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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Pesce and Others (Judgment) French Text [2016] EUECJ C-78/16 (09 June 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/C7816.html Cite as: [2016] EUECJ C-78/16, ECLI:EU:C:2016:428, EU:C:2016:428 |
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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
9 juin 2016 (*)
« Renvoi préjudiciel – Protection sanitaire des végétaux – Directive 2000/29/CE – Protection contre l’introduction et la propagation dans l’Union européenne d’organismes nuisibles aux végétaux ou aux produits végétaux – Décision d’exécution (UE) 2015/789 – Mesures visant à éviter l’introduction et la propagation dans l’Union de Xylella fastidiosa (Wells et Raju) – Article 6, paragraphe 2, sous a) – Obligation de procéder à l’enlèvement immédiat des végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire, dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux infectés – Validité – Article 16, paragraphe 3, de la directive 2000/29 – Principe de proportionnalité – Principe de précaution – Obligation de motivation – Droit à indemnisation »
Dans les affaires jointes C‑78/16 et C‑79/16,
ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), par décisions du 16 décembre 2015, parvenues à la Cour le 10 février 2016, dans les procédures
Giovanni Pesce e.a. (C‑78/16),
Cesare Serinelli e.a. (C-79/16)
contre
Presidenza del Consiglio dei Ministri (C-79/16),
Presidenza del Consiglio dei Ministri – Dipartimento della Protezione Civile,
Commissario Delegato Per Fronteggiare il Rischio Fitosanitario Connesso alla Diffusione della Xylella nel Territorio della Regione Puglia,
Ministero delle Politiche Agricole Alimentari e Forestali,
Regione Puglia,
LA COUR (première chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, C. G. Fernlund, S. Rodin et E. Regan (rapporteur), juges,
avocat général : M. Y. Bot,
greffier : Mme L. Carrasco Marco, administrateur,
vu la décision du président de la Cour du 13 avril 2016 de soumettre les présentes affaires à la procédure accélérée prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 mai 2016,
considérant les observations présentées :
– pour M. Pesce e.a., par Me G. Pesce, avvocato,
– pour M. Serinelli e.a., par Mes M. Alterio et M. Tagliaferro, avvocati,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. S. Fiorentino et G. Caselli, avvocati dello Stato,
– pour le gouvernement hellénique, par Mmes E. Leftheriotou et A. Vassilopoulou ainsi que par M. G. Kanellopoulos, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mmes F. Moro et I. Galindo Martín ainsi que par MM. D. Bianchi et A. Sauka, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 mai 2016,
rend le présent
Arrêt
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur la validité de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la décision d’exécution (UE) 2015/789 de la Commission, du 18 mai 2015, relative à des mesures visant à éviter l’introduction et la propagation dans l’Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.) (JO 2015, L 125, p. 36).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant plusieurs propriétaires de fonds agricoles situés dans la province de Brindisi, au sein de la Région des Pouilles (Italie), consacrés à la culture d’oliviers de l’espèce végétale Olea europaea L., à la Presidenza del Consiglio dei Ministri (Présidence du Conseil des ministres) (affaire C‑79/16), à la Presidenza del Consiglio dei Ministri – Dipartimento della Protezione Civile [Présidence du Conseil des ministres – département de la protection civile (Italie)], au Commissario Delegato Per Fronteggiare il Rischio Fitosanitario Connesso alla Diffusione della Xylella nel Territorio della Regione Puglia [commissaire délégué à la lutte contre le risque phytosanitaire lié à la propagation de Xylella sur le territoire de la Région des Pouilles (Italie)] (ci-après le « commissaire délégué »), au Ministero delle Politiche Agricole Alimentari e Forestali [ministre de la Politique agricole alimentaire et des Forêts (Italie)] et à la Regione Puglia [Région des Pouilles (Italie)], au sujet des mesures prises par ces autorités en vue d’éradiquer la bactérie Xylella fastidiosa (Wells et Raju) (ci-après « Xylella ») dans ladite Région et d’éviter sa propagation.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2000/29
3 Aux termes de l’article 16 de la directive 2000/29/CE du Conseil, du 8 mai 2000, concernant les mesures de protection contre l’introduction dans la Communauté d’organismes nuisibles aux végétaux ou aux produits végétaux et contre leur propagation à l’intérieur de la Communauté (JO 2000, L 169, p. 1), telle que modifiée par la directive 2002/89/CE du Conseil, du 28 novembre 2002 (JO 2002, L 355, p. 45) (ci-après la « directive 2000/29 ») :
« 1. Chaque État membre notifie immédiatement par écrit à la Commission et aux autres États membres toute présence, sur son territoire, d’organismes nuisibles énumérés à l’annexe I, partie A, chapitre I [...].
Il prend toutes les mesures nécessaires en vue de l’éradication ou, si celle-ci n’est pas possible, de l’endiguement des organismes nuisibles concernés. Il informe la Commission et les autres États membres de mesures prises.
2. Chaque État membre notifie immédiatement par écrit à la Commission et aux autres États membres l’apparition réelle ou soupçonnée d’organismes nuisibles non énumérés à l’annexe I ou à l’annexe II et dont la présence était inconnue sur son territoire. [...]
[...]
3. Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, la Commission examine la situation dès que possible avec le comité phytosanitaire permanent. Des enquêtes sur place peuvent être effectuées sous l’autorité de la Commission et en conformité avec les dispositions appropriées de l’article 21. Les mesures requises, y compris celles par lesquelles il peut être décidé si les mesures prises par les États membres doivent être révoquées ou amendées, peuvent être arrêtées sur la base d’une analyse du risque phytosanitaire ou d’une analyse préliminaire du risque phytosanitaire dans les cas visés au paragraphe 2 selon la procédure prévue à l’article 18, paragraphe 2. La Commission suit l’évolution de la situation et, selon cette même procédure, modifie ou rapporte lesdites mesures en fonction de l’évolution de la situation. Aussi longtemps qu’aucune mesure n’a été arrêtée selon la procédure précitée, l’État membre peut maintenir les mesures qu’il a mises en application.
[...]
5. Si la Commission n’a pas été informée des mesures adoptées au titre des paragraphes 1 ou 2, ou si elle juge ces mesures inadéquates, elle peut, en attendant la réunion du comité phytosanitaire permanent, prendre, sur la base d’une analyse préliminaire du risque phytosanitaire, des mesures conservatoires visant à éradiquer ou, si ce n’est pas possible, à freiner la propagation de l’organisme nuisible concerné. [...] »
4 L’annexe I, partie A, de la directive 2000/29 énumère, ainsi que cela ressort de son propre intitulé, les « [o]rganismes nuisibles dont l’introduction et la dissémination doivent être interdites dans tous les États membres ». Sous le titre « [o]rganismes nuisibles inconnus dans la Communauté et importants pour toute la Communauté », le chapitre I de cette partie, en son point b), intitulé « Bactéries », comporte un point 1 libellé comme suit : « Xylella [...] ».
Les décisions d’exécution 2014/87/UE et 2014/497/UE
5 La décision d’exécution 2014/87/UE de la Commission, du 13 février 2014, concernant des mesures visant à empêcher la propagation dans l’Union de [Xylella] (JO 2014, L 45, p. 29), laquelle a été adoptée sur la base de la directive 2000/29, et, notamment, de son article 16, paragraphe 3, quatrième phrase, expose ce qui suit, dans ses considérants 2 et 3 ainsi que 7 :
« (2) Le 21 octobre 2013, l’Italie a informé les autres États membres et la Commission de la présence de [Xylella (ci-après l’“organisme spécifié”)] sur son territoire, dans deux zones distinctes de la province de Lecce, dans la Région des Pouilles. Par la suite, deux autres foyers distincts ont été identifiés dans la même province. La présence de l’organisme spécifié a été confirmée sur plusieurs espèces végétales, dont Olea europaea L., [...], qui ont présenté un dessèchement des feuilles et des symptômes de déclin rapide. [...]
(3) Le 29 octobre 2013, la Région des Pouilles a pris des mesures d’urgence destinées à la prévention et à l’éradication de l’organisme spécifié [...], conformément à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2000/29 [...]
[...]
(7) Eu égard à la nature de l’organisme spécifié, celui-ci est susceptible de se propager rapidement et largement. Afin de garantir qu’il ne se propage pas dans le reste de l’Union, des mesures immédiates s’imposent. En attendant que des informations plus spécifiques concernant l’éventail des hôtes, les vecteurs, les voies d’entrée et les possibilités de réduction des risques soient disponibles, il convient d’interdire la circulation [des végétaux destinés à la plantation] en dehors des zones suspectées de contenir des végétaux infectés. »
6 Aux termes de cette première décision d’exécution, la Commission a dès lors interdit « la circulation hors de la province de Lecce, dans la Région des Pouilles, en Italie, de végétaux destinés à la plantation » (article 1er), a prescrit la réalisation d’enquêtes annuelles officielles visant à déceler la présence de la bactérie Xylella (article 2) et a enjoint aux États membres de veiller à ce que, dans le cas où une personne aurait connaissance de la présence de cette bactérie ou aurait des raisons de suspecter cette présence, cette personne le notifie à l’autorité compétente dans un délai de dix jours (article 3).
7 Cette décision a été abrogée par la décision d’exécution 2014/497/UE de la Commission, du 23 juillet 2014, concernant des mesures visant à empêcher la propagation dans l’Union de Xylella [...] (JO 2014, L 219, p. 56).
8 Aux termes de cette deuxième décision d’exécution, laquelle a la même base juridique que la première, la Commission a restreint la circulation des végétaux qui sont des plantes hôtes de la bactérie Xylella et a subordonné à diverses conditions leur introduction dans l’Union lorsqu’ils sont originaires de pays tiers où cette bactérie est notoirement présente (articles 2 et 3). En outre, afin d’éradiquer la bactérie Xylella et d’empêcher sa propagation, la Commission a imposé aux États membres, lorsque cela est nécessaire, des « zones délimitées » se composant d’une « zone infectée » et d’une « zone tampon », dans lesquelles les États membres devaient, notamment, arracher tous les végétaux infectés par la bactérie Xylella, de même que tous les végétaux présentant des symptômes d’une éventuelle infection par cette bactérie et tous les végétaux susceptibles d’être infectés [article 7 et annexe III, section 2, sous a)].
La décision d’exécution 2015/789
9 La décision d’exécution 2014/497 a été abrogée par la décision d’exécution 2015/789, laquelle, adoptée sur le fondement de la même base juridique que les deux premières, comporte les considérants pertinents suivants :
« (1) Compte tenu des audits effectués par la Commission et des notifications, par les autorités italiennes, de l’apparition de nouveaux foyers, il y a lieu de renforcer les mesures prévues par la décision d’exécution [2014/87].
(2) L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA [...]) a publié, le 6 janvier 2015, un avis scientifique sur le risque phytosanitaire constitué par Xylella [...] pour le territoire de l’Union, comprenant un éventail de possibilités de réduction de ce risque assorti d’une évaluation de celles-ci. [...] En outre, l’[EFSA] a publié, le 20 mars 2015, un rapport scientifique répartissant en différentes catégories, en fonction du risque d’introduction de l’organisme spécifié, les végétaux figurant dans cette liste, à l’exception des semences, lorsqu’ils sont destinés à la plantation. Dans ce rapport, les espèces végétales dont il a, jusqu’à présent, été confirmé qu’elles étaient sensibles aux isolats européens et non européens de l’organisme spécifié ont été réparties en catégories en fonction de l’origine de l’infection, qui peut être naturelle, expérimentale (transmission par un vecteur) ou inconnue (ci-après les “végétaux spécifiés”). Cette liste est plus longue que celle qui est dressée dans la décision d’exécution [2014/497]. Par conséquent, il convient que la présente décision s’applique à une liste d’espèces plus longue que celle qui figure dans [cette] décision. Toutefois, afin de garantir la proportionnalité, certaines mesures devraient s’appliquer uniquement aux espèces végétales sensibles aux isolats européens de l’organisme spécifié (ci-après les “végétaux hôtes”). À cet égard, il y a lieu de noter que, si, dans son avis du 6 janvier 2015, l’EFSA attire l’attention sur l’incertitude relative à l’éventail des espèces végétales concernées dans la mesure où les recherches se poursuivent, les résultats des recherches effectuées par les autorités italiennes ont confirmé que certains végétaux spécifiés pouvaient être des végétaux hôtes.
[...]
(4) Pour éradiquer l’organisme spécifié et éviter sa propagation au reste de l’Union, les États membres devraient établir des zones délimitées consistant en une zone infectée et une zone tampon, et appliquer des mesures d’éradication. [...]
[...]
(7) L’organisme spécifié est déjà largement établi dans la province de Lecce. Comme il ressort d’éléments probants que l’organisme spécifié est présent dans certaines parties de cette zone depuis plus de deux ans et que l’éradication de cet organisme n’y est plus possible, l’organisme officiel responsable devrait avoir la possibilité d’appliquer des mesures d’enrayement, et non des mesures d’éradication, afin de protéger au moins les sites de production, les végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière ainsi que la frontière avec le reste du territoire de l’Union. Les mesures d’enrayement devraient viser à réduire au minimum la quantité d’inoculum bactérien dans cette zone et à maintenir la population de vecteurs au niveau le plus bas possible.
(8) Pour assurer une protection efficace du reste du territoire de l’Union contre l’organisme spécifié et compte tenu de la possibilité que l’organisme spécifié se propage par des voies naturelles ou anthropiques autres que les mouvements des végétaux spécifiés destinés à la plantation, il convient d’établir une zone de surveillance immédiatement à l’extérieur de la zone tampon entourant la zone infectée de la province de Lecce.
[...]
(17) Les mesures prévues à la présente décision sont conformes à l’avis du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. »
10 Aux termes de l’article 1er de la décision d’exécution 2015/789, intitulé « Définitions » :
« Aux fins de la présente décision, on entend par :
a) “organisme spécifié”, les isolats européens et non européens de [Xylella] ;
b) “végétaux spécifiés”, tous les végétaux destinés à la plantation, à l’exception des semences, appartenant aux genres ou aux espèces énumérés à l’annexe I ;
c) “végétaux hôtes”, tous les végétaux spécifiés appartenant aux genres ou aux espèces énumérés à l’annexe II ;
[...] »
11 L’article 4 de cette décision, intitulé « Établissement de zones délimitées », dispose :
« 1. Lorsque la présence de l’organisme spécifié est confirmée, l’État membre concerné délimite sans délai une zone conformément au paragraphe 2 (ci-après la “zone délimitée”).
2. La zone délimitée se compose d’une zone infectée et d’une zone tampon.
[...] »
12 Aux termes de l’article 6 de ladite décision, intitulé « Mesures d’éradication » :
« 1. L’État membre ayant établi la zone délimitée visée à l’article 4 prend dans cette zone les mesures énoncées aux paragraphes 2 à 11.
2. L’État membre concerné procède, dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux qui ont fait l’objet d’analyses ayant révélé une infection par l’organisme spécifié, à l’enlèvement immédiat :
a) des végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire ;
b) des végétaux dont l’infection par l’organisme spécifié est connue ;
c) des végétaux qui présentent des symptômes d’une éventuelle infection par ledit organisme ou qui sont soupçonnés d’être infectés par ledit organisme.
3. L’État membre concerné procède au prélèvement d’échantillons et à des analyses sur les végétaux spécifiés dans un rayon de 100 mètres autour de chacun des végétaux infectés, conformément à la norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP) n° 31 [...].
4. Avant l’enlèvement de végétaux visés au paragraphe 2, l’État membre concerné applique les traitements phytosanitaires appropriés contre les vecteurs de l’organisme spécifié aux végétaux susceptibles d’héberger ces vecteurs. Ces traitements peuvent inclure, s’il y a lieu, l’enlèvement de végétaux.
5. L’État membre concerné détruit, sur place ou à un endroit proche désigné à cet effet dans la zone infectée, les végétaux et les parties de végétaux visés au paragraphe 2, de manière à éviter la propagation de l’organisme spécifié.
[...] »
13 L’article 7 de la décision d’exécution 2015/789, intitulé « Mesures d’enrayement », prévoit :
« 1. Par dérogation à l’article 6, et uniquement dans la province de Lecce, l’organisme officiel responsable de l’État membre concerné peut décider d’appliquer des mesures d’enrayement, telles qu’elles sont exposées aux paragraphes 2 à 6 [...].
2. L’État membre concerné procède immédiatement à l’enlèvement d’au moins tous les végétaux dont l’infection par l’organisme spécifié a été constatée s’ils sont situés dans un des lieux suivants :
[...] »
14 L’article 8 de cette décision, intitulé « Établissement d’une zone de surveillance en Italie » prévoit, à son paragraphe 1, que les États membres doivent établir une zone de surveillance d’une largeur d’au moins 30 kilomètres dans le prolongement de la zone délimitée correspondant à la zone infectée de la province de Lecce.
15 Les annexes I et II de la décision d’exécution 2015/789, qui comportent, selon leur intitulé, respectivement, la « [l]iste des végétaux dont la sensibilité aux isolats européens et non européens de l’organisme spécifié est connue (“végétaux spécifiés”) » et la « [l]iste des végétaux dont la sensibilité aux isolats européens de l’organisme spécifié est connue (“végétaux hôtes”) », mentionnent l’Olea europaea L.
Le droit italien
16 Le decreto del Ministero delle Politiche Agricole Alimentari e Forestali n. 2180 con cui sono state disposte nuove misure di emergenza per la prevenzione, il controllo e l’eradicazione di Xylella fastidiosa (décret du ministre de la politique agricole alimentaire et des forêts n° 2180, arrêtant de nouvelles mesures d’urgence pour la prévention, le contrôle et l’éradication de Xylella fastidiosa), du 19 juin 2015, (ci-après le « décret du 19 juin 2015 ») a mis en œuvre la décision d’exécution 2015/789. Les articles 8 et 9 de ce décret correspondent, en substance, aux articles 6 et 7 de cette décision.
17 Le 30 septembre 2015, le commissaire délégué a adopté un plan d’intervention, qui impose également les mesures prévues par ce décret.
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
18 Par une série de décisions notifiées au cours des mois de juillet et d’octobre 2015, le Servizio Agricoltura della Regione Puglia (service agriculture de la Région des Pouilles) a enjoint aux requérants au principal d’abattre les oliviers se trouvant sur les fonds agricoles dont ils sont propriétaires qui sont considérés comme infectés par la bactérie Xylella, ainsi que tous les végétaux hôtes se trouvant dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux infectés. Ces décisions prévoyaient également que, en cas de refus d’obtempérer, les coûts liés à l’éradication de cette bactérie effectuée par l’autorité compétente seraient mis à leur charge, sans préjudice de l’infliction d’une sanction administrative.
19 Les requérants au principal ont saisi le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) d’un recours tendant à l’annulation de ces décisions, ainsi que des actes adoptés par les autorités publiques compétentes de la Région des Pouilles et le commissaire délégué aux fins de lutter contre la propagation de la bactérie Xylella sur le territoire de cette Région, dont, notamment, le décret du 19 juin 2015 et le plan d’intervention du 30 septembre 2015.
20 Selon ces requérants, ces diverses mesures nationales sont illégales, dès lors que la décision d’exécution 2015/789, sur laquelle elles sont fondées, est elle-même contraire aux principes de proportionnalité ainsi que de précaution et qu’elle est entachée d’un défaut de motivation.
21 Éprouvant des doutes quant à la validité de la décision d’exécution 2015/789, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium), après avoir suspendu l’exécution des mesures nationales en cause en ce que celles‑ci imposent l’enlèvement de tous les végétaux hôtes dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux infectés, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) La directive 2000/29 [...], en particulier les dispositions contenues à [l’article] 11, paragraphe 3, [à l’article] 13 quater, paragraphe 7, [et à l’article] 16, paragraphes 1 [à] 3 et 5, ainsi que les principes de proportionnalité, de logique et de raison s’opposent-ils à l’application de l’article 6, paragraphes 2 et 4, de la décision d’exécution [2015/789], tel que mis en œuvre dans le droit italien par l’article 8, paragraphes 2 et 4, du décret du [19 juin 2015], en ce qu’il impose l’enlèvement immédiat, dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux qui ont fait l’objet d’analyses ayant révélé une infection par l’organisme spécifié, des végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire, et en ce qu’il prévoit simultanément que, avant l’enlèvement des végétaux visés au paragraphe 2, l’État membre concerné applique les traitements phytosanitaires appropriés contre les vecteurs de l’organisme spécifié aux végétaux susceptibles d’héberger ces vecteurs, ces traitements pouvant inclure, s’il y a lieu, l’enlèvement de végétaux ?
2) La directive 2000/29 [...], en particulier les dispositions contenues à son article 16, paragraphe 1, et notamment l’expression “mesures nécessaires en vue de l’éradication ou, si celle‑ci n’est pas possible, de l’endiguement des organismes nuisibles”, s’oppose-t-elle à l’application de l’article 6, paragraphe 2, de la décision [2015/789], tel que mis en œuvre dans le droit italien par l’article 8, paragraphe 2, du décret du [19 juin 2015], en ce qu’il prévoit l’enlèvement immédiat des végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire, dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux qui ont fait l’objet d’analyses ayant révélé une infection ?
3) L’article 16, paragraphes 1 à 3 et 5, de la directive 2000/29 [...] ainsi que les principes de proportionnalité, de logique et du respect des règles de procédure s’opposent-ils à une interprétation de l’article 6, paragraphes 2 et 4, de la décision d’exécution [2015/789], tel que mis en œuvre dans le droit italien par l’article 8, paragraphes 2 et 4, du décret du [19 juin 2015], en ce que la mesure d’éradication prévue au paragraphe 2 pourrait être imposée préalablement à l’application préventive des dispositions prévues aux paragraphes 3 et 4 du même article 6 et indépendamment de celle-ci ?
4) Les principes de précaution, d’adéquation et de proportionnalité s’opposent-ils à l’application de l’article 6, paragraphes 2 [à] 4, de la décision d’exécution [2015/789], tel que mis en œuvre dans le droit italien par l’article 8, paragraphes 2 et 4, du décret du [19 juin 2015], en ce qu’il impose des mesures d’éradication des végétaux hôtes, dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux s’étant révélés être infectés par l’organisme [Xylella], sans justification scientifique appropriée [...] attestant avec certitude l’existence d’un rapport de causalité entre la présence de l’organisme et le dessèchement des végétaux considérés comme infectés ?
5) L’article 296, deuxième alinéa, TFUE et l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ci-après la “Charte”] s’opposent-ils à l’application de l’article 6, paragraphes 2 et 4, de la décision d’exécution [2015/789], en ce qu’il prévoit l’enlèvement immédiat des végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire, dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux qui ont fait l’objet d’analyses ayant révélé une infection, dans la mesure où il est dénué de motivation appropriée ?
6) Les principes d’adéquation et de proportionnalité s’opposent-ils à l’application de la décision d’exécution [2015/789], telle que mise en œuvre dans le droit italien par le décret du [19 juin 2015], qui prévoit des mesures d’enlèvement des végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire, des végétaux dont l’infection par l’organisme spécifié est connue et des végétaux présentant des symptômes d’une éventuelle infection par l’organisme [Xylella], ou qui sont soupçonnés d’être infectés par cet organisme, sans prévoir aucune forme d’indemnisation en faveur des propriétaires non responsables de la propagation de l’organisme en question ? »
22 Par son ordonnance du 13 avril 2016, Pesce e.a. (C‑78/16 et C‑79/16, EU:C:2016:251), le président de la Cour a décidé de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi tendant à ce que ces affaires soient soumises à la procédure accélérée prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.
Sur la demande de réouverture de la procédure orale
23 À la suite du prononcé des conclusions de M. l’avocat général, M. Pesce e.a. ont, par acte déposé au greffe de la Cour le 13 mai 2016, demandé que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure. À l’appui de cette demande, M. Pesce e.a. font valoir, en substance, que M. l’avocat général présente dans ses conclusions des arguments erronés ainsi que des éléments nouveaux qui n’ont pas fait l’objet d’un débat contradictoire.
24 Il convient de rappeler que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure ne prévoient pas la possibilité, pour les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (voir, notamment, arrêt du 4 septembre 2014, Vnuk, C‑162/13, EU:C:2014:2146, point 30).
25 En vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général a pour rôle de présenter publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice de l’Union européenne, requièrent son intervention. La Cour n’est liée ni par les conclusions de l’avocat général ni par la motivation au terme de laquelle il parvient à celles-ci (arrêt du 3 décembre 2015, Banif Plus Bank, C‑312/14, EU:C:2015:794, point 33).
26 Par conséquent, le désaccord d’un intéressé avec les conclusions de l’avocat général, quelles que soient les questions qu’il examine dans celles-ci, ne peut constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la procédure orale (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 26).
27 Cela étant, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les intéressés (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Marchon Germany, C‑315/14, EU:C:2016:211, point 19).
28 Tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, tant les requérants au principal que les gouvernements italien et grec ainsi que la Commission ont exposé, au cours de la phase écrite de la procédure et, sauf pour le gouvernement grec, de la phase orale de celle-ci, l’ensemble de leurs arguments de fait et de droit concernant la validité de la décision d’exécution 2015/789. Ainsi, la Cour considère, l’avocat général entendu, qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer et que ces éléments ont fait l’objet des débats menés devant elle.
29 Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.
Sur les questions préjudicielles
30 Par ses questions, qui se rejoignent en partie, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’obligation, imposée à l’État membre concerné, par l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789, de procéder à l’enlèvement immédiat des végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire, dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux qui ont fait l’objet d’analyses ayant révélé une infection par l’organisme spécifié, en l’occurrence la bactérie Xylella, sans que cette obligation soit assortie d’un régime d’indemnisation, est invalide comme étant contraire au droit de l’Union, et, notamment, à la directive 2000/29 (première à troisième et sixième questions), lue à la lumière des principes de précaution (quatrième question) et de proportionnalité (première, troisième, quatrième et sixième questions), ainsi qu’aux exigences découlant du respect de l’obligation de motivation édictée à l’article 296 TFUE et à l’article 41 de la Charte (cinquième question).
31 Dans ce contexte, cette juridiction s’interroge également sur la cohérence interne des dispositions contenues aux paragraphes 2 à 4 de l’article 6 de ladite décision, dès lors que celles-ci imposent simultanément, d’une part, l’obligation de procéder à l’enlèvement « immédiat » de végétaux hôtes dans le rayon visé et, d’autre part, celle d’effectuer des prélèvements d’échantillons ainsi que d’appliquer des traitements phytosanitaires pouvant inclure « s’il y a lieu » l’enlèvement de végétaux (première et troisième questions).
32 En vue de répondre aux questions concernant la validité de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789, il y a lieu, à titre préalable, d’examiner cette dernière interrogation, dès lors que celle-ci concerne la portée même des différentes obligations édictées à cet article.
Sur la portée des obligations édictées aux paragraphes 2 à 4 de l’article 6 de la décision d’exécution 2015/789
33 M. Pesce e.a. font valoir que les dispositions de l’article 6 de la décision d’exécution 2015/789 sont entachées d’une contradiction interne. En effet, alors qu’il ressortirait du paragraphe 2, sous a), de cet article que les États membres doivent procéder à l’enlèvement « immédiat » de tous les végétaux hôtes situés à proximité des végétaux infectés, quel que soit leur état sanitaire, les paragraphes 3 et 4 de ce même article imposeraient aux États concernés d’effectuer des interventions préalablement à cet enlèvement. Dans ces conditions, il conviendrait d’interpréter l’article 6, paragraphe 2, sous a), de cette décision en ce sens qu’il impose l’enlèvement de ces végétaux hôtes uniquement après la vérification de leur état sanitaire et l’application des mesures phytosanitaires opportunes.
34 Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789, l’État membre concerné a l’obligation de procéder à l’enlèvement immédiat des végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire, dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux infectés par la bactérie Xylella, laquelle fait partie, aux termes de l’annexe I, partie A, chapitre I, sous b), de la directive 2000/29, des organismes nuisibles inconnus dans l’Union dont l’introduction et la dissémination doivent être interdites dans tous les États membres.
35 À l’instar de la Commission, il y a lieu de constater que cette obligation n’est en rien contradictoire par rapport à celles prévues aux paragraphes 3 et 4 de cet article 6. En effet, ainsi qu’il ressort du libellé même du paragraphe 4 dudit article 6, l’État membre concerné doit, « avant » de procéder à l’enlèvement des végétaux hôtes visé à ce paragraphe 2, sous a), appliquer un traitement phytosanitaire approprié qui vise, non pas, contrairement à ce que supposent les requérants au principal, les végétaux eux-mêmes, mais les « vecteurs » de la bactérie, à savoir les insectes infectieux, afin de lutter contre ces derniers en les éradiquant ou, « s’il y a lieu », en enlevant les végétaux qui les hébergent.
36 Ainsi que l’expose l’EFSA dans son avis du 6 janvier 2015, intitulé « Scientific Opinion on the risk to plant health posed by Xylella [...] in the EU territory, with the identification and evaluation of risk reduction options » (« Avis scientifique sur le risque phytosanitaire constitué par Xylella [...] sur le territoire de l’Union, identifiant et évaluant les options de réduction des risques ») (ci-après l’« avis de l’EFSA du 6 janvier 2015 »), auquel la Commission se réfère au considérant 2 de la décision d’exécution 2015/789, cette mesure préalable s’impose dès lors que les insectes vecteurs peuvent se déplacer des végétaux infectés à d’autres végétaux (p. 109). Ladite mesure permet ainsi, comme l’a expliqué la Commission dans ses observations écrites, de limiter le risque de propagation desdits vecteurs et, partant, de la bactérie elle‑même, au moment de l’enlèvement, en vertu du paragraphe 2, sous a), de l’article 6 de cette décision, de végétaux hôtes susceptibles d’héberger ces vecteurs.
37 Par ailleurs, en vertu du paragraphe 3 de cet article, l’État membre concerné doit, sans autre précision chronologique, procéder au prélèvement d’échantillons et à des analyses sur les « végétaux spécifiés » dans un rayon de 100 mètres autour de chacun des végétaux infectés, ce qui inclut, non seulement les végétaux « hôtes » visés au paragraphe 2, sous a), dudit article, à savoir ceux qui sont sensibles aux isolats européens de la bactérie Xylella, mais également les végétaux qui sont sensibles aux isolats non européens de cette bactérie.
38 Il s’ensuit que les obligations édictées aux paragraphes 2 à 4 de l’article 6 de la décision d’exécution 2015/789 prévoient, non pas des obligations autonomes qui s’excluraient mutuellement, mais un ensemble de mesures intrinsèquement liées de nature ainsi que de portée différentes et qui, s’agissant de celles prévues aux paragraphes 2, sous a), et 4 de cet article, doivent s’appliquer successivement. Les obligations énoncées auxdits paragraphes 3 et 4 ne sauraient donc être comprises comme affectant le caractère impératif de l’obligation de procéder à l’enlèvement « immédiat » des végétaux hôtes dans le rayon concerné autour des végétaux infectés.
39 C’est à la lumière de ces précisions liminaires qu’il convient d’examiner la validité de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789.
Sur la validité de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789 au regard de la directive 2000/29, lue à la lumière des principes de précaution et de proportionnalité
40 Il convient de relever que la plupart des dispositions de la directive 2000/29 dont la juridiction de renvoi fait état dans sa première question préjudicielle ne sont pas pertinentes pour l’examen de la validité de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789.
41 Tout d’abord, l’article 11, paragraphe 3, et l’article 13 quater, paragraphe 7, de la directive 2000/29 ne concernent pas le cas de figure visé audit article 6, paragraphe 2, sous a), dès lors que ces dispositions portent, respectivement, sur la circulation des végétaux entre les États membres et sur l’importation dans l’Union de végétaux en provenance de pays tiers.
42 Ensuite, les paragraphes 1 et 2 de l’article 16 de cette directive, pris isolément, concernent les mesures à prendre, non pas par la Commission, mais par les États membres, le paragraphe 2 de cet article visant, en outre, les organismes nuisibles ne figurant pas, à la différence de la bactérie Xylella, aux annexes de ladite directive.
43 Enfin, le paragraphe 5 de ce même article 16 a pour objet de permettre à la Commission d’adopter des mesures conservatoires visant à éradiquer ou, lorsque cela n’est pas possible, à freiner la propagation de l’organisme nuisible concerné sur la base d’une analyse préliminaire du risque phytosanitaire « en attendant une réunion du comité phytosanitaire permanent ». Or, en l’occurrence, il est constant que la décision d’exécution 2015/789, ainsi qu’il ressort de son considérant 17, a été précédée d’un avis favorable du comité phytosanitaire compétent.
44 En revanche, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789 a été adopté sur le fondement de l’article 16, paragraphe 3, quatrième phrase, de la directive 2000/29, lequel habilite la Commission, en fonction de l’évolution de la situation en matière de risque phytosanitaire, à modifier ou à rapporter les « mesures nécessaires » prises par les États membres, notamment, au titre du paragraphe 1 de cet article 16 en vue de l’éradication de l’organisme nuisible concerné.
45 En conséquence, c’est au regard de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 2000/29 que doit avoir lieu l’examen de la validité de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789.
46 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de son pouvoir d’exécution, dont les limites s’apprécient notamment en fonction des objectifs généraux essentiels de l’acte législatif en cause, la Commission est autorisée à adopter toutes les mesures d’application nécessaires ou utiles pour la mise en œuvre dudit acte, pour autant qu’elles ne sont pas contraires à celui-ci. En outre, il résulte de la combinaison de l’article 290, paragraphe 1, et de l’article 291, paragraphe 2, TFUE que la Commission, en exerçant un pouvoir d’exécution, ne peut modifier ni compléter l’acte législatif, même dans ses éléments non essentiels (arrêt du 15 octobre 2014, Parlement/Commission, C‑65/13, EU:C:2014:2289, points 44 et 45).
47 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que le législateur de l’Union doit tenir compte du principe de précaution, conformément auquel, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. Lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué, en raison de la nature non concluante des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour la santé publique persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives (voir, notamment, arrêt du 17 décembre 2015, Neptune Distribution, C‑157/14, EU:C:2015:823, points 81 et 82).
48 Ledit principe doit, en outre, être appliqué en tenant compte du principe de proportionnalité, lequel exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, notamment, arrêt du 17 octobre 2013, Schaible, C‑101/12, EU:C:2013:661, point 29).
49 En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de ces principes, la Cour a déjà jugé qu’il y a lieu de reconnaître à la Commission un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle arrête des mesures de gestion des risques. En effet, ce domaine implique de sa part, notamment, des choix politiques, ainsi que des appréciations complexes. Seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, notamment, arrêt du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços, C‑77/09, EU:C:2010:803, point 82).
50 À cet égard, il importe également de rappeler que la validité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où cet acte a été adopté et ne saurait donc dépendre d’appréciations rétrospectives concernant son degré d’efficacité. Lorsque le législateur de l’Union est amené à apprécier les effets futurs d’une réglementation à prendre alors que ces effets ne peuvent être prévus avec exactitude, son appréciation ne peut être censurée que si elle apparaît manifestement erronée au vu des éléments dont il disposait au moment de l’adoption de la réglementation en cause (voir, notamment, arrêt du 17 octobre 2013, Schaible, C‑101/12, EU:C:2013:661, point 50 et jurisprudence citée).
51 Cela étant, il ressort de la jurisprudence que, lorsque des éléments nouveaux modifient la perception d’un risque ou montrent que ce risque peut être circonscrit par des mesures moins contraignantes que celles qui existent, il appartient aux institutions, et notamment à la Commission, qui a le pouvoir d’initiative, de veiller à une adaptation de la réglementation aux données nouvelles (arrêt du 12 janvier 2006, Agrarproduktion Staebelow, C‑504/04, EU:C:2006:30, point 40). Ainsi, en l’occurrence, il incombe à la Commission, en vertu de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 2000/29, de vérifier de manière périodique, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 44 du présent arrêt, si les mesures prises en vue de traiter le risque phytosanitaire concerné doivent être modifiées ou rapportées.
52 C’est à la lumière de ces dispositions et de ces principes qu’il convient d’examiner la validité de l’obligation, édictée à l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789, de procéder à l’enlèvement immédiat, dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux infectés, des végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire (quatre premières questions), avant d’apprécier l’incidence à cet égard de l’absence de régime d’indemnisation dans cette décision (sixième question).
Sur l’examen de la validité de l’obligation édictée à l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789
53 Il y a lieu de rappeler que la directive 2000/29 a pour objet de garantir un haut niveau de protection phytosanitaire contre l’introduction dans l’Union d’organismes nuisibles dans les produits importés de pays tiers (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2003, Anastasiou e.a., C‑140/02, EU:C:2003:520, point 45).
54 En l’occurrence, conformément à cet objectif, l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789 vise, ainsi qu’il ressort du considérant 4 de celle-ci, à éradiquer la bactérie Xylella et à éviter ainsi sa propagation au-delà de la Région des Pouilles, par le renforcement des mesures imposées dans les décisions d’exécution 2014/87 et 2014/497, à la suite de la notification par les autorités italiennes de la présence de cette bactérie dans la province de Lecce.
55 Or, il est constant que la protection sanitaire et l’achèvement dans le secteur concerné du marché intérieur agricole constituent des objectifs d’intérêt général légitimes de la législation de l’Union (voir, notamment, arrêt du 17 octobre 2013, Schaible, C‑101/12, EU:C:2013:661, point 35 et jurisprudence citée).
56 Dans ces conditions, il convient d’examiner si la Commission a pu légitimement considérer, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose dans le domaine concerné au titre de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 2000/29 et du principe de précaution, que l’obligation d’enlèvement immédiat des végétaux hôtes, quel que soit leur statut sanitaire, dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux infectés, prévue à l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789, était, eu égard aux données scientifiques disponibles à la date d’adoption de cette décision et aux mesures alternatives envisageables à cette même date, appropriée et nécessaire pour atteindre cet objectif ainsi que strictement proportionnée à celui-ci.
57 En premier lieu, et à titre liminaire, les requérants au principal contestent que l’élimination des végétaux infectés soit elle-même apte à éradiquer l’infection. En effet, le lien de causalité entre la bactérie Xylella et le dessèchement rapide des oliviers observé dans la Région des Pouilles n’aurait pas été démontré. Il en résulterait que, à plus forte raison, l’élimination de tous les végétaux hôtes se trouvant à proximité des végétaux infectés ne serait pas non plus apte à éradiquer l’infection.
58 À cet égard, il convient de constater qu’il ressort clairement de l’avis de l’EFSA du 6 janvier 2015, ce qui n’a pas été contesté par les requérants au principal, que les oliviers font partie, au même titre qu’un nombre relativement élevé d’autres végétaux, des végétaux hôtes de la bactérie Xylella.
59 Or, s’il est vrai que l’EFSA n’a pas démontré dans cet avis l’existence d’un lien de causalité certain entre la bactérie Xylella et le dessèchement rapide des oliviers dans la Région des Pouilles, ledit avis a néanmoins mis en évidence (p. 3), ainsi que M. l’avocat général l’a observé au point 116 de ses conclusions, une corrélation significative entre cette bactérie et l’occurrence d’une telle pathologie.
60 À cet égard, il convient de souligner que, à la différence de ce que suggèrent les requérants au principal, le principe de précaution, loin d’interdire l’adoption de toute mesure en l’absence de certitude scientifique quant à l’existence ou à la portée d’un risque sanitaire, peut, tout au contraire, justifier, ainsi qu’il a été rappelé aux points 46 et 47 du présent arrêt, l’adoption par le législateur de l’Union de mesures de protection même si des incertitudes scientifiques subsistent à ce sujet.
61 Par ailleurs, il y a lieu d’observer que, si les requérants au principal contestent la réalité d’un lien de causalité entre la bactérie Xylella et le dessèchement rapide des oliviers dans la Région des Pouilles, ils n’apportent aucun élément de preuve de nature à étayer leurs allégations.
62 Il convient, dès lors, de constater que la Commission a pu légitimement considérer que l’obligation d’enlèvement immédiat des végétaux infectés était une mesure appropriée et nécessaire pour prévenir la propagation de la bactérie Xylella. Par ailleurs, s’agissant du caractère strictement proportionné de cette obligation, il n’a été fait état d’aucune mesure alternative moins contraignante, concernant les végétaux infectés, qui serait susceptible d’atteindre ce même objectif.
63 Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner, en second lieu, si l’obligation de procéder à l’enlèvement immédiat des végétaux hôtes qui se situent « dans un rayon de 100 mètres » autour des végétaux infectés, « quel que soit leur statut sanitaire », constitue une mesure adéquate, au regard des principes de précaution et de proportionnalité, pour atteindre l’objectif poursuivi.
64 En ce qui concerne, premièrement, l’obligation de procéder à un tel enlèvement « dans un rayon de 100 mètres » autour des végétaux infectés, il convient, en vue de déterminer si cette obligation est appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, d’examiner les données dont la Commission disposait, lors de l’adoption de sa décision, s’agissant du risque de diffusion de l’infection à partir des végétaux infectés.
65 À cet égard, il y a lieu de relever que l’EFSA, après avoir constaté dans son avis du 6 janvier 2015 que « [l]es vecteurs infectieux peuvent se disséminer localement en volant ou en étant transportés passivement par le vent sur des distances plus longues » (p. 4), précise, tout en concédant que « [l]e rôle de propagation dû à l’homme et au vent est encore mal connu et que les données permettant de déterminer jusqu’à quelle distance les insectes vecteurs peuvent voler sont insuffisantes » (p. 4), que « [c]ertaines données disponibles suggèrent qu’une distance de 100 mètres est une distance de dispersion qui semble appropriée » (p. 62). Par ailleurs, il ressort de cet avis que « [l]a diffusion est essentiellement limitée à des cicadelles dont la portée de vol est limitée, en moyenne, sur une centaine de mètres, mais qui peuvent également être poussées sur de plus longues distances par le vent » (p. 94).
66 Il convient de constater que, eu égard à ces données scientifiques, la Commission a pu légitimement considérer, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose en la matière, que l’obligation d’enlèvement immédiat des végétaux hôtes dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux infectés était une mesure appropriée et nécessaire pour éviter la propagation de la bactérie Xylella à partir de ces végétaux par les insectes vecteurs de celle-ci.
67 S’agissant du caractère strictement proportionné de cette obligation, M. Pesce e.a. font valoir qu’il existait, lorsque la Commission a adopté la décision 2015/789, une certaine incertitude scientifique concernant la manière dont se propage la bactérie Xylella. En particulier, il ne serait pas exclu que les vecteurs de cette propagation puissent aboutir à étendre l’infection bien au-delà du rayon de 100 mètres autour des végétaux infectés.
68 Toutefois, loin de mettre en cause le caractère proportionné de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789, le fait que la Commission ait circonscrit l’obligation d’enlèvement à un rayon de 100 mètres, alors que les vecteurs sont susceptibles de propager la bactérie au-delà de celui-ci, démontre, au contraire, que cette obligation a été limitée à ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (voir, par analogie, arrêt du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, EU:C:2001:420, point 120).
69 En ce qui concerne, deuxièmement, l’obligation de procéder à l’enlèvement immédiat, dans le rayon concerné, des végétaux hôtes « quel que soit leur statut sanitaire », à savoir, même s’ils ne présentent aucun symptôme d’infection par la bactérie Xylella et ne sont pas soupçonnés d’être infectés par celle-ci, les requérants au principal ont fait valoir, tant dans leurs observations écrites que lors de l’audience, que la notion d’« éradication » visée à l’article 16 de la directive 2000/29 se rapporte exclusivement aux organismes nuisibles. La Commission serait, dès lors, uniquement habilitée à imposer l’enlèvement des végétaux infectés par ces organismes.
70 Toutefois, ainsi que M. l’avocat général l’a indiqué au point 92 de ses conclusions, les dispositions de l’article 16 de la directive 2000/29 étant formulées en termes généraux, elles ne permettent pas d’inférer une telle limitation du champ d’application des mesures pouvant être prises par la Commission. Tenant compte du principe de précaution, le paragraphe 3 de cet article, lu en combinaison avec son paragraphe 1, doit, au contraire, être compris comme permettant à la Commission d’adopter toute mesure nécessaire, conformément à la jurisprudence citée aux points 46 et 47 du présent arrêt, pour éradiquer ou endiguer les organismes nuisibles, de telle sorte que, si la réalisation de cet objectif exige l’enlèvement, non seulement des végétaux infectés, mais également de tous les végétaux hôtes situés à proximité, même s’ils ne présentent aucun symptôme d’infection par la bactérie Xylella et ne sont pas soupçonnés d’être infectés par celle-ci, cette institution est habilitée à imposer une telle mesure.
71 En l’occurrence, afin de déterminer si cette mesure est appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, il y a lieu d’examiner si la Commission disposait, lorsqu’elle a adopté sa décision, de données concordantes de nature à indiquer que, nonobstant l’enlèvement des végétaux infectés, les végétaux hôtes avoisinants, même s’ils ne présentent aucun symptôme d’infection par la bactérie Xylella et ne sont pas soupçonnés d’être infectés par celle-ci, sont susceptibles néanmoins d’en être porteurs et de contribuer à la propagation de cette bactérie.
72 À cet égard, il convient de constater que, selon les termes de l’avis de l’EFSA du 6 janvier 2015, « [l]es hôtes asymptomatiques et les infections asymptomatiques ou légères peuvent échapper à des examens exclusivement basés sur une inspection visuelle, voire basés sur des tests de laboratoire, en raison de la précocité éventuelle de l’infection ou d’une répartition hétérogène de la bactérie dans la plante » (p. 6). Il s’ensuit, selon cet avis, que la présence de la bactérie Xylella est difficile à détecter sur des végétaux exempts de symptômes ou récemment contaminés (p. 97). Ledit avis conclut, dès lors, que, « [é]tant donné que la maladie est propagée d’une plante à l’autre par des insectes vecteurs et qu’il existe un temps de latence entre l’inoculation de la bactérie par les vecteurs et l’apparition des symptômes, voire la possibilité de détecter la bactérie dans la plante, il est essentiel, lors de l’éradication de végétaux reconnus comme étant infectés, de détruire également tous les autres végétaux se trouvant dans leur voisinage » (p. 100).
73 Eu égard à ces données scientifiques, il apparaît que la Commission a pu légitimement considérer, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose en la matière, que l’obligation d’enlèvement immédiat de tous les végétaux hôtes situés à proximité des végétaux infectés était, contrairement à l’enlèvement des seuls végétaux infectés par cette bactérie ou à celui des végétaux en voie de dessèchement, envisagés par M. Pesce e.a., une mesure appropriée et nécessaire pour éviter la propagation de la bactérie Xylella à partir de ces végétaux par les insectes vecteurs de celle-ci.
74 S’agissant du caractère strictement proportionné de cette obligation, il convient de relever que le législateur de l’Union devait mettre en balance les différents intérêts en cause, à savoir, d’une part, notamment, le droit de propriété des propriétaires d’oliviers dans la Région des Pouilles ainsi que les conséquences économiques, sociales et environnementales pour cette Région résultant de l’enlèvement des végétaux visés et, d’autre part, l’importance de la production végétale dans l’Union et l’intérêt général d’assurer une protection efficace du territoire de l’Union, en ce compris en Italie au-delà de la province de Lecce, contre la propagation de la bactérie Xylella dans l’ensemble dudit territoire.
75 À cet égard, il convient, tout d’abord, d’observer que l’obligation de procéder à l’enlèvement immédiat de tous les végétaux hôtes dans le rayon concerné a été imposée par la Commission en raison de la propagation rapide de la bactérie dans le nord de la province de Lecce, après que cette institution s’est limitée à interdire, dans la décision d’exécution 2014/87, la circulation de végétaux destinés à la plantation en dehors de cette province, puis à imposer, dans la décision d’exécution 2014/497, l’arrachage des seuls végétaux infectés, faisant ainsi ressortir une certaine gradation dans les mesures adoptées.
76 Ensuite, il y a lieu de relever que la Commission n’a pas imposé l’obligation d’enlèvement en cause en toutes circonstances. En effet, par dérogation à l’article 6 de la décision d’exécution 2015/789, dans la seule province de Lecce, dès lors que l’éradication n’est plus possible, l’article 7 de cette décision autorise les autorités nationales compétentes à adopter des mesures d’enrayement n’impliquant pas l’enlèvement de tous les végétaux hôtes situés à proximité des végétaux infectés.
77 Lors de l’audience, les requérants au principal ont cependant soutenu que cette dérogation démontre, au contraire, le caractère disproportionné de l’obligation de procéder à l’enlèvement de ces végétaux, dès lors que celle-ci n’a précisément pas été imposée dans la zone géographique la plus contaminée par la bactérie.
78 Il est toutefois constant que, ainsi qu’il ressort du considérant 7 de la décision d’exécution 2015/789, dans la province de Lecce, la Commission vise, non plus à l’éradication de la bactérie Xylella, celle-ci n’étant plus possible, mais à enrayer la propagation de cette bactérie en permettant aux États membres d’imposer l’enlèvement des végétaux infectés uniquement dans certaines zones déterminées afin de protéger les sites de production, les végétaux présentant une valeur culturelle, sociale ou scientifique particulière ainsi que la frontière avec le reste du territoire de l’Union. À cette fin, l’article 8 de ladite décision impose la mise en place d’une zone de surveillance immédiatement à l’extérieur de la zone tampon entourant la zone infectée de la province de Lecce. Comme le gouvernement italien l’a exposé lors de l’audience, ces mesures ont ainsi comme objectif, compte tenu de l’encerclement de ladite province par la mer, de confiner autant que possible la bactérie Xylella dans cette province afin d’éviter sa propagation dans les zones situées au nord de celle-ci.
79 En revanche, en dehors de la province de Lecce, la Commission vise, par les mesures prévues à l’article 6, de la décision d’exécution 2015/789, à éradiquer la bactérie Xylella, une telle éradication étant encore possible, afin d’éviter sa propagation à l’ensemble de l’Union. Or, pour les motifs déjà exposés aux points 69 à 73 du présent arrêt, la réalisation de ces objectifs exige l’enlèvement, non seulement des végétaux infectés, mais également de tous les végétaux hôtes situés à proximité de ceux-ci.
80 Enfin, concernant la question de savoir si les végétaux hôtes concernés ne pourraient pas faire l’objet de mesures moins contraignantes, telles que la taille ou l’étêtage des oliviers et l’application d’un traitement par pesticides, mesures évoquées par M. Pesce e.a., il y a lieu de relever que, non seulement ces derniers ne fondent leurs allégations à cet égard sur aucune donnée scientifique, mais, en outre, il ressort de l’avis de l’EFSA du 6 janvier 2015 qu’« [i]l n’existe actuellement aucun traitement permettant de guérir les végétaux malades en plein champ. Ceux qui sont contaminés restent le plus souvent infectés toute leur vie ou flétrissent rapidement. S’il est possible que des changements apportés aux systèmes de culture (élagage, fertilisation et irrigation, par exemple) aient une certaine influence sur la maladie, ils ne sauraient suffire à guérir les végétaux » (p. 97). De surcroît, cet avis constate que, « [d]ans la Région des Pouilles, une taille radicale des oliviers infectés a conduit à la naissance de nouvelles pousses à la base des arbres, mais il n’a jusqu’ici pas été démontré que cette méthode soit efficace pour guérir les végétaux et empêcher leur mort » (p. 97).
81 Dans ces conditions, s’il est vrai que, comme le relèvent M. Pesce e.a., l’obligation d’enlèvement de tous les végétaux hôtes situés à proximité des végétaux infectés est susceptible de porter atteinte tant à leur droit de propriété qu’à l’environnement dans la Région des Pouilles, la Commission était fondée, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose à cet égard et après avoir mis en balance les différents intérêts en cause, à imposer cette obligation.
82 Toutefois, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué au point 51 du présent arrêt, si la situation devait évoluer en ce sens que l’éradication de la bactérie Xylella n’exige plus, sur la base de nouvelles données scientifiques pertinentes, de procéder à l’enlèvement immédiat de tous les végétaux hôtes dans un rayon de 100 mètres autour des végétaux infectés, il incomberait à la Commission, conformément à l’article 16, paragraphe 3, de la directive 2000/29, de modifier la décision d’exécution 2015/789 ou d’adopter une nouvelle décision, afin de tenir compte, dans le respect des principes de précaution et de proportionnalité, de cette évolution.
Sur l’absence de régime d’indemnisation dans la décision d’exécution 2015/789
83 Selon M. Pesce e.a., dès lors que la décision d’exécution 2015/789 aboutit à une véritable expropriation des propriétaires des exploitations agricoles concernées par celle-ci, la Commission aurait dû prévoir expressément, dans cette décision, une indemnisation proportionnée à la valeur effective des végétaux non infectés dont elle prescrit l’enlèvement.
84 À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que le législateur de l’Union peut considérer, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont il dispose en matière de politique agricole, qu’il est indiqué d’indemniser, partiellement ou totalement, les propriétaires des exploitations dans lesquelles des animaux sont abattus et détruits. Néanmoins, la Cour a estimé qu’il ne saurait être déduit de cette constatation l’existence, dans le droit de l’Union, d’un principe général qui imposerait l’octroi d’une indemnisation en toutes circonstances (voir arrêt du 10 juillet 2003, Booker Aquaculture et Hydro Seafood, C‑20/00 et C‑64/00, EU:C:2003:397, point 85).
85 Cela étant, il importe de relever que l’article 17 de la Charte, relatif au droit de propriété, prévoit désormais, à son paragraphe 1, notamment, que « [n]ul ne peut être privé de sa propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans le cas et les conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte » et que « [l]’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général ».
86 Or, dans la mesure où le droit à indemnisation découle directement de l’article 17 de la Charte, le seul fait que ni la directive 2000/29 ni la décision d’exécution 2015/789 ne comportent elles-mêmes un régime d’indemnisation ou qu’elles n’imposent l’obligation explicite de prévoir un tel régime ne saurait être interprété en ce sens qu’un tel droit est exclu. Il s’ensuit que ladite décision ne saurait être considérée comme invalide pour ce motif.
87 Il résulte de tout ce qui précède que l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789 n’est contraire ni à la directive 2000/29 ni aux principes de proportionnalité et de précaution.
Sur la validité de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789 au regard des exigences découlant du respect de l’obligation de motivation
88 Il y a lieu de rappeler que, si la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution de l’Union, auteur de l’acte en cause, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d’exercer son contrôle, il n’est toutefois pas exigé qu’elle spécifie tous les éléments de droit ou de fait pertinents (voir arrêt du 18 juin 2015, Estonie/Parlement et Conseil, C‑508/13, EU:C:2015:403, point 58). Il en est d’autant plus ainsi lorsque les États membres ont été étroitement associés au processus d’élaboration de cet acte et connaissent donc les raisons qui sont à la base de celui-ci (voir, notamment, arrêt du 9 septembre 2004, Espagne/Commission, C‑304/01, EU:C:2004:495, point 50).
89 Par ailleurs, s’agissant d’actes à portée générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux que l’acte en cause se propose d’atteindre (voir, notamment, arrêt du 9 septembre 2004, Espagne/Commission, C‑304/01, EU:C:2004:495, point 51).
90 En conséquence, si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution, il serait inutile d’exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques qu’elle a opérés (voir, notamment, arrêt du 18 juin 2015, Estonie/Parlement et Conseil, C‑508/13, EU:C:2015:403, point 60).
91 En l’occurrence, il y a lieu de constater que les considérants 1 à 4 de la décision d’exécution 2015/789 exposent clairement les raisons pour lesquelles la Commission a décidé d’étendre les mesures d’éradication à l’ensemble des végétaux hôtes situés à proximité des végétaux infectés. En effet, il ressort de ceux-ci que cette mesure d’extension vise à répondre à l’objectif général consistant à renforcer, à la suite de la découverte de nouveaux foyers de la bactérie Xylella, les mesures d’éradication prises antérieurement et à éviter la propagation de cette bactérie à l’ensemble de l’Union, en tenant compte des nouveaux avis scientifiques de l’EFSA, qui ont élargi la liste des végétaux sensibles à la bactérie, tout en limitant certaines de ces mesures aux seuls végétaux hôtes « afin de garantir la proportionnalité ». En outre, conformément au considérant 1 de ladite décision, les autorités italiennes ont été associées à l’adoption de celle-ci, de telle sorte qu’elles devaient connaître tant les raisons ayant conduit à cette adoption que les mesures envisagées par la Commission pour éradiquer la bactérie Xylella.
92 Dans ces conditions, la Commission n’était nullement tenue d’expliciter, dans les considérants de sa décision, les motifs de nature à justifier chacune des mesures particulières imposées par celle-ci.
93 Il en résulte que la décision d’exécution 2015/789 satisfait à l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE.
94 Il résulte des considérations qui précèdent que l’examen des questions posées n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution 2015/789 au regard de la directive 2000/29 lue à la lumière des principes de précaution et de proportionnalité ainsi qu’au regard de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE et à l’article 41 de la Charte.
Sur les dépens
95 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
L’examen des questions posées n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la décision d’exécution (UE) 2015/789 de la Commission, du 18 mai 2015, relative à des mesures visant à éviter l’introduction et la propagation dans l’Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.), au regard de la directive 2000/29/CE du Conseil, du 8 mai 2000, concernant les mesures de protection contre l’introduction dans la Communauté d’organismes nuisibles aux végétaux ou aux produits végétaux et contre leur propagation à l’intérieur de la Communauté, telle que modifiée par la directive 2002/89/CE du Conseil, du 28 novembre 2002, lue à la lumière des principes de précaution et de proportionnalité ainsi qu’au regard de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE et à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Signatures
* Langue de procédure : l’italien.
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