Commission v Poland (Judgment) French Text [2016] EUECJ C-23/16 (05 October 2016)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/C2316.html
Cite as: [2016] EUECJ C-23/16, ECLI:EU:C:2016:742, EU:C:2016:742

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ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

5 octobre 2016 (*)

« Manquement d’État – Règlement (CE) n° 1071/2009 – Règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route – Article 16, paragraphes 1 et 5 – Registre électronique national des entreprises de transport par route – Absence d’interconnexion avec les registres électroniques nationaux des autres États membres »

Dans l’affaire C‑23/16,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 15 janvier 2016,

Commission européenne, représentée par Mme J. Hottiaux, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, MM. A. Borg Barthet (rapporteur) et E. Levits, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ayant omis d’établir un registre électronique national des entreprises de transport par route et d’en assurer l’interconnexion avec les registres électroniques nationaux des autres États membres, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 16, paragraphes 1 et 5, du règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil (JO 2009, L 300, p. 51).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

2        Le règlement n° 1071/2009 régit l’accès à la profession de transporteur par route et l’exercice de cette profession. Il s’applique à toutes les entreprises établies dans l’Union européenne qui exercent la profession de transporteur par route, ainsi qu’aux entreprises qui ont l’intention d’exercer cette profession. Les règles communes définies dans ledit règlement doivent viser à atteindre un niveau plus élevé de qualification professionnelle pour les transporteurs par route, à rationaliser le marché, à augmenter la qualité du service, dans l’intérêt des transporteurs par route, de leurs clients et de l’économie dans son ensemble, ainsi qu’à améliorer la sécurité routière.

3        Pour assurer l’efficacité du système de surveillance des entreprises opérant dans plusieurs États membres, établi par le règlement n° 1071/2009, l’État membre qui délivre l’autorisation doit avoir connaissance des infractions commises par le transporteur concerné sur le territoire des autres États membres et doit avoir accès aux informations relatives à ce transporteur dont disposent les autres États membres. Les articles 16 à 18 et 24 de ce règlement prévoient ainsi l’établissement de registres électroniques nationaux et leur interconnexion et définissent les modalités de la coopération administrative entre les autorités compétentes des États membres dans le domaine de l’échange d’informations.

4        Le considérant 16 du règlement n° 1071/2009 est ainsi libellé :

« Il est essentiel d’interconnecter progressivement les registres électroniques nationaux pour permettre un échange d’informations rapide et efficace entre États membres et pour garantir que les transporteurs par route ne seront pas tentés de commettre, ou de prendre le risque de commettre, des infractions graves dans des États membres autres que leur État membre d’établissement. [...] »

5        L’article 16 du règlement n° 1071/2009, intitulé « Registres électroniques nationaux », prévoit, à ses paragraphes 1 et 5 : 

« 1.      Aux fins de la mise en œuvre du présent règlement, et notamment de ses articles 11 à 14 et 26, chaque État membre tient un registre électronique national des entreprises de transport par route qui ont été autorisées par une autorité compétente qu’il a désignée à exercer la profession de transporteur par route. [...]

[...] 

5.      Sans préjudice des paragraphes 1 et 2, les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour que les registres électroniques nationaux soient interconnectés et accessibles dans toute la Communauté par l’intermédiaire des points de contact nationaux définis à l’article 18. L’accessibilité par l’intermédiaire des points de contact et de l’interconnexion est mise en œuvre au plus tard le 31décembre 2012 de manière à ce qu’une autorité compétente d’un État membre puisse consulter les registres électroniques nationaux de tout État membre. »

 Le droit polonais

6        Le gouvernement polonais fait référence à une série de lois nationales, en particulier la loi du 6 septembre 2001 sur les transports routiers, la loi du 24 mai 2000 sur le casier judiciaire national et la loi du 20 août 1997 sur le registre du commerce, en vertu desquelles les autorités administratives et judiciaires nationales sont tenues de collecter les données visées à l’article 16 du règlement n° 1071/2009 et de les rendre accessibles aux autres États membres au moyen d’un point de contact national.

 La procédure précontentieuse

7        N’ayant obtenu des autorités polonaises aucune information concernant l’interconnexion entre le registre national et les registres électroniques nationaux des autres États membres, la Commission a demandé auxdites autorités, par l’intermédiaire du système électronique « EU Pilot » (procédure EU Pilot n° 4532/13), de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer cette interconnexion sans délai.

8        Dans leur réponse du 3 juillet 2013, les autorités polonaises ont communiqué les raisons du retard et décrit les modalités de fonctionnement du registre national. Elles n’ont cependant pas indiqué de date prévisionnelle à laquelle elles seraient prêtes à réaliser ladite interconnexion.

9        En conséquence, la Commission a, le 21 février 2014, adressé aux autorités polonaises une lettre de mise en demeure dans laquelle elle constatait que la République de Pologne avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 16, paragraphe 5, du règlement n° 1071/2009.

10      Les autorités polonaises ont indiqué, par lettre du 28 avril 2014, que l’ordre juridique national sera mis en conformité avec les dispositions du règlement n° 1071/2009, par l’adoption d’une loi établissant un registre électronique national des entreprises de transport par route. Elles ont également précisé que l’inspecteur en chef du transport routier continuera d’assurer la fonction de point de contact national visé à l’article 18 du règlement n° 1071/2009.

11      Selon la Commission, il ressort de cette réponse que non seulement le processus d’interconnexion des registres n’avait pas encore débuté, mais aussi que le registre national, qui est une condition préalable à la réalisation de ce processus, n’avait pas encore été établi, ce qui constituait une violation supplémentaire de l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 1071/2009.

12      La Commission a donc adressé aux autorités polonaises, le 27 novembre 2014, une lettre de mise en demeure complémentaire, dans laquelle elle constatait que la République de Pologne avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 16, paragraphes 1 et 5, du règlement n° 1071/2009.

13      Les autorités polonaises ont répondu par lettre du 28 janvier 2015 que, en ce qui concernait le grief tiré de la violation de l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 1071/2009, un projet de loi du gouvernement modifiant la loi sur le transport par route avait été élaboré. Ce projet portait établissement du registre électronique national des entreprises de transport par route sur la base des registres tenus par l’inspecteur en chef du transport routier.

14      En ce qui concernait le grief relatif à l’article 16, paragraphe 5, du règlement n° 1071/2009, les autorités polonaises précisaient que le traitement des données et leur accessibilité par voie électronique dans le cadre du système d’interconnexion des registres électroniques nationaux nécessitaient l’adoption de dispositions à caractère législatif. Elles soulignaient, à cet égard, que les retards dans les travaux de mise en œuvre étaient dus aux modifications apportées aux solutions juridiques prévues pour assurer la mise en place du registre. L’extraction des données couvertes par le registre relèverait de la compétence de différentes autorités. En outre, la connexion du registre électronique avec les registres des autres États membres requerrait de lourds investissements financiers. Les autorités polonaises indiquaient que le processus législatif concernant cette nouvelle loi devait être achevé au plus tard le 1er janvier 2016.

15      N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a émis, le 30 avril 2015, un avis motivé, en confirmant les griefs retenus dans la lettre de mise en demeure complémentaire. Elle invitait également le gouvernement polonais à lui faire parvenir ses observations à cet égard dans un délai de deux mois à compter de la réception dudit avis.

16      Les autorités polonaises ont répondu par lettre du 30 juin 2015. Sans contester les griefs de la Commission, elles l’informaient que les travaux préparatoires à l’instauration du registre électronique national des entreprises de transport par route se poursuivaient. Elles indiquaient notamment que des travaux étaient en cours concernant le projet de loi modifiant la loi sur le transport routier, dont l’adoption permettrait d’adapter définitivement la législation nationale aux exigences découlant du règlement n° 1071/2009, et que la date prévue pour l’entrée en vigueur de cette loi était fixée au 1er janvier 2016.

17      Considérant que cette réponse n’était pas satisfaisante, et compte tenu du fait que le registre électronique national devait être créé et connecté aux registres électroniques des autres États membres pour le 31 décembre 2012 au plus tard, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

18      Par son recours, la Commission fait en substance grief à la République de Pologne d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du règlement n° 1071/2009.

19      La Commission estime qu’il ressort incontestablement des réponses fournies par les autorités polonaises au cours de la procédure contentieuse que la République de Pologne n’a pas établi à ce jour, ou à tout le moins dans le délai imparti dans l’avis motivé, de registre électronique national des entreprises de transport par route, ni assuré l’interconnexion dudit registre avec les registres électroniques nationaux des autres États membres, conformément à l’article 16, paragraphes 1 et 5, du règlement n° 1071/2009.

20      À cet égard, la Commission rappelle que l’article 16, paragraphe 5, du règlement n° 1071/2009 exigeait l’établissement de l’interconnexion pour le 31 décembre 2012 au plus tard.

21      Or, il est constant que, depuis plus de trois ans, les autorités compétentes des autres États membres, ainsi que celles de la République de Pologne, sont privées d’accès au registre électronique national polonais et sont dans l’impossibilité de consulter les données qui doivent s’y trouver.

22      Force est donc de constater que l’interconnexion exigée par le règlement n° 1071/2009 n’était pas encore établie à l’expiration du délai fixé par l’avis motivé et que, dans ces conditions, le grief avancé par la Commission, tiré de la méconnaissance de l’article 16, paragraphes 1 et 5, du règlement n° 1071/2009, est fondé.

23      La République de Pologne soutient, d’une part, que, à la date impartie dans l’avis motivé, les obligations découlant de cet article 16, paragraphes 1 et 5, étaient remplies par une série de lois nationales. En effet, la loi du 6 septembre 2001 sur les transports routiers, la loi du 24 mai 2000 sur le casier judiciaire national et la loi du 20 août 1997 sur le registre du commerce obligent les autorités administratives ainsi que les juridictions nationales à collecter les données visées à l’article 16 du règlement n° 1071/2009. L’échange de ces données avec d’autres États membres est rendu possible au moyen du point de contact national, à savoir l’inspecteur en chef du transport routier.

24      Toutefois, en vertu du considérant 16 du règlement n° 1071/2009, il est essentiel d’interconnecter progressivement les registres électroniques nationaux pour permettre un échange d’informations rapide et efficace entre États membres et pour garantir que les transporteurs par route ne seront pas tentés de commettre, ou de prendre le risque de commettre, des infractions graves dans des États membres autres que leur État membre d’établissement.

25      Or, le gouvernement polonais a soutenu lors de la procédure précontentieuse que les retards pris dans la création d’un registre électronique national tel que prévu par ce règlement étaient notamment dus aux difficultés liées à l’extraction et au rassemblement des données requises dans les différents registres existants.

26      Dès lors, l’existence de différents registres séparés gérés par différentes autorités ne saurait satisfaire aux exigences requises par le règlement n° 1071/2009, en particulier en ce qui concerne les impératifs d’interconnexion et d’accessibilité.

27      D’autre part, la République de Pologne indique que des travaux législatifs sur le projet de loi sur les transports routiers, prévoyant la création d’un registre électronique national des entreprises de transport routier constitué sur la base des registres opérationnels actuels et tenu par l’inspecteur général des transports routiers, sont actuellement en cours et auraient même atteint un stade avancé.

28      Or, il résulte d’une jurisprudence bien établie que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (voir, notamment, arrêts du 4 septembre 2014, Commission/Grèce, C-351/13, non publié, EU:C:2014:2150, point 20, et du 5 février 2015, Commission/Belgique, C-317/14, EU:C:2015:63, point 34).

29      Par conséquent, il convient de constater que, en n’ayant pas créé un registre électronique national des entreprises de transport par route et en n’ayant pas établi l’interconnexion avec les registres électroniques nationaux des autres États membres, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 16, paragraphes 1 et 5, du règlement n° 1071/2009.

 Sur les dépens

30      En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Pologne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

1)      En n’ayant pas créé un registre électronique national des entreprises de transport par route et en n’ayant pas établi l’interconnexion avec les registres électroniques nationaux des autres États membres, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 16, paragraphes 1 et 5, du règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil.

2)      La République de Pologne est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure : le polonais.

© European Union
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