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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Bice International v OHMI - Bice (bice) (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-624/14 (17 December 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T62414.html Cite as: [2015] EUECJ T-624/14, ECLI:EU:T:2015:998, EU:T:2015:998 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)
17 décembre 2015 (*)
« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale bice – Marque nationale figurative antérieure 1926 BiCE RISTORANTE – Absence d’usage sérieux de la marque antérieure – Article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 207/2009 »
Dans l’affaire T‑624/14,
Bice International Ltd, établie à Dubaï (Émirats arabes unis), représentée initialement par M. N. Gibb, solicitor, et Mme D. McFarland, barrister, puis par Mme McFarland,
partie requérante,
contre
Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. M. Fischer, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant
Bice AG, établie à Baar (Suisse), représentée par Me D. Pauli, avocat,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 23 mai 2014 (affaire R 1249/2013-1), relative à une procédure de nullité entre Bice International Ltd et Bice AG,
LE TRIBUNAL (juge unique),
juge : M. S. Gervasoni,
greffier : Mme A. Lamote, administrateur,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 août 2014,
vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 2 mars 2015,
vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 26 février 2015,
à la suite de l’audience du 20 octobre 2015,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 9 juin 2006, l’intervenante, Bice AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal bice.
3 Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 30 et 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes en conserve, séchés et cuits ; gelées, confitures, purée de fruits ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;
– classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir » ;
– classe 43 : « Services de restauration et hébergement temporaire ».
4 La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 49/2006, du 4 décembre 2006. Le 10 mars 2011, la marque contestée a été enregistrée sous le numéro 5 126 693.
5 Le 20 octobre 2011, la requérante, Bice International Ltd, a présenté une demande en nullité de la marque contestée, au titre de l’article 56 du règlement n° 207/2009.
6 La demande en nullité était fondée, notamment, sur la marque espagnole figurative antérieure n° 2 234 531, déposée le 17 mai 1999 et renouvelée jusqu’au 7 mai 2019, reproduite ci-après :
7 Cette marque désigne les services relevant de la classe 42 au sens de l’arrangement de Nice, qui correspondent à la description suivante : « Services fournis par les établissements proposant principalement des aliments et des boissons prêts à consommer ; restaurants (aliments) ; restaurants (libre-service) ; restaurants à service rapide et permanent [snack-bars] ».
8 Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et à l’article 53, paragraphe 1, sous a), de ce même règlement, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), dudit règlement.
9 Le 11 juillet 2012, la requérante a apporté devant l’OHMI, sur requête de l’intervenante, des éléments de preuve concernant, notamment, l’usage sérieux de la marque antérieure (ci-après les « éléments de preuve initiaux »).
10 Le 3 mai 2013, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité. Dans sa décision, la division d’annulation a notamment estimé que la requérante n’avait pas établi l’usage sérieux de la marque antérieure, dès lors, en substance, qu’elle n’avait pas démontré l’usage de cette marque dans la forme dans laquelle elle avait été enregistrée et que, en outre, les éléments de preuve initiaux ne démontraient qu’un usage très limité de ladite marque d’un point de vue géographique, à savoir dans un seul restaurant à Madrid (Espagne) (ci-après le « restaurant de Madrid »).
11 Le 3 juillet 2013, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation. Ce recours avait pour unique objet les conclusions tirées par cette dernière au regard de l’usage sérieux de la marque antérieure. Dans le contexte de ce recours, la requérante a produit des éléments de preuve complémentaires tendant à établir l’usage sérieux de la marque antérieure et se rapportant, plus spécifiquement, à la nature de cet usage (ci-après les « éléments de preuve complémentaires »).
12 Par décision du 23 mai 2014 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas établi l’usage sérieux de la marque antérieure. Cette conclusion était, en substance, fondée sur l’étendue géographique très limitée de l’usage de la marque antérieure, à savoir dans le seul restaurant de Madrid, et sur l’absence d’éléments de preuve suffisants concernant l’importance de l’usage.
Conclusions des parties
13 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’OHMI aux dépens et « renverser la décision de la chambre de recours relative aux dépens ».
14 L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
15 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par l’intervenante.
En droit
16 À l’appui de son recours, la requérante a soulevé un moyen unique. Celui-ci est tiré d’une violation de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 42, paragraphe 2, de ce même règlement ainsi qu’avec la règle 22 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1). À l’audience, la requérante a ajouté qu’elle entendait également soulever un second moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation.
17 À titre liminaire, d’une part, il importe de relever que, en réponse à une question posée par le Tribunal à l’audience, l’OHMI, qui avait mis en doute la recevabilité du présent recours en ce que la requérante aurait omis d’identifier un moyen clair et déterminable ainsi que la disposition qui aurait été violée, a renoncé à cette contestation. Dans ces conditions, et sans préjudice de la recevabilité, également mise en cause, du second moyen soulevé par la requérante, il n’est pas nécessaire d’examiner cette question. Il en va d’autant plus ainsi que, en tout état de cause, une lecture d’ensemble de la requête laisse apparaître sans doute possible que la requérante entend mettre en cause la conclusion, dans la décision attaquée, selon laquelle elle n’a pas démontré l’usage sérieux de la marque antérieure.
18 D’autre part, il convient d’observer que, dans la requête, la requérante renvoie à ses écritures devant l’OHMI, qu’elle produit en annexe, en faisant valoir que les moyens et arguments soulevés lors de la procédure devant l’OHMI sont pertinents à l’appui du présent recours, « mais ne seront pas répétés par souci d’économie de procédure ».
19 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, applicable en matière de propriété intellectuelle conformément à l’article 130, paragraphe 1, et à l’article 132, paragraphe 1, de ce règlement, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit ressortir du texte même de la requête et être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui [voir arrêt du 9 juillet 2010, Exalation/OHMI (Vektor-Lycopin), T‑85/08, Rec, EU:T:2010:303, point 33 et jurisprudence citée ; arrêt du 16 novembre 2011, Chabou/OHMI – Chalou (CHABOU), T‑323/10, EU:T:2011:678, point 15 ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, Rec, EU:C:2006:494, point 37]. En outre, si le texte de la requête peut être étayé par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans la requête [voir arrêt du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, Rec, EU:T:2005:72, point 30 et jurisprudence citée ; arrêt Vektor-Lycopin, point 19 supra, EU:T:2010:303, point 34].
20 Il s’ensuit que, dans la mesure où la requérante ne fait pas spécifiquement référence à des points précis de ses écritures contenant les arguments développés dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, les références générales auxdites écritures doivent être déclarées irrecevables.
21 À titre principal, il convient d’examiner les deux moyens soulevés par la requérante, en commençant par le second, tiré d’une violation de l’obligation de motivation.
Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
22 À l’audience, la requérante a fait valoir que la décision attaquée était entachée d’une insuffisance de motivation. En particulier, la chambre de recours aurait omis d’expliquer les raisons ayant justifié sa conclusion selon laquelle les éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour établir un usage sérieux de la marque antérieure. De surcroît, la motivation de la décision attaquée serait contradictoire en ce que la chambre de recours, après avoir constaté, au point 21, que ces éléments étaient suffisants pour établir la nature de l’usage, a néanmoins estimé qu’ils ne fournissaient pas d’indications suffisantes sur l’étendue géographique et l’importance économique de l’usage.
23 L’OHMI et l’intervenante contestent la recevabilité de ce moyen, en ce qu’il a été soulevé pour la première fois à l’audience. L’OHMI estime qu’il n’a pas été en mesure de se défendre utilement.
24 Il y a lieu de constater que, dans la requête, la requérante n’a soulevé aucun moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Tout au plus a-t-elle allégué que « la décision [attaquée était] erronée et [devrait] être annulée en tant qu’insuffisamment motivée », sans toutefois étayer cette affirmation. C’est dans sa plaidoirie lors de l’audience et en réponse à une question posée par le Tribunal que la requérante a explicitement formulé un moyen pris d’une violation de l’obligation de motivation.
25 Or, sans même qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ce moyen et sur les exigences du débat contradictoire, il convient de constater que la motivation de la décision attaquée est, en tout état de cause, suffisante.
26 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Selon la jurisprudence, cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 296 TFUE, et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 28 avril 2004, Sunrider/OHMI – Vitakraft-Werke Wührmann et Friesland Brands (VITATASTE et METABALANCE 44), T‑124/02 et T‑156/02, Rec, EU:T:2004:116, points 72 et 73 et jurisprudence citée].
27 En l’espèce, la chambre de recours a estimé, au point 36 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas rapporté la preuve d’un usage sérieux de la marque antérieure. Cette conclusion est fondée sur le constat, notamment au point 34 de cette décision, d’une étendue géographique limitée et d’une importance quantitative faible de l’usage de ladite marque et découle d’une appréciation globale des facteurs pertinents, à savoir la période, le lieu, l’importance et la nature de l’usage, au regard des éléments de preuve présentés par la requérante (points 18 à 33 de la décision attaquée).
28 Il apparaît ainsi que la chambre de recours a motivé sa conclusion relative au défaut de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure en prenant position sur les facteurs requis par la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95 et sur l’ensemble des éléments de preuve présentés par la requérante. Cette motivation a mis cette dernière en mesure de défendre ses droits devant le Tribunal et permet également à ce dernier d’exercer son contrôle de la légalité de ladite décision.
29 À cet égard, il importe encore d’ajouter que, contrairement à ce que la requérante a fait valoir à l’audience, la motivation de la décision attaquée n’est pas entachée de contradictions. En effet, les constats selon lesquels, d’une part, les éléments de preuve complémentaires étaient suffisants pour établir l’usage de cette marque dans sa forme enregistrée et, d’autre part, les éléments de preuve ne fournissaient pas d’indications suffisantes quant à l’étendue géographique et à l’importance économique de cet usage se rapportent à des facteurs différents devant être pris en considération dans l’appréciation globale requise en vue de l’examen des preuves de l’usage. Ces facteurs ont, en effet, trait, respectivement, à la nature de l’usage et à son importance.
30 Il s’ensuit que le second moyen soulevé par la requérante doit être écarté, sans qu’il soit besoin d’examiner sa recevabilité et les exigences du débat contradictoire.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 42, paragraphe 2, de ce même règlement ainsi qu’avec la règle 22 du règlement n° 2868/95
31 La requérante fait valoir, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a considéré qu’elle n’avait pas rapporté la preuve d’un usage sérieux de la marque antérieure. En particulier, la chambre de recours aurait commis des erreurs dans l’appréciation de l’étendue géographique et de l’importance économique de l’usage de cette marque au regard des éléments de preuve avancés devant elle.
32 L’OHMI et l’intervenante contestent le bien-fondé de ce moyen.
33 Il résulte du considérant 10 du règlement n° 207/2009 que le législateur a estimé que la protection de la marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle-ci est effectivement utilisée. En conformité avec ce considérant, l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 prévoit que le titulaire d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent la date de la demande en nullité. En outre, si la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins à la date de publication de la demande de marque communautaire, le titulaire de la marque antérieure apporte également la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur ce territoire au cours des cinq années qui précèdent cette publication.
34 En vertu de la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95, tel que modifié, applicable mutatis mutandis dans les procédures de nullité en vertu de la règle 40, paragraphe 6, dudit règlement, tel que modifié, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure [arrêts du 19 avril 2013, Luna/OHMI – Asteris (Al bustan), T‑454/11, EU:T:2013:206, point 24, et du 12 mars 2014, Borrajo Canelo/OHMI – Tecnoazúcar (PALMA MULATA), T‑381/12, EU:T:2014:119, point 27].
35 Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu à la lumière du considérant 10 dudit règlement, que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux consiste à limiter les conflits entre deux marques, à moins qu’il n’existe un juste motif économique pour l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché. En revanche, lesdites dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec, EU:T:2004:225, point 38 et jurisprudence citée, et Al bustan, point 34 supra, EU:T:2013:206, point 23 et jurisprudence citée].
36 Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité de l’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, EU:T:2008:338, point 29 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, précité, EU:C:2003:145, point 37].
37 L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec, EU:T:2004:223, point 34, et VITAFRUIT, point 35 supra, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, point 36 supra, EU:C:2003:145, point 43].
38 Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part (arrêts HIPOVITON, point 37 supra, EU:T:2004:223, point 35, et VITAFRUIT, point 35 supra, EU:T:2004:225, point 41).
39 Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement. En outre, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, la Cour a précisé qu’il n’était pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (arrêts Ansul, point 36 supra, EU:C:2003:145, point 39, et VITAFRUIT, point 35 supra, EU:T:2004:225, point 42).
40 En revanche, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, Rec, EU:T:2002:316, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec, EU:T:2004:292, point 28].
41 C’est à la lumière de ces considérations et des arguments soulevés par la requérante qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure n’avait pas été rapportée en l’espèce.
42 La marque antérieure ayant été enregistrée en 1999, plus de cinq ans avant la date de la publication, le 4 décembre 2006, de la demande de marque communautaire et la demande en nullité de la marque contestée ayant été déposée le 20 octobre 2011, la période pertinente aux fins de l’appréciation de la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure s’étend, conformément à l’article 57, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 42, paragraphe 2, de ce règlement, d’une part, du 4 décembre 2001 au 3 décembre 2006 et, d’autre part, du 20 octobre 2006 au 19 octobre 2011 (ci-après la « période pertinente »), ainsi que l’a relevé, à juste titre, la chambre de recours au point 16 de la décision attaquée, sans que la requérante le conteste.
43 En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 5 et 18 de la décision attaquée, en vue de la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, la requérante a fourni les éléments de preuve initiaux et complémentaires. Les éléments de preuve initiaux comportaient, notamment, une déclaration de son directeur (ci-après la « déclaration de témoin »), six déclarations de TVA établies, entre 2002 et 2008, par la société L., qui exploite le restaurant de Madrid, ainsi que 19 factures émises par la société L. entre 2003 et 2009 au titre de services rendus dans ce restaurant (ci-après les « éléments de preuve litigieux »), dont l’appréciation fait l’objet des arguments soulevés par la requérante à l’appui du présent recours.
44 Dans la décision attaquée, sans se prononcer sur la recevabilité des éléments de preuve complémentaires, la chambre de recours a, en substance, considéré que, même appréciés dans leur ensemble, les éléments de preuve fournis par la requérante étaient insuffisants pour démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure. Cette conclusion, tirée au terme d’une appréciation de la durée, de la nature, du lieu et de l’importance de l’usage, était en particulier fondée sur l’étendue géographique très limitée de l’usage de la marque antérieure ainsi que sur le manque d’éléments de preuve suffisants concernant l’importance économique de l’usage (points 20, 21, 34 et 36 de la décision attaquée).
45 Par ses arguments, la requérante conteste les considérations émises, par la chambre de recours, au regard de la nature et de l’importance de l’usage de la marque antérieure.
46 Dans un premier temps, s’agissant de la nature de l’usage, la requérante estime que la chambre de recours a commis une erreur en concluant que la marque antérieure n’était jamais représentée en sa forme enregistrée et que l’usage était, de ce fait, insuffisant. Elle se réfère à cet égard, à titre d’exemple, au point 6, sixième tiret, de la décision attaquée, qui a trait à la nature de l’usage, et fait observer que l’élément dominant et distinctif de la marque antérieure, à savoir l’élément verbal « bice », a fait l’objet d’un usage sérieux à tout le moins sur le territoire espagnol.
47 À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que, s’il ressort du résumé – au point 6, sixième tiret, de la décision attaquée – de la position de la division d’annulation que cette dernière avait considéré que divers éléments de preuve initiaux ne comportaient aucune représentation de la marque antérieure en sa forme enregistrée, il n’en demeure pas moins que, pour sa part, la chambre de recours a observé, aux points 18 et 21 de la décision attaquée, que les éléments de preuve complémentaires reproduisaient la marque antérieure en sa forme enregistrée et satisfaisaient à l’exigence relative à la nature de l’usage au sens de la règle 22 du règlement n° 2868/95. Elle a tiré cette conclusion sans se prononcer sur la recevabilité des éléments de preuve complémentaires, au motif que ces éléments étaient, en tout état de cause, insuffisants pour démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure (point 20 de la décision attaquée).
48 En outre, la conclusion, au point 36 de la décision attaquée, selon laquelle la requérante n’a pas apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure est fondée sur l’importance géographique et économique limitée de cet usage, sans que cette conclusion soit affectée par une quelconque considération relative à la forme sous laquelle la marque antérieure a été utilisée. Par ailleurs, cette conclusion découle de l’examen, par la chambre de recours, d’éléments de preuve comportant non la marque antérieure en sa forme enregistrée, mais la seule mention de l’élément verbal « bice ».
49 Il s’ensuit que les arguments de la requérante tirés de ce que la chambre de recours aurait, à tort, estimé que la marque antérieure n’avait pas été utilisée dans sa forme enregistrée manquent en fait. Il en découle également que les arguments tirés d’un usage sérieux dont aurait fait l’objet l’élément verbal « bice », qui serait l’élément dominant et distinctif de la marque antérieure, doivent être écartés comme étant inopérants.
50 D’autre part, dans la mesure où la requérante fait référence à des orientations jurisprudentielles que la chambre de recours aurait manifestement ignorées, il y a lieu de constater que la requérante se contente de citer différents arrêts sans toutefois expliquer en quoi les orientations issues de ces arrêts auraient été méconnues. Partant, cet argument doit être écarté comme irrecevable au regard des exigences issues de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, telles qu’exposées au point 19 ci-dessus.
51 En outre, pour autant que la requérante entende, dans ce contexte, s’appuyer sur une décision de la High Court of Justice (England & Wales) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galle), Royaume-Uni] et sur le droit interne du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord, il importe de rappeler que le régime communautaire des marques est un système autonome constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI devant être appréciée uniquement sur le fondement du règlement n° 207/2009, tel qu’il est interprété par le juge de l’Union (arrêts du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, Rec, EU:C:2008:420, point 58, et du 17 juillet 2014, Reber Holding/OHMI, C‑141/13 P, EU:C:2014:2089, point 36).
52 Dans un second temps, s’agissant de l’importance de l’usage, la requérante présente des arguments ayant trait à la valeur probante de la déclaration de son directeur, à l’insuffisante prise en considération, par la chambre de recours, des éléments de preuve litigieux et à une appréciation erronée, par cette dernière, de l’étendue géographique de l’usage de la marque antérieure.
53 Dans la décision attaquée, d’une part, la chambre de recours a en substance considéré que l’étendue géographique de l’usage de la marque antérieure, destinée au marché espagnol, était réduite en ce qu’elle était, pour l’essentiel, limitée à un seul endroit, à savoir le restaurant de Madrid (points 23 à 25 de la décision attaquée). D’autre part, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve présentés par la requérante, dont notamment les éléments de preuve litigieux, n’étaient pas suffisants pour établir l’importance de l’usage (points 27 à 34 de la décision attaquée). Dans ces conditions, elle a estimé que la preuve d’un usage sérieux de la marque contestée n’avait pas été rapportée (points 34 et 36 de la décision attaquée).
54 En premier lieu, la requérante allègue que la chambre de recours a erronément refusé de tenir compte de la déclaration de témoin, la privant ainsi de son droit d’accès à la justice. Selon la requérante, ce refus ne saurait être fondé sur les seuls liens la liant à l’auteur de cette déclaration, étant précisé que ni l’impartialité ni la crédibilité de celui-ci n’avaient été mises en cause.
55 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour apprécier la valeur probante de « déclarations écrites faites sous serment ou solennellement ou qui ont un effet équivalent d’après la législation de l’État dans lequel elles sont faites » au sens de l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009, il y a lieu de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue en tenant compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de se demander si, d’après son contenu, ledit document semble sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2008, Deichmann-Schuhe/OHMI – Design for Woman (DEITECH), T‑86/07, EU:T:2008:577, point 47 et jurisprudence citée, et du 13 mai 2009, Schuhpark Fascies/OHMI – Leder & Schuh (jello SCHUHPARK), T‑183/08, EU:T:2009:156, point 38].
56 En l’espèce, il est constant que, comme la chambre de recours l’a relevé à juste titre aux points 27 et 28 de la décision attaquée, la déclaration de témoin a été établie par le directeur de la requérante et fait état, notamment, d’un chiffre d’affaires de celle-ci de 6,2 millions de dollars des États-Unis (USD), dont 3 millions seraient générés par le restaurant de Madrid et dont 1 % serait consacré à la promotion de la marque antérieure. En revanche, comme la chambre de recours l’a constaté au point 29 de la décision attaquée, cette déclaration ne contient que des affirmations vagues et générales sans aucune précision s’agissant, notamment, de l’année à laquelle ce chiffre d’affaires se rapporte.
57 Dans ces conditions, eu égard tant aux liens que la requérante entretient avec l’auteur de cette déclaration qu’au caractère imprécis et vague des informations fournies dans cette déclaration, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé, aux points 28 et 29 de la décision attaquée, que la déclaration de témoin ne pouvait être considérée en elle-même comme un élément de preuve suffisant de l’usage sérieux de la marque antérieure.
58 À cet égard, compte tenu des arguments de la requérante, il y a lieu d’ajouter, d’abord, que cette conclusion est notamment fondée sur les liens objectifs la liant à l’auteur de la déclaration de témoin, de sorte que les arguments de la requérante relatifs à l’impartialité, à la crédibilité et à la véracité des affirmations qu’elle contient ne peuvent être accueillis. Ensuite, la chambre de recours n’a, à aucun moment, constaté le caractère probant suffisant de la seule déclaration de témoin, mais s’est contentée, au point 6, quatrième tiret, de la décision attaquée, cité par la requérante, de résumer la position de la division d’annulation, laquelle avait estimé que la déclaration de témoin était corroborée par les autres éléments de preuve. Enfin, s’il est vrai que la requérante n’a pas déposé d’autre déclaration de témoin devant l’OHMI, il n’en demeure pas moins que cette seule circonstance, qui est d’ailleurs imputable à la requérante elle-même, ne saurait être de nature à invalider la conclusion, tirée à bon droit par la chambre de recours, selon laquelle ladite déclaration ne pouvait, à elle seule, constituer une preuve suffisante de l’usage sérieux de la marque antérieure.
59 Dans ces conditions, une valeur probante n’aurait pu être attribuée à cette déclaration de témoin que si elle avait été corroborée par les autres éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, Rec, EU:C:2013:593, points 40 et 43).
60 Or, la chambre de recours a considéré que les autres éléments de preuve fournis par la requérante ne permettaient pas davantage d’établir un usage sérieux de la marque antérieure.
61 À cet égard, en deuxième lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a omis de tenir compte de faits et de circonstances notoires, dont l’usage oral de l’élément verbal « bice ». Selon elle, ladite chambre de recours aurait dû comprendre que son chiffre d’affaires ne pouvait avoir été généré que par la prestation de services de restauration dans l’établissement portant ce nom, ce qui a d’ailleurs été étayé par les éléments de preuve examinés aux points 30 à 32 de la décision attaquée, que la chambre de recours a omis d’examiner de façon équitable. En outre, la requérante estime que la chambre de recours aurait dû prendre acte de la valeur probante des déclarations de TVA.
62 Premièrement, il y a lieu de relever que l’argument de la requérante tiré de prétendus faits notoires, dont notamment l’usage oral de la marque antérieure ou à tout le moins de l’élément verbal « bice », ne s’appuie sur aucun élément de preuve concret et objectif. Il s’ensuit que cet argument revient en substance à présumer l’usage sérieux du fait d’un prétendu usage oral de cette marque. Eu égard à la jurisprudence rappelée au point 40 ci-dessus, il ne saurait donc prospérer.
63 Deuxièmement, il y a lieu de relever que les éléments de preuve examinés aux points 30 à 32 de la décision attaquée sont constitués par les déclarations de TVA et par les factures établies par la société L. En substance, d’une part, la chambre de recours a relevé que, faute de toute explication, elle ne pouvait supposer que les chiffres indiqués dans les déclarations de TVA se rapportaient aux services fournis sous la marque antérieure pendant la période pertinente. D’autre part, tout en relevant que les numéros apposés sur les 19 factures produites par la requérante ne se suivaient pas et que la requérante avait produit une sélection de factures, la chambre de recours a estimé que, eu égard à leur nombre limité et aux faibles montants ainsi facturés pour une période de dix ans et un pays comptant environ 45 millions d’habitants, ces factures étaient insuffisantes pour donner une indication claire du volume commercial, de la durée et de la fréquence de l’usage de la marque antérieure en Espagne.
64 D’une part, il ressort ainsi de la décision attaquée que la chambre de recours a pris en compte et a examiné les déclarations de TVA et les factures produites par la requérante lors de la procédure devant l’OHMI. Partant, doit être écarté l’argument de la requérante tiré de ce que la chambre de recours n’aurait pas examiné de manière objective et équitable ces éléments de preuve, étant précisé par ailleurs que la requérante reste en défaut d’expliquer en quoi consisterait ce prétendu manque d’objectivité et d’équité.
65 D’autre part, sans même qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la possibilité de tenir compte, en l’espèce, d’un usage de la marque antérieure par un tiers, il y a lieu de relever que les arguments de la requérante ne sont pas de nature à établir que l’appréciation, par la chambre de recours, de l’importance de l’usage de la marque antérieure au regard des déclarations de TVA et des factures est entachée d’erreur et que ces derniers éléments seraient de nature à corroborer les indications contenues dans la déclaration de témoin.
66 À cet égard, s’agissant des déclarations de TVA, établies entre 2002 et 2008, il y a lieu de relever que l’argument de la requérante, tiré de ce que ces déclarations indiquent que la société L. a été gérée de manière légale, est inopérant pour apprécier l’usage de la marque antérieure. En effet, l’OHMI n’est pas compétent pour statuer sur le respect de la réglementation financière. De la même manière, l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 ne prévoit aucune obligation de légalité des services ou de bonne foi dans l’utilisation de la marque antérieure [voir, par analogie, arrêt du 13 avril 2011, Alder Capital/OHMI – Gimv Nederland (ALDER CAPITAL), T‑209/09, EU:T:2011:169, point 64].
67 En outre, il importe de relever que les déclarations de TVA ne font aucune mention de la marque antérieure et ne comportent aucune explication quant au point de savoir si elles se rapportent aux services fournis sous cette marque. Dans ces conditions, comme l’a en substance estimé la chambre de recours au point 30 de la décision attaquée, il ne saurait être déduit de ces déclarations que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux, à moins de recourir à des présomptions. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné.
68 Il s’ensuit que, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, les déclarations de TVA ne sauraient être de nature ni à établir un usage sérieux de la marque antérieure ni à corroborer le chiffre d’affaires allégué dans la déclaration de témoin.
69 S’agissant des factures, il y a lieu de relever, d’abord, que la requérante a présenté devant l’OHMI 19 factures, établies par la société L. pour des services fournis dans le restaurant de Madrid. Ces factures, comportant des dates allant du 17 février 2003 au 31 mars 2009, et dont deux ont été établies en 2003, deux en 2004, trois en 2005, trois en 2006, quatre en 2007, trois en 2008 et deux en 2009, font état de montants allant de 66,71 à 1 665 euros. Le montant total ainsi facturé s’élève à 14 278,96 euros.
70 Certes, ces factures établissent un certain usage ainsi qu’une certaine constance de l’usage de l’élément verbal « bice » de la marque antérieure et permettent d’établir que des services de restauration ont été fournis dans le restaurant de Madrid. Toutefois, eu égard au nombre total très restreint de factures, à la présentation de seulement deux à quatre factures par année et à la très faible valeur totale des montants ainsi facturés sur une partie importante de la période pertinente, cet usage ne peut qu’être qualifié de minime.
71 Cette conclusion s’impose d’autant plus au regard de la nature des services de restauration en cause, lesquels sont offerts sur une base quotidienne régulière.
72 Par ailleurs, il importe d’ajouter que, en particulier pour les années 2007 à 2009, il n’y a pas de coïncidence chronologique parfaite entre les dates et les numéros figurant sur les factures produites par la requérante devant l’OHMI. Ainsi, à titre d’exemple, il peut être relevé que les factures en date des 15 janvier, 26 octobre, 23 novembre et 17 décembre 2007 portent, respectivement, les numéros 3062/2007, 3729/2007, 3328/2007 et 3739/2007. Les factures en date des 21 janvier, 16 juin et 15 septembre 2008 portent, respectivement, les numéros 3568/2008, 2801/2008 et 3372/2008. Interrogée à l’audience sur ces discordances, la requérante n’a pas pu en établir les causes.
73 Dans ces conditions, aucune conclusion ne peut être tirée de ces factures sur l’importance de l’usage de la marque contestée [voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2014, Optilingua/OHMI – Esposito (ALPHATRAD), T‑538/12, EU:T:2014:9, point 42 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit qu’il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel les factures seraient fournies à titre illustratif et ne sauraient représenter le montant des prestations réelles des services prestés sous la marque antérieure.
74 Partant, les factures produites par la requérante ne sont pas de nature à corroborer à suffisance de droit le chiffre d’affaires allégué dans la déclaration de témoin.
75 Troisièmement, eu égard à ce qui précède, l’argument de la requérante tiré de ce que la chambre de recours aurait dû comprendre que son chiffre d’affaires, tel qu’indiqué dans la déclaration de témoin, n’aurait pu être généré que par la prestation de services de restauration dans le restaurant de Madrid, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points 62 et 67 ci-dessus.
76 En troisième lieu, la requérante fait observer que la chambre de recours a omis d’aborder l’importance géographique de l’usage de la marque antérieure et de tenir compte de la jurisprudence relative au critère de l’usage dont la portée n’est pas seulement locale, laquelle serait également pertinente en l’espèce. Selon elle, compte tenu du contexte, il apparaîtrait que la marque antérieure est effectivement et réellement présente sur le marché pertinent.
77 Il y a lieu de rappeler que l’importance territoriale de l’usage est un facteur devant être pris en compte, parmi d’autres, pour déterminer s’il est sérieux ou non [voir, en ce sens, arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, Rec, EU:C:2006:310, point 76, et du 17 janvier 2013, Reber/OHMI – Wedl & Hofmann (Walzer Traum), T‑355/09, EU:T:2013:22, point 43].
78 En l’espèce, la chambre de recours a estimé, aux points 23 à 25 de la décision attaquée, que les éléments de preuve présentés par la requérante ne démontraient qu’un usage territorial réduit de la marque antérieure, à savoir dans le seul restaurant de Madrid. Tout en relevant que la déclaration de témoin faisait état de restaurants situés à Barcelone (Espagne) et à Valence (Espagne), la chambre de recours a néanmoins relevé que cette affirmation n’était pas corroborée à suffisance de droit. En outre, la chambre de recours a relevé, en réponse à un argument de la requérante, que cette dernière n’avait pas démontré que le restaurant de Madrid présentait une portée géographique significative ou importante.
79 Premièrement, il ressort ainsi de ce rappel de la décision attaquée que, contrairement à ce que la requérante laisse entendre, la chambre de recours a examiné l’étendue géographique de l’usage de la marque antérieure.
80 Deuxièmement, il convient de relever que, si la requérante semble marquer son désaccord avec le constat, dans la décision attaquée, selon lequel l’usage de la marque antérieure n’avait été établi que dans le restaurant de Madrid, il n’en demeure pas moins qu’elle ne soulève aucun argument mettant spécifiquement en cause cette conclusion de la chambre de recours et l’appréciation, à ce titre, des éléments de preuve. En particulier, alors même que la chambre de recours a en substance estimé, au point 24 de la décision attaquée, que, si la déclaration de témoin faisait référence à des restaurants situés à Barcelone et à Valence, cette affirmation n’était pas étayée par les autres éléments du dossier et que la requérante n’a présenté aucune facture, aucune déclaration de TVA ni aucun autre moyen de preuve approprié pour corroborer l’existence de ces restaurants, la requérante n’a avancé, dans la présente instance, aucun argument tendant à invalider cette appréciation. Au contraire, elle a reconnu, à l’audience, que les éléments de preuve concernaient principalement le restaurant de Madrid.
81 Troisièmement, sans même qu’il soit besoin de statuer sur la pertinence, aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque antérieure, de la jurisprudence relative à la notion de « signe dont la portée n’est pas purement locale », figurant à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, citée par la requérante, il convient de relever, d’une part, que les arguments de cette dernière relatifs à la taille, au caractère dynamique et à l’importance de la ville de Madrid, à la clientèle internationale du restaurant situé dans cette ville et au contexte des services de restauration qui ne seraient habituellement pas fournis aux seuls clients locaux, ne sont pas de nature à remettre en cause le constat, dans la décision attaquée, d’une étendue géographique très limitée de l’usage de la marque antérieure, en ce que cet usage est cantonné au restaurant de Madrid.
82 D’autre part et en tout état de cause, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné. Or, les arguments visés au point 81 ci-dessus, en ce qu’ils tendent à inférer le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure de la taille et de l’importance de la ville de Madrid ainsi que des prétendus clients étrangers, ne sont fondés sur aucun élément concret tendant à établir un tel usage sérieux. Il en va de même de l’argument de la requérante pris d’une prétendue renommée de la marque antérieure.
83 Dans ce contexte, n’est pas davantage pertinente la « présence [de la requérante ou de son restaurant] dans les revues spécialisées ». En effet, à supposer que la requérante entende ainsi faire référence aux articles publiés dans la presse espagnole, qu’elle avait déposés à titre d’éléments de preuve initiaux, il convient d’observer que la chambre de recours a estimé, au point 25 de la décision attaquée, que « le fait que le restaurant de la requérante ait été cité dans différents journaux et magazines ne démontre pas que la marque recouvre une étendue géographique importante en Espagne ». Or, la requérante n’a présenté aucun argument tendant à contester cette appréciation.
84 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les arguments de la requérante ne sont pas de nature à invalider la conclusion, tirée par la chambre de recours au terme d’une appréciation globale des éléments de preuve de l’usage de la marque antérieure, selon laquelle, compte tenu en particulier de l’importance économique et de l’étendue géographique limitées de cet usage, ces éléments ne sont pas de nature à établir un usage sérieux de la marque antérieure.
85 C’est donc à bon droit que la chambre de recours a conclu que l’usage de la marque antérieure s’inscrivait dans des limites géographiques et quantitatives étroites telles que cet usage ne pouvait être qualifié de sérieux (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Walzer Traum, point 77 supra, EU:T:2013:22, point 49).
86 Il s’ensuit que le premier moyen doit être écarté dans son intégralité.
87 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté.
Sur les dépens
88 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (juge unique)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Bice International Ltd est condamnée aux dépens.
Gervasoni
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 2015.
Signature
* Langue de procédure : l’allemand.
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