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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Bodson and Others v EIB (Judgment) French Text [2016] EUECJ T-241/14 (26 February 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/T24114.html Cite as: [2016] EUECJ T-241/14, EU:T:2016:103, ECLI:EU:T:2016:103 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)
26 février 2016 (*)
« Pourvoi – Fonction publique – Personnel de la BEI – Nature contractuelle de la relation de travail – Rémunération – Réforme du régime des primes de la BEI – Obligation de motivation – Dénaturation – Erreurs de droit »
Dans l’affaire T‑241/14 P,
ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, RecFP, EU:F:2014:15), et tendant à l’annulation de cet arrêt,
Jean-Pierre Bodson, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), et les autres membres du personnel de la Banque européenne d’investissement, dont les noms figurent en annexe, représentés par Me L. Levi, avocat,
parties requérantes,
l’autre partie à la procédure étant
Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par MM. C. Gómez de la Cruz, T. Gilliams et G. Nuvoli, en qualité d’agents, assistés de Me P.-E. Partsch, avocat,
partie défenderesse en première instance,
LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),
composé de M. H. Kanninen, faisant fonction de président, Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,
greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 23 octobre 2015,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les requérants, M. Jean-Pierre Bodson et sept autres membres du personnel de la Banque européenne d’investissement (BEI) dont les noms figurent en annexe demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, RecFP, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:F:2014:15), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, en substance, d’une part, à l’annulation de la décision, contenue dans leurs bulletins de salaire d’avril 2012 relatifs aux récompenses, en ce qu’elle fait application de plusieurs décisions de la BEI réformant le régime des primes, et, d’autre part, à la condamnation de la BEI au paiement de la différence entre les montants dus en application des décisions susmentionnées et le régime antérieur ainsi qu’à des dommages et intérêts.
Cadre juridique
2 Conformément à l’article 308 TFUE, les statuts de la BEI font l’objet d’un protocole annexé à ce traité et au traité UE.
3 L’article 7, paragraphe 3, sous h), du protocole n° 5 sur les statuts de la BEI prévoit l’approbation par le conseil des gouverneurs du règlement intérieur de la BEI. Selon l’article 11, paragraphe 7, du même protocole, « [l]e règlement intérieur [de la BEI] détermine l’organe compétent pour adopter les dispositions applicables au personnel ».
4 Le règlement intérieur de la BEI a été approuvé le 4 décembre 1958 et a subi plusieurs modifications. En vertu de l’article 31 dudit règlement, « [l]es règlements relatifs au personnel de la [BEI] sont fixés par le [c]onseil d’administration. Le [c]omité de direction en adopte les modalités d’application ».
5 Le conseil d’administration de la BEI a adopté, le 20 avril 1960, un règlement du personnel applicable aux agents de la BEI (ci-après le « règlement du personnel »). Pour ce qui concerne le présent litige, le règlement du personnel a été modifié, en dernier lieu, le 1er janvier 2009.
6 L’article 13 du règlement du personnel dispose :
« Les relations entre la [BEI] et les membres de son personnel sont réglées en principe par des contrats individuels dans le cadre du présent règlement. Le règlement fait partie intégrante de ces contrats. »
7 L’article 14 du règlement du personnel répartit le personnel de la BEI en catégories, selon la fonction exercée. Une première catégorie est celle du personnel de direction ; elle comporte le cadre de direction et la fonction C. Une deuxième catégorie est celle du personnel de conception et regroupe les fonctions D à F. Une troisième catégorie comprend le personnel d’exécution et, plus précisément, les fonctions G à K.
8 Aux termes de l’article 15 du règlement du personnel :
« Les contrats individuels entre la [BEI] et les membres de son personnel prennent la forme de lettres d’engagement. Les personnes engagées contresignent leur lettre d’engagement ainsi qu’un exemplaire du présent règlement.
La lettre d’engagement fixe la rémunération, la durée et les autres conditions d’emploi. »
9 Selon l’article 16, cinquième alinéa, du règlement du personnel :
« Par rémunération au sens de l’alinéa précédent, on entend le traitement de base abondé des indemnités prévues à l’[a]nnexe II [points] 1, 2 et 4 et lorsque le [p]résident le décide, de celles prévues au [point] 3 […] »
10 L’article 20, premier alinéa, du règlement du personnel énonce que « [l]e barème des traitements de base relatif aux catégories de fonctions définies à l’article 14 figure en [a]nnexe I au présent règlement ». Selon le deuxième alinéa du même article, « [l]es traitements de base sont abondés d’indemnités, applicables à toutes ou à certaines catégories de personnel. La liste des indemnités figure en [a]nnexe II au présent [r]èglement ». L’annexe I du règlement du personnel prévoit ainsi que « [l]e barème des traitements de base fait l’objet de mises à jour régulières ». L’annexe II mentionne des « [p]rimes annuelles » parmi les « [i]ndemnités particulières et individuelles » susceptibles d’être allouées aux agents de la BEI. »
11 L’article 22 du règlement du personnel dispose :
« Chaque membre du personnel fait l’objet d’une appréciation annuelle qui lui est communiquée. La procédure à suivre pour cette appréciation est fixée par une décision [interne]. Pour les fonctions C à K, les avancements d’échelon résultent du mérite professionnel tel qu’il est exprimé par la note globale de l’appréciation annuelle. »
12 En vertu de l’article 43 du règlement du personnel :
« Les [a]nnexes I, II et III font partie intégrante du présent règlement. »
13 Selon l’article 44 du règlement du personnel :
« Sont applicables aux contrats individuels conclus dans le cadre du présent règlement conformément à l’article 13 les principes généraux communs aux droits des États membres de la [BEI]. »
14 L’annexe I du règlement du personnel précise que « [l]e barème des traitements de base fait l’objet de mises à jour régulières ».
15 L’annexe II du règlement du personnel mentionne, au point 3, intitulé « [i]ndemnités particulières et individuelles », notamment, les « [p]rimes annuelles ».
Faits à l’origine du litige
16 Les faits qui sont à l’origine du litige sont énoncés aux points 10 à 39 de l’arrêt attaqué en ces termes :
« 10 Les requérants sont des agents de la BEI.
11 Le régime pécuniaire des agents de la BEI prévoit l’octroi d’un traitement de base, de primes et de diverses indemnités et allocations. Les agents bénéficient, dans ce cadre, d’un avancement d’échelon au mérite.
[…]
13 Dans une note au personnel du 12 octobre 2004, le président de la [BEI] exposait que ‘les frais de personnel [de la BEI] constitu[ai]ent, à eux seuls, plus des deux tiers du budget des frais administratifs [et que, s]ur base du système actuel et à effectif constant, ces frais augment[ai]ent de façon automatique d’environ 5 à 6 % par an sous l’effet combiné de l’ajustement annuel, du mérite et des promotions’. Il estimait que ‘[c]e taux d’augmentation n’[était] pas compatible avec une gestion budgétaire saine où le taux d’accroissement [sans mission nouvelle et à effectif constant] des coûts de la [BEI] ne devrait pas dépasser un taux proche de celui de l’inflation’.
14 Le 12 décembre 2006, le conseil d’administration de la BEI a décidé de limiter à 4,2 % le taux d’augmentation du budget des frais de personnel.
15 Le 31 janvier 2007, le comité de direction a fixé certaines règles régissant l’avancement d’échelon résultant du mérite professionnel […]
[…]
19 La décision du conseil d’administration du 12 décembre 2006 et celle du comité de direction du 31 janvier 2007 ayant été contestées par de nombreux agents, un accord fixant le cadre procédural d’une procédure de conciliation a été signé, le 2 juin 2008, par le directeur des ressources humaines de la [BEI] et par le porte-parole des représentants du personnel. Dans le cadre de cette procédure de conciliation, un actuaire (ci-après l’‘actuaire’) a été chargé de créer un outil informatique simulant les salaires et les pensions d’ancienneté avant et après la réforme en question, cela afin de s’assurer du caractère compensatoire des mesures proposées.
20 À la suite de cette procédure de conciliation, l’administration de la BEI, représentée par le directeur des ressources humaines, a conclu, le 18 mars 2009, un protocole d’accord avec les représentants du personnel prévoyant quatre mesures de nature à compenser globalement les principaux effets de la réforme de 2006/2007 (ci-après le ‘protocole d’accord’).
21 La première mesure compensatoire consistait en l’intégration d’une indemnité compensatrice et de l’indemnité de secrétariat dans le traitement de base au 1er janvier 2010 et donc dans la prise en compte de ces deux éléments dans l’assiette de la pension d’ancienneté. La deuxième mesure compensatoire avait trait à la possibilité, pour les membres du personnel, de verser chaque année jusqu’à 12 % de leur prime annuelle récompensant leurs performances à un fonds de pension complémentaire (ci-après le ‘RCVP’), la somme ainsi versée étant majorée du même montant par la [BEI] (ci-après l’‘abondement’). La troisième mesure compensatoire résidait dans une bonification de l’intérêt crédité sur les capitaux du RCVP. Enfin, la quatrième mesure compensatoire prévoyait la mise en place d’un compte épargne-temps permettant de capitaliser les jours de congés non pris avec, à terme, la possibilité de capitaliser aussi les heures supplémentaires.
22 Le 18 mars 2009, le directeur des ressources humaines et le porte-parole des représentants du personnel ont également signé une lettre d’accompagnement, jointe au protocole d’accord (ci-après la ‘lettre d’accompagnement’). Cette lettre confirmait ‘l’engagement des parties de donner un caractère durable [au protocole d’accord] et en particulier à la compensation [pour les] membres du personnel en service au 31 décembre 2008’. Elle précisait, toutefois, que ‘[c]eci ne signifi[ait] pas que les autorités compétentes de la [BEI] ne pourraient modifier les éléments ou modalités du système de rémunération [...] mis en œuvre ou ce système lui-même ainsi que le régime de pension tels qu’issus de la réforme’, mais que cela ‘signifi[ait] seulement que, si de telles modifications devaient impacter substantiellement, dans un sens négatif, une large fraction du personnel, la question devrait être abordée dans le même esprit de collaboration que celui ayant présidé à l’élaboration du [p]rotocle [d’accord], avec pour objectif d’assurer le caractère durable des compensations [susmentionnées]’.
23 Avant la réforme du régime des primes, celui-ci reposait sur deux composantes : d’une part, des primes régulières, ayant vocation à récompenser la réalisation des objectifs annuels de l’agent, en prenant en considération son rôle et ses responsabilités au sein de la [BEI] et, d’autre part, des primes exceptionnelles, visant à récompenser la contribution exceptionnelle de l’agent. L’octroi de ces primes était décidé au terme de l’exercice annuel d’évaluation.
24 Le 9 novembre 2010, le comité de direction de la BEI a approuvé le cadre d’une réforme du régime des primes tendant à récompenser différemment les performances (ci-après la ‘décision du 9 novembre 2010’). Ce cadre a également été approuvé, le 14 décembre suivant, par le conseil d’administration de la [BEI] (ci-après la ‘décision du 14 décembre 2010’). À cette occasion, le conseil d’administration a souligné que la réforme de l’ancien régime des primes s’imposait parce que celui-ci ne répondrait pas adéquatement aux besoins d’un organisme hautement performant.
25 La réforme du régime des primes issue des décisions du 9 novembre 2010 et du 14 décembre 2010 a suscité de nouvelles discussions avec les représentants du personnel. Ces discussions ont finalement abouti à une décision du comité de direction du 16 novembre 2011 fixant les modalités du nouveau système de récompense des performances (ci-après la ‘décision du 16 novembre 2011’).
26 Le nouveau système de récompense des performances remplace l’ancien régime des primes. Le directeur des ressources humaines le décrit comme suit dans une note du 25 novembre 2011 :
‘[Le nouveau système de récompense des performances] comprend deux éléments : la récompense pour l’ensemble de la [BEI] et la récompense individuelle. Les principes directeurs du système de récompense des performances consistent à rétribuer le personnel collectivement pour la réalisation, par la [BEI], des principaux indicateurs de résultat (récompense pour l’ensemble de la [BEI]) et à distinguer les meilleures performances individuelles des membres du personnel par comparaison avec leurs pairs, en fonction des responsabilités et des objectifs atteints et de la manière dont le travail a été accompli (récompense individuelle) [...]
[L]e budget [alloué aux récompenses des performances] est lié à un certain nombre de principaux indicateurs de résultat [...]
Le montant de l’enveloppe affectée aux récompenses des performances sera calculé chaque année en fonction de la réalisation d[e] quatre [...] indicateurs de résultat [...]
Les critères d’admissibilité à la récompense des performances sont les suivants :
1. une note au titre du mérite égale ou supérieure à “[p]erformance répondant à la plupart des attentes, avec toutefois des domaines nécessitant des améliorations” ;
[...]
L’attribution de la récompense individuelle fera l’objet d’une évaluation annuelle ; le fait de recevoir cette récompense une année ne constituera pas un droit à percevoir une quelconque récompense à l’avenir.
À l’entame de chaque nouvelle année, le département [des r]essources humaines publiera des fourchettes indicatives pour les récompenses individuelles par niveau fonctionnel, afin de fournir un cadre cohérent en la matière. Les directions pourront décider, à leur propre discrétion, du nombre d’agents qui recevront une récompense individuelle et du montant accordé. Ces montants sont susceptibles de varier chaque année en fonction du budget disponible et du nombre de bénéficiaires.’
27 Les lignes directrices de la procédure d’évaluation annuelle du personnel pour 2011, établies le 13 décembre 2011, précisent ce qui suit :
‘La récompense des performances se compose de deux éléments :
– [U]ne récompense pour l’ensemble de la [BEI] versée à tous les membres du personnel admissibles (à l’exception de ceux dont les performances ne répondent pas aux attentes) en reconnaissance de leur contribution collective aux résultats de la BEI. Le montant de la récompense pour l’ensemble de la [BEI] sera calculé par niveau fonctionnel [...]
– [U]ne récompense individuelle perçue par certains agents très performants à l’aune de leurs objectifs, responsabilités et compétences. Le montant de la récompense individuelle sera laissée à la discrétion de la direction concernée et reposera à la fois sur la performance individuelle et sur une comparaison avec les agents de même catégorie.’
28 Enfin, une communication aux évaluateurs concernant les bonnes pratiques dans la conduite de l’évaluation annuelle pour 2011 mentionne que la récompense individuelle pourrait rétribuer la haute performance d’un agent en termes d’objectifs, de responsabilités et de compétences, au vu de ses performances individuelles et d’une comparaison avec ses pairs.
29 Le nouveau système de récompense des performances était appelé à être mis progressivement en vigueur sur une période de cinq ans venant à expiration en 2017. Il a été assorti de nouvelles mesures compensatoires. Le directeur des ressources humaines de la BEI a présenté comme suit ces nouvelles mesures dans sa note du 25 novembre 2011 déjà citée. La première de ces mesures a consisté en une allocation transitoire. Cette allocation est versée une fois par an à compter de l’année 2012 en même temps que les récompenses des performances. Elle est calculée sur la base de l’ancienneté des agents au 31 décembre 2011 et des primes ordinaires reçues par ceux-ci en principe au cours des années 2008, 2009 et 2010. Enfin, elle diminue de 20 % tous les ans. Une deuxième mesure compensatoire a résidé dans une nouvelle contribution de la BEI au RCVP atteignant, en 2017, 3 % du traitement brut des agents engagés avant le 31 décembre 2011. Une troisième mesure compensatoire a porté sur le RCVP. Ainsi, à partir de 2012, la contribution de 12 % au maximum des agents au RCVP a été appelée à s’appliquer à la fois aux récompenses des performances et à l’allocation transitoire susmentionnée. La contribution de la [BEI] au RCVP au titre de l’abondement en cas de versement, par un agent, d’une partie de la récompense de ses performances à ce fonds a, en outre, été augmentée pour atteindre désormais 18 %. Enfin, le plafonnement de l’abondement de la [BEI] au RCVP, initialement fixé à 50 % du traitement mensuel de base, a été supprimé. En vertu d’une quatrième mesure compensatoire, les agents ont pu bénéficier, à partir du 1er janvier 2013, d’un nouveau dispositif de prêt personnel reposant sur les contributions au RCVP. Enfin, selon une cinquième mesure compensatoire, le compte épargne-temps instauré par le protocole d’accord a été élargi.
30 Le 13 décembre 2011, le conseil d’administration de la BEI a approuvé le plan d’activité de la [BEI] pour les années 2012 à 2014 et a ainsi fixé à 2,8 % l’augmentation du budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction (ci-après la ‘décision du 13 décembre 2011’).
[…]
34 L’exercice d’évaluation portant sur l’année 2011, mené en 2012, a conduit à l’application, pour la première fois, du nouveau système de récompense des performances. Cette application a débouché sur l’octroi d’une récompense figurant dans les bulletins de salaire des requérants relatifs aux récompenses.
35 Le 16 février 2012 s’est tenue une assemblée générale des représentants du personnel au cours de laquelle les requérants MM. Sutil et Von Blumenthal ont notamment présenté les conséquences que la réforme du régime des primes pourrait avoir.
36 Le 19 mars 2012, la BEI a diffusé au personnel par voie de courrier électronique un document intitulé ‘Exercice d’évaluation annuelle pour 2011 – prochaines étapes’ (‘Appraisal Exercise for 2011 – next steps’). Ce document informait notamment les agents que, à dater du 21 mars suivant, ils pourraient prendre connaissance du montant brut de leur récompense et de leur indemnité de transition sur l’intranet de la [BEI] par l’intermédiaire du système informatique ‘Peoplesoft’. Ce même document mentionnait en outre que les agents avaient jusqu’au 17 avril 2012 pour faire verser au RCVP jusqu’à 12 % du montant brut total de leur indemnité de transition, de la récompense pour l’ensemble de la [BEI] et de la récompense individuelle. Il était encore précisé qu’une telle contribution au RCVP, identique à celle de l’année précédente, serait automatiquement prélevée, mais que les agents qui le désiraient pouvaient en modifier le montant ou le pourcentage jusqu’au 17 avril 2012, moyennant l’activation d’un lien informatique figurant dans le document en question.
37 Le 21 mars 2012, le requérant M. Sutil a, au nom des représentants du personnel, informé l’ensemble des agents de la BEI par courrier électronique qu’ils ‘devr[aient] maintenant avoir accès à [leur] formulaire d’appréciation contenant [leur] note, [leur] augmentation de salaire ainsi que le montant de [leur récompense pour l’ensemble de la BEI] et [de leur récompense] individuelle’.
38 Le 22 mars 2012, les requérants MM. Bodson, Sutil et Von Blumenthal ont, en tant que représentants du personnel à temps plein, reçu un courrier leur communiquant le montant de la récompense individuelle qu’ils recevraient.
39 Le 26 avril 2012, un courrier électronique des services de la BEI a informé les agents du paiement, le 30 avril suivant, de leur indemnité de transition et de leur récompense en précisant qu’ils pouvaient ‘maintenant voir l’ensemble des détails’ relatif à cette indemnité et à cette récompense via le système informatique ‘Peoplesoft’. »
Procédure en première instance et arrêt attaqué
17 Par requête déposée au Tribunal de la fonction publique le 1er août 2012, les requérants ont introduit un recours, qui a été enregistré sous la référence F‑83/12, tendant, notamment, d’une part, à l’annulation de la décision, contenue dans leurs bulletins de salaire d’avril 2012 relatifs aux récompenses, en ce qu’elle fait application de la décision, du 14 décembre 2010, du conseil d’administration de la BEI et des décisions, du 9 novembre 2010 et du 16 novembre 2011, du comité de direction de celle-ci réformant le régime des primes (ci-après les « décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 ») et, d’autre part, à la condamnation de la BEI au paiement de la différence entre les montants dus en application des décisions susmentionnées et le régime antérieur ainsi qu’à des dommages et intérêts. De surcroît, ils ont demandé au Tribunal de la fonction publique, au titre de mesures d’organisation de la procédure, d’inviter la BEI à produire certains documents, à défaut pour cette dernière de les produire spontanément.
18 La BEI a soulevé une exception d’irrecevabilité qui a été jointe au fond par décision du 14 novembre 2012 du Tribunal de la fonction publique.
19 Dans le mémoire en défense, la BEI a conclu à ce que le Tribunal de la fonction publique rejette le recours comme non fondé.
20 S’agissant de la recevabilité du recours, le Tribunal de la fonction publique a écarté les exceptions d’irrecevabilité tirées de la tardiveté du recours, de l’absence d’acte faisant grief et de l’absence d’intérêt à agir (voir points 68, 73 et 83 de l’arrêt attaqué).
21 S’agissant du fond, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les quatre moyens invoqués par les requérants, à savoir, premièrement, le moyen tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI, deuxièmement, le moyen tiré de la violation du protocole d’accord avec les représentants du personnel prévoyant quatre mesures de nature à compenser globalement les principaux effets de la réforme de 2006/2007 (ci-après le « protocole d’accord »), des conditions fondamentales des contrats d’emploi et des droits acquis ainsi que du principe de bonne foi dans les relations contractuelles, troisièmement, le moyen tiré de la violation des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité ainsi que du devoir de sollicitude, et, quatrièmement, le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur dans les motifs, d’une violation du principe de proportionnalité ainsi que d’une méconnaissance du règlement du personnel. En conséquence, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours et condamné les requérants aux dépens.
22 Dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, le Tribunal de la fonction publique a, premièrement, apprécié si le protocole d’accord comportait des éléments susceptibles d’être modifiés sans le consentement des agents. À cet égard, il a jugé, aux points 104 à 111 de l’arrêt attaqué :
« 104 […D]ans son arrêt du 14 octobre 2004, Pflugradt/BCE (C‑409/02 P, point 34), la Cour, statuant sur pourvoi contre l’arrêt Pflugradt/BCE, précité, a jugé que, quand les contrats sont conclus avec un organisme de l’Union, chargé d’une mission d’intérêt général et habilité à prévoir, par voie de règlement, les dispositions applicables à son personnel, la volonté des parties à un tel contrat trouve nécessairement ses limites dans les obligations de toute nature qui découlent de cette mission particulière et qui s’imposent tant aux organes de direction de cet organisme qu’à ses agents. En l’espèce en vertu de l’article 31 de son règlement intérieur, la BEI est habilitée à prévoir, par voie de règlement, les dispositions applicables à son personnel. De ce fait, les relations de la BEI avec son personnel contractuel sont essentiellement de nature réglementaire.
105 À cet égard, selon l’article 13 du règlement du personnel, les contrats individuels doivent s’inscrire dans le cadre dudit règlement et donc être conclus en conformité avec celui-ci. Dès lors, en contresignant la lettre d’engagement prévue à l’article 15 du règlement du personnel, les agents adhèrent à ce dernier, dont ils doivent d’ailleurs contresigner un exemplaire, sans pouvoir en négocier individuellement aucun des éléments. L’accord de volontés se trouve ainsi singulièrement limité à l’acceptation des droits et obligations prévus par ledit règlement (voir, en ce sens, à propos des conditions d’emploi en vigueur à la BCE, arrêt de la Cour Pflugradt/BCE, précité, point 35). En particulier, il ressort de l’article 20, premier et deuxième alinéas, du règlement du personnel et des annexes I et II de celui-ci, que les traitements de base et leurs compléments sont fixés par voie réglementaire.
106 Certes, il n’est pas exclu que les contrats des membres du personnel de la BEI puissent contenir d’autres éléments que ceux couverts par le règlement du personnel. Toutefois, l’existence de tels éléments ne fait pas, en soi, obstacle à l’exercice, par les organes de direction de la BEI, du pouvoir d’appréciation dont ils disposent pour mettre en œuvre les mesures qu’impliquent les obligations d’intérêt général découlant de la mission particulière impartie à la [BEI]. Les organes de direction de la BEI peuvent être ainsi contraints, pour faire face à de telles exigences du service, et notamment pour permettre à celui-ci de s’adapter à de nouveaux besoins, de prendre des décisions ou des mesures unilatérales susceptibles de modifier, notamment, les conditions d’exécution des contrats, cela nonobstant les actes juridiques de nature contractuelle qui sont à la base des relations de travail entre la BEI et ses agents (arrêt de la Cour Pflugradt/BCE, point 104 supra, point 36).
107 Il découle de ce qui précède que les relations entre les requérants et la BEI, même si elles ont une origine contractuelle, relèvent essentiellement d’un régime réglementaire. En ce sens, la [BEI] dispose, pour poursuivre la mission d’intérêt général qui lui incombe, d’un pouvoir d’appréciation pour organiser ses services et fixer unilatéralement la rémunération de son personnel, cela nonobstant les actes juridiques de nature contractuelle qui sont à la base desdites relations de travail (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt de la Cour Pflugradt/BCE, point 104 supra, points 34 et 36).
108 Dans ces conditions, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la valeur en soi du protocole d’accord, en adoptant les [décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011], la BEI n’a méconnu ni le caractère contractuel de la situation juridique des membres de son personnel ni les droits qui auraient résulté dudit protocole et qui auraient été prétendument intangibles sans leur accord.
109 La lettre d’accompagnement s’inscrit, au demeurant, dans la perspective que les éléments figurant dans le protocole d’accord ne constituent pas des éléments essentiels qui ne sauraient être modifiés sans le consentement des agents de la BEI. En effet, si, en termes de bonne gestion des ressources humaines, elle confirme la volonté des parties de préserver l’esprit de collaboration ayant présidé à l’élaboration du protocole d’accord et de lui donner un caractère durable, elle mentionne néanmoins que ‘les autorités [...] de la [BEI]’ demeurent compétentes pour modifier ‘les éléments ou modalités du système de rémunération [...] ou ce système lui-même’, alors même que ces modifications affecteraient le contenu dudit protocole.
110 La conclusion figurant au point 108 ci-dessus n’est pas davantage infirmée par l’argument des requérants selon lequel le protocole d’accord serait basé sur une simulation réalisée par l’actuaire, elle-même fondée sur le caractère constant, fixe et général de l’ancien régime des primes instauré par la BEI.
111 Contrairement à ce que soutient la BEI, la simulation en question doit être prise en considération pour préciser la teneur des mesures compensatoires figurant dans le protocole d’accord, ainsi que cela résulte du point 61 de l’arrêt rendu ce jour par le Tribunal dans l’affaire Bodson e.a./BEI (F‑73/12). Toutefois, en raison du caractère en toute hypothèse unilatéralement modifiable du protocole d’accord (voir point 109 ci-dessus), la BEI n’a pas violé celui-ci, ni non plus les prétendues conditions fondamentales des contrats d’emploi et le principe de bonne foi dans les relations contractuelles en remplaçant un régime de primes présentant une certaine constance par un régime caractérisé par sa variabilité (voir également point 118 ci-après). »
23 Le Tribunal de la fonction publique a, deuxièmement, analysé si le régime des primes antérieur à la réforme avait conféré aux agents un droit acquis ou avait été constitutif d’attentes légitimes et a jugé, aux points 114 à 125 de l’arrêt attaqué :
« 114 L’article 16, cinquième alinéa, du règlement du personnel dispose cependant que, ‘[p]ar rémunération au sens de l’alinéa précédent [relatif au préavis], on entend le traitement de base abondé des indemnités prévues à l’annexe II, [points] 1, 2 et 4, et, lorsque le [p]résident le décide, de celles prévues au [point] 3 [...]’ L’annexe II, point 3, dudit règlement fait référence aux ‘primes annuelles’. Interrogée par le Tribunal quant au point de savoir si le régime des primes antérieur aux décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 reposait sur d’autres textes, la BEI a répondu que l’article 16, cinquième alinéa, et l’annexe II, point 3, du règlement du personnel étaient les seuls fondements de ces primes. Il résulte en outre de l’historique du régime des primes de la BEI que leur octroi avait été conçu comme étant discrétionnaire, qu’il n’était pas garanti et que leur montant était variable d’une année à l’autre. Par ailleurs le règlement du personnel ne reconnaît pas l’usage comme source du droit en la matière. Enfin, les lettres d’engagement des agents de la BEI ne font pas mention du régime des primes et n’ont ni pour objet ni pour effet de le contractualiser.
115 Le dossier révèle encore que, dans ses travaux basés sur des données fournies notamment par le département des ressources humaines et au vu d’hypothèses, fixées en accord avec celui-ci et ‘représentatives de la situation moyenne constatée sur l’ensemble des [agents]’, l’actuaire a effectivement observé que les primes accordées selon l’ancien régime des primes faisaient partie de l’élément variable de la rémunération et, plus précisément, qu’elles variaient d’une année à l’autre avec la fonction et la note de mérite obtenue. Force est aussi de constater, à l’instar de la BEI, que des observations reposant sur des hypothèses ‘représentatives de la situation moyenne constatée sur l’ensemble des [agents]’ ne sont pas révélatrices d’un régime en vertu duquel le calcul des primes des agents serait automatique et son résultat déterminable à l’avance.
116 Toutefois, l’actuaire a aussi relevé que, pour un agent ayant toujours la même note, la prime augmentait chaque année de 3 à 5 % à due proportion de la rémunération de base et, le cas échéant, de la fonction et que le seul cas où la prime pouvait diminuer était celui où la note de mérite d’une année était inférieure à celle obtenue l’année précédente. Selon l’actuaire, ce constat se vérifiait pour au moins 88 % du personnel depuis l’année 2005.
117 Par ailleurs, il ressort d’un document soumis au conseil d’administration lors de sa réunion du 14 décembre 2010 que, en septembre 2009, celui-ci avait reconnu que, en raison d’une longue pratique, une partie des primes régulières devait être considérée comme un élément de la rémunération dans la mesure où elle était fondée sur l’ancienneté. En outre, il ressort du procès-verbal des réunions du comité de rémunérations du personnel des 10 mars, 5 mai, 14 juin, 13 juillet, 20 septembre et 15 novembre 2010, ainsi que du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 14 décembre 2010 qu’un des objectifs poursuivis par la réforme du régime des primes était de réduire le caractère automatique de leur allocation et de limiter les risques de ‘réémergence’ d’attentes légitimes ou de droits acquis dans les années à venir, ce qui laisse supposer que telle était la manière, à tort ou à raison, selon laquelle l’ancien régime des primes était perçu.
118 Il découle de ce qui précède que l’ancien régime des primes avait été conçu comme discrétionnaire et variable, mais que la pratique suivie lui avait de facto conféré une stabilité significative quant aux conditions générales de l’octroi des primes et quant à leur ordre de grandeur.
119 La situation décrite au point précédent n’implique cependant pas que les requérants auraient acquis un droit s’opposant à la réforme de l’ancien régime des primes.
120 En effet, le fait qu’un organisme de l’Union ait, pendant une longue période, suivi une politique déterminée ne crée pas, pour les intéressés, un droit au maintien des avantages que cette politique a pu leur valoir (voir, en ce sens, dans le domaine de la politique agricole commune, arrêt de la Cour du 17 décembre 1981, Ludwigshafener Walzmühle Erling e.a./Conseil et Commission, 197/80 à 200/80, 243/80, 245/80 et 247/80, point 40). En conséquence, l’autorité est libre d’apporter à tout moment au régime de travail du personnel les modifications, pour l’avenir, qu’elle estime conformes à l’intérêt du service, même dans un sens défavorable aux agents (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 25 novembre 2008, Bosman/Conseil, F‑145/07, point 41). Il en va a fortiori ainsi s’agissant d’une simple pratique.
121 Les requérants soutiennent, enfin, que la stabilité du régime des primes avant la réforme a suscité dans leur chef une confiance légitime dans le maintien de celui-ci.
122 Toutefois, dans un domaine où l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, une simple pratique, aussi courante soit-elle, n’équivaut pas à des renseignements précis, inconditionnels et concordants desquels une attente légitime pourrait réellement découler (voir, s’agissant du régime des pensions des fonctionnaires, arrêt du Tribunal de première instance du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, point 70 ; voir également en ce sens, dans le domaine de la concurrence, arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission, T‑29/05, points 292, 426 et 435, et du 5 octobre 2011, Transcatab/Commission, T‑39/06, point 291).
123 Les requérants peuvent d’autant moins se prévaloir en l’espèce d’une confiance légitime que la [BEI] avait annoncé à plusieurs reprises depuis 2004 une refonte du régime des primes.
124 En toute hypothèse, il ressort de la jurisprudence que, en présence d’une réglementation qu’elle entend modifier ou supprimer, l’autorité ne viole pas une attente légitime quant à son maintien si elle assortit les nouvelles dispositions d’une période transitoire d’une durée suffisante (arrêts de la Cour du 16 mai 1979, Tomadini, 84/78, point 20 ; du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, points 147 à 149, et du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, point 69 ; arrêt du Tribunal du 13 avril 2011, Vakalis/Commission, F‑38/10, point 70).
125 Or, il est constant que la BEI a assorti la modification du régime des primes de dispositions transitoires s’étendant sur une période de cinq ans. Les requérants contestent, certes, cette période transitoire, mais ils le font dans le cadre du troisième moyen à l’examen duquel il est renvoyé pour l’examen de ladite contestation. »
24 Dans le cadre de l’examen du troisième moyen, le Tribunal de la fonction publique a jugé, aux points 133 à 143 de l’arrêt attaqué :
« 133 S’agissant du respect du principe de sécurité juridique, il y a lieu d’observer qu’il ressort, en toute hypothèse, de l’examen du deuxième moyen que la [BEI] n’a pas garanti l’immuabilité du régime des rémunérations du personnel ni spécialement celle des dispositions figurant dans le protocole d’accord. Il s’ensuit qu’il ne saurait être inféré du fait que les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 auraient prétendument rompu l’équilibre établi par ce protocole que la BEI aurait méconnu ce dernier et qu’elle aurait, partant, violé le principe de sécurité juridique en adoptant lesdites décisions.
134 Par ailleurs, comme le Tribunal l’a rappelé au point 120 ci-dessus, la jurisprudence est fixée en ce sens que l’autorité est libre d’apporter à tout moment au régime de travail du personnel les modifications, pour l’avenir, et ce même dans un sens défavorable aux agents. De plus, il y a lieu de rappeler que les possibilités budgétaires sont un des facteurs dont l’administration tient compte dans la politique du personnel (voir, pour ce qui concerne les institutions de l’Union, arrêt de la Cour du 17 décembre 1981, Bellardi-Ricci e.a./Commission, 178/80, point 19 ; arrêt du Tribunal du 9 octobre 2007, Bellantone/Cour des comptes, F‑85/06, point 64). Par conséquent, la volonté de réaliser des économies à charge du personnel n’est pas en soi un motif irrégulier et ne méconnaît pas non plus par elle-même le devoir de sollicitude. De surcroît, la modification du régime de travail du personnel est seulement subordonnée à la condition qu’elle trouve sa justification dans l’intérêt du service sans devoir pour autant correspondre à des circonstances impérieuses comme les requérants le suggèrent.
135 Les requérants soutiennent néanmoins que la réforme du régime des primes s’expliquerait par un souci de la [BEI] de témoigner une forme de solidarité avec la situation de certains États membres, alors qu’il ne lui appartient pas de défendre des intérêts nationaux.
136 Dans le présent recours, les requérants ne produisent toutefois aucun élément de nature à étayer leur assertion. En revanche, il ressort des extraits du plan d’activité de la [BEI] pour les années 2012 à 2014 produits par la BEI que [cette dernière] avait pour objectif de continuer à allouer prioritairement ses ressources à ses activités opérationnelles dans un effort durable pour assurer que les objectifs stratégiques de financement de la [BEI] soient réalisés tant en termes qualitatifs que quantitatifs. Plus précisément, la réforme du régime des primes a été voulue par la [BEI] pour respecter ‘les meilleures pratiques [bancaires]’ et pour tenir compte des ‘connotations négatives [...] associées à la notion de prime’ dans le secteur bancaire, alors que le régime antérieur des primes ne répondait pas adéquatement aux besoins d’une organisation hautement performante en ce qu’il était notamment fondé sur l’ancienneté. Le plan d’activité de la [BEI] pour les années 2012 à 2014 évoque également, succinctement, le fait que des circonstances économiques et politiques ont influencé le budget 2012.
[…]
138 Dans ces conditions, il ne peut être soutenu que les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 ne seraient pas justifiées par l’intérêt du service et qu’elles violeraient le principe de sécurité juridique ainsi que le devoir de sollicitude.
139 Par ailleurs, à supposer même que les agents puissent se prévaloir d’une attente légitime dans le maintien ou la stabilité du régime des primes antérieur, la réforme de ce régime a été assortie d’une période transitoire de cinq ans et cette période apparaît suffisante au regard de la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 mars 1982, Grogan/Commission, 127/80, point 34 ; arrêt Campoli/Commission, point 122 supra, points 10, 86 et 87). De plus, la circonstance que le régime transitoire ne respecte pas de manière intégrale, et à l’identique, l’ancien régime des primes ne saurait être critiquée, car la nature même d’une période transitoire est précisément d’organiser le passage progressif d’un régime à un autre. Exiger, comme semblent le faire les requérants, que le régime transitoire respecte l’ancien régime aurait pour conséquence de priver la réforme de toute portée pratique durant la période transitoire et de rendre brutal le passage au nouveau régime.
140 Enfin, la réforme du régime des primes, et notamment la décision du 16 novembre 2011, ne présente pas un caractère rétroactif.
141 Il y a lieu de rappeler qu’il n’y a pas de rétroactivité lorsque les dispositions modificatives s’appliquent aux effets futurs des situations nées sous l’empire des anciennes dispositions.
142 Comme le plaide la BEI, l’article 16 du règlement du personnel confère un pouvoir discrétionnaire au président de la [BEI] en matière de primes, tant dans le principe de l’octroi de ces primes qu’en ce qui concerne leur montant. Néanmoins, au vu des informations communiquées au Tribunal par les requérants, il apparaît que le fait générateur des primes régulières et des primes exceptionnelles résidait, respectivement, dans la reconnaissance de la réalisation des objectifs annuels des agents et dans la reconnaissance de leurs contributions exceptionnelles et que l’une et l’autre de ces reconnaissances ne pouvaient intervenir qu’au terme de l’exercice annuel d’évaluation. La BEI soutient dès lors avec raison que le changement de régime de primes a défini les critères d’allocation des nouvelles récompenses en prenant en compte la performance des agents et leur notation, avant même que leur évaluation ait eu lieu, puisque cette réforme résulte des décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 et que l’attribution des récompenses litigieuses est intervenue durant le premier trimestre 2012. Il convient, en effet, de distinguer entre, d’une part, l’évaluation des performances des agents compte étant tenu de la charge et de la qualité de leur travail, ainsi que de leurs éventuelles actions spécifiques et, d’autre part, la traduction de ces performances en primes ou récompenses qui constitue un effet futur d’une situation née sous l’empire de l’ancien régime des primes.
143 Le troisième moyen doit, par conséquent, être rejeté. »
25 Dans le cadre de l’examen de la première branche du quatrième moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur dans les motifs et d’une violation du principe de proportionnalité, le Tribunal de la fonction publique a jugé, aux points 160 à 167 :
« 160 Il ressort des antécédents du litige que les [décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011] tendaient à réformer l’ancien régime des primes parce que celui-ci ne répondait pas adéquatement aux besoins d’un organisme hautement performant, d’une part, en récompensant mieux les performances les plus significatives des agents et, d’autre part, en limitant l’évolution du budget administratif de la [BEI], notamment en ce qui concerne les frais de personnel.
161 Or, un organisme, telle la BEI, dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la définition de sa politique de gestion du personnel et dans la détermination des modalités de cette politique. De plus, la réponse à des préoccupations budgétaires implique la prise en compte d’évolutions économiques et de variables financières dans le cadre de laquelle la [BEI] dispose également d’un large pouvoir d’appréciation. En conséquence, le contrôle juridictionnel que le Tribunal exerce en la matière ne peut qu’être restreint. Aussi le Tribunal doit-il se limiter à examiner si les appréciations de la [BEI] sont entachées d’une erreur manifeste ou si elle n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 juin 2005, HLH Warenvertrieb et Orthica, C‑318/03, point 75).
162 Or, une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence (arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 mai 2013, Canga Fano/Conseil, T‑281/11 P, point 127), à l’aune des critères auxquels l’exercice du pouvoir décisionnel en question est subordonné. En conséquence, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par le requérant, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable (arrêt du Tribunal du 29 septembre 2011, AJ/Commission, F‑80/10, point 35).
163 Il revient au Tribunal d’examiner les griefs des requérants au vu des éléments qui précèdent.
164 En premier lieu, force est de rappeler qu’il ressort de l’examen du deuxième moyen que les instances dirigeantes de la BEI ne se sont pas engagées juridiquement à ne pas modifier le protocole d’accord et donc à compenser toute altération de son économie. De plus, le fait, pour le comité de direction, de ne pas reprendre toutes les propositions présentées par le département des ressources humaines en accord avec les représentants du personnel ne saurait en lui-même être constitutif d’une erreur dans les motifs et encore moins d’une erreur manifeste d’appréciation. Une telle assertion reviendrait, en effet, à lier en ce cas la compétence pourtant discrétionnaire des autorités de la BEI. Or, il convient de rappeler que le droit des représentants du personnel d’être consultés laisse intactes les prérogatives de décision de l’employeur (arrêt du Tribunal de première instance du 6 mars 2001, Dunnett e.a./BEI, T‑192/99, point 89).
165 Les requérants ne démontrent d’ailleurs pas l’insuffisance des mesures compensatoires décidées le 9 novembre 2010, le 14 décembre 2010 et le 16 novembre 2011 d’une manière susceptible d’établir l’existence, en l’espèce, d’une erreur manifeste d’appréciation.
166 En effet, les requérants produisent une simulation dont il résulte que, sur une carrière entière, le nouveau régime des récompenses serait bénéfique pour les requérants Mme Heger, MM. Bodson et Sutil et désavantageux pour les cinq autres requérants, quoique de manière peu significative pour trois d’entre eux. Les [décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011] ayant une portée générale, il ne saurait dès lors être inféré de cette simulation que celles-ci seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.
167 Plus fondamentalement, l’affirmation, par les requérants eux-mêmes, que le nouveau régime de récompense des performances est dépourvu de stabilité nuit, comme telle, à la crédibilité de la simulation que ceux-ci produisent. En effet, ce nouveau régime dépend non seulement d’indicateurs de résultats nécessairement variables, mais aussi des disponibilités budgétaires, du nombre de bénéficiaires des récompenses individuelles fixé discrétionnairement par les instances dirigeantes de la BEI et de la comparaison des performances de chacun avec celles des autres agents de même catégorie (points 26 et 27 du présent arrêt). Dès lors que le nouveau régime de récompense est caractérisé par son caractère discrétionnaire et sa variabilité, la simulation sur laquelle les requérants se basent est nécessairement trop aléatoire pour étayer, au vu des résultats de cette simulation, l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans le chef de la [BEI]. De surcroît, bien qu’invités dans le rapport préparatoire d’audience à expliciter par écrit la simulation susmentionnée en précisant notamment les données sur lesquelles elle se fondait, les requérants se sont limités à renvoyer à la liste des annexes de leur requête et à leur mémoire en réplique, alors que la [BEI] contestait précisément les éléments figurant dans ces documents. Ainsi la [BEI] observait-elle, s’agissant des paramètres utilisés dans la simulation, premièrement, que la bonification d’intérêts avait atteint 183,3 points de base en moyenne de 2009 à 2012, alors que les requérants retenaient seulement le nombre de 100 points de base, deuxièmement, que la [BEI] avait atteint en moyenne, durant les mêmes années, 108,25 % des indicateurs de performance de l’entreprise (Corporate Performance Indicators), alors que les requérants se fondaient sur un résultat de 90 % et, troisièmement, que l’augmentation moyenne du barème des traitements de base avait été de 2,34 % sur la période allant de 2006 à 2011, alors que les requérants se basaient sur une augmentation de 2 %. »
26 En ce qui concerne les mesures d’organisation de la procédure sollicitées par les requérants, le Tribunal de la fonction publique a considéré, aux points 180 à 185 de l’arrêt attaqué :
« 180 Dans leurs conclusions, et pour le cas où la BEI ne les produirait pas spontanément, les requérants demandent au Tribunal, au titre de mesures d’organisation de la procédure, d’inviter cette dernière à déposer son plan d’activité pour les années 2012 à 2014, les procès-verbaux des réunions du conseil d’administration des 14 décembre 2010 et 13 décembre 2011, les notes du département des ressources humaines des 22 juin 2011, 20 octobre 2011 et 25 janvier 2012, ainsi que les procès-verbaux des réunions du comité de rémunérations du personnel des 10 mars, 5 mai, 14 juin, 13 juillet, 20 septembre et 15 novembre 2010, tous documents qui seraient, selon eux, nécessaires à la compréhension de leur recours.
181 La [BEI] a produit des extraits de son plan d’activité pour les années 2012 à 2014 en annexe à son mémoire en duplique et les requérants n’ont pas contesté le fait que ce document n’[avait] pas été communiqué dans sa totalité. La [BEI] a également produit en annexe à son mémoire en défense le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 14 décembre 2010, ainsi que les procès-verbaux des réunions du comité de rémunérations du personnel des 10 mars, 5 mai, 14 juin, 13 juillet, 20 septembre et 15 novembre 2010.
182 En revanche, la [BEI] n’a pas produit le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 13 décembre 2011 et les notes établies par le département des ressources humaines le 22 juin 2011, le 20 octobre 2011 et le 25 janvier 2012.
183 Les requérants ont toutefois décrit dans leurs écrits de procédure la substance du contenu du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 13 décembre 2011 et des projets établis par le département des ressources humaines les 22 juin et 20 octobre 2011 sans que ces descriptions soient contestées par la [BEI].
184 De plus, les requérants sont restés en défaut d’expliquer en quoi la communication des documents susmentionnés était indispensable, alors que, pour permettre au Tribunal de déterminer s’il est utile au bon déroulement de la procédure d’ordonner la production de certains documents, la partie qui en fait la demande doit, non seulement identifier les documents sollicités, mais aussi fournir au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance (arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, point 93 ; arrêt du Tribunal de première instance du 18 janvier 2005, Entorn/Commission, T‑141/01, point 132).
185 Il n’y a, par conséquent, pas lieu de faire droit à la demande de mesures d’organisation de la procédure formulée par les requérants. »
Sur le pourvoi
Procédure et conclusions des parties
27 Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 22 avril 2014, les requérants ont formé le présent pourvoi.
28 Après le dépôt par la BEI du mémoire en réponse, en date du 22 août 2014, les requérants ont été autorisés à présenter un mémoire en réplique, ce qu’ils ont fait le 20 novembre suivant. La BEI a déposé un mémoire en duplique le 15 janvier 2015.
29 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’arrêt attaqué ;
– en conséquence, leur accorder le bénéfice de leurs conclusions de première instance et, partant, annuler les décisions de leur appliquer une prime en application du nouveau système de performances tel que résultant des décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011, la décision individuelle d’application étant contenue dans le bulletin d’avril 2012, porté à la connaissance des intéressés au plus tôt le 22 avril 2012 ;
– en conséquence :
– condamner la BEI au paiement de la différence de rémunération résultant des décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 par rapport à l’application du précédent régime de bonus, ainsi qu’au paiement d’intérêts de retard courant à compter du 22 avril 2012 jusqu’à complet apurement, ces intérêts étant fixés au niveau du taux de la BCE augmenté de 3 points ;
– condamner la BEI au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de la perte du pouvoir d’achat, ce préjudice étant évalué ex aequo et bono, et à titre provisionnel, à 1,5 % de la rémunération mensuelle de chaque requérant ;
– le cas échéant, à défaut pour la BEI de les produire spontanément, au titre de mesures d’organisation de la procédure, inviter la BEI à produire les documents suivants :
– le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de la BEI du 13 décembre 2011 ;
– les projets établis par le département des ressources humaines en date des 22 juin 2011 (RH/P & O/2011-119), 20 octobre 2011 (RH/P & O/2011-74) et 25 janvier 2012 ;
– condamner la BEI à l’entièreté des dépens des deux instances.
30 La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le pourvoi ;
– condamner les requérants au paiement des dépens du pourvoi.
En droit
31 À l’appui du pourvoi, les requérants invoquent cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une irrégularité de la procédure. Le deuxième moyen est pris de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi, de la qualification juridique erronée du protocole d’accord, de la dénaturation du dossier et de la violation de l’obligation de motivation. Le troisième moyen est tiré de la méconnaissance des droits acquis et de la violation de l’obligation de motivation, ainsi que de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et d’une dénaturation du dossier. Le quatrième moyen est tiré de la méconnaissance des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité, du devoir de sollicitude ainsi que de la violation de l’obligation de motivation. Enfin, par le cinquième moyen, les requérants font grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une erreur de droit lors de l’examen de l’erreur manifeste d’appréciation et d’avoir dénaturé le dossier.
Observations liminaires
32 Au stade du mémoire en réplique, les requérants soutiennent que la lettre d’accompagnement signée le 18 mars 2009 par le directeur des ressources humaines et le porte-parole des représentants du personnel et jointe au protocole d’accord (ci-après la « lettre d’accompagnement ») emportait l’obligation pour la BEI, si cette dernière décidait de modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération et si de telles modifications devaient impacter de façon substantielle, dans un sens négatif, une large fraction du personnel d’aborder cette question « dans le même esprit de collaboration que celui ayant présidé à l’élaboration du protocole d’accord avec pour objectif d’assurer le caractère durable des compensations ». Ni la BEI ni le Tribunal de la fonction publique n’auraient cependant vérifié si les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 avaient emporté de telles conséquences.
33 La BEI, à la suite d’une question posée en ce sens par le Tribunal, a estimé que ce grief devait être déclaré irrecevable.
34 Étant donné que les requérants ont présenté ce grief pour la première fois au stade du mémoire en réplique, il convient de rappeler que, aux termes des dispositions de l’article 138, paragraphe 1, sous c), et de l’article 144, lu conjointement avec l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, le pourvoi doit indiquer les moyens et arguments de droit invoqués et la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.
35 Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci, doit être déclaré recevable. Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du 19 mars 2013, In ‘t Veld/Commission, T‑301/10, Rec, EU:T:2013:135, point 97).
36 Or, force est de constater que le présent grief ne constitue pas une ampliation d’un moyen ou d’un argument existant. Par ailleurs, interrogés lors de l’audience sur la recevabilité de ce grief, les requérants se sont contentés d’indiquer que le grief figurant dans le mémoire en réplique concernant la lettre d’accompagnement était soulevé en liaison avec le deuxième moyen invoqué à l’appui du pourvoi, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.
37 À cet égard, il suffit de constater que ce grief ne figure pas dans le deuxième moyen et ne saurait être rattaché à ce dernier, en sorte qu’il doit être rejeté comme irrecevable.
Sur le premier moyen, tiré d’une irrégularité de la procédure
38 Par le présent moyen, les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une irrégularité de procédure en rejetant, au point 185 de l’arrêt attaqué, leur demande de mesures d’organisation de la procédure concernant la production de certains documents par la BEI.
39 Tout d’abord, il convient de relever que, aux termes de l’article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, « [c]haque partie peut proposer l’adoption ou la modification de mesures d’organisation de la procédure ». Il s’ensuit que les requérants pouvaient demander au Tribunal de la fonction publique d’ordonner à la BEI de produire des documents qui étaient en sa possession. Néanmoins, pour permettre au Tribunal de déterminer s’il était utile au bon déroulement de la procédure d’ordonner la production de certains documents, la partie qui en fait la demande doit identifier les documents sollicités et fournir au Tribunal au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance (voir, par analogie, arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec, EU:C:1998:608, point 93, et du 18 janvier 2005, Entorn/Commission, T‑141/01, Rec, EU:T:2005:10, point 132).
40 Il y a lieu de rappeler qu’il résulte de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour que le pourvoi devant le Tribunal est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal de la fonction publique, d’irrégularités de procédure devant celui-ci portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit de l’Union par ce dernier. Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal de la fonction publique, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du juge de pourvoi (voir arrêt du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑264/11 P, RecFP, EU:T:2013:461, point 80 et jurisprudence citée).
41 À plus forte raison, aux fins de cette appréciation des faits et des preuves, il incombe au seul juge de première instance de décider si et dans quelle mesure il est nécessaire de procéder à des mesures d’organisation de la procédure ou à des mesures d’instruction. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi et de choisir les mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction aptes à cet effet (voir arrêt De Nicola/BEI, point 40 supra, EU:T:2013:461, point 81 et jurisprudence citée).
42 Il résulte des points 181 et 182 de l’arrêt attaqué que la BEI n’a produit qu’une partie des documents dont les requérants avaient demandé la production. Néanmoins, le Tribunal de la fonction publique a estimé ne pas devoir donner suite à ladite demande, considérant, d’une part, au point 183 de l’arrêt attaqué, que les requérants avaient décrit dans leurs écrits de procédure la substance de ces documents sans que ces descriptions aient été contestées par la BEI, ce que les requérants ne contestent pas dans le cadre du présent pouvoir. D’autre part, le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 184 de l’arrêt attaqué, que les requérants étaient restés en défaut d’expliquer en quoi la communication desdits documents était indispensable.
43 Le Tribunal de la fonction publique a ainsi considéré que cette mesure d’organisation de la procédure ne présentait pas d’utilité pour la solution du litige, appréciation qui échappe à la compétence du juge de pourvoi. Il convient en outre de constater que les requérants se limitent à expliquer les raisons pour lesquelles ils estiment que les documents étaient utiles aux débats (voir, en ce sens, arrêt De Nicola/BEI, point 40 supra, EU:T:2013:461, point 82).
44 Par ailleurs, ne saurait davantage prospérer l’argument des requérants tiré de ce que le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 184 de l’arrêt attaqué, qu’une mesure d’organisation de la procédure invitant une partie à produire des documents supposerait que la communication de ces documents soit indispensable, alors qu’il suffirait, en vertu de l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, point 39 supra (EU:C:1998:608, points 93 et 94), que cette communication soit utile. Certes, le Tribunal de la fonction publique a constaté, au point 184 de l’arrêt attaqué, que les requérants n’avaient pas démontré que la communication des documents en cause était indispensable. Il n’en demeure pas moins qu’il a clairement considéré, audit point de l’arrêt attaqué, conformément à l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, point 39 supra (EU:C:1998:608), que la partie qui demande au Tribunal d’ordonner la production de certains documents doit, à tout le moins, fournir un minimum d’éléments accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance.
45 Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi, de la qualification juridique erronée du protocole d’accord, de la dénaturation du dossier et de la violation de l’obligation de motivation
46 Le deuxième moyen, qui vise les points 98 à 111 de l’arrêt attaqué, comporte quatre branches. La première branche concerne, notamment, la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire. La deuxième branche est tirée de la dénaturation et de la qualification juridique erronée de la lettre d’accompagnement. La troisième branche est tirée de la violation de l’obligation de motivation et de la qualification juridique erronée du protocole d’accord. La quatrième branche est tirée de l’examen incomplet des pièces du dossier et de la dénaturation du dossier.
– Sur la première branche, tirée de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire ainsi que de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi
47 Les requérants soutiennent que le Tribunal de la fonction publique aurait dû examiner si les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 dont l’illégalité était excipée avaient porté atteinte aux conditions fondamentales de la relation d’emploi, telles qu’issues du protocole d’accord. Le Tribunal de la fonction publique aurait omis de procéder à cet examen en considérant qu’il ne pouvait pas y avoir une telle atteinte en raison de la nature réglementaire de la relation d’emploi entre la BEI et ses agents. Le Tribunal de la fonction publique aurait donc méconnu la différence entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire et violé les conditions fondamentales de la relation d’emploi.
48 En premier lieu, s’agissant de la nature de la relation d’emploi, il convient de rappeler que, selon l’article 13 du règlement du personnel, les relations entre la BEI et les membres de son personnel sont réglées en principe par des contrats individuels dans le cadre dudit règlement.
49 Premièrement, les requérants réitèrent, à cet égard, dans leur pourvoi, l’argument selon lequel il résulterait d’une lecture a contrario de l’arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission (C‑443/07 P, Rec, EU:C:2008:767, point 60), que les droits et les obligations des agents sous contrat ne peuvent être modifiés à tout moment par le législateur. De même, ils invoquent de nouveau l’arrêt du 22 octobre 2002, Pflugradt/BCE (T‑178/00 et T‑341/00, Rec, EU:T:2002:253, point 53), dont il ressort, selon eux, que la force obligatoire des contrats s’oppose à ce que l’institution ou l’organisme, en tant qu’employeur, impose des modifications aux conditions d’exécution des contrats sans l’accord des agents concernés, lorsque ces conditions correspondent à des éléments essentiels desdits contrats. Ils ajoutent que la théorie des éléments essentiels a été consacrée par le législateur, puisque ce dernier a imposé à l’employeur l’obligation d’informer ses travailleurs des éléments essentiels du contrat au titre desquels figure la rémunération, conformément à l’article 2, sous h), de la directive 91/533/CEE du Conseil, du 14 octobre 1991, relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail (JO L 288, p. 32).
50 À cet égard, il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 104 de l’arrêt attaqué, en faisant référence à l’arrêt du 14 octobre 2004, Pflugradt/BCE (C‑409/02 P, Rec, EU:C:2004:625, point 34), que, lorsque les contrats sont conclus avec un organisme de l’Union, chargé d’une mission d’intérêt général et habilité, comme la BEI, à prévoir, par voie de règlement, les dispositions applicables à son personnel, la volonté des parties à un tel contrat trouve nécessairement ses limites dans les obligations de toute nature qui découlent de cette mission particulière et qui s’imposent tant aux organes de direction de cet organisme qu’à ses agents.
51 Dans cette perspective, il convient de relever que les relations de la BEI avec son personnel contractuel sont, dans une large mesure, déterminées par le règlement du personnel, auquel les agents adhèrent en contresignant la lettre d’engagement. Plus particulièrement, ainsi que l’a jugé le Tribunal de la fonction publique au point 105 de l’arrêt attaqué, il ressort de l’article 20, premier et deuxième alinéas, du règlement du personnel ainsi que de ses annexes I et II que les traitements de base et leurs compléments sont fixés par voie réglementaire. Par ailleurs, au point 142 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré, à bon droit, que, en matière de primes, l’article 16 du règlement du personnel conférait un pouvoir discrétionnaire au président de la BEI, tant dans le principe de l’octroi de ces primes qu’en ce qui concerne leur montant.
52 C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 107 de l’arrêt attaqué, que la BEI disposait, pour poursuivre la mission d’intérêt général qui lui incombait, d’un pouvoir d’appréciation pour organiser ses services et fixer unilatéralement la rémunération de son personnel, cela nonobstant les actes juridiques de nature contractuelle qui étaient à la base desdites relations de travail.
53 Deuxièmement, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel cette constatation du Tribunal de la fonction publique emporterait le droit pour la BEI d’apporter toute modification à la rémunération de son personnel, voire de la supprimer, il y a lieu de constater que, si le Tribunal de la fonction publique a considéré, notamment au point 109 de l’arrêt attaqué, que la BEI avait le droit de modifier unilatéralement la rémunération, cela ne signifie pas pour autant que son pouvoir discrétionnaire serait illimité, ce qui ne fait pas l’objet de contestation dans le cadre de la présente affaire.
54 Troisièmement, les requérants, en renvoyant au point 106 de l’arrêt attaqué, reprochent au Tribunal de la fonction publique de n’avoir pas identifié les nouveaux besoins qui auraient contraint la BEI à modifier unilatéralement les contrats.
55 À cet égard, il suffit de constater, indépendamment de la question de savoir si la BEI a procédé à une modification des contrats des requérants, que le Tribunal de la fonction publique a précisément exposé, notamment aux points 136 et 137 de l’arrêt attaqué (voir point 137 ci-après), les raisons qui avaient conduit la BEI à considérer que la réforme du régime des primes était nécessaire.
56 Quatrièmement, les requérants font valoir que la BEI avait soutenu, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 novembre 1976, Mills/BEI (110/75, Rec, EU:C:1976:152), que, lorsque le conseil d’administration procède à une modification du règlement du personnel, celle-ci ne pourrait s’appliquer aux contrats individuels en cours, sauf acceptation par l’autre partie, puisque le règlement du personnel fait partie intégrante des contrats individuels. De plus, ils observent que la BEI a adopté un nouveau règlement du personnel, applicable aux agents recrutés à compter du 1er juillet 2013 et que, pour les agents recrutés avant cette date, l’ancien règlement reste applicable. Dans ce contexte, ils soulèvent la question de savoir pourquoi la BEI, si elle avait la faculté de modifier unilatéralement le règlement du personnel, n’a pas imposé le nouveau règlement du personnel à l’ensemble de ses agents.
57 À cet égard, il importe de relever que le règlement du personnel applicable en l’espèce prévoit, notamment, la possibilité pour la BEI de modifier unilatéralement les éléments de la rémunération (voir point 51 ci-dessus) et que la réforme du régime de progression salariale n’était pas fondée sur une modification des dispositions du règlement du personnel. Il s’ensuit qu’il n’était pas nécessaire pour le Tribunal de la fonction publique de se prononcer sur la question de savoir dans quelle mesure la BEI aurait eu la faculté d’appliquer des modifications du règlement du personnel aux agents en service.
58 En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi, telle qu’issues du protocole d’accord, il convient de rappeler que, au point 108 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a jugé que la BEI n’avait pas méconnu les droits qui auraient résulté du protocole d’accord, sans qu’il eût été nécessaire de se prononcer sur la valeur en soi de ce dernier. Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a ajouté, au point 109 de l’arrêt attaqué, que, au demeurant, selon la lettre d’accompagnement, les autorités de la BEI demeuraient compétentes pour modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération ou ce système lui-même, alors même que ces modifications affecteraient le contenu dudit protocole. Au point 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré que, en raison de son caractère en toute hypothèse unilatéralement modifiable, la BEI n’avait pas violé le protocole d’accord.
59 Ces considérations, qui impliquent que le protocole d’accord n’a pas affecté, indépendamment de sa valeur juridique, la possibilité pour la BEI de modifier unilatéralement la rémunération de son personnel, ne peuvent qu’être approuvées.
60 Ce constat ne saurait être remis en cause par l’argument des requérants tiré de ce que le protocole d’accord a nécessairement modifié les contrats des agents de la BEI, au motif qu’il était le résultat d’une procédure de conciliation, fondée sur l’article 41 du règlement du personnel. En effet, cet argument est inopérant, dès lors que le protocole d’accord n’a pas vocation à affecter le caractère unilatéralement modifiable de la rémunération. Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique n’a pas examiné dans l’arrêt attaqué la question de savoir si ce protocole avait modifié les contrats de travail et lié la BEI.
61 De même, il convient d’écarter l’argument des requérants selon lequel la possibilité pour la BEI de modifier le protocole d’accord de façon unilatérale irait à l’encontre de la nature de la relation d’emploi et du protocole d’accord ainsi qu’au principe de bonne foi.
62 En effet, la faculté qu’a la BEI de modifier unilatéralement les éléments de la rémunération ainsi que le protocole d’accord fait, respectivement, partie des conditions d’emploi et de la nature dudit protocole et ne saurait, partant, constituer une violation du principe de bonne foi.
63 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal de la fonction publique n’a ni méconnu la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, ni les conditions fondamentales de la relation d’emploi, en sorte qu’il y a lieu d’écarter la première branche du deuxième moyen.
– Sur la deuxième branche, tirée de la dénaturation et de la qualification juridique erronée de la lettre d’accompagnement
64 Les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir dénaturé, au point 109 de l’arrêt attaqué, la lettre d’accompagnement, dont il aurait examiné les éléments dans un ordre différent de celui de cette lettre. En outre, en considérant que la lettre confirmait que les éléments figurant dans le protocole d’accord ne constituaient pas des éléments essentiels du contrat de travail, le Tribunal de la fonction publique aurait donné une qualification juridique erronée à ladite lettre.
65 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt du 10 février 2011, Activision Blizzard Germany/Commission, C‑260/09 P, Rec, EU:C:2011:62, point 53 et jurisprudence citée).
66 Force est de constater que l’argumentation avancée par les requérants au soutien de leur grief ne met en évidence aucune inexactitude matérielle dans la lecture que le Tribunal de la fonction publique a faite de ladite lettre. Ainsi, le fait que le Tribunal de la fonction publique n’a pas examiné les éléments de la lettre dans l’ordre qui est celui de cette lettre ne justifie nullement la conclusion que le Tribunal de la fonction publique aurait fait une lecture de cette lettre qui serait manifestement contraire à son contenu.
67 Plus particulièrement, il ressort de la première phrase du point 109 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a, en substance, considéré que la lettre d’accompagnement impliquait que le protocole d’accord ne contenait pas d’éléments qui ne pouvaient pas être modifiés unilatéralement par la BEI. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique n’a pas dénaturé des éléments de preuve en en déduisant ce que, manifestement, ils ne relèvent pas. En effet, ladite lettre mentionne explicitement la possibilité pour la BEI de modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération.
68 En outre, dans la mesure où les requérants semblent fonder leur grief relatif à la dénaturation de la lettre d’accompagnement également sur la déclaration écrite du 9 avril 2014 de l’ancien porte-parole du collège des représentants du personnel de la BEI entre mars 2007 et mars 2010, il convient de rappeler qu’une dénaturation des éléments de preuve existe lorsque, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée (voir arrêt du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, Rec, EU:C:2007:443, point 60 et jurisprudence citée).
69 Il résulte de ce qui précède que la déclaration écrite mentionnée au point 67 ci-dessus ne saurait démontrer la dénaturation des pièces du dossier, dans la mesure où cette dénaturation doit ressortir des seules pièces qui avaient été produites devant le Tribunal de la fonction publique.
70 Enfin, sur le fondement de son appréciation du contenu de la lettre d’accompagnement, le Tribunal de la fonction publique pouvait conclure, au point 109 de l’arrêt attaqué, sans se livrer à une qualification juridique erronée, que cette lettre s’inscrivait dans la perspective que les éléments figurant dans le protocole d’accord ne constituaient pas des éléments essentiels qui ne sauraient être modifiés sans le consentement des agents de la BEI.
71 En effet, force est de constater que, en ce que le paragraphe 4 de la lettre d’accompagnement précise que « [c]eci ne signifie pas que les autorités compétentes de la [BEI] ne pourraient pas modifier les éléments ou modalités du système de rémunération actuellement mis en œuvre ou ce système lui-même ainsi que le régime de pension tels qu’issus de la réforme », il s’ensuit qu’il ne saurait être considéré, ainsi que le prétendent les requérants, qu’aucune modification ne pouvait être apportée par la BEI audit régime.
72 Il convient donc de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen.
– Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation et de la qualification juridique erronée du protocole d’accord
73 Les requérants font grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir manqué à son devoir de motivation en ne prenant pas en considération certains de leurs arguments.
74 Il y a lieu de rappeler que l’obligation pour le Tribunal de la fonction publique de motiver ses arrêts en vertu de l’article 36 du statut de la Cour, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I du même statut, ne lui impose pas de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et au juge de pourvoi de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle. En effet, cette obligation ne saurait être interprétée comme impliquant que le Tribunal de la fonction publique fût tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par le requérant, en particulier s’il ne revêtait pas un caractère suffisamment clair et précis et ne reposait pas sur des éléments de preuve circonstanciés (voir arrêts du 24 octobre 2011, P/Parlement, T‑213/10 P, RecFP, EU:T:2011:617, point 31 et jurisprudence citée, et du 20 mars 2012, Kurrer e.a./Commission, T‑441/10 P à T‑443/10 P, RecFP, EU:T:2012:133, point 72 et jurisprudence citée).
75 En premier lieu, les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir mentionné leur argument tiré de ce que, lors de la réforme du système salarial, intervenue en 1987, la BEI avait cherché à obtenir l’accord de son personnel, conformément au caractère contractuel de la relation d’emploi.
76 Cet argument ne saurait être accueilli.
77 Le fait que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique ne s’est pas prononcé sur l’argument concernant la précédente réforme du système salarial ne saurait permettre de conclure que cet arrêt est entaché d’une insuffisance de motivation.
78 En effet, en prenant en considération l’arrêt Pflugradt/BCE (point 50 supra, EU:C:2004:625) et le règlement du personnel de la BEI, le Tribunal de la fonction publique a considéré, en substance, que la BEI était habilitée à déterminer unilatéralement la rémunération de son personnel par voie réglementaire et que le protocole d’accord n’était pas susceptible d’affecter ce pouvoir décisionnel (voir points 104 à 111 de l’arrêt attaqué). Ce raisonnement est clair et de nature à permettre tant aux requérants de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal de la fonction publique n’a pas fait droit à leurs arguments qu’au Tribunal de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel.
79 En deuxième lieu, les requérants font valoir que le Tribunal de la fonction publique a omis de prendre en considération le fait que la BEI n’avait pas contesté être liée par le protocole d’accord, qu’elle avait cherché à définir de nouvelles mesures compensatoires visant à maintenir le niveau de la compensation fixée par le protocole d’accord et que le comité de rémunérations avait souligné, dans plusieurs procès-verbaux de ses réunions, que les mesures transitoires à adopter devaient respecter le protocole d’accord. De même, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas tenu compte du cadre dans lequel le protocole d’accord avait été conclu et la nature propre de cet accord. Par ailleurs, les requérants critiquent le point 108 de l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’il n’était pas nécessaire de se prononcer sur la valeur en soi du protocole d’accord. Selon eux, le Tribunal de la fonction publique aurait dû examiner s’ils tiraient du protocole d’accord des droits contractuels, insusceptibles d’être modifiés unilatéralement par la BEI.
80 À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal de la fonction publique a jugé, en substance, aux points 108 et 109 de l’arrêt attaqué, que, quelle que soit la valeur juridique du protocole d’accord, celui-ci n’aurait pas empêché la BEI de déterminer unilatéralement les conditions de la rémunération et que ce constat était confirmé par la lettre d’accompagnement qui affirmait expressément la compétence de la BEI pour modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération et, au point 111 de l’arrêt attaqué, que, en toute hypothèse, le protocole d’accord avait un caractère unilatéralement modifiable. Dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a estimé que le protocole d’accord n’avait, en tout état de cause, pas vocation à affecter la possibilité, pour la BEI, de modifier unilatéralement la rémunération, il n’était pas nécessaire, aux fins de la motivation de l’arrêt attaqué, de se prononcer sur la question de savoir si, en principe, le protocole d’accord était susceptible, par sa nature, de créer des droits contractuels qui pourraient lier la BEI.
81 En outre, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique ne s’est pas prononcé sur « la valeur en soi du protocole d’accord », il ne saurait pas non plus lui être fait grief d’avoir retenu une qualification juridique erronée du protocole d’accord.
82 Il s’ensuit que la troisième branche du deuxième moyen doit être rejetée.
– Sur la quatrième branche, tirée de l’examen incomplet des pièces du dossier et de la dénaturation de ce dernier
83 Les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis de prendre en compte des pièces importantes du dossier et d’avoir, ainsi, dénaturé le dossier.
84 Il y a lieu de rappeler que sont recevables au stade du pourvoi des griefs relatifs à la constatation des faits et à leur appréciation dans la décision attaquée lorsque la partie requérante allègue que le Tribunal de la fonction publique a effectué des constatations dont l’inexactitude matérielle résulte des pièces du dossier ou qu’il a dénaturé les éléments de preuve qui lui sont soumis. Est également considéré comme recevable au stade du pourvoi le moyen tiré de l’examen incomplet des faits (voir arrêt du 19 novembre 2009, Michail/Commission, T‑50/08 P, RecFP, EU:T:2009:457, point 50 et jurisprudence citée).
85 Premièrement, les requérants font valoir que le Tribunal de la fonction publique n’a pas pris en considération le protocole de la réunion du comité de direction de la BEI du 9 novembre 2010 dont il ressortirait que le comité de direction avait invité les « RH » et les représentants du personnel à discuter « the scope of a possible new Memorandum with the Staff Representatives », les représentants du personnel ayant souligné le lien existant entre les mesures compensatoires et la prime, la réforme du régime de la prime (ou de la récompense des performances) portant atteinte aux mesures compensatoires.
86 Selon le protocole de la réunion du comité de direction de la BEI du 9 novembre 2010, il a été pris note des observations des représentants du personnel concernant le lien existant entre les mesures compensatoires et le système des primes ainsi que de leurs préoccupations concernant le respect du protocole d’accord. Ensuite, le comité de direction a invité les « RH » et les représentants du personnel à mener une discussion sur un éventuel nouveau protocole d’accord.
87 À cet égard, force est de constater que la simple invitation à mener une discussion sur un nouveau protocole d’accord est insuffisante aux fins de démontrer une inexactitude matérielle manifeste des constatations effectuées par le Tribunal de la fonction publique, résultant d’un examen incomplet des pièces du dossier.
88 Il s’ensuit que le présent grief doit être rejeté.
89 Deuxièmement, il y a lieu de rejeter le grief tiré de ce que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé le document intitulé « Procès-verbal des réunions du Conseil d’administration/Comité de rémunérations des 10 mars, 5 mai, 14 juin, 13 juillet, 20 septembre et 15 novembre 2010 », ainsi que la note, y compris ses annexes, soumise par le département des ressources humaines au comité de direction le 22 juin 2011.
90 À cet égard, il y a lieu de constater que les requérants ne précisent nullement les raisons pour lesquelles, d’une part, le Tribunal de la fonction publique aurait dû prendre en considération lesdits documents et, d’autre part, cette omission aurait pu constituer une dénaturation du dossier. Ils n’ont donc pas démontré que le Tribunal de la fonction publique avait commis une telle dénaturation.
91 S’agissant de la prétendue dénaturation de la note soumise par le département des ressources humaines au comité de direction le 22 juin 2011, cet argument ne saurait, en outre, prospérer, dès lors que ladite note n’a pas été produite par la BEI en première instance (voir point 182 de l’arrêt attaqué) et que le Tribunal de la fonction publique a pu refuser, ainsi qu’il ressort des points 43 à 46 ci-dessus, de demander sa production dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure.
92 Il s’ensuit que la quatrième branche et, partant, le deuxième moyen doivent être rejetés.
Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance des droits acquis et la violation de l’obligation de motivation ainsi que de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et d’une dénaturation du dossier
93 Le troisième moyen, qui vise les points 114 à 125 de l’arrêt attaqué, se subdivise en trois branches, la première tirée de la méconnaissance des droits acquis, la deuxième tirée de la violation de l’obligation de motivation et la troisième tirée de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et d’une dénaturation du dossier.
– Sur la première branche, tirée de la méconnaissance des droits acquis
94 Les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une erreur de droit en considérant que le régime des primes antérieur à la réforme n’avait pas conféré aux agents de la BEI un droit acquis, alors que ce régime reposait sur le droit de bénéficier d’une prime d’un montant croissant et au moins équivalant à la prime allouée l’année précédente à mérite égal.
95 Il convient de rappeler que, au point 118 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré que l’ancien régime des primes avait été conçu comme discrétionnaire et variable, mais que la pratique suivie lui avait de facto conféré une stabilité significative quant aux conditions générales de l’octroi des primes et quant à leur ordre de grandeur.
96 La constatation du Tribunal de la fonction publique, retenue au point 119 de l’arrêt attaqué, selon laquelle cette situation n’impliquait pas que les requérants avaient acquis un droit s’opposant à la réforme de l’ancien régime des primes est dépourvue d’erreur de droit.
97 En effet, ainsi qu’il a déjà été exposé aux points 50 à 52 ci-dessus, il ressort des articles 16 et 20 du règlement du personnel que la BEI fixe les traitements de base et leurs compléments par voie réglementaire, ce qui inclut la possibilité pour la BEI de modifier la rémunération pour l’avenir. Dans cette perspective, c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a relevé, au point 120 de l’arrêt attaqué, en faisant référence à l’arrêt du 17 décembre 1981, Ludwigshafener Walzmühle Erling e.a./Conseil et Commission (197/80 à 200/80, 243/80, 245/80 et 247/80, Rec, EU:C:1981:311, point 40), que le fait qu’un organisme de l’Union ait, pendant une longue période, suivi une politique déterminée ne créait pas, pour les intéressés, un droit au maintien des avantages que cette politique avait pu leur valoir.
98 Les requérants soutiennent qu’ils disposaient d’un droit à un régime de primes issu de leurs contrats et, en tout cas, de l’usage. Plus particulièrement, ils font référence à l’arrêt du 6 mars 2001, Dunnett e.a./BEI (T‑192/99, Rec, EU:T:2001:72, points 84 à 86). Dans cet arrêt, le Tribunal a jugé, au point 85, que, conformément à un principe général de droit du travail commun aux droits des États membres, applicable, en vertu de l’article 44 du règlement du personnel, aux contrats conclus entre la BEI et ses agents, un employeur ne pouvait retirer unilatéralement un avantage financier qu’il avait librement accordé à ses employés de manière continue qu’après consultation de ces derniers ou de leurs représentants.
99 Or, à supposer même que la réforme de l’ancien régime des primes constitue le retrait d’un tel avantage financier, en l’espèce, les représentants du personnel ont été consultés préalablement à cette réforme, en sorte qu’il ne résulte nullement de l’arrêt Dunnett e.a./BEI, point 98 supra (EU:T:2001:72), que la BEI était empêchée de réaliser ladite réforme en raison d’un droit acquis résultant de l’ancien régime de primes.
100 La première branche du troisième moyen doit donc être rejetée.
– Sur la deuxième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation
101 Les requérants soutiennent que le Tribunal de la fonction publique a violé son obligation de motivation, en ce qu’il n’a pas répondu à leur argument tiré, en substance, de ce que leur droit acquis était le droit de bénéficier d’une garantie d’une prime d’un montant croissant et au moins équivalant à la prime allouée l’année précédente à mérite égal. Ils prétendent qu’il s’agissait là d’une situation pleinement née et réalisée sous l’ancien régime des primes.
102 À cet égard, il suffit de rappeler qu’il ressort des points 119, 120 et 133 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a mentionné les raisons pour lesquelles les requérants n’avaient pas acquis un droit s’opposant à la réforme de l’ancien régime des primes, en sorte qu’ils ne pouvaient faire valoir aucun droit au maintien des avantages résultant de l’ancienne pratique. Ces considérations permettaient aux requérants de connaître les raisons pour lesquelles ils n’avaient acquis aucun droit et au Tribunal de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel.
103 Il s’ensuit que la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée.
– Sur la troisième branche, tirée d’une méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et d’une dénaturation du dossier
104 Les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir, aux points 121 à 125 de l’arrêt attaqué, méconnu le principe de protection de la confiance légitime et d’avoir dénaturé le dossier.
105 Au point 122 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a estimé que, dans un domaine où l’administration disposait d’un large pouvoir d’appréciation, une simple pratique, aussi courante soit-elle, n’équivalait pas à des renseignements précis, inconditionnels et concordants pouvant créer une attente légitime. Dans ce contexte, il a fait référence, d’une part, à l’arrêt du 29 novembre 2006, Campoli/Commission (T‑135/05, RecFP, EU:T:2006:366, point 70), concernant le régime des pensions des fonctionnaires et, d’autre part, aux arrêts du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission (T‑29/05, Rec, EU:T:2010:355, points 292, 426 et 435), et du 5 octobre 2011, Transcatab/Commission (T‑39/06, Rec, EU:T:2011:562, point 291), relatifs au domaine de la concurrence.
106 Les requérants soutiennent que la pratique décisionnelle de la Commission en matière de concurrence n’est pas pertinente, puisqu’ils invoquent la violation du principe de protection de la confiance légitime en raison de la modification substantielle d’un élément de leur rémunération.
107 À cet égard, il suffit de constater que le Tribunal de la fonction publique s’est également fondé, au point 122 de l’arrêt attaqué, sur un arrêt portant sur le régime des pensions. Le grief à l’encontre de l’arrêt en matière de concurrence est donc, en tout état de cause, inopérant.
108 Par ailleurs, est dépourvu d’erreur de droit le constat effectué au point 123 de l’arrêt attaqué, selon lequel les requérants peuvent d’autant moins se prévaloir d’une confiance légitime que la BEI avait annoncé à plusieurs reprises depuis 2004 une refonte du régime des primes.
109 Les requérants soutiennent toutefois qu’aucune des pièces produites par la BEI ne remet en cause l’existence d’un régime de primes reposant sur la garantie d’une prime au moins équivalente à la prime de l’année précédente à mérite égal et que, de ce fait, le comité de rémunérations et le conseil d’administration s’étaient référés, en 2010, aux attentes légitimes et aux droits acquis des agents relatifs aux primes régulières croissantes. En se fondant sur des déclarations de 2004, le Tribunal de la fonction publique aurait, partant, dénaturé le dossier et méconnu le principe de protection de la confiance légitime.
110 Il y a lieu de rejeter cet argument.
111 Si la BEI n’a pas expressément contesté l’existence de la prétendue garantie d’une prime lorsqu’elle a annoncé, en 2004, une refonte du régime des primes, cette circonstance ne permet nullement de conclure que la BEI a reconnu une telle garantie.
112 Certes, il ressort, notamment, du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 14 décembre 2010 que, en septembre 2009, celui-ci avait reconnu que, en raison d’une longue pratique, une partie des primes régulières devait être considérée comme un élément de la rémunération dans la mesure où elle était fondée sur l’ancienneté.
113 Toutefois, il ressort du procès-verbal des réunions du comité de rémunérations du personnel des 10 mars, 5 mai, 14 juin, 13 juillet et 20 septembre 2010 que l’un des objectifs poursuivis par la réforme du régime des primes était précisément de réduire le caractère automatique de leur allocation et de limiter ainsi les risques de « réémergence » d’attentes légitimes ou de droits acquis dans les années à venir (voir point 117 de l’arrêt attaqué).
114 Si la BEI voulait prévenir la « réémergence » d’attentes légitimes ou de droits acquis, il ne ressort pas de cette description de l’un des objectifs de la réforme que la BEI a reconnu l’existence d’attentes légitimes ou de droits acquis dans une prime régulière croissante ou au moins équivalente à la prime de l’année précédente.
115 Il s’ensuit que le Tribunal de la fonction publique n’a, aux points 121 à 125 de l’arrêt attaqué, ni méconnu le principe de protection de la confiance légitime, ni dénaturé les pièces du dossier.
116 Il y a donc lieu de rejeter cette branche et, partant, le troisième moyen dans son ensemble.
Sur le quatrième moyen, tiré de la méconnaissance des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité, du devoir de sollicitude et de la violation de l’obligation de motivation
117 Le quatrième moyen, qui vise les points 133 à 137 de l’arrêt attaqué, et, notamment, le rejet du troisième moyen d’annulation, comporte cinq branches, respectivement tirées, de la méconnaissance du principe de sécurité juridique, de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité, de la violation de l’obligation de motivation, de la méconnaissance du devoir de sollicitude et d’une erreur de droit lors de l’appréciation de l’intérêt du service.
– Sur la première branche, tirée de la méconnaissance du principe de sécurité juridique
118 Les requérants soutiennent que, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a rejeté le deuxième moyen en méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, en violant des conditions fondamentales de la relation d’emploi ainsi qu’au terme d’une motivation contradictoire et en dénaturant le dossier, les considérations au point 133 de l’arrêt attaqué sont également entachées d’illégalité.
119 Il convient de rappeler que, au point 133 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a, notamment, considéré qu’il ressortait de l’examen du deuxième moyen que la BEI n’avait pas garanti l’immuabilité du régime des rémunérations du personnel, ni spécialement celle des dispositions figurant dans le protocole d’accord et qu’il s’ensuivait que, en adoptant les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011, la BEI n’avait pas violé le principe de sécurité juridique.
120 Force est de constater que, en statuant ainsi, le Tribunal de la fonction publique n’a commis aucune erreur de droit.
121 En effet, le grief des requérants est fondé sur une prémisse erronée, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort notamment des points 52 et 59 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a considéré que le protocole d’accord n’avait pas affecté, indépendamment de sa valeur juridique, la possibilité pour la BEI de modifier unilatéralement la rémunération de son personnel. La BEI n’ayant pas garanti l’immuabilité du régime des rémunérations, la réforme de celui-ci ne saurait, partant, avoir porté atteinte au principe de sécurité juridique.
122 La première branche du quatrième moyen doit donc être rejetée.
– Sur la deuxième branche, tirée de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité
123 À cet égard, il importe de rappeler qu’il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 138 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec, EU:C:2000:361, point 34 ; du 26 juin 2012, Pologne/Commission, C‑335/09 P, Rec, EU:C:2012:385, point 25, et ordonnance du 8 mai 2014, Greinwald/Wessang, C‑608/12 P, EU:C:2014:394, point 31).
124 Ne répond pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un pourvoi ou un moyen qui est trop obscur pour recevoir une réponse (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec, EU:C:2003:527, point 106). Par ailleurs, il convient de rappeler que la seule énonciation abstraite d’un moyen dans un pourvoi, non étayée d’indications plus précises, ne satisfait pas à l’obligation de motiver ledit pourvoi (arrêts du 9 juin 2011, Evropaïki Dynamiki/BCE, C‑401/09 P, Rec, EU:C:2011:370, point 61, et du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission, T‑515/14 P et T‑516/14 P, RecFP, EU:T:2015:844, point 31).
125 En l’occurrence, force est de constater que la quatrième branche de ce moyen ne permet pas de discerner avec suffisamment de clarté le raisonnement juridique des requérants selon lequel le Tribunal de la fonction publique a méconnu le principe de non-rétroactivité, dans la mesure où ils se contentent de citer la prétendue méconnaissance par le Tribunal de la fonction publique dudit principe sans développer, même de manière succincte, les raisons pour lesquelles ce principe aurait été violé.
126 Il doit donc être rejeté comme irrecevable.
– Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation
127 Les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir violé son obligation de motivation, s’agissant de leur argument tiré d’une atteinte à la sécurité juridique et à la prévisibilité, la réforme du régime de la prime ayant emporté une modification substantielle, à peine deux ans après sa conclusion, du protocole d’accord, que les parties ont voulu durable aux fins de préserver la paix sociale.
128 Ainsi qu’il a été rappelé au point 74 ci-dessus, l’obligation pour le Tribunal de la fonction publique de motiver ses arrêts ne lui impose pas de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et au juge de pourvoi de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel.
129 À cet égard, il convient de relever que le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 133 de l’arrêt attaqué ainsi que dans le cadre de l’examen du deuxième moyen invoqué devant lui, que la BEI n’avait pas garanti l’immuabilité du régime des rémunérations, ni spécialement celle des dispositions figurant dans le protocole d’accord, en sorte qu’elle n’avait pas violé le principe de sécurité juridique. Il résulte, ainsi, à suffisance de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a considéré que le protocole d’accord ne faisait pas obstacle à la réforme en cause. Cette motivation est suffisante pour permettre aux requérants de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal de la fonction publique n’a pas retenu leur argumentation et au juge de pourvoi de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel.
130 La troisième branche du quatrième moyen doit donc être écartée.
– Sur la quatrième branche, tirée de la méconnaissance du devoir de sollicitude
131 Les requérants soutiennent que la prise en compte des possibilités budgétaires ne justifie pas que des économies soient faites à la charge du personnel et que le Tribunal de la fonction publique a donc méconnu, au point 134 de l’arrêt attaqué, le devoir de sollicitude.
132 Il convient de rappeler que, au point 134 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rappelé, en faisant référence aux arrêts du 17 décembre 1981, Bellardi-Ricci e.a./Commission (178/80, Rec, EU:C:1981:310, point 19), et du 9 octobre 2007, Bellantone/Cour des comptes (F‑85/06, RecFP, EU:F:2007:171, point 64), que les possibilités budgétaires étaient des facteurs dont l’administration devait tenir compte dans la politique du personnel et que, par conséquent, la volonté de réaliser des économies à charge du personnel n’était pas en soi un motif irrégulier et ne méconnaissait pas non plus par elle-même le devoir de sollicitude.
133 À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte du devoir de sollicitude que la BEI est tenue, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, c’est-à-dire non seulement l’intérêt du service, mais aussi, notamment, celui de l’agent concerné (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 mai 2014, Commission/Macchia, T‑368/12 P, RecFP, EU:T:2014:266, point 49). Le devoir de considérer les intérêts du personnel concernés n’exclut cependant pas de tenir compte des objectifs qui sont défavorables au personnel.
134 C’est donc à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a estimé que, eu égard à la possibilité de tenir compte des possibilités budgétaires, l’objectif de réaliser des économies à charge du personnel n’était pas incompatible avec le devoir de sollicitude.
135 Il y a donc lieu de rejeter la quatrième branche du quatrième moyen.
– Sur la cinquième branche, tirée d’une erreur de droit lors de l’appréciation de l’intérêt du service
136 Les requérants font valoir que la BEI a poursuivi l’objectif d’aligner son budget sur celui des États membres et de marquer une solidarité à l’égard des États membres en poursuivant d’autres intérêts que ceux qui lui avaient été confiés. Ils soutiennent, partant, que le Tribunal de la fonction publique ne pouvait pas considérer que les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 étaient justifiées par l’intérêt du service.
137 Il convient de rappeler que, aux points 135 à 137 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a constaté que les requérants n’avaient produit aucun élément de nature à étayer leur assertion selon laquelle la réforme du régime des primes s’expliquait par un souci de la BEI de témoigner une forme de solidarité avec la situation de certains États membres. En revanche, il a relevé que la BEI avait pour objectif de continuer à allouer prioritairement les ressources aux activités opérationnelles dans un effort durable pour assurer que les objectifs stratégiques de financement soient réalisés tant en termes qualitatifs que quantitatifs. Il a ajouté que la réforme du régime des primes avait été voulue par la BEI pour respecter « les meilleures pratiques [bancaires] » et pour tenir compte des « connotations négatives [...] associées à la notion de prime » dans le secteur bancaire, alors que le régime antérieur des primes ne répondait pas adéquatement aux besoins d’une organisation hautement performante en ce qu’il était notamment fondé sur l’ancienneté. Il a ajouté que le plan d’activité de la BEI pour les années 2012 à 2014 évoquait également, succinctement, le fait que des circonstances économiques et politiques avaient influencé le budget 2012. Enfin, il a indiqué, au point 137 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait du point 82 de l’arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, RecFP, EU:F:2014:16), que, si le souci de tenir compte des mesures d’austérité adoptées dans de nombreux États membres n’était pas absent des préoccupations de la BEI, la décision du 13 décembre 2011 arrêtant le plan d’activité de celle-ci pour les années 2012 à 2014, notamment, était aussi dictée par la volonté de maîtriser l’augmentation du budget consacré au personnel et de s’aligner sur les bonnes pratiques du secteur bancaire dans le contexte général de crise économique et financière, ainsi que de défiance du public envers les institutions bancaires.
138 Le Tribunal de la fonction publique n’a donc nullement constaté que la BEI avait poursuivi l’objectif d’aligner son budget sur celui des États membres et de marquer une solidarité à l’égard de ces derniers.
139 Il s’ensuit qu’il n’est pas établi que la BEI a adopté les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre uniquement dans le souci de faire preuve de solidarité à l’égard de la situation nationale difficile de certains États membres, ayant conduit ceux-ci à réduire le coût salarial de leur fonction publique, et de prendre ainsi en compte des intérêts strictement nationaux.
140 En revanche, il ressort des considérations rappelées au point 137 ci-dessus que la BEI a entendu adapter le régime des primes aux besoins de son service. Si la BEI a également pris en compte des éléments qui n’étaient pas strictement liés à ses tâches, telles que les mesures d’austérité adoptées dans de nombreux États membres, cette circonstance ne permet pas de conclure que la réforme du régime des primes n’était pas justifiée par l’intérêt du service.
141 Dans ces conditions, l’appréciation du Tribunal de la fonction publique figurant au point 138 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il ne peut être soutenu que les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 ne seraient pas justifiées par l’intérêt du service, n’est entachée d’aucune erreur de droit.
142 La cinquième branche doit, par conséquent, être rejetée, ainsi que le quatrième moyen dans son ensemble.
Sur le cinquième moyen, tiré du contrôle défaillant de l’erreur manifeste d’appréciation et de la dénaturation du dossier
143 Le cinquième moyen vise, notamment, les points 164 à 167 de l’arrêt attaqué.
144 Les requérants soutiennent que c’est en méconnaissant le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation et en dénaturant le dossier que le Tribunal de la fonction publique a conclu au rejet du quatrième moyen soulevé devant lui.
145 En premier lieu, il y a lieu d’emblée d’écarter l’argument des requérants selon lequel, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a rejeté leur argumentation selon laquelle le protocole d’accord comportait des éléments essentiels insusceptibles d’être modifiés sans le consentement des agents en méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, en méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi, en commettant une erreur dans la qualification juridique de la lettre d’accompagnement, ainsi qu’au terme d’une motivation contradictoire et en dénaturant le dossier, les considérations au point 164 de l’arrêt attaqué seraient également entachées d’illégalité.
146 En effet, il résulte déjà des considérations exposées dans le cadre de l’examen du deuxième moyen (voir points 46 à 92 ci-dessus) que c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 164 de l’arrêt attaqué, que les instances dirigeantes de la BEI ne s’étaient pas engagées juridiquement à ne pas modifier le protocole d’accord et donc à compenser toute altération de son économie.
147 Il s’ensuit que l’existence d’une modification du protocole d’accord, notamment en ce qui concerne le niveau des mesures compensatoires prévues par celui-ci, ne suffirait pas pour conclure à une erreur manifeste d’appréciation de la part de la BEI.
148 En deuxième lieu, les requérants soutiennent que les considérations du Tribunal de la fonction publique, énoncées au point 165 de l’arrêt attaqué, constituent une méconnaissance de l’erreur manifeste d’appréciation et une dénaturation du dossier.
149 Il convient de rappeler que, au point 165 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a constaté que les requérants n’avaient pas démontré l’insuffisance des mesures compensatoires décidées les 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 d’une manière susceptible d’établir l’existence, en l’espèce, d’une erreur manifeste d’appréciation.
150 Premièrement, l’argument des requérants selon lequel le comité de direction de la BEI a rejeté une partie des mesures compensatoires qui lui avaient été soumises par le département des ressources humaines en accord avec les représentants du personnel ne saurait être accueilli, dès lors que ces derniers ont établi, aux fins du maintien du niveau de compensation fixé par le protocole d’accord, le caractère utilement compensatoire desdites mesures.
151 À cet égard, il suffit de relever que la proposition de ces mesures compensatoires n’était pas susceptible de lier la BEI. En particulier, ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’a jugé, à bon droit, au point 164 de l’arrêt attaqué, le droit des représentants du personnel d’être consultés laisse intactes les prérogatives de décision de l’employeur (arrêt Dunnett e.a./BEI, point 98 supra, EU:T:2001:72, point 89).
152 Deuxièmement, il convient de rejeter l’argument des requérants selon lequel le fait que les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 dont l’illégalité est excipée sont de portée générale ne vide pas, en principe, toute simulation produite par eux de sa nature probatoire à leur égard, contrairement à ce qui ressortirait du point 166 de l’arrêt attaqué.
153 Il y a lieu de rappeler que, au point 166 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a, d’abord, indiqué que les requérants avaient produit une simulation dont il résultait que, sur une carrière entière, le nouveau régime des récompenses serait bénéfique pour trois des requérants, à savoir Mme Heger, MM. Bodson et Sutil, et désavantageux pour les cinq autres requérants, quoique de manière peu significative pour trois d’entre eux. Il a, ensuite, jugé que les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 ayant une portée générale, il ne saurait dès lors être inféré de cette simulation que celles-ci seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.
154 Il convient de préciser que, au point 166 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique n’a pas encore apprécié la crédibilité de la simulation produite par les requérants, mais a examiné le contenu de ladite simulation. Il a constaté que, selon cette simulation, le nouveau régime des primes n’affectait pas les requérants de la même manière : alors qu’il serait bénéfique pour les uns, il serait plus ou moins désavantageux pour les autres. Au vu de cette analyse dudit contenu, qui n’est pas contestée par les requérants dans le pourvoi, et de la portée générale des décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011, le Tribunal de la fonction publique a estimé que la simulation en question ne permettait pas de conclure à une erreur manifeste d’appréciation.
155 Ces considérations ne sont pas entachées d’erreurs de droit. En effet, à supposer même que la simulation produite par les requérants soit crédible, le fait que la réforme du régime s’avère désavantageuse pour une partie du personnel ne saurait remettre en cause la légalité de cette réforme, puisque la BEI n’était pas obligée de maintenir le niveau antérieur des primes.
156 Troisièmement, l’argument des requérants selon lequel le fait que le nouveau régime des primes est dépourvu de stabilité ne nuirait pas à la crédibilité de la simulation produite par eux doit également être rejeté.
157 À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 167 de l’arrêt attaqué, que, dès lors que le nouveau régime de récompense était caractérisé par son caractère discrétionnaire et sa variabilité, la simulation produite par les requérants et sur laquelle ceux-ci se fondaient était nécessairement trop aléatoire pour étayer, au vu des résultats de cette simulation, l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans le chef de la BEI.
158 Ainsi, le Tribunal de la fonction publique a, principalement, apprécié la valeur probante de la simulation produite par les requérants. L’argument de ces derniers tiré, en substance, de ce que le Tribunal de la fonction publique a, à cet égard, dénaturé les preuves ne saurait prospérer. En effet, il n’existe pas de pièces du dossier laissant apparaître de manière manifeste, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves, une telle dénaturation, notamment relative au manque de crédibilité de ladite simulation.
159 Quatrièmement, il convient d’écarter l’argument des requérants selon lequel, à supposer même que la nature d’instabilité du nouveau régime des primes nuise à la crédibilité de la simulation produite par les requérants, le Tribunal de la fonction publique aurait dû considérer, en poursuivant son raisonnement jusqu’à son terme, que cette instabilité aurait empêché la BEI d’apprécier le caractère compensatoire des mesures adoptées, ce qui aurait nécessairement signifié une erreur manifeste d’appréciation de la BEI.
160 En effet, au regard de l’objectif poursuivi, notamment, par la réforme du régime des primes de réduire le caractère automatique de leur allocation (voir point 117 de l’arrêt attaqué), le caractère discrétionnaire et la variabilité du nouveau régime ne sauraient être constitutifs d’une erreur manifeste d’appréciation. De surcroît, ainsi qu’il a déjà été exposé au point 146 ci-dessus, la BEI ne s’était pas engagée à maintenir le niveau de compensation prévu par le protocole d’accord. Il n’était donc pas nécessaire, pour la BEI, d’apprécier le caractère compensatoire futur du nouveau régime des primes à l’égard de chacun des requérants.
161 Cinquièmement, dans la mesure où les requérants soutiennent que c’est en dénaturant le dossier que le Tribunal de la fonction publique leur a fait grief, au point 167 de l’arrêt attaqué, de ne pas avoir explicité la simulation qu’ils ont produite, cet argument ne saurait être retenu.
162 Il convient de rappeler que, au point 167 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a constaté que, bien qu’invités dans le rapport préparatoire d’audience à expliciter par écrit la simulation susmentionnée en précisant notamment les données sur lesquelles elle se fondait, les requérants s’étaient limités à renvoyer à la liste des annexes de la requête et au mémoire en réplique en première instance, alors que la BEI avait contesté précisément les éléments figurant dans ces documents.
163 Les requérants soutiennent toutefois qu’ils avaient apporté, notamment dans le mémoire en réplique en première instance, des précisions relatives à la définition des paramètres qui répondaient à la position adoptée par la BEI dans le mémoire en défense et le mémoire en duplique en première instance.
164 Force est de constater que les requérants se contentent de prétendre qu’ils avaient fourni des précisions dans le mémoire en réplique en première instance, mais ne contestent pas ne pas avoir fourni les précisions sollicitées par le Tribunal de la fonction publique à la suite du rapport préparatoire d’audience.
165 Ainsi, si le Tribunal de la fonction publique a estimé, dans le cadre de l’évaluation de la crédibilité de la simulation produite par les requérants, que le renvoi à la liste d’annexes de la requête et du mémoire en réplique en première instance n’était pas suffisant pour expliciter, au regard des observations de la BEI qui contestaient les éléments figurant dans ces documents, les données sur lesquelles était fondée ladite simulation, cette appréciation ne saurait constituer une dénaturation des faits ou des preuves.
166 Il s’ensuit que la conclusion du Tribunal de la fonction publique selon laquelle la simulation produite par les requérants n’était pas susceptible de démontrer l’insuffisance des mesures compensatoires n’est pas fondée sur une dénaturation des faits ou des preuves et ne constitue pas une méconnaissance du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.
167 En troisième lieu, s’agissant de l’affirmation des requérants selon laquelle la BEI n’a nullement pris en considération l’intérêt des membres de son personnel et, singulièrement, le leur, il suffit de rappeler que le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 169 de l’arrêt attaqué, sans que ceux-ci le contestent, que « [l]e caractère absolu de cette affirmation [était] […] démenti par les discussions menées par le département des ressources humaines avec les représentants du personnel, ainsi que par l’existence même de mesures compensatoires assortissant précisément la réforme du régime des primes. »
168 Il résulte de ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté ainsi que le pourvoi dans son ensemble.
Sur la demande de production de documents
169 Les requérants demandent au Tribunal d’inviter la BEI à produire le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de la BEI du 13 décembre 2011 ainsi que les projets établis par le département des ressources humaines en date des 22 juin 2011 (RH/P & O/2011-119), 20 octobre 2011 (RH/P & O/2011-74) et 25 janvier 2012.
170 Il suffit de relever que, eu égard aux considérations énoncées dans le cadre du premier moyen, la demande de production de documents réitérée dans le cadre du présent pourvoi est dénuée de toute pertinence.
Sur les dépens
171 Conformément à l’article 211, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.
172 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 213, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
173 Les requérants ayant succombé en leurs conclusions et la BEI ayant conclu en ce sens, ils supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la BEI dans le cadre de la présente instance.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Bodson et les autres requérants dont les noms figurent en annexe supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Banque européenne d’investissement (BEI) dans le cadre de la présente instance.
Kanninen | Martins Ribeiro | Gratsias |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 février 2016.
Signatures
ANNEXE
Dalila Bundy, demeurant à Cosnes-et-Romain (France),
Didier Dulieu, demeurant à Roussy-le-Village (France),
Marie-Christel Heger, demeurant à Nospelt (Luxembourg),
Evangelos Kourgias, demeurant à Senningerberg (Luxembourg),
Manuel Sutil, demeurant à Luxembourg,
Patrick Vanhoudt, demeurant à Gonderange (Luxembourg),
Henry von Blumenthal, demeurant à Bergem (Luxembourg).
Table des matières
Cadre juridique
Faits à l’origine du litige
Procédure en première instance et arrêt attaqué
Sur le pourvoi
Procédure et conclusions des parties
En droit
Observations liminaires
Sur le premier moyen, tiré d’une irrégularité de la procédure
Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi, de la qualification juridique erronée du protocole d’accord, de la dénaturation du dossier et de la violation de l’obligation de motivation
– Sur la première branche, tirée de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire ainsi que de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi
– Sur la deuxième branche, tirée de la dénaturation et de la qualification juridique erronée de la lettre d’accompagnement
– Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation et de la qualification juridique erronée du protocole d’accord
– Sur la quatrième branche, tirée de l’examen incomplet des pièces du dossier et de la dénaturation de ce dernier
Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance des droits acquis et la violation de l’obligation de motivation ainsi que de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et d’une dénaturation du dossier
– Sur la première branche, tirée de la méconnaissance des droits acquis
– Sur la deuxième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation
– Sur la troisième branche, tirée d’une méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et d’une dénaturation du dossier
Sur le quatrième moyen, tiré de la méconnaissance des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité, du devoir de sollicitude et de la violation de l’obligation de motivation
– Sur la première branche, tirée de la méconnaissance du principe de sécurité juridique
– Sur la deuxième branche, tirée de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité
– Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation
– Sur la quatrième branche, tirée de la méconnaissance du devoir de sollicitude
– Sur la cinquième branche, tirée d’une erreur de droit lors de l’appréciation de l’intérêt du service
Sur le cinquième moyen, tiré du contrôle défaillant de l’erreur manifeste d’appréciation et de la dénaturation du dossier
Sur la demande de production de documents
Sur les dépens
* Langue de procédure : le français.
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