Post Telecom v EIB (European Union public contracts European Union public contracts - Order) French Text [2017] EUECJ T-158/17_CO (21 April 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T15817_CO.html
Cite as: [2017] EUECJ T-158/17_CO, ECLI:EU:T:2017:281, EU:T:2017:281

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ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

21 avril 2017 (*)

« Référé – Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Fourniture de services de communication via un réseau métropolitain pour les bâtiments et les bureaux du Groupe de la BEI au Luxembourg – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire et attribution du marché à un autre soumissionnaire – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑158/17 R,

Post Telecom SA, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Mes M. Thewes, C. Saettel et T. Chevrier, avocats,

partie requérante,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par MM. T. Gilliams, P. Kiiver et Mme C. Solazzo, en qualité d’agents, assistés de Mes M. Belmessieri et B. Schutyser, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant au sursis à l’exécution de la décision de la BEI du 6 janvier 2017 rejetant l’offre soumise par la requérante pour le lot n° 1 de l’appel d’offres OP-1305, intitulé « Services de communication via un réseau métropolitain et un réseau étendu en faveur du Groupe de la Banque européenne d’investissement », et de la décision d’attribuer ce lot à un autre soumissionnaire,

LE VICE-PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par avis de marché du 27 mai 2016 publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2016, S 101) sous la référence OP-1305, la Banque européenne d’investissement (BEI) a lancé un appel d’offres pour le marché public « Services de communication via un réseau métropolitain et un réseau étendu en faveur du Groupe de la Banque européenne d’investissement ». L’appel d’offres était divisé en deux lots, dont le lot n° 1, intitulé « Services de communication via un réseau métropolitain (services de liaison de données, d’accès à Internet et de téléphonie vocale pour les bâtiments et les bureaux du Groupe BEI au Luxembourg) ».

2        Le 16 septembre 2016, la requérante, Post Telecom SA, a présenté une offre pour ce lot.

3        Par lettre du 6 janvier 2017, la BEI a informé la requérante que son offre n’avait pas été retenue pour l’attribution du lot n° 1 car elle ne constituait pas l’offre économiquement la plus avantageuse. À cet égard, la lettre indiquait que l’offre de la requérante, classée en seconde position, avait recueilli 71,53 points alors que l’offre économiquement la plus avantageuse avait obtenu 77,20 points. Par cette même lettre, la BEI a également informé la requérante que le contrat serait signé après une période de dix jours calendaires à compter du jour suivant l’envoi de la décision de rejet, et qu’elle pouvait demander des informations complémentaires sur les motifs de refus de son offre.

4        Par courriel du 9 janvier 2017, la requérante a demandé à la BEI de lui fournir des informations complémentaires concernant l’évaluation des offres.

5        Par lettre du 10 janvier 2017, la BEI a communiqué à la requérante le nom du soumissionnaire retenu ainsi qu’un extrait du rapport d’évaluation des offres comprenant, pour chaque critère technique, les appréciations détaillées des points forts et faibles de l’offre de la requérante ainsi que de celle du soumissionnaire retenu.

6        Par lettres du 16 janvier et du 2 février 2017, la requérante a formulé certaines critiques concernant le contenu du rapport d’évaluation des offres.

7        Par lettre du 16 février 2017, la BEI a répondu aux observations formulées par la requérante dans ses lettres du 16 janvier et du 2 février 2017.

8        Par lettre du 21 février 2017, la requérante a contesté les explications fournies par la BEI avançant, en substance, d’une part, que son offre dépassait clairement les exigences établies dans les documents d’appel d’offres, et, d’autre part, que l’offre du soumissionnaire retenu n’était pas conforme au cahier des charges en raison de la présence de deux points de croisement dans la solution technique proposée. À cet égard, la requérante a demandé à la BEI de lui communiquer une copie des documents soumis par le soumissionnaire retenu ainsi que de tous les échanges qui seraient intervenus entre elle et ce soumissionnaire concernant les deux points de croisement en question.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mars 2017, la requérante a introduit une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la BEI du 6 janvier 2017 par laquelle cette dernière a rejeté son offre pour le lot n° 1, ainsi que de la décision d’attribuer ce lot à un autre soumissionnaire (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »). Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au vice-président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution des décisions attaquées ;

–        ordonner le sursis à l’exécution des décisions attaquées avant même que la BEI ait présenté ses observations, conformément à l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal ;

–        ordonner la production des documents du dossier de passation de marchés dans lesquels les contacts qui ont eu lieu entre la BEI et le soumissionnaire retenu ont été consignés, ainsi que la production de tout document échangé entre la BEI et ce soumissionnaire postérieurement à l’adoption des décisions attaquées ;

–        condamner la BEI aux dépens.

10      Le 14 mars 2017, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le vice-président du Tribunal a demandé à la BEI si le contrat avec le soumissionnaire retenu avait été conclu et, dans l’affirmative, d’indiquer la date de conclusion de ce contrat. La BEI a répondu à la question du vice-président dans le délai imparti, indiquant que le contrat avec le soumissionnaire retenu n’avait pas encore été conclu.

11      Par ordonnance du 15 mars 2017, le vice-président du Tribunal a accordé le sursis à exécution demandé jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la procédure en référé.

12      Le 24 mars 2017, la BEI a déposé ses observations sur la demande en référé, dans lesquelles elle conclut à ce qu’il plaise au vice-président du Tribunal :

–        lever la suspension de la décision attaquée ;

–        pour le surplus, rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce dans le respect des règles prévues par l’article 156 du règlement de procédure. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires [voir ordonnance du 15 juin 2015, Close et Cegelec/Parlement, T‑259/15 R, EU:T:2015:378, point 12 (non publié) et jurisprudence citée].

14      En outre, l’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le juge des référés peut ordonner le sursis à exécution et d’autres mesures provisoires s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), EU:C:1996:381, point 30].

15      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), EU:C:1995:257, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée, EU:C:2007:209, point 25].

16      Compte tenu des éléments du dossier, le vice-président estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

17      Dans les circonstances de l’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

18      À cet égard, il importe de souligner que, en matière de marchés publics, la condition relative à l’urgence est assouplie dans certaines circonstances.

19      En effet, dans cette matière, l’exigence de démonstration de la survenance d’un préjudice irréparable ne peut, en règle générale, être satisfaite par le soumissionnaire évincé que de manière excessivement difficile. Exiger de la part d’un tel soumissionnaire d’établir que le rejet de sa demande en référé risquerait de lui causer un préjudice irréparable reviendrait à porter une atteinte excessive et injustifiée à la protection juridictionnelle effective dont il bénéficie au titre de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La condition qui s’impose cependant au soumissionnaire est celle de démontrer l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 41].

20      Toutefois, cet assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence, justifié par le droit à un recours juridictionnel effectif et qui ne s’applique, en principe, que pendant la phase précontractuelle [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, points 34 et 42], ne dispense aucunement la partie requérante d’établir la gravité du préjudice qui serait causé par le rejet de sa demande en référé.

21      En effet, il y a lieu de rappeler que l’assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence en matière de marchés publics résulte du fait que l’exigence de démonstration de la survenance d’un préjudice irréparable rend pratiquement impossible pour un soumissionnaire évincé d’obtenir un sursis à l’exécution d’une décision d’attribution d’un marché, au motif que le préjudice qu’il est susceptible de subir, étant d’ordre financier, n’est pas irréparable [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 30]. Il a donc été jugé nécessaire, afin de respecter les impératifs découlant de la protection provisoire effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, de permettre au soumissionnaire évincé d’établir l’urgence autrement que par la démonstration, en toutes circonstances, d’un risque imminent de survenance d’un préjudice irréparable. Dans un tel cas, et pour autant qu’il existe un fumus boni juris suffisamment sérieux, la seule preuve de la gravité du préjudice qui serait causé par l’absence de sursis à l’exécution de la décision attaquée peut être considérée comme suffisante pour remplir la condition relative à l’urgence (ordonnance du 24 mars 2015, Europower/Commission, T‑383/14 R, EU:T:2015:190, point 61).

22      Par ailleurs, il convient de souligner que la perte d’une chance de se voir attribuer et d’exécuter un marché public est inhérente à l’exclusion de la procédure d’appel d’offres en cause et ne saurait être regardée comme constitutive, en soi, d’un préjudice grave, indépendamment d’une appréciation concrète de la gravité de l’atteinte spécifique alléguée dans chaque cas d’espèce. En conséquence, c’est à la condition que la partie requérante ait démontré à suffisance de droit qu’elle aurait pu retirer des bénéfices suffisamment significatifs de l’attribution et de l’exécution du marché dans le cadre de la procédure d’appel d’offres que le fait, pour elle, d’avoir perdu une chance de se voir attribuer et d’exécuter ledit marché constituerait un préjudice grave (voir, en ce sens, ordonnance du 20 septembre 2005, Deloitte Business Advisory/Commission, T‑195/05 R, EU:T:2005:330, points 150 et 151).

23      S’agissant de l’application de ces principes au cas de l’espèce, il y a lieu de constater que, dans sa demande en référé, la requérante ne démontre pas l’importance, ni même la nature, du préjudice qu’elle serait susceptible de subir si le sursis à l’exécution des décisions attaquées n’était pas maintenu. En effet, en ce qui concerne la condition relative à l’urgence, après avoir rappelé que, en matière de marchés publics, la charge de la preuve du demandeur en référé pour établir l’urgence est allégée, la requérante se contente d’invoquer le bénéfice de cet allègement de la charge de la preuve, dans la mesure où elle a introduit sa demande en référé pendant la phase précontractuelle.

24      Or, comme il a été exposé aux points 20 et 21 ci-dessus, quand bien même l’assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence s’appliquerait en l’espèce, la requérante reste tenue d’établir, à tout le moins, l’existence d’un préjudice grave qui serait causé par le rejet de sa demande en référé.

25      Il s’ensuit que, en l’absence de tout élément de preuve fourni dans la demande en référé concernant, par exemple, l’importance du marché dont la requérante a été évincée, les bénéfices qu’elle aurait pu retirer de l’attribution et de l’exécution de ce marché, que ce soit en termes financiers ou autres, ou les ressources qu’elle a investies aux fins de présenter son offre, il ne saurait être considéré comme établi que le rejet de la demande en référé causerait à la requérante un préjudice suffisamment grave.

26      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions d’octroi des mesures provisoires sollicitées sont remplies en l’espèce, ni de statuer sur la demande de production de documents formulée par la requérante dans son deuxième chef de conclusions.

27      Dans ces circonstances, il y a lieu de rapporter l’ordonnance du 15 mars 2017 (voir point 11 ci-dessus).

Par ces motifs,

LE VICE-PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      L’ordonnance du 15 mars 2017 rendue dans l’affaire T158/17 R est rapportée.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 21 avril 2017.

Le greffier

 

Le vice-président

E. Coulon

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : le français.

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