ENEFI (Judgment) French Text [2016] EUECJ C-212/15 (09 November 2016)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/C21215.html
Cite as: [2016] EUECJ C-212/15

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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

9 novembre 2016 (*)

« Renvoi préjudiciel - Coopération judiciaire en matière civile - Procédures d’insolvabilité - Règlement (CE) n° 1346/2000 - Article 4 - Effets prévus par la réglementation d’un État membre sur les créances n’ayant pas fait l’objet de la procédure d’insolvabilité - Déchéance - Nature fiscale de la créance - Absence d’incidence - Article 15 - Notion d’“instances en cours” - Procédures d’exécution forcée - Exclusion »

Dans l’affaire C-212/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Mureş (tribunal de grande instance de Mureş, Roumanie), par décision du 24 avril 2015, parvenue à la Cour le 8 mai 2015, dans la procédure

ENEFI Energiahatékonysági Nyrt

contre

Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Brașov (DGRFP),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, Mme M. Berger (rapporteur), MM. A. Borg Barthet, E. Levits et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 avril 2016,

considérant les observations présentées :

-        pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Fehér, G. Koós et M. Bóra, en qualité d’agents,

-        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman et M. de Ree, en qualité d’agents,

-        pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin, en qualité d’agent, assisté de Mme D. Calciu, avocat,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 juin 2016,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO 2000, L 160, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ENEFI Energiahatékonysági Nyrt (ci-après « ENEFI »), anciennement E-Star Alternatív Energiaszolgáltató Nyrt, à la Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Brașov (DGRFP) [direction générale régionale des finances publiques de Brașov (DGRFP), Roumanie, ci-après la « DGRFP Brașov »] au sujet de l’exécution forcée, sur la demande de la DGRFP Brașov, d’une créance fiscale.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 12, 20, 21 et 23 du règlement n° 1346/2000 prévoient :

« (12) Le présent règlement permet d’ouvrir les procédures d’insolvabilité principales dans l’État membre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur. Ces procédures ont une portée universelle et visent à inclure tous les actifs du débiteur. En vue de protéger les différents intérêts, le présent règlement permet d’ouvrir des procédures secondaires parallèlement à la procédure principale. Des procédures secondaires peuvent être ouvertes dans l’État membre dans lequel le débiteur a un établissement. Les effets des procédures secondaires se limitent aux actifs situés dans cet État. Des règles impératives de coordination avec les procédures principales satisfont l’unité nécessaire au sein de la Communauté.

[...]

(20)      [...] Pour garantir le rôle prédominant de la procédure principale, le syndic de cette procédure devrait se voir conférer plusieurs possibilités d’influer sur les procédures secondaires en cours. Il devrait pouvoir, par exemple, proposer un plan de redressement ou un concordat ou demander la suspension de la liquidation de la masse dans la procédure secondaire.

(21)      Tout créancier, ayant sa résidence habituelle, son domicile ou son siège dans la Communauté, devrait avoir le droit de déclarer ses créances dans toute procédure d’insolvabilité pendante dans la Communauté en ce qui concerne les biens du débiteur. Cela devrait s’appliquer également aux autorités fiscales et aux organismes de sécurité sociale. Aux fins de l’égalité de traitement des créanciers, il faut, toutefois, coordonner la répartition du produit de la réalisation. [...]

[...]

(23)      Le présent règlement, dans les matières visées par celui-ci, devrait établir des règles de conflit de lois uniformes qui remplacent - dans le cadre de leur champ d’application - les règles nationales du droit international privé ; sauf disposition contraire, la loi de l’État membre d’ouverture de la procédure devrait être applicable (lex concursus). [...] La lex concursus détermine tous les effets de la procédure d’insolvabilité, qu’ils soient procéduraux ou substantiels, sur les personnes et les rapports juridiques concernés. Cette loi régit toutes les conditions de l’ouverture, du déroulement et de la clôture de la procédure d’insolvabilité. »

4        L’article 3 du règlement n° 1346/2000, intitulé « Compétence internationale », dispose :

« 1.      Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2.      Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.

3.      Lorsqu’une procédure d’insolvabilité est ouverte en application du paragraphe 1, toute procédure d’insolvabilité ouverte ultérieurement en application du paragraphe 2 est une procédure secondaire. Cette procédure doit être une procédure de liquidation.

[...] »

5        L’article 4 de ce règlement, intitulé « Loi applicable », prévoit :

« 1.      Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure [d’insolvabilité] est ouverte, ci-après dénommé “État d’ouverture”.

2.      La loi de l’État d’ouverture détermine les conditions d’ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d’insolvabilité. Elle détermine notamment :

[...]

f)      les effets de la procédure d’insolvabilité sur les poursuites individuelles, à l’exception des instances en cours ;

g)      les créances à produire au passif du débiteur et le sort des créances nées après l’ouverture de la procédure d’insolvabilité ;

h)      les règles concernant la production, la vérification et l’admission des créances ;

[...]

j)      les conditions et les effets de la clôture de la procédure d’insolvabilité, notamment par concordat ;

k)      les droits des créanciers après la clôture de la procédure d’insolvabilité ;

[...] »

6        L’article 15 du règlement n° 1346/2000, intitulé « Effets de la procédure d’insolvabilité sur les instances en cours », énonce :

« Les effets de la procédure d’insolvabilité sur une instance en cours concernant un bien ou un droit dont le débiteur est dessaisi sont régis exclusivement par la loi de l’État membre dans lequel cette instance est en cours. »

7        L’article 20 de ce règlement, intitulé « Restitution et imputation », prévoit :

« 1.      Le créancier qui, après l’ouverture d’une procédure visée à l’article 3, paragraphe 1, obtient par tout moyen, notamment par des voies d’exécution, satisfaction totale ou partielle en ce qui concerne sa créance sur des biens du débiteur qui se trouvent sur le territoire d’un autre État membre, doit restituer ce qu’il a obtenu au syndic, sous réserve des articles 5 et 7.

2.      Afin d’assurer un traitement égal des créanciers, le créancier qui a obtenu, dans une procédure d'insolvabilité, un dividende sur sa créance, ne participe aux répartitions ouvertes dans une autre procédure, que lorsque les créanciers de même rang ou de même catégorie ont obtenu, dans cette autre procédure, un dividende équivalent. »

8        L’article 39 du règlement n° 1346/2000, intitulé « Droit de produire les créances », est ainsi libellé :

« Tout créancier qui a sa résidence habituelle, son domicile ou son siège dans un État membre autre que l’État d’ouverture, y compris les autorités fiscales et les organismes de sécurité sociale des États membres, ont le droit de produire leurs créances par écrit dans la procédure d’insolvabilité. »

 Le droit hongrois

9        L’article 20, paragraphe 3, de la 1991. évi XLIX. törvény, a csődeljárásról és a felszámolási eljárásról (loi n° XLIX de 1991, régissant les procédures de faillite et de liquidation), dispose :

« En cas de non-respect du délai prévu [par] la présente loi, le créancier ne peut pas participer à la conclusion du concordat et les effets du concordat ne s’étendent pas à sa personne. Le titulaire d’une créance qui n’a pas été enregistrée en raison du non-respect du délai de production des créances ne peut pas faire valoir cette créance à l’encontre du débiteur, mais il peut produire sa créance, dès lors qu’elle n’est pas encore prescrite, dans le cadre d’une procédure de faillite initiée par un autre créancier. [...] »

 Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

10      ENEFI est une société dont le siège social se trouve en Hongrie et qui disposait, à la date des faits en cause au principal, d’un établissement en Roumanie. Le 13 décembre 2012, une procédure d’insolvabilité a été engagée contre cette société en Hongrie et son ouverture a été notifiée, le 7 janvier 2013, à la DGRFP Brașov.

11      Au mois de janvier 2013, la DGRFP Brașov a produit deux créances dans le cadre de la procédure d’insolvabilité. Toutefois, étant donné qu’elle n’avait pas respecté le délai applicable et qu’elle avait omis de payer les droits d’enregistrement, ces créances n’ont pas pu être prises en compte dans le cadre de cette procédure, ce dont la DGRFP Brașov a été informée le 2 mai 2013.

12      Par la suite, alors que la procédure d’insolvabilité était toujours en cours, la DGRFP Brașov a procédé à un contrôle fiscal dans les locaux de l’établissement d’ENEFI en Roumanie. Le 25 juin 2013, la DGRFP Brașov a émis un avis d’imposition (ci-après l’« avis d’imposition ») concernant une dette due au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Toutefois, elle n’a pas produit la créance relative à cet avis d’imposition dans le cadre de la procédure d’insolvabilité.

13      Dans un premier temps, ENEFI n’a pas contesté l’avis d’imposition. Par conséquent, le 7 août 2013, un titre exécutoire a été émis à l’encontre de celle-ci par les autorités roumaines, qui ont, par la suite, engagé une procédure d’exécution forcée.

14      Avant la clôture, le 7 septembre 2013, de la procédure d’insolvabilité en Hongrie, ENEFI a introduit un recours contre l’exécution forcée entamée en Roumanie. En effet, elle estimait ne pas être tenue de payer la TVA due conformément à l’avis d’imposition et considérait l’exécution forcée y afférente comme illégale, étant donné que, à la date à laquelle avait eu lieu le contrôle fiscal ayant conduit à l’émission de l’avis d’imposition, elle avait déjà fait l’objet de la procédure d’insolvabilité ouverte en Hongrie. Par conséquent, selon ENEFI, la DGRFP Brașov aurait dû produire sa créance dans le cadre de ladite procédure d’insolvabilité. Or, selon le droit hongrois, qui serait déterminant, en vertu de l’article 4 du règlement n° 1346/2000, les créances n’ayant pas été produites dans le cadre de la procédure d’insolvabilité seraient, en principe, déchues.

15      Dans ces circonstances, le Tribunalul Mureş (tribunal de grande instance de Mureş, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Dans le cadre de l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous f) et k), du règlement n° 1346/2000, les effets de la procédure d’insolvabilité prévus par la loi de l’État d’ouverture peuvent-ils inclure, à l’égard d’un créancier qui n’a pas participé à la procédure d’insolvabilité, la déchéance du droit de faire valoir sa créance dans un autre État membre ou la suspension de l’exécution forcée d’une telle créance dans cet autre État membre ?

2)      Le caractère fiscal de la créance faisant l’objet d’une exécution forcée dans un État membre autre que l’État d’ouverture a-t-il une influence à cet égard ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

16      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4 du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que relèvent de son champ d’application les dispositions du droit interne de l’État d’ouverture, qui prévoient, à l’égard d’un créancier qui n’a pas participé à ladite procédure d’insolvabilité, la déchéance du droit de faire valoir sa créance ou la suspension de l’exécution forcée d’une telle créance dans un autre État membre.

17      À cet égard, il découle, tout d’abord, de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 que, sauf disposition contraire de ce règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État d’ouverture (ci-après la « lex fori concursus »). Ainsi, comme il ressort du considérant 23 dudit règlement, la lex fori concursus détermine tous les effets de la procédure d’insolvabilité, qu’ils soient procéduraux ou substantiels, sur les personnes et les rapports juridiques concernés.

18      D’une façon plus spécifique, l’article 4, paragraphe 2, sous g) et h), du règlement n° 1346/2000 prévoit que la lex fori concursus détermine quelles créances doivent être produites au passif du débiteur, le sort des créances nées après l’ouverture de la procédure d’insolvabilité ainsi que les règles concernant la production, la vérification et l’admission des créances. Or, afin de ne pas priver ces dispositions de leur effet utile, les conséquences d’une inobservation des règles de la lex fori concursus concernant la production de créances et, notamment, des délais prévus à cet égard doivent également être appréciées sur le fondement de ladite lex fori concursus (voir, par analogie, arrêt du 10 décembre 2015, Kornhaas, C-594/14, EU:C:2015:806, point 19).

19      S’agissant des effets de la clôture d’une procédure d’insolvabilité, notamment par concordat, ainsi que des droits des créanciers après la clôture de la procédure d’insolvabilité, il y a lieu de rappeler que ces effets et ces droits, comme l’énonce expressément l’article 4, paragraphe 2, sous j) et k), sont également déterminés par la lex fori concursus.

20      S’il est vrai, à cet égard, que l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1346/2000, qui comporte une liste de matières relevant de la lex fori concursus, ne mentionne pas spécifiquement les créanciers qui n’ont pas participé à la procédure d’insolvabilité et, partant, les effets de cette procédure, ou de sa clôture, sur les droits de ces créanciers, il ne saurait pour autant faire de doute que ces effets doivent également être appréciés sur le fondement de ladite lex fori concursus.

21      En effet, d’une part, la liste des matières relevant du champ d’application de l’article 4 du règlement n° 1346/2000, figurant à son paragraphe 2, n’est pas exhaustive, comme il découle de son libellé même, à savoir de l’emploi du terme « notamment ».

22      D’autre part, force est de constater qu’une interprétation selon laquelle la lex fori concursus déterminerait les effets de la clôture d’une procédure d’insolvabilité, notamment par concordat, et les droits des créanciers après cette clôture, mais pas les effets sur les droits des créanciers qui n’ont pas participé à cette procédure, risquerait de porter sérieusement atteinte à l’efficacité de ladite procédure.

23      L’interprétation mentionnée au point 22 du présent arrêt aurait pour conséquence que les créanciers ne participant pas à la procédure d’insolvabilité pourraient, après la clôture de la procédure, demander le paiement intégral de leurs créances, ce qui engendrerait ainsi une inégalité de traitement entre les créanciers. Par ailleurs, et surtout, cette interprétation reviendrait à mettre en échec tout concordat ou toute autre mesure comparable de redressement du débiteur, en ce que ce dernier, qui devrait faire face aux créances des créanciers n’ayant pas participé à la procédure d’insolvabilité, ne disposerait pas des moyens nécessaires pour payer, conformément à un tel concordat ou à toute autre mesure, les dettes envers les autres créanciers, ces dettes étant en règle générale rééchelonnées et/ou réduites en fonction des moyens financiers dont le débiteur dispose effectivement.

24      Pour des raisons en partie analogues, il y a lieu de rejeter l’argument, avancé par la juridiction de renvoi dans ce contexte, selon lequel une disposition de la lex fori concursus applicable à une procédure principale d’insolvabilité, qui limite ou exclut la possibilité de faire valoir une créance qui n’a pas été produite dans le cadre de cette procédure, ferait obstacle à la possibilité, prévue par le règlement n° 1346/2000, de demander l’ouverture de procédures secondaires d’insolvabilité.

25      En effet, d’une part, une telle disposition de la lex fori concursus, contrairement à ce que semble considérer la juridiction de renvoi, ne fait pas obstacle à l’ouverture, en tant que telle, d’une procédure secondaire d’insolvabilité, mais à la seule admission d’une demande, visant à l’ouverture d’une telle procédure, introduite par un créancier qui n’a pas respecté le délai imparti pour la production de sa créance, tel qu’il a été fixé par la lex fori concursus applicable à la procédure principale d’insolvabilité. En revanche, toute demande soumise par un créancier disposant d’une créance non encore déchue, ou introduite par le syndic de la procédure principale d’insolvabilité, resterait admissible.

26      D’autre part, si le règlement n° 1346/2000 prévoit, sous certaines conditions, la possibilité d’ouvrir une procédure secondaire d’insolvabilité, la Cour a déjà rappelé que l’ouverture d’une telle procédure, qui, conformément à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement, doit être une procédure de liquidation, risque d’aller à l’encontre de la finalité poursuivie par une procédure principale de nature protectrice et que ce règlement fixe donc un certain nombre de règles impératives de coordination destinées à assurer, comme l’exprime son considérant 12, l’unité nécessaire au sein de l’Union européenne. Or, dans ce système, la procédure principale occupe, par rapport à la procédure secondaire, ainsi que le précise le considérant 20 du règlement, un rôle prédominant (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2012, Bank Handlowy et Adamiak, C-116/11, EU:C:2012:739, points 59 et 60).

27      Eu égard à ce rôle prédominant de la procédure principale d’insolvabilité, il semble tout à fait cohérent qu’une législation nationale puisse, par le biais de la déchéance des créances produites hors délai, exclure toute demande, introduite par les titulaires de ces créances, visant à l’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité, étant donné qu’une telle ouverture permettrait de contourner la déchéance prévue par la lex fori concursus. En outre, par analogie avec les considérations figurant au point 23 du présent arrêt, une telle législation permet d’éviter qu’un créancier n’ayant pas participé à la procédure principale d’insolvabilité puisse mettre en échec un concordat ou une mesure comparable de redressement du débiteur, adoptée dans le cadre de cette procédure, en demandant l’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité.

28      Compte tenu de ce qui précède, il y a donc lieu de considérer qu’une disposition du droit interne de l’État d’ouverture, qui prévoit, à l’égard d’un créancier qui n’a pas participé à la procédure d’insolvabilité, la déchéance du droit de faire valoir sa créance, relève de l’article 4 du règlement n° 1346/2000.

29      Ensuite, eu égard à la conclusion figurant au point 28 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que la lex fori concursus peut également prévoir la suspension de l’exécution forcée d’une créance qui n’a pas été produite dans les délais impartis. En effet, comme l’a exposé M. l’avocat général aux points 46 et 47 de ses conclusions, la déchéance des créances non inscrites étant, en principe, permise, le règlement n° 1346/2000 doit, a fortiori, permettre aussi une règle de la lex fori concursus qui se borne à suspendre la procédure d’exécution forcée relative à ces créances.

30      En outre, il convient d’ajouter que, en raison du fait que le règlement n° 1346/2000 ne procède pas à une harmonisation des délais impartis pour la production des créances dans les affaires d’insolvabilité relevant de son champ d’application, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de les établir, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à condition toutefois que les règles y afférentes ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands, C-310/14, EU:C:2015:690, point 28 et jurisprudence citée). En l’absence d’indications suffisantes à cet égard ressortant, notamment, des observations des parties, il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si ces critères sont remplis s’agissant de l’article 20, paragraphe 3, de la loi n° XLIX de 1991.

31      Enfin, il y a lieu de constater que la conclusion figurant aux points 28 et 29 du présent arrêt n’est pas remise en cause par le fait que l’article 15 du règlement n° 1346/2000 prévoit que les effets de la procédure d’insolvabilité sur une « instance en cours » concernant un bien ou un droit dont le débiteur est dessaisi sont régis exclusivement par la loi de l’État membre dans lequel cette instance est en cours.

32      En effet, cette disposition doit être lue en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 1346/2000, qui distingue les « instances en cours » des autres poursuites individuelles. Ainsi, les effets de la procédure d’insolvabilité sur les poursuites individuelles autres que les « instances en cours » sont en tout état de cause régis par la seule lex fori concursus. Or, comme l’a exposé M. l’avocat général aux points 67 à 78 de ses conclusions, les procédures visant à l’exécution forcée d’une créance relèvent de cette dernière catégorie.

33      À ce dernier égard, il convient d’ajouter que le règlement n° 1346/2000 repose sur le principe selon lequel l’exigence d’égalité de traitement des créanciers, qui sous-tend, mutatis mutandis, toute procédure d’insolvabilité, s’oppose, en règle générale, aux poursuites individuelles au moyen de procédures d’exécution forcée, introduites et menées alors qu’une procédure d’insolvabilité contre le débiteur est pendante. Ainsi, l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 impose au créancier qui obtient, « notamment par des voies d’exécution », satisfaction en ce qui concerne sa créance sur des biens du débiteur qui se trouvent sur le territoire d’un État membre autre que l’État d’ouverture, de restituer au syndic ce qu’il a obtenu.

34      Or, il serait contradictoire d’interpréter l’article 15 du règlement n° 1346/2000 en ce sens qu’il viserait également les procédures d’exécution forcée, avec la conséquence que les effets de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité relèveraient ainsi de la loi de l’État membre dans lequel une telle procédure d’exécution forcée est en cours, alors que, parallèlement , l’article 20, paragraphe 1, de ce règlement, en imposant expressément la restitution au syndic de ce qui a été obtenu par des « voies d’exécution », priverait ainsi cet article 15 de son effet utile.

35      Par conséquent, il y a lieu de considérer que les procédures d’exécution forcée ne relèvent pas du champ d’application de l’article 15 du règlement n° 1346/2000.

36      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 4 du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que relèvent de son champ d’application les dispositions du droit interne de l’État d’ouverture qui prévoient, à l’égard d’un créancier qui n’a pas participé à la procédure d’insolvabilité, la déchéance du droit de faire valoir sa créance ou la suspension de l’exécution forcée d’une telle créance dans un autre État membre.

 Sur la seconde question

37      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le caractère fiscal de la créance faisant l’objet d’une exécution forcée dans un État membre autre que l’État d’ouverture a une incidence sur la réponse à donner à la première question.

38      À cet égard, le considérant 21 du règlement n° 1346/2000 énonce que tout créancier, ayant sa résidence habituelle, son domicile ou son siège dans l’Union, devrait avoir le droit de déclarer ses créances dans toute procédure d’insolvabilité pendante dans l’Union en ce qui concerne les biens du débiteur, et que cela devrait s’appliquer également aux autorités fiscales et aux organismes de sécurité sociale. Ce considérant ajoute que, aux fins de l’égalité de traitement des créanciers, il faut, toutefois, coordonner la répartition du produit de la réalisation. Dans cette optique, l’article 39 de ce règlement prévoit, en substance, que les autorités fiscales des États membres autres que l’État d’ouverture ont le droit, au même titre que tout créancier qui a sa résidence habituelle, son domicile ou son siège dans un État membre autre que l’État d’ouverture, de produire leurs créances par écrit dans la procédure d’insolvabilité.

39      Il ressort donc de ces dispositions que le règlement n° 1346/2000, d’une part, s’oppose à des dispositions nationales excluant que les créances des autorités fiscales des États membres autres que l’État d’ouverture soient produites dans le cadre de la procédure d’insolvabilité. D’autre part, il découle des mêmes dispositions que ce règlement n’opère aucune distinction entre les créanciers du droit privé et ceux du droit public.

40      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les dispositions du règlement n° 1346/2000 n’accordent pas aux créances des autorités fiscales d’un État membre autre que l’État d’ouverture un statut préférentiel, en ce sens que celles-ci devraient pouvoir faire l’objet d’une procédure d’exécution forcée même après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité. Par conséquent, s’agissant des faits en cause au principal, la circonstance que les créances faisant l’objet de la procédure d’exécution forcée sont des créances ayant un caractère fiscal n’implique pas qu’elles relèveraient, de ce fait, uniquement du droit interne roumain, ou que les effets prévus par la lex fori concursus, en l’espèce par le droit d’insolvabilité hongrois, ne s’étendraient pas à elles.

41      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la seconde question que le caractère fiscal de la créance faisant l’objet d’une exécution forcée dans un État membre autre que l’État d’ouverture, dans une situation telle que celle en cause au principal, n’a pas d’incidence sur la réponse donnée à la première question.

 Sur les dépens

42      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 4 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que relèvent de son champ d’application les dispositions du droit interne de l’État membre sur le territoire duquel une procédure d’insolvabilité est ouverte, qui prévoient, à l’égard d’un créancier qui n’a pas participé à cette procédure, la déchéance du droit de faire valoir sa créance ou la suspension de l’exécution forcée d’une telle créance dans un autre État membre.

2)      Le caractère fiscal de la créance faisant l’objet d’une exécution forcée dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel la procédure d’insolvabilité est ouverte, dans une situation telle que celle en cause au principal, n’a pas d’incidence sur la réponse donnée à la première question préjudicielle.

Signatures


* Langue de procédure : le roumain.

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