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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Aldi v EUIPO - Rouard (GOURMET) (Intellectual, industrial and commercial property - Trade marks : Judgment) French Text [2017] EUECJ T-572/15 (08 September 2017) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T57215.html Cite as: EU:T:2017:591, ECLI:EU:T:2017:591, [2017] EUECJ T-572/15 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)
8 septembre 2017 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative GOURMET – Marque de l’Union européenne figurative antérieure ORIGINE GOURMET – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Suspension de la procédure administrative – Règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement (CE) n° 2868/95 »
Dans l’affaire T‑572/15,
Aldi GmbH & Co. KG, établie à Mülheim an der Ruhr (Allemagne), représentée par Mes N. Lützenrath, U. Rademacher, C. Fürsen et N. Bertram, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. M. Eberl et M. Fischer, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été
Pierre-André Rouard, demeurant à Madrid (Espagne), représenté par Me P. Merino Baylos, avocat,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 24 juillet 2015 (affaire R 1985/2013‑4), relative à une procédure d’opposition entre M. Rouard et Aldi,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
composé de Mme V. Tomljenović, président, M. E. Bieliūnas et Mme A. Marcoulli (rapporteur), juges,
greffier : Mme J. Weychert, administrateur,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2015,
vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 20 janvier 2016,
vu les questions écrites du Tribunal aux parties et leurs réponses à ces questions déposées au greffe du Tribunal les 8 et 16 février 2017,
à la suite de l’audience du 10 mai 2017,
rend le présent
Arrêt
Faits du litige
1 Le 20 décembre 2011, la requérante, Aldi GmbH & Co. KG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :
3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29 à 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; [nids d’oiseaux comestibles] » ;
– classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, succédanés du café ; préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; [propolis pour la consommation humaine ; poudings ; en-cas à base de riz ; gelée royale pour la consommation humaine, non à usage médical ; sandwiches ; rouleaux de printemps ; sushi ; eau de mer pour la cuisine] » ;
– classe 31 : « Produits agricoles, horticoles, forestiers et graines, non compris dans d’autres classes ; animaux vivants ; fruits et légumes frais ; semences, plantes et fleurs vivantes » ;
– classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons sans alcool ; boissons à base de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;
– classe 33 : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ».
4 La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 16/2012, du 24 janvier 2012.
5 Le 23 avril 2012, M. Pierre-André Rouard a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.
6 L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure enregistrée le 20 janvier 2009 sous le numéro 4686606, telle que reproduite ci-après :
7 Les produits et les services pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée relèvent des classes 29, 35 et 43, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes en conserve, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;
– classe 35 : « Vente au détail dans les commerces et via des réseaux informatiques mondiaux de produits gastronomiques ; services de conseils aux entreprises sous régime de franchises ; publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau » ;
– classe 43 : « Services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ».
8 Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 207/2009.
9 Le 27 septembre 2013, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, pour les produits relevant des classes 29 à 33 visés au point 3 ci-dessus, à l’exception des produits suivants, pour lesquels l’enregistrement a été accepté :
– classe 29 : « Protéines pour la consommation humaine ; pollen préparé pour l’alimentation ; alginates pour l’alimentation ; pectine pour l’alimentation ; présure ; extraits d’algues à usage alimentaire » ;
– classe 30 : « Tapioca, sagou ; farines ; levure, poudre à lever ; glace à rafraîchir ; essences pour l’alimentation, à l’exception des essences éthériques et des huiles essentielles ; aromates, autres que les huiles essentielles ; aromates pour boissons, autres que les huiles essentielles ; aromates pour gâteaux, autres que les huiles essentielles ; liants pour glaces alimentaires ; attendrisseurs de viande (à usage domestique) ; poudres pour glaces alimentaires ; liaisons pour saucisses ; amidon à usage alimentaire ; produits pour stabiliser la crème fouettée ; épaississants pour la cuisson de produits alimentaires » ;
– classe 31 : « Malt ; sable aromatique pour animaux domestiques [litière] ; papier sablé pour animaux domestiques [litière] » ;
– classe 33 : « Essences alcooliques ; extraits alcooliques ; extraits de fruits avec alcool ».
10 Le 9 octobre 2013, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.
11 Le 31 juillet 2014, la requérante a demandé la suspension de la procédure de recours, au motif que, le 2 avril 2014, elle avait introduit auprès de l’EUIPO une demande en déchéance de la marque figurative antérieure visée au point 6 ci-dessus pour tous les produits et les services visés par celle-ci, demande enregistrée sous la référence 9204 C.
12 Par décision du 24 juillet 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a partiellement accueilli le recours et annulé la décision de la division d’opposition en ce qu’elle rejette l’opposition pour certains produits dissemblables relevant de la classe 31, à savoir les « produits agricoles, horticoles et forestiers, non compris dans d’autres classes ; semences, plantes et fleurs vivantes ». Elle a rejeté le recours pour le surplus. En particulier, s’agissant des produits et des services identiques ou similaires, elle a considéré que, compte tenu du degré moyen de similitude visuelle, du faible degré de similitude phonétique et de la similitude conceptuelle des signes en conflit ainsi que du caractère distinctif moyen de la marque antérieure, il existait un risque de confusion entre les marques en conflit.
13 Par décision du 30 juillet 2015, la division d’annulation de l’EUIPO a déclaré la déchéance, pour absence d’usage sérieux, de la marque antérieure visée au point 6 ci-dessus, à compter du 2 avril 2014, exception faite pour les produits « viande préparée, saumon » relevant de la classe 29.
14 Par décision du 27 septembre 2016, la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a, en substance, confirmé la déchéance, pour absence d’usage sérieux, de la marque antérieure visée au point 6 ci-dessus, à compter du 2 avril 2014, exception faite, non seulement pour les produits « viande préparée, saumon » relevant de la classe 29, mais, plus largement, pour les produits « viande ; poisson » relevant de ladite classe.
Conclusions des parties
15 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
16 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
17 À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 63 du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec la règle 20, paragraphe 7, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1), en ce que la chambre de recours n’aurait pas pris en compte la demande de suspension de la procédure de recours présentée par la requérante en raison de l’introduction d’une demande en déchéance de la marque antérieure et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, en ce que la chambre de recours aurait considéré à tort qu’il existait un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure.
18 S’agissant du premier moyen, tiré de la violation de l’article 63 du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec la règle 20, paragraphe 7, du règlement n° 2868/95, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas examiné la demande de suspension de la procédure de recours qu’elle a présentée le 31 juillet 2014 en raison de l’introduction d’une demande en déchéance de la marque antérieure. La demande de suspension n’aurait pas été traitée, ni même mentionnée, dans la décision attaquée. Ainsi, bien que, en vertu de la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95, la chambre de recours dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à la question de savoir si la procédure doit être suspendue, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’aurait pas du tout abordé la question de la demande de suspension et elle n’aurait exercé aucun pouvoir d’appréciation. Un tel non-usage du pouvoir d’appréciation constituerait la forme la plus marquée de détournement de pouvoir ou d’erreur d’appréciation et reviendrait à anéantir le pouvoir d’appréciation de la chambre de recours, alors que la marque antérieure aurait été susceptible de radiation pour la majeure partie des produits et des services qu’elle couvrait et que cela aurait pu avoir des effets considérables sur la procédure.
19 L’EUIPO rétorque que la chambre de recours dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour suspendre la procédure et que les arguments de la requérante visent à prouver une erreur d’appréciation, mais non pas un détournement de pouvoir. L’EUIPO argue que, en l’espèce, la chambre de recours ne pouvait pas exercer ledit pouvoir, puisque la requérante n’a rien exposé quant à la possible disparition de la marque antérieure, mais s’est limitée à une simple référence à la procédure de déchéance pendante, à la différence notamment de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 novembre 2015, Société des produits Nestlé/OHMI – Terapia (ALETE) (T‑544/14, non publié, EU:T:2015:842), où la partie demanderesse avait exposé de façon détaillée et précise les chances que sa demande en nullité soit accueillie. L’EUIPO ajoute qu’une suspension de la procédure ne peut pas être toujours ordonnée en cas de doute quant à la validité de la marque antérieure et que, si la procédure de nullité était une condition préalable à l’enregistrement de la marque demandée, il appartenait à la requérante de déclencher cette autre procédure et d’attendre son terme avant d’introduire sa demande d’enregistrement.
20 Il y a lieu de relever que la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95, applicable aux procédures devant la chambre de recours conformément à la règle 50, paragraphe 1, dudit règlement, dispose que l’EUIPO peut suspendre la procédure d’opposition lorsque les circonstances justifient une telle suspension [arrêts du 25 novembre 2014, Royalton Overseas/OHMI – S.C. Romarose Invest (KAISERHOFF), T‑556/12, non publié, EU:T:2014:985, point 29, et du 21 octobre 2015, Petco Animal Supplies Stores/OHMI – Gutiérrez Ariza (PETCO), T‑664/13, EU:T:2015:791, point 31].
21 Selon la jurisprudence, la chambre de recours dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour suspendre ou non la procédure de recours. La suspension demeure une faculté pour la chambre de recours, qui ne la prononce que lorsqu’elle l’estime justifiée. La procédure devant la chambre de recours n’est donc pas automatiquement suspendue à la suite d’une demande en ce sens par une partie devant ladite chambre (arrêts du 25 novembre 2014, KAISERHOFF, T‑556/12, non publié, EU:T:2014:985, point 30, et du 21 octobre 2015, PETCO, T‑664/13, EU:T:2015:791, point 31).
22 La circonstance que la chambre de recours dispose d’un large pouvoir d’appréciation afin de suspendre la procédure en cours devant elle ne soustrait pas son appréciation au contrôle du juge de l’Union européenne. Cette circonstance restreint cependant ledit contrôle quant au fond à la vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêts du 25 novembre 2014, KAISERHOFF, T‑556/12, non publié, EU:T:2014:985, point 31 et jurisprudence citée, et du 21 octobre 2015, PETCO, T‑664/13, EU:T:2015:791, point 32 et jurisprudence citée).
23 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, lors de l’exercice de son pouvoir d’appréciation relatif à la suspension de la procédure, la chambre de recours doit respecter les principes généraux régissant une procédure équitable au sein d’une communauté de droit. Par conséquent, lors dudit exercice, elle doit non seulement tenir compte de l’intérêt de la partie dont la marque ou la demande de marque de l’Union européenne est contestée, mais également de celui des autres parties. La décision de suspendre ou de ne pas suspendre la procédure doit être le résultat d’une mise en balance des intérêts en cause (voir arrêts du 25 novembre 2014, KAISERHOFF, T‑556/12, non publié, EU:T:2014:985, point 33 et jurisprudence citée, et du 21 octobre 2015, PETCO, T‑664/13, EU:T:2015:791, point 33 et jurisprudence citée).
24 Il convient également de relever que, selon une jurisprudence constante, l’examen de la question de la suspension de la procédure devant la chambre de recours est préalable à celui de l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure (arrêts du 25 novembre 2014, KAISERHOFF, T‑556/12, non publié, EU:T:2014:985, point 52 ; du 21 octobre 2015, PETCO, T‑664/13, EU:T:2015:791, point 19, et du 12 novembre 2015, ALETE, T‑544/14, non publié, EU:T:2015:842, point 20).
25 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a violé ou non la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95.
26 Il convient de commencer par observer que, contrairement à ce qui est allégué par la requérante, la décision attaquée, dans sa partie « Moyens et arguments des parties », mentionne, au point 7, la demande de suspension présentée par la requérante et, au point 8, les observations présentées à cet égard par l’opposant.
27 Cependant, ainsi que l’EUIPO l’a confirmé lors de l’audience en réponse à une demande du Tribunal, à l’exception des mentions factuelles évoquées au point 26 ci-dessus, la demande de suspension présentée par la requérante n’est traitée à aucun autre point de la décision attaquée. En effet, force est de constater que la décision attaquée ne contient aucune appréciation de la chambre de recours sur la demande de suspension et, notamment, aucune mise en balance des intérêts en cause ni aucune justification d’une quelconque décision qu’elle aurait prise à cet égard.
28 Il y a donc lieu de constater que la chambre de recours n’a pas exercé le pouvoir d’appréciation dont l’investit la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95, aux fins de décider, en tenant compte des circonstances pertinentes, et notamment des intérêts en cause, s’il y avait lieu ou non de suspendre la procédure de recours pendante devant elle en raison de la demande en déchéance de la marque antérieure présentée par la requérante (voir, par analogie, arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 110). Au demeurant, il est constant que, en l’espèce, tel qu’indiqué par la requérante, l’éventuelle déchéance de la marque antérieure pour tous les produits et les services visés par celle-ci, dont la demande justifiait la demande de suspension de la procédure de recours, aurait pu avoir des effets sur ladite procédure – une déchéance qui, d’ailleurs, en l’occurrence, a effectivement été déclarée pour la plupart des produits visés par la marque antérieure.
29 Par ailleurs, dès lors que la décision attaquée ne contient pas la moindre appréciation sur la demande de suspension, elle empêche le Tribunal d’exercer tout contrôle de légalité à cet égard.
30 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que, en s’abstenant d’exercer le pouvoir d’appréciation dont elle était investie aux fins de décider s’il y avait lieu ou non de suspendre la procédure de recours pendante devant elle, la chambre de recours a violé la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95.
31 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments avancés par l’EUIPO.
32 Premièrement, l’EUIPO soutient que les arguments de la requérante ne seraient pas susceptibles de démontrer un détournement de pouvoir, mais viseraient seulement à prouver une erreur d’appréciation. Or, cet argument est infondé et, en tout état de cause, inopérant.
33 D’une part, un tel argument repose sur une interprétation erronée du premier moyen de la requérante, dès lors que celui-ci est tiré d’une violation de l’article 63 du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec la règle 20, paragraphe 7, du règlement n° 2868/95, et non pas d’un détournement de pouvoir. Si la requérante a, certes, indiqué qu’« un tel non-usage du pouvoir d’appréciation constitue la forme la plus marquée de détournement de pouvoir ou d’erreur d’appréciation », cette seule mention n’implique aucunement que, par là, la requérante ait modifié l’objet du premier moyen, tel qu’il ressort de son libellé et de son développement.
34 D’autre part, en tout état de cause, ledit argument est sans incidence sur la constatation selon laquelle la chambre de recours n’a effectué aucune appréciation de la demande de suspension de la procédure de recours présentée par la requérante, en violation de la règle 20, paragraphe 7, du règlement n° 2868/95 (voir, par analogie, arrêt du 12 novembre 2015, ALETE, T‑544/14, non publié, EU:T:2015:842, point 44), et, partant, sur le fait que le premier moyen est fondé en ce qu’il est tiré d’une violation de la règle 20, paragraphe 7, du règlement n° 2868/95.
35 Deuxièmement, l’EUIPO argue que, dans la demande de suspension, la requérante n’aurait pas exposé s’il y avait lieu de s’attendre avec une certaine vraisemblance à la disparition du droit antérieur, empêchant ainsi la chambre de recours d’exercer son pouvoir d’appréciation.
36 À cet égard, tout d’abord, il convient d’observer qu’une telle appréciation ne figure pas dans la décision attaquée. Or, d’une part, il n’appartient pas au Tribunal de procéder, dans le cadre de son contrôle de légalité de la décision attaquée, à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas pris position (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72) et, d’autre part, devant le Tribunal, l’EUIPO ne saurait étayer la décision attaquée par des éléments non pris en compte dans celle-ci [voir, par analogie, arrêt du 11 décembre 2014, CEDC International/OHMI – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille), T‑235/12, EU:T:2014:1058, point 71].
37 Ensuite, il y a lieu de relever que, lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, une demande de suspension est introduite (le 31 juillet 2014) avant que le titulaire de la marque antérieure contestée ait pris position sur la demande en déchéance (le 16 septembre 2014), il est, par définition, difficile pour le demandeur en déchéance d’établir, dans le cadre de la demande de suspension, que sa demande en déchéance présente des chances de succès, en raison de la difficulté pour lui d’établir l’absence d’usage sérieux de la part du titulaire de la marque antérieure. En effet, dans le cadre de la procédure de déchéance, il appartient à l’autre partie, à savoir au titulaire de la marque, d’établir l’usage sérieux de cette dernière. Ces facteurs doivent, dès lors, être pris en compte par la chambre de recours lorsqu’elle apprécie une demande de suspension soulevée devant elle (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2015, ALETE, T‑544/14, non publié, EU:T:2015:842, point 38). Ainsi, l’EUIPO ne saurait reprocher à la requérante de n’avoir pas démontré suffisamment qu’il y avait lieu de s’attendre avec une certaine vraisemblance à la disparition du droit antérieur.
38 Enfin, l’argument de l’EUIPO selon lequel la présente affaire différerait de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 novembre 2015, ALETE (T‑544/14, non publié, EU:T:2015:842), ne saurait être retenu. En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 12 de l’arrêt du 12 novembre 2015, ALETE (T‑544/14, non publié, EU:T:2015:842), ladite affaire concernait, comme c’est le cas en l’espèce, une demande de suspension présentée au motif qu’une procédure de déchéance était pendante, et non pas une procédure de nullité, tel qu’indiqué par l’EUIPO. D’autre part, ainsi qu’il ressort des point 22 et 23 de l’arrêt du 12 novembre 2015, ALETE (T‑544/14, non publié, EU:T:2015:842), la circonstance que, dans ladite affaire, le Tribunal ait examiné l’appréciation de la chambre de recours sur la demande de suspension à la lumière des éléments invoqués par la partie demanderesse dans sa demande de suspension est précisément due à la présence d’une telle appréciation, ce qui manque en l’espèce.
39 Troisièmement, l’argument de l’EUIPO selon lequel la thèse de la requérante reviendrait à ordonner toujours la suspension de la procédure en cas de doute sur la validité du droit antérieur est infondé et, en tout état de cause, inopérant. D’une part, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence évoquée aux points 21 à 23 ci-dessus, la suspension demeure une faculté pour la chambre de recours, qui ne la prononce que lorsqu’elle l’estime justifiée en tenant compte des circonstances pertinentes, et notamment des intérêts en cause. D’autre part, il y a lieu de relever que cet argument n’est pas susceptible de remettre en cause la constatation selon laquelle la chambre de recours n’a effectué aucune appréciation de la demande de suspension de la procédure présentée par la requérante, en violation de la règle 20, paragraphe 7, du règlement n° 2868/95 (voir, par analogie, arrêt du 12 novembre 2015, ALETE, T‑544/14, non publié, EU:T:2015:842, point 43).
40 Quatrièmement, l’EUIPO s’appuie sur le point 77 de l’arrêt du 16 mai 2011, Atlas Transport/OHMI – Atlas Air (ATLAS) (T‑145/08, EU:T:2011:213), pour soutenir que, si la requérante estimait qu’une procédure en nullité de la marque antérieure était une condition préalable pour sa demande d’enregistrement, elle aurait dû engager ladite procédure en nullité avant de saisir l’EUIPO de sa demande d’enregistrement. Cet argument ne saurait non plus être retenu, dès lors que, d’une part, le cas d’espèce ne porte pas sur une procédure en nullité, mais de déchéance, et que, d’autre part, en tout état de cause, il y a lieu d’observer que, conformément à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, la requérante ne pouvait pas contester l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure au moment de sa demande d’enregistrement, puisque ladite marque antérieure n’était pas encore enregistrée depuis cinq ans.
41 Cinquièmement, s’agissant de l’argument de l’EUIPO selon lequel la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95 concerne la procédure devant la division d’opposition, et non pas la procédure devant la chambre de recours, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 20 ci-dessus, ladite règle est applicable aux procédures devant la chambre de recours conformément à la règle 50, paragraphe 1, du même règlement.
42 Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours a violé la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95.
43 Partant, il y a lieu d’accueillir le premier moyen. Conformément à la jurisprudence rappelée au point 24 ci-dessus, dans la mesure où l’examen du premier moyen, relatif à la suspension de la procédure devant la chambre de recours, est préalable à celui du second moyen, relatif à l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure, et qu’il conduit à constater que la chambre de recours, en s’abstenant d’apprécier la demande de suspension présentée par la requérante, a violé la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95, il y a lieu d’annuler la décision attaquée dans son ensemble, dès lors que la chambre de recours a omis d’examiner la demande de suspension de la procédure de recours fondée sur une demande en déchéance de la marque antérieure pour tous les produits et les services visés par celle-ci, sans qu’il soit besoin de procéder à l’analyse du second moyen.
Sur les dépens
44 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
45 L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 24 juillet 2015 (affaire R 1985/2013‑4) est annulée.
2) L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Aldi GmbH & Co. KG.
Tomljenović | Bieliūnas | Marcoulli |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 septembre 2017.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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