Spain v Commission (Judgment) French Text [2016] EUECJ T-675/14 (03 March 2016)


BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Spain v Commission (Judgment) French Text [2016] EUECJ T-675/14 (03 March 2016)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/T67514.html
Cite as: [2016] EUECJ T-675/14, EU:T:2016:123, ECLI:EU:T:2016:123

[New search] [Help]


DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

3 mars 2016 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – FEAGA et Feader – Dépenses exclues de financement – Dépenses effectuées par l’Espagne – Corrections financières forfaitaires – Corrections financières ponctuelles – Extension de la correction financière à une période postérieure à la communication prévue à l’article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 885/2006 »

Dans l’affaire T‑675/14,

Royaume d’Espagne, représenté par Mme M. J. García-Valdecasas Dorrego, abogado del Estado,

partie requérante,

soutenu par

République de Lettonie, représentée par M. I. Kalniņš et Mme D. Pelše, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme I. Galindo Martín et M. D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision d’exécution 2014/458/UE de la Commission, du 9 juillet 2014, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 205, p. 62), en ce qu’elle concerne les dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne pour un montant de 2 713 208,07 euros,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse et A. M. Collins (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 novembre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La réglementation de base relative au financement par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (ci-après le « Fonds ») est constituée par le règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1).

2        En vertu de l’article 31 du règlement n° 1290/2005, intitulé « Apurement de conformité » :

« 1. La Commission décide des montants à écarter du financement communautaire lorsqu’elle constate que des dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4 n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, selon la procédure visée à l’article 41, paragraphe 3.

2. La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

3. Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d'un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.

4. Un refus de financement ne peut pas porter sur :

a)      les dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications […] »

3        Aux termes de l’article 11 du règlement n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90), intitulé « Apurement de conformité » :

« 1. Si, à la suite d’une enquête, la Commission considère que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément à la réglementation communautaire, elle communique ses constatations à l’État membre concerné et lui indique les mesures correctives qui s’imposent afin d’assurer à l’avenir le respect de ladite réglementation.

[…]

3. L’État membre informe la Commission des mesures correctives qu’il a prises en vue d’assurer le respect de la réglementation communautaire, en précisant la date de leur mise en œuvre effective.

Après avoir examiné tout rapport éventuellement établi par l’organe de conciliation conformément au chapitre 3 du présent règlement, la Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions au titre de l’article 31 du règlement (CE) n° 1290/2005, visant à exclure du financement communautaire les dépenses concernées par le non-respect de la réglementation communautaire jusqu’à la mise en œuvre effective par l’État membre des mesures correctives. »

4        Dans l’exercice de ses fonctions en tant qu’organe d’apurement des comptes pour le financement de la politique agricole commune, le 23 décembre 1997, la Commission européenne a adopté le document n° VI/5330/97 intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après le « document n° VI/5330/97 »). Le 9 juin 2006, elle a adopté le document AGRI-2005-64043, intitulé « Communication de la Commission sur le traitement, par la Commission, dans le contexte de l’apurement des comptes du FEOGA, section ‘Garantie’, des insuffisances constatées dans les systèmes de contrôle de la conditionnalité mis en œuvre par les États membres » (ci-après le « document AGRI-2005-64043 »).

 Antécédents du litige

5        Par lettre du 26 novembre 2010, la Commission a communiqué ses constatations au Royaume d’Espagne à la suite de son enquête portant sur le respect de la conditionnalité dans la communauté autonome d’Aragon (Espagne) (XC/2010/005ES) du 18 au 22 octobre 2010.

6        À la demande du Royaume d’Espagne, l’organe de conciliation a entendu celui-ci le 5 novembre 2013. Le rapport final de l’organe de conciliation a été communiqué au Royaume d’Espagne le 12 novembre 2013.

7        Le 15 janvier 2014, la Commission a communiqué au Royaume d’Espagne sa position finale eu égard au rapport final de l’organe de conciliation.

8        Par la suite, le Royaume d’Espagne a saisi le Tribunal d’une demande tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution 2014/458/UE de la Commission, du 9 juillet 2014, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 205, p. 62), dans la mesure où elle écarte du financement de l’Union européenne le montant de 2 713 208,07 euros au titre de la conditionnalité pour les années 2008, 2009 et 2010 dans la communauté autonome d’Aragon (ci-après la « décision attaquée »).

9        Dans la décision attaquée, la Commission relève que, sur la base des constatations effectuées, elle a établi l’existence des carences suivantes dans le système de conditionnalité mis en place par le Royaume d’Espagne dans la communauté autonome d’Aragon : premièrement, le recours systématique à des sanctions de 1 % ; deuxièmement, l’absence de définition et/ou de contrôle d’une norme relative aux bonnes conditions agricoles et environnementales (ci-après la « norme BCAE ») ; troisièmement, l’existence de carences dans le contrôle de plusieurs exigences réglementaires en matière de gestion (ci-après les « ERG ») et, quatrièmement, la non-application de la non-conformité intentionnelle.

10      Eu égard à ces différentes carences, la Commission a appliqué des corrections financières représentant un montant total de 2 713 208,07 euros, à savoir une correction financière forfaitaire à hauteur de 2 % pour les années de demande 2008, 2009 et 2010 ainsi qu’une correction financière ponctuelle pour l’année de demande 2008 en ce qui concerne l’application systématique de sanctions à hauteur de 1 %.

11      Les motifs de ces corrections sont exposés dans le rapport de synthèse de la Commission du 20 juin 2014, concernant les résultats des inspections de la Commission dans le contexte de la procédure d’apurement de conformité, conformément à l’article 7, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), et à l’article 31 du règlement n° 1290/2005 (ci-après le « rapport de synthèse »).

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 septembre 2014, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 décembre 2014, la République de Lettonie a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Royaume d’Espagne. Par ordonnance du 26 février 2015, le président de la sixième chambre a admis cette intervention.

14      La République de Lettonie n’a pas déposé de mémoire en intervention dans le délai imparti.

15      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre), a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, a demandé au Royaume d’Espagne de clarifier le montant des corrections financières dont il demande l’annulation. Le Royaume d’Espagne a répondu à cette demande.

16      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 25 novembre 2015.

17      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 En droit

19      Le Royaume d’Espagne avance trois moyens au soutien du recours. Le premier est tiré de la violation, notamment, de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 et du principe de proportionnalité, en raison de l’application d’une correction financière forfaitaire. Le deuxième est tiré de la violation de ces mêmes dispositions et principe en raison du cumul de la correction financière forfaitaire et de la correction financière ponctuelle. Le troisième est tiré de la violation de l’article 31, paragraphe 4, du règlement n° 1290/2005, du principe de coopération loyale et des droits de la défense en raison de l’extension de la correction financière à une période postérieure à la communication des constatations de la Commission par lettre du 26 novembre 2010.

 Sur le premier moyen, relatif à l’application d’une correction financière forfaitaire

 Arguments des parties

20      Par son premier moyen, le Royaume d’Espagne invoque la violation de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005, des documents n° VI/5330/97 et AGRI-2005-64043 ainsi que du principe de proportionnalité, en raison de l’application d’une correction financière forfaitaire.

21      Le Royaume d’Espagne soutient que, en l’espèce, l’application par la Commission d’une méthode de calcul forfaitaire n’est pas conforme aux exigences de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005. Il ressortirait de la jurisprudence que la Commission ne peut utiliser ce type de méthode que lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par l’Union. Le Royaume d’Espagne considère que, en l’espèce, l’utilisation de la méthode forfaitaire n’était pas justifiée parce que la Commission disposait des éléments nécessaires pour calculer le risque réel encouru par le Fonds du fait des constatations opérées, au vu des informations complètes, précises et détaillées qu’il lui a fournies. À cet égard, il conteste l’allégation de la Commission selon laquelle les estimations fournies seraient impossibles à vérifier.

22      Le Royaume d’Espagne fait également valoir que, selon les documents n° VI/5330/97 et AGRI-2005-64043, le calcul sur la base d’extrapolations, qu’il avait proposé, était préférable à la méthode forfaitaire qui serait la méthode de dernier ressort. Il en résulte, selon le Royaume d’Espagne, qu’il pouvait extrapoler les résultats des contrôles d’une année à une autre, au lieu d’accepter un calcul forfaitaire.

23      Le Royaume d’Espagne ajoute que, lorsqu’il a proposé des calculs à partir des résultats des contrôles effectués au cours d’autres années, alors que la Commission avait accepté la procédure suivie au titre de ces autres années, il s’est fondé sur les résultats les plus élevés afin d’assurer que le calcul proposé prenne en compte le risque maximal encouru par le Fonds. Il relève que, par exemple, lorsqu’il a proposé une extrapolation relative à une norme BCAE pour 2008, il s’est fondé sur les résultats des contrôles de l’année 2010 (à savoir le montant de 53 682,53 euros) plutôt que sur les résultats des contrôles de l’année 2009 (à savoir le montant de 11 123,16 euros).

24      Le Royaume d’Espagne considère que la Commission a enfreint le principe de proportionnalité en appliquant une correction forfaitaire de 2 % à l’intégralité des aides en cause, sans distinguer entre les différents cas de non-conformité. En particulier, il soutient que la Commission aurait dû exclure du calcul les dossiers qui ne pouvaient pas être affectés par l’irrégularité en cause. Il expose, à titre d’exemple, que, si un agriculteur ayant reçu une subvention n’a pas de bétail, il ne peut pas dépasser l’intensité maximale d’élevage et, dès lors, devrait être exclu de l’évaluation du risque pour le Fonds découlant de l’absence de définition du taux d’intensité d’élevage.

25      La Commission considère que le premier moyen doit être rejeté comme partiellement irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

26      À titre liminaire, la Commission rappelle que, selon l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, les éléments de droit et de fait sur lesquels se fonde un recours doivent ressortir, de manière à tout le moins sommaire, du texte même de la requête et qu’il ne suffit pas qu’il soit fait référence dans la requête à de tels éléments figurant dans une annexe. Or, en l’espèce, s’agissant de la question de savoir si les calculs proposés par le Royaume d’Espagne permettaient d’établir avec précision les pertes subies par l’Union, la requête se limiterait à faire un renvoi à une annexe pour plus de détails. Dès lors, le premier moyen devrait être déclaré partiellement irrecevable en ce qui concerne cette question.

27      Au stade de la réplique, le Royaume d’Espagne rejette les arguments de la Commission concernant la prétendue irrecevabilité partielle du premier moyen. Il affirme que le texte de la requête contient tous les éléments de droit et de fait sur lesquels se fonde son recours et renvoie à une annexe uniquement en tant qu’élément probatoire.

28      Par ailleurs, la Commission rappelle que, selon la jurisprudence, il est possible d’appliquer des corrections forfaitaires lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer avec précision les pertes subies par l’Union. Les corrections forfaitaires n’auraient pas un caractère exceptionnel, mais seraient fréquentes car il serait difficile pour les États membres de fournir une estimation précise du risque encouru par le Fonds.

29      La Commission ajoute qu’elle ne pouvait pas accepter l’évaluation du risque proposée par le Royaume d’Espagne, car elle s’appuyait largement sur une comparaison avec les résultats des contrôles effectués durant les années précédentes. Selon elle, les contrôles doivent être effectués chaque année et les résultats des contrôles au cours d’une année ne peuvent simplement être transposés à une autre année, étant donné que de tels résultats peuvent varier significativement d’une année à l’autre.

30      La Commission estime qu’il est incorrect de soutenir, comme le fait le Royaume d’Espagne, qu’elle a ignoré les propositions de celui-ci relatives à l’estimation du risque. En réalité, elle aurait pris ces propositions en considération, mais n’aurait pas été en mesure de les accepter, sauf en ce qui concerne la première carence identifiée (voir point 9 ci-dessus).

31      S’agissant du principe de proportionnalité, la Commission fait remarquer que, dans sa position finale, elle a considéré que les carences constatées avaient une incidence sur l’ensemble des demandeurs de subventions. De plus, le Royaume d’Espagne n’aurait pas démontré que certaines exploitations n’étaient soumises à aucune des obligations pour lesquelles des constatations avaient été opérées lors de la vérification. Par ailleurs, les informations fournies par le Royaume d’Espagne pendant la procédure administrative ainsi que pendant la procédure devant le Tribunal n’indiqueraient pas le nombre d’exploitations assujetties à chaque obligation concernée par les constatations.

 Appréciation du Tribunal

32      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, la requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués.

33      Selon la jurisprudence, il découle de cette disposition que les éléments de droit et de fait sur lesquels se fonde un recours doivent ressortir, de manière à tout le moins sommaire, du texte même de la requête et qu’il ne suffit donc pas qu’il soit fait référence dans la requête à de tels éléments figurant dans une annexe de celle-ci (arrêt du 16 octobre 2014, Pologne/Commission, C‑273/13 P, EU:C:2014:2295, point 95 ; voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec, EU:C:2005:408, points 94 et 96).

34      La fonction purement probatoire et instrumentale des annexes implique que, pour autant que le document produit en annexe à la requête comporte des éléments de droit sur lesquels certains moyens articulés dans ladite requête sont fondés, de tels éléments doivent figurer dans le texte même de cette dernière, à laquelle le document en cause est annexé, ou, à tout le moins, être suffisamment identifiés dans cette requête (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 33 supra, EU:C:2005:408, point 99).

35      Si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêts du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec, EU:T:2007:289, point 94, et du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, Rec, EU:T:2011:181, point 50).

36      Il convient d’examiner, à la lumière de ces principes, les doutes exprimés par la Commission quant à la recevabilité des arguments portant sur la question de savoir si les calculs proposés par le Royaume d’Espagne permettaient d’établir avec précision les pertes subies par l’Union.

37      À cet égard, il y a lieu de constater qu’il ressort de la requête que le Royaume d’Espagne prétend que l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 a été violé dans la mesure où la décision attaquée a imposé une correction forfaitaire, écartant les calculs qu’il avait proposés au motif qu’ils ne permettaient pas d’établir avec précision les pertes subies par l’Union. Cela ressort, notamment, des points 34 et suivants de la requête, dans lesquels le Royaume d’Espagne soutient qu’il avait fourni une « estimation complète, précise et détaillée » des carences identifiées. De plus, le point 38 de la requête reproduit un tableau figurant dans un document annexé à celle-ci, qui résume l’évaluation proposée par le Royaume d’Espagne. Par ailleurs, les points 54 à 66 de la requête développent l’argumentation relative aux estimations du Royaume d’Espagne et au caractère inapproprié du calcul forfaitaire effectué par la Commission, que l’annexe en question est censée étayer comme élément probatoire. Enfin, les points 40 à 61 de la réplique développent davantage cette argumentation.

38      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que les arguments avancés par le Royaume d’Espagne dans le cadre du premier moyen sont recevables dans leur ensemble.

39      En ce qui concerne l’appréciation au fond du premier moyen, il convient de rappeler que l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005 dispose que la Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à l’Union.

40      Selon une jurisprudence constante, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles du droit de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêts du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, Rec, EU:C:2004:589, point 67, et du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, C‑5/03, Rec, EU:C:2005:426, point 38).

41      Le document n° VI/5330/97 précise, en son annexe 2, les conséquences financières des carences des contrôles effectués par les États membres. Lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas d’évaluer, à partir d’une extrapolation des pertes déterminées, par des moyens statistiques ou par référence à d’autres données vérifiables, les pertes subies par l’Union par suite d’une carence de contrôle, une correction financière calculée sur une base forfaitaire, en fonction de l’ampleur du risque de perte, peut être envisagée.

42      Le document AGRI-2005-64043 adapte à la conditionnalité les orientations du document n° VI/5330/97. Il prévoit trois méthodes, qui peuvent être utilisées pour déterminer les corrections financières appropriées : premièrement, le rejet des demandes individuelles n’ayant pas fait l’objet des contrôles exigés ; deuxièmement, l’évaluation du risque pour le Fonds par extrapolation des résultats des vérifications effectuées sur un échantillon représentatif et, troisièmement, l’adoption de corrections forfaitaires. Il résulte du libellé du document AGRI-2005-64043 qu’il existe un ordre de priorité entre ces trois options, l’évaluation forfaitaire du risque étant la méthode de dernier ressort.

43      Il y a lieu de relever que rien ne s’oppose à ce que la Commission adopte des orientations internes concernant les corrections financières. Ces orientations internes contribuent à assurer que, lorsque la Commission prend des décisions en application de ces dispositions, les États membres ou les autorités désignées par eux bénéficient, dans des situations comparables, d’un traitement identique. En outre, de telles orientations sont susceptibles de renforcer la transparence des décisions individuelles adressées aux États membres. Les orientations internes indiquent ainsi les lignes générales sur le fondement desquelles la Commission envisage, en application de la réglementation pertinente, d’adopter ultérieurement des décisions individuelles dont la légalité pourra être contestée par l’État membre concerné. À cet égard, il importe de souligner que la jurisprudence a approuvé le mécanisme de correction forfaitaire et les critères contenus dans les orientations (arrêt du 17 mai 2013, Grèce/Commission, T‑294/11, EU:T:2013:261, points 154 et 155).

44      Une correction arrêtée par la Commission, conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière, tend à éviter la mise à la charge du FEAGA et du Feader de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue donc pas une sanction. La jurisprudence a ainsi reconnu que les taux forfaitaires retenus dans les orientations permettent à la fois le respect du droit de l’Union et la bonne gestion de ses ressources ainsi que d’éviter que la Commission n’exerce son pouvoir discrétionnaire en imposant aux États membres des corrections démesurées et disproportionnées (arrêt du 6 novembre 2014, Grèce/Commission, T‑632/11, EU:T:2014:934, point 60).

45      Il en résulte que, en vertu de ses propres orientations, la Commission ne pouvait utiliser la méthode forfaitaire que s’il y avait lieu d’écarter l’utilisation des autres méthodes, en particulier le calcul par extrapolation. Ainsi que le Royaume d’Espagne le soutient à bon droit, la méthode de calcul forfaitaire a en effet un caractère résiduel, même si, en pratique, la Commission y a fréquemment recours, ainsi qu’elle le relève.

46      En l’espèce, force est de constater que la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas accepter le calcul par extrapolation proposé par le Royaume d’Espagne, à savoir, notamment, parce que le résultat des contrôles variait significativement d’une année à l’autre. Dès lors, étant donné que ces contrôles devaient être réalisés chaque année, il n’était pas approprié de transposer simplement les résultats des contrôles d’une autre année.

47      Par ailleurs, les résultats des contrôles des années 2009 et 2010, qui diffèrent significativement, confirment le bien-fondé de l’argument de la Commission. En effet, ainsi qu’il a été indiqué au point 23 ci-dessus, les résultats de ces années correspondent à des montants qui passent de 11 123,16 à 53 682,53 euros. Eu égard à une telle volatilité, il ne saurait être exclu que, si les contrôles avaient été effectués en 2008, les résultats auraient été encore plus élevés que ceux de 2010.

48      Pour cette raison, la Cour a jugé qu’une méthode d’extrapolation fondée sur les irrégularités constatées au cours d’une année postérieure ne saurait constituer une base sûre de calcul (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2002, France/Commission, C‑118/99, Rec, EU:C:2002:39, points 44 et 45).

49      En réponse aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience, la Commission a expliqué que la méthode de calcul par extrapolation qui est envisagée par le document AGRI-2005-64043, et qu’elle aurait été en mesure d’accepter, est d’une nature différente de la méthode de calcul proposée par le Royaume d’Espagne. En effet, selon la Commission, la méthode de calcul envisagée par le document AGRI-2005-64043 implique l’extrapolation des résultats des contrôles effectués sur un échantillon de dossiers à l’ensemble des dossiers dont l’échantillon a été extrait. Ainsi, s’il y avait 100 dossiers, 10 étaient contrôlés au cours d’une année et, si des carences étaient identifiées dans 3 dossiers, la correction pour l’année en question aurait été calculée sur la base de 30 dossiers au lieu de 3. Il y a lieu de constater que le Royaume d’Espagne n’a pas proposé un calcul de ce type.

50      Au vu des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que la Commission était fondée à rejeter la méthode de calcul proposée par le Royaume d’Espagne.

51      S’agissant de la prétendue violation du principe de proportionnalité, il doit être rappelé que, selon la jurisprudence, ce principe, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt Grèce/Commission, point 44 supra, EU:T:2014:934, point 59).

52      En l’espèce, le Royaume d’Espagne soutient que la Commission aurait dû exclure du calcul de la correction forfaitaire les dossiers qui ne pouvaient pas être affectés par l’irrégularité identifiée.

53      Cette argumentation ne saurait être retenue.

54      L’approche forfaitaire ne saurait être considérée comme un mécanisme qui, en soi, viole le principe de proportionnalité. En effet, la possibilité de recourir à une telle approche, lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par l’Union, telle que consacrée par les orientations, a été entérinée par la jurisprudence (voir point 43 ci-dessus).

55      Par ailleurs, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, les carences constatées avaient une incidence sur l’ensemble des demandeurs de subventions. De plus, le Royaume d’Espagne n’a pas démontré que certaines exploitations n’étaient soumises à aucune des obligations pour lesquelles des carences avaient été identifiées. Dès lors, ses arguments ne démontrent pas que la Commission est allée au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif légitime de la protection du Fonds.

56      Lors de l’audience, le Royaume d’Espagne a indiqué que, même s’il revient à l’État membre de démontrer que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à tirer de la violation qu’elle a établie (voir point 40 ci-dessus), cette dernière ne lui a pas donné l’opportunité de faire une telle démonstration en l’espèce, car elle a changé d’orientation à la fin de la procédure administrative. En particulier, elle lui aurait toujours demandé d’étayer son argumentation relative à la pertinence d’une correction par extrapolation, sans lui permettre de démontrer que l’application concrète de la correction forfaitaire qu’elle envisageait était défaillante, notamment en ce qui concernait son application à l’ensemble des demandeurs de subventions.

57      Cet argument ne saurait être accepté. Dans sa lettre du 12 mars 2013, à laquelle le Royaume d’Espagne a répondu le 9 avril 2013, la Commission a informé ce dernier que la correction forfaitaire envisagée s’appliquerait à l’ensemble des demandeurs de subventions. De surcroît, ainsi qu’il l’a reconnu lors de l’audience, le Royaume d’Espagne n’a pas fourni à la Commission pendant la procédure administrative d’informations complètes permettant d’établir le nombre d’exploitations assujetties à chacune des obligations concernées par ses constatations.

58      Au vu de ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, relatif au cumul de la correction financière forfaitaire et de la correction financière ponctuelle

 Arguments des parties

59      Par son deuxième moyen, le Royaume d’Espagne invoque la violation de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 et du principe de proportionnalité en raison du cumul de la correction financière forfaitaire et de la correction financière ponctuelle.

60      En ce qui concerne la première prétendue violation, le Royaume d’Espagne soutient que l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 ne permet pas à la Commission de cumuler, pour une même ligne budgétaire de l’année 2008, la correction financière forfaitaire et la correction financière ponctuelle.

61      Selon le Royaume d’Espagne, à la correction financière ponctuelle de 191 873,53 euros qu’il avait proposée, la Commission a erronément ajouté la correction financière forfaitaire de 2%. Il explique que la Commission a déduit le montant de la correction ponctuelle du montant de base utilisé pour calculer la correction forfaitaire.

62      Or, selon le Royaume d’Espagne, cela constitue une pénalisation illégale à son égard, puisque, s’il n’avait pas fourni les informations pour la correction ponctuelle, la Commission aurait uniquement appliqué la correction forfaitaire de 2 % à l’ensemble du montant de base, ce qui aurait conduit à un résultat plus favorable pour lui. Il ajoute que le montant de la correction forfaitaire appropriée était de 2 %, car les carences identifiées ne concernaient que des contrôles secondaires et pas des contrôles clés.

63      Au stade de la réplique, le Royaume d’Espagne fait également valoir qu’il ressort des lettres que lui a envoyées la Commission pendant la procédure administrative qu’elle avait jugé que le taux de la correction financière appropriée était de 2 % et non de 5 %.

64      Enfin, le Royaume d’Espagne soutient que ce comportement de la Commission constitue une violation du principe de proportionnalité. Selon lui, cela pénalise de manière incorrecte l’estimation ponctuelle du risque effectuée dans la mesure où, s’il n’avait pas fourni cette estimation, la Commission aurait appliqué uniquement la correction forfaitaire de 2 %.

65      La Commission considère que le deuxième moyen est non fondé. Elle rappelle qu’elle a adopté des orientations, notamment les documents n° VI/5330/97 et AGRI-2005-64043, afin d’assurer la transparence requise pour ce qui est du calcul du préjudice financier et de garantir l’égalité entre les États membres dans l’application de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005. Le document AGRI-2005-64043, auquel il conviendrait de se référer, adapte les orientations du document n° VI/5330/97, et, notamment, la distinction entre contrôles clés et contrôles secondaires, à la conditionnalité. En application du document AGRI-2005-64043, la Commission aurait conclu que les carences identifiées (voir point 9 ci-dessus) concernaient des contrôles clés, méritant une correction de 5 % et non une correction de 2 % qui est appropriée lorsque les carences concernent des contrôles secondaires.

66      La Commission fait remarquer que, cependant, en ce qui concerne certaines carences, il existait des facteurs d’atténuation permettant d’appliquer un taux de 2 % au lieu de 5 %. Or, conformément au document n° VI/5330/97, les taux forfaitaires de correction ne seraient pas cumulatifs. Dès lors, étant donné que la carence la plus grave est considérée comme indicative des risques encourus par le Fonds dans son ensemble, la correction financière aurait dû être de 5 %, puisque la première carence (voir point 9 ci-dessus) n’était pas couverte par les facteurs d’atténuation. La Commission soutient que son acceptation de l’évaluation ponctuelle proposée par le Royaume d’Espagne pour cette carence précise a permis d’éviter la correction de 5 %, mais que la correction ponctuelle ne pouvait être intégrée dans la correction forfaitaire de 2 % étant donné qu’elle ne bénéficiait pas de facteurs d’atténuation du risque.

67      Dès lors, selon la Commission, si elle n’avait pas accepté le calcul ponctuel proposé par le Royaume d’Espagne pour une des carences, la correction financière finale aurait été moins favorable pour cet État.

 Appréciation du Tribunal

68      Le deuxième moyen est divisé en deux branches, qui concernent le cumul de la correction financière ponctuelle et de la correction financière forfaitaire. La première est tirée d’une prétendue violation de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 et, la seconde, d’une prétendue violation du principe de proportionnalité.

69      S’agissant de la première branche du deuxième moyen, à titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 n’interdit pas à la Commission d’effectuer un tel cumul. Au contraire, il convient de relever que, dans le cadre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), la jurisprudence a admis la possibilité de cumuler des corrections financières forfaitaires et d’autres corrections.

70      En effet, selon la jurisprudence, s’il s’avère que le risque encouru par le Fonds ne peut pas être uniquement couvert par des corrections analytiques, d’autres corrections forfaitaires doivent être possibles. Il serait contraire au système de financement du FEOGA que, s’il existe des motifs d’opérer une correction analytique, d’autres dommages ou risques, qui ne sont pas aussi clairement déterminables, restent à la charge du FEOGA. Aucune raison de principe ne s’oppose, par conséquent, au cumul d’une correction analytique et d’une correction forfaitaire (arrêt du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, Rec, EU:C:1999:527, points 73 et 74).

71      De surcroît, force est de constater que, en l’espèce, la correction ponctuelle concerne une infraction à des règles (à savoir, en ce qui concerne la première carence, l’imposition systématique de sanctions de 1 %) différente de l’infraction ayant donné lieu à la correction forfaitaire.

72      Dans ces circonstances, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée comme non fondée.

73      En ce qui concerne la seconde branche du deuxième moyen, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué au point 51 ci-dessus, le principe de proportionnalité exige que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante.

74      En l’espèce, le Royaume d’Espagne soutient que ce principe a été méconnu, puisque, s’il n’avait pas fourni les estimations permettant d’effectuer la correction ponctuelle, la Commission aurait appliqué uniquement la correction forfaitaire de 2 %.

75      À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que la Commission a fait valoir que les carences identifiées concernaient des contrôles clés méritant une correction de 5 % en vertu de l’application du document AGRI-2005-64043, au lieu d’une correction de 2 %. Ce document précise que la non-application de sanctions du fait des carences des contrôles sur place en matière de conditionnalité ou de la non-exécution de ces contrôles et l’application incorrecte ou la non-application des sanctions réglementaires, entraînant la perte de leur effet dissuasif, sont considérées comme des carences dans l’exécution d’un contrôle clé.

76      Le rapport de synthèse confirme que les constatations effectuées concernaient l’exécution de contrôles clés. En particulier, il indique que la grande majorité des non-conformités identifiées en 2008 par le Royaume d’Espagne avaient entraîné une sanction de 1 %, alors que la règle générale est l’imposition d’une sanction de 3 %. Par ailleurs, une norme BCAE n’aurait pas été définie et/ou contrôlée, des carences auraient été identifiées dans le contrôle de certaines ERG et il n’y aurait pas eu de procédure en ce qui concernait la non-conformité intentionnelle. Sur la base de ces considérations, le rapport de synthèse conclut que ces carences ont conduit à la non-application ou à l’application incorrecte des sanctions réglementaires et sont considérées comme des carences concernant un contrôle clé.

77      Il convient de relever que cette conclusion est étayée par les constatations effectuées. Dès lors, contrairement à ce que le Royaume d’Espagne soutient, le taux de la correction financière appropriée, selon le document AGRI-2005-64043, aurait en principe été de 5 % et pas de 2 %. Cependant, il résulte du rapport de synthèse que la Commission a décidé d’imposer une correction financière forfaitaire de 2 % au motif que les carences étaient principalement partielles et qu’il y avait certaines circonstances atténuantes.

78      En second lieu, il y a lieu de remarquer que la Commission a expliqué que les circonstances atténuantes ne concernaient pas la carence pour laquelle elle avait accepté la correction ponctuelle (à savoir, celle relative à l’application systématique de sanctions de 1 %). Or, si elle n’avait pas accepté la correction ponctuelle, la Commission aurait dû imposer une correction financière forfaitaire de 5 % pour l’ensemble des carences, en vertu du document AGRI-2005-64043.

79      Dès lors, contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, la correction financière finale n’aurait pas été plus favorable s’il n’avait pas proposé une correction ponctuelle pour une des carences.

80      Au vu de ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, relatif à l’extension de la correction financière à une période postérieure à la communication des constatations de la Commission

 Arguments des parties

81      Par son troisième moyen, le Royaume d’Espagne soutient que la Commission a violé l’article 31, paragraphe 4, du règlement n° 1290/2005, le principe de coopération loyale et ses droits de la défense en raison de l’extension de la correction financière à une période postérieure à la communication de ses constatations par lettre du 26 novembre 2010. Dès lors, selon le Royaume d’Espagne, il n’y avait pas lieu d’appliquer des corrections financières aux paiements de l’exercice de 2011, correspondant à des demandes introduites en 2010.

82      Premièrement, selon le Royaume d’Espagne, en vertu de l’article 31, paragraphe 4, du règlement n° 1290/2005, il n’y avait pas lieu d’appliquer une correction financière en dehors de la période de 24 mois précédant la communication écrite par la Commission de ses constatations.

83      Dans ce contexte, le Royaume d’Espagne relève, en particulier, que les défaillances identifiées étaient en voie de correction, ainsi qu’il en avait informé la Commission. De plus, cette dernière aurait simplement ignoré ces corrections sans effectuer aucune vérification.

84      Au stade de la réplique, le Royaume d’Espagne précise que la question cruciale pour effectuer l’extension des corrections financières est celle de savoir si les carences existaient encore. Selon lui, la Commission ne pouvait pas rejeter les arguments avancés sans effectuer un nouvel audit ou une nouvelle vérification matérielle.

85      Deuxièmement, le Royaume d’Espagne soutient que la Commission a également violé ses droits de la défense et l’obligation de coopération loyale, en refusant de vérifier les mesures qu’il avait adoptées avant d’appliquer la correction financière en cause.

86      La Commission considère que le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

87      Premièrement, la Commission avance que, selon l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 885/2006, elle doit exclure du financement de l’Union les dépenses concernées « jusqu’à la mise en œuvre effective par l’État membre des mesures correctives ».

88      Par ailleurs, la jurisprudence aurait confirmé que la Commission pouvait appliquer des corrections financières à une période postérieure à la date de la communication de ses constatations. Il ne ressortirait pas de cette jurisprudence que cette possibilité présente un caractère exceptionnel et ne peut être exercée que lorsque les parties s’accordent sur le fait que les défaillances ont persisté après cette date. Lorsque la Commission considère que les mesures nécessaires pour corriger les carences n’ont pas été adoptées, elle doit étendre les corrections financières jusqu’à la date d’adoption des mesures correctives.

89      S’agissant de la question de savoir si le Royaume d’Espagne a démontré avoir adopté les mesures correctives entre la date de la communication des constatations par la Commission et la fin de l’année de demande 2010, la Commission fait valoir que la requête n’indique pas quelles étaient ces mesures correctives. Partant, cet argument devrait être rejeté comme irrecevable pour manque de précisions à cet égard et, en tout état de cause, comme non fondé. En particulier, la Commission expose que, dans sa lettre du 15 janvier 2014 contenant sa position finale, elle a indiqué les raisons pour lesquelles elle estimait que des mesures correctives appropriées n’avaient pas été adoptées en 2010.

90      Deuxièmement, la Commission rejette les arguments relatifs à la prétendue violation des droits de la défense, en relevant qu’elle a averti le Royaume d’Espagne, dans sa communication des constatations, que les carences identifiées continueraient à servir de fondement à l’application de corrections financières jusqu’à l’adoption de mesures correctives appropriées.

91      Troisièmement, la Commission soutient qu’elle n’a pas enfreint l’obligation de coopération loyale, puisqu’elle a examiné les arguments du Royaume d’Espagne concernant les mesures correctives adoptées et lui a communiqué ses conclusions sur ce point dans sa position finale.

 Appréciation du Tribunal

92      S’agissant de la première branche du troisième moyen, tirée d’une prétendue violation de l’article 31, paragraphe 4, sous a), du règlement n° 1290/2005 du fait de l’extension de la correction financière à une période postérieure à la communication des constatations de la Commission, tout d’abord, il convient de rappeler que, aux termes de cette disposition, un refus de financement ne peut porter sur « les dépenses […] qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications ».

93      Par ailleurs, en vertu de l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 885/2006, « [a]près avoir examiné tout rapport éventuellement établi par l’organe de conciliation conformément au chapitre 3 [dudit] règlement, la Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions au titre de l’article 31 du règlement (CE) n° 1290/2005, visant à exclure du financement communautaire les dépenses concernées par le non-respect de la réglementation communautaire jusqu’à la mise en œuvre effective par l’État membre des mesures correctives ».

94      Il y a lieu de constater que l’article 31, paragraphe 4, sous a), du règlement n° 1290/2005 s’oppose explicitement à ce que la période sur laquelle porte une correction financière s’étende au-delà d’une période de plus de 24 mois avant la communication écrite des résultats des vérifications par la Commission. Or, cette disposition n’exclut ni n’autorise explicitement l’extension de cette période après la date de la communication écrite.

95      Il résulte de la jurisprudence que, lorsque des irrégularités justifiant l’application d'une correction financière persistent après la date de la communication écrite des résultats des vérifications, la Commission est en droit, et a même l’obligation, de tenir compte de cette situation lorsqu’elle détermine la période sur laquelle doit porter la correction financière en cause (arrêt du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, C‑157/00, Rec, EU:C:2003:5, point 45).

96      Par ailleurs, ainsi que l’a relevé la Commission, il y a lieu de rappeler que l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 885/2006 oblige cette dernière à exclure du financement de l’Union les dépenses irrégulières « jusqu’à la mise en œuvre effective par l’État membre des mesures correctives ».

97      Contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, cette jurisprudence n’établit pas qu’une telle extension n’est possible que lorsque les parties sont d’accord sur le fait que les carences ont persisté au-delà de la date de la communication écrite des résultats des vérifications. En réalité, l’élément déterminant est la mise en œuvre effective par l’État membre des mesures correctives, en vertu de l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 885/2006.

98      En l’espèce, la Commission a informé le Royaume d’Espagne, dans sa communication des constatations du 26 novembre 2010, que les carences identifiées (y compris celles concernant l’année de demande 2010) serviraient de fondement à l’application de corrections financières jusqu’à l’adoption des mesures correctives appropriées. Par ailleurs, elle a informé le Royaume d’Espagne, dans sa lettre du 15 janvier 2014 exprimant sa position finale ainsi que dans le rapport de synthèse, des raisons pour lesquelles elle considérait qu’il n’avait pas adopté des mesures correctives adéquates pour l’année de demande 2010. En particulier, il ressort de ces documents que la Commission a considéré que des carences identifiées dans le contrôle de certaines ERG avaient continué pendant ladite année.

99      À cet égard, il suffit de constater que le Royaume d’Espagne n’avance aucun argument susceptible d’infirmer la position de la Commission en ce qui concerne le défaut d’adoption de mesures correctives efficaces.

100    Dès lors, la première branche du troisième moyen doit être rejetée comme non fondée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les doutes exprimés par la Commission relatifs à la recevabilité de certains arguments avancés dans ce cadre.

101    En ce qui concerne la seconde branche, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce principe exige que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible les intérêts de ceux-ci soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (arrêt du 19 janvier 2006, Comunità montana della Valnerina/Commission, C‑240/03 P, Rec, EU:C:2006:44, point 129).

102    En l’espèce, force est de constater que le Royaume d’Espagne a eu la possibilité d’exprimer son point de vue sur la position de la Commission, exposée dans sa communication des constatations du 26 novembre 2010, selon laquelle les carences identifiées serviraient de fondement à l’application de corrections financières jusqu’à l’adoption des mesures correctives appropriées. Dès lors, il y a lieu de considérer que le comportement de la Commission satisfait aux exigences du respect des droits de la défense.

103    Enfin, s’agissant du principe de coopération loyale, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 4, paragraphe 3, TUE, en vertu de ce principe, l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités.

104    En l’espèce, il y a lieu de considérer que ledit principe n’a pas été violé par la Commission, car cette dernière a examiné les arguments du Royaume d’Espagne concernant les mesures correctives adoptées et lui a communiqué sa position sur ce point dans sa lettre du 15 janvier 2014 exprimant sa position finale ainsi que dans le rapport de synthèse.

105    Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

106    Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

107    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume d’Espagne ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

108    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la République de Lettonie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume d’Espagne est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

3)      La République de Lettonie supportera ses propres dépens.

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mars 2016.

Signatures


** Langue de procédure : l’espagnol.

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/T67514.html