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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Sweden v Commission (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-521/14 (16 December 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T52114.html Cite as: EU:T:2015:976, [2015] EUECJ T-521/14, ECLI:EU:T:2015:976 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
16 décembre 2015 (*)
« Règlement (UE) n° 528/2012 – Produits biocides – Recours en carence – Spécification des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien – Défaut de la part de la Commission d’adopter des actes délégués – Obligation d’agir »
Dans l’affaire T‑521/14,
Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Falk, K. Sparrman et M. L. Swedenborg, en qualité d’agents,
partie requérante,
soutenu par
Royaume de Danemark, représenté par MM. C. Thorning et M. N. Lyshøj, en qualité d’agents,
par
République française, représentée par M. D. Colas et Mme S. Ghiandoni, en qualité d’agents,
par
Royaume des Pays-Bas, représenté initialement par Mmes M. Bulterman et M. Noort, puis par Mmes Bulterman et C. Schillemans, en qualité d’agents,
par
République de Finlande, représentée par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,
par
Parlement européen, représenté par MM. A. Neergaard et P. Schonard, en qualité d’agents,
et par
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Moore et A. Norberg, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
contre
Commission européenne, représentée par M. D. Kukovec, en qualité d’agent, assisté de Me M. Johansson, avocat,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande visant à faire constater que la Commission s’est illégalement abstenue d’adopter des actes délégués relatifs aux critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien,
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, E. Bieliūnas et I. S. Forrester, juges,
greffier : Mme M. Junius, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 novembre 2015,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Les produits biocides sont nécessaires pour lutter contre les organismes nuisibles pour la santé humaine ou animale et les organismes qui endommagent les matériaux naturels ou manufacturés.
2 Ces produits peuvent cependant faire peser des risques divers sur les êtres humains, les animaux et l’environnement, en raison de leurs propriétés intrinsèques et des usages qui y sont associés.
3 Afin d’améliorer la libre circulation des produits biocides dans l’Union européenne tout en garantissant un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement (UE) n° 528/2012, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO L 167, p. 1).
4 Le règlement n° 528/2012 harmonise certaines règles concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides.
5 L’article 3, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de ce règlement définit un produit biocide comme étant toute substance ou tout mélange, sous la forme dans laquelle il est livré à l’utilisateur, constitué d’une ou de plusieurs substances actives, en contenant ou en générant, qui est destiné à détruire, à repousser ou à rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre de toute autre manière par une action autre qu’une simple action physique ou mécanique.
6 L’article 3, paragraphe 1, sous c), dudit règlement définit, quant à lui, une substance active comme étant une substance ou un microorganisme qui exerce une action sur ou contre les organismes nuisibles.
7 Alors que l’article 4 du règlement n° 528/2012 fixe les conditions d’approbation des substances actives, l’article 5 de celui-ci a trait à l’interdiction de certaines substances actives.
8 Ainsi, l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 528/2012 énonce les substances actives qui ne peuvent pas, en principe, être approuvées. Parmi celles-ci figurent, notamment, les substances actives qui, sur la base des critères établis en vertu du paragraphe 3, premier alinéa, dudit article ou, en attendant que soient adoptés ces critères, sur la base des indications données au paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, de ce même article, sont considérées comme ayant des propriétés perturbant le système endocrinien pouvant être néfastes pour l’homme, ou qui sont désignées en tant que substances possédant des propriétés perturbant le système endocrinien, conformément à l’article 57, sous f), et à l’article 59, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1).
9 L’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 528/2012 établit les conditions auxquelles les substances actives visées au paragraphe 1 dudit article peuvent néanmoins être approuvées.
10 L’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012 prévoit que, au plus tard le 13 décembre 2013, la Commission européenne adopte des actes délégués en ce qui concerne la spécification des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien.
11 Conformément à l’article 5, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 528/2012, dans l’attente de l’adoption de ces critères, les substances actives qui, en vertu du règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement n° 1907/2006 (JO L 353, p. 1), sont classées ou répondent aux critères pour être classées en tant que substances cancérogènes de catégorie 2 et toxiques pour la reproduction de catégorie 2 sont considérées comme possédant des propriétés perturbant le système endocrinien.
12 Aux termes du troisième alinéa de l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 528/2012, les substances telles que celles qui sont classées, en vertu du règlement n° 1272/2008, parmi les agents toxiques pour la reproduction de catégorie 2 ou qui répondent aux critères pour être classées comme telles, et qui ont des effets toxiques sur les organes endocriniens, peuvent être considérées comme possédant des propriétés perturbant le système endocrinien.
13 En février 2013, la direction générale (DG) « Environnement » de la Commission a élaboré une avant-proposition de critères, contenue dans un document intitulé « version révisée des éléments éventuels pour les critères d’identification des perturbateurs endocriniens ».
14 Le 20 mars 2013, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié un avis, sollicité par la Commission, concernant les critères scientifiques applicables aux perturbateurs endocriniens.
15 Le 28 mars 2013, le groupe consultatif d’experts sur les perturbateurs endocriniens, créé par la Commission et dirigé par le Centre commun de recherche (JRC), a adopté un rapport relatif aux questions scientifiques clés concernant l’identification et la caractérisation des substances perturbant le système endocrinien.
16 Le 7 octobre 2013, les autorités suédoises et danoises ont exprimé à la Commission leur inquiétude quant au fait qu’elle n’avait toujours pas présenté de proposition d’acte délégué pour l’identification des substances perturbant le système endocrinien en application de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012.
17 En février 2014, la Commission a répondu en indiquant qu’elle avait décidé de réaliser une analyse d’impact portant sur l’application de différents critères d’identification des substances perturbant le système endocrinien et que, dans le cadre de cette analyse d’impact, elle devait organiser une consultation publique.
18 Le 3 mars 2014, les autorités suédoises ont adressé à la Commission une invitation à agir au titre de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, en l’invitant, dans un délai de deux mois à compter de sa réception, à adopter les actes délégués en ce qui concerne la spécification des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, conformément à l’exigence de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012.
19 La Commission a accusé réception de cette invitation le 4 mars 2014.
20 Par lettre du 8 mai 2014, la Commission a répondu aux autorités suédoises.
Procédure et conclusions des parties
21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2014, le Royaume de Suède a introduit le présent recours.
22 Par actes déposés au greffe du Tribunal les 7, 9, 20 et 22 janvier 2015, le Royaume de Danemark, la République française, le Royaume des Pays-Bas, la République de Finlande, le Parlement et le Conseil ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien du Royaume de Suède.
23 Par ordonnance du 13 mars 2015, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis ces interventions. Les parties intervenantes ont déposé leur mémoire dans les délais impartis.
24 Par décision du 21 octobre 2015, le président de la troisième chambre du Tribunal a décidé de faire juger l’affaire par priorité, conformément à l’article 67, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.
25 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.
26 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 novembre 2015.
27 Le Royaume de Suède, soutenu par les parties intervenantes, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– constater que, en s’abstenant d’adopter des actes délégués relatifs aux critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, la Commission a violé l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 528/2012 ;
– condamner la Commission aux dépens.
28 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le recours irrecevable ou, s’il le considère recevable, rejeter le recours ;
– condamner le Royaume de Suède aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité
29 Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, la Commission excipe de l’irrecevabilité du recours.
30 La Commission admet que le Royaume de Suède l’a invitée, conformément à l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, à adopter des actes délégués visés par l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012, mais estime que sa réponse du 8 mai 2014 constitue une prise de position sur cette invitation. En effet, dans cette réponse, elle indiquerait que, dans la situation actuelle, elle n’entendait pas adopter de tels actes et attirerait l’attention des autorités suédoises sur le fait que les perturbateurs endocriniens contenus dans les produits phytopharmaceutiques et biocides faisaient déjà l’objet d’une réglementation, dans la mesure où l’application de critères provisoires visant à protéger le consommateur et l’environnement était prévue.
31 Le Royaume de Suède, soutenu, en substance, par les parties intervenantes, estime avoir invité la Commission à agir, conformément à l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, le 3 mars 2014 et considère que sa réponse du 8 mai 2014 à cette invitation ne constitue pas une prise de position au sens de cette disposition.
32 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 265, premier alinéa, TFUE, un État membre peut saisir le juge de l’Union en vue de faire constater que, en violation des traités, une institution s’abstient de statuer.
33 Cette voie de recours est fondée sur l’idée que l’inaction illégale d’une institution permet de saisir le juge de l’Union afin que celui-ci déclare que l’abstention d’agir est contraire au traité FUE. Ledit article vise la carence par l’abstention de statuer ou de prendre position et non l’adoption d’un acte différent de celui que la partie requérante aurait souhaité ou estimé nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil, C‑196/12, Rec, EU:C:2013:753, point 22 et jurisprudence citée).
34 Il convient également de rappeler que, aux termes de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, un recours en carence n’est recevable que si l’institution en cause a été préalablement invitée à agir.
35 En l’espèce, il est constant que la Commission a été invitée à agir conformément à l’article 265, deuxième alinéa, TFUE. En effet, par lettre du 3 mars 2014, la Commission a été invitée par le Royaume de Suède à adopter, dans un délai de deux mois, les actes délégués visés à l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012.
36 Il est également constant que la Commission a répondu à cette invitation par lettre du 8 mai 2014.
37 Il y a lieu de vérifier si cette réponse constitue une prise de position au sens de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE.
38 En effet, il ressort de cette disposition qu’un recours en carence n’est pas recevable dans l’hypothèse où, à la suite de l’invitation à agir, l’institution concernée a pris position sur cette invitation avant l’introduction du recours.
39 À cet égard, il convient de constater que, dans sa lettre du 8 mai 2014 adressée au Royaume de Suède, la Commission a notamment indiqué que, en vue de l’identification des substances perturbant le système endocrinien, elle était en train d’élaborer des critères scientifiques harmonisés fondés sur le danger, conformément à la mission prévue dans la réglementation concernant les produits phytopharmaceutiques et les produits biocides ainsi que dans le septième programme d’action pour l’environnement établi par la décision n° 1386/2013/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, relative à un programme d’action général de l’Union pour l’environnement à l’horizon 2020 « Bien vivre, dans les limites de notre planète » (JO L 354, p. 171, ci-après le « septième programme d’action »). Elle a également souligné qu’elle était en train de réaliser une analyse d’impact des critères afin d’évaluer, d’une part, les conséquences des différentes options envisageables pour ces critères et, d’autre part, les conséquences de leur mise en œuvre dans une législation sectorielle spécifique. Elle a précisé que, dans le cadre de cette analyse d’impact, une consultation publique serait organisée au cours de l’année 2014. Elle a enfin rappelé que les perturbateurs endocriniens présents dans les produits phytopharmaceutiques et les produits biocides avaient déjà fait l’objet d’une réglementation, dès lors que les deux règlements relatifs à ces produits comprenaient des dispositions concernant l’application de critères provisoires visant à protéger les consommateurs et l’environnement.
40 Force est donc de constater que, par cette lettre, la Commission indique, en substance, au Royaume de Suède que l’examen de la question de la spécification des critères scientifiques harmonisés pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, conformément aux réglementations concernant les produits phytopharmaceutiques, à savoir, en l’occurrence, le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CE et 91/414/CEE du Conseil (JO L 309, p. 1), et les produits biocides, à savoir le règlement n° 528/2012, ainsi que conformément au septième programme d’action, était en cours et se poursuivait. En effet, elle souligne, d’une part, être « en train » d’élaborer des critères scientifiques harmonisés et, d’autre part, être « en train » de réaliser une analyse d’impact de ces critères.
41 Partant, il y a lieu de considérer que, dans sa lettre du 8 mai 2014, la Commission a, en substance, indiqué au Royaume de Suède que l’analyse de la question soulevée dans son invitation à agir se poursuivait.
42 Or, une lettre émanant d’une institution, aux termes de laquelle l’analyse des questions soulevées se poursuit, ne constitue pas une prise de position mettant fin à une carence (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 1998, Gestevisión Telecinco/Commission, T‑95/96, Rec, EU:T:1998:206, point 88, et du 7 mars 2002, Intervet International/Commission, T‑212/99, Rec, EU:T:2002:63, point 61).
43 La circonstance que, dans ladite lettre, la Commission rappelle que les perturbateurs endocriniens présents dans les produits phytopharmaceutiques et les produits biocides ont déjà fait l’objet d’une réglementation est sans incidence en l’espèce. Elle ne saurait en effet constituer une prise de position sur l’invitation à adopter les actes délégués visés à l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 528/2012, dès lors qu’il ne s’agit que d’un simple rappel de l’existence d’une réglementation qui a trait, notamment, aux perturbateurs endocriniens.
44 En outre, il convient d’écarter l’allégation de la Commission, selon laquelle la lettre du 8 mai 2014 indiquerait qu’elle n’entendait pas, dans la situation actuelle, adopter des actes délégués au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 528/2012. En effet, ainsi qu’il découle de ce qui précède, cette lettre se borne à indiquer que l’examen de la détermination de critères scientifiques harmonisés conformément à diverses dispositions, dont ledit règlement, est en cours et aucun élément de ladite lettre n’a trait à un refus explicite de la Commission d’adopter les actes en cause. En tout état de cause, même à supposer que la lettre du 8 mai 2014 doive être interprétée comme indiquant que la Commission refusait d’adopter les actes délégués visés à l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 528/2012, cela n’affecterait pas la recevabilité du présent recours. En effet, un refus d’agir, si explicite soit-il, faisant suite à une invitation à agir, adressée à la Commission en application de l’article 265 TFUE, peut être déféré au juge de l’Union sur la base dudit article, dès lors qu’il ne met pas fin à la carence (arrêts du 27 septembre 1988, Parlement/Conseil, 302/87, Rec, EU:C:1988:461, point 17, et du 12 décembre 2007, Italie/Commission, T‑308/05, Rec, EU:T:2007:382, point 60).
45 Enfin, il convient également d’écarter les arguments avancés par la Commission dans la duplique relatifs à l’existence de critères provisoires et aux différences réglementaires s’agissant des dérogations au principe selon lequel les substances perturbant le système endocrinien ne sont pas autorisées. En effet, force est de constater que ces arguments sont sans influence sur l’examen de la recevabilité du recours, en particulier de la question de savoir si la Commission a pris position sur l’invitation à agir du Royaume de Suède, étant donné qu’ils ont trait à l’examen du fond du recours, dans le cadre duquel ils seront, pour autant que de besoin, appréciés.
46 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la lettre de la Commission du 8 mai 2014 ne saurait être considérée comme une prise de position au sens de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE.
47 Il s’ensuit que le recours est recevable.
Sur le fond
48 Le Royaume de Suède, soutenu en substance par les parties intervenantes, souligne que, aux termes de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012, il existe une obligation claire pour la Commission d’adopter, au plus tard le 13 décembre 2013, des actes délégués en ce qui concerne la spécification des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien. Or, la Commission n’aurait pas respecté cette obligation. Le Royaume de Suède ajoute que, étant donné que ladite obligation est prévue expressément par l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012, ce dernier ne saurait faire l’objet d’une interprétation contraire à son libellé. En tout état de cause, une interprétation à la lumière du contexte et de la finalité du règlement n° 528/2012 ne permettrait pas de remettre en cause la portée de ladite obligation. En particulier, rien ne permettrait de considérer la date prévue par l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012 comme constituant un objectif. Enfin, le Royaume de Suède conteste que la réglementation existante permette d’obtenir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale, les dispositions du règlement n° 528/2012 ne contribuant notamment pas à une quelconque protection active contre les perturbateurs endocriniens.
49 La Commission souligne qu’il convient de déterminer la portée d’une disposition au regard de ses termes, de son contexte et de sa finalité, et que le contexte et la finalité de celle-ci ne doivent pas être pris en compte uniquement lorsque son libellé est peu clair. Elle estime que, dans les circonstances de l’espèce et à la lumière du contexte et de la finalité du règlement n° 528/2012, la date indiquée à l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement ne doit pas être considérée comme étant contraignante, mais plutôt comme constituant un objectif. Cette interprétation permettrait de garantir qu’elle puisse prendre les mesures nécessaires et appropriées pour pouvoir améliorer le fonctionnement du marché intérieur et, dans le même temps, protéger la santé publique en garantissant un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale. Enfin, la Commission souligne qu’il existe déjà, dans le règlement n° 528/2012, une réglementation relative aux perturbateurs endocriniens suffisante pour assurer un tel niveau de protection et que l’article 88 dudit règlement instaure une clause de sauvegarde permettant aux États membres de prendre des mesures provisoires appropriées.
50 À cet égard, il convient de rappeler que le recours en carence est subordonné à l’existence d’une obligation d’agir pesant sur l’institution concernée, de telle façon que l’abstention alléguée soit contraire au traité (ordonnances du 6 juillet 1998, Goldstein/Commission, T‑286/97, Rec, EU:T:1998:150, point 24 ; du 6 septembre 2011, Mugraby/Conseil et Commission, T‑292/09, EU:T:2011:418, point 34, et du 27 novembre 2012, H-Holding/Parlement, T‑672/11, EU:T:2012:628, point 16).
51 Il convient donc de vérifier si, au moment de l’invitation à agir adressée à la Commission, le 3 mars 2014, il pesait sur elle une obligation d’agir.
52 Il doit être rappelé, à cet égard, que l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012 est libellé ainsi :
« 3. Au plus tard le 13 décembre 2013, la Commission adopte des actes délégués conformément à l’article 83 en ce qui concerne la spécification des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien. »
53 Force est de constater qu’il ressort explicitement de cette disposition que pesait sur la Commission une obligation claire, précise et inconditionnelle d’adopter des actes délégués en ce qui concerne la spécification des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, et ce au plus tard le 13 décembre 2013.
54 Toutefois, il est constant que la Commission n’a pas adopté de tels actes.
55 Or, aucun des arguments avancés par la Commission ne permet de remettre en cause l’existence de l’obligation d’adopter ces actes, ni de justifier la non-adoption de ceux-ci.
56 En premier lieu, il convient de rejeter l’argument selon lequel, dans les circonstances de l’espèce et à la lumière du contexte et de la finalité du règlement n° 528/2012, la date indiquée à l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement ne doit pas être considérée comme étant contraignante, mais plutôt comme constituant un objectif.
57 Certes, comme le souligne la Commission, pour déterminer la portée d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte à la fois de ses termes, de son contexte et de ses finalités (voir arrêt du 10 octobre 2013, Spedition Welter, C‑306/12, Rec, EU:C:2013:650, point 17 et jurisprudence citée).
58 Toutefois, en l’espèce, la portée de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012 est, ainsi qu’il ressort de son libellé, parfaitement claire et ne donne lieu à aucune ambiguïté, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’interpréter cette disposition à la lumière de son contexte ou de sa finalité.
59 En effet, premièrement, il n’y a, en principe, pas lieu de procéder à l’interprétation d’une disposition, en particulier au regard de son contexte et de sa finalité, lorsque la portée de celle-ci peut être déterminée avec précision sur le fondement de son seul libellé, son texte clair se suffisant à lui-même.
60 Deuxièmement, il ne saurait être accepté que la prise en compte des circonstances de l’espèce ainsi que du contexte et de la finalité du règlement n° 528/2012 aboutisse à modifier la portée de l’obligation fixée par le législateur et clairement établie par le texte de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement. D’ailleurs, tant le Parlement que le Conseil s’opposent, dans le cadre du présent recours, à l’interprétation proposée par la Commission de la portée de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012.
61 Troisièmement, d’une part, il convient de relever que, postérieurement à l’adoption de ce règlement, le législateur n’a pas modifié ou abrogé, par un quelconque texte contraignant, la date limite figurant à l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012 pour l’adoption des actes délégués visés par cette disposition. À cet égard, il importe de noter que, ainsi que cela a été indiqué par cette institution lors de l’audience en réponse aux questions du Tribunal, la Commission n’a pas proposé au législateur de modifier ledit règlement afin de procéder au report de cette date. D’autre part, admettre l’interprétation dudit article proposée par la Commission reviendrait à remettre en cause le système de délégation de pouvoir prévu par l’article 290 TFUE. En effet, l’article 290, paragraphe 1, premier alinéa, TFUE prévoit qu’un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d’adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l’acte législatif. Le second alinéa de cette disposition précise que les actes législatifs délimitent explicitement les objectifs, le contenu, la portée et la durée de la délégation de pouvoir. Or, en l’espèce, l’acte législatif en cause, à savoir le règlement n° 528/2012, a, en son article 5, paragraphe 3, premier alinéa, clairement fixé pour objectif à la Commission d’adopter, au plus tard le 13 décembre 2013, des actes délégués en ce qui concerne la spécification des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien. Lors de l’audience, le Parlement et le Conseil ont indiqué, en réponse à une question du Tribunal, qu’ils n’avaient pas révoqué la délégation de pouvoir visée à cet article, comme le permet l’article 83, paragraphe 3, dudit règlement. Dans ces conditions, admettre que la date fixée expressément par cette disposition ne devrait pas être considérée comme étant contraignante reviendrait à mettre en cause la délégation ainsi consentie par le législateur à la Commission.
62 Il convient, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 59 à 61 ci-dessus, de rejeter l’argumentation présentée par la Commission lors de l’audience par laquelle, tout en admettant qu’il était malheureux d’avoir prétendu que la date figurant à l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012 était indicative, elle fait valoir que, dans des circonstances exceptionnelles telles que celles de l’espèce, elle doit bénéficier d’une marge certaine d’appréciation.
63 En deuxième lieu, l’argumentation de la Commission concernant les circonstances se rapportant à l’adoption du septième programme d’action et aux dispositions du règlement n° 1107/2009 ne permet pas de réfuter les constats précédents.
64 À cet égard, s’agissant, d’une part, du septième programme d’action, il est à noter que non seulement il ne constitue pas un acte juridiquement contraignant et il ne remet pas en cause l’obligation d’adopter les actes délégués visés à l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012, mais, de surcroît, il se borne à indiquer, en son point 50, troisième alinéa, que « [l]’Union continuera à élaborer et à appliquer des approches permettant d’examiner les effets combinés des produits chimiques et les problèmes de sécurité liés aux perturbateurs endocriniens en recourant à toute législation pertinente de l’Union » et, « [e]n particulier, [qu’elle] mettra au point des critères harmonisés fondés sur le danger, en vue de l’identification des perturbateurs endocriniens ». Force est de constater que ce point apparaît, au regard de son libellé, comme établissant simplement un objectif général prospectif, en l’occurrence établir des « critères harmonisés » fondés sur le danger. Il ressort également de ce point, lu dans son contexte, et notamment de son deuxième alinéa, que la date envisagée pour la réalisation de cet objectif semble être 2020. Il peut donc uniquement être déduit de ce point que le législateur entend, à l’horizon 2020, que des critères harmonisés fondés sur le danger soient adoptés, en vue de l’identification des perturbateurs endocriniens. Par conséquent, le septième programme d’action ne saurait exonérer la Commission de l’adoption, au plus tard le 13 décembre 2013, des critères visés par le règlement n° 528/2012 ou d’autres textes spécifiques. En d’autres termes, la simple volonté affichée d’adopter, dans le futur, de tels critères harmonisés ne saurait remettre en cause l’obligation juridiquement contraignante d’adopter, avant cette date, les actes délégués évoqués à l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012. Il s’ensuit que la Commission ne saurait prendre appui sur une prétendue exigence d’adopter des critères harmonisés fondés sur le danger découlant du septième programme d’action pour se soustraire à l’obligation découlant de cette disposition.
65 Il convient, pour les mêmes motifs, d’écarter l’argument selon lequel la détermination des critères visés à l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012 aurait été rendue plus complexe par l’adoption du septième programme d’action.
66 S’agissant, d’autre part, de la circonstance que le point 3.6.5 de l’annexe II du règlement n° 1107/2009 prévoit que la Commission soumet au comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, au plus tard le 14 décembre 2013, des propositions de mesures concernant les critères scientifiques spécifiques pour la détermination des propriétés de perturbation endocrinienne, celle-ci est sans influence sur la nécessité, pour la Commission, de se conformer à l’obligation découlant de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012. D’ailleurs, lorsque cette dernière obligation a été édictée par le législateur de l’Union, le règlement n° 1107/2009 était en vigueur, et ce depuis près de deux ans, de sorte que la Commission ne saurait prendre appui sur ce dernier pour justifier le non-respect d’obligations découlant du règlement n° 528/2012. Il appartenait donc, le cas échéant, à la Commission d’assurer, dans le respect des obligations découlant de ces deux règlements et de leurs champs d’application respectifs, la cohérence entre leurs dispositions et les actes adoptés sur leurs fondements.
67 Dans ces conditions, il convient d’écarter l’allégation selon laquelle il aurait été contraire au principe de sécurité juridique d’adopter des critères en vertu de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012, applicables uniquement dans le cadre dudit règlement, de soumettre ensuite au comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale des propositions de mesures concernant les critères scientifiques spécifiques pour la détermination des propriétés de perturbation endocrinienne conformément au point 3.6.5 de l’annexe II du règlement n° 1107/2009 et, concomitamment, d’élaborer des critères scientifiques harmonisés fondés sur le danger, applicables horizontalement conformément au septième programme d’action, en vue de leur adoption ultérieure. En effet, ainsi qu’il découle de ce qui précède, ni le règlement n° 1107/2009, ni le septième programme d’action ne remettent en cause l’obligation découlant de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012.
68 Par identité de motifs, il convient d’écarter l’argumentation, avancée dans la duplique, relative aux différences entre le règlement n° 528/2012 et le règlement n° 1107/2009 s’agissant des dérogations au principe selon lequel les substances actives ayant des propriétés perturbant le système endocrinien ne sont pas autorisées et à leurs conséquences sur les travaux de la Commission en ce qui concerne la définition de critères scientifiques harmonisés.
69 En troisième lieu, la Commission ne saurait prendre appui sur le fait que les critères scientifiques qu’elle avait proposés ont fait, au cours de l’été 2013, l’objet de critiques, au motif qu’ils ne seraient pas scientifiquement fondés et que leur mise en œuvre aurait une incidence sur le marché intérieur.
70 En effet, l’existence de ces critiques est sans influence sur le fait que pesait sur la Commission, en vertu de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012, une obligation claire, précise et inconditionnelle d’agir au plus tard le 13 décembre 2013, en adoptant les actes délégués visés par cette disposition. Il ne saurait en effet être admis, faute de disposition en ce sens, que de telles circonstances puissent remettre en cause la volonté du législateur que la Commission adopte avant cette date les actes spécifiant les critères en cause.
71 En tout état de cause et à titre surabondant, s’agissant, d’une part, des critiques relatives à la prétendue incidence sur le marché intérieur des critères qu’elle avait proposés au printemps 2013, il convient de relever que celles-ci sont sans influence sur l’obligation d’adopter les critères scientifiques visés dans ladite disposition. En effet, la spécification des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien ne peut se faire que de manière objective, au regard de données scientifiques relatives audit système, indépendamment de toute autre considération, en particulier économique. Dans ces conditions, les éventuelles critiques sur les prétendues incidences sur le marché intérieur ne sauraient en aucun cas justifier le non-respect, par la Commission, de son obligation d’agir.
72 Dans ce contexte, il importe de relever que, en adoptant le règlement n° 528/2012, le législateur a procédé à une mise en balance de l’objectif d’amélioration du marché intérieur et de celui de la préservation de la santé humaine, de la santé animale et de l’environnement, que la Commission se doit de respecter et ne saurait remettre en cause. À cet égard, il échet de constater que, certes, ledit règlement a pour objectif, ainsi qu’il ressort de son article 1er, paragraphe 1, et comme le relève la Commission, d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur par l’harmonisation des règles concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides. Toutefois, ainsi qu’il découle de la même disposition, il vise également à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement. En outre, alors que l’article 4 du règlement n° 528/2012 énonce les conditions d’approbation des substances actives, l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement prohibe l’approbation des substances actives qui, notamment, sur la base des critères établis en vertu du paragraphe 3, premier alinéa, du même article, sont considérées comme ayant des propriétés perturbant le système endocrinien pouvant être néfastes pour l’homme. L’article 5, paragraphe 2, de ce même règlement prévoit néanmoins des exceptions à cette interdiction, en particulier lorsque la non-approbation de la substance active aurait des conséquences négatives disproportionnées pour la société par rapport aux risques que son utilisation représente pour la santé humaine, pour la santé animale et pour l’environnement. Quant à l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012, il poursuit, eu égard à sa nature et à sa portée, l’objectif d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement, en excluant l’approbation des substances actives qui, sur la base des critères établis par les actes délégués visés par cette disposition, sont considérées comme ayant des propriétés perturbant le système endocrinien pouvant être néfastes pour l’homme, conformément au paragraphe 1, sous d), du même article. Force est donc de constater qu’il découle tant de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 528/2012 que d’une lecture d’ensemble de ce dernier que celui-ci traduit l’équilibre souhaité par le législateur entre l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur par l’harmonisation des règles concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, d’une part, et la préservation d’un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, d’autre part. Or, dans le cadre de la mise en œuvre des pouvoirs qui lui sont délégués par le législateur, la Commission ne saurait remettre en cause cet équilibre, ce que cette institution a d’ailleurs en substance admis lors de l’audience. Dans ces conditions, la circonstance, évoquée par la Commission, que ledit règlement vise également à améliorer le fonctionnement du marché intérieur ne saurait en aucun cas, à elle seule, remettre en cause l’obligation claire, précise et inconditionnelle figurant à l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012, ni permettre à la Commission de s’y soustraire. Il convient, pour les mêmes motifs, d’écarter les allégations de la Commission relatives aux prétendues incidences sur la libre circulation des produits biocides.
73 S’agissant, d’autre part, des critiques de nature scientifique, il doit être constaté que la Commission a indiqué, dans sa défense, que, en octobre 2013, lors d’une réunion entre la conseillère scientifique principale du président de la Commission et des scientifiques, les participants avaient conclu qu’il existait un accord scientifique concernant l’identification des perturbateurs endocriniens, même si certains éléments qui ne relevaient pas de l’identification elle-même étaient encore incertains. La Commission a précisé que ces conclusions allaient dans le sens des travaux du JRC et de l’EFSA et étaient conformes à une avant-proposition de critères scientifiques qu’elle avait élaborée, de sorte qu’il aurait été mis fin à la discussion scientifique. Toutefois, lors de l’audience, la Commission a indiqué que cette affirmation ne représentait pas sa position et qu’il convenait de prendre en compte, à cet égard, les affirmations figurant dans la duplique, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience. Quoi qu’il en soit, à supposer même qu’il n’existait pas de consensus scientifique en octobre 2013, comme cela est soutenu en substance dans la duplique, il est à noter que, ainsi que cela a été relevé au point 61 ci-dessus, la Commission n’a pas proposé au législateur de modifier le règlement n° 528/2012 aux fins de procéder au report de la date figurant à l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, de celui-ci, dans le but, notamment, de bénéficier d’un délai supplémentaire pour mener les travaux permettant la spécification des critères scientifiques en cause, le cas échéant sur la base de l’avant-proposition de critères élaborée par la DG « Environnement » (voir point 13 ci-dessus), de l’avis de l’EFSA concernant les critères scientifiques applicables aux perturbateurs endocriniens (voir point 14 ci-dessus) et du rapport du groupe consultatif d’experts sur les perturbateurs endocriniens (voir point 15 ci-dessus). Au demeurant, il n’a pas été démontré qu’un consensus scientifique ait été nécessaire pour la spécification des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien visée par l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 528/2012, la Commission demeurant libre de favoriser une approche scientifique par rapport à une autre, sous réserve du respect des dispositions dudit règlement.
74 En quatrième lieu, s’agissant de la prétendue nécessité de procéder à une analyse d’impact des critères scientifiques fondés sur le danger, en vue d’évaluer les incidences sur les différentes solutions de substitution à ces critères et leur mise en œuvre dans les législations sectorielles, il doit être relevé qu’aucune disposition du règlement n° 528/2012 n’exige une telle analyse d’impact. De surcroît, à supposer que la Commission devait procéder à une telle analyse d’impact, cela ne l’exonérait en rien, en l’absence de dispositions en ce sens, de respecter la date fixée par l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement.
75 En cinquième lieu, s’agissant des allégations de la Commission évoquant les conséquences pratiques de l’absence d’adoption d’actes délégués en cause, il convient de relever, d’emblée, qu’elles sont sans incidence en l’espèce. En effet, ainsi qu’il découle de l’article 265 TFUE et de la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus, l’appréciation du bien-fondé d’un recours en carence dépend uniquement de la question de savoir si l’institution sur laquelle pèse une obligation d’agir a effectivement agi ou s’est illégalement abstenue de le faire. Aussi, même à supposer établi que cette abstention n’aurait pas de conséquence pratique, cela serait sans influence sur ladite appréciation.
76 Partant, il convient également, et pour le même motif, d’écarter l’argument selon lequel, depuis l’entrée en application du règlement n° 528/2012, l’article 5, paragraphe 1, de celui-ci assure un niveau très élevé de réglementation des perturbateurs endocriniens. De même, sans qu’il soit nécessaire d’en vérifier le bien-fondé, au demeurant contesté par le Royaume de Suède et les parties intervenantes, l’argument selon lequel les critères provisoires visés à l’article 5, paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, du règlement n° 528/2012 constituent, conjointement avec les critères d’exclusion définis à l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement, une « réglementation de grande portée » des perturbateurs endocriniens ne peut qu’être écarté comme inopérant. Il en va également ainsi de l’allégation selon laquelle l’article 88 du règlement n° 528/2012 prévoit une clause de sauvegarde permettant aux États membres d’adopter des mesures provisoires s’ils ont des raisons de considérer, en raison de nouveaux éléments de preuve, qu’un produit présente un risque pour la santé humaine.
77 Enfin, dans ce contexte, il y a aussi lieu de rejeter l’argument selon lequel les critères provisoires garantissent un niveau de protection suffisamment élevé. En effet, la Commission procède, à cet égard, par pure affirmation sans avancer d’élément permettant de démontrer son allégation. De plus, le législateur ayant expressément prévu que les critères provisoires ne s’appliquent que dans l’attente de l’adoption de ceux visés par l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012, il ne peut être considéré que ces critères provisoires seraient à même d’assurer un niveau de protection suffisamment élevé pour répondre aux objectifs visés par cette disposition.
78 Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la Commission a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 528/2012 en s’abstenant d’adopter des actes délégués en ce qui concerne la spécification des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien.
Sur les dépens
79 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
80 En outre, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.
81 En l’espèce, la Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Royaume de Suède, conformément aux conclusions de celui-ci. Les parties intervenantes supporteront, quant à elles, leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) La Commission européenne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, en s’abstenant d’adopter des actes délégués en ce qui concerne la spécification des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien.
2) La Commission est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Royaume de Suède.
3) Le Royaume de Danemark, la République française, le Royaume des Pays-Bas, la République de Finlande, le Parlement européen et Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.
Papasavvas | Bieliūnas | Forrester |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2015.
Signatures
* Langue de procédure : le suédois.
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