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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Deza v ECHA (Judgment) French Text [2017] EUECJ T-189/14 (13 January 2017) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T18914.html Cite as: [2017] EUECJ T-189/14, ECLI:EU:T:2017:4, EU:T:2017:4 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
13 janvier 2017 (*)
« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents détenus par l’ECHA contenant des informations soumises dans le cadre de la procédure relative à la demande d’autorisation d’utilisation de la substance phtalate de bis (2‑éthylhexyle) (DEHP) – Décision de divulguer certaines informations considérées comme confidentielles par la partie requérante – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux – Notion de vie privée – Droit de propriété – Obligation de motivation »
Dans l’affaire T‑189/14,
Deza, a.s., établie à Valašské Meziříčí (République tchèque), représentée par Me P. Dejl, avocat,
partie requérante,
contre
Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée initialement par Mme A. Iber, M. T. Zbihlej et Mme M. Heikkilä, en qualité d’agents, puis par Mmes Heikkilä, C. Buchanan et M. W. Broere, en qualité d’agents, assistés de Me M. Mašková, avocat,
partie défenderesse,
soutenue par
Commission européenne, représentée par Mme F. Clotuche-Duvieusart, M. P. Ondrůšek et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,
et par
ClientEarth, établie à Londres (Royaume-Uni),
European Environmental Bureau (EEB), établi à Bruxelles (Belgique),
Vereniging Health Care Without Harm Europe, établie à Rijswijk (Pays-Bas),
représentés par Me B. Kloostra, avocat,
parties intervenantes,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des décisions de l’ECHA du 24 janvier 2014 concernant la divulgation de certaines informations soumises par la requérante dans le cadre de la procédure relative à la demande d’autorisation d’utiliser la substance phtalate de bis (2‑éthylhexyle) (DEHP),
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
composé de M. M. Prek (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz, juges,
greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 29 juin 2016,
rend le présent
Arrêt
Faits à l’origine du litige
1 La substance phtalate de bis (2‑éthylhexyle) (DEHP) (ci-après le « DEHP ») est utilisée pour assouplir les plastiques à base de chlorure de polyvinyle (PVC). Le DEHP a été inclus dans l’annexe XIV du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3). L’inclusion de cette substance dans l’annexe susmentionnée a eu pour effet que, à compter du 21 février 2015, son utilisation est désormais soumise à une autorisation délivrée par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).
2 Afin de pouvoir continuer à produire le DEHP sans interruption au-delà du 21 février 2015, la requérante, Deza a.s., a déposé une demande d’autorisation auprès de l’ECHA conformément à l’article 62 du règlement n° 1907/2006. À cet égard, elle a joint à sa demande d’autorisation une version confidentielle et une version non confidentielle des documents requis, dont un rapport sur la sécurité chimique, une analyse des solutions de remplacement et une analyse socio-économique. Arkema France, Grupa Azoty Zakłady Azotowe Kędzierzyn S.A. et Vinyloop Ferrara SpA (ci-après les « anciennes requérantes ») ont également introduit une demande d’autorisation pour continuer à produire le DEHP.
3 Du 13 novembre 2013 au 8 janvier 2014, l’ECHA a, en application de l’article 64, paragraphe 2, du règlement n° 1907/2006, organisé une consultation publique portant sur les demandes relatives au DEHP. Dans ce contexte, elle a mis à la disposition du public plusieurs documents relatifs à ladite substance.
4 Le 5 décembre 2013, en se fondant sur le règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), ClientEarth et European Environmental Bureau (EEB) ont formulé, auprès de l’ECHA, une demande d’accès au rapport sur la sécurité chimique et à l’analyse des solutions de remplacement inclus dans la demande d’autorisation relative à l’utilisation du DEHP, puisqu’elles estimaient que les documents divulgués au cours de la procédure de consultation publique étaient incomplets.
5 Par une lettre du 18 décembre 2013, l’ECHA a informé la requérante de la demande d’accès, formulée par ClientEarth et EEB, au rapport sur la sécurité chimique et à l’analyse des solutions de remplacement inclus dans la demande d’autorisation. L’ECHA l’a également informée qu’elle lui adressait, par voie électronique, une version occultée des documents susmentionnés et qu’elle l’invitait à identifier de façon claire les informations qu’elle ne souhaitait pas voir divulguées et à indiquer les motifs pour lesquels ces informations relevaient de l’une des exceptions visées à l’article 4 du règlement n° 1049/2001.
6 Le 24 janvier 2014, l’ECHA a adressé à la requérante une lettre portant la référence AFA‑C‑0000004274‑77‑09/F et aux anciennes requérantes des lettres portant respectivement les références AFA‑C‑0000004280‑84‑09/F, AFA‑C-0000004275‑75‑09/F et AFA‑C‑0000004151‑87‑08/F, par lesquelles elle leur faisait part de sa décision de divulguer une partie des documents demandés au sens du règlement n° 1049/2001 (ci-après les « décisions attaquées »).
7 Par une lettre du 7 février 2014, l’ECHA a informé ClientEarth et EEB qu’elle avait décidé de leur accorder un accès partiel aux informations demandées, mais que la divulgation était suspendue, parce qu’une procédure avait été engagée devant le Tribunal pour empêcher cette divulgation. En annexe à cette lettre était jointe une des lettres du 24 janvier 2014, à savoir celle adressée à Arkema France, qui était analogue à celle adressée à la requérante.
Procédure et conclusions des parties
8 Le 24 mars 2014, la requérante et les anciennes requérantes ont introduit un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE contre les décisions attaquées. Par acte séparé du même jour, elles ont introduit une demande en référé au titre de l’article 278 TFUE en vue d’obtenir le sursis à l’exécution des décisions attaquées.
9 Par lettre du 8 avril 2014, les anciennes requérantes ont informé le Tribunal qu’elles se désistaient de leur recours, ce dont le président du Tribunal a pris acte par ordonnance de radiation partielle du 11 avril 2014.
10 Par ordonnance du 25 juillet 2014, Deza/ECHA (T‑189/14 R, non publiée, EU:T:2014:686), il a été sursis à l’exécution de la décision portant la référence AFA‑C-0000004274‑77‑09/F et il a été enjoint à l’ECHA de s’abstenir de divulguer les rapports sur la sécurité chimique et les analyses des solutions de remplacement du DEHP présentés par les anciennes requérantes et faisant l’objet des décisions portant les références AFA‑C-0000004280‑84‑09/F, AFA‑C‑0000004275‑75‑09/F et AFA‑C-0000004151‑87‑08/F.
11 Par un acte déposé au greffe du Tribunal le 1er août 2014, ClientEarth, EEB et Vereniging Health Care Without Harm Europe (ci-après « HCWH Europe ») ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA. Par ailleurs, elles ont demandé à pouvoir utiliser l’anglais, à titre principal, dans le cadre des phases écrite et orale de la procédure et, à titre subsidiaire, au cours de la phase orale de la procédure.
12 Les demandes susmentionnées ont été signifiées à la requérante ainsi qu’à l’ECHA, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.
13 Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 25 septembre 2014, la Commission européenne a été admise à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA.
14 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 octobre 2014, l’ECHA a demandé le traitement confidentiel de l’annexe D1 de la duplique à l’égard de ClientEarth, d’EEB et de HCWH Europe.
15 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 octobre 2014, la requérante a présenté une demande de traitement confidentiel à l’égard de ClientEarth, d’EEB et de HCWH Europe, portant sur certaines données et informations contenues dans la requête.
16 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 octobre 2014, la requérante a rectifié sa demande de traitement confidentiel de certains éléments contenus dans la requête et dans ses annexes ainsi que dans les décisions de l’ECHA et leurs annexes et a également demandé la confidentialité de l’annexe D1 de la duplique, à l’égard de ClientEarth, d’EEB et de HCWH Europe.
17 Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 16 janvier 2015, ClientEarth, EEB et HCWH Europe ont été admises à intervenir à l’appui des conclusions de l’ECHA. La demande de dérogation au régime linguistique présentée par les intervenantes a été rejetée en tant qu’elle concernait la phase écrite de la procédure et la décision sur la demande de dérogation au régime linguistique aux fins de la phase orale de la procédure a été réservée.
18 Le 20 février 2015, ClientEarth, EEB et HCWH Europe ont émis des objections sur la demande de traitement confidentiel de l’annexe D1 de la duplique.
19 Le 14 avril 2015, le Tribunal a adopté une mesure d’organisation de la procédure par laquelle il a posé à la requérante des questions relatives à sa demande rectificative de traitement confidentiel.
20 Le 29 avril 2015, la requérante a répondu aux questions posées par le Tribunal.
21 Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 12 juin 2015, il a été fait droit à la demande de traitement confidentiel, à l’égard de ClientEarth, d’EEB et de HCWH Europe, en ce qui concerne, d’une part, les données du rapport sur la sécurité chimique contenues à la fois à l’annexe 3 de la version confidentielle des décisions attaquées (aux pages 941 à 1503 de la requête) et aux pages 353 à 915 de l’annexe A.4.5 de la version confidentielle de la requête et, d’autre part, les données de l’analyse des solutions de remplacement contenues à la fois à l’annexe 4 de la version confidentielle des décisions attaquées (aux pages 1504 à 1819 de la requête) et aux pages 37 à 352 de l’annexe A.4.4 de la version confidentielle de la requête. La demande de traitement confidentiel a été rejetée pour le surplus.
22 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les décisions attaquées ;
– condamner l’ECHA aux dépens.
23 L’ECHA, soutenue par la Commission et par ClientEarth, EEB et HCWH Europe, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable en ce qu’il vise les décisions contenues dans les lettres qui n’ont pas été directement adressées à la requérante ;
– rejeter le recours pour le surplus ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
24 À l’appui de son recours la requérante invoque quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, lu conjointement avec l’article 118 du règlement n° 1907/2006, le deuxième, de la violation de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), du 15 avril 1994 (JO 1994, L 336, p. 214, ci-après l’« accord ADPIC »), constituant l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3), notamment de son article 39, paragraphe 2, le troisième, de la violation de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), de l’article 1er du protocole additionnel à la CEDH et de l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, le quatrième, de la violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001.
25 L’ECHA conteste les arguments soulevés par la requérante à l’appui de sa demande tendant à l’annulation des décisions attaquées et excipe de l’irrecevabilité du recours en ce qu’il vise les décisions contenues dans les lettres portant les références AFA‑C‑0000004280‑84‑09/F, AFA‑C-0000004275‑75‑09/F et AFA‑C‑0000004151‑87‑08/F.
26 Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal estime qu’une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le présent recours, ainsi qu’il ressort des développements qui suivent, sans statuer préalablement sur la fin de non-recevoir opposée en défense par l’ECHA en ce que le recours vise les décisions mentionnées au point 25 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 50 à 52 ; du 23 octobre 2007, Pologne/Conseil, C‑273/04, EU:C:2007:622, point 33, et du 10 octobre 2014, Marchiani/Parlement, T‑479/13, non publié, EU:T:2014:866, point 23).
27 À titre liminaire, il doit être rappelé que le règlement n° 1907/2006 impose au demandeur qui souhaite utiliser certaines substances chimiques d’effectuer une analyse de la disponibilité de substances de remplacement, d’examiner les risques qu’elles comportent et de vérifier la faisabilité technique et économique de leur utilisation. En ce sens, dans le cadre de sa demande d’autorisation d’utilisation du DEHP, la requérante a notamment présenté les deux documents suivants, en une version confidentielle et une version non confidentielle, à l’ECHA : un rapport sur la sécurité chimique et une analyse des solutions de remplacement. Ces documents, dans leur version non confidentielle, ont fait l’objet d’une publication sur le site Internet de l’ECHA. À la suite d’une demande d’accès aux documents formulée par ClientEarth et par EEB, l’ECHA a demandé à la requérante de reconsidérer sa position et de procéder à un réexamen des informations qu’il convenait de considérer comme confidentielles. La requérante a transmis une version modifiée des documents confidentiels. L’ECHA a toutefois estimé que, parmi les informations que la requérante ne voulait pas voir divulguées, certaines n’étaient pas confidentielles et devaient ainsi être transmises aux demandeurs d’accès aux documents. C’est pourquoi l’ECHA a préparé une autre version des documents, dont plusieurs extraits ont été occultés pour demeurer confidentiels et d’autres ont été conservés pour être divulgués. La requérante a considéré que plusieurs informations (ci-après les « informations litigieuses ») parmi celles que l’ECHA comptait divulguer devaient rester confidentielles. Dans son recours en annulation, elle a énuméré de façon limitative les informations litigieuses figurant dans la dernière version des documents préparée par l’ECHA. Partant, c’est la question de l’accès à ces informations litigieuses limitativement énumérées qui est l’objet du présent litige.
28 Toutefois, dans la cadre du deuxième moyen, la requérante défend en substance une position de principe selon laquelle les présomptions générales de refus d’accès s’appliquant à certaines catégories de documents concerneraient également les informations litigieuses présentées dans le cadre de la procédure d’autorisation prévue par le règlement n° 1907/2006 et selon laquelle, partant, la divulgation de ces documents porterait en principe atteinte aux intérêts commerciaux. Le Tribunal considère que ce grief constitue un moyen à part entière qu’il convient d’examiner en premier lieu.
1. Sur le moyen distinct, tiré de l’existence d’une présomption générale de confidentialité des informations présentées dans le cadre de la procédure d’autorisation prévue par le règlement n° 1907/2006
29 Dans le cadre de ce moyen, la requérante soutient en substance que sont visées par le secret commercial toutes les informations litigieuses dans leur globalité.
30 L’ECHA soutient que cette approche de la requérante ne correspond pas à celle qu’elle a opérée lors de la procédure de consultation des tiers, puisque, au cours de cette dernière, elle n’a soulevé aucun argument selon lequel il fallait traiter les informations en cause dans leur ensemble et a au contraire soumis, à l’appui de sa demande de non-divulgation des informations litigieuses, quelques motifs spécifiques ne comportant pas de lien entre eux. Quant au fond, l’ECHA conteste le fait qu’il existerait une présomption générale de confidentialité des informations litigieuses.
31 Il convient de souligner de façon liminaire que, à supposer que cette approche défendue par la requérante ne corresponde pas, comme l’allègue l’ECHA, à l’attitude qu’elle aurait adoptée lors de la procédure administrative, cela n’implique pas pour autant que ce moyen ne pourrait être soulevé par la requérante.
32 En effet, la requérante défend en substance une position de principe selon laquelle les présomptions générales de refus d’accès s’appliquant à certaines catégories de documents concerneraient également les informations litigieuses présentées dans le cadre de la procédure d’autorisation prévue par le règlement n° 1907/2006 et selon laquelle, partant, la divulgation de ces documents porterait en principe atteinte aux intérêts commerciaux. S’agissant d’une question d’interprétation du règlement n° 1049/2001 et du règlement n° 1907/2006, elle peut donc être légitimement soulevée devant le Tribunal même si elle n’a pas été invoquée, ni, a fortiori, examinée, au stade de la procédure administrative. Il convient donc de l’examiner.
33 L’examen de cette question implique de rappeler que, en application de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, les dispositions relatives à l’accès du public aux documents de l’ECHA s’appliquent à tous les documents détenus par cette agence, c’est-à-dire à tous les documents établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne. Si ledit règlement vise à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible, ce droit est soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 85).
34 Il importe également de relever que la Cour a reconnu la possibilité pour les institutions et les agences concernées de se fonder sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 50).
35 Ainsi, la Cour et le Tribunal ont reconnu l’existence de présomptions générales de refus d’accès à des documents dans plusieurs cas d’espèce tels que, notamment, le dossier administratif dans une procédure de contrôle des aides d’État, les documents échangés dans le cadre d’une procédure de contrôle des opérations de concentration, les documents dans le cadre d’une procédure d’application de l’article 101 TFUE et les documents établis dans le cadre des analyses d’impact menées par la Commission, afférentes à un processus décisionnel en cours en matière d’environnement.
36 D’une part, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une présomption générale soit valablement opposée à la personne qui demande l’accès à des documents sur le fondement du règlement n° 1049/2001, il est nécessaire que les documents demandés fassent partie d’une même catégorie de documents ou soient d’une même nature (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 50, et du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 72).
37 D’autre part, il découle de cette jurisprudence que l’application des présomptions générales est essentiellement dictée par l’impérative nécessité d’assurer le fonctionnement correct des procédures en question et de garantir que leurs objectifs ne soient pas compromis. Ainsi, la reconnaissance d’une présomption générale peut être fondée sur l’incompatibilité de l’accès aux documents de certaines procédures avec le bon déroulement de celles-ci et sur le risque qu’il soit porté atteinte à celles-ci, étant entendu que les présomptions générales permettent de préserver l’intégrité du déroulement de la procédure en limitant l’ingérence des tierces parties (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Wathelet dans les affaires jointes LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:528, points 66, 68, 74 et 76). L’application de règles spécifiques prévues par un acte juridique relatif à une procédure conduite devant une institution de l’Union pour les besoins de laquelle les documents demandés ont été produits est l’un des critères de nature à justifier la reconnaissance d’une présomption générale (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2015, McCullough/Cedefop, T‑496/13, non publié, EU:T:2015:374, point 91, et conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:325, point 75).
38 Ainsi, le juge de l’Union estime que les exceptions au droit d’accès aux documents qui figurent à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 ne sauraient être interprétées sans tenir compte des règles spécifiques régissant l’accès à ces documents, prévues par les règlements concernés. C’est en ce sens que la Cour a relevé que, dans le cadre d’une procédure d’application de l’article 101 TFUE, certaines dispositions du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), ainsi que du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), régissaient de manière restrictive l’usage des documents figurant dans le dossier relatif à ladite procédure, puisque ceux-ci prévoyaient que les parties à une procédure d’application de l’article 101 TFUE ne disposaient pas d’un droit d’accès illimité aux documents figurant dans le dossier de la Commission et que les tiers, à l’exception des plaignants, ne disposaient pas, dans le cadre d’une telle procédure, du droit d’accès aux documents du dossier de la Commission. La Cour a estimé qu’autoriser un accès généralisé sur la base du règlement n° 1049/2001 aux documents figurant dans un dossier relatif à l’application de l’article 101 TFUE aurait été de nature à mettre en péril l’équilibre que le législateur de l’Union avait voulu assurer dans les règlements n° 1/2003 et n° 773/2004 entre l’obligation pour les entreprises concernées de communiquer à la Commission des informations commerciales éventuellement sensibles aux fins de permettre à celle-ci de déceler l’existence d’une entente et d’en apprécier la compatibilité avec ledit article, d’une part, et la garantie de protection renforcée s’attachant, au titre du secret professionnel et du secret des affaires, aux informations ainsi transmises à la Commission, d’autre part. La Cour en a conclu que la Commission, aux fins de l’application des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001, était en droit de présumer, sans procéder à un examen concret et individuel de chacun des documents figurant dans un dossier relatif à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, que la divulgation de ces documents portait, en principe, atteinte à la protection des intérêts commerciaux des entreprises impliquées dans une telle procédure (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, points 86, 87, 90 et 93).
39 Toutefois, à la différence des situations pour lesquelles la Cour et le Tribunal ont admis que les présomptions générales de refus d’accès aux documents s’appliquaient, le règlement n° 1907/2006 régit expressément le rapport entre ce règlement et le règlement n° 1049/2001. En effet, l’article 118 du règlement n° 1907/2006 prévoit que le règlement n° 1049/2001 s’applique aux documents détenus par l’ECHA. Il ne régit pas de manière restrictive l’usage des documents figurant dans le dossier relatif à une procédure d’autorisation pour l’utilisation d’une substance chimique. Ledit règlement ne prévoit effectivement pas la limitation de l’accès au dossier aux « parties concernées » ou aux « plaignants ». Tout au plus, il identifie précisément, en son article 118, paragraphe 2, certaines informations dont la divulgation porte atteinte aux intérêts commerciaux de la personne concernée. À l’inverse, l’article 119, paragraphe 1, dudit règlement énumère d’autres informations qui sont rendues accessibles au public sur l’internet.
40 Une présomption générale ne résulte donc pas des dispositions du règlement n° 1907/2006. Il ne saurait ainsi être admis que, dans le cadre d’une procédure d’autorisation prévue par le règlement n° 1907/2006, les documents communiqués à l’ECHA soient considérés comme étant, dans leur intégralité, manifestement couverts par l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux des demandeurs d’autorisation.
41 Si cette exception est, le cas échéant, applicable à certains des documents communiqués à l’ECHA, tel n’est pas nécessairement le cas de tous les documents ou de l’entièreté de ces documents. À tout le moins, il appartient à l’ECHA de s’en assurer par un examen concret et effectif de chaque document, ainsi que le requiert l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.
42 Dans ce contexte, force est de constater que l’ECHA a procédé à un examen concret et effectif de chaque document, conformément aux dispositions respectives du règlement n° 1049/2001 et du règlement n° 1907/2006.
43 Il ressort de ce qui précède que le moyen tiré de l’existence d’une présomption générale de confidentialité des informations présentées dans le cadre de la procédure d’autorisation prévue par le règlement n° 1907/2006 doit être rejeté.
2. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001
44 Dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, lu conjointement avec l’article 118 du règlement n° 1907/2006, la requérante soulève en substance quatre griefs. Par son premier grief, la requérante soutient que les informations litigieuses sont confidentielles, car elles relèvent de son savoir-faire et de son secret commercial. Dans le cadre du deuxième grief, la requérante se prévaut de l’article 39, paragraphe 2, de l’accord ADPIC, qui lie l’Union, pour soutenir que la divulgation des informations litigieuses à un tiers conduirait à mettre en péril la protection de ses intérêts commerciaux et celle de ses droits de propriété intellectuelle, à savoir la protection de son secret commercial. Le troisième grief repose sur le fait que l’« intérêt public supérieur » justifiant la divulgation des informations litigieuses ne saurait être considéré ni comme majeur ni comme poursuivi par ladite divulgation. De surcroît, l’ECHA n’aurait pas indiqué de façon claire et concrète quel serait l’intérêt public qui justifierait la divulgation des informations litigieuses. Le quatrième grief est tiré de la violation de l’article 296 TFUE, la requérante reprochant à l’ECHA de ne pas avoir motivé le fait de savoir si les informations litigieuses constituaient ou non des secrets commerciaux au sens de l’article 39, paragraphe 2, de l’accord ADPIC et, a fortiori, de ne pas avoir mentionné l’éventuel intérêt public supérieur justifiant sa décision de divulgation de ces informations confidentielles.
Sur le premier grief, tiré de la confidentialité des informations litigieuses en raison de leur caractère commercial et du fait qu’elles relèvent du savoir-faire de la requérante
45 Dans le cadre du premier grief, la requérante soutient que les informations litigieuses seraient confidentielles, car elles revêtiraient un intérêt commercial au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.
46 À l’appui de ce grief, en premier lieu, elle fait valoir que ces informations relèveraient de son savoir-faire et de son secret commercial, celles-ci n’étant pas aisément accessibles, étant exploitables sur le plan commercial et ayant impliqué des moyens financiers et des efforts considérables pour les collecter et les organiser de manière à permettre l’obtention d’une autorisation pour la mise sur le marché et l’utilisation ultérieure du DEHP.
47 En second lieu, elle conteste le fait que les données portant sur les valeurs seuils comparées aux valeurs d’exposition et de concentration qui, lorsqu’elles ne sont pas atteintes, ne déclenchent pas d’effets néfastes sur la santé humaine (DNEL) ou sur l’environnement (PNEC) (ci-après les « valeurs DNEL et PNEC ») auxquelles elle se réfère puissent être considérées comme publiques au sens de l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006.
48 L’ECHA réfute l’ensemble de ces arguments.
49 À titre liminaire, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre ont un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union sous réserve des principes et des conditions qui sont fixés conformément à la procédure législative ordinaire. Le règlement n° 1049/2001 vise, comme l’indiquent le considérant 4 et l’article 1er de celui-ci, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 111 ; du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, EU:C:2012:394, point 53, et du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 40).
50 Par ailleurs, la procédure de demande d’autorisation est régie par le règlement n° 1907/2006, qui établit une procédure de l’Union pour l’autorisation d’utilisation de substances chimiques. L’article 118 du règlement n° 1907/2006 prévoit que le règlement n° 1049/2001 s’applique aux documents détenus par l’ECHA. Il s’ensuit que le principe de l’accès le plus large possible du public aux documents doit en principe être respecté s’agissant des documents que possède l’ECHA.
51 Le principe de l’accès le plus large possible du public aux documents n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. En effet, le règlement n° 1049/2001, notamment en son considérant 11 et en son article 4, prévoit un régime d’exceptions imposant aux institutions et aux organismes de ne pas divulguer des documents dans le cas où cette divulgation porterait atteinte à l’un de ces intérêts (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 111 ; du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, EU:C:2012:394, point 53, et du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 40).
52 Dès lors que les exceptions prévues à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 75). À cet égard, il y a lieu de démontrer que l’accès en cause est susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception et que le risque d’atteinte à cet intérêt est raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (arrêts du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 69, et du 22 mai 2012, Sviluppo Globale/Commission, T‑6/10, non publié, EU:T:2012:245, point 64).
53 Il convient également de noter que le régime des exceptions prévu à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, et notamment au paragraphe 2 de cet article, est fondé sur une mise en balance des intérêts qui s’opposent dans une situation donnée, à savoir, d’une part, les intérêts qui seraient favorisés par la divulgation des documents concernés et, d’autre part, ceux qui seraient menacés par cette divulgation. La décision prise sur une demande d’accès à des documents dépend de la question de savoir quel est l’intérêt qui doit prévaloir dans le cas d’espèce (arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 42, et du 23 septembre 2015, ClientEarth et International Chemical Secretariat/ECHA, T‑245/11, EU:T:2015:675, point 168).
54 Il y a lieu de relever que, pour justifier le refus d’accès à un document, il ne suffit pas, en principe, que ce document relève d’une activité ou d’un intérêt mentionnés à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, l’institution concernée devant également expliquer comment l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à cet article (arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 116 ; du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, EU:C:2012:394, point 57, et du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 64).
55 Quant au concept d’intérêts commerciaux, il ressort de la jurisprudence que toute information relative à une société et à ses relations d’affaires ne saurait être considérée comme relevant de la protection qui doit être garantie aux intérêts commerciaux conformément à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, sauf à tenir en échec l’application du principe général consistant à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions (arrêts du 15 décembre 2011, CDC Hydrogene Peroxide/Commission, T‑437/08, EU:T:2011:752, point 44, et du 9 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759, point 81).
56 Ainsi, afin d’appliquer l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, il est nécessaire de démontrer que les documents litigieux contiennent des éléments susceptibles, du fait de leur divulgation, de porter atteinte aux intérêts commerciaux d’une personne morale. Il en est ainsi lorsque, notamment, les documents demandés contiennent des informations commerciales sensibles relatives, en particulier, aux stratégies commerciales des entreprises concernées ou à leurs relations commerciales ou lorsque ceux-ci contiennent des données propres à l’entreprise qui mettent en avant son expertise (arrêt du 9 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759, points 82 à 84).
57 C’est à la lumière de ces éléments que doivent être analysés les arguments de la requérante.
Sur la question de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001
58 Il y a lieu d’examiner si, comme le soutient la requérante, l’ECHA a violé l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 en adoptant les décisions attaquées, permettant la divulgation des informations litigieuses.
59 En premier lieu, en ce qui concerne le rapport sur la sécurité chimique, il convient au préalable de relever que les informations litigieuses comprises dans celui-ci sont les suivantes :
– la mention du nom d’études scientifiques et d’un rapport de l’Union – à savoir le rapport d’évaluation des risques de l’année 2008 – ainsi que le contenu de ces études et de ce rapport (points 5.5.2.2, 5.5.3, 5.6.2, 5.6.3, 5.7.3, 5.8.2, 5.8.3, 5.9.1.2, 5.9.2.2, 5.9.3, 5.10.1.1, 5.10.3 et 9.0.1 du rapport sur la sécurité chimique) ;
– la seule mention du nom et de la date de certaines études scientifiques (points 5.1.1.2, 5.10.1.2 et tableaux n°s 43, 45, 52 à 54, 59, 70 et 73 du rapport sur la sécurité chimique) ;
– la mention du nom d’une étude concernant les valeurs « no observed adverse effect level », à savoir la concentration maximale sans effet nocif observé (ci-après les « valeurs d’exposition NOAEL ») (point 5.11.2 du rapport sur la sécurité chimique) ;
– certaines données sur les scénarios d’exposition du DEHP et sur la caractérisation des risques (points 9.1.1, 9.2.1, 9.3.1, 10.1.1, 10.1.2, 10.2.1, 10.2.2, 10.3.1, 10.4.2 et tableaux n°s 141, 143 à 154 et 177 à 179 du rapport sur la sécurité chimique).
60 Premièrement, concernant les informations litigieuses relatives aux études scientifiques et au contenu de celles-ci, tout d’abord, il importe de souligner qu’elles concernent des données qui ont fait l’objet d’une publication et qui sont dès lors accessibles au public. Il en va de même des informations litigieuses figurant dans le rapport d’évaluation des risques de l’année 2008. Il s’agit en effet d’un document de l’Union qui a également été publié. Ces informations litigieuses représentent dès lors un assemblage d’extraits des études et des rapports susmentionnés et en décrivent ainsi le contenu. Il n’apparaît pas que la divulgation du seul assemblage de ces données descriptives, qui sont accessibles au public, puisse suffire à porter atteinte à la protection des intérêts commerciaux de la requérante. De surcroît, la requérante n’a pas démontré comment, en l’espèce, ledit assemblage de données scientifiques constituerait une donnée commerciale sensible et que, du fait de sa divulgation, il serait porté atteinte à ses intérêts commerciaux. Ce n’est que si les appréciations faites par la requérante lors de ce travail de compilation avaient présenté une plus-value – à savoir qu’elles auraient consisté, par exemple, en des conclusions scientifiques nouvelles ou des considérations portant sur une stratégie inventive de nature à procurer à l’entreprise un avantage commercial sur ses concurrents [voir, en ce sens, ordonnances du 13 février 2014, Luxembourg Pamol (Cyprus) et Luxembourg Industries/Commission, T‑578/13 R, non publiée, EU:T:2014:103, point 60, et du 25 juillet 2014, Deza/ECHA, T‑189/14 R, non publiée, EU:T:2014:686, point 54] – qu’elles auraient alors relevé des intérêts commerciaux dont l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 assure la protection.
61 Ensuite, il convient de relever que l’ECHA a indiqué, dans la décision contenue dans la lettre portant la référence AFA-C-0000004274‑77‑09/F, que de telles informations pouvaient être divulguées « sans l’appréciation détaillée sous-jacente ». De façon concrète, elle a précisément occulté les appréciations opérées par la requérante à la lumière de ces études (voir, notamment, les informations occultées par l’ECHA aux points 5.7.3, 5.8.3, 5.9.1.2, 5.9.2.2, 5.9.3, 5.10.1.1 et 5.10.1.2). Ainsi, elle a opéré une distinction entre les informations rapportant le contenu d’études publiées et présentant ainsi un caractère essentiellement descriptif – pouvant faire l’objet d’une divulgation – et celles qui procédaient d’une évaluation critique de ces études par la requérante et qui n’étaient donc pas accessibles en tant que telles au public – relevant a priori de l’intérêt commercial et masquées par l’ECHA. En l’espèce, les informations « objectives » ne sauraient a priori être considérées comme des données propres à l’entreprise qui mettraient en avant son expertise, au sens de la jurisprudence cité au point 56 ci-dessus.
62 Par ailleurs, la requérante n’a présenté que des explications vagues et génériques afin de démontrer que les informations litigieuses consistant en des extraits d’études accessibles au public pourraient produire les conséquences alléguées en termes d’atteinte à son savoir-faire et à ses secrets d’affaires. Des explications précises et concrètes se seraient avérées d’autant plus nécessaires que, comme cela a été rappelé au point 52 ci-dessus, les exceptions prévues à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 doivent être interprétées et appliquées strictement dès lors qu’elles dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents.
63 Dans ce contexte, ne saurait non plus prospérer l’argument de la requérante selon lequel ces données permettraient aux concurrents de connaître la façon dont elle orienterait sa future stratégie commerciale pour ce qui est de l’utilisation ultérieure de cette substance et déciderait de la future fabrication de produits constitués du DEHP ou de ses solutions de remplacement. En effet, la compilation des données objectives ne saurait, en tant que telle, suffire à révéler le contenu de la stratégie commerciale ou les choix futurs de la requérante quant à la fabrication du DEHP.
64 En outre, doit également être rejeté l’argument de la requérante selon lequel une partie des informations litigieuses repose sur des données confidentielles mises en commun par elle et des tiers, notamment ses fournisseurs et acheteurs. En effet, d’une part, la requérante n’identifie aucune donnée, parmi les documents litigieux, qui serait le résultat d’une telle mise en commun. D’autre part, elle n’a présenté aucun document visant à attester l’existence d’accords passés avec des tiers par lesquels elle se serait engagée pour l’avenir à ne pas divulguer des documents.
65 Enfin, quant à l’argument selon lequel la compilation d’études accessibles au public aurait nécessité, de la part de la requérante, un travail intellectuel de recherche et de lecture qui aurait une valeur commerciale et qui relèverait de ce fait de l’intérêt commercial, il ne saurait prospérer. En effet, la nature confidentielle ou non des informations ne se détermine pas par le travail qu’implique le fait de compiler les données contenues dans des études accessibles au public. Il revenait plutôt à la requérante de démontrer que le document qui représentait le résultat de la compilation d’informations accessibles au public contenait des appréciations présentant une plus-value au sens du point 60 ci-dessus et que ces informations relevaient ainsi de l’intérêt commercial visé à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.
66 Cela ne signifie pas pour autant, contrairement à ce que soutient en substance la requérante, que la divulgation donne droit à un concurrent de se contenter de renvoyer, dans sa demande d’autorisation d’utilisation d’un produit chimique, au dossier de la requérante contenant la compilation des études et de bénéficier de ce fait d’un avantage concurrentiel. En effet, l’article 63, paragraphe 1, du règlement n° 1907/2006 souligne que, « [s]i une demande a été introduite en vue de l’utilisation d’une substance, le demandeur ultérieur peut faire référence aux parties pertinentes de la demande antérieure […] à condition que le demandeur ultérieur soit autorisé par le demandeur antérieur à faire référence à ces parties de la demande ». Cette disposition protège ainsi le titulaire d’un document contre l’utilisation dudit document au cas où les informations y figurant seraient divulguées à la suite d’une demande d’accès à celui-ci. Elle empêche que les informations litigieuses soient utilisées de façon à concurrencer de manière déloyale le titulaire du document et à procurer de ce fait à ses concurrents un avantage concurrentiel illégal.
67 Même s’il convient d’admettre que le travail de systématisation des informations publiques effectué par la requérante pourrait avoir une certaine valeur commerciale, encore faudrait-il démontrer que la systématisation desdites informations a été accompagnée d’appréciations débouchant sur des conclusions scientifiques nouvelles ou sur des considérations relatives à une stratégie inventive de nature à procurer à l’entreprise un avantage commercial sur ses concurrents et qui seraient, de ce fait, à l’évidence de nature confidentielle (voir point 60 ci-dessus), ce que la requérante n’a pas été en mesure de faire. Dans ce contexte, d’une part, il importe de rappeler que le rapport sur la sécurité chimique doit répondre au format prévu au point 7 de l’annexe I du règlement n° 1907/2006, ce qui tend à standardiser le mode de systématisation de l’information. D’autre part, il convient de tenir compte du fait que le mode de recherche des informations accessibles au public est facilité par les outils informatiques tels que les moteurs de recherche. Ces deux constats relativisent dans une certaine mesure la valeur commerciale de la compilation d’informations accessibles au public.
68 Deuxièmement, s’agissant des points 5.1.1.2, 5.10.1.2 et des tableaux n°s 43, 45, 52 à 54, 59, 70 et 73, il convient de rappeler qu’ils mentionnent le nom et la date de plusieurs études que la requérante considère comme confidentielles et que l’ECHA souhaite divulguer. La requérante n’explique toutefois pas en quoi leur divulgation porterait atteinte à ses intérêts commerciaux et procurerait des avantages à ses concurrents. En effet, elle ne précise pas en quoi la divulgation de ces études serait problématique alors même qu’elle ne voit aucune objection à ce que la quasi-totalité des autres études citées dans ces mêmes tableaux soit divulguée.
69 Troisièmement, en ce qui concerne les informations litigieuses figurant au point 5.11.2 du rapport sur la sécurité chimique, l’ECHA a souligné, dans les décisions attaquées, que les valeurs d’exposition NOAEL contenues dans les approches, les méthodes et les réflexions ne pouvaient porter atteinte à l’intérêt commercial de celle-ci. Elle a indiqué que ce type d’information était essentiel pour que le public ait une indication sur les risques associés à l’utilisation du DEHP et qu’il existait donc un grand intérêt pour le public à ce que ces informations soient divulguées. Force est de constater que la requérante n’a pas remis en cause cette considération ni, a fortiori, précisé en quoi la référence aux informations susmentionnées, figurant dans le rapport sur la sécurité chimique, porterait atteinte à son intérêt commercial.
70 Quatrièmement, en ce qui concerne les données sur les scénarios d’exposition du DEHP et sur la caractérisation des risques visées au point 59, dernier tiret, ci-dessus, il doit être constaté que la requérante n’a avancé aucun argument visant à démontrer le caractère confidentiel de celles-ci.
71 De surcroît, il ressort du dossier que l’ECHA a biffé la grande majorité des informations relatives aux scénarios d’exposition et que seules les données introductives sur lesdits scénarios sont mentionnées. Il revenait à la requérante d’indiquer en quoi de telles données revêtaient un caractère confidentiel.
72 Quant aux informations sur la caractérisation des risques, le dossier révèle que ces informations concernent des données portant sur la valeur DNEL et celles relatives au ratio de caractérisation des risques (RCR). Or, ainsi que le souligne l’ECHA dans les décisions attaquées, les données portant sur la valeur DNEL doivent être publiées en application de l’article 119, paragraphe 1, du règlement n° 1907/2006 et les données relatives au RCR – qui constituent une combinaison des valeurs DNEL et PNEC et de l’exposition – ne sauraient porter atteinte à l’intérêt commercial de la requérante et sont essentielles pour que le public soit en mesure de prendre connaissance du risque associé à l’utilisation du DEHP.
73 En deuxième lieu, en ce qui concerne l’analyse des solutions de remplacement, il importe tout d’abord de constater ce qui suit :
– les informations litigieuses figurant dans les tableaux n°s 4.6, 4.7, 4.12, 4.13, 4.18, 4.19, 4.23, 4.24, 4.27, 4.28, 4.33, 4.34, 4.37, 4.38, 4.41, 4.42, 4.46, 4.47, 4.51, 4.52, 4.56 et 4.57 sont des données chiffrées dans le cadre de comparaisons des valeurs DNEL et PNEC, opérées entre le DEHP et d’autres substances chimiques ;
– les tableaux n°s 25 et 26 du document intitulé « Évaluation des dangers et des risques présentés par les solutions de remplacement au DEHP » (Hazard and Risk Evaluation for DEHP Alternatives) contiennent une évaluation comparative, respectivement, des dangers pour la santé humaine et des dangers pour l’environnement. Les informations litigieuses contenues dans les tableaux concernent le nom des substances de remplacement, les valeurs DNEL et PNEC de chacune d’elles ainsi que de brèves remarques sur certaines de ces substances ;
– les informations litigieuses du tableau n° 27 du document susmentionné concernent trois données chiffrées représentant le taux de migration, dans la salive, du DEHP et d’une autre substance et l’information litigieuse contenue dans le tableau n° 28 est une donnée chiffrée représentant le taux de migration, dans la sueur, du DEHP ;
– les informations litigieuses figurant au point 5.5 du document susmentionné relatives aux conclusions générales sont des considérations sur la valeur PNEC relatives à une autre substance.
74 Ensuite, il convient de préciser que, dans ses observations formulées lors de la procédure de consultation des tiers, la requérante a fait valoir, pour ce qui concerne les tableaux mentionnés au point 73, premier tiret, ci-dessus, qu’ils contenaient des informations analogues à celles figurant dans le rapport sur la sécurité chimique, à savoir notamment des valeurs DNEL et PNEC, et que ces informations relevaient de la propriété intellectuelle du demandeur d’autorisation. La requérante a souligné que la divulgation de telles informations lui causerait un préjudice commercial dès lors que celles-ci pouvaient faire l’objet d’une compensation financière. Elle a relevé que l’accès à l’analyse des solutions de remplacement devait faire l’objet d’une compensation financière et devait donc être négocié afin de garantir un partage des frais.
75 Il y a lieu de rappeler que, dans les décisions attaquées, l’ECHA a considéré que les valeurs DNEL et PNEC, les résultats des études et les conclusions de la classification figurant dans l’analyse des solutions de remplacement n’étaient pas considérés comme confidentiels, car ces résultats et ces conclusions en tant que tels, sans l’évaluation détaillée sous-jacente, ne pouvaient être considérés comme portant sérieusement atteinte à l’intérêt commercial de la requérante ou des anciennes requérantes ou d’une tierce partie. L’ECHA souligne également que ce type d’information doit être publié par l’ECHA, conformément à l’article 119, paragraphe 1, sous c), e) et f), du règlement n° 1907/2006.
76 Force est de constater que la requérante n’a pas démontré en quoi la divulgation des données figurant dans l’analyse des solutions de remplacement, qui étaient précisément visées par sa demande de non-divulgation, porteraient atteinte à son intérêt commercial. En effet, il s’agit de données chiffrées objectives, déterminées dans le cadre des comparaisons des valeurs DNEL et PNEC opérées entre le DEHP et d’autres substances chimiques, lesquelles proviennent essentiellement d’études publiées. Or, il ne saurait être considéré que ces données chiffrées figurant dans des études publiées relèvent de l’intérêt commercial de la requérante. À l’instar de ce qui a été souligné au point 61 ci-dessus, l’ECHA a occulté les remarques « subjectives » de la requérante sur ces données, ce que relèvent d’ailleurs les décisions attaquées en précisant que les résultats et les conclusions en tant que tels, « sans l’évaluation détaillée sous-jacente », ne peuvent être considérés comme portant sérieusement atteinte à l’intérêt commercial de la requérante ou des anciennes requérantes.
77 Dans ce contexte, à l’instar de ce qui a été souligné au point 63 ci-dessus, la compilation de données objectives ne saurait, en tant que telle, révéler le contenu de la stratégie commerciale ni les choix futurs de la requérante quant à la fabrication du DEHP et ne saurait non plus être considérée comme portant sur des données propres à l’entreprise qui mettraient en avant son expertise, au sens de la jurisprudence cité au point 56 ci-dessus.
78 Les mêmes considérations peuvent être formulées pour les informations litigieuses figurant dans les tableaux n°s 25 à 28 du document intitulé « Évaluation des dangers et des risques présentés par les solutions de remplacement au DEHP ». La requérante n’a d’ailleurs présenté aucune explication visant à justifier la raison pour laquelle, sur les onze données chiffrées figurant dans les tableaux n°s 27 et 28, quatre auraient mérité de ne pas être divulguées.
79 Il convient de préciser, s’agissant du tableau n° 25, que l’ECHA a inclus la colonne intitulée « Remarques » dans les informations à divulguer. Force est de constater que ces remarques sont descriptives. Quant aux informations incluses dans la colonne intitulée « Remarques » figurant dans le tableau n° 26, aucun élément permettant de considérer qu’il s’agit d’appréciations présentant une plus-value au sens visé au point 60 ci-dessus n’a été avancé par la requérante.
80 Quant aux informations litigieuses figurant à la section 5.5 de l’analyse des solutions de remplacement, la requérante n’a pas non plus présenté la moindre justification qui permettrait de considérer que leur divulgation porterait atteinte à son intérêt commercial. Le caractère confidentiel de ces informations est d’autant plus difficilement concevable qu’il s’agit de l’identification d’autres substances qui auraient des effets sur l’environnement équivalents au DEHP ou plus préoccupants que celui-ci. Il n’apparaît pas que de telles informations soient suffisantes pour révéler le contenu de la stratégie commerciale de la requérante et de l’orientation de ses recherches et développements dans le domaine des substances chimiques ou qu’elles relèvent de son savoir-faire ou mettent en avant son expertise, au sens de la jurisprudence cité au point 56 ci-dessus.
81 En troisième lieu, la requérante fait valoir qu’elle a présenté plusieurs informations qui ne devaient pas être obligatoirement soumises lors de la demande d’autorisation. Plus précisément, elle souligne que, compte tenu du fait que le règlement n° 1907/2006 avait qualifié le DEHP non comme étant une substance ayant une incidence sur l’environnement, mais comme étant une substance ayant des incidences toxiques possibles sur l’homme, elle n’avait pas l’obligation de soumettre les données relatives aux valeurs PNEC. Tout en admettant le fait que les valeurs PNEC ne devaient pas être soumises en l’espèce, l’ECHA souligne que cela n’avait aucune incidence sur l’obligation qui lui incombait de divulguer les données en sa possession.
82 Tout d’abord, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 et de l’article 118, paragraphe 1, du règlement n° 1907/2006, le champ d’application du règlement n° 1049/2001 s’étend à tous les documents détenus par les institutions et agences, c’est-à-dire établis ou reçus par elles et en leur possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union.
83 Dès lors, une information soumise à une institution ou à une agence de l’Union dans le cadre d’une procédure administrative telle qu’une procédure d’autorisation pour l’utilisation d’une substance chimique ou pour la mise sur le marché d’un médicament peut, en principe, être divulguée même si cette information ne devait pas être obligatoirement soumise dans le cadre de la procédure concernée et qu’elle a été transmise volontairement par son détenteur. Les seules exceptions à cette divulgation sont celles prévues à l’article 4 du règlement n° 1049/2001. Or, aucune d’entre elles ne concerne les informations contenues dans les documents présentés de plein gré à l’ECHA par la requérante.
84 Il s’ensuit que c’est à bon droit que l’ECHA a traité de façon identique les informations litigieuses non obligatoires présentées volontairement par la requérante et celles imposées par le règlement n° 1907/2006 pour la demande d’autorisation et que, partant, elle a estimé être tenue de les divulguer.
85 Ensuite, le champ d’application du règlement n° 1049/2001 étant défini de façon claire, la personne physique ou morale qui soumet une information ne saurait invoquer à bon droit un principe de protection de la confiance légitime consistant en ce qu’un document soumis volontairement soit insusceptible d’être divulgué en application du règlement n° 1049/2001. L’argumentation de la requérante doit donc également être rejetée sur ce point.
86 En outre, la requérante a indiqué, lors de l’audience, avoir soumis ces informations dans le but de présenter un dossier complet des solutions de remplacement qui n’avaient d’influence ni sur l’homme ni sur l’environnement. De ce fait, même si ces informations n’étaient pas obligatoires, elles ont été présentées dans le but d’étayer le dossier de demande d’autorisation et d’augmenter ainsi les chances d’obtenir une autorisation auprès de la Commission et de l’ECHA.
87 Enfin, la requérante ne précise pas en quoi les valeurs PNEC objectives évoquées dans l’analyse des solutions de remplacement porteraient atteinte à son intérêt commercial. De surcroît, le DEHP n’étant pas considéré comme une substance dangereuse pour l’environnement, la requérante n’aurait a priori aucun intérêt commercial à cacher ces informations qui attesteraient cette absence d’incidence du DEHP sur l’environnement et qui lui seraient donc favorables.
88 Il s’ensuit que l’ECHA n’a pas violé l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1907/2006.
Sur la question de l’obligation de divulgation des informations en application de l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006 ou du caractère déjà public de celles-ci
89 Il convient d’examiner les arguments avancés par l’ECHA selon lesquels les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 ne pourraient pas s’appliquer aux informations considérées comme publiques en vertu de l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006, d’une part, ni à celles déjà accessibles au public, d’autre part.
– Sur la recevabilité de la contestation tirée d’une application erronée de l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006
90 Il y a lieu de rappeler que, en réponse au premier moyen, l’ECHA fait valoir que certaines informations relatives aux valeurs DNEL et PNEC étaient publiques en application de l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006. Dans le cadre de la réplique, la requérante soutient que l’ECHA a commis une erreur d’appréciation en appliquant cette disposition aux données correspondant aux valeurs DNEL et PNEC faisant l’objet de la procédure d’autorisation. L’ECHA soutient que ce grief est nouveau et tardif et, partant, irrecevable. Elle fait valoir que les décisions attaquées auraient clairement indiqué que, concernant les valeurs DNEL et PNEC et les résultats des études, de telles informations devaient être divulguées, conformément à l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006, et que, partant, les présomptions légales prévues par cette disposition leur étaient applicables.
91 À cet égard, il convient de rappeler, que, selon l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du 2 mai 1991, la production de nouveaux moyens en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Un moyen qui constitue une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (arrêts du 10 avril 2003, Travelex Global and Financial Services et Interpayment Services/Commission, T‑195/00, EU:T:2003:111, points 33 et 34, et du 24 mai 2007, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01, EU:T:2007:154, point 71). Par ailleurs, l’interdiction posée par l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991 ne concerne que les moyens nouveaux et ne s’oppose pas à ce que les parties requérantes fassent valoir des arguments nouveaux à l’appui de moyens déjà contenus dans la requête (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2001, Wirtschaftsvereinigung Stahl e.a./Commission, T‑16/98, EU:T:2001:117, point 49).
92 En l’espèce, il ressort du paragraphe 6 des lettres contenant les décisions attaquées que, selon l’ECHA, les informations (valeurs, étude, résultats et conclusions de la classification) concernant les valeurs DNEL et PNEC ne pouvaient être considérées comme portant atteinte à l’intérêt commercial de la requérante et que, partant, l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 n’était pas applicable à ce type d’informations. Les décisions attaquées précisent que cette conclusion était également corroborée par le fait que de telles informations devaient être publiées en application de l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006.
93 Il ressort ainsi de façon claire des décisions attaquées que les considérations selon lesquelles l’article 119, paragraphe 1, du règlement n° 1907/2006 prévoyait la publication des informations concernant les valeurs DNEL et PNEC venaient appuyer la considération principale selon laquelle ces informations ne pouvaient sérieusement compromettre l’intérêt commercial de la requérante. Il apparaît ainsi que, en soutenant que de telles informations relevaient de l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, la requérante a implicitement mais certainement contesté les considérations selon lesquelles de telles informations devaient être publiées en application de l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006.
94 Dans le cadre de la réplique, la requérante n’a fait qu’apporter une réponse à l’argumentation de l’ECHA qui rappelait l’obligation de publier les informations concernant les valeurs DNEL et PNEC en application de l’article 119, paragraphe 1, du règlement n° 1907/2006, corroborant la considération principale relative à l’absence d’intérêt commercial.
95 Il s’ensuit que le grief tiré d’une application erronée de l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006 doit être déclaré recevable.
– Sur l’existence de l’obligation de publier certaines informations en application de l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006 et sur la question du caractère déjà public d’autres informations
96 En premier lieu, il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, l’article 118 et l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006 ne visent que les données correspondant aux valeurs DNEL et PNEC faisant l’objet de la procédure d’enregistrement visée au titre II du règlement susmentionné et non des données relatives à l’application concrète des valeurs DNEL et PNEC dans le cadre de la procédure d’autorisation prévue au titre VII du règlement n° 1907/2006.
97 Comme cela a été rappelé au point 50 ci-dessus, l’article 118 du règlement n° 1907/2006 prévoit que le règlement n° 1049/2001 s’applique aux documents détenus par l’ECHA. Il s’ensuit que le principe de l’accès le plus large possible du public aux documents s’applique en principe aux documents qui constituent le dossier de demande d’autorisation d’une substance chimique. Il est donc indifférent que l’information soit présentée au cours de la procédure par le demandeur d’autorisation ou qu’elle ait été déjà présentée dans le cadre d’une autre procédure – telle que celle de l’enregistrement – prévue par le même règlement n° 1907/2006. Partant, aucun élément ne permet de considérer que le principe d’accès aux documents prévu à l’article 118 du règlement n° 1907/2006 et à l’article 2 du règlement n° 1049/2001 combinés ne serait pas d’application dans les deux cas.
98 L’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006 prévoit ce qui suit :
« Les informations ci-après, détenues par l’[ECHA] concernant des substances, telles quelles ou contenues dans des mélanges ou des articles, sont rendues accessibles au public gratuitement sur Internet, conformément à l’article 77, paragraphe 2, point e) : […] f) le niveau dérivé sans effet (DNEL) ou la concentration prévisible sans effet (PNEC), établis conformément à l’annexe 1. »
99 Ainsi, l’article 119, paragraphe 1, prévoit une dérogation spécifique au régime d’accès aux documents prévu à l’article 118, paragraphe 1, du règlement n° 1907/2006 et à l’article 2 du règlement n° 1049/2001, lus ensemble. En des termes impératifs, l’article 119, paragraphe 1, du règlement n° 1907/2006 indique que plusieurs types d’informations sont rendues accessibles au public. Cette disposition a pour objectif que soient transmises les informations minimales indispensables pour contrôler de façon adéquate une substance, c’est-à-dire les informations essentielles sur les dangers de la substance, les conseils d’utilisation, les éléments de la fiche de données de sécurité qui ne sont pas confidentiels et les données nécessaires pour identifier la substance [voir document COM(2003) 644 final de la Commission, du 23 octobre 2003]. Parmi les informations qui sont rendues accessibles au public sont citées à l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006 les valeurs DNEL et PNEC.
100 Il y a lieu de préciser que la valeur DNEL correspond au niveau d’exposition aux substances – calculé normalement sur la base des descripteurs de dose disponibles à partir des études chez l’animal – en dessous duquel aucun effet nocif pour l’homme n’est attendu. Quant à la valeur PNEC, elle correspond à la concentration des substances en dessous de laquelle il ne devrait pas y avoir d’effet nocif dans le milieu environnemental en cause. Ainsi, tout demandeur d’autorisation qui est en mesure de prouver que l’exposition aux effets de substances extrêmement préoccupantes sur la santé humaine ou sur l’environnement est inférieure aux valeurs DNEL et PNEC exigées, prouve par la même occasion qu’aucun effet nocif pour l’homme n’est attendu de l’utilisation de ces substances, qu’il ne devrait pas y avoir d’effet nocif dans le milieu environnemental en cause et que le risque que présente la substance pour la santé humaine ou pour l’environnement est valablement maîtrisé, conformément à l’article 60, paragraphe 2, du règlement n° 1907/2006.
101 Tout d’abord, l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006 ne prévoit pas explicitement que l’obligation de publication de l’information sur l’internet se limite aux seules valeurs DNEL et PNEC présentées dans le cadre des procédures d’enregistrement et qu’elle ne concernerait donc pas les valeurs auxquelles se réfère le demandeur dans le cadre d’une procédure d’autorisation.
102 Ensuite, l’article 64 du règlement n° 1907/2006, qui concerne la procédure d’adoption des décisions d’autorisation, prévoit explicitement, en ses paragraphes 2 et 6, que la publication des informations sur le site Internet de l’ECHA s’opère en tenant compte des articles 118 et 119 du même règlement.
103 En outre, l’annexe I à laquelle se réfère l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006 indique que l’évaluation de la sécurité chimique par un fabricant porte sur la fabrication d’une substance et l’ensemble des utilisations identifiées. Elle prévoit également que l’évaluation couvre toutes les étapes du cycle de vie de la substance, découlant de la fabrication et des utilisations identifiées (voir point 0.3 de ladite annexe). Pour l’établissement de la valeur DNEL, il est précisé que, selon le ou les scénarios d’exposition, une valeur DNEL unique peut être suffisante ou que s’impose l’identification de valeurs DNEL différentes pour chaque population humaine concernée (par exemple les travailleurs, les consommateurs, les populations vulnérables) et pour différentes voies d’exposition. L’annexe I du règlement n° 1907/2006 prévoit ainsi que, si plusieurs voies d’exposition sont probables, une valeur DNEL est établie pour chacune d’elles et pour l’ensemble des voies d’exposition considérées globalement (voir point 1.4.1 de ladite annexe). L’annexe I du règlement n° 1907/2006 indique également que la valeur PNEC est établie pour chaque milieu environnemental (voir point 3.3.1 de ladite annexe).
104 L’annexe I du règlement n° 1907/2006 prévoit également une partie consacrée à la caractérisation des risques, qui consiste notamment en une comparaison entre l’exposition des populations concernées et les valeurs DNEL pertinentes et en une comparaison des concentrations environnementales prévues dans chaque milieu de l’environnement et les valeurs PNEC (voir points 6.2 et 6.3 de ladite annexe). Le point 6.4 de ladite annexe indique que, pour chaque scénario d’exposition, le risque pour les personnes et l’environnement peut être considéré comme étant valablement maîtrisé au cours du cycle de vie de la substance découlant de la fabrication et des utilisations identifiées si, notamment, les niveaux d’exposition estimés lors de la caractérisation des risques ne dépassent pas les valeurs DNEL ou PNEC pertinentes.
105 Il ressort tant de l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006 que de l’annexe I de celui-ci que, compte tenu de l’importance des données correspondant aux valeurs DNEL et PNEC pour protéger la santé publique et l’environnement, l’évaluation de la sécurité chimique d’une substance et les données qui en résultent doivent concerner l’ensemble des utilisations identifiées et couvrir toutes les étapes du cycle de vie de ladite substance et que ces données doivent être publiées. Ainsi, la distinction opérée par la requérante entre les données correspondant aux valeurs DNEL et PNEC relatives à la « substance enregistrée » et l’application concrète des données correspondant aux valeurs DNEL et PNEC dans le cadre de la procédure d’autorisation prévue au titre VII du règlement n° 1907/2006 apparaît comme artificielle. L’obligation de publication prévue par la disposition susmentionnée s’applique bien aux valeurs DNEL et PNEC contenues dans le rapport sur la sécurité chimique joint à la demande d’autorisation. Il y a lieu de souligner à cet égard que la requérante n’a pas remis en cause les considérations de l’ECHA, de ClientEarth, d’EEB et de HCWH Europe selon lesquelles les valeurs DNEL et PNEC restaient en principe inchangées pour une substance donnée et que le moment où il en était fait mention (procédure d’enregistrement ou procédure d’autorisation) et l’identité du demandeur qui avait effectué le relevé de valeurs dans le cadre de ces procédures importaient peu. En effet, elle s’est contentée d’indiquer, sans autre explication, que les valeurs DNEL et PNEC mentionnées dans le rapport sur la sécurité chimique étaient autres et avaient été créées par une autre méthode et dans un autre but.
106 Enfin, l’ECHA précise que, dans le cadre d’une demande d’autorisation, elle pourrait se trouver en présence de valeurs DNEL et PNEC différentes de celles de référence publiées par ses soins. Elle indique que, après avoir été examinées par le comité d’évaluation des risques et approuvées par elle, ces valeurs pourraient être reconnues comme étant les nouvelles valeurs de référence et être désormais applicables à tous les futurs demandeurs d’autorisation. Il apparaît ainsi que ces valeurs doivent forcément être rendues publiques.
107 Dans ce contexte, ne saurait prospérer l’argument de la requérante selon lequel l’ECHA aurait déjà satisfait à son obligation d’information en publiant sur son portail d’information les données correspondant aux valeurs DNEL et PNEC pertinentes, concernant la « substance enregistrée », ou encore un document du 12 avril 2013 intitulé « Autorisation, établissement des DNEL de référence de la DEHP ». Comme le souligne à juste titre l’ECHA, elle n’avait aucune obligation de procéder à la publication des valeurs DNEL ou PNEC de référence pour les substances à seuil. Toutefois, ces valeurs DNEL et PNEC devant être utilisées de la même manière par tous les demandeurs d’autorisation, l’ECHA a estimé nécessaire, dans un souci de transparence et d’égalité de traitement, de les publier afin de permettre auxdits demandeurs de comprendre les critères d’évaluation. Une telle démarche ne saurait lui être reprochée et ne saurait être considérée comme obligatoire. En tout état de cause, une telle publication des valeurs de référence n’exonérait pas l’ECHA de publier, conformément à l’article 64, paragraphe 2, du règlement n° 1907/2006 et en tenant compte des articles 118 et 119 du même règlement, les informations générales, transmises par la requérante, relatives aux utilisations sur lesquelles portait la demande d’autorisation du DEHP.
108 Quant à la portée de l’obligation de publication des informations visées par l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006, il y a lieu d’approuver la considération de l’ECHA selon laquelle cette obligation s’étend aux informations minimales sur la méthode de dérivation ou de prédiction des valeurs DNEL et PNEC et sur leur corrélation avec d’autres valeurs. En effet, ces informations minimales sont indispensables pour comprendre ce que représentent les valeurs DNEL et PNEC et déterminer à quoi elles se rapportent. Force est donc d’admettre, comme le souligne l’ECHA, que, si les valeurs seules étaient publiées sans aucune explication quant à leur signification, la disposition susmentionnée perdrait son effet utile.
109 En deuxième lieu, en ce qui concerne l’affirmation selon laquelle certaines informations étaient déjà accessibles au public, il est évident et, au demeurant, non contesté par les parties que la partie des informations qui étaient déjà accessibles au public pouvait être divulguée. La question à examiner est en réalité de savoir si la compilation des données scientifiques connues – et, partant, qui sont déjà accessibles au public – et de données scientifiques secrètes doit être divulguée. La requérante soutient qu’une telle combinaison produit un ensemble d’informations complexe qui, en tant que tel, n’est pas aisément accessible et doit donc recevoir un traitement confidentiel.
110 Il y a lieu de constater que la requérante n’a pas identifié, dans la liste des informations litigieuses, celles qui constitueraient des données scientifiques secrètes regroupées avec des informations déjà accessibles au public. De surcroît, il ressort de l’analyse figurant aux points 58 et suivants ci-dessus que celles-ci ne relèvent pas du secret commercial.
111 Il s’ensuit que l’ECHA n’a pas commis d’erreur en considérant, dans les décisions attaquées, qu’une partie des informations litigieuses était déjà accessible au public en ce qu’elle avait déjà été publiée et qu’une autre partie devait être accessible au public en application de l’article 119 du règlement n° 1907/2006.
112 Il ressort de tout ce qui précède que le premier grief doit être rejeté.
Sur le deuxième grief, tiré de la violation de la protection des droits de propriété intellectuelle, justifiant l’application de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001
113 La requérante soutient que l’ECHA porte atteinte de manière injustifiée à son droit à un traitement confidentiel des informations qui constituent sa propriété intellectuelle, laquelle relève de son secret commercial. Elle se réfère à cet égard à la définition du secret commercial figurant à l’article 39, paragraphe 2, de l’accord ADPIC.
114 L’ECHA réfute ce grief.
115 Au préalable, il y a lieu de rappeler que l’article 39, paragraphe 2, de l’accord ADPIC prévoit ce qui suit :
« Les personnes physiques ou morales auront la possibilité d’empêcher que des renseignements licitement sous leur contrôle ne soient divulgués à des tiers ou acquis ou utilisés par eux sans leur consentement et d’une manière contraire aux usages honnêtes, sous réserve que ces renseignements :
a) soient secrets en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, ils ne sont pas généralement connus de personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre de renseignements en question ou ne leur sont pas aisément accessibles ;
b) aient une valeur commerciale parce qu’ils sont secrets […] »
116 Il importe d’emblée de souligner que les dispositions de l’accord ADPIC, qui fait partie des accords de l’OMC, signés par la Communauté européenne et ensuite approuvés par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1), font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Lorsqu’une réglementation de l’Union existe dans un domaine concerné par l’accord ADPIC, le droit de l’Union s’applique, ce qui implique l’obligation, dans la mesure du possible, d’opérer une interprétation conforme à cet accord, sans toutefois qu’un effet direct puisse être accordé à la disposition en cause de cet accord (voir arrêt du 11 septembre 2007, Merck Genéricos – Produtos Farmacêuticos, C‑431/05, EU:C:2007:496, point 35 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que l’article 39, paragraphe 2, de l’accord ADPIC ne saurait en tant que tel être invoqué pour invalider les décisions attaquées.
117 Pour autant que l’argumentation de la requérante doit se comprendre en ce sens qu’il existe un principe, s’inspirant de la définition figurant à l’article 39, paragraphe 2, de l’accord ADPIC, selon lequel le seul fait qu’une personne ayant présenté un document dispose d’un droit de propriété intellectuelle sur ce document suffirait à appliquer l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1907/2006, elle doit être rejetée.
118 En effet, une telle approche n’est pas conforme au contenu de l’article 39, paragraphe 2, de l’accord ADPIC dont s’inspire la requérante. Cette disposition prévoit en effet que, pour qu’ils ne soient pas divulgués, les renseignements concernés doivent être « secrets ». Le fait qu’ils aient une valeur commerciale ne fait pas pour autant de ces renseignements des secrets.
119 De même, l’approche défendue par la requérante reviendrait à considérer que la protection accordée aux droits de propriété intellectuelle primerait systématiquement la présomption en faveur de la divulgation des informations consacrée par le règlement n° 1049/2001 et l’article 118, paragraphe 1, du règlement n° 1907/2006. Ainsi que le souligne l’ECHA, l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1907/2006 ne peut être interprété en ce sens que le fait qu’un droit d’auteur protège un document implique que ce dernier soit un secret d’affaire et que son titulaire puisse ainsi se prévaloir de l’exception prévue par cette disposition.
120 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 16 du règlement n° 1049/2001 prévoit que « le[dit] règlement s’applique sans préjudice de toute réglementation en vigueur dans le domaine du droit d’auteur pouvant limiter le droit du destinataire de reproduire ou d’utiliser les documents divulgués ». De même, comme cela a été rappelé au point 66 ci-dessus, l’article 63, paragraphe 1, du règlement n° 1907/2006 prévoit que le demandeur ultérieur de l’utilisation d’une substance doit obtenir l’autorisation du demandeur antérieur pour pouvoir faire référence aux parties pertinentes de la demande antérieure. Ces dispositions protègent ainsi le titulaire d’un document contre l’atteinte au droit d’auteur et à la valeur commerciale dudit document au cas où les informations y figurant seraient divulguées à la suite d’une demande d’accès à celui-ci. En effet, ces dispositions empêchent que les informations litigieuses soient utilisées à des fins commerciales par les concurrents et leur procurent de ce fait un avantage concurrentiel.
121 Il s’ensuit que le deuxième grief doit être rejeté.
Sur le troisième grief, tiré de l’absence d’indication claire quant à l’intérêt public justifiant la divulgation des informations litigieuses
122 Dans le cadre du troisième grief, la requérante soutient que l’ « intérêt public supérieur » justifiant la divulgation des informations litigieuses ne peut être considéré ni comme majeur ni comme poursuivi par ladite divulgation. Elle estime que l’intérêt qui s’attache à la protection de ses droits fondamentaux (ou de ses intérêts commerciaux) l’emporte sur l’intérêt public justifiant la divulgation des informations litigieuses et ajoute que l’ECHA n’a pas expliqué en quoi consisterait l’intérêt public à la divulgation des informations litigieuses.
123 Il convient de rappeler que l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement n° 1049/2001 dispose que les institutions de l’Union ne refusent pas l’accès à un document lorsque sa divulgation est justifiée par un intérêt public supérieur, même si celle-ci pourrait porter atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée ou à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit des institutions de l’Union (arrêt du 7 octobre 2014, Schenker/Commission, T‑534/11, EU:T:2014:854, point 74). Dans ce contexte, il y a lieu de mettre en balance, d’une part, l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, d’autre part, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi qu’il est précisé au considérant 2 du règlement n° 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, une plus grande efficacité et une plus grande responsabilité de l’administration des citoyens dans un système démocratique (arrêt du 21 octobre 2010, Agapiou Joséphidès/Commission et EACEA, T‑439/08, non publié, EU:T:2010:442, point 136).
124 Si l’intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation d’un document ne doit pas nécessairement être distinct des principes qui sous-tendent le règlement n° 1049/2001 (arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 92), il ressort toutefois de la jurisprudence que des considérations générales seules ne sauraient être de nature à établir que le principe de transparence présente une acuité particulière qui pourrait primer les raisons justifiant le refus de divulgation des documents en question et qu’il incombe au demandeur d’invoquer de manière concrète des circonstances fondant un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents concernés (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, points 93 et 94, et du 23 septembre 2015, ClientEarth et International Chemical Secretariat/ECHA, T‑245/11, EU:T:2015:675, point 193).
125 En l’espèce, ainsi que le souligne l’ECHA, celle-ci n’a pas conclu que les informations en cause devaient être protégées par un régime d’exception tel que visé à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001. De ce fait, elle n’avait pas l’obligation de déterminer ou d’évaluer l’intérêt public à la divulgation des informations, ni de le mettre en balance avec l’intérêt de la requérante à garder lesdites informations confidentielles.
126 Il s’ensuit que les arguments de la requérante sont inopérants.
127 De surcroît, en ce qui concerne les valeurs DNEL et PNEC figurant dans le rapport sur la sécurité chimique et dans l’analyse des solutions de remplacement, il y a lieu de rappeler que, à supposer même que ces valeurs relèvent de l’intérêt commercial de la requérante, l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006 prévoit qu’elles sont d’office accessibles au public. Cette obligation d’accès à ces informations est justifiée, au considérant 117 du même règlement, par la nécessité de donner aux citoyens de l’Union des informations sur les substances auxquelles ils risquent d’être exposés afin de pouvoir prendre, en connaissance de cause, des décisions sur l’utilisation qu’ils souhaitent faire de ces substances.
128 Comme le souligne en substance et à juste titre l’ECHA, il ressort de l’article 119, paragraphe 1, du règlement n° 1907/2006 et de son considérant 117 que le législateur de l’Union a estimé que la divulgation des informations qui y étaient mentionnées était une question d’intérêt majeur. Ledit législateur a lui-même opéré une mise en balance des intérêts pour en conclure que l’intérêt à la divulgation des informations relatives aux valeurs DNEL et PNEC pesait plus lourd par rapport à l’intérêt de la requérante à leur non-divulgation, puisque ces informations concernaient des intérêts parmi les plus importants qui existaient, à savoir ceux touchant à la santé humaine et à l’environnement. Ces considérations sont de nature à établir que le principe de transparence présente une acuité particulière qui pourrait primer les raisons éventuelles justifiant le refus de divulgation desdites informations litigieuses.
129 Il en va de même s’agissant des valeurs d’exposition NOAEL – c’est-à-dire celles visant à indiquer la concentration maximale sans effet nocif observé – contenues dans les approches, les méthodes et les réflexions. En effet, à supposer même que leur divulgation puisse porter atteinte aux intérêts commerciaux de la requérante – ce que celle-ci n’a toutefois pas réussi à démontrer –, ces informations sont en tout état de cause essentielles pour que le public ait une indication sur les risques associés à l’utilisation du DEHP. Ainsi, c’est sans commettre d’erreur que l’ECHA a estimé qu’il existait un grand intérêt pour le public à ce que ces informations soient divulguées.
130 Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle l’ECHA n’aurait pas indiqué de façon claire et concrète quel intérêt public justifierait la divulgation des informations litigieuses, elle doit être rejetée. Comme cela ressort des points 69, 92, 128 et 129 ci-dessus, l’existence d’un intérêt public supérieur à la divulgation de certaines informations litigieuses a été motivé par la référence à l’article 119 du règlement n° 1907/2006 – lequel trouve sa justification au considérant 117 du même règlement – pour ce qui concerne les références aux valeurs DNEL et PNEC, d’une part, et par les motifs des décisions attaquées elles-mêmes s’agissant des valeurs d’exposition NOAEL, d’autre part.
131 Partant, le troisième grief, tiré de l’absence d’indication claire quant à l’intérêt public justifiant la divulgation des informations litigieuses, doit être rejeté.
Sur le quatrième grief, tiré de la violation de l’obligation de motivation
132 La requérante soutient que l’ECHA a violé l’article 296 TFUE en n’indiquant pas les motifs visant à déterminer si les informations litigieuses constituaient ou non des secrets commerciaux au sens de l’article 39, paragraphe 2, de l’accord ADPIC et, a fortiori, en ne mentionnant pas l’éventuel intérêt public supérieur justifiant sa décision de divulgation de ces informations confidentielles.
133 Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 7 juillet 2011, Valero Jordana/Commission, T‑161/04, non publié, EU:T:2011:337, point 48 et jurisprudence citée).
134 En l’espèce, l’ECHA mentionne, tout d’abord, dans les décisions attaquées, que plusieurs informations contenues dans le rapport sur la sécurité chimique doivent être divulguées au motif qu’elles sont déjà accessibles au public : il s’agit d’informations déjà disponibles sur l’internet (par exemple, au chapitre 9.0.1, tableau récapitulatif des utilisations faisant l’objet de descripteurs, déjà publiées sur le site de l’ECHA en tant qu’information générale sur les utilisations requise pour la consultation du public sur les solutions de remplacement), d’informations provenant de publications évaluées par les pairs (par exemple, chapitre 5.10.1.2), de résumés d’études et d’évaluations écotoxicologiques expérimentales publiées dans des revues approuvées par les pairs ou encore de chapitres qui ont été adaptés ou copiés directement de l’évaluation des risques présentée en 2008 par l’Union, accessible au public (par exemple, chapitres 5.6.3, 5.7.3, 5.10.3 et p. 141 à 142 et 168 à 175).
135 Force est de considérer que les motifs pour lesquels les informations susmentionnées ne sauraient relever de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 ressortent de façon claire des décisions attaquées, à savoir que ces informations sont déjà accessibles au public.
136 L’ECHA souligne ensuite, s’agissant de l’analyse des solutions de remplacement et du rapport sur la sécurité chimique, que les valeurs DNEL et PNEC, les résultats des études et les conclusions de la classification ne sont pas considérés comme confidentiels, car ces résultats et ces conclusions en tant que tels, sans l’appréciation détaillée sous-jacente, ne peuvent être considérés comme portant sérieusement atteinte à l’intérêt commercial de la requérante ou d’une tierce partie. D’une part, il ressort de cette motivation que l’ECHA a opéré une distinction entre, d’un côté, les données « objectives » et les conclusions simples qui peuvent en être aisément tirées – considérées comme non confidentielles – et, de l’autre côté, les appréciations détaillées opérées par la requérante sur la base de ces données – considérées comme confidentielles. D’autre part, les décisions attaquées mentionnent également que ce type d’information devait être publié par l’ECHA conformément à l’article 119, paragraphe 1, sous c), e) et f), du règlement n° 1907/2006.
137 Partant, s’agissant des informations relatives aux valeurs DNEL et PNEC, il y a lieu de constater que l’ECHA a suffisamment motivé les raisons pour lesquelles elle considérait que la divulgation de celles-ci ne sauraient entraîner une atteinte à l’intérêt commercial de la requérante ainsi que les raisons pour lesquelles elle s’estimait tenue de divulguer les informations, à savoir l’existence d’une obligation prévue à l’article 119, paragraphe 1, sous c), e) et f), du règlement n° 1907/2006.
138 En outre, les décisions attaquées indiquent que les valeurs d’exposition NOAEL contenues dans les approches, les méthodes et les réflexions ne pouvaient porter atteinte à l’intérêt commercial de la requérante et que, en conséquence, la divulgation des ratios de caractérisation des risques (RCR) – qui représentent une combinaison des données correspondant aux valeurs DNEL et PNEC et des valeurs d’exposition – ne portait pas non plus atteinte audit intérêt commercial. L’ECHA souligne que ce type d’information ne peut se voir appliquer l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001. Elle relève que ce type d’information est essentiel pour que le public ait une indication sur les risques associés à l’utilisation du DEHP et qu’il existe donc un grand intérêt pour le public à ce que ces informations soient divulguées.
139 Il en résulte que l’ECHA a mentionné de façon claire les motifs pour lesquels les informations en cause devaient, selon elle, être rendues publiques, ceux pour lesquels ont été rejetés les arguments de la requérante visant à appliquer les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 et ceux pour lesquels elle considérait que certaines informations ne pouvaient être divulguées.
140 Enfin, les décisions attaquées indiquent que les noms des auteurs de rapports d’études non publiés n’ont pas été divulgués, en application de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, mais qu’aucune exception n’était applicable pour la date et le titre des études.
141 Ici encore, il y a lieu de considérer que les décisions attaquées contiennent les motifs pour lesquels seuls la date et le titre des études non encore accessibles au publics pouvaient être divulgués.
142 Partant, le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être rejeté, l’ECHA ayant motivé à suffisance de droit les décisions attaquées.
143 Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, doit être rejeté.
3. Sur les deuxième et troisième moyens, tirés, d’une part, s’agissant du deuxième, de la violation des engagements de l’Union découlant de l’accord ADPIC et de l’atteinte au droit à la protection des informations confidentielles (secrets commerciaux) et, d’autre part, s’agissant du troisième, de la violation des engagements de l’Union découlant de l’article 8 de la CEDH et de l’article 17 de la charte des droits fondamentaux et de l’atteinte au droit de propriété et à la protection de la propriété
144 Le Tribunal estime qu’il convient d’analyser ensemble les deuxième et troisième moyens, tirés, d’une part, s’agissant du deuxième, de la violation des engagements de l’Union découlant de l’accord ADPIC et de l’atteinte en résultant au droit à la protection des informations confidentielles (secrets commerciaux) et, d’autre part, s’agissant du troisième, de la violation des engagements de l’Union découlant de l’article 8 de la CEDH et de l’article 17 de la charte des droits fondamentaux et de l’atteinte au droit de propriété et à la protection de la propriété.
145 À titre liminaire, comme il a été rappelé au point 116 ci-dessus, les dispositions de l’accord ADPIC font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, mais aucun effet direct ne peut leur être accordé. Il s’ensuit que l’article 39, paragraphe 2, de l’accord ADPIC ne saurait en tant que tel être invoqué pour invalider les décisions attaquées.
146 En premier lieu, doit être examiné l’argument de l’ECHA selon lequel, pour pouvoir soutenir que les décisions attaquées violent la CEDH, la charte des droits fondamentaux et l’accord ADPIC, la requérante aurait dû invoquer l’incompatibilité des dispositions particulières du règlement n° 1907/2006 – à savoir l’article 119, paragraphe 1, sous c), e) et f), dudit règlement, qui prévoit des présomptions légales de non-confidentialité – avec le droit primaire de l’Union ou les dispositions juridiquement supérieures desdites conventions.
147 S’agissant de l’affirmation tirée d’une violation de la CEDH et de la charte des droits fondamentaux, force est de considérer que la requérante invoque un droit fondamental à la protection d’informations, lequel est consacré à l’article 339 TFUE. Il convient également de rappeler que, selon la jurisprudence, la protection des secrets d’affaires est reconnue comme un principe général (voir, en ce sens, arrêts du 24 juin 1986, AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission, 53/85, EU:C:1986:256, point 28 ; du 19 mai 1994, SEP/Commission, C‑36/92 P, EU:C:1994:205, point 37, et du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, EU:C:2008:91, point 49). La question se pose donc de savoir si l’article 119 du règlement n° 1907/2006 n’a pas été interprété d’une manière telle que, en l’appliquant, l’ECHA aurait porté atteinte au droit fondamental à la protection des informations. Ainsi, comme le souligne en substance la requérante, son argumentation est dirigée non pas contre cette disposition particulière du règlement n° 1907/2006, mais contre la manière dont l’ECHA a interprété cette disposition et, partant, la façon dont elle l’a appliquée. Il ne saurait donc être fait reproche à la requérante de ne pas avoir invoqué, en vertu de l’article 277 TFUE, l’inapplicabilité du règlement au motif de sa prétendue contradiction avec le droit primaire de l’Union.
148 Quant à l’argument tiré d’une violation de l’accord ADPIC, pour les motifs rappelés au point 145 ci-dessus, est dénué de pertinence l’argument de l’ECHA selon lequel la requérante aurait dû soulever une exception d’illégalité des dispositions pertinentes des règlements concernés par rapport à l’accord ADPIC.
149 En deuxième lieu, il convient d’analyser le deuxième moyen, tiré de la violation des engagements de l’Union découlant de l’accord ADPIC et de l’atteinte en résultant au droit à la protection des secrets commerciaux. La requérante fait valoir que les informations litigieuses constituent des secrets commerciaux (informations confidentielles) au sens de l’article 39, paragraphe 2, de l’accord ADPIC en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, ils ne sont généralement pas connus des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre de renseignements en question ou ne leur sont pas aisément accessibles.
150 Comme cela a été rappelé au point 116 ci-dessus, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une réglementation de l’Union existe dans un domaine concerné par l’accord ADPIC, le droit de l’Union s’applique, ce qui implique l’obligation, dans la mesure du possible, d’opérer une interprétation conforme à cet accord.
151 Les règlements n° 1049/2001 et n° 1907/2006 doivent ainsi être interprétés d’une manière visant à assurer la conformité de ceux-ci avec le contenu de l’article 39, paragraphes 2 et 3, de l’accord ADPIC. Cette dernière disposition ne saurait toutefois impliquer que la protection accordée aux droits de propriété intellectuelle prime de manière absolue la présomption en faveur de la divulgation des informations présentées dans le cadre d’une demande d’autorisation pour l’utilisation d’une substance chimique. En ce sens, l’approche défendue par la requérante reviendrait à laisser inappliqué l’article 119 du règlement n° 1907/2006. Or, une telle approche ne peut être retenue, puisqu’elle conduit, en réalité, à mettre en cause la légalité de cette disposition au regard de l’article 39, paragraphes 2 et 3, de l’accord ADPIC (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 800).
152 En l’espèce, il n’apparaît pas que l’ECHA ait fait une application des règlements n° 1049/2001 et n° 1907/2006 qui ne soit pas cohérente avec l’article 39, paragraphes 2 et 3, de l’accord ADPIC.
153 En effet, ainsi qu’il ressort des points 60 à 67 ci-dessus, les études publiées – et, partant, déjà accessibles au public – pouvaient être divulguées. Cela est d’autant plus vrai que l’ECHA a occulté les conclusions – tirées par la requérante à la lumière de ces études – qui ne sont pas accessibles au public et dont elle a estimé en substance qu’elles présentaient une plus-value au sens visé au point 60 ci-dessus. Ces conclusions sont ainsi différentes du contenu objectif des études ainsi que des conclusions simples que pourrait tirer, de ces études, n’importe quel expert du domaine concerné.
154 La distinction ainsi opérée par l’ECHA entre le contenu objectif des études et les conclusions simples qui peuvent en être tirées, d’une part, et les appréciations uniques et personnelles ayant une valeur ajoutée, d’autre part, procède d’une application des règlements n° 1049/2001 et n° 1907/2006 qui est cohérente avec l’article 39, paragraphes 2 et 3, de l’accord ADPIC.
155 En ce qui concerne les études visées au point 68 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que la requérante n’a pas présenté d’éléments permettant de comprendre en quoi leur divulgation serait illégale. Force est donc de considérer qu’elle n’a pas non plus démontré en quoi l’ECHA n’aurait pas appliqué le droit de l’Union en cohérence avec l’article 39, paragraphes 2 et 3, de l’accord ADPIC.
156 Enfin, quant aux valeurs DNEL et PNEC et aux valeurs d’exposition NOAEL, il a été souligné, notamment aux points 129 et 151 ci-dessus, que l’application cohérente des règlements n° 1049/2001 et n° 1907/2006 et de l’article 39, paragraphes 2 et 3, de l’accord ADPIC ne pouvait conduire à ce que soit laissé inappliqué l’article 119 du règlement n° 1907/2006 ni à ce que soit ignoré l’intérêt de la santé publique. Il doit être ajouté que l’article 39 de l’accord ADPIC prévoit lui-même, en son paragraphe 3, la possibilité d’une divulgation si elle est nécessaire pour protéger le public.
157 Il s’ensuit que le deuxième moyen n’est pas fondé.
158 Concernant le troisième moyen, il convient de souligner, comme cela a été rappelé au point 147 ci-dessus, que la requérante n’invoque pas l’incompatibilité des dispositions particulières du règlement n° 1907/2006 – à savoir l’article 119, paragraphe 1, sous c), e) et f), dudit règlement, qui prévoit des présomptions légales de non-confidentialité – avec le droit primaire de l’Union ou les dispositions juridiquement supérieures des conventions, mais qu’elle fait valoir que la manière dont l’ECHA a interprété ces dispositions et, partant, la façon dont elle les a appliquées n’étaient pas conformes à l’article 8 de la CEDH, à l’article 1er du protocole additionnel à la CEDH et à l’article 17 de la charte des droits fondamentaux.
159 Il y a lieu de relever que l’article 8 de la CEDH, tout en énonçant, au paragraphe 1, le principe de non-ingérence des autorités publiques dans l’exercice du droit à la vie privée, admet, au paragraphe 2, qu’une telle ingérence est possible pour autant qu’elle « est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et [des] libertés d’autrui ».
160 Il convient de constater que, dans ses écritures, la requérante se méprend sur la portée de l’article 8 de la CEDH en soulignant que cette disposition protège son droit de propriété. Elle ne présente aucune argumentation spécifique visant à démontrer qu’il aurait été porté atteinte au principe de non-ingérence des autorités publiques dans l’exercice du droit à la vie privée tel que consacré par cette disposition. Il n’en reste pas moins que, nonobstant cette méprise et l’absence d’arguments en résultant, son grief demeure compréhensible. À cet égard, ainsi que la Cour l’a reconnu dans son arrêt du 14 février 2008, Varec (C‑450/06, EU:C:2008:91, points 47 et 48), en renvoyant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, il peut être nécessaire d’interdire la divulgation d’informations qualifiées de confidentielles, afin de préserver le droit fondamental d’une entreprise au respect de la vie privée, consacré à l’article 8 de la CEDH et à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux, étant précisé que la notion de « vie privée » ne doit pas être interprétée comme excluant l’activité commerciale d’une personne morale.
161 Quant à l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, il prévoit que toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des conditions et des cas prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. Selon la jurisprudence, la protection conférée par cette disposition porte sur des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle, eu égard à l’ordre juridique, une position juridique acquise permettant un exercice de ces droits par et au profit de leur titulaire (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 34).
162 Il ressort également de la jurisprudence que le droit à la protection de la vie privée tel que consacré par l’article 8 de la CEDH fait partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge de l’Union assure le respect. Ce principe n’apparaît toutefois pas comme une prérogative absolue, mais doit être pris en considération au regard de sa fonction dans la société. Il peut comporter des restrictions, à condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et qu’elles ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à sa substance même (arrêts du 5 octobre 1994, X/Commission, C‑404/92 P, EU:C:1994:361, points 17 et 18, et du 24 septembre 2008, M/Médiateur, T‑412/05, non publié, EU:T:2008:397, point 126). Il en va de même selon la jurisprudence en ce qui concerne le droit de propriété tel que consacré par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux (arrêt du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a., C 154/04 et C 155/04, EU:C:2005:449, point 126).
163 Il s’ensuit que l’article 8 de la CEDH et l’article 17 de la charte des droits fondamentaux ne sauraient être interprétés comme édictant une exception automatique au principe de la divulgation pour les documents établis dans le cadre de l’activité commerciale d’une entité privée. En effet, dans le cas d’une demande d’accès formulée par un tiers à ce type de documents, un examen concret et effectif de chacun de ceux-ci s’impose, sauf pour les cas dans lesquels la Cour et le Tribunal ont admis l’existence d’une présomption générale de refus d’accès aux documents en question. Ainsi qu’il a été conclu aux points 33 à 42 ci-dessus, il n’existe pas de présomption générale de refus d’accès aux documents présentés dans le cadre de la procédure d’autorisation prévue par le règlement n° 1907/2006.
164 En l’espèce, l’ECHA a donc procédé à un examen concret des différentes données concernées par la demande d’accès aux documents. Force est de relever que cet examen s’est fait en conformité avec le droit de propriété et le droit à la vie privée.
165 Tout d’abord, ainsi qu’il ressort en substance des points 60 et suivants ci-dessus, il importe de noter que plusieurs informations litigieuses constituent une compilation d’études accessibles au public, mais que le fait que le rapport concrétisant ce travail intellectuel ait une valeur patrimoniale n’implique pas pour autant que toutes les informations qu’il contient relèvent de l’intérêt commercial et que la divulgation de celles-ci porterait d’office atteinte à ce dernier. L’atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne, telle que visée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, ne se détermine pas nécessairement au regard de la valeur patrimoniale de l’information qui fait l’objet de la divulgation.
166 Ensuite, en ce qui concerne les informations relatives aux valeurs DNEL et PNEC, il y a lieu de considérer que leur divulgation ne porterait pas atteinte au droit à la vie privée et au droit de la propriété. En effet, l’ingérence de l’ECHA dans l’exercice de ces droits est permise étant donné qu’elle est prévue par l’article 119 du règlement n° 1907/2006 et qu’elle est nécessaire à la protection de la santé et de l’environnement.
167 Enfin, s’agissant des valeurs d’exposition NOAEL, leur divulgation est, elle aussi, essentielle pour que le public ait une indication sur les risques associés à l’utilisation du DEHP. Il existe donc un grand intérêt pour le public à ce que ces informations soient divulguées. À supposer même que la divulgation de ces informations litigieuses constitue une restriction au droit à la vie privée et à celui de la propriété – ce que la requérante n’a toutefois pas démontré en l’espèce –, cette divulgation répond en tout état de cause à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constitue en rien, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à leur substance même.
168 Compte tenu de tout ce qui précède, les deuxième et troisième moyens doivent être rejetés.
4. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001
169 La requérante soulève un quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, qui protège le processus décisionnel des institutions de l’Union contre des atteintes et influences extérieures, injustifiées et illicites. Tout d’abord, elle soutient que l’absence de divulgation des informations relatives aux procédures qui n’ont pas encore donné lieu à une décision de l’institution concernée constitue le principe et s’inscrit dans la logique du règlement n° 1049/2001. En divulguant les documents, l’ECHA porterait ainsi gravement atteinte audit processus. Ensuite, elle souligne que, lorsqu’ils donnent leur avis, le comité d’évaluation des risques et le comité d’analyse socio-économique sont susceptibles d’être influencés par l’éventuelle divulgation des informations litigieuses, car ceux-ci permettent également aux demandeurs d’accès aux informations de participer à leurs délibérations. À l’inverse, le demandeur d’autorisation n’aurait pas accès aux réunions desdits comités et ne bénéficierait pas du droit d’être entendu à toutes les étapes de la procédure. Enfin, la requérante souligne qu’aucun intérêt public supérieur ne justifie la divulgation des informations en question.
170 L’ECHA réfute ces arguments.
171 Il y a lieu de rappeler que le considérant 11 du règlement n° 1049/2001 souligne qu’il convient de permettre aux institutions de protéger leurs consultations et leurs délibérations internes lorsque cela est nécessaire pour préserver leur capacité à remplir leurs missions. En ce sens, l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du même règlement dispose que « [l]’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé ».
172 Il ressort de la jurisprudence que l’application de cette exception suppose qu’il soit démontré que l’accès au document établi par l’institution pour son usage interne en cause était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à la protection du processus décisionnel de l’institution et que ce risque d’atteinte était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (arrêt du 18 décembre 2008, Muñiz/Commission, T‑144/05, non publié, EU:T:2008:596, point 74).
173 De surcroît, pour relever de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, l’atteinte au processus décisionnel doit être grave. Il en est notamment ainsi lorsque la divulgation du document visé a un impact substantiel sur le processus décisionnel. L’appréciation de la gravité dépend de l’ensemble des circonstances de la cause, notamment des effets négatifs de cette divulgation sur le processus décisionnel invoqués par l’institution (arrêts du 18 décembre 2008, Muñiz/Commission, T‑144/05, non publié, EU:T:2008:596, point 75, et du 7 juin 2011, Toland/Parlement, T‑471/08, EU:T:2011:252, point 71).
174 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le quatrième moyen.
175 Tout d’abord, il convient de rejeter l’approche de la requérante tendant à faire de l’exception à la divulgation prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 un principe. En effet, le principe d’accès aux documents consacré à l’article 2 du même règlement demeure celui applicable aux informations relatives aux procédures qui n’ont pas encore donné lieu à une décision de l’institution concernée. Les exceptions à ce principe sont définies à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, tel qu’interprété par la jurisprudence. Il ne saurait donc y avoir d’exception au principe de l’accès aux documents en vertu de l’article 4, paragraphe 3, susmentionné qu’aux conditions déterminées par la jurisprudence rappelée aux points 172 et 173 ci-dessus.
176 Ensuite, il convient d’examiner la question de savoir si l’accès aux informations litigieuses aurait pu causer une atteinte grave au processus décisionnel de l’ECHA. La requérante soutient en substance que les demandeurs d’une autorisation n’ont pas la garantie d’être entendus à toutes les étapes du processus décisionnel et n’ont pas la possibilité de présenter des observations relatives aux irrégularités ou aux erreurs. De plus, le comité d’évaluation des risques et le comité d’analyse socio-économique permettraient aux demandeurs d’accès aux informations de participer à leurs délibérations. Les demandeurs d’autorisation n’auraient en revanche pas le droit de participer auxdites délibérations.
177 D’une part, il convient de rappeler que l’article 64, paragraphe 5, du règlement n° 1907/2006 dispose que l’ECHA transmet les projets d’avis du comité d’évaluation des risques et du comité d’analyse socio-économique au demandeur d’autorisation et que le demandeur peut présenter des observations écrites s’il le souhaite dans les deux mois suivant la réception du projet d’avis. Cette disposition garantit ainsi au demandeur d’autorisation le droit de présenter une argumentation écrite aux comités avant que ceux-ci n’adoptent un avis définitif sur la demande d’autorisation.
178 D’autre part, la requérante ne démontre pas en quoi les demandeurs d’accès aux informations auxquels serait accordée la qualité d’observateurs pourraient porter gravement atteinte au processus décisionnel de l’ECHA.
179 En effet, les articles 6 des règles de procédure du comité d’évaluation des risques et du comité d’analyse socio-économique (portant la référence MB/09/2009 final, ci-après les « règles de procédure des comités »), rédigés en des termes identiques, prévoient que les observateurs (stakeholder representatives) « peuvent » être admis à assister aux réunions des comités, l’ECHA disposant ainsi d’une marge d’appréciation à cet égard. De surcroît, la participation de ceux-ci aux réunions de l’ECHA est encadrée de façon stricte. En vertu de l’article 6, paragraphe 6, de ces règles de procédure, les observateurs doivent se conformer au « code de conduite des observateurs des organisations intéressées aux réunions de l’ECHA » (portant la référence ED/62/2008, ci-après le « code de conduite »), adopté par une décision du directeur exécutif de l’ECHA le 9 octobre 2008.
180 Ce code de conduite prévoit que les organisations intéressées doivent éviter de nommer, en tant qu’observateurs, des personnes qui ont un intérêt direct dans le cas qui est examiné par les comités et que, si un tel intérêt survient, elles doivent en faire la déclaration au début de la réunion (point 6). Il souligne également que les observateurs ne peuvent pas interférer dans les réunions d’une manière telle que cela relèverait de l’intimidation ou que cela empêcherait les travaux de l’organe (point 7) et que leur participation aux réunions se fait à la discrétion du président (point 8). Le code de conduite mentionne aussi que les observateurs doivent normalement informer à l’avance – au plus tard au début de la réunion – le président des points sur lesquels ils souhaitent intervenir et que leurs interventions doivent être brèves et se tenir dans le temps imparti (point 9). Le code de conduite précise enfin que les observateurs peuvent présenter des documents, mais le fait que ceux-ci soient distribués ne signifie pas que l’ECHA valide ou approuve leur contenu (point 15).
181 Il ressort de ce qui précède que la requérante se méprend sur le rôle des observateurs pendant les réunions des comités et que leur rôle est strictement encadré pour les empêcher de porter gravement atteinte au processus décisionnel.
182 S’il n’est pas contesté par l’ECHA qu’un demandeur d’autorisation n’a pas la possibilité, en principe, de participer, au même titre que les observateurs, aux réunions de comités et n’a donc pas le droit de s’y exprimer, force est toutefois de constater, comme cela a été souligné au point 177 ci-dessus, que l’article 64, paragraphe 5, troisième alinéa, du règlement n° 1907/2006 l’autorise à déposer une argumentation écrite circonstanciée et lui octroie un délai de deux mois à dater de la réception du projet d’avis pour ce faire. À cette occasion, il lui sera loisible de répondre aux éventuelles remarques des observateurs.
183 Il importe également de noter que, en réponse à une question écrite du Tribunal aux parties, relative au rôle des observateurs tel que prévu par le code de conduite, l’ECHA s’est référé à un document d’orientation du 14 décembre 2012 dans lequel est décrite l’approche suivie par elle dans le cadre d’une procédure de demande d’autorisation (ci-après le « document d’orientation »). L’ECHA relève que la présence des observateurs et l’absence des demandeurs d’autorisation peut conduire à une audition qui serait inéquitable, dès lors que les premiers sont seuls autorisés à émettre des observations sur l’affaire concernée. C’est pourquoi elle a précisé dans le document d’orientation que, dans ce type de procédure, les observateurs n’ont aucun droit de parole lors des réunions des comités. Force est de relever que cette orientation est conforme au code de conduite, qui accorde une marge d’appréciation à l’ECHA en indiquant que les observateurs « peuvent » être admis à participer aux réunions des comités et qui investit le président d’un pouvoir discrétionnaire quant au déroulement des réunions. De même, l’ECHA a prévu que, pour garantir la cohérence avec le code de conduite et les règles de procédure des comités, les observateurs n’aient pas accès aux informations commerciales à caractère confidentiel et ne puissent être présents aux parties de réunions dans lesquelles ces informations font l’objet de discussions.
184 Enfin, la requérante n’a présenté aucun élément concret permettant de constater que, en l’espèce, l’accès aux informations litigieuses ayant trait à la demande d’autorisation pour l’utilisation du DEHP aurait un impact substantiel sur le processus décisionnel de l’ECHA et de la Commission et porterait ainsi gravement atteinte à celui-ci.
185 Compte tenu du mécanisme prévu par le règlement n° 1907/2006 et concrétisé par les règles de procédure des comités, le code de conduite et le document d’orientation, d’une part, et de l’absence de tout élément concret permettant de soupçonner que, en l’espèce, l’accès aux informations litigieuses aurait mis en péril le processus décisionnel de l’ECHA, d’autre part, force est de considérer que la divulgation des informations litigieuses ne saurait avoir d’effets négatifs sur le processus décisionnel au point de mettre gravement ce dernier en péril.
186 Il ressort de tout ce qui précède que le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, doit être rejeté.
187 Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par l’ECHA.
Sur les dépens
188 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’ECHA, conformément aux conclusions de cette dernière, y compris ceux afférents à la procédure en référé.
189 La Commission supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.
190 ClientEarth, EEB et HCWH Europe supporteront leurs propres dépens en application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Deza, a.s. supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), y compris les dépens afférents à la procédure en référé.
3) La Commission européenne supportera ses propres dépens.
4) ClientEarth, European Environmental Bureau (EEB) et Vereniging Health Care Without Harm Europe supporteront leurs propres dépens.
Prek | Labucka | Kreuschitz |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 janvier 2017.
Signatures
Table des matières
Faits à l’origine du litige
Procédure et conclusions des parties
En droit
1. Sur le moyen distinct, tiré de l’existence d’une présomption générale de confidentialité des informations présentées dans le cadre de la procédure d’autorisation prévue par le règlement n° 1907/2006
2. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001
Sur le premier grief, tiré de la confidentialité des informations litigieuses en raison de leur caractère commercial et du fait qu’elles relèvent du savoir-faire de la requérante
Sur la question de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001
Sur la question de l’obligation de divulgation des informations en application de l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006 ou du caractère déjà public de celles-ci
– Sur la recevabilité de la contestation tirée d’une application erronée de l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006
– Sur l’existence de l’obligation de publier certaines informations en application de l’article 119, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 1907/2006 et sur la question du caractère déjà public d’autres informations
Sur le deuxième grief, tiré de la violation de la protection des droits de propriété intellectuelle, justifiant l’application de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001
Sur le troisième grief, tiré de l’absence d’indication claire quant à l’intérêt public justifiant la divulgation des informations litigieuses
Sur le quatrième grief, tiré de la violation de l’obligation de motivation
3. Sur les deuxième et troisième moyens, tirés, d’une part, s’agissant du deuxième, de la violation des engagements de l’Union découlant de l’accord ADPIC et de l’atteinte au droit à la protection des informations confidentielles (secrets commerciaux) et, d’autre part, s’agissant du troisième, de la violation des engagements de l’Union découlant de l’article 8 de la CEDH et de l’article 17 de la charte des droits fondamentaux et de l’atteinte au droit de propriété et à la protection de la propriété
4. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001
Sur les dépens
* Langue de procédure : le tchèque.
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