point 5.2.5 du rapport de synthèse, lequel indique ce qui suit :

« Il n’a pas été dûment tenu compte des résultats de l’analyse et les sanctions ont par conséquent été appréciées de manière incorrecte dans la région de Bolzano et de manière insuffisante dans celle de Brescia. Il a été établi que les résultats d’analyse n’ont pas été traités correctement et il existe donc un risque pour le Fonds en raison d’un paiement excessif.

Les contrôles secondaires sont les opérations administratives nécessaires pour traiter correctement les demandes, telles que la vérification du respect des délais de soumission, l’identification de demandes en doublon pour un même objet, l’analyse du risque, l’application de sanctions et la supervision adéquate des procédures.

Lorsqu’un État membre effectue correctement les contrôles clés mais omet complètement d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 2 %.

L’État membre a toujours la possibilité de démontrer, au moyen de vérifications supplémentaires ou de suppléments d’informations, que la carence n’était pas aussi sérieuse qu’elle le paraissait ou que le risque de pertes réel était moins important que le montant de la correction proposée.

[…] [E]n cas de non-application par l’État membre de sanctions prescrites par les règles de l’UE, la correction financière devra inclure le montant des sanctions non appliquées, ainsi que 2 % des demandes restantes, dans la mesure où la non-application de sanctions augmente le risque de présentation de demandes irrecevables.

Il est par conséquent justifié de proposer, conformément au document VI/5330/97, une correction financière de 2 % de l’aide versée à l’Italie (étant donné que les déficiences ont été constatées dans chacune des deux régions visitées) pour la période comprise entre le 3 novembre 2002 et le 3 novembre 2004.

La partie forfaitaire de la correction s’élève à 1 579 993,62 EUR. »

82      Il ressort, en outre, du point 5.2.4 du rapport de synthèse, qui résume les conclusions de la Commission après l’avis de l’organe de conciliation, ce qui suit :

« Lors de la conciliation, tout en contestant les arguments des autorités italiennes, les services de la Commission se sont effectivement déclarés disposés à être conciliants quant à la possibilité d’éviter une correction forfaitaire et ils ont proposé une méthode de calcul plus précise pouvant se fonder sur des informations à fournir par les autorités italiennes (‘pour autant que les autorités italiennes leur apportent des renseignements précis sur les suites données aux constatations faites par les laboratoires d’analyses’ – rapport de l’organe de conciliation, point B.4, Procédure de conciliation).

Il n’en reste pas moins que les informations communiquées par l’Italie pendant et après la procédure de conciliation ne donnent pas les moyens de proposer autre chose qu’une correction forfaitaire. Les informations récapitulatives transmises à la Commission ne fournissent pas les détails des dates et des résultats des prélèvements d’échantillons et de leurs analyses comme il aurait fallu pour permettre un calcul précis des conséquences financières, mais donnent au contraire une liste de dates de contrôles sur place et de périodes couvertes par des contrôles comptables et administratifs. »

83      Il s’ensuit que la Commission a expressément indiqué, dans son rapport de synthèse, les motifs de l’imputation à la République italienne d’une correction forfaitaire de 2 % de l’aide versée à cette dernière pendant la période du 3 novembre 2002 au 3 novembre 2004.

84      Il résulte des constatations qui précèdent que la décision attaquée est motivée conformément aux exigences de l’article 296 TFUE. Le présent grief doit, donc, être rejeté.

85      S’agissant, en deuxième lieu, de la prétendue violation du principe de proportionnalité, il convient de rappeler que ce principe, énoncé à l’article 5, paragraphe 4, TUE, fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (voir arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, Rec, EU:C:2010:321, point 51 et jurisprudence citée).

86      Le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêts du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec, EU:C:1984:183, point 25, et du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T‑260/94, Rec, EU:T:1997:89, point 144).

87      Il convient également de rappeler qu’une correction arrêtée par la Commission conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière tend à éviter la mise à la charge du FEOGA, du FEAGA et du Feader de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue pas une sanction (voir arrêt du 31 mars 2011, Grèce/Commission, T‑214/07, EU:T:2011:130, point 136 et jurisprudence citée). La jurisprudence a ainsi reconnu que les taux forfaitaires retenus dans les orientations permettent à la fois le respect du droit de l’Union et la bonne gestion des ressources de l’Union ainsi que d’éviter que la Commission n’exerce son pouvoir discrétionnaire en imposant aux États membres des corrections démesurées et disproportionnées (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2008, Italie/Commission, T‑181/06, EU:T:2008:331, point 234).

88      Selon une jurisprudence constante, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêts Espagne/Commission, point 25 supra, EU:C:2003:251, point 147 ; du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, C‑5/03, Rec, EU:C:2005:426, point 38, et du 14 février 2008, Espagne/Commission, T‑266/04, EU:T:2008:37, point 105).

89      En ce qui concerne le type de correction appliquée en l’espèce, il y a lieu de rappeler que, à la lumière des orientations de la Commission établies dans le document VI/5330/97, lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par l’Union, une correction forfaitaire peut être envisagée par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2003, Royaume-Uni/Commission, C‑346/00, Rec, EU:C:2003:474, point 53).

90      En particulier, selon le document VI/5330/97, lorsqu’un État membre a correctement effectué les contrôles clés, mais a complètement omis d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 2 %, compte tenu du faible risque de pertes pour le FEOGA et de la faible gravité de l’infraction. En revanche, lorsqu’un État membre a effectué tous les contrôles clés, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 5 %, dans la mesure où il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEOGA était significatif.

91      En l’espèce, comme il a été relevé aux points 52 à 57 et 62 à 71 ci-dessus, la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant l’existence de déficiences dans le système italien de contrôle de l’application du règlement n° 2799/1999.

92      Il y a lieu de constater, à cet égard, que, dans la mesure où les contrôles de conformité aux normes de qualité prévus par le règlement n° 2799/1999 constituent un élément déterminant du système de contrôle devant être mis en place pour assurer la régularité des dépenses du FEOGA, la Commission a raisonnablement pu conclure que le risque de pertes pour celui-ci était significatif et a donc pu, sans violer les orientations contenues dans le document VI/5330/97, imposer une correction forfaitaire de 2 %.

93      Par ailleurs, il y a lieu de souligner que les déficiences constatées concernaient des contrôles clés relatifs à la qualité du lait en poudre, ce qui autorisait l’application d’une correction forfaitaire de 5 %, conformément aux orientations du document IV/5330/97. Néanmoins, les services de la Commission ont retenu un taux forfaitaire de 2 % afin de prendre en compte le risque global causé au FEOGA du fait de la non-application ou de l’application incorrecte des réductions de l’aide et des sanctions réglementaires (voir point 5.2.7 du rapport de synthèse). Dès lors, il ne peut lui être reproché d’avoir appliqué un taux de correction disproportionné.

94      Quant à la période sur laquelle porte la correction, il suffit de constater, à l’instar de la Commission, qu’il incombait à la République italienne de démontrer soit que les contrôles portant sur l’octroi de l’aide et sur l’application des sanctions étaient effectués correctement, soit que les faiblesses pouvaient être limitées à une période plus courte que 24 mois (voir, en ce sens, arrêts Belgique/Commission, point 26 supra, EU:C:2001:455, point 36 ; France/Commission, point 29 supra, EU:C:2002:39, point 37, et Espagne/Commission, point 25 supra, EU:C:2003:251, point 49).

95      Dans ces conditions, la correction financière au taux forfaitaire de 2 % ne saurait être considérée comme disproportionnée.

96      S’agissant, en troisième lieu, des tableaux récapitulatifs demandés par l’organe de conciliation que les autorités italiennes ont fourni, il suffit de constater que, au point 6 du rapport de l’organe de conciliation, il est indiqué que, « sous réserve d’une vérification des résultats des constatations individuelles faites par les laboratoires et d’un examen des conclusions qu’en auront tirées les autorités italiennes », les services de la Commission se sont montrés disposés à reconsidérer la correction forfaitaire. Au même point du rapport, il est ensuite indique que l’« [o]rgane ne peut qu’adhérer à une telle démarche ».

97      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la République italienne, les informations demandées par l’organe de conciliation faisaient spécifiquement référence aux « résultats des constatations individuelles faites par les laboratoires et d’un examen des conclusions qu’en aur[aie]nt tirées les autorités italiennes ».

98      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure, à l’instar de la Commission, que la liste des contrôles effectués par les autorités italiennes contenue dans les tableaux récapitulatifs n’est pas adaptée pour prouver le respect des obligations de vérification imposées par le règlement n° 2799/1999. En effet, ladite liste ne permet pas, notamment, de vérifier selon quelles modalités les organes de contrôle ont apprécié les analyses et appliqué les marges de tolérance, éléments qui sont à la base de la non-application de sanctions révélée à l’occasion de l’inspection par les services de la Commission.

99      Il convient, par conséquent, de rejeter ce grief de la République italienne.

100    À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Organisation du système de recouvrement des organismes payeurs AGEA et SAISA

 Réglementation de l’Union

101    Le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), et le règlement n° 1258/1999, qui lui a succédé, prévoient, en leur article 8, que « [l]es États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour […] récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences » et que, « [à] défaut de récupération totale, les conséquences financières des irrégularités ou des négligences sont supportées par la Communauté, sauf celles résultant d’irrégularités ou de négligences imputables aux administrations ou organismes des États membres ».

102    Le règlement (CEE) n° 595/91 du Conseil, du 4 mars 1991, concernant les irrégularités et la récupération des sommes indûment versées dans le cadre du financement de la politique agricole commune ainsi que l’organisation d’un système d’information dans ce domaine, et abrogeant le règlement (CEE) n° 283/72 (JO L 67, p. 11), dispose, en son article 3, paragraphe 1, premier alinéa :

« Dans le courant des deux mois qui suivent la fin de chaque trimestre, les États membres communiquent à la Commission un état indiquant les cas d’irrégularités qui ont fait l’objet d’un premier acte de constat administratif ou judiciaire. »

103    Aux termes de l’article 32, paragraphe 3, du règlement n° 1290/2005, qui a succédé au règlement n° 1258/1999, « [à] l’occasion de la transmission des comptes annuels, prévue à l’article 8, paragraphe 1, [sous] c), iii), les États membres communiquent à la Commission un état récapitulatif des procédures de récupération engagées à la suite d’irrégularités, en fournissant une ventilation des montants non encore récupérés, par procédure administrative et/ou judiciaire et par année correspondant au premier acte de constat administratif ou judiciaire de l’irrégularité ». Il y est également précisé que « [l]es États membres tiennent à la disposition de la Commission l’état détaillé des procédures individuelles de récupération ainsi que des sommes individuelles non encore récupérées ».

104    L’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005 expose ce qui suit :

« Lorsque le recouvrement n’a pas eu lieu dans un délai de quatre ans après la date du premier acte de constat administratif ou judiciaire ou de huit ans, si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales, les conséquences financières de l’absence de recouvrement sont supportées à hauteur de 50 % par l’État membre concerné et à hauteur de 50 % par le budget communautaire.

L’État membre concerné indique séparément dans l’état récapitulatif visé au paragraphe 3, premier alinéa, les montants pour lesquels le recouvrement n’a pas été effectué dans les délais prévus au premier alinéa du présent paragraphe.

La répartition de la charge financière consécutive à l’absence de recouvrement, conformément au premier alinéa, est sans préjudice de l’obligation pour l’État membre concerné de poursuivre les procédures de recouvrement, en application de l’article 9, paragraphe 1, du présent règlement. Les sommes ainsi récupérées sont créditées au FEAGA à raison de 50 %, après application de la retenue prévue au paragraphe 2 du présent article.

Lorsque, dans le cadre de la procédure de recouvrement, l’absence d’irrégularité est constatée par un acte administratif ou judiciaire ayant un caractère définitif, l’État membre concerné déclare au FEAGA comme dépense la charge financière supportée par lui en vertu du premier alinéa.

Toutefois, si, pour des raisons non imputables à l’État membre concerné, le recouvrement n’a pas pu être effectué dans les délais indiqués au premier alinéa et si le montant à récupérer est supérieur à 1 million [d’euros], la Commission peut, à la demande de l’État membre, prolonger les délais de 50 % au maximum des délais initialement prévus. »

105    Selon l’article 32, paragraphe 6, du règlement n° 1290/2005, « [d]ans des cas dûment justifiés, les États membres peuvent décider de ne pas poursuivre le recouvrement ». Cette disposition précise qu’une telle décision ne peut être prise que dans les cas suivants :

« a)      lorsque l’ensemble des coûts entamés et des coûts prévisibles de recouvrement est supérieur au montant à recouvrer ;

b)      lorsque le recouvrement s’avère impossible à cause de l’insolvabilité du débiteur ou des personnes juridiquement responsables de l’irrégularité, constatée et admise conformément au droit national de l’État membre concerné. »

106    Cette même disposition énonce que « [l]’État membre concerné indique séparément dans l’état récapitulatif visé au paragraphe 3, premier alinéa, les montants pour lesquels il a décidé de ne pas poursuivre les procédures de recouvrement ainsi que la justification de sa décision ».

107    Aux termes de l’article 32, paragraphe 8, du règlement n° 1290/2005 :

« Après avoir suivi la procédure prévue à l’article 31, paragraphe 3, la Commission peut décider d’écarter du financement communautaire les sommes mises à la charge du budget communautaire dans les cas suivants :

a)      en application des paragraphes 5 et 6 du présent article, lorsqu’elle constate que les irrégularités ou l’absence de récupération résultent d’irrégularités ou de négligences imputables à l’administration ou à un service ou organisme d’un État membre ;

b)      en application du paragraphe 6 du présent article, lorsqu’elle estime que la justification apportée par l’État membre n’est pas suffisante pour justifier sa décision d’arrêter la procédure de recouvrement. »

108    Conformément aux dispositions combinées de l’article 16 du règlement n° 729/70, de l’article 20 du règlement n° 1258/1999 et de l’article 47 du règlement n° 1290/2005, le règlement n° 729/70 s’applique aux dépenses effectuées entre le 1er janvier 1971 et le 31 décembre 1999, tandis que le règlement n° 1258/1999 s’applique aux dépenses effectuées par les États membres entre le 1er janvier 2000 et le 16 octobre 2006.

109    Toutefois, en vertu de l’article 49, troisième alinéa, deuxième tiret, du règlement n° 1290/2005, notamment, l’article 32 de ce même règlement s’applique aux cas d’irrégularités qui ont été communiqués conformément à l’article 3 du règlement n° 595/91 et pour lesquels le recouvrement total n’est pas encore intervenu au 16 octobre 2006.

110    Les modalités de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie », sont définies par le règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), puis par le règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90).

 Antécédents du litige

111    Entre le 10 et le 14 mars 2003, les services de la Commission ont mené une inspection (FA/2003/01) en Italie aux fins d’examiner les rapports relatifs à la certification des comptes de certains organismes payeurs pour l’exercice financier 2002, parmi lesquels AGEA, SAISA et Ente nazionale risi (ENR), ainsi que d’autres organismes à caractère régional.

112    Une deuxième inspection (FA/2003/38) a été menée par les mêmes services du 24 au 28 novembre 2003 auprès d’AGEA, dans le but de compléter l’examen des rapports relatifs à la certification des comptes de certains organismes payeurs pour les exercices financiers 2003 et antérieurs.

113    Entre le 5 et le 9 juillet 2004, une troisième inspection (FA/2004/52) a été menée par les services de la Commission auprès d’AGEA, afin d’examiner les comptes de certains organismes payeurs pour l’exercice financier 2003 et les exercices antérieurs dont l’examen avait été reporté en raison des irrégularités constatées précédemment.

114    Par lettres d’observations du 25 novembre 2003 (AGR 30083) et du 26 juillet 2004 (AGR 19770), la direction générale de l’agriculture de la Commission a informé les autorités italiennes des manquements graves qui auraient été relevés dans les systèmes de contrôle et de gestion des crédits résultant d’irrégularités, compte tenu des faits suivants :

–        pour AGEA, premièrement, l’absence de procédures communes pour l’imputation rapide des montants des crédits relatifs aux différents secteurs concernés, deuxièmement, l’absence de vérification de l’imputation des créances par le service gestionnaire, troisièmement, l’absence de comptabilisation des intérêts de plein droit relatifs aux crédits pour irrégularité, quatrièmement, les compensations indues entre les crédits et les dépenses, cinquièmement, l’absence d’acquisition rapide des garanties pour assurer le recouvrement, sixièmement, l’imputation tardive des crédits et la non-ouverture des procédures de recouvrement et, septièmement, l’absence de cohérence entre les procédures de recouvrement entamées par différents services et le traitement non homogène des recouvrements ;

–        pour SAISA, premièrement, l’absence d’informations importantes dans le registre des débiteurs, telles que le montant des garanties, la date de notification au bénéficiaire, le montant à récupérer à la suite de la compensation, deuxièmement, la négligence du suivi des procédures de recouvrement, troisièmement, l’absence d’états récapitulatifs périodiques pour garantir la mise à jour des informations sur les crédits et, quatrièmement, l’inaction résultant de la libération des garanties constituées avec annulation subséquente du recouvrement.

115    La Commission a indiqué que les constats avaient donné lieu à l’exclusion du financement de l’Union des dépenses en cause, dans la limite des dépenses déclarées au cours des 24 mois précédant les dates des lettres précitées. En effet, ces faiblesses constituaient des infractions manifestes aux orientations que les services de la Commission ont fixées avec les autorités nationales pour la tenue des comptes relatifs à la gestion des crédits et qui ont été récapitulées dans le document VI/5331/98, du 16 octobre 1998, applicables à l’époque des inspections.

116    Par lettres du 24 octobre 2003 et du 5 octobre 2004, les autorités nationales ont répondu en signalant les actions entreprises pour remédier aux faiblesses constatées.

117    Sur demande de la Commission, des réunions bilatérales ont eu lieu les 6 février et 22 novembre 2005 pour discuter des corrections afférentes aux faiblesses constatées auprès de SAISA et d’AGEA.

118    Par lettres du 23 juin 2005 (AGR 15687) et du 26 janvier 2006 (AGR 2289), la Commission a informé les autorités italiennes des conclusions des réunions bilatérales en précisant, en substance, que, pour la gestion des crédits de SAISA, les faiblesses relevées justifiaient une correction de 17 366 341,07 euros. Pour la gestion des crédits d’AGEA, la Commission a considéré que, en l’absence de mesures correctives, les faiblesses graves constatées justifiaient une correction de 28 209 737,79 euros.

119    Les autorités italiennes ont répondu à ces observations préliminaires par lettres du 4 août 2005 et du 7 avril 2006.

120    Après avoir reçu d’autres informations de la part des autorités italiennes, par lettres du 18 janvier et du 7 avril 2006, ainsi que du 7 février et du 24 novembre 2008, et à la suite d’une réunion qui s’est tenue du 27 au 30 novembre 2007 en Italie, la Commission a annoncé, par lettre du 19 août 2009 (Ares 211472), son intention de proposer une correction financière de 8 357 889,78 euros pour les crédits d’AGEA et de 6 381 956,40 euros pour les crédits de SAISA.

121    Le 19 octobre 2009, la République italienne a demandé l’ouverture de la procédure de conciliation. Dans son avis du 12 février 2010, l’organe de conciliation a, en substance, pris acte de l’impossibilité de concilier les griefs formulés par les services de la Commission et la justification des autorités italiennes et a invité la Commission à actualiser le montant de la correction à effectuer sur la base des dernières données fournies par les autorités italiennes, avant de décider de l’exclusion des dépenses du financement de l’Union.

122    Par lettre du 19 juillet 2010 (Ares 440432), les services de la Commission ont informé les autorités italiennes de la position définitive adoptée au regard des irrégularités constatées, sur la base de l’article 7, paragraphe 4, et de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999 et des articles 31 et 32 du règlement n° 1290/2005, et ont fixé la somme dont ils proposaient l’exclusion du financement de l’Union à 7 852 872,39 euros pour AGEA et à 6 404 199,68 euros pour SAISA.

123    Par la décision attaquée, la Commission a confirmé la correction financière proposée par ses services correspondant à la somme de 7 852 872,39 euros pour les crédits d’AGEA et à la somme de 6 404 199,68 euros pour les crédits de SAISA.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une application rétroactive du règlement n° 1290/2005, d’une absence d’irrégularités ou de négligences, d’un défaut de motivation, d’une violation du principe de proportionnalité et d’une violation du principe ne bis in idem

124    Le présent moyen peut, en substance, être divisé en cinq branches. En premier lieu, la République italienne conteste l’application rétroactive du règlement n° 1290/2005, en deuxième lieu, elle fait valoir l’absence d’irrégularités ou de négligences dans la gestion des crédits et des garanties, en troisième lieu, elle invoque la violation des formes substantielles pour défaut de motivation, en quatrième lieu, elle invoque la violation du principe de proportionnalité et, en cinquième lieu, elle invoque la violation du principe ne bis in idem.

–       Sur l’application rétroactive du règlement n° 1290/2005

125    La République italienne reproche, en substance, à la Commission d’avoir appliqué l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005 à une enquête sur la gestion des dettes ayant essentiellement pour objet la « situation observée en 2002/2003 » et d’avoir ainsi violé le principe de sécurité juridique.

126    La République italienne estime que, étant donné que le règlement n° 1290/05, portant sur de nouvelles modalités de règlement des conséquences de la non-récupération de sommes à la suite d’irrégularités (la règle dite « du 50-50 »), a été introduit à partir de l’exercice financier 2007, il ne peut pas s’appliquer rétroactivement pour sanctionner des situations antérieures.

127    En l’espèce, il y a lieu de relever d’emblée, à l’instar de la Commission, que la République italienne fonde son argument sur une prémisse erronée. En effet, contrairement à ce que soutiennent les autorités italiennes, la décision attaquée n’est nullement fondée sur l’application de l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005, selon lequel, lorsque le recouvrement des irrégularités n’a pas eu lieu dans un délai de quatre ans après la date du premier acte de constat administratif ou judiciaire ou de huit ans si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales, les conséquences financières de l’absence de recouvrement sont supportées à hauteur de 50 % par l’État membre concerné et à hauteur de 50 % par le budget de l’Union.

128    En revanche, elle est fondée sur les défaillances, tant pour AGEA que pour SAISA, dans le système de gestion des recouvrements relatifs aux dépenses résultant d’irrégularités constatées antérieurement, conformément à l’article 8 du règlement n° 1258/1999 et à l’article 32, paragraphe 8, du règlement n° 1290/2005.

129    En tout état de cause, s’il y a lieu de comprendre l’argument de la République italienne comme reprochant à Commission d’avoir appliqué rétroactivement, dans la décision attaquée, l’article 32, paragraphe 8, du règlement n° 1290/2005, il convient de relever que, antérieurement à l’entrée en application de cet article, les dispositions applicables, à savoir l’article 8 du règlement n° 729/70, puis l’article 8 du règlement n° 1258/1999, faisaient obligation aux États membres de « prendre les mesures nécessaires pour […] poursuivre les irrégularités [et] récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences » et précisaient que, « à défaut de récupération totale, les conséquences financières des irrégularités ou des négligences sont supportées par la Communauté, sauf celles résultant d’irrégularités ou négligences imputables aux […] États membres ».

130    Par ailleurs, la récupération devait être mise en œuvre rapidement, les États membres étant tenus d’agir avec promptitude, comme la Cour l’a notamment précisé s’agissant de l’obligation de diligence générale s’imposant aux États membres en vertu de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 729/70 (voir, en ce sens, arrêts du 11 octobre 1990, Italie/Commission, C‑34/89, Rec, EU:C:1990:353, point 12 ; du 21 janvier 1999, Allemagne/Commission, C‑54/95, Rec, EU:C:1999:11, point 177, et du 13 novembre 2001, France/Commission, C‑277/98, Rec, EU:C:2001:603, point 40).

131    En outre, la Cour a relevé que, après l’écoulement d’un certain temps, la récupération des sommes indûment payées risquait d’être compliquée ou de devenir impossible, en raison de certaines circonstances, telles que, notamment, la cessation d’activités ou la perte de documents comptables (arrêts Italie/Commission, point 130 supra, EU:C:1990:353, point 12, et Allemagne/Commission, point 130 supra, EU:C:1999:11, point 177).

132    Il résulte de ce qui précède, ainsi qu’il a été reconnu par la République italienne lors de l’audience, que, dès avant l’adoption du règlement n° 1290/2005, le droit de l’Union imposait aux États membres une obligation de diligence dans le recouvrement des sommes indûment versées.

133    En l’espèce, la Commission, si elle a invoqué le règlement n° 1290/2005 – entré en vigueur le 16 octobre 2006 – dans le rapport de synthèse et dans la décision attaquée, s’est également expressément référée à la réglementation antérieure, notamment au règlement n° 1258/1999, pour fonder sa conclusion selon laquelle la République italienne avait été négligente dans le recouvrement des sommes en cause (voir considérants 1 et 3 de la décision attaquée).

134    Ainsi, contrairement à ce que suggère la République italienne, la Commission s’est attachée à apprécier, dans la décision attaquée, le comportement de la République italienne à la lumière des règles déjà applicables à l’époque des faits.

135    Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à tort que la République italienne prétend que la décision attaquée a effectué une application rétroactive de l’article 32 du règlement n° 1290/2005. Elle n’a donc pas non plus violé le principe de sécurité juridique. Partant, il convient de rejeter la présente branche du deuxième moyen.

–       Sur l’absence d’irrégularités ou de négligences

136    La République italienne conteste, en substance, la légalité de la décision attaquée en ce qu’elle lui a imputé les conséquences financières découlant de la non-conclusion dans un délai raisonnable des procédures de recouvrement de sommes résultant d’irrégularités ainsi que de la mauvaise gestion des garanties.

137    La République italienne fait valoir que, pendant la procédure administrative, la diligence des autorités italiennes dans le traitement des situations faisant l’objet de la correction en question a été démontrée. Elle souligne que les actions de récupération des créances et d’acquisition des garanties qui y sont relatives ont duré de longues années, pour des raisons exclusivement procédurales, conformément à l’ordre juridique national et aux procédures existantes.

138    La République italienne rappelle que ces mesures conservatoires de suspension du recouvrement, interdisant la mise en œuvre des procédures d’exécution des garanties, adoptées dans la phase initiale de la procédure civile en première instance, ont entraîné l’impossibilité, pour l’administration, d’engager des actions de récupération des créances, et ce jusqu’à la conclusion de la procédure. Dans ce contexte également, les autorités italiennes auraient donc dûment adopté des procédures administratives et judiciaires, conformément aux dispositions nationales en la matière.

139    Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, s’agissant des obligations incombant aux États membres dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles, il ressort des articles 2 et 3 des règlements n° 729/70 et n° 1258/1999, ainsi que de l’article 3 du règlement n° 1290/2005, que ne peuvent être prises en charge par le FEOGA que les opérations effectuées en conformité avec les règles de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Espagne/Commission, point 27 supra, EU:C:1999:479, point 36).

140    Il résulte de l’article 8, paragraphe 1, des règlements n° 729/70 et n° 1258/1999 ainsi que de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005 que les États membres doivent prendre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour s’assurer de la réalité des opérations financées par le FEOGA, pour prévenir et poursuivre les irrégularités et pour récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences (voir, en ce sens, arrêt Espagne/Commission, point 27 supra, EU:C:1999:479, point 37).

141    Or, si les autorités nationales restent libres de choisir les mesures et les voies de recours qu’elles jugent appropriées pour la protection des intérêts financiers de l’Union et, notamment, pour le recouvrement des créances de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2005, Grèce/Commission, C‑370/03, EU:C:2005:489, point 44), cette liberté ne saurait aucunement affecter la rapidité, la bonne organisation et le caractère complet des contrôles et des enquêtes requis à ces fins (arrêts Allemagne/Commission, point 130 supra, EU:C:1999:11, point 96, et Espagne/Commission, point 27 supra, EU:C:1999:479, point 37).

142    En particulier, pour ce qui est de la récupération des montants indûment payés, les États membres doivent, notamment, respecter l’obligation de diligence générale de l’article 4, paragraphe 3, TUE, telle qu’elle est précisée par l’article 8 des règlements n° 729/70 et n° 1258/1999 ainsi que par l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005, en ce qui concerne le financement de la politique agricole commune (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 1991, Allemagne/Commission, C‑28/89, Rec, EU:C:1991:67, point 31).

143    Ainsi qu’il a été relevé aux points 130 à 131 ci-dessus, cette obligation implique que les États membres doivent prendre les mesures destinées à remédier aux irrégularités avec promptitude. En effet, après l’écoulement d’un certain délai, la récupération des sommes indûment payées risque d’être compliquée ou de devenir impossible, en raison de certaines circonstances, telles que, notamment, la cessation d’activités ou la perte de documents comptables (arrêts Italie/Commission, point 130 supra, EU:C:1990:353, points 11 et 12, et Allemagne/Commission, point 130 supra, EU:C:1999:11, point 177). Cette obligation de diligence de l’État membre s’applique tout au long de la procédure de recouvrement afin de maximiser la possibilité de récupération (arrêt du 12 septembre 2012, Italie/Commission, T‑394/06, EU:T:2012:417, points 84).

144    En outre, les autorités nationales ne sauraient justifier le manquement à leur obligation de redresser avec célérité les irrégularités commises en faisant état des longueurs des procédures administratives ou judiciaires engagées par l’opérateur économique (arrêt Allemagne/Commission, point 142 supra, EU:C:1991:67, point 32).

145    Il y a lieu d’ajouter que le constat de négligence ou de diligence de l’État membre ne revient pas à vérifier si ce dernier a été diligent dans l’application des règles nationales en matière de recouvrement. En effet, le respect des délais applicables en matière de recouvrement en vertu du droit national constitue une obligation minimale nécessaire, mais qui ne suffit pas à démontrer la diligence de l’État membre au sens de l’article 8 des règlements n° 729/70 et n° 1258/1999 ainsi que de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005 (voir, en ce sens, arrêt Italie/Commission, point 143 supra, EU:T:2012:417, points 90 et 91).

146    En l’espèce, il y a lieu de relever que les enquêtes de la Commission avaient constaté (voir point 19.10.1 du rapport de synthèse) des défaillances graves, tant pour AGEA que pour SAISA, dans le système de contrôle et de gestion des crédits résultant d’irrégularités.

147    En particulier, la Commission, s’agissant d’AGEA, avait constaté : l’absence de procédures communes pour l’imputation rapide des montants des crédits relatifs aux différents secteurs concernés ; l’absence de vérification de l’imputation des créances par le service gestionnaire ; l’absence de comptabilisation des intérêts de plein droit relatifs aux crédits ; les compensations indues entre les crédits et les dépenses ; l’absence d’acquisition rapide des garanties pour assurer le recouvrement ; l’imputation tardive des crédits et la non-ouverture des procédures de recouvrement ainsi que l’absence de cohérence entre les procédures de recouvrement entamées par différents services et, en conséquence, le traitement non homogène des recouvrements.

148    S’agissant de SAISA, la Commission avait constaté : l’absence d’informations importantes dans le registre des débiteurs, telles que le montant des garanties, la date de notification au bénéficiaire et le montant à récupérer à la suite de la compensation ; la négligence du suivi des procédures de recouvrement ; l’absence d’états récapitulatifs périodiques pour garantir la mise à jour des informations sur les crédits ainsi que l’inaction résultant de la libération des garanties constituées avec annulation subséquente du recouvrement.

149    De plus, la gravité des défaillances constatées par la Commission a été confirmée par la circonstance que, pour AGEA, seulement 2 % des crédits inscrits résultant d’irrégularités ont été effectivement récupérés au cours de la période allant de 2002 à 2006. S’agissant de SAISA, pendant la même période, le taux de récupération a été de 7 %.

150    Dans ces conditions, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la République italienne, la correction financière ne lui a pas été imposée en raison de la non-conclusion dans un délai raisonnable des procédures de recouvrement de sommes résultant d’irrégularités, mais à la suite des graves défaillances constatées par la Commission dans son système de recouvrement.

151    En outre, à la lumière des constatations de la Commission, rappelées aux points 146 à 149 ci-dessus, la République italienne ne saurait soutenir, sans par ailleurs en apporter la preuve, que les conclusions de la Commission concernant son comportement négligent sont erronées.

152    Il convient, à cet égard, de rejeter aussi, conformément à la jurisprudence citée au point 145 ci-dessus, l’argument de la République italienne selon lequel ne saurait être considéré comme négligent l’État membre qui a appliqué avec diligence les règles nationales en matière de recouvrement.

153    Il en va de même pour l’argument de la République italienne selon lequel elle n’était pas en mesure d’engager des procédures de répétition de l’indu au niveau national en raison des exigences du droit interne pour déduire les éléments de certitude, de liquidité et d’exigibilité des créances. Il convient de relever, à cet égard, que le recours aux règles nationales de répétition n’est possible que dans la mesure nécessaire à l’exécution des dispositions du droit de l’Union et pour autant que leur application ne porte pas atteinte à la portée et à l’efficacité de ce droit (voir, en ce sens, arrêt Allemagne/Commission, point 130 supra, EU:C:1999:11, point 179 et jurisprudence citée).

154    À la lumière de tout ce qui précède, l’ensemble des griefs avancés par la République italienne dans le cadre de cette branche du deuxième moyen doit être rejeté.

–       Sur le défaut de motivation

155    La République italienne fait valoir, en substance, que la Commission ne s’est pas acquittée de son obligation de motivation dans la mesure où la décision attaquée n’a pas examiné chaque dossier au cas par cas et n’a pas fourni la preuve concrète que les situations critiques ont causé un préjudice grave et irréparable aux intérêts financiers de l’Union.

156    En l’espèce, il ressort du dossier que la République italienne a été étroitement associée au processus d’élaboration de la décision attaquée. Les doutes que la Commission éprouvait quant à l’action des autorités italiennes aux fins du recouvrement des versements indus ont fait l’objet de nombreux échanges et l’organe de conciliation a été saisi.

157    De surcroît, il convient de relever que la Commission a expressément indiqué, aux différentes étapes de la procédure administrative, puis dans son rapport de synthèse, comme il a été relevé aux points 146 à 148 ci-dessus, les motifs de l’imputation à la République italienne des sommes en cause.

158    En revanche, il appartenait à la République italienne, en vertu de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, de présenter la preuve la plus détaillée et complète possible de la réalité de ses données ou contrôles et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission en ce qui concerne les défaillances de son système de récupération des aides indument perçues par les bénéficiaires.

159    Il résulte des constatations qui précèdent que la décision attaquée répond aux exigences de motivation requises par l’article 296 TFUE et la jurisprudence citée aux points 78 à 80 ci-dessus et que le grief tiré d’une insuffisance de motivation doit être écarté.

–       Sur la violation du principe de proportionnalité

160    La République italienne fait valoir, en substance, qu’il est disproportionné de lui infliger une correction financière équivalant à 100 % des montants non recouvrés, dans tous les cas soumis à vérification, étant donné que, en l’espèce, il n’y aurait aucune négligence grave imputable à l’État membre ni aucun préjudice aux finances de l’Union dans le cadre de la gestion des garanties.

161    En outre, selon la République italienne, le calcul de la correction financière ne reflète pas la réglementation financière de l’Union en vigueur en la matière, qui prévoit que le montant relatif à des créances non récupérées est supporté à 100 % en cas de négligences dans le cadre des actions de récupération et ne tient pas compte des mises à jour comptables intervenues jusqu’alors.

162    Il convient de souligner que, en ce qui concerne le montant de la correction financière, la Commission peut aller jusqu’à refuser la prise en charge par le FEOGA de l’intégralité des dépenses exposées, si elle constate qu’il n’existe pas de mécanismes de contrôle suffisants (arrêts Belgique/Commission, point 26 supra, EU:C:2001:455, point 125, et du 28 mars 2007, Espagne/Commission, T‑220/04, EU:T:2007:97, point 102). Cependant, la Commission doit respecter le principe de proportionnalité, qui exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêt Denkavit Nederland, point 86 supra, EU:C:1984:183, point 25).

163    À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 32, paragraphe 8, du règlement n° 1290/2005 prévoit expressément que la Commission peut décider d’écarter du financement de l’Union les sommes mises à la charge du budget de l’Union lorsqu’elle constate que les irrégularités ou l’absence de récupération résultent d’irrégularités ou de négligences imputables à l’administration ou à un service ou organisme d’un État membre.

164    En l’espèce, comme relevé aux points 146 à 149 ci-dessus, la Commission a constaté des déficits nombreux et systématiques en ce qui concerne la prise en charge, le traitement et le suivi des actes de recouvrement des crédits afférents aux comptes de 2003 et des exercices précédents par AGEA et SAISA. Ces insuffisances révélaient un dysfonctionnement grave du système de surveillance qui mettait sérieusement en péril la possibilité de recouvrement de la part de l’État membre. En effet, les services de la Commission ont relevé que le pourcentage des sommes effectivement recouvrées au cours des années en cause était très faible.

165    En outre, il y a lieu de relever que, comme indiqué au point 19.10.5 du rapport de synthèse, afin de fixer le montant définitif de la correction financière, les services de la Commission ont tenu compte des reversements reçus par les organismes payeurs de la part de débiteurs concernés durant l’exercice financier 2009.

166    De plus, le rapport de synthèse a autorisé expressément les autorités italiennes à conserver les montants récupérés après le 15 octobre 2009. Partant, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que les conséquences financières pour l’État membre sont, en l’espèce, limitées aux crédits qui n’ont pas été effectivement récupérés.

167    À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter cette branche du deuxième moyen.

–       Sur la violation du principe ne bis in idem

168    La République italienne fait valoir, en substance, que la correction financière imposée par la Commission viole le principe ne bis in idem en ce qu’elle aurait déjà été sanctionnée une fois, au titre de l’article 32 du règlement n° 1290/2005, par la correction financière forfaitaire à hauteur de 50 % des créances non recouvrées imposée par la décision 2007/327/CE de la Commission, du 27 avril 2007, relative à l’apurement des comptes des organismes payeurs des États membres au titre des dépenses financées par le FEOGA, section « Garantie », pour l’exercice financier 2006 (JO L 122, p. 51), et serait à présent de nouveau sanctionnée par la correction à hauteur des 50 % restants des mêmes dépenses.

169    À cet égard, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que, par la décision 2007/327, celle-ci, en application de la règle du 50-50 prévue à l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005, a imputé à la République italienne 50 % de la charge financière découlant de paiements irréguliers communiqués par les autorités italiennes au sens de l’article 3 du règlement n° 595/1991 et non totalement récupérés au 16 octobre 2006. Ledit montant comprenait une partie des sommes afférentes à certains cas d’irrégularités communiqués par les États membres au sens du règlement n° 595/1991, avant le 1er janvier 1999, qui ont fait l’objet d’un examen conjoint par AGEA et la « task-force recouvrement » constituée de fonctionnaires de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et de la direction générale de l’agriculture de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2013, Italie/Commission, T‑267/07, Rec, EU:T:2013:305, points 18 à 25).

170    La décision attaquée concerne, en revanche, les dépenses afférentes à des cas d’irrégularités faisant l’objet de l’apurement des comptes des seuls organismes payeurs AGEA et SAISA pour les exercices financiers 2001 et 2002. À cet égard, il y a lieu de relever qu’il résulte du point 1.1 de la lettre du 19 août 2009, envoyée par la Commission aux autorités italiennes, que, s’agissant des cas dont AGEA avait la gestion, les cas transmis à l’OLAF et soumis à l’examen de la « task-force recouvrement » ont été écartés de la correction en cause en l’espèce.

171    En outre, même en admettant une coïncidence partielle entre les cas d’irrégularités faisant l’objet de la décision 2007/327 et les cas d’irrégularités faisant l’objet de la correction en cause en l’espèce, il y a lieu de relever que la décision 2007/327 est fondée sur l’application de la règle du 50-50 prévue à l’article 32, paragraphe 5, du règlement n° 1290/2005, alors que la décision attaquée est fondée sur l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, ainsi que sur l’article 32, paragraphe 8, du règlement n° 1290/2005, en raison des défaillances, tant pour AGEA que pour SAISA, dans leurs systèmes de gestion des recouvrements relatifs aux dépenses résultant d’irrégularités constatées. Il s’ensuit que les deux corrections ne sont pas fondées sur la même base juridique.

172    Enfin, s’agissant en particulier de l’application de l’article 32, paragraphe 8, du règlement n° 1290/2005, il y a lieu de relever que l’article 32, paragraphe 5, troisième alinéa, dudit règlement prévoit expressément que « la répartition de la charge financière consécutive à l’absence de recouvrement, conformément au premier alinéa, est sans préjudice de l’obligation pour l’État membre concerné de poursuivre les procédures de recouvrement, en application de l’article 9, paragraphe 1, du présent règlement ».

173    Dans ces conditions, le grief tiré d’une violation du principe ne bis in idem doit être rejeté.

174    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’extinction du pouvoir de sanction de la Commission et du dépassement du délai raisonnable

175    Dans son troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, la République italienne fait valoir, tout d’abord, l’extinction du pouvoir de sanction de la Commission. À cet égard, elle fait référence à l’article 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers de Communautés européennes (JO L 312, p. 1), qui aurait instauré un délai de prescription de quatre ans pour les sanctions administratives destinées à protéger le bilan de l’Union.

176    Ensuite, à titre encore plus subsidiaire, la République italienne invoque l’illégalité de la correction financière en cause pour dépassement du délai raisonnable pour la clôture des enquêtes.

177    Elle estime que l’article 32 du règlement n° 1290/2005 impose aux États membres de conclure fructueusement la procédure administrative de récupération des créances de l’Union dans le délai péremptoire de quatre ans. Elle estime donc que ce délai de quatre ans peut être invoqué en tant que délai raisonnable applicable aux procédures administratives engagées par les services de la Commission, y compris les vérifications de conformité. Dans le cadre des enquêtes en cause, ce délai aurait été largement dépassé.

178    Enfin, la République italienne fait valoir que la durée excessive de la procédure de contrôle de conformité, intervenue huit ans après le commencement des enquêtes, a violé le principe de protection de la confiance légitime.

179    Elle considère que la Commission doit respecter les principes de bonne administration, tels que ceux de sécurité et de prévisibilité des rapports financiers entre l’Union et les États membres.

180    S’agissant, en premier lieu, de l’argument tiré de l’extinction du pouvoir de sanction de la Commission et fondé sur l’article 3 du règlement n° 2988/95, il suffit de constater que ledit règlement n’est pas applicable en l’espèce, étant donné qu’il concerne les violations d’une disposition du droit de l’Union résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique, et non d’un État membre (arrêts du 22 novembre 2006, Italie/Commission, T‑282/04, EU:T:2006:358, point 83, et du 11 juin 2009, Grèce/Commission, T‑33/07, EU:T:2009:195, point 243 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2009, Bayerische Hypotheken- und Vereinsbank, C‑281/07, Rec, EU:C:2009:6, points 20 et 21).

181    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument tiré de la violation du principe du délai raisonnable, il convient d’observer que la législation applicable à la procédure contradictoire, notamment l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et l’article 31 du règlement n° 1290/2005, ne prévoit pas de délai particulier devant être respecté par la Commission pour adopter une décision imposant une correction financière, le délai prévu à l’article 32 de ce dernier règlement n’étant nullement applicable en l’espèce.

182    Il convient toutefois de rappeler que, en vertu d’un principe général du droit de l’Union, la Commission est tenue de respecter, dans le cadre de ses procédures administratives, un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec, EU:C:2002:582, point 179, et du 30 septembre 2003, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T‑196/01, Rec, EU:T:2003:249, point 229).

183    L’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge de l’Union assure le respect et qui est, d’ailleurs, repris, comme une composante du droit à une bonne administration, par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir arrêt du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission, T‑48/05, Rec, EU:T:2008:257, point 273 et jurisprudence citée).

184    Il est de jurisprudence constante que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure administrative s’apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte dans lequel elle s’inscrit, des différentes étapes procédurales qui ont été suivies, de la complexité de l’affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées (arrêt du 15 juillet 2004, Espagne/Commission, C‑501/00, Rec, EU:C:2004:438, point 53).

185    En l’espèce, il convient de relever que les procédures administratives ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée se sont étendues, depuis l’engagement des opérations de vérification par la Commission sur sept ans et huit mois (entre le mois de mars 2003 et le mois de novembre 2010), s’agissant de la vérification portant la référence FA/2003/01, sur sept ans (entre le mois de novembre 2003 et le mois de novembre 2010), s’agissant de la vérification portant la référence FA/2003/38, et sur six ans et quatre mois (entre le mois de juillet 2004 et le mois de novembre 2010), s’agissant de la vérification portant la référence FA/2004/52. Ces durées, relativement longues, doivent être appréciées en fonction du contexte des affaires en cause.

186    À cet égard, il convient de relever que les trois procédures administratives en cause, menées dans le cadre procédural de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999, puis de l’article 31, paragraphe 3, du règlement n° 1290/2005, ont comporté de nombreux échanges entre les parties. En particulier, il y a lieu de relever que la Commission n’a obtenu qu’en novembre 2008 les dernières informations concernant ces procédures de la part des autorités italiennes.

187    En outre, les parties ont tenté de parvenir à un accord par la voie de réunions bilatérales et de saisines de l’organe de conciliation qui ont été demandées par les autorités italiennes le 19 octobre 2009.

188    Or, il ressort du considérant 5 du règlement n° 1258/1999 que la responsabilité du contrôle des dépenses du FEOGA, section « Garantie », incombe, en premier lieu, aux États membres et qu’il est essentiel que la transparence et l’assistance mutuelle entre les États membres et la Commission soient effectives et complètes. Il ressort, en outre, du considérant 6 du règlement n° 1290/2005 que, afin d’assurer une coopération harmonieuse entre la Commission et les États membres dans le domaine du financement des dépenses de la politique agricole commune et, en particulier, afin de permettre à la Commission de suivre de près la gestion financière par les États membres et d’apurer les comptes des organismes payeurs agréés, il est nécessaire que les États membres communiquent certaines informations à la Commission ou qu’ils les conservent à la disposition de celle-ci.

189    Dans ce contexte, il incombait également à la République italienne d’assurer le déroulement régulier de la procédure d’apurement des comptes. Le retard pris par la Commission dans le traitement de la présente affaire doit donc, dans une certaine mesure, être imputé à la République italienne.

190    À la lumière de ce qui précède et eu égard à l’ensemble de ces circonstances, la durée des procédures administratives en l’espèce ne saurait être considérée comme déraisonnable.

191    En tout état de cause, il y a lieu de relever que la violation du principe du respect du délai raisonnable ne justifie pas, en règle générale, l’annulation de la décision prise à l’issue d’une procédure administrative. En effet, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation d’une décision de la Commission que dès lors qu’il a été établi qu’il a porté atteinte aux garanties requises par l’État membre pour présenter son point de vue (voir, en ce sens, arrêt Grèce/Commission, point 180 supra, EU:T:2009:195, point 240) ou lorsque l’écoulement excessif du temps est susceptible d’avoir une incidence sur le contenu même de la décision adoptée à l’issue de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt Italie/Commission, point 169 supra, EU:T:2013:305, point 80).

192    Or, la République italienne n’a pas fait valoir, et encore moins établi, qu’elle aurait été privée de la possibilité de faire valoir son point de vue en raison de la durée des procédures administratives en l’espèce, ni que l’écoulement excessif du temps serait susceptible d’avoir une incidence sur le contenu même de la décision attaquée.

193    Enfin, s’agissant de l’argument tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue un des principes fondamentaux du droit de l’Union, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêts du 19 mars 2003, Innova Privat-Akademie/Commission, T‑273/01, Rec, EU:T:2003:78, point 26, et du 30 avril 2009, Nintendo et Nintendo of Europe/Commission, T‑13/03, Rec, EU:T:2009:131, point 203).

194    Or, force est de constater que la République italienne ne détermine nullement, dans son recours, les faits qui auraient pu susciter chez elle une confiance légitime et qu’il ne ressort pas du dossier que la Commission a, en quoi que ce soit, agi d’une manière susceptible de susciter une telle confiance légitime.

195    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

196    Aucun des moyens invoqués par la République italienne n’étant fondé, il convient de rejeter le présent recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

197    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

198    La République italienne ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République italienne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2015.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Réglementation générale relative au financement de la politique agricole commune

Réglementation spécifique relative à la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie »

Orientations de la Commission

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Considérations liminaires

Aide au lait écrémé en poudre

Réglementation de l’Union

Antécédents du litige

Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de motivation, d’une dénaturation des faits, d’une violation du principe de proportionnalité et d’une violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement nº 2799/1999

– Sur l’irrégularité constatée dans la province de Brescia

– Sur les irrégularités constatées dans la province de Bolzano

– Sur la correction forfaitaire

Organisation du système de recouvrement des organismes payeurs AGEA et SAISA

Réglementation de l’Union

Antécédents du litige

Sur le deuxième moyen, tiré d’une application rétroactive du règlement n° 1290/2005, d’une absence d’irrégularités ou de négligences, d’un défaut de motivation, d’une violation du principe de proportionnalité et d’une violation du principe ne bis in idem

– Sur l’application rétroactive du règlement n° 1290/2005

– Sur l’absence d’irrégularités ou de négligences

– Sur le défaut de motivation

– Sur la violation du principe de proportionnalité

– Sur la violation du principe ne bis in idem

Sur le troisième moyen, tiré de l’extinction du pouvoir de sanction de la Commission et du dépassement du délai raisonnable

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.

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