Commission v CX (Judgment) French Text [2016] EUECJ T-493/15 (27 October 2016)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/T49315.html
Cite as: EU:T:2016:636, ECLI:EU:T:2016:636, [2016] EUECJ T-493/15

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ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

27 octobre 2016 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire – Révocation – Droit d’être entendu – Article 22 de l’annexe IX du statut – Erreurs de droit – Dénaturation des éléments de preuve – Examen incomplet des faits et des éléments de preuve »

Dans l’affaire T‑493/15 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 18 juin 2015, CX/Commission (F‑5/14, EU:F:2015:61), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Commission européenne, représentée par Mmes C. Ehrbar et F. Simonetti, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

CX, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Enghien (Belgique), représenté par Me É. Boigelot, avocat,

partie demanderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, S. Papasavvas (rapporteur) et G. Berardis, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 18 juin 2015, CX/Commission (F‑5/14, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:F:2015:61), par lequel celui-ci a annulé sa décision du 16 octobre 2013, infligeant à CX la sanction de révocation sans réduction pro tempore de sa pension.

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits qui sont à l’origine du litige sont énoncés aux points 3 à 34 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

« 3       [CX] est entré au service de la Commission en qualité de fonctionnaire stagiaire de grade A 8 le 1er septembre 1996. Il a occupé différents postes d’administrateur dans le domaine de la communication et était affecté, en dernier lieu, à la direction générale (DG) “Communication”, direction “Citoyens”, au sein de l’unité “Information des citoyens et communication interne”, en tant que fonctionnaire de grade AD 9.

4      En 2001, la Commission a lancé sous le nom “Eurobaromètre [p]ays [c]andidats” une série de sondages dans les États qui étaient alors candidats à l’adhésion à l’Union européenne. La mise en œuvre de ces sondages a été confiée à la société Gallup Hongrie dans le cadre d’un contrat-cadre “Eurobaromètre [p]ays [c]andidats”. De 2001 à 2003, [CX] a été en charge dudit contrat-cadre.

5      Le 30 octobre 2009, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert une enquête portant sur les activités de [CX], soupçonné de se trouver dans une “situation de conflit d’intérêts/corruption dans le cadre de marchés de communication”. [CX] en a été informé le 15 avril 2010.

6      Le 18 avril 2012, l’OLAF a adopté son rapport d’enquête final dans lequel il a constaté une série d’irrégularités imputables à [CX] (ci‑après le “rapport d’enquête de l’OLAF”).

7      Par une note du 23 avril 2012 intitulée “Recommandation en vue de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à la suite d’une enquête de l’OLAF”, l’OLAF a remis son rapport d’enquête au secrétaire général de la Commission et l’a invité à ouvrir une procédure disciplinaire à l’égard de [CX]. En outre, dans sa note, l’OLAF a précisé au secrétaire général de la Commission que le rapport d’enquête était également transmis au procureur fédéral de Bruxelles (Belgique) en vue d’éventuelles poursuites judiciaires.

8      Le 5 juin 2012, à la suite d’une procédure disciplinaire qui avait été ouverte le 21 mai 2010 pour des manquements différents de ceux en cause dans la présente affaire, commis en 2007 et en 2008, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’“AIPN”) a infligé à [CX] la sanction de la rétrogradation dans le même groupe de fonctions (ci‑après la “décision de rétrogradation du 5 juin 2012”). La décision de rétrogradation a fait l’objet d’un recours enregistré au greffe du Tribunal sous la référence F‑27/13 (ci‑après l’“affaire F‑27/13”).

9      À partir du mois de juin 2012, [CX] a été en congé de maladie sans discontinuer jusqu’à sa révocation, exception faite de deux jours au cours du mois de février 2013.

10      Le 31 juillet 2012, au vu du rapport d’enquête de l’OLAF, l’AIPN a confié à l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) un mandat afin de procéder à l’audition de [CX] au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut. Par note du 7 septembre 2012, l’IDOC a communiqué à [CX] notamment une copie du rapport d’enquête de l’OLAF et l’a convié à une audition le 10 octobre 2012. [CX] a introduit, le 9 octobre 2012, une réclamation contre le mandat d’audition et ne s’est pas présenté à l’audition prévue le lendemain. Par décision du 13 décembre 2012, l’AIPN a rejeté la réclamation comme irrecevable, faute d’acte faisant grief. [CX] ne s’est pas rendu à la nouvelle audition devant l’IDOC prévue le 19 novembre 2012 et a expliqué à l’IDOC, dans un courriel du 19 février 2013, qu’il se trouvait, au moment où il avait été convoqué, “dans une situation médicale grave” et dans “l’incapacité médicale la plus totale, attestée par [s]es médecins traitants [ainsi qu’à plusieurs reprises] par le médecin‑conseil de la Commission, de répondre […] aux convocations”. Dans ce courriel, [CX] a également indiqué que “la multiplication et la simultanéité de[s] procédures [disciplinaires étaient], dans [s]on état de santé, de nature à [l]’empêcher d’exercer correctement [s]es droits de [la] défense”.

11      Le 7 février 2013, sur la base du rapport d’enquête de l’OLAF, l’AIPN a décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’égard de [CX] et a transmis à cette fin un rapport au conseil de discipline au titre de l’article 12 de l’annexe IX du statut.

12      Par courriel du 20 mars 2013, le secrétariat du conseil de discipline a contacté [CX] pour fixer une date d’audition devant ledit conseil, en lui indiquant qu’il “a[vait] bien noté [son] congé de maladie, mais [que] la procédure [disciplinaire] d[evait] se poursuivre […], l’avis du [c]onseil de discipline d[evant] normalement être rendu deux mois après la saisine par l’AIPN, soit le 7 avril 2013”. Par courriel du même jour, [CX] a répondu que, dans son état de santé actuel, il n’était pas en mesure de se défendre et a demandé un report de l’audition devant le conseil de discipline.

13      Le 19 avril 2013, le service médical de la Commission a convoqué [CX] à une visite médicale le 21 mai suivant, au titre de l’article 78 du statut relatif à l’invalidité. Le 13 mai 2013, ledit service a “reporté [ce rendez‑vous] à une date ultérieure”.

14      L’audition de [CX] devant le conseil de discipline a finalement eu lieu le 21 mai 2013. Le 5 juin 2013, le conseil de discipline a rendu son avis, dans lequel il s’est prononcé en faveur de la sanction disciplinaire de la révocation sans réduction pro tempore de la pension.

15      Le 6 juin 2013, soit le lendemain de l’adoption de l’avis du conseil de discipline du 5 juin 2013, l’AIPN a convoqué [CX] à une audition au titre de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut (ci‑après l’“audition disciplinaire”) le 1er juillet 2013 devant l’AIPN tripartite, composée du directeur général de la DG “Ressources humaines et sécurité”, du directeur général de la DG “Communication” et du directeur général de la DG “Environnement”.

16      Par courriel du 12 juin 2013, l’avocat de [CX] a indiqué au directeur de l’IDOC qu’il n’était pas disponible le 1er juillet 2013, date prévue pour l’audition disciplinaire devant l’AIPN tripartite, mais qu’il était disponible, le cas échéant, le 8 juillet suivant.

17      Par courriel du 13 juin 2013, [CX] a demandé au directeur de l’IDOC une suspension de la procédure disciplinaire en expliquant que “[s]on état de santé [lui] interdi[sait] […] de déférer à une convocation à [une audition disciplinaire devant] l’AIPN tripartite” et qu’il “n[‘était] pas davantage en état de transmettre des observations écrites”. Il lui a également demandé quelles démarches il devait accomplir si l’AIPN n’accédait pas à sa demande de suspension de la procédure disciplinaire. Il a joint à ce courriel un certificat médical du 10 juin 2013 dont il a occulté les informations à caractère médical, car relevant du secret médical, en demandant dans son courriel à qui et comment il devait communiquer le document complet contenant les informations médicales.

18      Dans le certificat médical du 10 juin 2013, le médecin traitant de [CX] précisait qu’il envisageait une hospitalisation et que [CX] “n’a[vait] plus [alors] la capacité de faire face à la succession d’étapes administratives […], [qu’il] ne compren[ait] pas ce qui lui [était] reproché et [qu’il] n’[était] clairement pas en mesure d’assurer son droit à se défendre, et ce au moins depuis septembre 2012”. Le médecin traitant de [CX] concluait qu’il “[lui] parai[ssai]t donc nécessaire de suspendre [momentanément] tous [les] actes […] concernant [CX] jusqu’à ce qu’une amélioration sensible de son état puisse être constatée” (ci‑après le “certificat médical du 10 juin 2013”).

19      En réponse au courriel de [CX] du 13 juin 2013, le directeur de l’IDOC a, par lettre du 14 juin 2013, informé [CX] de ce que “[l’AIPN] décidera[it] des suites à réserver à [sa] demande [de suspension de la procédure disciplinaire] […] au vu de l’avis médical qui sera[it] rendu par le [d]octeur [A.‑G., médecin‑conseil de la Commission]”.

20      Par lettre du 27 juin 2013, l’AIPN a indiqué à [CX] que, après l’avoir examiné le 26 juin 2013, le docteur A.‑G., médecin‑conseil de la Commission, avait estimé que son état de santé n’empêchait pas le bon déroulement de la procédure disciplinaire. Selon l’AIPN, il n’y avait donc pas lieu de suspendre ladite procédure.

21      Par courriel du 1er juillet 2013, [CX] a contesté avoir fait l’objet d’un examen médical le 26 juin 2013 par le docteur A.‑G. Il a, en outre, demandé à l’AIPN, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut :

“[–      premièrement,] de suspendre, dans [la] procédure [disciplinaire], tous [les] actes [le] concernant jusqu’à ce que [sa] situation médicale se soit sensiblement améliorée, ainsi qu’établi par [son médecin traitant ;]

[–      deuxièmement,] le cas échéant, de réunir une commission médicale ad hoc pour trancher la question[ ;]

[–      troisièmement,] de [lui] permettre l’accès, que ce soit directement ou par l’entremise d’un de [s]es médecins traitants, à l’ensemble de [son] dossier médical, et notamment aux notes du [d]octeur [F., médecin‑conseil de la Commission qui avait suivi son dossier avant le docteur A.‑G. ;]

[–      quatrièmement,] de [lui] expliquer pourquoi la procédure d’invalidité […] a[vait] été ouverte puis suspendue sine die, et de [lui] transmettre tous les documents, instructions et décisions [à cet égard.]

[…]”

22      Par lettre du 2 juillet 2013, l’AIPN a convoqué une nouvelle fois [CX] à une audition disciplinaire, le 19 juillet 2013, en précisant qu’il pouvait faire parvenir des observations écrites jusqu’au 17 juillet 2013.

23      Par courriel du 3 juillet 2013, le docteur A.‑G., en sa qualité de médecin‑conseil de la Commission chargé du contrôle des absences pour maladie, a indiqué à l’IDOC que [CX] lui avait précisé par téléphone qu’il “avait ou allait contester [la lettre du 27 juin 2013 et] qu’il avait [fait ou] allait [faire] une demande d’arbitrage puisque son médecin ne voulait pas qu’il soit entendu [par l’AIPN tripartite, alors] que [lui‑même, le docteur A.‑G,] suite à l’expertise [du docteur S., avait dit] qu’il pouvait se présenter [devant celle‑ci]”. Dans ce courriel, le docteur A.‑G. précisait également qu’à la “suite [de] cet échange téléphonique [il] a[vait] contacté [l’IDOC] pour savoir s[‘il fallait] tenir compte de [la] demande [de CX] ou [non]”.

24      Par courriel du 17 juillet 2013, l’avocat de [CX] a indiqué que celui‑ci avait été examiné, le 26 juin 2013, par le docteur S., médecin externe à la Commission, et non par le médecin‑conseil de la Commission, le docteur A.‑G. L’avocat de [CX] a également dénoncé la “précipitation” de l’AIPN et le report sine die et sans justification de l’ouverture de la procédure d’invalidité. Il a demandé à nouveau une suspension de la procédure disciplinaire en raison de l’état de santé de [CX]. Il a, en outre, déploré le fait que la date de l’audition disciplinaire devant l’AIPN tripartite avait été fixée pendant la période des vacances judiciaires et a indiqué qu’il était à l’étranger et ne pourrait pas y assister. Il a constaté que le service médical de la Commission n’avait pas pris connaissance des informations d’ordre médical figurant dans le certificat médical du 10 juin 2013, lesquelles avaient été occultées dans la version transmise à l’administration le 13 juin 2013, car relevant du secret médical. Enfin, il a souligné le fait que [CX] n’avait pas reçu l’avis du médecin externe, le docteur S., ni du médecin‑conseil de la Commission, le docteur A.‑G., et en a demandé une copie.

25      Par courriel du 18 juillet 2013, le directeur de l’IDOC a informé [CX] que l’AIPN avait décidé de confirmer son refus de suspendre la procédure disciplinaire et l’a invité à contacter directement le service médical pour lui indiquer les coordonnées du médecin qu’il désignait pour recevoir copie de l’expertise médicale.

26      Le 19 juillet 2013, ni [CX] ni son conseil n’étaient présents à l’audition disciplinaire devant l’AIPN tripartite.

27      Par certificat médical du 26 juillet 2013, le médecin traitant de [CX] a constaté que l’état de santé de celui‑ci se dégradait.

28      Au cours de l’été 2013, [CX] a introduit une demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre de l’article 73 du statut.

29      Par décision du 16 octobre 2013 (ci‑après la “décision attaquée”), l’AIPN a considéré que [CX] avait commis entre 2001 et 2004 deux “fautes lourdes en violation de [l’]articl[e] 11[, paragraphe] 1[, et des articles] 12 et 21 du statut, des articles 52 et 79 du règlement financier et de l’article 98 des modalités d’exécution, tels qu’en vigueur à l’époque”. Il s’agissait, selon l’AIPN, de manquements d’une “particulière gravité”, à savoir, d’une part, “la négociation non autorisée et clandestine d[’un] marché”, laquelle avait consisté en l’envoi d’un courriel confidentiel, le 6 septembre 2001, à la société Gallup Hongrie par lequel [CX] proposait à cette société d’inclure dans son offre des dépenses supplémentaires, de l’ordre de 2 000 euros, sous couvert de 0,5 unité de questions pour la préparation des questionnaires du sondage. Il s’agissait, d’autre part, de “la création et [de] l’aggravation d’une situation de conflit d’intérêts”. À cet égard, l’AIPN a fait notamment référence à un courriel du 24 juin 2003 par lequel [CX] a proposé au consortium EORG/INRA, prestataire désigné pour assurer la traduction en français du rapport final établi par la société Gallup Hongrie, de sous‑traiter le travail de traduction à “une société de traduction ‘amie’”, la société N2M Euroconsulting, créée par Mme M., laquelle se trouvait être, à cette époque, la compagne de [CX]. Après avoir estimé, dans ses observations finales, que “la sanction recommandée par le [c]onseil de discipline [était] la sanction appropriée”, l’AIPN a décidé d’infliger à [CX] la sanction disciplinaire de la révocation sans réduction pro tempore de la pension, au titre de l’article 9, paragraphe 1, sous h), de l’annexe IX du statut.

30      Par note du 16 octobre 2013, le directeur général de la DG “Ressources humaines et sécurité” a transmis à [CX] la décision attaquée, en l’informant également du fait qu’il avait ouvert une troisième procédure disciplinaire à son égard, portant sur les “faits actuellement soumis à l’appréciation des juridictions belges”, et qu’il avait décidé de suspendre cette procédure disciplinaire “dans l’attente du résultat de la procédure pénale”.

31      Le 3 décembre 2013, [CX] a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision attaquée.

32      Par requête parvenue au greffe du Tribunal [de la fonction publique] le 17 janvier 2014, soit le même jour que la requête au fond dans la présente affaire, [CX] a demandé la suspension de l’exécution de la décision attaquée. Par ordonnance du 13 février 2014 (CX/Commission, F‑5/14 R, EU:F:2014:21), le président du[dit] Tribunal a rejeté cette demande et a réservé les dépens.

33      Par décision du 31 mars 2014, l’AIPN a rejeté la réclamation de [CX].

34      Par arrêt du 18 juin 2015 (CX/Commission, F‑27/13, EU:F:2015:60), le Tribunal [de la fonction publique] a rejeté le recours introduit par [CX] contre la décision de rétrogradation du 5 juin 2012. »

 Procédure en première instance

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 17 janvier 2014 et enregistrée sous la référence F‑5/14, CX a introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 16 octobre 2013 par laquelle la Commission lui a infligé la sanction de la révocation sans réduction pro tempore de ses droits de pension (ci-après la « décision de révocation ») et, d’autre part, à la condamnation de la Commission à réparer les préjudices qu’il estimait avoir subis. Il a, en outre, fait une demande d’anonymat à laquelle il a été fait droit.

4        L’audience a eu lieu le 18 septembre 2014. Au cours de celle-ci, le Tribunal de la fonction publique a fait droit à une demande de CX visant au versement au dossier de l’affaire de deux documents datés des 2 et 17 juillet 2014, relatifs à une procédure pénale impliquant ce dernier, laquelle était en cours devant le juge d’instruction du tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique). Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a demandé aux parties de se prononcer, par écrit, sur l’incidence desdits documents, au regard de l’article 25 de l’annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), concernant le recours devant lui. Les parties ont déféré à cette demande dans les délais impartis.

5        La phase orale de la procédure a été clôturée le 21 novembre 2014.

6        Par lettre du 26 novembre 2014, les parties ont été informées que l’audience de prononcé de l’arrêt mettant fin à l’instance avait été fixée au 11 décembre 2014.

7        Par lettre du 10 décembre 2014, les parties ont été informées que l’audience pour le prononcé de l’arrêt avait été reportée à une date ultérieure qui leur serait communiquée en temps utile.

8        Par ordonnance du 6 février 2015, le Tribunal de la fonction publique, estimant nécessaire de procéder à une mesure d’organisation de la procédure, au titre de l’article 68, sous a), et de l’article 69, paragraphe 1, de son règlement de procédure, a rouvert la procédure orale, conformément à l’article 64, paragraphe 2, de ce même règlement. Ainsi, les parties ont été invitées à prendre position sur l’application, en l’espèce, de l’article 59, paragraphe 1, du statut et sur les conséquences qui en découlaient, en particulier quant au respect de l’obligation d’entendre le fonctionnaire concerné, conformément à l’article 22 de l’annexe IX dudit statut, avant de pouvoir clôturer la procédure disciplinaire ouverte à son égard. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti. Par ailleurs, les observations de CX, parvenues au greffe du Tribunal de la fonction publique après l’expiration du délai fixé à cet effet, ont été versées au dossier de l’affaire.

9        La phase orale de la procédure a été clôturée le 19 mai 2015.

 Arrêt attaqué

10      À l’appui de ses conclusions en annulation, CX invoquait dix moyens, tirés, en substance, le premier, de ce que la décision de révocation reposait sur des faits non établis et était entachée d’une violation des droits de la défense, d’une erreur de base juridique et d’une erreur manifeste d’appréciation ; le deuxième, de la violation de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, de la violation de l’article 4, paragraphe 4, de la décision C(2004) 1588 final/4 de la Commission, du 28 avril 2004, portant dispositions générales d’exécution relatives aux enquêtes administratives et aux procédures disciplinaires, applicable au litige, de la violation de l’obligation de motivation et du devoir de sollicitude ainsi que des droits de la défense et du principe de protection de la confiance légitime ; le troisième, de l’inexistence du rapport d’enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et de la violation de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut ; le quatrième, de la violation du principe d’impartialité et de la présomption d’innocence ainsi que d’un détournement de pouvoir ; le cinquième, de ce que l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) aurait dû consulter l’instance spécialisée en matière d’irrégularités financières avant de soumettre son rapport à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») et n’aurait pas conduit une enquête approfondie ; le sixième, d’une insuffisance de motivation ; le septième, de la violation du principe selon lequel « le pénal tient le disciplinaire en l’état », repris à l’article 25 de l’annexe IX du statut ; le huitième, du non-respect du délai prévu par l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut ; le neuvième, d’une violation des principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation et, enfin, le dixième, du non-respect d’un délai raisonnable entre la date des faits reprochés et celle de l’ouverture de la procédure disciplinaire ainsi que de la prescription de la responsabilité disciplinaire.

11      À l’appui de ses conclusions indemnitaires, CX demandait la réparation du préjudice prétendument subi, de nature « matériel, médical, familial, professionnel et moral confondu, […] que la seule annulation [de la décision de révocation] ne suffi[rait] pas à compenser », lequel résulterait des différentes illégalités et irrégularités commises par la Commission, telles que décrites dans les moyens d’annulation.

12      S’agissant, en premier lieu, de la demande en annulation, le Tribunal de la fonction publique a estimé qu’il y avait lieu d’examiner par priorité le deuxième moyen soulevé à son appui et, en particulier, les griefs tirés de la violation du droit d’être entendu et du devoir de sollicitude, invoqués dans le cadre de la première branche dudit moyen. À cet égard, aux points 61 à 63 de l’arrêt attaqué, il a tout d’abord rappelé les dispositions de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et du statut pertinentes, relatives au droit d’être entendu et à sa mise en œuvre dans le cadre de la procédure disciplinaire par l’article 4 et l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX dudit statut. Il a ensuite relevé, au point 64 dudit arrêt, que, selon la jurisprudence, le fait de ne pas avoir entendu l’intéressé conformément à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut n’entraînait pas l’annulation de la décision lui imposant une sanction disciplinaire, si ce manquement était imputable à l’intéressé lui-même. Ainsi, ledit Tribunal a considéré qu’il lui appartenait de vérifier, à l’aune desdites dispositions de la Charte, du statut et de la jurisprudence en cause, si les éléments apportés à cet égard par l’administration démontraient que le défaut d’audition était imputable à l’intéressé, lorsque celui-ci avait produit un certificat médical justifiant valablement son absence.

13      Dans un premier temps, le Tribunal de la fonction publique a rappelé qu’il était constant que CX n’était ni présent ni représenté lors de l’audition disciplinaire devant l’AIPN dans sa formation tripartite (ci-après l’« AIPN tripartite ») et qu’il n’avait pas non plus soumis d’observations écrites en vue de cette audition. À cet égard, en réponse aux arguments de la Commission selon lesquels ce manquement aurait été imputable à CX et, en tout état de cause, le certificat médical du 10 juin 2013 produit par ce dernier (ci-après le « certificat litigieux ») n’était pas conforme aux conditions de forme et de procédure prévues par l’article 59 du statut et par la décision C(2004) 1597 de la Commission, du 28 avril 2004, portant création des dispositions d’application en matière d’absence pour maladie ou accident, publiée aux Informations administratives n° 92-2004 du 6 juillet 2004, le Tribunal de la fonction publique a tout d’abord relevé que l’AIPN n’avait pas entendu se prévaloir, lors de la procédure administrative, d’irrégularités formelles dudit certificat.

14      Le Tribunal de la fonction publique a rappelé, ensuite, à titre surabondant, que, lorsque CX avait reçu, le 6 juin 2013, la convocation pour une audition disciplinaire devant l’AIPN tripartite le 1er juillet 2013, il était en congé de maladie depuis un an et qu’il invoquait depuis plusieurs mois des difficultés à se défendre en raison de son état de santé. À cet égard, il a cité un courriel adressé à l’IDOC le 19 février 2013, dans lequel il faisait valoir que « la multiplication et la simultanéité de[s] procédures [disciplinaires étaient], dans [s]on état de santé, de nature à [l]’empêcher d’exercer correctement [s]es droits de [la] défense », ainsi qu’une demande de report de l’audition devant le conseil de discipline, du 20 mars 2013, en raison de son état de santé. Le Tribunal de la fonction publique a relevé, par ailleurs, que, au mois d’avril 2013, les services de la Commission avaient envisagé l’ouverture d’une procédure d’invalidité au titre de l’article 78 du statut et qu’ils avaient convoqué CX à une visite médicale, laquelle avait été reportée sine die. Il a observé, en outre, que l’intéressé avait reçu, la veille de sa convocation, à savoir le 5 juin 2013, l’avis du conseil de discipline se prononçant en faveur de la sanction disciplinaire de la révocation sans réduction pro tempore de la pension.

15      Le Tribunal de la fonction publique en a déduit que l’AIPN avait connaissance de la situation de CX avant de le convoquer à l’audition disciplinaire devant l’AIPN tripartite et que rien ne lui permettait de mettre en cause le bien-fondé de l’attestation de nature médicale faisant état de l’incapacité de CX d’assurer son droit à se défendre. De surcroît, il a constaté que, ainsi qu’il l’avait rappelé au point 68 de l’arrêt attaqué, à la suite de l’envoi par CX du certificat litigieux, l’AIPN tripartite avait fait convoquer ce dernier pour une visite médicale visant précisément à contrôler son état de santé.

16      Dans un second temps, le Tribunal de la fonction publique a observé que la circonstance que l’avocat de CX ou CX lui-même avaient rédigé des écritures dans le cadre des procédures précontentieuse et contentieuse de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 juin 2015, CX/Commission (F‑27/13, EU:F:2015:60), ou devant le conseil de discipline dans le cadre de la présente affaire, au demeurant à d’autres périodes qu’aux mois de juin et juillet 2013, n’était pas à elle seule de nature à remettre en cause le contenu du certificat litigieux. Notamment, il a considéré que cela ne permettait pas de démontrer que l’état de santé de CX lui aurait permis de se défendre effectivement devant l’AIPN tripartite et qu’il était donc en mesure d’être entendu utilement dans le cadre de la procédure disciplinaire, ni qu’il était en mesure de formuler des observations écrites, en particulier compte tenu de l’avis rendu par le conseil de discipline recommandant à l’AIPN de lui infliger la sanction de la révocation. Il a estimé que, pour les mêmes motifs, le fait que CX ait été présent lors de l’audition devant le conseil de discipline ou la circonstance qu’il ait rédigé le courriel du 13 juin 2013 n’étaient pas non plus de nature à contredire le contenu du certificat litigieux.

17      En outre, le Tribunal de la fonction publique a constaté qu’aucune disposition du statut ni plus particulièrement de son annexe IX n’obligeait le fonctionnaire convoqué à une audition disciplinaire devant l’AIPN à faire figurer, dans un éventuel certificat médical justifiant de son incapacité à participer à cette audition, la mention expresse visant l’interdiction de sortie ou l’incapacité de se déplacer. Dès lors, l’absence de mention d’une telle interdiction médicale de sortie dans le certificat litigieux ne permettait pas, en tant que telle, de conclure que, en l’espèce, l’état de santé de CX était tel qu’il lui permettait de se présenter devant l’AIPN pour assurer la défense de ses droits dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte à son égard. Compte tenu des termes dudit certificat, le Tribunal de la fonction publique a estimé que celui-ci couvrait nécessairement au moins la première date prévue pour l’audition devant l’AIPN tripartite, à savoir le 1er juillet 2013, et le 19 juillet 2013, seconde date prévue à cette fin. Ledit Tribunal a donc constaté, d’une part, que CX avait dûment et valablement informé l’AIPN de son incapacité à comparaître devant l’AIPN tripartite et à produire des observations écrites au moyen du certificat litigieux et, d’autre part, que, en pareilles circonstances, il aurait incombé à la Commission de démontrer, au moyen d’un autre avis médical ou d’un solide faisceau d’indices concordants, que le fonctionnaire malade pouvait au contraire se rendre à ladite audition et utilement défendre sa cause.

18      À cet égard, premièrement, le Tribunal de la fonction publique a constaté que, par courriel du 1er juillet 2013, CX avait, d’une part, contesté l’avis prétendument contraire du médecin externe, le docteur S., qui l’aurait examiné le 26 juin 2013 sur mandat de l’AIPN et, d’autre part, demandé à l’AIPN, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, notamment de réunir une « commission médicale ad hoc » pour décider d’une éventuelle suspension de la procédure disciplinaire jusqu’à ce que son état de santé se soit amélioré, comme cela avait été sollicité par son médecin traitant dans le certificat litigieux.

19      Deuxièmement, le Tribunal de la fonction publique a rappelé, au point 80 de l’arrêt attaqué, les termes de l’article 59, paragraphe 1, cinquième et sixième alinéas, du statut et, en particulier, l’obligation de donner suite à une demande d’arbitrage par un médecin indépendant du fonctionnaire en congé de maladie qui en découlerait pour l’AIPN. Sans se prononcer sur la question de savoir si le certificat du 10 juin 2013 était conforme aux dispositions de la décision C(2004) 1597 concernant la mise en œuvre de l’article 59 du statut, ledit Tribunal a relevé, d’une part, que CX était en congé de maladie et relevait de ce fait du champ d’application de l’article 59 du statut et, d’autre part, que sa demande du 1er juillet 2013 de réunir une commission médicale ad hoc avait été comprise et qualifiée de demande d’arbitrage par le médecin-conseil chargé, au sein de la Commission, du contrôle des absences pour maladie, c’est-à-dire le docteur A.‑G. lui‑même.

20      Le Tribunal de la fonction publique a relevé, en outre, que l’AIPN n’avait donné aucune suite aux demandes de CX du 1er juillet 2013 et n’avait invoqué aucune raison objective pour tenter d’expliquer son absence de réaction, de sorte que, contrairement aux arguments de la Commission, il ne pouvait être considéré que l’AIPN aurait tout mis en œuvre pour clarifier la situation médicale de CX, ni que, au vu de la situation objective de ce dernier, la demande de celui-ci de convoquer une « commission médicale ad hoc » ne correspondait à aucune obligation statutaire ou qu’elle pouvait être considérée comme manifestement disproportionnée et dilatoire.

21      Troisièmement, le Tribunal de la fonction publique a relevé que, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 décembre 2002, Stevens/Commission (T‑277/01, EU:T:2002:302), dans la présente affaire, la Commission n’avait reporté qu’une seule fois l’audition devant l’AIPN tripartite, à savoir du 1er juillet 2013 au 19 juillet suivant, soit un report de moins de trois semaines, et ce sans expliquer en quoi une telle célérité était nécessaire, alors que les faits faisant l’objet de la procédure disciplinaire en cause remontaient à près de dix ans, que CX était en congé de maladie conformément à l’article 59 du statut, que son avocat ne pouvait pas participer à l’audition disciplinaire le 19 juillet 2013 et que l’AIPN était informée du fait que cet avocat était en revanche disponible le 8 juillet 2013.

22      Compte tenu des circonstances exposées aux points 67 à 86 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a constaté que le droit de CX d’être entendu par l’AIPN tripartite, au sens de l’article 41 de la Charte et de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, n’avait pas été limité pour des raisons objectives dans le respect des conditions de proportionnalité et de nécessité prévues par l’article 52 de la Charte et que les intérêts et l’état de santé de CX n’avaient pas été suffisamment pris en compte par l’AIPN, en violation du devoir de sollicitude.

23      Enfin, le Tribunal de la fonction publique a relevé que, si CX ou son avocat avaient été entendus, l’AIPN aurait été notamment en mesure d’obtenir davantage d’informations pour examiner, en particulier, si les mêmes faits que ceux faisant l’objet de la procédure disciplinaire faisaient l’objet de poursuites pénales en Belgique, au sens de l’article 25 de l’annexe IX du statut. Or, faute d’avoir entendu CX avant d’adopter la décision de révocation, en particulier sur la question de l’application de l’article 25 de l’annexe IX du statut, l’AIPN s’est trouvée dans une situation l’empêchant de savoir si elle devait ou non suspendre la procédure disciplinaire au titre de cette disposition.

24      Partant, le Tribunal de la fonction publique a conclu qu’il convenait d’accueillir les griefs tirés du droit d’être entendu et du devoir de sollicitude et d’annuler la décision de révocation sans se prononcer sur les autres griefs soulevés dans le cadre du deuxième moyen, ni sur les autres moyens du recours.

25      En second lieu, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les conclusions indemnitaires, dans la mesure où, d’une part, CX n’avait pas établi qu’il avait subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation de la décision de révocation et, d’autre part, ses écritures ne donnaient aucune indication précise quant à la nature et à la réalité du préjudice matériel prétendument subi, au sens de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure dudit Tribunal en vigueur à la date du dépôt du recours.

 Sur le pourvoi

 Procédure

26      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 26 août 2015, la Commission a introduit le présent pourvoi.

27      Le 9 décembre 2015, CX a déposé un mémoire en réponse.

28      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2015, la Commission a présenté, conformément à l’article 201, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une demande visant à compléter le pourvoi par une réplique. Par décision du 21 décembre 2015, le président de la chambre des pourvois a fait droit à cette demande.

29      Le 2 février 2016, la Commission a déposé une réplique.

30      CX a déposé une duplique le 15 mars 2016.

31      En vertu de l’article 207, paragraphe 2, du règlement de procédure, sur proposition du juge rapporteur, nonobstant la demande de fixation d’une audience présentée par CX dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal (chambre des pourvois), s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire, a décidé de statuer sur le pourvoi sans phase orale de la procédure.

 Conclusions des parties

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué ;

–        renvoyer l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique afin qu’il statue sur les autres moyens du recours ;

–        réserver les dépens.

33      CX conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi comme non fondé ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

34      À l’appui de son pourvoi, la Commission soulève quatre moyens.

35      Le premier moyen, divisé en deux branches, comportant chacune plusieurs griefs, est pris, en substance, d’erreurs de droit relatives à la charge de la preuve, à la motivation, à l’interprétation du droit d’être entendu dans le cadre de la procédure disciplinaire prévue à l’annexe IX du statut et à la portée de l’article 59 du statut ainsi que de la méconnaissance, par le Tribunal de la fonction publique, de sa compétence, d’une dénaturation des preuves et d’une contradiction de motifs.

36      Le deuxième moyen, divisé en trois branches, est tiré d’une application erronée de la notion de faisceau d’indices concordants, de la prise en compte de critères non pertinents pour évaluer les faits ainsi que d’une dénaturation des éléments de preuve, d’un défaut de motivation et d’un examen incomplet des faits.

37      Le troisième moyen, divisé en deux branches, est pris d’une erreur de droit dans l’interprétation du principe de sollicitude.

38      Le quatrième moyen est tiré d’un défaut de motivation sur les conséquences de la violation du droit d’être entendu et de l’inexactitude matérielle des faits en ce qui concerne la constatation selon laquelle l’audition de CX aurait éventuellement permis d’éclairer l’AIPN sur l’opportunité de suspendre la procédure disciplinaire, au sens de l’article 25 de l’annexe IX du statut.

39      Il convient d’examiner, avant tout et de manière conjointe, les premier et deuxième moyens du pourvoi.

 Observations liminaires

40      En vertu de l’article 257, paragraphe 3, TFUE et de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, selon lequel le pourvoi devant le Tribunal est limité aux questions de droit, le Tribunal de la fonction publique est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits, sous réserve de la dénaturation des éléments de preuve. Le Tribunal n’est donc pas compétent, en principe, pour examiner les preuves retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal de la fonction publique d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant ce juge, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du Tribunal statuant sur pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, EU:C:2007:52, point 38, et ordonnance du 20 septembre 2013, Van Neyghem/Conseil, T‑113/13 P, EU:T:2013:568, point 31 et jurisprudence citée). Une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, EU:T:2009:313, points 191 à 193 et jurisprudence citée).

41      Le pouvoir de contrôle du Tribunal sur les constatations de fait opérées par le Tribunal de la fonction publique s’étend donc, notamment, à l’inexactitude matérielle de ces constatations résultant des pièces du dossier, à la dénaturation des éléments de preuve, à la qualification juridique de ceux-ci et à la question de savoir si les règles en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectées (voir arrêt du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, EU:C:2007:52, point 39 et jurisprudence citée). Par ailleurs, il y lieu de rappeler que sont recevables au stade du pourvoi des griefs tirés d’un examen incomplet des faits (voir arrêt du 30 septembre 2009, Skareby/Commission, T‑193/08 P, EU:T:2009:377, point 48 et jurisprudence citée).

42      C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner, en premier lieu, la première branche du premier moyen, conjointement avec le deuxième moyen, et, en deuxième lieu, la seconde branche du premier moyen.

 Sur la première branche du premier moyen et sur le deuxième moyen

43      À l’appui de la première branche du premier moyen, d’une part, la Commission fait valoir que, en affirmant que le certificat litigieux, communiqué avant les auditions disciplinaires prévues les 1er et 19 juillet 2013, justifiait valablement l’absence de CX de ces dernières, ce malgré l’avis contraire du docteur S. du 26 juin 2013, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit relative à l’application des règles de la charge de la preuve qui s’attachent aux certificats médicaux. D’autre part, elle soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation, en ce que ledit Tribunal a omis de se prononcer sur l’argument selon lequel le certificat litigieux ne comportait pas de date de fin prévisible de l’incapacité alléguée et était donc trop vague pour justifier l’absence de CX à l’audition du 19 juillet 2013. Dans la réplique, la Commission affirme que l’argumentation avancée par ce dernier tendant à remettre en cause l’existence d’une contre-expertise médicale réalisée le 26 juin 2013 est irrecevable, dans la mesure où elle vise une appréciation factuelle du Tribunal de la fonction publique en l’absence de pourvoi incident et qu’elle n’a, en tout état de cause, pas été soulevée dans la requête en première instance.

44      Quant au deuxième moyen, divisé en trois branches, premièrement, la Commission soutient que le Tribunal de la fonction publique n’a pas examiné de manière globale et concrète l’ensemble des éléments de preuve et des indices qui lui avaient été soumis, mais qu’il s’est contenté d’apprécier uniquement certains d’entre eux, de manière isolée, en méconnaissance de la notion de faisceau d’indices concordants et du principe de libre administration des preuves. Deuxièmement, elle affirme que les circonstances retenues par ledit Tribunal pour considérer que le certificat litigieux attestait d’une incapacité de se défendre n’étaient pas pertinentes ou suffisamment étayées et que l’une d’entre elles procédait d’une dénaturation des éléments de preuve. Troisièmement, elle estime que l’arrêt attaqué est entaché d’une contradiction de motifs concernant la pertinence temporelle des indices qui lui avaient été soumis, d’un vice de motivation et d’un examen incomplet des faits.

45      CX fait valoir que, bien que la Commission ait évoqué l’existence d’un avis médical contraire d’un psychiatre externe du 26 juin 2013, consulté par son service médical, celle-ci n’aurait jamais produit un tel avis, ni lors de la procédure administrative, ni devant le Tribunal de la fonction publique. De même, la Commission n’aurait fourni, à aucun moment de la procédure, d’avis de son médecin-conseil qui aurait pu remettre en cause le certificat litigieux. Dans la duplique, il affirme que l’accès à son dossier médical lui aurait été refusé jusqu’à la veille de l’audition disciplinaire du 19 juillet 2013. Dans ces conditions, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas inversé la charge de la preuve, mais aurait simplement constaté que la Commission n’avait pas démontré ses allégations. De plus, dans la duplique, CX soulève une fin de non-recevoir du pourvoi en ce que la Commission, dans la réplique, demanderait au Tribunal de se livrer à une nouvelle appréciation des faits. Ainsi, il conclut que le pourvoi devrait être rejeté comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé.

46      D’emblée, il y a lieu d’écarter la fin de non-recevoir soulevée par CX dans la duplique comme non fondée, dans la mesure où la Commission ne demande nullement au Tribunal de réapprécier les faits. En effet, la Commission reproche, en substance, au Tribunal de la fonction publique, tout d’abord, d’avoir effectué un examen incomplet des faits et des pièces du dossier, ensuite, de s’être livré à des constatations matériellement inexactes et, enfin, d’avoir dénaturé certains éléments de preuve soumis à son appréciation. Or, de tels griefs sont recevables au stade du pourvoi, conformément à la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus.

47      Il y a lieu de rappeler, par ailleurs, que, au point 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a estimé que CX avait dûment averti l’AIPN de son incapacité à comparaître devant l’AIPN tripartite ainsi qu’à produire des observations écrites, au moyen du certificat litigieux, et que, par conséquent, il incombait à la Commission de démontrer, au moyen d’un autre avis médical ou d’un solide faisceau d’indices concordants, qu’il pouvait se rendre à l’audition et défendre utilement sa cause.

48      Or, premièrement, ainsi que le relève la Commission, il résulte des points 68 à 74 de l’arrêt attaqué que, pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal de la fonction publique n’a pas examiné à suffisance de droit si, par le biais du certificat litigieux, CX, à qui incombait la charge de la preuve, avait établi que son absence de l’audition disciplinaire était justifiée et que le fait qu’il n’ait pas été entendu ne lui était pas imputable. En effet, ledit Tribunal s’est borné à constater, aux points 68 et 73 de cet arrêt, que l’AIPN n’avait jamais invoqué l’irrégularité dudit certificat, mais que, au contraire, après l’avoir reçu, le directeur de l’IDOC avait informé CX de ce que « [l’AIPN] décidera[it] des suites à réserver à [sa] demande [de suspension de la procédure disciplinaire] […] au vu de l’avis médical qui sera[it] rendu par le [d]octeur [A.‑G., médecin‑conseil de la Commission] ». Par ailleurs, il a relevé, à titre surabondant, que le fait que le certificat litigieux ne comportait pas de mention d’interdiction médicale de sortie ou d’incapacité de se déplacer ne permettait pas, en tant que tel, de conclure que le requérant pouvait se présenter devant l’AIPN pour assurer sa défense. De plus, en se référant aux termes pour le moins flous du certificat litigieux, selon lesquels, au moins depuis septembre 2012, CX n’était pas en mesure d’assurer son droit de se défendre et la procédure devait être suspendue jusqu’à la constatation d’une amélioration de son état de santé, il a estimé que ledit certificat couvrait « nécessairement » les deux dates d’audition, à savoir au moins celle du 1er juillet 2013 ainsi que celle du 19 juillet suivant.

49      Il ressort de la lecture des points 69, 70 et 74 de l’arrêt attaqué que, outre les termes du certificat litigieux, la constatation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle CX avait dûment averti l’AIPN de son incapacité à comparaître devant l’AIPN tripartite et à produire des observations écrites pour les deux dates fixées pour l’audition disciplinaire reposait sur des circonstances factuelles précédant de trois à cinq mois les convocations afférentes qui lui avaient été adressées les 6 juin et 2 juillet 2013 ainsi que la date du certificat litigieux (voir point 14 ci-dessus). Or, ainsi que le fait valoir la Commission dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, il ne saurait être déduit de ces circonstances, lesquelles permettent, tout au plus, de considérer que CX se trouvait dans une incapacité de travailler, qu’elles étaient pour autant révélatrices d’une incapacité de se défendre et d’exercer son droit d’être entendu. Au demeurant, c’est en commettant une erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a pris appui sur des affirmations non étayées de CX sur son état de santé et son incapacité prétendue à se défendre, figurant dans ses courriels des 19 février et 20 mars 2013, pour conclure que, ainsi qu’il ressortait du certificat litigieux, daté du 10 juin 2013, il aurait été incapable de se défendre devant l’AIPN tripartite dans le cadre d’une audition disciplinaire.

50      Deuxièmement, la circonstance, relevée aux points 69 et 71 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’état de santé de CX aurait été affecté par la réception de l’avis du conseil de discipline recommandant sa révocation et qui fait partie des indices retenus au point 70 dudit arrêt pour corroborer le contenu du certificat médical litigieux, ne semble ni avoir été invoquée par celui-ci ni ressortir des éléments soumis à l’appréciation du Tribunal de la fonction publique. Partant, c’est à bon droit que la Commission affirme que ce dernier a dénaturé les éléments de preuve à cet égard.

51      Troisièmement, il y a lieu d’observer que, bien que le Tribunal de la fonction publique n’ait pas remis en cause l’existence d’une contre-expertise médicale réalisée le 26 juin 2013 par le docteur S., il a évité de se prononcer sur la portée de l’avis rendu par ce dernier. En effet, il s’est limité à constater, au point 78 de l’arrêt attaqué, que, par son courriel du 1er juillet 2013, CX avait contesté l’avis du docteur S. et qu’il avait sollicité, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, notamment la réunion d’une « commission médicale ad hoc » pour décider d’une éventuelle suspension de la procédure disciplinaire, jusqu’à ce que son état de santé s’améliore. Ensuite, au point 79 dudit arrêt, le Tribunal de la fonction publique a rappelé les termes du courriel du 3 juillet 2013 que le médecin-conseil A.-G. avait adressé à l’IDOC à la suite d’une conversation téléphonique avec CX, dont il ressortait que le docteur A.-G., à la suite de l’expertise du docteur S., avait indiqué que l’intéressé pouvait se présenter devant l’AIPN tripartite. Enfin, ainsi qu’il ressort du point 25 de l’arrêt attaqué et que le fait valoir la Commission, le Tribunal de la fonction publique disposait d’un courriel de l’IDOC du 18 juillet 2013, produit en annexe de la requête en première instance, lequel avait été adressé à l’avocat de CX et portait sur le résultat du contrôle médical effectué le 26 juin 2013. Toutefois, sans tirer les conséquences nécessaires de ces éléments de preuve concernant la portée de l’avis du docteur S., et en méconnaissance de la jurisprudence rappelée au point 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique n’a pas tenu compte des indices soumis à son appréciation pour vérifier s’ils permettaient de remettre en cause le certificat litigieux, en tant que faisceau d’indices concordants.

52      Or, selon la jurisprudence de la Cour, le juge de l’Union européenne doit vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 65 et jurisprudence citée). Par ailleurs, il importe de rappeler que le Tribunal de la fonction publique dispose, en principe, du pouvoir discrétionnaire d’apprécier l’utilité d’ordonner la production des éléments nécessaires à la résolution des litiges dont il est saisi. Le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits, laquelle échappe au contrôle du Tribunal dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve présentés au Tribunal de la fonction publique ou lorsque l’inexactitude matérielle des constatations effectuées par ce dernier ressort des documents versés au dossier (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, EU:C:2009:456, point 163 et jurisprudence citée).

53      À cet égard, ainsi que l’affirme la Commission, il ressort du dossier que le Tribunal de la fonction publique disposait de certains éléments de preuve soumis à son appréciation auxquels il a omis de faire référence dans l’arrêt attaqué, à savoir, notamment, le fait que CX s’était rendu en personne dans les locaux de l’IDOC, le 2 mai 2013, pour prendre connaissance de toutes les pièces de son dossier, le fait que son avocat n’avait pas fourni d’explications à l’IDOC concernant son absence annoncée pour l’audition du 1er juillet 2013, malgré une demande d’éclaircissement en ce sens, la circonstance que CX aurait refusé, sans raison objective, de venir à une convocation du médecin-conseil pour que celui-ci lui communique, en personne, les résultats du contrôle médical réalisé par le docteur S., le 26 juin 2013, et, enfin, les échanges de courriels entre CX et son avocat du 18 juillet 2013.

54      De même, bien que, dans le cadre du rappel des antécédents du litige, au point 21 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique ait mentionné le courriel très élaboré que CX en personne avait adressé à l’IDOC le jour auquel devait avoir lieu la première audition disciplinaire, à savoir le 1er juillet 2013, ledit Tribunal n’en a pas tenu compte dans le cadre de son appréciation relative à la capacité de CX de se rendre à l’audition disciplinaire et n’en a pas tiré les conclusions appropriées.

55      En outre, au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré que la circonstance que l’avocat de CX ou CX lui-même avait rédigé des écritures notamment devant le conseil de discipline, à d’autres périodes qu’aux mois de juin et juillet 2013, à savoir le 16 mai 2013, n’était pas à elle seule de nature à remettre en cause le contenu du certificat litigieux, pas plus que le fait que CX ait été présent à l’audition devant le conseil de discipline le 21 mai suivant et qu’il ait rédigé le courriel du 13 juin 2013. Or, c’est à tort que le Tribunal de la fonction publique a écarté ce dernier courriel, sans en examiner la pertinence ni la portée, dès lors que, contrairement à ce que ledit Tribunal a retenu, celui-ci avait bien été rédigé pendant la période jugée pertinente, à savoir le mois de juin 2013.

56      Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a établi un lien erroné, aux points 78 à 83 de l’arrêt attaqué, entre, d’une part, la demande de CX, formulée dans son courriel du 1er juillet 2013, de réunir une « commission médicale ad hoc » et, d’autre part, la qualification, par le docteur A.-G., des propos tenus par CX lors d’une conversation téléphonique du 2 juillet suivant avec le docteur en question, relatés à l’IDOC par courriel du 3 juillet suivant. En effet, il convient de relever qu’il ressort dudit courriel, produit par la Commission en annexe de son pourvoi et dont les termes ont été rappelés au point 79 de l’arrêt attaqué, que CX aurait indiqué au docteur A.-G, d’une part, qu’il « avait ou allait contester [la lettre du 27 juin 2013] » et, d’autre part, qu’il « avait/allait d[époser] une demande d’arbitrage puisque son médecin ne voulait pas qu’il soit entendu [par l’AIPN tripartite, alors] que [lui-même, le docteur A. G,] suite à l’expertise [du docteur S., avait dit] qu’il pouvait se présenter [devant celle-ci] ». Enfin, il importe de relever qu’il découle également dudit courriel que, à la suite de son entretien téléphonique avec CX, le docteur A.-G. avait demandé des instructions à l’IDOC quant à la question de savoir s’il fallait tenir compte de « cette demande » de CX ou pas.

57      Or, à supposer qu’il puisse être déduit du courriel du 3 juillet 2013 que, à la suite de son entretien téléphonique avec CX, le docteur A.-G. a estimé que l’institution était saisie d’une demande d’arbitrage, au sens de l’article 59, paragraphe 1, du statut, c’est en commettant une erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a constaté, au point 81 de l’arrêt attaqué, que la demande de CX du 1er juillet 2013 de réunir une « commission médicale ad hoc » avait été comprise et qualifiée, par ledit docteur, de demande d’arbitrage. En effet, c’est en se référant aux termes de sa conversation téléphonique avec CX, du 2 juillet 2013, et non au contenu du courriel du 1er juillet 2013, que le docteur A.-G. a informé l’IDOC d’une prétendue demande d’arbitrage et qu’il a demandé des instructions sur la suite éventuelle qu’il convenait de donner à une telle demande. Au surplus, aucune conséquence légale n’aurait dû être tirée par le Tribunal de la fonction publique du fait que la demande de CX de réunir une « commission médicale ad hoc » aurait été comprise et qualifiée, par le docteur A.-G., de « demande d’arbitrage », au sens de l’article 59, paragraphe 1, du statut. En effet, ainsi que le relève la Commission à bon droit, l’avis du médecin-conseil sur la qualification juridique d’une demande émanant d’un fonctionnaire ne saurait lier l’AIPN.

58      Il s’ensuit que c’est à tort que le Tribunal de la fonction publique a considéré que la Commission avait été saisie d’une demande d’arbitrage présentée conformément à l’article 59, paragraphe 1, du statut, à laquelle elle aurait été tenue de donner suite. Par conséquent, contrairement à ce qui découle des points 80, 82 et 83 dudit arrêt, il ne saurait être considéré que l’AIPN a violé les obligations découlant de la procédure visée à ladite disposition.

59      S’agissant, enfin, de l’argument selon lequel CX n’aurait eu accès à son dossier médical que la veille de l’audition disciplinaire, à savoir le 18 juillet 2013, présenté dans la duplique, de même que celui visant à remettre en cause l’existence de l’avis du docteur S., il suffit de constater qu’ils sont irrecevables, dans la mesure où il ne ressort pas du dossier qu’ils ont été présentés devant le Tribunal de la fonction publique.

60      Il s’ensuit que la conclusion tirée au point 87 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le droit de CX d’être entendu par l’AIPN tripartite, au sens de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, n’avait pas été limité pour des raisons objectives, en violation du principe de sollicitude, repose sur un examen incomplet des faits, sur une dénaturation de certains éléments de preuve et sur des erreurs de droit.

61      Partant, il convient d’accueillir la première branche du premier moyen ainsi que le deuxième moyen du pourvoi, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les griefs tirés de la violation de l’obligation de motivation et de la contradiction des motifs de l’arrêt attaqué, invoqués par la Commission.

 Sur la seconde branche du premier moyen

62      Premièrement, la Commission soutient que, en estimant que la procédure disciplinaire était conditionnée par la circonstance fortuite que CX se trouvait en congé de maladie, au sens de l’article 59 du statut, et en considérant que l’AIPN était tenue de suivre la procédure d’arbitrage prévue par ce dernier, le Tribunal de la fonction publique a violé l’annexe IX dudit statut. À cet égard, elle fait valoir que ladite annexe n’impose aucune obligation spécifique quant à la procédure applicable pour contester la validité d’un certificat médical présenté en vue d’une audition disciplinaire et n’opère, a fortiori, pas de distinction en fonction de l’état de santé ou du statut de l’intéressé. Par ailleurs, elle estime que l’arrêt attaqué est entaché d’une contradiction de motifs, dans la mesure où, bien que le Tribunal de la fonction publique ait reconnu que l’annexe IX du statut ne fixe aucune condition relative aux modalités à suivre s’agissant des certificats médicaux pour excuser une absence devant une instance disciplinaire, il a considéré qu’une procédure particulière s’imposait à l’AIPN en l’espèce.

63      Deuxièmement, la Commission estime que l’article 59 du statut n’était pas applicable en l’espèce, et ce même par analogie. À cet égard, elle soutient que, compte tenu de sa place dans le statut et de son libellé, la procédure visée par ce dernier, notamment la procédure d’arbitrage, ne peut être mise en œuvre que pour déterminer si l’agent concerné est empêché d’exercer ses fonctions et s’il est, pour ce motif, en droit d’obtenir un congé de maladie payé, ce qui ne faisait pas débat en l’espèce. En outre, elle invoque une contradiction des motifs de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal de la fonction publique aurait constaté que la procédure d’arbitrage était applicable de fait, CX se trouvant en congé de maladie, tout en estimant qu’il n’était pas nécessaire de vérifier le respect des conditions de mise en œuvre de l’article 59 du statut. Dans ces conditions, aucun des motifs évoqués par le Tribunal de la fonction publique au point 81 de l’arrêt attaqué ne permettrait d’établir que l’AIPN avait une obligation statutaire de mettre en œuvre une procédure d’arbitrage.

64      Troisièmement, la Commission fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a excédé sa compétence en relevant d’office la méconnaissance prétendue de l’article 59 du statut et en la rattachant aux griefs tirés de la violation de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, des droits de la défense et du principe de sollicitude, invoqués, en première instance, dans le cadre de la première branche du deuxième moyen. À titre subsidiaire, la Commission prétend que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation quant à la décision de soulever d’office la méconnaissance de l’article 59 du statut, dans la mesure où elle avait fait valoir, en réponse à la mesure d’organisation de la procédure visée au point 8 ci-dessus, que cette disposition n’avait jamais été invoquée en tant que base juridique.

65      CX n’a pas pris position sur la seconde branche du présent moyen.

66      À cet égard, nonobstant la conclusion tirée au point 58 ci-dessus, selon laquelle c’est à tort que le Tribunal de la fonction publique a conclu que l’AIPN avait été régulièrement saisie d’une demande d’arbitrage au sens de l’article 59, paragraphe 1, du statut, le Tribunal estime qu’il demeure nécessaire de se prononcer sur la seconde branche du premier moyen. En effet, le Tribunal de la fonction publique a considéré, aux points 80 et 81 de l’arrêt attaqué, que l’article 59 du statut, qui régit le congé de maladie, était applicable au litige, au motif, notamment, que CX était en congé de maladie et qu’il relevait de ce fait de son champ d’application.

67      Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le grief tiré de la méconnaissance, par le Tribunal de la fonction publique, de sa compétence, en ce qu’il aurait relevé d’office la violation de l’article 59 du statut, et sur le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation invoqué à cet égard par la Commission, il convient de déterminer si c’est à bon droit que ledit Tribunal a appliqué cette disposition en l’espèce pour conclure à la violation de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX dudit statut, en particulier du droit d’être entendu dans le cadre de la procédure disciplinaire.

68      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, après avoir entendu le fonctionnaire, l’AIPN prend sa décision conformément aux articles 9 et 10 de ladite annexe, dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil de discipline, et que cette décision doit être motivée.

69      Par ailleurs, l’article 59, paragraphe 1, du statut se lit comme suit :

« Le fonctionnaire qui justifie être empêché d’exercer ses fonctions par suite de maladie ou d’accident bénéficie de plein droit d’un congé de maladie.

L’intéressé doit aviser, dans les délais les plus brefs, son institution de son indisponibilité en précisant le lieu où il se trouve. Il est tenu de produire, à partir du quatrième jour de son absence, un certificat médical. Ce certificat doit être envoyé au plus tard le cinquième jour de l’absence, le cachet de la poste faisant foi. À défaut, et sauf si le certificat n’est pas envoyé pour des raisons indépendantes de la volonté du fonctionnaire, l’absence est considérée comme injustifiée.

Le fonctionnaire en congé de maladie peut, à tout moment, être soumis à un contrôle médical organisé par l’institution. Si ce contrôle ne peut avoir lieu pour des raisons imputables à l’intéressé, son absence est considérée comme injustifiée à compter du jour où le contrôle était prévu.

Si le contrôle médical révèle que le fonctionnaire est en mesure d’exercer ses fonctions, son absence, sous réserve de l’alinéa ci-après, est considérée comme injustifiée à compter du jour du contrôle.

Si le fonctionnaire estime que les conclusions du contrôle médical organisé par l’[AIPN] sont médicalement injustifiées, le fonctionnaire ou un médecin agissant en son nom peut, dans les deux jours, saisir l’institution d’une demande d’arbitrage par un médecin indépendant.

L’institution transmet immédiatement cette demande à un autre médecin désigné d’un commun accord par le médecin du fonctionnaire et le médecin-conseil de l’institution. […]

L’avis du médecin indépendant donné après consultation du médecin du fonctionnaire et du médecin-conseil de l’institution est contraignant. Lorsque l’avis du médecin indépendant confirme les conclusions du contrôle organisé par l’institution, l’absence est traitée comme une absence injustifiée à compter du jour dudit contrôle. Lorsque l’avis du médecin indépendant ne confirme pas les conclusions dudit contrôle, l’absence est traitée à tous égards comme une absence justifiée. »

70      En premier lieu, il est à noter que l’article 22 de l’annexe IX du statut et l’article 59 dudit statut ont un objet différent. Ainsi, alors que le premier a trait à la procédure disciplinaire, le second a trait au congé de maladie.

71      En deuxième lieu, il y a lieu de relever que, ainsi que le soutient la Commission à bon droit, l’article 22 de l’annexe IX du statut n’opère aucun renvoi exprès à l’article 59 dudit statut, notamment à la procédure d’arbitrage prévue par le premier paragraphe de celui-ci.

72      En troisième lieu, il importe de constater qu’il découle des termes de l’article 59, paragraphe 1, du statut que la procédure d’arbitrage prévue par ses cinquième et sixième alinéas vise à résoudre un désaccord éventuel entre le fonctionnaire ou l’agent qui a produit un certificat médical pour justifier son absence de son lieu de travail et l’administration. En particulier, cette procédure a pour objectif de déterminer si le fonctionnaire ou l’agent soumis à un contrôle médical complémentaire par l’institution au titre du troisième alinéa de cette disposition est réellement empêché d’exercer ses fonctions par suite de maladie, de sorte que son absence soit considérée comme justifiée et lui donne droit à un congé payé. Ainsi, la procédure d’arbitrage est une garantie offerte au fonctionnaire lui permettant de remettre en cause les conclusions du médecin de l’institution par un médecin indépendant. En revanche, l’audition disciplinaire, prévue à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, a pour but, d’une part, d’assurer le respect des droits de la défense du fonctionnaire ou de l’agent qui s’expose à des sanctions disciplinaires et, d’autre part, de permettre à l’AIPN d’apprécier la gravité des faits reprochés audit fonctionnaire ou agent, à la lumière des explications fournies par celui-ci, afin de décider de la sanction disciplinaire appropriée avant qu’elle ne lui soit infligée.

73      En quatrième lieu, ainsi que l’affirme la Commission, il ne découle pas de l’économie de l’article 59 du statut que la procédure d’arbitrage soit d’application générale et qu’elle ait vocation à s’appliquer à l’ensemble des contestations de nature médicale pouvant survenir entre un fonctionnaire et l’administration.

74      En cinquième lieu et en tout état de cause, s’il n’est pas exclu que, parallèlement à une procédure disciplinaire, la procédure d’arbitrage prévue à l’article 59, paragraphe 1, cinquième alinéa, du statut puisse être engagée par un fonctionnaire en congé de maladie, il suffit de constater que, en l’espèce, ainsi que cela a été relevé au point 58 ci-dessus, le Tribunal de la fonction publique n’a pas établi que CX avait introduit une telle demande, en bonne et due forme et dans le délai prescrit.

75      Ainsi, c’est à tort que le Tribunal de la fonction publique s’est fondé sur le fait que CX était en congé de maladie pour considérer qu’il bénéficiait de la possibilité d’introduire une demande d’arbitrage, au sens de l’article 59, paragraphe 1, du statut, afin de contester l’avis du médecin-conseil émis dans le cadre d’une procédure disciplinaire, régie par les dispositions de l’annexe IX du statut. En effet, ainsi que l’indique la Commission à juste titre, aucune obligation ne découle de l’annexe IX du statut imposant à l’AIPN d’organiser une procédure d’arbitrage par un médecin indépendant, au sens de l’article 59, paragraphe 1, du statut. De même, l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut n’impose aucune procédure particulière quant à la contestation de la validité d’un certificat médical produit par le fonctionnaire convoqué à une audition disciplinaire.

76      Il s’ensuit que le Tribunal de la fonction publique, en se fondant sur une disposition du statut différente de celles régissant la procédure d’audition devant le conseil de discipline, a introduit une exigence qui ne découle pas des dispositions applicables en la matière, notamment de l’article 22 de l’annexe IX du statut.

77      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit.

78      Partant, il convient d’accueillir la seconde branche du premier moyen et de considérer que l’arrêt attaqué est vicié d’une erreur de droit quant à l’interprétation de l’article 22 de l’annexe IX du statut et doit être annulé. Au vu de tout ce qui précède, il convient de faire droit aux premier et deuxième moyens et, partant, d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le troisième et le quatrième moyen.

 Sur les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué

79      Aux termes de l’article 4 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), lorsque Tribunal annule une décision du Tribunal de la fonction publique tout en considérant que le litige n’est pas en état d’être jugé, il renvoie l’affaire à une chambre autre que celle qui a statué sur le pourvoi.

80      En l’espèce, le Tribunal de la fonction publique ayant accueilli le recours en première instance en examinant uniquement certains griefs soulevés dans le cadre du deuxième moyen, le litige n’est pas en état d’être jugé. Il y a donc lieu de renvoyer l’affaire à une chambre autre que celle qui a statué sur le présent pourvoi afin que le Tribunal statue en première instance sur le recours initialement introduit devant le Tribunal de la fonction publique par CX.

 Sur les dépens

81      L’affaire étant renvoyée à une chambre du Tribunal autre que celle qui a statué sur le présent pourvoi, il convient de réserver les dépens afférents à la présente procédure de pourvoi.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 18 juin 2015, CX/Commission (F‑5/14, EU:F:2015:61), est annulé.

2)      L’affaire est renvoyée à une chambre du Tribunal de l’Union européenne autre que celle qui a statué sur le présent pourvoi.

3)      Les dépens sont réservés.

Jaeger

Papasavvas

Berardis


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 octobre 2016.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Procédure en première instance

Arrêt attaqué

Sur le pourvoi

Procédure

Conclusions des parties

En droit

Observations liminaires

Sur la première branche du premier moyen et sur le deuxième moyen

Sur la seconde branche du premier moyen

Sur les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.

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