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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Gollnisch v Parliament (Order) French Text [2017] EUECJ T-624/16_CO (16 February 2017) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T62416_CO.html Cite as: ECLI:EU:T:2017:94, [2017] EUECJ T-624/16_CO, EU:T:2017:94 |
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Édition provisoire
ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
16 février 2017 (*)
« Référé – Membre du Parlement européen – Recouvrement par compensation d’indemnités versées au titre du remboursement des frais d’assistance parlementaire – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »
Dans l’affaire T‑624/16 R,
Bruno Gollnisch, demeurant à Villiers-le-Mahieu (France), représenté par Me N. Fakiroff, avocat,
partie requérante,
contre
Parlement européen, représenté par MM. G. Corstens et S. Alonso de León, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant au sursis à l’exécution de la décision du secrétaire général du Parlement européen du 1er juillet 2016, relative au recouvrement auprès du requérant d’une somme de 275 984,23 euros, de la note de débit 2016-916, du 5 juillet 2016, faisant suite à cette décision et à la notification desdits actes par le directeur général des finances du 6 juillet 2016,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
rend la présente
Ordonnance
Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties
1 Le requérant, M. Bruno Gollnisch, est député au Parlement européen depuis 1989. À ce titre, il a effectué un mandat pendant la septième législature s’étendant de juillet 2009 à juin 2014.
2 En 2011, le requérant a conclu un contrat de travail avec un collaborateur ayant pour objet la fonction d’assistant parlementaire local.
3 En juillet 2014, le requérant a été réélu au Parlement et a renouvelé, au début de cette nouvelle mandature, le contrat de travail avec son collaborateur. Conformément aux règles relatives à la gestion des contrats de travail des assistants parlementaires locaux établies par la décision du bureau du Parlement des 19 mai et 9 juillet 2008 portant mesures d’application du statut des députés au Parlement (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après les « mesures d’application du statut »), ledit contrat de travail était géré par un tiers payant auquel le Parlement versait des montants dus dans le cadre de son exécution.
4 Par lettre du 30 mars 2015, le président du Parlement a informé le requérant qu’il existait, en ce qui concerne l’emploi du collaborateur, des éléments mettant en cause le respect des obligations découlant des articles 33, 43 et 62 des mesures d’application du statut. Il a informé le requérant qu’il avait saisi l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et demandé au service ordonnateur de mettre en œuvre les dispositions prévues aux articles 67 et 68 desdites mesures d’application, relatives aux suspensions de paiement et à la répétition de l’indu.
5 Le 10 juillet 2015, le directeur général des finances du Parlement a annoncé au requérant la suspension des paiements faits au tiers payant pour les salaires et charges sociales du collaborateur, à compter du mois de juillet 2015.
6 Le 24 février 2016, le secrétaire général du Parlement a annoncé au requérant l’ouverture d’une procédure de recouvrement des versements du Parlement au tiers payant en ce qui concerne le collaborateur en cause, s’élevant à 275 984,23 euros, couvrant la période allant de juillet 2011 à juin 2015, auprès du requérant.
7 Par lettre du 6 juillet 2016 (ci-après la « notification »), le directeur général des finances du Parlement a notifié au requérant une décision du secrétaire général du Parlement, du 1er juillet 2016, en vertu de laquelle le montant de 275 984,23 euros avait été indûment versé au titre d’assistance parlementaire et devait être recouvré auprès du requérant (ci-après la « décision attaquée »), et la note de débit 2016-916, du 5 juillet 2016 (ci-après la « note de débit »).
8 La notification précisait que, à défaut d’un remboursement avant le 31 août 2016, des intérêts de retard seraient dus, qu’il serait procédé au recouvrement par compensation et, en l’absence de paiement volontaire, si le remboursement intégral n’avait pas été obtenu, que la « procédure de récupération par toute voie de droit [serait] lancée sans délai ».
9 La note de débit précisait que, si un recouvrement intégral n’avait pas pu être obtenu par un recouvrement par compensation, le Parlement « procède[rait] au recouvrement par l’exécution forcée du titre obtenu, soit conformément à l’article 79, paragraphe 2, du [règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »)], soit par voie contentieuse » .
10 Par courriel du 1er septembre 2016, le comptable du Parlement a annoncé au requérant l’intention de procéder au recouvrement par compensation. À cet égard, il lui a précisé que :
« Les dispositions seraient les suivantes :
– Prélèvement mensuel de 50 % de votre indemnité parlementaire
– Prélèvement mensuel de 100 % de votre indemnité de frais généraux
– Prélèvement mensuel de 50 % des indemnités de séjour auxquelles vous avez droit.
Concernant l’indemnité de frais généraux et l’indemnité journalière, vous avez [la] possibilité de produire mensuellement les justificatifs des frais réellement exposés couverts par ces deux indemnités et dûment justifiés par envoi des factures acquittées, afin que je puisse procéder par l’ordonnateur compétent, aux vérifications nécessaires, ceci afin de ne pas entraver l’exercice de votre mandat. »
11 Étant en désaccord avec la décision attaquée, le requérant a, le 1er septembre 2016, saisi les questeurs en application de l’article 72, paragraphe 2, des mesures d’application du statut.
12 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 septembre 2016, le requérant a introduit un recours visant à l’annulation de la notification, de la décision attaquée et de la note de débit (ci-après, prises ensemble, l’« acte attaqué »).
13 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 5 septembre 2016, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– surseoir à l’exécution de l’acte attaqué ;
– condamner le Parlement à supporter les entiers dépens et, plus particulièrement, à verser la somme de 9 700 euros à titre de dépens récupérables.
14 Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 13 septembre 2016, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– rejeter cette demande comme non fondée ;
– réserver les dépens afférents à la présente procédure de référé ou, à titre subsidiaire, condamner le requérant à ceux-ci.
15 Le requérant a répondu aux observations du Parlement par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 23 septembre 2016, dans lequel il ajoute aux conclusions formulées dans la demande en référé une conclusion tendant à rapporter toutes mesures d’exécution de l’acte attaqué qui sont intervenues depuis le 1er septembre 2016 et se remet, en ce qui concerne les dépens, à la sagesse du Tribunal. Le Parlement a pris définitivement position par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 4 octobre 2016.
En droit
16 Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (voir ordonnance du 22 avril 2016, Le Pen/Parlement, T‑140/16 R, non publiée, EU:T:2016:240, point 7 et jurisprudence citée).
17 En outre, l’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le juge des référés peut ordonner le sursis à exécution et d’autres mesures provisoires s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant l’intervention de la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut (voir ordonnance du 22 avril 2016, Le Pen/Parlement, T‑140/16 R, non publiée, EU:T:2016:240, point 8 et jurisprudence citée).
18 Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 22 avril 2016, Le Pen/Parlement, T‑140/16 R, non publiée, EU:T:2016:240, point 9 et jurisprudence citée).
19 Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.
20 Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.
21 Dans ce contexte, le requérant fait valoir, en substance, quatreéléments.
22 Selon le Parlement, en revanche, la condition relative à l’urgence n’est pas remplie.
23 Afin d’apprécier les éléments avancés par le requérant pour démontrer l’urgence, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, celle-ci doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires, étant précisé qu’un préjudice de caractère purement financier n’est normalement pas irréparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure, à moins qu’il apparaisse que, en l’absence de ces mesures, ladite partie se trouverait dans une situation susceptible, notamment, d’entraîner sa ruine financière avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure principale (voir ordonnance du 22 avril 2016, Le Pen/Parlement, T‑140/16 R, non publiée, EU:T:2016:240, point 14 et jurisprudence citée).
24 Pour pouvoir apprécier si le préjudice financier allégué présente un caractère grave et irréparable, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation financière de la partie qui sollicite les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière (voir ordonnance du 22 avril 2016, Le Pen/Parlement, T‑140/16 R, non publiée, EU:T:2016:240, point 14 et jurisprudence citée).
25 En outre, selon une jurisprudence bien établie, il n’y a urgence que si le préjudice grave et irréparable redouté par la partie qui sollicite les mesures provisoires est imminent à tel point que sa réalisation est prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Cette partie demeure, en tout état de cause, tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice, étant entendu qu’un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi de mesures provisoires (voir ordonnance du 19 mai 2015, Costa/Parlement, T‑197/15 R, non publiée, EU:T:2015:294, point 22 et jurisprudence citée).
26 En premier lieu, le requérant soutient que, étant donné l’importance de la somme réclamée, à savoir 275 984,23 euros, son recouvrement aurait pour effet de le priver de ses indemnités pour la mandature en cours. Or, les indemnités ayant pour objectif d’assurer l’exercice effectif du mandat du député européen tout en garantissant son indépendance, toute mesure de compensation porterait atteinte au statut du député et justifierait, à elle seule, l’octroi du sursis à exécution sollicité. Plus particulièrement, les mesures de compensation constitueraient un préjudice grave et actuel de nature à l’empêcher d’exercer la plénitude de sa fonction parlementaire. En outre, la possibilité offerte par le Parlement de rembourser les frais réellement exposés serait « humiliante » et « extrêmement consomptive de temps et d’énergie, et sans doute source de nouveaux contentieux, au point d’absorber une part notable du travail du député ».
27 À cet égard, il convient de relever que, certes, les députés européens ont, en vertu de l’article 9 de la décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement européen, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement européen (JO 2005, L 262, p. 1, ci-après le « statut des députés »), droit « à une indemnité appropriée qui assure leur indépendance ».
28 Toutefois, il ne peut être inféré de l’article 9 du statut des députés que l’exercice effectif et en toute indépendance du mandat du parlementaire européen présuppose l’octroi intégral des indemnités telles que prévues actuellement par ledit statut et par les mesures d’application du statut à l’exclusion de tout prélèvement en vue d’une compensation.
29 En effet, il convient de relever que l’article 68, paragraphe 2, des mesures d’application du statut reconnait expressément la possibilité de procéder au recouvrement de l’indu « en veillant à l’exercice effectif du mandat du député et au bon fonctionnement du Parlement », respectant ainsi le principe d’une dotation appropriée garantissant l’indépendance consacré à l’article 9 du statut des députés.
30 En particulier, l’article 61, premier paragraphe, des mesures d’application du statut dispose que la mise en œuvre desdites mesures respecte les dispositions du règlement financier, dont l’article 80, premier paragraphe, précise que le comptable procède au recouvrement par compensation à l’égard de tout débiteur lui-même titulaire d’une créance à l’égard de l’Union.
31 Enfin, selon la pratique du Parlement telle qu’exposée dans ses observations, celui-ci exerce son droit au recouvrement par compensation en mettant en balance, en ce qui concerne les indemnités, l’obligation de l’institution de recouvrer les sommes indûment perçues et l’obligation de sauvegarder la possibilité, pour le député concerné, d’exercer son mandat de manière effective.
32 Dans ces conditions, le fait que le Parlement procède au recouvrement par compensation ne saurait être considéré, en soi, comme un acte de nature à porter atteinte à l’exercice effectif et en toute indépendance, par le requérant, de son mandat de député de manière à établir l’existence d’un préjudice grave.
33 Ainsi, il s’agit, en l’occurrence, de déterminer si les mesures de compensation telles que effectuées en l’espèce sont de telle nature.
34 Premièrement, s’agissant du prélèvement mensuel de 50 % de son indemnité parlementaire, le requérant se borne à affirmer qu’il serait empêché d’exercer la plénitude de sa fonction parlementaire sans expliquer en quoi la réduction de son indemnité parlementaire de 50 % aurait un tel effet. Dans ces conditions, il ne saurait être conclu que cette réduction porte atteinte à l’exercice effectif du mandat du requérant de manière à établir l’existence d’un préjudice grave.
35 Deuxièmement, s’agissant du prélèvement mensuel de 100 % de l’indemnité de frais généraux du requérant, il convient de relever que celui-ci est admis à réclamer le remboursement des frais exposés, ce qui, selon le Parlement, garantirait l’absence d’entrave à l’exercice effectif de son mandat.
36 À cet égard, la thèse du requérant selon laquelle un tel procédé serait « humiliant » et trop exigeant en raison du temps qu’il devrait y consacrer ne peut être retenue.
37 En effet, conformément à l’article 20, paragraphe 3, du statut des députés, le remboursement des frais généraux liés au mandat peut être effectué au moyen d’un forfait. En outre, dans son arrêt du 15 septembre 1981, Bruce of Donington (208/80, EU:C:1981:194, point 17), la Cour a reconnu au Parlement la compétence d’effectuer le remboursement non sur présentation des pièces justificatives pour chaque dépense, mais sur la base d’un système forfaitaire. Le choix d’un tel système résulte du souci de réduire les dépenses et les charges administratives inhérentes à un système comportant la vérification de chaque dépense individuelle, et relève donc d’une bonne administration pour autant que le montant forfaitaire des indemnités ne soit pas excessif et qu’il ne s’agisse pas, en réalité, pour partie, d’une rémunération déguisée et non d’un remboursement de frais (arrêt du 15 septembre 1981, Bruce of Donington, 208/80, EU:C:1981:194, points 17 et 21).
38 Ainsi, s’il est loisible au Parlement de prévoir le remboursement des frais au moyen d’un forfait, il n’en reste pas moins que le député n’a pas, de manière générale, de droit vis-à-vis du Parlement à un tel procédé, le choix du système de remboursement étant une compétence d’organisation interne du Parlement.
39 En outre, le fait que le remboursement des frais généraux se fasse, en ce qui concerne le requérant, non pas au moyen d’un forfait, mais par le remboursement des frais effectivement exposés n’est pas « humiliant », mais se justifie par le souci de ne pas porter atteinte, par les mesures de compensation, à l’exercice de son mandat de député ainsi qu’il a été rappelé expressément dans le courriel du comptable du Parlement du 1er septembre 2016.
40 Dans ces conditions et en l’absence d’allégation du requérant selon laquelle le montant forfaitaire de l’indemnité de frais généraux serait en réalité pour partie une rémunération déguisée, il ne saurait être conclu que le prélèvement mensuel de 100 % de l’indemnité de frais généraux porte atteinte à l’exercice effectif du mandat du requérant de manière à établir l’existence d’un préjudice grave.
41 Troisièmement, s’agissant du prélèvement de 50 % de l’indemnité de séjour du requérant, il convient de relever que celui-ci est admis à réclamer le remboursement des frais exposés, ce qui, selon le Parlement, garantirait l’absence d’entrave à l’exercice effectif de son mandat.
42 Pour des raisons semblables à celles exposées aux points 34 à 39 ci-dessus, la thèse du requérant selon laquelle un tel procédé serait « humiliant » et trop exigeant en raison du temps qu’il devrait y consacrer ne peut prospérer.
43 Quatrièmement, il ne saurait non plus être conclu que l’effet cumulatif des prélèvements tels qu’examinés aux points 34 à 42 ci-dessus aurait pour conséquence une entrave à l’exercice effectif et en toute indépendance du mandat du requérant établissant l’existence d’un préjudice grave.
44 En effet, le requérant se borne à affirmer que « quel que soit le montant réclamé [il est empêché] d’exercer la plénitude de sa fonction [parlementaire] » sans démontrer que l’effet cumulatif des prélèvements aurait une incidence particulière.
45 Eu égard à ce qui précède, l’argument du requérant tiré de l’entrave à l’exercice effectif et indépendant de son mandat de député ne saurait établir l’existence d’un préjudice grave et doit, dès lors, être écarté.
46 En deuxième lieu, le requérant soutient que le sursis à exécution est nécessaire afin d’éviter sa ruine financière. En particulier, il avance que, en raison de la situation de son patrimoine, il se trouverait dans l’impossibilité d’acquitter le montant de 275 984,23 euros, dû en vertu de l’acte attaqué.
47 À cet égard, il convient de relever que le requérant n’a pas fait état de sa situation financière personnelle dans sa demande en référé mais seulement dans son mémoire déposé au greffe du Tribunal le 23 septembre 2016, ce qui soulève la question si les éléments produits à ce stade de la procédure sont recevables.
48 Or, il n’y a pas lieu d’examiner cette question procédurale. En effet, de toute façon, l’argument tiré de la ruine financière ne saurait prospérer.
49 Il est vrai que le Parlement a indiqué sur la note de débit que, si un recouvrement intégral n’avait pas pu être obtenu par un recouvrement par compensation, le Parlement procèderait au recouvrement par l’exécution forcée du titre obtenu, soit conformément à l’article 79, paragraphe 2, du règlement financier, soit par voie contentieuse. Ainsi, il ne saurait être exclu que le Parlement procède à une saisine dans le patrimoine du requérant, ce qui pourrait entrainer un préjudice pouvant éventuellement être qualifié de grave et irréparable.
50 Toutefois, il n’en reste pas moins que la réalisation d’un tel préjudice n’est pas imminent au sens de la jurisprudence citée au point 25 de la présente ordonnance, du fait que ledit préjudice n’est pas prévisible avec un degré de probabilité suffisant.
51 En effet, à l’inverse du Conseil de l’Union européenne, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne, le Parlement n’est pas doté de la compétence d’adopter, en vertu de l’article 299 TFUE, des décisions exécutoires qui comporteraient une obligation pécuniaire à la charge des personnes destinataires.
52 Ainsi, le Parlement devrait, comme cela ressort de la note de débit, engager auparavant une procédure ultérieure afin d’obtenir une décision exécutoire. Or, il ne ressort pas du dossier que le Parlement ait entamé des démarches dans cette direction ou serait sur le point de le faire. En tout état de cause, le Parlement, afin de ne pas mettre le requérant dans une situation dans laquelle il serait privé d’une protection juridictionnelle effective, devrait communiquer une telle démarche en temps utile au requérant. Considérée sous cet aspect, la demande en référé apparaît prématurée.
53 En outre, le requérant ne démontre pas que les prélèvements sur ses indemnités parlementaires, ses indemnités de frais généraux et ses indemnités de séjour auraient pour conséquence une réduction de ses revenus si importante qu’elle serait susceptible d’entraîner sa ruine financière.
54 En troisième lieu, le souci du requérant selon lequel l’exécution de l’acte attaqué laisserait présumer sa « culpabilité », à son détriment, pour ce qui concerne les procédures engagées à son encontre, à savoir la saisine de l’OLAF et des autorités judiciaires françaises, ne peut établir l’urgence. En effet, le préjudice allégué est de nature purement théorique en ce qu’il est fondé sur une hypothèse d’un comportement futur des autorités saisies et, dès lors, n’est pas susceptible de justifier l’octroi de mesures provisoires, conformément à la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus.
55 En quatrième et dernier lieu, le requérant soutient que le Parlement a fait preuve d’une attitude inadmissible dans une affaire similaire, en ce qu’il a déclenché la procédure de compensation entre les indemnités d’un député et le prétendu indu sans attendre l’issue de la procédure devant les questeurs, alors même que l’ordonnance du 22 avril 2016, Le Pen/Parlement (T‑140/16 R, non publiée, EU:T:2016:240, point 19) mentionne que « l’adoption, par le Parlement, d’une mesure de recouvrement, notamment de compensation, ne paraît pas imminente et ne devrait pas intervenir avant la fin de la procédure de réclamation déclenchée par le requérant ».
56 Pour réfuter cet argument, il suffit de relever que l’attitude du Parlement, dénoncée par le requérant et aussi déplorable que ce dernier puisse la considérer, ne saurait entrainer une suspicion générale à l’égard du Parlement établissant, en elle-même, automatiquement l’urgence dans le cas d’espèce.
57 Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée, à défaut, pour le requérant, d’avoir établi l’urgence, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fumus boni juris, voire de procéder à la mise en balance des intérêts, ni d’examiner les questions liées à la recevabilité. Dans ces circonstances, il n’y a pas non plus lieu d’examiner les conclusions du requérant, formulées dans ses observations sur les observations du Parlement, tendant à rapporter toutes mesures d’exécution de l’acte attaqué intervenues depuis le 1er septembre 2016.
58 En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.
Par ces motifs,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
ordonne :
1) La demande en référé est rejetée.
2) Les dépens sont réservés.
Fait à Luxembourg, le 16 février 2017.
Le greffier | Le président |
E. Coulon | M. Jaeger |
* Langue de procédure : le français.
© European Union
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