USFSPEI v Parliament and Council (Judgment) French Text [2017] EUECJ T-75/14 (16 November 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T7514.html
Cite as: ECLI:EU:T:2017:813, [2017] EUECJ T-75/14, EU:T:2017:813

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ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 novembre 2017 (*)

« Recours en annulation – Délai de recours – Irrecevabilité – Responsabilité non contractuelle – Réforme du statut et du RAA – Règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 – Irrégularités au cours de la procédure d’adoption des actes – Défaut de consultation du comité du statut et des organisations syndicales – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers »

Dans l’affaire T‑75/14,

Union syndicale fédérale des services publics européens et internationaux (USFSPEI), établie à Bruxelles (Belgique), représentée initialement par Mes J.-N. Louis et D. de Abreu Caldas, puis par Me Louis, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. A. Troupiotis et Mme E. Taneva, en qualité d’agents,

et

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par MM. M. Bauer et A. Bisch, puis par M. Bauer et Mme M. Veiga, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

soutenus par

Commission européenne, représentée initialement par MM. G. Gattinara et J. Currall, puis par MM. Gattinara et G. Berscheid, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de l’article 1er, paragraphes 27, 32, 46, 61, paragraphe 64, sous b), paragraphe 65, sous b), et paragraphe 67, sous d), du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15), et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi à la suite de l’adoption du règlement no 1023/2013 en violation de l’accord sur la réforme de 2004, des articles 12 et 27 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 10 du statut et de la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. J. Passer, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 juin 2017,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») sont annexés au règlement no 31 (CEE)/11 (CEEA), fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 1962, 45, p. 1385).

2        Le statut et le RAA ont été modifiés à de nombreuses reprises depuis leur adoption, notamment par le règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013 (JO 2013, L 287, p. 15).

3        En particulier, l’article 1er, paragraphes 27, 32, 46, 61, paragraphe 64, sous b), paragraphe 65, sous b), et paragraphe 67, sous d), du règlement no 1023/2013 a modifié les articles 45, 52 et 66 bis du statut ainsi que l’article 7 de l’annexe V et l’article 8 de l’annexe VII de ce même statut.

4        La procédure qui a conduit à l’adoption du règlement no 1023/2013 a débuté le 7 septembre 2011, par la consultation des organisations syndicales ou professionnelles (ci-après les « OSP ») sur un projet de révision du statut. Des concertations administratives, techniques et politiques entre la Commission européenne et les OSP ont ensuite eu lieu à cet égard, respectivement le 6 octobre, le 28 octobre et le 7 novembre 2011.

5        Par lettre du 21 novembre 2011, la Commission a saisi le comité du statut d’une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le statut et le RAA (ci-après la « proposition de modification du statut »).

6        Par courrier du 12 décembre 2011, le comité du statut a informé la Commission qu’il avait bien examiné la proposition de modification du statut, mais que, compte tenu des suffrages exprimés, la majorité requise par l’article 20 de son règlement intérieur pour qu’il puisse émettre un avis sur cette proposition n’avait pas été atteinte.

7        Par lettre du 13 décembre 2011, la Commission a transmis au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne la proposition de modification du statut.

8        Le 25 avril 2012, la commission des affaires juridiques du Parlement a adopté son rapport sur la proposition de modification du statut.

9        Par lettre du 24 janvier 2013, le président du Comité des représentants permanents (Coreper) a demandé au Parlement de clarifier sa position quant à sa possible participation, en sa qualité de colégislateur, à la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981 instituant une procédure de concertation tripartite en matière de relations avec le personnel.

10      Par lettre du 4 mars 2013, le président du Parlement a décliné l’invitation à participer à la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981 en estimant qu’il appartiendrait au seul Conseil d’adapter le dialogue social prévu par ladite décision à la nouvelle situation résultant du passage à la procédure législative ordinaire pour la révision du statut, à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Dans cette lettre, il précisait que la commission de concertation instaurée par ladite décision avait pour objet de s’assurer que l’avis des fonctionnaires était connu des représentants des États membres avant que ceux-ci légifèrent et que le Conseil recevait l’information lui permettant de prendre ses décisions en pleine connaissance des faits pertinents. Selon lui, avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, cette décision était devenue, sinon obsolète, du moins une question de nature purement interne. Il ajoutait qu’il ne voyait aucun moyen pour que le Parlement participe à la commission de concertation, et ce pour deux raisons. La première était l’absence de base juridique d’une telle participation. La seconde était l’absence de nécessité d’une telle participation, l’objectif d’écouter l’avis des représentants du personnel avant de légiférer étant atteint par des moyens plus directs et flexibles au Parlement. À ce dernier égard, le président du Parlement indiquait que, au sein du Parlement, les discussions étaient publiques, l’information facilement disponible et le rapporteur comme les « shadow rapporteurs » pour la révision du statut maintenaient et continueraient de maintenir un dialogue constant avec les OSP et les autres parties intéressées à toutes les étapes de la rédaction et de l’adoption du rapport de la commission des affaires juridiques. Il précisait encore que le vice-président du Parlement, le secrétaire général du Parlement ainsi que le chef de cabinet du président du Parlement et le directeur général du personnel du Parlement avaient, ensemble, pris la parole devant l’assemblée générale du personnel du Parlement au sujet de l’état du dossier de la révision du statut et que, dans ce contexte, le vice-président du Parlement avait répondu de façon détaillée à tous les problèmes qui avaient été soulevés. Il indiquait en outre qu’avaient assisté à cette réunion, non seulement des membres du personnel du Parlement, mais également des membres du personnel d’autres institutions, y compris du Conseil.

11      Le 25 avril 2013, le Conseil a informé les OSP de toutes les institutions de la réponse du Parlement du 4 mars 2013 ainsi que des discussions sur un projet de déclaration interprétative de sa décision du 23 juin 1981.

12      Le 6 mai 2013, le Conseil a adopté une déclaration interprétative de sa décision du 23 juin 1981, en vue de son application dans le cadre de la procédure législative ordinaire relative à la proposition de modification du statut.

13      Le même jour, à la demande de deux OSP, une réunion de la commission de concertation s’est tenue. Aucun compte rendu de cette réunion n’a été établi, mais le secrétaire général du Conseil a informé le personnel du secrétariat général du Conseil par courriel du 6 mai 2013 de cette réunion et de l’échange de vues qui y avait eu lieu. Le secrétaire général du Conseil a également donné un compte rendu oral de ladite réunion au Coreper le 8 mai 2013.

14      Le 13 mai 2013, la première négociation en trilogue entre le Parlement, le Conseil et la Commission a eu lieu. Le même jour, le président du Coreper a rencontré les représentants des OSP du Conseil. Il les a informés des résultats de la réunion du Coreper du 8 mai 2013 et a pris connaissance de leurs positions.

15      Le 27 mai 2013, l’assemblée générale du personnel du secrétariat général du Conseil a demandé au secrétaire général du Conseil de convoquer la commission de concertation. Cette demande a été confirmée par l’Union syndicale fédérale le 7 juin 2013.

16      Plusieurs autres réunions de négociation en trilogue se sont tenues sur le plan politique les 28 mai, 3, 11 et 19 juin 2013. Au cours de cette période, des réunions techniques d’experts et des réunions informelles entre le président du Coreper, le vice-président de la Commission et le rapporteur du Parlement ont eu lieu. Lors de la réunion du 19 juin 2013, le Parlement, le Conseil et la Commission sont arrivés à un compromis provisoire sur les principaux éléments de la réforme.

17      Le 20 juin 2013, en réponse à la demande de l’Union syndicale fédérale, une réunion de la commission de concertation a eu lieu. Le président du Coreper a exposé les principaux éléments du compromis, y compris la limitation des carrières dans le groupe de fonctions AD aux grades AD 12/13, et a répondu aux questions concernant le paquet, notamment en ce qui concerne la suppression de l’objectif de l’équivalence des carrières avant et après la réforme de 2004. Le même jour, il a informé le Coreper des résultats de la négociation en trilogue du 19 juin 2013.

18      Le 21 juin 2013, lors d’une assemblée générale du personnel du secrétariat général du Conseil, le directeur général de la direction générale (DG) « Administration » du Conseil a exposé les principaux éléments du compromis.

19      Le 25 juin 2013, le texte provisoire du compromis entre le Parlement, le Conseil et la Commission a été envoyé concomitamment aux délégations des États membres et aux membres de la commission de concertation ainsi qu’à l’ensemble du personnel du secrétariat général du Conseil. Le même jour, une autre réunion de négociation en trilogue a eu lieu pour examiner ce texte.

20      Le 26 juin 2013, le Coreper a examiné le résultat des négociations en trilogue et a entendu le rapport oral du secrétaire général du Conseil sur la réunion de la commission de concertation du 20 juin 2013.

21      Le 27 juin 2013, le texte du compromis a été voté par la commission des affaires juridiques du Parlement.

22      Le 28 juin 2013, au matin, une OSP, l’Union syndicale-Bruxelles, a demandé une réunion de la commission de concertation au secrétaire général du Conseil, qui a rejeté cette demande au motif que, d’une part, conformément à la déclaration annexée à la décision du Conseil du 23 juin 1981, la commission de concertation était suspendue en raison des perturbations substantielles du travail normal du Conseil causée par trois jours consécutifs de grève et, d’autre part, la commission des affaires juridiques du Parlement avait déjà approuvé le texte du compromis final.

23      Le même jour, le Coreper a procédé à l’examen final du compromis concernant la modification du statut et l’a approuvé et le secrétaire général du Conseil en a informé l’ensemble du personnel du secrétariat général du Conseil.

24      Par lettre datée du 28 juin 2013, le président du Coreper a informé le président de la commission des affaires juridiques du Parlement de l’approbation par le Coreper du texte du compromis provisoire. Dans ce même courrier, il indiquait « être en position de confirmer que, si le [Parlement] adopt[ait] sa position en première lecture, conformément à l’article 294, paragraphe 3, TFUE, dans la forme établie dans le compromis provisoire contenu dans l’annexe à cette lettre (soumis à révision par les juristes linguistes des deux institutions), le Conseil approuvera[it], conformément à l’article 294, paragraphe 4, TFUE, la position du [Parlement] et l’acte serait adopté dans la rédaction qui correspond à la position du Parlement, soumise, si nécessaire, aux experts juridiques et linguistiques des deux institutions ».

25      Le 2 juillet 2013, en séance plénière, le Parlement a adopté sa position en première lecture correspondant au texte de compromis convenu avec le Conseil et la Commission lors de leurs contacts informels.

26      Par lettre du 5 juillet 2013, la Commission a transmis au comité du statut la position en première lecture du Parlement du 2 juillet 2013, en précisant que, selon elle, la proposition de modification du statut, dont elle avait saisi le comité du statut le 21 novembre 2011, n’avait pas été substantiellement modifiée dans le cadre de la procédure législative ordinaire. Elle précisait également dans ce courrier que, à ce stade de la procédure législative ordinaire, l’article 10 du statut ne trouvait pas à s’appliquer, mais qu’elle souhaitait toutefois prendre connaissance des éventuelles observations des coprésidents du comité du statut. À cette fin, elle demandait qu’on lui fasse parvenir l’avis du comité du statut, dans un délai de quinze jours ouvrables, soit au plus tard le 26 juillet 2013.

27      Le 17 juillet 2013, les représentants du comité du personnel au sein du comité du statut ont répondu à la Commission par une déclaration dans laquelle ils ont constaté l’impossibilité de trouver un accord avec les représentants des administrations de l’Union européenne au sein du comité du statut quant au changement d’ordre du jour de la réunion de celui-ci en vue de l’adoption d’observations en lieu et place d’un avis. Ils ont en effet contesté la tardiveté de la saisine du comité du statut et l’utilité, dans ces conditions, d’un avis du comité du statut sur la position en première lecture du Parlement et ont dénoncé la violation des principes du dialogue social.

28      Le 10 octobre 2013, le Conseil a approuvé la position du Parlement et a, conformément à l’article 294, paragraphe 4, TFUE, adopté le règlement no 1023/2013 dans la formulation correspondant à la position du Parlement.

29      À la suite de la signature de l’acte législatif par le président du Parlement et le président du Conseil le 22 octobre 2013, le règlement no 1023/2013 a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 29 octobre 2013.

II.    Procédure et conclusions des parties

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 janvier 2014, la requérante, l’Union syndicale fédérale des services publics européens et internationaux (USFSPEI), a introduit le présent recours.

31      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement le 6 et le 10 juin 2014, le Parlement et le Conseil ont, chacun, soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

32      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 juin 2014, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil.

33      Le 1er août 2014, la requérante a déposé ses observations sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Parlement et le Conseil.

34      Par ordonnance du 5 décembre 2014, le président de la huitième chambre (ancienne formation) a joint les exceptions d’irrecevabilité au fond.

35      Le 9 décembre 2014, le Tribunal a posé une question aux parties. Le Conseil, le Parlement et la requérante ont répondu à cette question, respectivement, le 18 décembre 2014, le 6 janvier et le 7 janvier 2015.

36      Par ordonnance du 28 janvier 2015, le président de la huitième chambre a admis l’intervention de la Commission.

37      La Commission a déposé le mémoire en intervention le 12 mars 2015. La requérante et le Conseil ont déposé leurs observations sur le mémoire en intervention, respectivement, le 1er et le 10 juin 2015.

38      Le 14 janvier 2016, le président de la huitième chambre a décidé, conformément à l’article 69, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, de suspendre la présente affaire jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu depuis lors à l’arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil (T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489).

39      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre (nouvelle composition), à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée le 6 octobre 2016.

40      Le 24 octobre 2016, le Tribunal a invité les parties à prendre position sur les conséquences qu’elles tiraient dans la présente affaire des points 144 à 171 de l’arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil (T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489). Le Parlement, le Conseil et la Commission ont répondu à la question posée par le Tribunal le 8 novembre 2016. La requérante a répondu à cette question le 18 novembre 2016.

41      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphes 27, 32, 46, 61, paragraphe 64, sous b), paragraphe 65, sous b), et paragraphe 67, sous d), du règlement no 1023/2013 ;

–        condamner le Parlement et le Conseil à lui verser un euro symbolique à titre d’indemnisation du préjudice moral subi ;

–        condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.

42      Le Parlement et le Conseil, soutenus par la Commission, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

43      Dans son recours, la requérante, qui est une fédération d’organisations syndicales des institutions et des organismes de l’Union, formule tant des conclusions en annulation du règlement no 1023/2013 que des conclusions indemnitaires.

44      S’agissant, en premier lieu, des conclusions en annulation, celles-ci visent à obtenir l’annulation de l’article 1er, paragraphes 27, 32, 46, 61, paragraphe 64, sous b), paragraphe 65, sous b), et paragraphe 67, sous d), du règlement no 1023/2013 (ci-après les « dispositions attaquées »), en ce que ces dispositions modifient les articles 45, 52 et 66 bis du statut ainsi que l’article 7 de l’annexe V et l’article 8 de l’annexe VII de ce même statut. Par ailleurs, la requérante demande l’annulation du prélèvement de solidarité instauré par l’article 46 du règlement no 1023/2013 pour l’année 2014, au motif que celui-ci était lié à l’application de la méthode d’adaptation des rémunérations et que cette dernière n’a pas été appliquée en 2014.

45      À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante soulève, en substance, quatre moyens tirés, respectivement, le premier, de la violation de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 21 de la charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961, telle que révisée, de l’article 10 du statut et de la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981, le deuxième, de la violation de l’accord sur la réforme de 2004 et du principe des droits acquis, le troisième, de la violation de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux et, le quatrième, de la violation du principe de proportionnalité.

46      S’agissant, en second lieu, des conclusions indemnitaires, celles-ci visent à obtenir du Tribunal la réparation du préjudice moral qui a prétendument été causé à la requérante par les fautes de service commises par les institutions dans le cadre de l’adoption du règlement no 1023/2013. Lors de l’audience, la requérante a été invitée par le Tribunal à préciser si elle reprenait à l’appui de ses conclusions indemnitaires, outre la violation de l’article 12 de la charte des droits fondamentaux, la totalité des chefs d’illégalité qu’elle faisait valoir à l’appui de ses conclusions en annulation. En réponse à cette question, la requérante a indiqué qu’elle reprenait à l’appui de ses conclusions indemnitaires les chefs d’illégalité tirés de la violation des formes substantielles dans l’adoption du règlement no 1023/2013, du fait que les représentants du personnel n’aient pas pu être informés et n’aient pas pu eux-mêmes informer les États membres de certains éléments dans le cadre de la réunion de concertation et de la violation de l’accord de 2004.

A.      Sur les conclusions en annulation

47      Le Parlement, le Conseil et la Commission font valoir que, la requête ayant été transmise au greffe du Tribunal le 23 janvier 2014, la demande visant à obtenir l’annulation des dispositions attaquées doit être rejetée comme étant irrecevable, le délai prescrit par l’article 263 TFUE étant arrivé à expiration le 22 janvier 2014. Le Parlement, le Conseil et la Commission soutiennent, en outre, que la requérante ne remplit pas les conditions d’affectation directe et individuelle auxquelles l’article 263, quatrième alinéa, TFUE soumet la recevabilité des recours en annulation introduits par les personnes physiques ou morales à l’encontre des actes de portée générale adoptés selon la procédure législative ordinaire.

48      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les délais de recours au titre de l’article 263 TFUE sont d’ordre public et ne sont pas à disposition des parties et du juge (voir ordonnance du 19 avril 2016, Portugal/Commission, T‑556/15, non publiée, EU:T:2016:239, point 22 et jurisprudence citée).

49      Conformément à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours prévu par cette disposition doit être formé dans un délai de deux mois, à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

50      En l’espèce, il convient de relever que le règlement no 1023/2013 a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 29 octobre 2013.

51      S’agissant des règles de computation des délais, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 101, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure du 2 mai 1991, un délai exprimé en mois prend fin à l’expiration du jour qui dans le dernier mois porte le même chiffre que le jour au cours duquel est survenu l’évènement ou a été effectué l’acte à partir desquels le délai est à compter.

52      L’article 101, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991 prévoit que, si un délai prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, l’expiration en est reportée à la fin du jour ouvrable suivant, la liste des jours fériés légaux établie par la Cour et publiée au Journal officiel de l’Union européenne étant applicable au Tribunal.

53      Toutefois, aux termes de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de l’acte, ce délai est à compter, au sens de l’article 101, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure du 2 mai 1991, à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de publication de l’acte au Journal officiel de l’Union européenne.

54      En outre, l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991 prévoit que les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

55      La requérante soutient que l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991 ne précise pas si cette disposition fait référence à des jours ouvrables ou à des jours de calendrier et que, en conséquence, il y a lieu de retenir l’interprétation la plus favorable à la partie requérante en considérant que le délai de recours commençait à courir à partir de la fin du quatorzième jour ouvrable suivant la date de publication du règlement no 1023/2013, soit le 18 novembre 2013. Selon la requérante, le délai de recours prévu par l’article 263 TFUE expirerait donc le 18 janvier 2014. Toutefois, le 18 janvier 2014 étant un samedi, l’expiration du délai de recours serait reportée au lundi 20 janvier 2014, date à laquelle il y aurait lieu d’ajouter le délai de distance de 10 jours. Selon la requérante, il s’ensuit que le délai de recours a expiré le 30 janvier 2014 et que la requête a bien été introduite avant l’expiration dudit délai.

56      La requérante soutient en outre que, même dans l’hypothèse dans laquelle l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991 devrait être interprété dans le sens où le délai de recours commençait à courir à la fin du quatorzième jour de calendrier suivant la date de publication du règlement no 1023/2013, soit le 12 novembre 2013, le recours a bien été introduit dans ledit délai. En effet, selon la requérante, dans cette hypothèse, le délai de recours de deux mois prévu par l’article 263 TFUE expirait le 12 janvier 2014. Toutefois, le 12 janvier 2014 étant un dimanche, l’expiration du délai serait reportée à la fin du premier jour ouvrable suivant, soit le 13 janvier 2013, date à laquelle il conviendrait d’ajouter le délai de route de dix jours. Le délai de recours aurait ainsi finalement expiré le 23 janvier 2014.

57      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 101, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du 2 mai 1991, les délais de procédure prévus par les traités, le statut et ledit règlement de procédure « comprennent les jours fériés légaux, les dimanches et les samedis ». Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le délai de quatorze jours « suivant la date de publication de l’acte au Journal officiel de l’Union européenne » auquel se réfère l’article 101, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991 comprend, sans doute possible, les jours fériés légaux, les dimanches et les samedis. Il convient également de rappeler que, conformément à une jurisprudence bien établie, l’article 101, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991, qui se réfère exclusivement au cas où le délai prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, ne trouve à s’appliquer que dans le cas où le délai complet, délai de distance inclus, prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié légal (voir ordonnance du 20 novembre 1997, Horeca-Wallonie/Commission, T‑85/97, EU:T:1997:180, point 25 et jurisprudence citée).

58      Il s’ensuit que, en l’espèce, eu égard au fait que le règlement no 1023/2013 a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 29 octobre 2013, le délai de recours prévu par l’article 263 TFUE a commencé à courir le 12 novembre 2013 et qu’il a expiré le 22 janvier 2014. La requête ayant été introduite le 23 janvier 2014, elle a donc été déposée au greffe du Tribunal après l’expiration du délai de recours.

59      Or, il convient de rappeler que l’application stricte des règles de procédure répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice. Ainsi, conformément à l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, il ne peut être dérogé aux délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles de cas fortuit ou de force majeure [voir arrêt du 22 septembre 2011, Bell & Ross/OHMI, C‑426/10 P, EU:C:2011:612, point 43 et jurisprudence citée ; ordonnances du 30 septembre 2014, Faktor B. i W. Gęsina/Commission, C‑138/14 P, non publiée, EU:C:2014:2256, point 17, et du 28 novembre 2014, Quanzhou Wouxun Electronics/OHMI – Locura Digital (WOUXUN), T‑345/14, non publiée, EU:T:2014:1048, point 17].

60      En l’espèce, la requérante n’a pas allégué dans la requête, ni même dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, l’existence d’une des circonstances susmentionnées.

61      Dès lors, force est de constater que le recours est irrecevable en ce qu’il vise à obtenir l’annulation des dispositions attaquées, sans même qu’il soit besoin d’examiner les chefs d’irrecevabilité tirés du défaut de qualité pour agir de la requérante soulevés par le Parlement et le Conseil dans leurs exceptions d’irrecevabilité.

B.      Sur les conclusions indemnitaires

1.      Sur la recevabilité

62      Le Parlement, le Conseil et la Commission font valoir que, conformément à la jurisprudence, dès lors que, d’une part, les conclusions indemnitaires de la requérante présentent un lien étroit avec ses conclusions en annulation et reposent sur des griefs identiques à celles-ci et, d’autre part, les conclusions en annulation de la requérante sont irrecevables, il y a lieu de rejeter également les conclusions indemnitaires comme étant irrecevables.

63      À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent le Parlement, le Conseil et la Commission, dans l’arrêt du 4 juillet 2002, Arne Mathisen/Conseil (T‑340/99, EU:T:2002:174), auquel ceux-ci se réfèrent, le Tribunal n’a pas conclu à l’irrecevabilité des conclusions indemnitaires en raison du lien étroit existant avec des conclusions en annulation dont l’irrecevabilité avait été préalablement constatée.

64      En effet, dans cet arrêt, le Tribunal a rejeté les conclusions indemnitaires en raison de leur lien étroit avec des conclusions en annulation au motif que l’examen des moyens présentés au soutien de ces conclusions en annulation n’avait révélé aucune illégalité commise par l’institution auteur de l’acte et, donc, aucune faute de nature à engager sa responsabilité (arrêt du 4 juillet 2002, Arne Mathisen/Conseil, T‑340/99, EU:T:2002:174, point 135).

65      Il découle de la solution dégagée par le Tribunal dans l’arrêt du 4 juillet 2002, Arne Mathisen/Conseil (T‑340/99, EU:T:2002:174), que, dans certaines circonstances, à savoir lorsque les conclusions indemnitaires sont fondées uniquement sur l’adoption de l’acte dont l’annulation est demandée et que le requérant ne présente pas au soutien des conclusions indemnitaires de griefs nouveaux par rapport à ceux présentés au soutien des conclusions en annulation, le constat de l’absence d’illégalité à l’issue de l’examen des moyens soulevés au soutien des conclusions en annulation permet d’exclure d’emblée l’une des conditions de l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union, c’est-à-dire l’existence d’une faute de l’institution auteur de l’acte.

66      Or, en l’espèce, si les conclusions indemnitaires trouvent leur origine dans l’adoption des dispositions du règlement no 1023/2013 dont l’annulation est par ailleurs demandée par la requérante, d’une part, le rejet des conclusions en annulation ne résulte pas du constat d’une absence d’illégalité mais de leur irrecevabilité et, d’autre part, la requérante présente à l’appui de ses conclusions indemnitaires un grief nouveau par rapport à ceux qu’elle a présentés au soutien des conclusions en annulation, à savoir la violation de l’article 12 de la charte des droits fondamentaux.

67      En outre, conformément au principe de l’autonomie des voies de recours, le constat de l’irrecevabilité des conclusions en annulation, que ce soit en raison de leur forclusion ou du défaut de qualité pour agir de la requérante, n’est pas, en principe, de nature à avoir des conséquences sur la recevabilité des conclusions indemnitaires [voir, en ce sens, ordonnance du 4 mai 2005, Holcim (France)/Commission, T‑86/03, EU:T:2005:157, points 48 et 50].

68      Il y a lieu en effet de rappeler que les conditions prévues par l’article 263, sixième alinéa, TFUE ne s’appliquent pas dans les recours indemnitaires introduits sur le fondement de l’article 340 TFUE et que, conformément à l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les actions indemnitaires contre l’Union sont soumises à une prescription de cinq ans.

69      Quant à l’argument tiré de la jurisprudence relative au domaine de la fonction publique européenne invoquée par le Parlement et le Conseil, il convient de relever que cette jurisprudence est limitée aux litiges pécuniaires opposant les fonctionnaires et agents de l’Union à l’institution qui les emploie (voir, en ce sens, ordonnance du 29 novembre 1994, Bernardi/Commission,T‑479/93 et T‑559/93, EU:T:1994:277, point 39). Or, le présent litige oppose une fédération d’organisations syndicales dont les membres sont des organisations syndicales défendant les intérêts des fonctionnaires et des agents de l’Union au Parlement et au Conseil en leur qualité de colégislateurs.

70      Eu égard aux considérations qui précèdent, les conclusions indemnitaires sont recevables. Il y a donc lieu de rejeter les fins de non-recevoir soulevées à leur égard par le Parlement et le Conseil.

2.      Sur le fond

71      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

72      Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi dépendent de la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, EU:C:1982:318, point 16, et du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106).

73      Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle de l’Union (arrêt du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, EU:C:1999:498, point 65 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 81). En outre, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (arrêt du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C‑419/08 P, EU:C:2010:147, point 42 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 13).

74      En l’espèce, il importe de relever que la requérante fonde sa demande d’indemnité sur l’existence de fautes de service. Bien qu’il n’existe pas de définition précise de la notion de faute de service, il est généralement admis que celle-ci correspond à une action ou à une omission par un ou des agents de l’administration dans l’exercice de leurs fonctions se traduisant par un manquement aux obligations du service. Cette faute, contrairement à la faute personnelle, n’est pas imputable aux agents du service mais au service lui-même et, partant, à l’administration.

75      Toutefois, en l’espèce, force est de constater que les fautes auxquelles se réfère la requérante se rapportent à l’activité normative de l’Union. Il en va ainsi de la prétendue violation de l’accord sur la réforme de 2004. La requérante fait en effet valoir que celle-ci découle de l’adoption de certaines dispositions spécifiques du règlement no 1023/2013.

76      Il en va de même de la prétendue violation de la procédure de concertation. Il ressort en effet de l’arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil (T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 96), que les règles issues de la décision du Conseil du 23 juin 1981, qui prévoient la procédure de concertation, relèvent des règles de procédure relatives à l’adoption du règlement no 1023/2013, dont la méconnaissance éventuelle constitue une violation des formes substantielles dudit règlement. Dans ces circonstances, c’est bien la responsabilité de l’Union du fait de son activité normative qui est recherchée par la requérante plutôt que sa responsabilité du fait des fautes de service qui auraient été commises par le Conseil et le Parlement dans le cadre de la procédure d’adoption du règlement no 1023/2013.

77      Par ailleurs, il n’y a pas lieu de s’interroger sur la nature de la faute découlant de la prétendue violation de l’article 12 de la charte des droits fondamentaux, qui consacre la liberté d’association et de réunion, dès lors que la requérante n’avance pas le moindre argument pour démontrer l’existence d’une telle violation.

78      Or, s’agissant plus spécifiquement de la responsabilité du fait de l’activité normative, la Cour a déjà relevé que, si les principes qui, dans les systèmes juridiques des États membres, régissent la responsabilité des pouvoirs publics pour les préjudices causés aux particuliers par les actes normatifs varient considérablement d’un État membre à l’autre, il était toutefois possible de constater que les actes normatifs dans lesquels se traduisent des options de politique économique n’engagent qu’exceptionnellement et dans des circonstances singulières la responsabilité des pouvoirs publics (arrêt du 25 mai 1978, Bayerische HNL Vermehrungsbetriebe e.a./Conseil et Commission, 83/76, 94/76, 4/77, 15/77 et 40/77, EU:C:1978:113, point 5).

79      Aussi la Cour a-t-elle notamment jugé que la responsabilité de l’Union du fait d’un acte normatif qui implique des choix de politique économique ne saurait être engagée, compte tenu des dispositions de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, qu’en présence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle supérieure de droit protégeant les particuliers (arrêts du 13 juin 1972, Compagnie d’approvisionnement, de transport et de crédit et Grands Moulins de Paris/Commission, 9/71 et 11/71, EU:C:1972:52, point 13 ; du 25 mai 1978, Bayerische HNL Vermehrungsbetriebe e.a./Conseil et Commission, 83/76, 94/76, 4/77, 15/77 et 40/77, EU:C:1978:113, point 4, et du 8 décembre 1987, Les Grands Moulins de Paris/CEE, 50/86, EU:C:1987:527, point 8).

80      La Cour a encore précisé, à cet égard, que la règle de droit dont la violation doit ainsi être constatée devait avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers [voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, points 41 et 42, et du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 47].

81      La Cour a, par ailleurs, indiqué que la conception restrictive de la responsabilité de l’Union du fait de l’exercice de ses activités normatives s’explique par la considération selon laquelle, d’une part, l’exercice de la fonction législative, même là où il existe un contrôle juridictionnel de la légalité des actes, ne doit pas être entravé par la perspective d’actions en dommages-intérêts chaque fois que l’intérêt général de l’Union commande de prendre des mesures normatives susceptibles de porter atteinte aux intérêts des particuliers et, d’autre part, dans un contexte normatif caractérisé par l’existence d’un large pouvoir d’appréciation, indispensable à la mise en œuvre d’une politique de l’Union, la responsabilité cette dernière ne peut être engagée que si l’institution concernée a méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposent à l’exercice de ses pouvoirs (arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 45).

82      C’est donc à la lumière des principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus qu’il convient d’apprécier si les conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union sont réunies en l’espèce.

a)      Sur la violation de l’accord sur la réforme de 2004

83      La requérante fait valoir qu’elle a participé en tant que représentante de l’ensemble du personnel avec les autres OSP à la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981 dans le cadre de la réforme du statut et du RAA qui a abouti à l’adoption du règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut ainsi que le RAA (JO 2004, L 124, p. 1). C’est dans le cadre de cette procédure de concertation qu’un accord aurait été conclu avec le Conseil sur la réforme en question. Selon la requérante, cet accord portait sur l’acceptation par les OSP de plusieurs mesures de modernisation de la carrière des fonctionnaires et des autres agents de l’Union ainsi que d’un prélèvement spécial pour refléter le coût de la politique sociale, de l’amélioration des conditions de travail et des écoles européennes et de la garantie de maintien de la paix sociale en ne prétendant pas à des adaptations de rémunération et de pension supérieures à celles découlant du mécanisme d’adaptation pluriannuel. Citant, notamment, les considérants 11 et 12 du règlement no 723/2004, la requérante soutient que les mesures de modernisation consistaient dans le fait de reclasser le personnel dans deux groupes de fonctions, les administrateurs (AD) et les assistants (AST), d’instaurer une carrière linéaire et d’appliquer un principe d’équivalence des carrières et de faciliter le passage du premier groupe de fonctions vers le second groupe de fonctions grâce à un nouveau mécanisme de certification. Selon la requérante, ces mesures consistaient également dans l’assouplissement des conditions de travail et comportaient, en particulier, sous certaines conditions, le droit au travail à temps partiel ainsi que la possibilité de profiter de la formule de l’emploi partagé ou d’obtenir un congé de convenance personnelle prolongé, de prévoir de nouvelles dispositions relatives aux congés pour évènements familiaux et, plus particulièrement, un assouplissement du droit au congé de maternité, un droit au congé de paternité, un congé d’adoption et un congé parental ainsi qu’un congé de maladie grave d’un membre de la famille. L’acceptation des mesures de modernisation par les OSP, dont la requérante, dont ferait état le considérant 38 du règlement no 723/2004, aurait constitué la contrepartie de la codification dans le statut et le RAA de la méthode d’adaptation annuelle des rémunérations et la garantie de son application jusqu’au 31 décembre 2012.

84      Il en découlerait que l’accord marqué par la requérante sur la réforme du statut et du RAA introduite par le règlement no 723/2004 engage sa crédibilité aussi bien envers l’ensemble du personnel qu’envers le législateur et les autres institutions de l’Union. Or, selon la requérante, la circonstance que le règlement no 1023/2013 revienne sur les termes de l’accord en question, en particulier par la modification de l’article 45, paragraphe 1, du statut et l’introduction d’un nouveau groupe de fonctions, ainsi que sur les principes de carrière linéaire et d’équivalence de carrière, porterait atteinte à sa crédibilité.

85      En outre, selon la requérante, en l’absence de mesures transitoires, les modifications apportées à l’article 45, paragraphe 1, et à l’article 52 du statut ainsi qu’à l’article 4 de l’annexe IV bis du statut par l’article 1er, paragraphes 27, 32 et 64, du règlement no 1023/2013 auraient violé le principe des droits acquis des fonctionnaires et des autres agents de l’Union résultant de l’accord sur la réforme de 2004.

86      À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que la thèse de la requérante repose sur la prémisse erronée selon laquelle l’accord sur la réforme de 2004 conclu entre le Conseil et les OSP dans le cadre de l’adoption du règlement no 723/2004 peut être assimilé à une règle supérieure de droit dont le respect s’imposait au législateur de l’Union dans le cadre de l’adoption du règlement no 1023/2013.

87      En effet, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le point de savoir si l’accord intervenu entre les OSP et le Conseil dans le cadre de la procédure de concertation liait juridiquement ce dernier lorsque celui-ci a adopté le règlement no 723/2004, force est de constater que cet accord ne concernait que la réforme de 2004. Les effets d’un tel accord ne sauraient donc s’étendre à toutes les modifications ultérieures du statut par le législateur de l’Union, sauf à priver ce dernier de la possibilité d’exercer la compétence qui lui est conférée par l’article 336 TFUE.

88      Il importe d’ailleurs de rappeler que la Cour a déjà jugé que, le lien juridique entre les fonctionnaires et l’administration étant de nature statutaire, les droits et les obligations des fonctionnaires peuvent être modifiés à tout moment par le législateur (arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, EU:C:2008:767, point 60).

89      Il s’ensuit que, eu égard à l’objet de l’accord de 2004, l’adoption du règlement no 1023/2013 n’était pas de nature à porter atteinte à celui-ci.

90      En second lieu, s’agissant de la prétendue violation du principe des droits acquis, d’une part, il convient d’observer que, pour autant qu’une telle illégalité soit avérée, elle ne constituerait pas à proprement parler une violation de l’accord de 2004, tel que celui-ci a été défini par la requérante. La prétendue violation de l’accord de 2004 qui découlerait de la modification d’un certain nombre de dispositions du statut par le règlement no 1023/2013 doit en effet être distinguée de la violation du principe des droits acquis reconnu aux fonctionnaires et aux autres agents de l’Union.

91      D’autre part, il convient de relever que les dispositions en question ne portent pas atteinte en l’espèce au principe des droits acquis. Il est en effet de principe que les lois modificatives d’une disposition législative, telles que les règlements de modification du statut, s’appliquent, sauf dérogation, aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la loi ancienne. Il n’en va autrement que pour les situations nées et définitivement réalisées sous l’empire de la règle précédente, qui créent des droits acquis. Ainsi, un droit est considéré comme acquis lorsque le fait générateur de celui-ci s’est produit avant la modification législative. Toutefois, tel n’est pas le cas d’un droit dont le fait constitutif ne s’est pas réalisé sous l’empire de la législation qui a été modifiée (voir arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, EU:C:2008:767, points 61 à 63 et jurisprudence citée).

92      Or, premièrement, s’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle les fonctionnaires de grade AD 12 et AD 13 qui avaient accumulé suffisamment de mérites pour être promus au grade supérieur en 2011 ou en 2012, mais qui ne l’ont pas été pour des raisons budgétaires, se voient désormais privés de cette possibilité par l’article 45, paragraphe 1, du statut, tel que modifié par l’article 1er, paragraphe 27, du règlement no 1023/2013, au seul motif qu’ils n’occupent pas l’un des emplois mentionnés à l’annexe I, section A, dudit statut, il convient de relever que celle-ci revient à considérer que les fonctionnaires en question ont perdu, non pas le droit d’être promu, mais le droit d’être promouvable. Toutefois, ainsi que le relève justement le Parlement, les fonctionnaires en question ne disposaient pas d’un droit acquis au maintien du système de promotion existant avant la réforme introduite par le règlement no 1023/2013.

93      Deuxièmement, il convient également de rejeter la thèse de la requérante selon laquelle, d’une part, l’article 1er, paragraphe 32, du règlement no 1023/2013 et, d’autre part, l’article 1er, paragraphe 64, sous b), du même règlement, qui ont modifié, respectivement, l’article 52 du statut, prévoyant les conditions dans lesquelles un fonctionnaire peut être mis à la retraite, et l’article 4 de l’annexe IV bis du statut, relatif au calcul du traitement du fonctionnaire de plus de 55 ans autorisé à exercer son activité à mi-temps pour préparer son départ en retraite, ont privé les fonctionnaires âgés de 55 ans ou plus, qui pouvaient demander à bénéficier de ces mesures avant le 1er janvier 2014, date d’entrée en vigueur de ces dispositions, de ces droits depuis cette date jusqu’au jour de leurs 58 ans.

94      En effet, contrairement à ce que fait valoir la requérante, force est de constater que c’est l’article 1er, paragraphe 34, du règlement no 1023/2013, modifiant l’article 55 bis, paragraphe 2, du statut, auquel renvoie l’article 4 de l’annexe IV bis du même statut, qui a repoussé l’âge à partir duquel un fonctionnaire peut demander à exercer son activité à mi-temps pour préparer sa retraite à 58 ans. En outre, il importe de relever que, sous l’empire du statut dans sa version applicable jusqu’au 31 décembre 2014, le droit d’un fonctionnaire à bénéficier d’une retraite anticipée ainsi que le droit d’exercer son activité à mi-temps pour préparer sa retraite nécessitaient la réunion d’un ensemble de conditions, dont le respect devait être apprécié par l’autorité investie du pouvoir de nomination, ainsi que d’une demande en ce sens de la part du fonctionnaire. Seule la décision favorable de cette autorité était en mesure de créer un droit acquis pour les fonctionnaires. La modification de ces dispositions n’a donc pas, en elle-même, porté atteinte aux droits acquis des fonctionnaires en question.

95      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que l’engagement de la responsabilité de l’Union ne peut pas trouver son origine dans la prétendue violation de l’accord sur la réforme de 2004.

b)      Sur la violation de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux, de l’article 10 du statut et de la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981

96      La requérante fait valoir que le règlement no 1023/2013 a été adopté en violation de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux, qui consacre le droit à l’information et à la consultation des travailleurs. Cette violation découlerait de la méconnaissance des obligations prévues à l’article 10 du statut ainsi que de la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981.

1)      Sur la violation de l’article 10 du statut

97      La requérante soutient, notamment, que, eu égard au caractère substantiel des modifications apportées par le Parlement et le Conseil à la proposition de révision du statut initialement soumise au comité du statut, lors du trilogue, la Commission était tenue, en vertu de l’article 10 du statut, de soumettre une nouvelle fois la proposition ainsi modifiée au comité du statut dans des conditions permettant à ce dernier de donner son avis de manière appropriée et en temps utile. Or, la Commission se serait bornée à saisir le comité du statut de la version modifiée de sa proposition initiale de révision du statut pour information sans lui donner la possibilité de prendre position en temps utile.

98      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 10 du statut, le comité du statut est consulté par la Commission sur toute proposition de révision du statut.

99      L’article 10 du statut impose à la Commission une obligation de consultation qui s’étend, outre aux propositions formelles, aux modifications substantielles de propositions déjà examinées auxquelles elle procède, à moins que, dans ce dernier cas, les modifications correspondent pour l’essentiel à celles proposées par le comité du statut (arrêts du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05, EU:T:2007:218, point 35, et du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 129).

100    Une telle interprétation est commandée tant par le libellé de l’article 10 du statut que par le rôle assumé par le comité du statut. En effet, d’une part, en prévoyant la consultation sans réserve ni exception du comité du statut sur toute proposition de révision du statut, cette disposition confère une large portée à l’obligation qu’elle définit. Ses termes sont donc manifestement inconciliables avec une interprétation restrictive de sa portée. D’autre part, le comité du statut, en tant qu’organe paritaire regroupant les représentants des administrations et ceux du personnel, ces derniers étant démocratiquement élus, de toutes les institutions, est amené à prendre en considération et à exprimer les intérêts de la fonction publique de l’Union dans son ensemble (arrêts du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05, EU:T:2007:218, point 36, et du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 130).

101    Il s’ensuit que, lorsque la Commission procède à une modification de sa proposition de révision du statut lors de la procédure législative ordinaire, elle a l’obligation de consulter de nouveau le comité du statut avant l’adoption par le Conseil des dispositions réglementaires concernées, lorsque cette modification affecte de façon substantielle l’économie de la proposition (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 135).

102    Or, en l’espèce, force est de constater que, si la Commission a fait usage de son pouvoir d’initiative législative en présentant la proposition de modification du statut au Parlement et au Conseil le 13 décembre 2011, elle n’a pas fait usage de ce pouvoir pour modifier ladite proposition (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 136).

103    Certes, la Commission a participé aux négociations en trilogue tenues lors de la procédure législative ordinaire en cause. Or, selon le point 13 de la déclaration commune sur les modalités pratiques de la procédure de codécision (article 251 du traité CE) (JO 2007, C 145, p. 5), faite par le Parlement, le Conseil et la Commission le 13 juin 2007 et qui régit ces réunions informelles, au stade de la première lecture du Parlement, le rôle de la Commission se restreint à favoriser les contacts pris « pour faciliter la conduite des travaux en première lecture » et à exercer « son droit d’initiative de manière constructive en vue de rapprocher les positions du Parlement [...] et du Conseil, dans le respect de l’équilibre entre les institutions et du rôle que lui confère le traité » (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 137).

104    Ainsi, le fait que les négociations en trilogue tenues, en l’espèce, au stade de la première lecture par le Parlement ont abouti, avec la participation de la Commission dont le rôle est rappelé au point 103 ci-dessus, à un compromis entre le Parlement et le Conseil visant à amender la proposition de modification du statut ne saurait être considéré comme constituant une modification de ladite proposition par la Commission elle-même (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 138).

105    Par ailleurs, l’adoption en première lecture, par le Parlement, d’un texte ayant amendé la proposition de modification du statut ne saurait pas non plus être assimilée à une modification par la Commission elle-même de sa proposition initiale (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 139).

106    Il ressort de ce qui précède que la Commission n’était tenue de consulter à nouveau le comité du statut en vertu de l’article 10 du statut ni après l’aboutissement des négociations en trilogue tenues au stade de la première lecture du Parlement ni après l’adoption, par ce dernier, de sa proposition en première lecture (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 140).

107    Par conséquent, indépendamment du caractère substantiel des amendements adoptés par le Parlement en première lecture, il y a lieu d’écarter les arguments de la requérante tirés de la violation de l’article 10 du statut.

2)      Sur la violation de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux et de la procédure de concertation

108    La requérante soutient que, en l’espèce, la procédure de concertation était frappée d’illégalité dans la mesure où elle n’avait pas été adaptée, à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, pour prévoir la participation du Parlement, devenu colégislateur, s’agissant de l’adoption du statut des fonctionnaires de l’Union.

109    La requérante fait également valoir que, contrairement à ce qui ressort du point 170 de l’arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil (T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489), une OSP, l’Union syndicale-Bruxelles, avait bien demandé, le 28 juin 2013, avant le début de l’examen final du texte du compromis définitif par le Coreper, une réunion de la commission de concertation, mais que cette demande avait été rejetée par le secrétaire général du Conseil au motif que, d’une part, conformément à la déclaration annexée à la décision du Conseil du 23 juin 1981, la commission de concertation était suspendue en raison des perturbations substantielles du travail normal du Conseil causée par trois jours consécutifs de grève et, d’autre part, la commission des affaires juridiques du Parlement avait déjà approuvé le texte. La requérante ajoute que le président de l’Union syndicale-Bruxelles a contesté auprès du secrétaire général du Conseil la décision de ce dernier de ne pas réunir la commission de concertation en faisant valoir que le point 4 de l’« accord du 24 mai 2004 entre le Secrétaire Général adjoint du Conseil et les OSP sur les dispositions à appliquer en cas de cessation concertée de travail du personnel du Secrétariat Général du Conseil », qui prévoit que le préavis de grève est mis à profit par les deux parties pour négocier un règlement du conflit, éventuellement par la désignation d’un médiateur, n’a jamais été mis en œuvre en l’espèce et n’a donc pas permis d’éviter la grève. La requérante souligne également que, conformément à l’accord en question, « la grève ne peut faire obstacle à la tenue des sessions du Conseil » et « le Secrétaire Général adjoint établit la liste des agents tenus d’assumer leurs fonctions sur base d’une liste des emplois indispensables au processus décisionnel de l’institution ». Selon la requérante, il en découle que c’est à tort que le secrétaire général du Conseil a refusé d’organiser la réunion de la commission de concertation au motif que les travaux normaux du Conseil étaient perturbés.

110    La requérante fait encore valoir que la décision du Conseil du 23 juin 1981 avait été adoptée sur la base d’un accord avec les OSP, ce qui serait démontré par le fait que le Conseil avait par le passé soumis des modifications de ladite décision aux OSP, et qu’il ne pouvait donc pas modifier celle-ci de façon unilatérale, comme il l’a fait par la décision interprétative du 6 mai 2013. La requérante souligne en outre que le texte de la déclaration interprétative n’a été communiqué aux OSP que le 26 mai 2013, soit trois semaines après la réunion de la commission de concertation du 6 mai 2013.

111    La requérante soutient en outre que, en dépit de l’absence de texte disponible lors des deux réunions de la commission de concertation le 6 mai et le 20 juin 2013, celles-ci auraient encore pu être utiles pour autant que l’article 8 de la décision du Conseil du 23 juin 1981, qui prévoit que, « [a]u cours de leurs travaux, les membres de la commission de concertation s’efforcent de faire converger, dans toute la mesure du possible, leurs positions et de permettre ainsi la présentation au Conseil d’un rapport énonçant les positions communes » et que, « si cela se révèle impossible, le rapport énonce les différentes positions », ait été respecté. Or, selon la requérante, au cours de ces deux réunions, le président de la commission de concertation s’est borné à permettre au président du Coreper d’exposer sommairement les intentions du Conseil, le 6 mai 2013, ou du Parlement, le 20 juin 2013, puis à permettre aux représentants des OSP d’exposer leurs positions. Ainsi, aucune tentative de faire converger les positions n’aurait été entreprise et il n’existerait aucun rapport écrit de ces réunions.

112    À cet égard, en premier lieu, s’agissant de l’absence de participation du Parlement à la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, celle-ci ne constitue pas une violation du droit à l’information et à la consultation des travailleurs visé par l’article 27 de la charte des droits fondamentaux.

113    Il convient en effet de replacer la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981 dans le contexte juridique dans lequel elle a été instaurée. En effet, ladite décision a été adoptée par le Conseil à une époque où celui-ci était seul compétent pour arrêter le statut des fonctionnaires et des autres agents de l’Union. Une telle procédure n’était donc, par nature, pas adaptée dans le cadre de la révision du statut selon la procédure législative ordinaire. C’est la raison pour laquelle le Conseil a, ainsi que cela a été exposé au point 12 ci-dessus, adopté une déclaration interprétative de sa décision du 23 juin 1981, après le refus du Parlement de participer à la procédure de concertation prévue par ladite décision en qualité de colégislateur (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, points 145 et 146).

114    Le refus du Parlement de participer à la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981 serait de nature à constituer une violation de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux uniquement dans l’hypothèse où, d’une part, cette disposition imposerait aux institutions de l’Union l’obligation de consulter les OSP sur les propositions de révision du statut et, d’autre part, le Parlement n’aurait, en l’espèce, procédé à aucune consultation de la sorte (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 147).

115    Or, il y a lieu de rappeler que, aux termes mêmes de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux, l’exercice des droits qu’il consacre est limité aux cas et conditions définis par le droit de l’Union. En l’espèce, il ressort de l’article 10 ter du statut que les propositions de révision du statut peuvent faire l’objet d’une consultation des OSP représentatives. Les institutions qui ne s’y sont pas engagées unilatéralement ne sont donc pas tenues de procéder à une telle consultation (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 148).

116    Dès lors, même à supposer que, contrairement à ce que pouvait laisser penser la lettre du 4 mars 2013 adressée par le président du Parlement au Conseil en réponse à l’invitation faite par ce dernier au Parlement de participer à la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981, les OSP n’aient pas été consultées par le Parlement sur les modifications du statut introduites par les dispositions attaquées, cette circonstance ne constituerait pas une violation du droit à l’information et à la consultation des travailleurs visé par l’article 27 de la charte des droits fondamentaux (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 149).

117    En deuxième lieu, s’agissant de la modification de la décision du Conseil du 23 juin 1981, d’une part, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, le Conseil était en droit d’amender unilatéralement ladite décision par la déclaration interprétative du 6 mai 2013. En effet, il ressort de la clause de révision de la décision du 23 juin 1981 que « [l]e Conseil peut examiner à tout moment, soit de sa propre initiative, soit à la demande des membres de la commission de concertation représentant le personnel ou des chefs d’administration visés à la section I, paragraphe 2, point a), troisième tiret, les résultats de l’application des présentes dispositions en vue de décider s’il y a lieu d’y apporter des modifications ». Ce constat ne saurait être remis en cause par l’affirmation de la requérante selon laquelle le Conseil a antérieurement soumis des projets de modification de la décision du 23 juin 1981 aux OSP en vue de recueillir leur accord. En effet, il ne ressort aucunement du document produit par la requérante à l’appui de cette affirmation que le Conseil demandait leur accord aux OSP sur les modifications qu’il envisageait d’apporter à la décision du 23 juin 1981, mais uniquement qu’il souhaitait recueillir leurs observations à cet égard. Il s’ensuit que ce document ne témoigne pas de ce que le Conseil s’estimait tenu par de telles observations, mais de ce qu’il souhaitait prendre connaissance de la position des OSP sur les modifications envisagées.

118    D’autre part, il ressort des éléments de preuve produits par le Conseil que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’administration du secrétariat général du Conseil a donné la possibilité aux OSP de donner leur avis sur la modification envisagée de la décision du 23 juin 1981, lors d’une réunion le 23 avril 2013, et que le texte du projet de déclaration interprétative a été transmis aux OSP participant à la commission de concertation le 30 avril 2013, avant d’être soumis au Coreper le 2 mai 2013 et adopté par le Conseil le 6 mai 2013.

119    En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel c’est à tort que le secrétaire général du Conseil a refusé de répondre favorablement à la demande de l’Union syndicale-Bruxelles du 28 juin 2013 d’organiser une réunion de la commission de concertation, premièrement, il convient de relever que, conformément à l’orientation 7 de la déclaration interprétative de la décision du Conseil du 23 juin 1981, la déclaration annexée à ladite décision aux termes de laquelle, « dans les cas où les travaux normaux du Conseil seraient désorganisés, la procédure de concertation sera automatiquement suspendue » restait pleinement applicable. Or, il ressort des nombreux éléments de preuve produits par le Conseil que, à la suite d’un préavis de grève déposé par les trois OSP du Conseil le 20 juin 2013, pour les 26, 27 et 28 juin 2013, des actions de grève ont effectivement eu lieu au cours de ces trois jours. Ces actions, auxquelles ont participé un nombre considérable de fonctionnaires correspondant à un tiers du personnel, ont eu pour conséquence l’annulation de 19 réunions de groupe de travail du Conseil. Il convient également de relever que, ainsi que le fait observer le Conseil, le secrétariat général du Conseil devait également assurer les 27 et 28 juin 2013 l’organisation du Conseil européen. Or, il ressort des éléments de preuve produits par le Conseil que, le 25 juin 2013, les trois OSP du Conseil avaient déposé un préavis de grève ferme concernant les prestations du week-end, des jours fériés ainsi que des heures supplémentaires pour la période du 25 juin au 11 juillet 2013.

120    Eu égard à ces circonstances, il y a lieu de considérer que, à la date à laquelle l’Union syndicale-Bruxelles a demandé l’organisation d’une réunion de la commission de concertation, les travaux normaux du Conseil étaient désorganisés par les actions de grève et que la procédure de concertation était, par conséquent, automatiquement suspendue. Ce constat ne saurait être remis en cause par l’argument de la requérante selon lequel le Conseil n’aurait pas utilisé les possibilités prévues par l’accord du 24 mai 2004 entre le secrétaire général adjoint du Conseil et les OSP sur les dispositions à appliquer en cas de cessation concertée de travail du personnel du secrétariat général du Conseil, pour éviter les actions de grève ou en limiter les effets. Cet accord est en effet sans lien avec les dispositions de la décision du Conseil du 23 juin 1981 qui établissent les conditions dans lesquelles la procédure de concertation est organisée.

121    Deuxièmement, il convient de relever que, selon le point d) de la déclaration interprétative de la décision du Conseil du 23 juin 1981, l’application de cette dernière « est sans préjudice des dispositions des traités, en particulier en ce qui concerne les délais et le déroulement de la procédure législative ordinaire visée à l’article 294 du TFUE ». Or, il convient de rappeler que, si le texte du compromis provisoire a été communiqué aux OSP participant à la commission de concertation le 24 juin 2013 au soir, l’Union syndicale-Bruxelles a attendu le 28 juin à 12 h 39 pour demander la réunion de la commission de concertation, alors que l’examen final du texte du compromis par le Coreper devait débuter le même jour à 15 h 00. L’organisation d’une réunion de la Commission de concertation avant l’examen du texte du compromis par le Coreper aurait nécessité de repousser cet examen. Or, ainsi que le relève le Conseil, la présidence irlandaise avait réussi à aboutir à un compromis politique avec le Parlement dans des circonstances politiques particulièrement difficiles et dans une dynamique accélérée dans la perspective d’un accord politique avant la fin de sa présidence à la fin de juin 2013. La réunion du Coreper de l’après-midi du vendredi 28 juin 2013 avait lieu dans les dernières heures de la présidence irlandaise et était donc la dernière possibilité pour celle-ci de convaincre le Coreper d’accepter le compromis qu’elle avait négocié. De plus, ainsi que le fait également observer le Conseil, le déroulement de la procédure législative était marqué par un lien politique entre, d’une part, l’accord politique entre le Parlement et le Conseil sur la réforme du statut et, d’autre part, l’accord politique avec le Parlement sur le cadre financier pluriannuel, un autre dossier politiquement particulièrement difficile qui était négocié dans le cadre de la présidence irlandaise. Ce lien politique permettait au Coreper d’accepter, à la suite immédiate de l’accord politique sur le cadre financier pluriannuel, le compromis sur la réforme du statut. Un retard dans les délibérations du Coreper aurait risqué d’entraîner le rejet du compromis sur la réforme du statut.

122    Il y a lieu de considérer que de telles circonstances sont également de nature à justifier le refus du secrétaire général du Conseil d’organiser une réunion de la commission de concertation le 28 juin 2013.

123    En quatrième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les réunions de la commission de concertation des 6 mai et 20 juin 2013 n’étaient pas conformes à la décision du Conseil du 23 juin 1981 au motif que, alors que les parties ne s’étaient pas efforcées de faire converger leurs positions, aucun résumé écrit de leurs positions divergentes n’avait été réalisé, il convient de relever qu’il ne saurait être reproché au Conseil de ne pas avoir réalisé un résumé écrit des positions divergentes des parties, en particulier de celles des OSP, alors même que celles-ci, y compris la requérante, font valoir qu’elles n’ont pas été en mesure de donner utilement leur point de vue lors de ces réunions en raison de la présentation trop générale qui était faite de la réforme.

124    Il découle des considérations qui précèdent que l’engagement de la responsabilité de l’Union ne peut pas non plus trouver son origine dans la prétendue violation de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux, de l’article 10 du statut ou de la décision du Conseil du 23 juin 1981.

c)      Sur la violation de l’article 12 de la charte des droits fondamentaux

125    La requérante soutient dans la partie de son recours consacrée à la demande d’indemnisation que la responsabilité de l’Union du fait de l’adoption du règlement no 1023/2013 découle, notamment, de la violation de l’article 12 de la charte des droits fondamentaux, qui consacre la liberté de réunion et d’association. Toutefois, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 77 ci-dessus, la requérante ne soulève aucun argument spécifique à cet égard, de sorte que, conformément à la jurisprudence relative à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, applicable à la date du dépôt de la requête, un tel argument ne peut qu’être rejeté comme étant irrecevable [arrêt du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 34].

126    Il découle des considérations qui précèdent que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que le Parlement, le Conseil et la Commission auraient, en l’espèce, commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers au sens de la jurisprudence citée au point 79 ci-dessus.

127    La première condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’étant ainsi pas remplie en l’espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions en indemnité, sans qu’il soit besoin de vérifier si les deux autres conditions d’engagement de ladite responsabilité sont remplies.

128    Partant, il y a lieu de rejeter le présent recours comme étant, pour partie, irrecevable, en ce qu’il vise à obtenir l’annulation des dispositions attaquées et, pour partie, non fondé, en ce qu’il vise à obtenir la réparation d’un préjudice causé à la requérante.

IV.    Sur les dépens

129    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du Parlement et du Conseil, conformément aux conclusions de ces derniers. Par ailleurs, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      L’Union syndicale fédérale des services publics européens et internationaux (USFSPEI) est condamnée à payer, outre ses propres dépens, ceux du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Collins

Kancheva

Passer

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2017.

 

Signatures      

 


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur les conclusions en annulation

B. Sur les conclusions indemnitaires

1. Sur la recevabilité

2. Sur le fond

a) Sur la violation de l’accord sur la réforme de 2004

b) Sur la violation de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux, de l’article 10 du statut et de la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981

1) Sur la violation de l’article 10 du statut

2) Sur la violation de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux et de la procédure de concertation

c) Sur la violation de l’article 12 de la charte des droits fondamentaux

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.

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