De Nicola v Court of Justice of the European Union (Judgment) French Text [2017] EUECJ T-99/16 (08 November 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T9916.html
Cite as: EU:T:2017:790, [2017] EUECJ T-99/16, ECLI:EU:T:2017:790

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

8 novembre 2017 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Fonction publique – Personnel de la BEI – Harcèlement moral – Non-respect des règles du procès équitable – Article 47 de la charte des droits fondamentaux – Délai raisonnable – Demandes indemnitaires présentées dans le cadre d’un recours pendant devant le Tribunal de la fonction publique – Renvoi partiel de l’affaire devant le Tribunal »

Dans l’affaire T‑99/16,

Carlo De Nicola, agent de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Strassen (Luxembourg), représenté initialement par Mes L. Isola et G. Isola, puis par Me G. Ferabecoli, avocats,

partie requérante,

contre

Cour de justice de l’Union européenne, représentée initialement par MM. J. Inghelram, P. Giusta et Mme L. Tonini Alabiso, puis par M. Inghelram, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation des préjudices que le requérant aurait prétendument subis, premièrement, en raison, d’une part, du harcèlement moral dont il aurait fait l’objet de la part de la Banque européenne d’investissement (BEI), et d’autre part, du caractère supposé inéquitable des procédures devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne et le Tribunal auxquelles le requérant a été partie et, deuxièmement, en raison de la durée prétendument excessive desdites procédures,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz (rapporteur) et C. Iliopoulos, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Carlo De Nicola, est, depuis 1992, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement (BEI).

2        Dans le rapport d’évaluation pour l’année 2013, les supérieurs hiérarchiques du requérant ont estimé que sa performance était conforme aux attentes dans plusieurs domaines, mais inférieure aux attentes dans d’autres domaines, et lui ont donc attribué la note C ainsi qu’une prime de 4 064 euros.

3        Le 31 mars 2014, la BEI a publié la liste des promotions décidées à la suite de l’exercice d’évaluation portant sur l’année 2013. Le nom du requérant n’y figurait pas.

4        Le 17 juin 2014, le requérant a contesté le rapport d’évaluation pour l’année 2013 en introduisant, un recours interne devant le comité de recours.

5        Par décision du 8 décembre 2014, le comité de recours a rejeté le recours interne du 17 juin 2014.

6        Le 17 février 2015, le requérant a demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation en application de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI. Les parties n’ayant pas trouvé un accord mettant fin au litige concernant le rapport d’évaluation pour l’année 2013, la procédure de conciliation a été clôturée le 31 mars 2015.

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 6 juillet 2015 et enregistrée sous le numéro F‑100/15, le requérant a introduit le présent recours.

8        Premièrement, le requérant a conclu, en substance, à l’annulation de la décision du comité de recours du 8 décembre 2014, rejetant son recours interne visant l’annulation et la modification de son rapport d’évaluation relatif à l’année 2013, l’annulation de son rapport d’évaluation relatif à l’année 2013, l’annulation de la décision de la BEI de ne pas le promouvoir et l’annulation des lignes directrices pour l’exercice d’évaluation des performances 2013. Deuxièmement, le requérant a demandé la constatation du harcèlement dont il s’estimait être victime. Troisièmement, le requérant a demandé au Tribunal de la fonction publique de constater la responsabilité de l’Union européenne « au motif qu’elle incit[ait] implicitement au harcèlement à travers les arrêts rendus par ses juges et qu’elle viol[ait] les règles relatives au “procès équitable” ». Quatrièmement, le requérant a demandé la condamnation de la BEI et de l’Union à réparer solidairement les préjudices moral et matériel qu’il prétendait avoir subis.

9        Par lettre du 16 décembre 2015, le Tribunal de la fonction publique a interrogé le requérant, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, sur l’étendue de sa compétence pour connaître de ses demandes indemnitaires visant à faire constater la responsabilité non contractuelle de l’Union, et l’a invité à préciser l’institution contre laquelle il entendait diriger ces demandes. Le requérant a répondu dans le délai imparti en indiquant, notamment, qu’en cherchant à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union il entendait diriger ses demandes indemnitaires contre la Cour de justice de l’Union européenne.

10      Par ordonnance du 3 mars 2016, De Nicola/BEI (F‑100/15, EU:F:2016:61), le Tribunal de la fonction publique a constaté qu’il était incompétent pour connaître des demandes indemnitaires introduites par le requérant dans le cadre du présent recours à l’encontre de l’Union, représentée par la Cour de justice de l’Union européenne, et a renvoyé la partie du recours afférente à ces demandes au Tribunal. Les dépens ont été réservés.

11      Par lettre du 29 mars 2016, le Tribunal (cinquième chambre) a invité les parties à présenter, jusqu’au 12 mai 2016, leurs observations sur ladite ordonnance.

12      Sur demande du requérant, le Tribunal a, le 19 avril 2016, prorogé le délai pour le dépôt des observations sur cette ordonnance jusqu’au 26 mai 2016.

13      Par lettre du 24 mai 2016, la Cour de justice de l’Union européenne a informé le Tribunal qu’elle n’avait pas d’observations sur l’ordonnance de renvoi.

14      Le requérant n’a pas déposé d’observations sur ladite ordonnance.

15      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

16      Dans le cadre de la partie du recours qui a été renvoyée devant le Tribunal, le requérant demande, en substance, à ce qu’il plaise à ce dernier :

–        condamner la Cour de justice de l’Union européenne pour le préjudice qu’il aurait subi en raison, d’une part, de la « soumission psychologique manifestée par les juges » qui auraient implicitement incité la BEI à persévérer dans le harcèlement moral à son égard, harcèlement que le juge de l’Union refuserait « de toutes les manières possibles de constater et de sanctionner » et, d’autre part, du caractère supposé inéquitable des procédures devant le Tribunal de la fonction publique et le Tribunal auxquelles le requérant a été partie, dans la mesure où il n’a pas pu obtenir la constatation et la cessation du harcèlement, dont il se considère être victime  ;

–        condamner la Cour de justice de l’Union européenne à l’indemniser pour le préjudice qu’il aurait subi en raison de la durée prétendument excessive des procédures devant le Tribunal de la fonction publique et le Tribunal ;

–        majorer les sommes reconnues des intérêts et de la compensation de l’érosion monétaire ;

–        condamner la Cour de justice de l’Union européenne aux dépens.

17      La Cour de justice de l’Union européenne demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

18      Par arrêt du 21 juillet 2016, De Nicola/BEI (F‑100/15, EU:F:2016:167), le Tribunal de la fonction publique a rejeté les conclusions en annulation et en indemnisation formulées à l’encontre de la BEI.

19      Par son pourvoi introduit le 20 septembre 2016 et enregistré sous le numéro T‑666/16 P, le requérant a demandé l’annulation de ce dernier arrêt. Par ordonnance du 3 juillet 2017, De Nicola/BEI (T‑666/16 P, non publiée, EU:T:2017:476), le Tribunal a rejeté le pourvoi.

 En droit

 Observations liminaires

20      En vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

21      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de la disposition susmentionnée, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 16 octobre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑297/12, non publié, EU:T:2014:888, point 28 et jurisprudence citée).

22      Tout d’abord, s’agissant de la condition relative au comportement illégal reproché à l’institution ou à l’organe concerné, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif permettant de considérer qu’elle est remplie est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution ou l’organe de l’Union concerné, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ou cet organe ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (voir arrêt du 16 octobre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑297/12, non publié, EU:T:2014:888, point 29 et jurisprudence citée).

23      Ensuite, s’agissant de la condition relative à la réalité du dommage, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée que si le requérant a effectivement subi un préjudice « réel et certain ». Il incombe au requérant d’apporter des éléments de preuve au juge de l’Union afin d’établir l’existence et l’ampleur d’un tel préjudice (voir arrêt du 16 octobre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑297/12, non publié, EU:T:2014:888, point 30 et jurisprudence citée).

24      En ce qui concerne plus particulièrement le préjudice immatériel, si la présentation d’une offre de preuve n’est pas nécessairement considérée comme une condition de la reconnaissance d’un tel préjudice, il incombe tout au moins à la partie requérante d’établir que le comportement reproché à l’institution concernée était de nature à lui causer un tel préjudice (voir arrêt du 16 octobre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑297/12, non publié, EU:T:2014:888, point 31 et jurisprudence citée).

25      Enfin, s’agissant de la condition relative à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, ledit préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice, alors qu’il n’y a pas d’obligation de réparer toute conséquence préjudiciable, même éloignée, d’une situation illégale. Il appartient au requérant d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué (voir arrêt du 16 octobre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑297/12, non publié, EU:T:2014:888, point 32 et jurisprudence citée).

26      Dès lors que l’une des trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est pas remplie, les prétentions indemnitaires doivent être rejetées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les deux autres conditions sont réunies. Par ailleurs, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (voir arrêt du 16 octobre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑297/12, non publié, EU:T:2014:888, point 33 et jurisprudence citée).

27      Il convient de rappeler également que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, lu conjointement avec l’article 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit contenir l’indication de l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels se fonde celui-ci ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Plus particulièrement, pour satisfaire à ces exigences, et eu égard aux conditions pour engager la responsabilité non contractuelle de l’Union, telles que rappelées aux points 21 à 25 ci-dessus, une requête visant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution de l’Union doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que le requérant reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles il estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir arrêts du 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T‑16/04, EU:T:2010:54, point 132 et jurisprudence citée, et du 17 mai 2017, PG/Frontex, T‑583/16, non publié, EU:T:2017:344, points 90 et 91 et jurisprudence citée).

28      Par ailleurs, la requête introductive d’instance doit encore contenir les conclusions de la partie requérante. Les conclusions doivent être exposées de manière précise et non équivoque, puisque, à défaut, le Tribunal risquerait de statuer infra ou ultra petita et les droits de la partie défenderesse risqueraient de se trouver méconnus. Ainsi, et sous réserve des circonstances prévues à l’article 86 du règlement de procédure, seules les conclusions exposées dans la requête introductive d’instance peuvent être prises en considération et le bien-fondé du recours doit être examiné uniquement au regard des conclusions contenues dans la requête introductive d’instance [arrêt du 21 octobre 2015, Petco Animal Supplies Stores/OHMI – Gutiérrez Ariza (PETCO), T‑664/13, EU:T:2015:791, points 24 et 25 et jurisprudence citée].

29      En l’espèce, dans la requête, le requérant demande, en substance, que la Cour de justice de l’Union européenne et la BEI soient solidairement condamnées à lui verser à titre de réparation du préjudice matériel :

–        la somme de 50 000 euros pour le préjudice causé par la décision de ne pas le promouvoir au titre de l’exercice 2013 ;

–        la somme de 80 000 euros pour le fait qu’il serait obligé d’entretenir deux maisons, une à Rome (Italie) et une au Luxembourg, somme à laquelle devraient être ajoutés 5 000 euros par mois pour chaque mois depuis l’introduction de l’instance ;

–        la somme de 80 000 euros pour le préjudice causé par la perte de compétence professionnelle, découlant du harcèlement moral qu’il estime avoir subi.

30      Pour ce qui est de la réparation du préjudice moral qu’il estime avoir subi, le requérant demande, en substance, dans la requête, que la Cour de justice de l’Union européenne et la BEI soient solidairement condamnées à lui verser la somme totale de 135 000 euros pour :

–        atteinte à sa réputation ;

–        le fait d’avoir été obligé de vivre seul au Luxembourg quatre jours par semaine, alors que sa famille résidait à Rome ;

–        « des tourments psychologiques, du dommage intérieur, lié à sa sphère émotionnelle et influencé par les choix de vie qu’il a dû faire à la suite du comportement de la BEI [, à savoir] l’instabilité du lieu de travail […] la perte d’attributions professionnelles, des rapports avec ses amis, l’isolement du travailleur », résultant du harcèlement moral qu’il estime avoir subi.

31      Dans la réplique, il estime avoir droit à la réparation du « dommage ultérieur, également moral, découlant de l’anxiété et de l’état d’incertitude dus à sa situation procédurale ».

32      Le requérant ajoute, en substance, qu’il souhaite également être indemnisé du prétendu préjudice physique dont il souffre, à savoir, d’une part, un reflux gastro-œsophagien et une gastrite qui l’obligent à suivre un traitement quotidien et, d’autre part, un polype qui a dû être retiré par intervention chirurgicale.

33      À cet égard, le requérant indique, au point 112 de la requête, qu’il « vise à obtenir la condamnation des défendeurs au paiement solidaire de la réparation pour [lesdits préjudices] résultant de tous les faits visés dans [ladite requête], dont [la Cour de justice de l’Union européenne serait] responsable pour les raisons indiquées aux points 110 et 111 [de la requête] ».

34      Ainsi, le requérant circonscrit sans aucune ambiguïté les arguments avancés au soutien de ses conclusions indemnitaires à l’égard de la Cour de justice de l’Union européenne à ceux qu’il a présentés aux points 110 et 111 de la requête.

 Sur le premier chef de conclusions, tendant à condamner la Cour de justice de l’Union européenne à indemniser le requérant pour le préjudice qu’il aurait subi, d’une part, en raison de la « soumission psychologique manifestée par les juges » qui auraient implicitement incité la BEI à persévérer dans le harcèlement moral à son égard, harcèlement que le juge de l’Union refuserait « de toutes les manières possibles de constater et de sanctionner », et d’autre part, en raison du caractère supposé inéquitable des procédures devant le Tribunal de la fonction publique et le Tribunal auxquelles le requérant a été partie, dans la mesure où il n’a pas pu obtenir la constatation et la cessation du harcèlement, dont il se considère être victime

35      Dans la requête, le requérant considère que la Cour de justice de l’Union européenne est responsable de ses préjudices allégués en raison de la prétendue « soumission psychologique manifestée par les juges européens à l’égard de la BEI », qui serait une incitation implicite pour celle-ci à persévérer dans le harcèlement invoqué par le requérant, harcèlement que les juges européens « refuseraient de toutes les manières possibles de constater et de sanctionner ». Bien qu’il ait fait état de vingt années de harcèlement par la BEI, le Tribunal de la fonction publique aurait, dans les arrêts du 30 novembre 2009, De Nicola/BEI (F‑55/08, EU:F:2009:159), et du 8 mars 2011, De Nicola/BEI (F‑59/09, EU:F:2011:19), rejeté les premières demandes en vertu d’« exceptions préalables incohérentes », ce que le Tribunal aurait reconnu, « contre son gré », dans les arrêts du 27 avril 2012, De Nicola/BEI (T‑37/10 P, EU:T:2012:205), et du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI (T‑264/11 P, EU:T:2013:461), en se limitant toutefois à « renvoyer les parties en première instance ». Le requérant critique la circonstance que, lors de la reprise de la procédure, le Tribunal de la fonction publique aurait estimé qu’il « n’avait pas intérêt à la résolution de cette affaire qui dur[ait] depuis des années et qu’il avait plus intérêt à ce que le Tribunal de la fonction publique se prononce sur l’affaire De Nicola/BEI (F‑52/11) plutôt que sur ces affaires, au motif que celle-ci était beaucoup plus articulée et documentée et surtout, qu’il l’avait déjà rejetée, en raison de son caractère prématuré ». Il allègue également, que son recours dans l’affaire F‑52/11 (De Nicola/BEI) a été rejeté par l’« habituelle exception préalable » et au moyen d’une motivation scandaleuse.

36      Dans le cadre de sa réponse aux questions écrites posées par le Tribunal de la fonction publique du 16 décembre 2015, l’interrogeant sur l’étendue de la compétence dudit Tribunal pour connaître de ses demandes indemnitaires visant à faire constater la responsabilité non contractuelle de l’Union et l’invitant à préciser l’institution contre laquelle il entendait diriger ces demandes, le requérant a également indiqué que l’illégalité invoquée au soutien de ce chef de conclusions consistait en la violation de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI.

37      Dans le cadre de la réplique, il a réitéré cet argument et il a ajouté que, en refusant de constater et de faire cesser le harcèlement dont il se sentait être victime, au motif qu’il ressortait d’une jurisprudence constante qu’il n’appartenait au juge de l’Union ni de faire des constatations de principe, ni d’adresser des injonctions à l’administration (ordonnances du 21 septembre 2015, De Nicola/BEI, T‑10/15 P, EU:T:2015:705, points 29 à 31 ; du 21 septembre 2015, De Nicola/BEI, T‑848/14 P, EU:T:2015:719, points 42 à 44 ; arrêts du 11 novembre 2014, De Nicola/BEI, F‑52/11, EU:F:2014:243, points 168 à 170 ; du 11 novembre 2014, De Nicola/BEI, F‑55/08 RENV, EU:F:2014:244, points 47 à 49 ; du 18 novembre 2014, De Nicola/BEI, F‑59/09 RENV, EU:F:2014:248, points 58 à 60 ; du 18 décembre 2015, De Nicola/BEI, F‑37/12, EU:F:2015:162, points 59 à 61 ; du 18 décembre 2015, De Nicola/BEI, F‑104/13, EU:F:2015:164, points 56 à 58, et du 21 juillet 2016, De Nicola/BEI, F‑100/15, EU:F:2016:167, point 89), et en déclarant que les conclusions en ce sens étaient irrecevables, tout en renvoyant l’appréciation de ces questions à l’organe accusé d’être l’auteur de cet harcèlement, le juge de l’Union aurait fait de lui une victime d’un déni de justice. Le requérant relève, en outre, que le droit italien admet clairement le pouvoir et l’obligation pour le juge de constater l’existence du harcèlement, s’il est invoqué, et d’ordonner la réparation du dommage qui en découle.

38      La Cour de justice de l’Union européenne conteste ces allégations.

39      À cet égard, le présent chef de conclusions doit être rejeté comme irrecevable.

40      En effet, ainsi que le fait valoir la Cour de justice de l’Union européenne, la requête ne satisfait pas aux exigences minimales, telles qu’elles découlent de l’article 21, premier alinéa, lu conjointement avec l’article 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure (voir point 27 ci-dessus).

41      Premièrement, la requête se borne à avancer de simples allégations, dépourvues aussi bien de références précises aux règles prétendument violées que de références factuelles au soutien de ces allégations. La requête n’explique pas suffisamment le contexte factuel et juridique qui est à la base des demandes indemnitaires dirigées contre la Cour de justice de l’Union européenne. Les informations présentées dans la requête ne mettent pas, quant à elles, le Tribunal en mesure de saisir, avec la certitude nécessaire, l’objet du litige ainsi que les moyens et les arguments avancés par le requérant. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans la jurisprudence citée, les passages, les moyens ou les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours.

42      Deuxièmement, bien qu’il appartienne au requérant d’apporter la preuve que le préjudice invoqué découle de façon suffisamment directe du comportement reproché à l’institution ou à l’organe de l’Union (voir point 25 ci-dessus), il ne fournit, en l’espèce, aucune analyse du lien de causalité, mais se borne à demander la condamnation de la Cour de justice de l’Union européenne à la réparation de tous les préjudices indiqués aux points 113 à 120 de la requête (voir points 29 et 30 ci-dessus), en raison des faits décrits aux points 110 et 111 de ladite requête. La démonstration du lien de causalité apparaît d’autant plus insuffisante que, aux points 113 à 120 de la requête, le requérant semble plutôt attribuer les préjudices dont il se plaint directement au comportement de la BEI.

43      Cette absence de clarté dans la rédaction du mémoire introductif d’instance est confirmée par le requérant lui-même, dont le second avocat a indiqué qu’il précisera dans la réplique les demandes introduites dans la requête, « qui pourraient, en théorie, sembler obscures ».

44      Si la réplique a ajouté certaines informations quant à la requête, il importe de constater qu’il ressort de la jurisprudence que, dans l’examen de la conformité de la requête avec les exigences posées par l’article 76, sous d), du règlement de procédure, le contenu de la réplique est, par hypothèse, dépourvu de pertinence. En particulier, la recevabilité, admise par la jurisprudence (arrêts du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T‑106/95, EU:T:1997:23, point 125, et du 28 janvier 1999, BAI/Commission, T‑14/96, EU:T:1999:12, point 66), des moyens et des arguments avancés dans la réplique à titre d’ampliation de moyens contenus dans la requête ne saurait être invoquée dans le but de pallier un manquement, intervenu lors de l’introduction du recours, aux exigences de l’article 76 du règlement de procédure, sauf à vider cette dernière disposition de toute portée (ordonnance du 19 mai 2008, TF1/Commission, T‑144/04, EU:T:2008:155, point 30 ; voir également, en ce sens, arrêt du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T‑33/89 et T‑74/89, EU:T:1993:21, point 65, et ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 25).

45      Par ailleurs, pour autant que le requérant exprime, en substance des critiques quant au traitement, dans les arrêts du 27 avril 2012, De Nicola/BEI (T‑37/10 P, EU:T:2012:205), du 30 novembre 2009, De Nicola/BEI (F‑55/08, EU:F:2009:159), du 11 novembre 2014, De Nicola/BEI (F‑55/08 RENV, EU:F:2014:244), du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI (T‑264/11 P, EU:T:2013:461), du 8 mars 2011, De Nicola/BEI (F‑59/09, EU:F:2011:19), du 18 novembre 2014, De Nicola/BEI (F‑59/09 RENV, EU:F:2014:248), et du 11 novembre 2014, De Nicola/BEI (F‑52/11, EU:F:2014:243), de ses demandes de constatation ou de cessation de harcèlement, qui serait perpétré par la BEI, et pour autant qu’il entend engager sur cette base la responsabilité de la Cour de justice de l’Union européenne, il y a lieu de rappeler que par ordonnances du 21 septembre 2015, De Nicola/BEI (T‑10/15 P, EU:T:2015:705), du 21 septembre 2015, De Nicola/BEI (T‑849/14 P, EU:T:2015:712), et du 21 septembre 2015, De Nicola/BEI (T‑848/14 P, EU:T:2015:719), le Tribunal a rejeté respectivement les pourvois du requérant contre les arrêts du 11 novembre 2014, De Nicola/BEI (F‑52/11, EU:F:2014:243), du 18 novembre 2014, De Nicola/BEI (F‑59/09 RENV, EU:F:2014:248), et du 11 novembre 2014, De Nicola/BEI (F‑55/08 RENV, EU:F:2014:244). Ceux-ci sont devenus définitifs et il n’est donc plus possible de les remettre en cause.

46      Ainsi, la condition liée à l’illégalité du comportement ne pourra pas, en tout état de cause, être satisfaite, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres conditions de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union.

47      Il convient donc de rejeter le présent chef de conclusions.

 Sur le second chef de conclusions, tendant à condamner la Cour de justice de l’Union européenne à indemniser le requérant pour le préjudice qu’il aurait subi en raison de la durée prétendument excessive des procédures devant le Tribunal de la fonction publique et le Tribunal

48      Dans la requête, le requérant affirme, en se référant aux affaires F‑59/09, F‑45/11, F‑128/11, F‑37/12 et F‑82/12, dans lesquelles il avait engagé un recours contre la BEI, que la Cour de justice de l’Union européenne « a non seulement toujours refusé d’accélérer le procès, mais qu’elle a aussi tout fait pour le ralentir le plus possible, ne le mettant en délibéré que quand elle ne pouvait pas faire autrement et tentant à plusieurs reprises de suspendre les instances, en dernier lieu le 3 juillet 2015, y compris après une remise au rôle des affaires en attente de décision depuis huit mois », et que « [l]es arrêts [auraient] fait le reste, de sorte [qu’il y aurait] une instance engagée en 2008 qui serait en appel pour la deuxième fois ». 

49      Dans la réplique, le requérant fait valoir, en substance, que, bien qu’il ne soit pas à l’origine d’un quelconque comportement dilatoire et que les affaires précitées, auxquelles il a ajouté d’autres affaires n’étant d’ailleurs pas indiquées au point 111 de la requête, ne comportaient aucun élément de complexité, elles auraient été traitées dans des délais bien plus longs que la moyenne des affaires introduites devant le juge de l’Union. Dans ces circonstances, il n’appartiendrait plus au requérant de démontrer que la durée de la procédure a été excessive, mais il reviendrait plutôt à la Cour de justice de l’Union européenne de justifier cette durée. Par ailleurs, le requérant soutient que le droit à la réparation du dommage, qui est in re ipsa en raison de la durée excessive de la procédure, découle de la démonstration de l’illicéité du comportement de la partie défenderesse consistant dans la durée excessive de la procédure, et peut être liquidé, y compris en équité, en tenant compte par exemple des principes affirmés par la Cour européenne des droits de l’homme dans le cadre de l’interprétation et de l’application de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

50      La Cour de justice de l’Union européenne conteste ces allégations.

51      À cet égard, en premier lieu, ce chef de conclusions encourt l’irrecevabilité pour des motifs identiques à ceux exposés au point 42 ci-dessus.

52      En second lieu et en tout état de cause, il doit être rejeté comme non fondé.

53      En ce qui concerne la condition tenant à l’illégalité, il convient de souligner que l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose notamment que « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi ».

54      Le caractère raisonnable du délai de jugement doit être apprécié en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire, du comportement des parties au litige, dont le requérant, et de celui des autorités compétentes, ou encore de la survenance des incidents procéduraux (voir arrêt du 1er février 2017, Aalberts Industries/Union européenne, T‑725/14, EU:T:2017:47, points 35 et 36 et jurisprudence citée).

55      La liste des critères pertinents n’est pas exhaustive et l’appréciation du caractère raisonnable dudit délai n’exige pas un examen systématique des circonstances de la cause au regard de chacun d’eux lorsque la durée de la procédure apparaît justifiée au regard d’un seul d’entre eux (voir arrêt du 1er février 2017, Aalberts Industries/Union européenne, T‑725/14, EU:T:2017:47, point 37 et jurisprudence citée).

56      Il en résulte que le caractère raisonnable d’un délai ne saurait être examiné par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais qu’il doit être apprécié dans chaque cas d’espèce en fonction des circonstances de la cause (voir arrêt du 1er février 2017, Aalberts Industries/Union européenne, T‑725/14, EU:T:2017:47, point 38 et jurisprudence citée).

57      En l’espèce, il suffit de constater que, en se bornant à soutenir que, bien qu’il ne soit pas à l’origine d’un quelconque comportement dilatoire et que les affaires citées au point 111 de la requête ne comportent aucun élément de complexité, elles auraient été traitées dans des délais bien plus longs que la moyenne des affaires introduites devant le juge de l’Union, le requérant est resté en défaut de démontrer le caractère excessif du délai dans lequel le juge de l’Union a traité les recours en question.

58      En effet, d’une part, son argumentation ne s’appuie pas sur les circonstances propres des affaires mentionnées auxquelles il a été partie, mais tente plutôt d’établir le caractère excessif du délai dans lequel le juge de l’Union a traité ses recours au regard d’un point de référence abstrait, constitué par la moyenne du traitement des affaires introduites devant le juge de l’Union, qui est, en raison du caractère varié des litiges qui ont été portés devant ce dernier, dépourvu de tout rapport avec les particularités propres des affaires citées par le requérant. Partant, une telle moyenne ne présente aucunement un critère valide afin d’apprécier le caractère excessif du délai de jugement d’une affaire concrète. D’autre part, bien que l’arrêt du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI (T‑264/11 P, EU:T:2013:461, points 10 à 17), l’ordonnance du 21 septembre 2015, De Nicola/BEI (T‑849/14 P, EU:T:2015:712, points 18 et 19), les arrêts du 8 mars 2011, De Nicola/BEI (F‑59/09, EU:F:2011:19, points 97 à 102), du 18 novembre 2014, De Nicola/BEI (F‑59/09 RENV, EU:F:2014:248, points 27 à 32), du 18 décembre 2015, De Nicola/BEI (F‑37/12, EU:F:2015:162, points 22 à 41), du 18 décembre 2015, De Nicola/BEI (F‑82/12, EU:F:2015:166, points 16 à 35), du 18 décembre 2015, De Nicola/BEI (F‑45/11, EU:F:2015:167, points 18 à 40), et du 18 décembre 2015, De Nicola/BEI (F‑128/11, EU:F:2015:168, points 26 à 48), présentent de manière détaillée le déroulement temporel desdites affaires devant le juge de l’Union, le requérant s’est abstenu d’identifier des phases concrètes de procédures en question qui seraient entachées d’une durée excessive ou de périodes d’inactivité injustifiées. Au demeurant, en l’absence d’autres précisions de la part du requérant à ce sujet, il n’est aucunement possible d’affirmer que les délais de jugement dans ces affaires seraient excessifs au regard de la procédure suivie.

59      Il s’ensuit que rien dans le dossier de la présente affaire n’est de nature à soutenir les allégations du requérant à propos de la durée excessive des procédures devant le juge de l’Union auxquelles il était partie. La condition tenant à l’illégalité n’étant pas remplie, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres conditions de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union.

60      Le présent chef de conclusions doit être rejeté.

 Sur le chef de conclusions tendant à la réparation du « dommage ultérieur, également moral, découlant de l’anxiété et de l’état d’incertitude dus à [la] situation procédurale » du requérant

61      Pour autant que le requérant demande, au point 47 de la réplique, la réparation du « dommage ultérieur, également moral, découlant de l’anxiété et de l’état d’incertitude dus à sa situation procédurale », il suffit de rappeler que, sous réserve des circonstances prévues à l’article 86 du règlement de procédure, qui n’ont pas été invoquées en l’espèce, seules les conclusions exposées dans la requête introductive d’instance peuvent être prises en considération et que le bien‑fondé du recours doit être examiné uniquement au regard des conclusions contenues dans la requête introductive d’instance.

62      Il s’ensuit que ce chef de conclusions doit être rejeté, de même que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

64      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens de la Cour de justice de l’Union européenne, afférents à la présente instance tant devant le Tribunal que devant le Tribunal de la fonction publique, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Carlo De Nicola est condamné aux dépens afférents à la présente instance tant devant le Tribunal de l’Union européenne que devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 novembre 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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