Mitsubishi Shoji Kaisha and Mitsubishi Caterpillar Forklift Europe (Intellectual, industrial and commercial property - Opinion) French Text [2018] EUECJ C-129/17_O (26 April 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/C12917_O.html
Cite as: EU:C:2018:292, [2018] EUECJ C-129/17_O, ECLI:EU:C:2018:292

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Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 26 avril 2018 (1)

Affaire C129/17

Mitsubishi Shoji Kaisha,

Mitsubishi Caterpillar Forklift Europe

contre

Duma Forklifts,

G. S. International


[demande de décision préjudicielle formée par le Hof van beroep Brussel (cour d’appel de Bruxelles, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel — Marque de l’Union européenne — Droits conférés par la marque — Importations parallèles dans l’EEE — Remarquage de produits avant leur importation dans l’EEE »






1.        Lorsqu’un signe distinctif est enregistré comme marque, son titulaire bénéficie, à l’égard des tiers, d’un ensemble de droits qui lui permettent d’opposer ce signe à ses concurrents. Parmi ces droits se trouve précisément celui d’interdire de faire usage de la marque dans la vie des affaires en l’absence de son consentement.

2.        La législation de l’Union consacre en outre le droit du titulaire d’autoriser, sur le territoire de l’Espace économique européen (ci-après « l’EEE »), la première mise dans le commerce des produits désignés par la marque. Une fois ce droit exercé, le droit de marque est dit épuisé, de sorte que son titulaire ne pourra plus s’opposer aux cessions ultérieures de ces produits, sauf dans certains cas limités (2).

3.        Deux circonstances particulières entrent en ligne de compte dans le présent renvoi préjudiciel :

–        d’une part, un tiers a supprimé (de-branding), en l’absence du consentement du titulaire de la marque, les signes distinctifs de celle-ci apposés sur des chariots-élévateurs qui n’avaient pas été préalablement mis dans le commerce dans l’EEE, étant donné qu’ils se trouvaient stockés sous le régime de l’entrepôt douanier ;

–        d’autre part, ces signes étaient supprimés par le tiers dans l’objectif d’importer ou de mettre ces marchandises dans le commerce dans l’EEE après les avoir revêtues de son propre signe distinctif (re-branding) (3).

4.        Dans ce contexte, la juridiction de renvoi fait part à la Cour de ses doutes sur les limites des droits conférés au titulaire de la marque par la législation applicable en matière de signes distinctifs. Concrètement, elle demande si le tiers qui a agi comme décrit ci-dessus a fait usage de la marque enregistrée, en violation des droits du titulaire de celle-ci.

I.      Le cadre juridique

5.        En droit de l’Union, le régime juridique de protection des marques se compose à la fois des mesures d’harmonisation des droits nationaux (en particulier, la directive 2008/95/C (4), dont les modifications ultérieures ne sont pas pertinentes en l’espèce) (5) et des dispositions régissant la marque de l’Union (6), applicables aux opérateurs qui choisissent ce titre de propriété industrielle de portée continentale (7).

A.      La réglementation des marques

1.      La directive 2008/95

6.        Le considérant 11 indique que :

« La protection conférée par la marque communautaire, dont le but est notamment de garantir la fonction d’origine de la marque, devrait être absolue en cas d’identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services. La protection devrait valoir également en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services. […] »

7.        L’article 5 (intitulé « Droits conférés par la marque »), paragraphes 1 et 3, dispose que :

« 1.      La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires :

a)      d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;

b)      d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque ou le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.

[…]

3.      Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit :

a)      d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;

b)      d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe ;

c)      d’importer ou d’exporter les produits sous le signe ;

d)      d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité. »

8.        L’article 7 (intitulé « Épuisement du droit conféré par la marque ») prévoit que :

« 1.      Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans [l’Union] sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

2.      Le paragraphe 1 n’est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l’état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce. »

2.      Le règlement no 207/2009

9.        Aux termes du neuvième considérant :

« Il découle du principe de libre circulation des marchandises que le titulaire d’une marque [de l’Union] ne peut en interdire l’usage à un tiers pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans [l’Union], sous la marque, par lui-même ou avec son consentement, à moins que des motifs légitimes justifient que le titulaire s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits. »

10.      Les articles 9 (intitulé « Droit conféré par la marque [de l’Union] ») et 13 (intitulé « Épuisement du droit conféré par la marque [de l’Union] ») sont respectivement équivalents aux articles 5 et 7 de la directive 2008/95.

B.      La réglementation douanière

11.      Le régime de l’entrepôt douanier, applicable ratione temporis en l’espèce, constituait l’un des régimes particuliers prévus au titre VII, chapitre I (intitulé « Dispositions générales »), article 135, (intitulé « Champ d’application »), sous b), du règlement (CE) no 450/2008, établissant le code des douanes de l’Union (8).

12.      L’article 141 (intitulé « Manipulations usuelles ») du code des douanes [de l’Union] dispose que :

« Des marchandises placées sous le régime de l’entrepôt douanier ou un régime de transformation, ou placées dans une zone franche, peuvent subir les manipulations usuelles destinées à en assurer la conservation, à en améliorer la présentation ou la qualité marchande ou à en préparer la distribution ou la revente. »

13.      L’article 531 du règlement d’application du code des douanes (9) prévoyait que les « marchandises non communautaires peuvent faire l’objet des manipulations usuelles décrites dans l’annexe 72 ». Cette annexe précise la notion de « manipulations usuelles » et, pour ce qui intéresse la présente affaire, comprend notamment les manipulations suivantes :

« 16. Emballage, déballage, changement d’emballage, décantage et transvasement simple, même si cela aboutit à un code de la nomenclature combinée différent à huit chiffres, apposition, retrait et modification des marques, scellés, étiquettes, porte-prix ou autre signe distinctif similaire » (10).

C.      La législation relative à la concurrence déloyale

14.      Étant donné que la possibilité de recourir à la législation relative à la concurrence déloyale n’est pas exclue, il convient de mentionner l’article 10 bis de la convention de Paris (11), qui dispose que :

« 1)      Les pays de l’Union sont tenus d’assurer aux ressortissants de l’Union une protection effective contre la concurrence déloyale.

2)      Constitue un acte de concurrence déloyale tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.

3)      Notamment devront être interdits :

i)      tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent ;

ii)      les allégations fausses, dans l’exercice du commerce, de nature à discréditer l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent ;

iii)      les indications ou allégations dont l’usage, dans l’exercice du commerce, est susceptible d’induire le public en erreur sur la nature, le mode de fabrication, les caractéristiques, l’aptitude à l’emploi ou la quantité des marchandises.

II.    Faits du litige au principal et questions préjudicielles

A.      Les faits

15.      Mitsubishi Shoji Kaisha Ltd., société établie au Japon (ci-après « Mitsubishi »), gère au niveau mondial le portefeuille de marques du groupe Mitsubishi. En cette qualité, elle agit comme titulaire des marques suivantes (ci-après les « marques Mitsubishi ») :

–      deux marques de l’Union européenne : une marque verbale, « MITSUBISHI », enregistrée le 24 septembre 2001, et une autre, figurative, enregistrée le 3 mars 2000, dont le graphisme est reproduit à la fin du présent tiret, toutes deux inscrites entre autres pour des produits relevant de la classe 12, et en particulier pour des véhicules à moteur, des véhicules électriques et des chariots-élévateurs :

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–      deux marques Benelux enregistrées le 1er juin 1974 : une marque verbale, « MITSUBISHI » et une autre, figurative, dont le graphisme est identique à celui de la marque de l’Union européenne figurative, portant toutes deux, entre autres, sur des produits relevant de la classe 12, y compris des véhicules et moyens de transport terrestres.

16.      Mitsubishi Caterpillar Forklift Europe BV (ci-après « MCFE »), établie aux Pays-Bas, détient l’exclusivité de la production et de la commercialisation dans l’EEE des chariots-élévateurs de la marque Mitsubishi. MCFE travaille avec des distributeurs officiels qui vendent les chariots-élévateurs dans l’EEE. Hors de ce territoire, les chariots-élévateurs Mitsubishi sont fabriqués essentiellement par Mitsubishi Heavy Industries Ltd., société qui fait partie également du groupe Mitsubishi, mais qui est indépendante de la société gestionnaire des marques.

17.      Duma Forklifts NV (ci-après « Duma »), société établie en Belgique, a pour activité principale l’achat et la vente au niveau mondial de chariots-élévateurs, neufs et d’occasion, des marques Mitsubishi, Caterpillar, Nissan et Toyota, entre autres. Elle fabrique également ses propres chariots-élévateurs, sous les dénominations « GSI », « GS » ou « Duma », et exerce une activité de grossiste en chariots-élévateurs, excavateurs, mini-tracteurs et gerbeurs, qu’elle vend à la fois dans l’EEE et en dehors de cette zone. Jusqu’au milieu des années 1990, elle appartenait au réseau des distributeurs officiels des chariots-élévateurs Mitsubishi en Belgique.

18.      G. S. International BVBA (ci-après « GSI »), établie également en Belgique, est liée à Duma, dont elle partage l’administration et le siège. GSI construit et répare des chariots-élévateurs qu’elle importe et exporte en gros, avec leurs pièces de rechange, sur le marché mondial. Elle se charge également d’adapter les chariots-élévateurs à la réglementation européenne en vigueur, en leur attribuant un numéro de série propre. Après plusieurs manipulations, GSI livre les machines à Duma, accompagnées de la déclaration de conformité UE pertinente, qu’elle émet elle-même.

19.      Selon l’ordonnance de renvoi, entre le 1er janvier 2004 et le 12 novembre 2009, Duma et GSI ont exercé un commerce parallèle illicite, c’est-à-dire qu’elles ont commercialisé, en l’absence du consentement du titulaire des marques Mitsubishi, des chariots-élévateurs portant lesdites marques. Cependant, ce comportement ne fait pas l’objet des questions préjudicielles.

20.      À compter du 20 novembre 2009, en revanche, Duma et GSI ont acquis des chariots-élévateurs du même type auprès d’une entreprise du groupe Mitsubishi, qu’ils ont placés sous le régime de l’entrepôt douanier. Pendant qu’ils étaient sous ce régime, les deux entreprises :

–        ont procédé au démarquage complet des engins, en y supprimant les marques Mitsubishi ;

–        ont apporté les modifications nécessaires afin d’adapter les chariots-élévateurs aux normes de l’Union ;

–        y ont apposé leurs propres marques et ont remplacé les plaquettes d’identification et les numéros de série par les leurs ;

–        finalement, ont importé et vendu les véhicules dans l’EEE et les pays tiers.

B.      La procédure devant les juridictions nationales

21.      Le 10 novembre 2008, Mitsubishi et MCFE ont saisi le Rechtbank van koophandel te Brussel (tribunal de commerce de Bruxelles, Belgique) d’une demande de cessation des actes d’importation parallèle et de démarquage et remarquage qu’elles imputaient à Duma et à GSI. Par jugement du 17 mars 2010, ledit tribunal a rejeté le recours.

22.      Mitsubishi et MCFE ont interjeté appel du jugement de première instance. Elles concluent, en substance, à ce que le Hof van beroep Brussel (cour d’appel de Bruxelles, Belgique) annule le jugement et interdise le commerce parallèle des chariots-élévateurs pourvus des marques Mitsubishi, ainsi que celui de ces mêmes véhicules démarqués.

23.      Les appelantes prétendent que la pratique du démarquage et remarquage par un signe différent des chariots-élévateurs, ainsi que leur importation ultérieure dans l’EEE, portent atteinte à leurs droits de marque. Le comportement litigieux non seulement ne tient pas compte de la fonction d’indication de l’origine du produit, mais en outre viole le droit du titulaire de la marque à contrôler la première mise dans le commerce, dans l’EEE, des produits pourvus de ses marques. Le régime de l’entrepôt douanier ne doit pas, selon elles, se transformer en une zone libre de tout droit ; elles ajoutent que, après le démarquage et remarquage, le consommateur continuerait à reconnaître les chariots-élévateurs de Mitsubishi.

24.      Duma et GSI contestent que les droits de Mitsubishi soient violés. Les marques supprimées pendant que les marchandises se trouvaient en entrepôt douanier étaient asiatiques et non européennes. En outre, ayant adapté les chariots-élévateurs aux normes en vigueur dans l’Union, elles se considèrent comme fabricantes de ces véhicules et estiment, par conséquent, avoir le droit d’y apposer leurs propres marques.

25.      Dans l’ordonnance même qui contient le renvoi préjudiciel, le Hof (cour d’appel) a accueilli (en partie) les recours de Mitsubishi et de MCFE s’agissant des faits antérieurs au 20 novembre 2009. Cependant, il émet des doutes quant à l’applicabilité des actions en matière de marques aux comportements postérieurs à cette date, c’est-à-dire la suppression des marques Mitsubishi, leur substitution par les marques de Duma et GSI, ainsi que la suppression de la plaquette d’identification et du numéro de série des véhicules. Il estime que la Cour ne s’est jamais prononcée sur la pratique de démarquage telle que celle à laquelle ont procédé Duma et GSI.

26.      Dans ce contexte, le Hof van beroep Brussel (cour d’appel de Bruxelles) a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes :

« 1.      a)      L’article 5 de la directive 2008/95/CE et l’article 9 du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (version codifiée) impliquent-ils le droit pour le titulaire de la marque de s’opposer à la suppression par un tiers, sans son consentement, de tous les signes identiques aux marques apposés sur les produits (démarquage), lorsqu’il s’agit de marchandises n’ayant jamais été commercialisées dans l’Espace économique européen, comme les marchandises placées en entrepôt douanier, et lorsque cette suppression a lieu en vue d’importer ou de mettre dans le commerce ces marchandises dans l’Espace économique européen ?

b)      Importe-t-il aux fins de la réponse à la question sous a) de savoir si l’importation ou la mise dans le commerce dans l’Espace économique européen de ces marchandises a lieu sous un signe distinctif propre apposé par ce tiers (remarquage) ?

2.      Importe-t-il pour la réponse à la première question que les produits ainsi importés ou mis dans le commerce sont encore identifiés par le consommateur moyen pertinent comme provenant du titulaire de la marque, en raison de leur apparence extérieure ou de leur modèle ? »

III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

A.      Procédure

27.      L’ordonnance de renvoi est parvenue au greffe de la Cour le 13 mars 2017 ; Mitsubishi, Duma, le gouvernement allemand et la Commission ont présenté des observations écrites.

28.      Une audience s’est tenue le 8 février 2018, à laquelle ont participé les représentants de Mitsubishi, de Duma et de la Commission.

B.      Résumé des arguments des parties

29.      Mitsubishi (12) soutient que le seul motif pour lequel Duma et GSI soumettent les chariots-élévateurs acquis en dehors de l’EEE aux manipulations décrites est de contourner les règles relatives à l’épuisement du droit conféré par la marque. Elle suggère d’interpréter l’article 5 de la directive 2008/95 et la disposition correspondante du règlement no 207/2009 (l’article 9) en ce sens qu’ils accordent au titulaire d’une marque le droit de s’opposer à la suppression par un tiers, en l’absence de son consentement, de tous les signes apposés sur les produits (démarquage), lorsqu’il s’agit de marchandises n’ayant encore jamais été commercialisées dans l’EEE, telles que celles placées en entrepôt douanier.

30.      Elle souligne aussi que l’énumération des usages de la marque que le titulaire de la marque peut interdire aux tiers, figurant à l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/95 et à l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 n’est pas exhaustive (13). À son avis, le droit du titulaire de contrôler la première mise dans le commerce constitue l’objet spécifique du droit de marque (14). Bien que l’introduction de produits sous le régime suspensif de l’entrepôt douanier ne soit pas considérée comme un usage de la marque, elle n’emporte pas pour autant une autorisation de soumettre ces produits à des manipulations dont le seul objectif est de contourner le droit du titulaire de surveiller leur mise en circulation sur le marché.

31.      En outre, ces opérations porteraient atteinte aux fonctions de la marque, tant celle de garantie de l’origine du produit et de sa qualité (15) que celles relatives à l’investissement (16) et à la publicité (17). Elle estime dépourvus de pertinence le nouveau marquage au moyen du signe de l’importateur et le fait que le consommateur reconnaisse Mitsubishi comme fabricant des chariots-élévateurs. Ce dernier élément signifierait en outre que l’impression serait donnée au consommateur qu’il existe un lien commercial avec le titulaire de la marque d’origine et, partant, Duma et GSI profiteraient des marques du fabricant, compromettant ainsi la réputation de celles-ci (18).

32.      Duma propose, en revanche, de répondre par la négative aux questions préjudicielles. Elle base son argumentation sur le fait qu’il n’est nullement question d’usage d’un signe identique ou similaire à l’une des marques européennes de Mitsubishi, étant donné que ce n’est qu’après suppression des marques que les produits sont importés dans l’Union (19). Elle estime applicable la jurisprudence de la Cour en vertu de laquelle le titulaire d’une marque ne peut s’opposer à la seule introduction dans l’Union, sous le régime de l’entrepôt douanier, de produits d’origine revêtus de cette marque et qui n’ont pas été auparavant mis dans le commerce dans l’EEE (20).

33.      Elle rappelle que, selon cette jurisprudence, le titulaire du droit ne peut invoquer une atteinte à ses droits exclusifs que s’il y a une mise en libre pratique des produits qui portent sa marque ou s’il est établi que les marchandises doivent être vendues ou offertes dans l’EEE, ce qui impliquerait nécessairement leur mise dans le commerce dans ce territoire (21). Cependant, elle souligne que cette faculté du titulaire ne comprendrait que les cas dans lesquels les produits seraient introduits sur le marché sous la marque (22). Pour cette raison, en l’absence d’usage d’un signe identique ou similaire aux marques de Mitsubishi, Duma nie toute pertinence à la perception du consommateur moyen.

34.      Le gouvernement allemand propose également de répondre par la négative aux questions préjudicielles. Il déduit du libellé de l’article 5 de la directive 2008/95 et de l’article 9 du règlement no 207/2009 que l’exercice des droits conférés par la marque suppose un usage de celle-ci, notion qui est interprétée de la même manière dans les deux dispositions (23). Une approche systématique aboutit au même résultat, étant donné que les exemples mentionnés par les deux dispositions comme usages soumis à l’autorisation du titulaire de la marque impliquent que le signe doit apparaître comme tel dans la vie des affaires, ce qui n’arriverait pas si la marque était complètement supprimée du produit. Cependant, il n’exclut pas que le titulaire de la marque, pour s’opposer à l’importation des biens ayant fait l’objet d’un remarquage, invoque les normes régissant la concurrence déloyale.

35.      Pour le gouvernement allemand, le démarquage complet ne porte atteinte à aucune des fonctions de la marque (24). Il serait encore moins question, en l’espèce, de la violation du droit de contrôler la première mise dans le commerce des marchandises dans l’EEE, étant donné que le droit des marques ne protège pas le titulaire de la marque de la commercialisation de ses produits en l’absence de son marquage (25). Dans ce contexte, il exclut que l’arrêt Portakabin (26) s’oppose à cette conclusion, étant donné que cette affaire ne portait pas sur la suppression complète de la marque, mais sur l’usage publicitaire qu’en faisait un tiers.

36.      La Commission est en faveur d’une réponse affirmative aux questions préjudicielles. Elle part du principe que le droit de l’Union ne connaît pas l’épuisement international, de sorte qu’en l’espèce, en l’absence d’une vente dans l’EEE, le titulaire peut s’opposer à la commercialisation de marchandises portant sa marque sur ce territoire (27). Elle considère que, si le placement, par un tiers, de marchandises sous un régime tel que celui de l’entrepôt douanier n’implique pas une atteinte au droit exclusif du titulaire de la marque (28), il en va autrement lorsque certaines opérations commerciales sont réalisées dans l’Union, comme l’offre à la vente ou la publicité, ou lorsqu’il existe des raisons de craindre le détournement des produits vers l’EEE (29).

37.      Selon la Commission, Duma et GSI auraient utilisé le régime de l’entrepôt douanier pour introduire les chariots-élévateurs sur le territoire de l’EEE en vue d’effectuer leur importation, auquel cas il n’importerait pas de savoir si le démarquage de la marchandise peut être qualifié d’opération illicite du point de vue de la concurrence déloyale.

IV.    Appréciation

A.      Approche et observations préliminaires

38.      La juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 5 de la directive 2008/95 et l’article 9 du règlement no 207/2009 permettent à Mitsubishi de s’opposer à la suppression de ses marques sur les chariots-élévateurs, comme l’ont fait Duma et GSI.

39.      Étant donné que l’absence de consentement du titulaire de la marque et l’emploi de celle-ci dans la vie des affaires (c’est-à-dire, deux des conditions d’application de ces dispositions) ne sont pas contestés, la question se concentre fondamentalement sur le point de savoir s’il y a eu un usage des marques litigieuses. Je m’efforcerai d’expliquer les raisons qui me font penser qu’il n’y a pas eu un tel usage (titre B).

40.      Le fait que Duma et GSI aient appliqué, après le démarquage, leurs propres signes sur les chariots-élévateurs lorsqu’ils se trouvaient sous le régime d’entrepôt douanier ne serait rien de plus qu’un artifice juridique pour contourner le droit du titulaire de la marque d’interdire l’importation parallèle des produits, droit qui lui est conféré en vertu de l’absence de reconnaissance de l’épuisement international dans l’ordre juridique de l’Union. Cette thèse est celle de Mitsubishi, à laquelle fait référence la juridiction de renvoi. Il conviendra donc, dans un deuxième temps, d’analyser s’il y a eu contournement légal ou fraude, au détriment des droits du titulaire de la marque (titre C).

41.      Enfin, il sera utile d’examiner brièvement les règles relatives à la concurrence déloyale, en ce qu’elles pourraient apporter plus facilement une réponse à des comportements tels que ceux en cause en l’espèce (titre D).

42.      Avant d’entamer mon analyse, je souhaite formuler deux observations. La première est que, pour résoudre le problème, il convient d’orienter le débat vers l’usage (ou le non-usage) du signe, c’est-à-dire vers les dispositions de la directive 2008/95 et du règlement no 207/2009 qui régissent les droits du titulaire de la marque. À mon sens, ce sont celles-ci, et non les dispositions douanières, qui permettent de répondre à la question clé du renvoi préjudiciel, qui porte précisément sur l’article 5 de la directive et sur l’article 9 du règlement.

43.      La deuxième observation est qu’il ressort des éléments du dossier et de ceux qui ont été exposés lors de l’audience que, bien que provenant initialement de Mitsubishi et portant les marques de cette société, les chariots-élévateurs commercialisés par Duma ont subi des modifications de leur structure alors qu’ils se trouvaient en entrepôt douanier. Par ces modifications, Duma entendait adapter les véhicules aux exigences du droit de l’Union en matière de sécurité et d’environnement afin de les mettre ensuite dans le commerce au sein de l’EEE. La commercialisation est opérée sous les marques de Duma, qui se présente au consommateur comme responsable des chariots-élévateurs, dont il assure le service après-vente, en concurrence avec Mitsubishi.

B.      Le démarquage en tant qu’« usage » des marques Mitsubishi

1.      Les droits du titulaire de la marque

44.      Ainsi que l’a jugé la Cour, « [s]elon l’article 5, paragraphe 1, première phrase, de la directive [(30)], la marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. En vertu du même paragraphe, sous a), ce droit exclusif habilite le titulaire à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée » (31).

45.      Or, la Cour a également précisé qu’ « aux articles 5 et 7 de la directive [89/104], le législateur communautaire a consacré la règle de l’épuisement communautaire, c’est-à-dire celle en vertu de laquelle le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans l’EEE sous cette marque par lui-même ou avec son consentement. En adoptant ces dispositions, le législateur [de l’Union] n’a pas laissé aux États membres la possibilité de prévoir dans leur droit national l’épuisement du droit conféré par la marque pour des produits mis dans le commerce dans des pays tiers (arrêt du 16 juillet 1998, Silhouette International Schmied, C‑355/96, [EU:C:1998:374], point 26) » (32).

46.      Pour ce qui nous intéresse en l’espèce, il y a lieu d’indiquer une limite au droit du titulaire de la marque de contrôler la première mise dans le commerce dans l’EEE : « la circulation de marchandises entre des bureaux de douane et le stockage de marchandises dans un entrepôt placé sous surveillance douanière […] ne sauraient, en tant que telles, s’analyser comme une mise en vente de marchandises dans l’Union » (33).

47.      Il découle de cette prémisse que « les marchandises placées sous un régime douanier suspensif ne sauraient, du seul fait de ce placement, porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle applicables dans l’Union » (34). Ce n’est qu’en cas d’offre ou de vente des produits revêtus de la marque à des tiers dans l’EEE qu’il peut être porté atteinte au droit exclusif du titulaire.

2.      Interprétation du terme « usage »

48.      La Cour a jugé que ne constituaient pas des usages portant atteinte au droit des marques la mention orale de la marque concurrente à titre d’exemple entre professionnels (35), les annonces relatives aux accessoires et pièces détachées pour la réparation et l’entretien de voitures (36), et les enseignes commerciales, pour autant qu’elles respectent les usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale (37). Cependant, elle ne s’est pas encore prononcée sur le « non-usage » dans des conditions analogues à celles de la présente affaire (sauf erreur de ma part).

49.      Dans l’arrêt Portakabin (38), la Cour a examiné un comportement plus ou moins similaire à celui en cause en l’espèce, mais qui s’en différencie par un facteur clé, à savoir l’emploi à des fins publicitaires de la marque du titulaire, pour lequel il n’aurait pas donné son consentement (39). La Cour a considéré que le titulaire était habilité à interdire à un annonceur de faire de la publicité à partir d’un mot clé identique ou similaire à cette marque qu’il aurait sélectionné sans son consentement. La question de la juridiction de renvoi portait dans cette affaire sur l’usage du signe protégé dans la publicité sur Internet, l’absence de toute question sur la suppression de la marque est donc à cet égard tout à fait révélatrice. Dans l’arrêt, il n’apparaît pas que l’entreprise titulaire du droit de marque ait fait valoir que l’atteinte à son droit résultait de la pratique du démarquage et du remarquage.

a)      Interprétation littérale

50.      Du point de vue sémantique, dans leur première acception, les termes « faire usage » signifient « utiliser pour quelque chose ». L’emploi d’une marque pour identifier les produits d’un fabricant constitue donc un usage de cette marque.

51.      Inversement et en toute logique, la suppression ou le retrait de la marque d’un produit déterminé représente l’opposé de l’usage de ce signe distinctif. Je suis donc d’accord avec le gouvernement allemand (40) pour dire que la suppression complète de la marque ne saurait être considérée comme un usage de celle-ci. Il est difficile d’affirmer qu’en enlevant d’un produit la marque qui jusque-là le différenciait des autres, l’auteur de ce comportement continue à faire usage du signe qui a disparu comme élément d’identification de l’origine du produit.

52.      Conformément à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/95 et à l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, l’usage doit avoir lieu dans la « vie des affaires ». La jurisprudence a affirmé, à plusieurs reprises, que cette expression faisait référence à l’usage qui se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé (41). L’élimination de la marque des produits qui en sont revêtus impliquera donc l’absence de cette marque sur le marché, c’est-à-dire dans la vie des affaires, de sorte que le consommateur ne pourra pas la percevoir.

53.      Comme le signale Duma, le défaut de signe distinctif ne pourrait être considéré comme un usage de nature à porter atteinte aux droits du titulaire de la marque que dans deux hypothèses : a) si la marque est constituée de la forme tridimensionnelle du produit, enregistrée après avoir résisté à l’examen des motifs absolus de refus de l’article 3, paragraphe 1, sous b), c) et e), de la directive 2008/95 (42), et b) si une couleur enregistrée comme marque a été invariablement utilisée jusqu’à ce qu’elle acquière un caractère distinctif (43). Aucune de ces hypothèses ne correspond au cas d’espèce.

b)      Interprétation systématique

54.      Du point de vue systématique, il convient d’examiner l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/95 et l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009. Ces dispositions, précisant les usages interdits en l’absence du consentement du titulaire de la marque, ne citent pas le comportement consistant à supprimer des marchandises le signe dont elles étaient revêtues jusque-là.

55.      L’énumération des types d’usage que le titulaire de la marque peut interdire, telle qu’elle figure dans ces deux articles, n’est pas exhaustive (44). Mais, comme le signale le gouvernement allemand (45), il est naturel que cette liste ne mentionne pas la suppression de la marque : selon la logique des deux dispositions, le signe prétendument utilisé doit apparaître sur le marché pour y déployer ses effets comme instrument de communication.

56.      Une fois que Duma et GSI ont supprimé les marques Mitsubishi des chariots-élévateurs, en les remplaçant par leurs propres marques, il me semble clair qu’elles ne font pas usage des signes distinctifs de Mitsubishi. Une autre question serait de savoir si les signes qui font l’objet du remarquage (« Duma » et « GSI ») présentent une certaine similitude avec les marques Mitsubishi, similitude dont le titulaire de celles-ci ne prétend pas qu’elle existe, et qui ne semble pas probable (bien qu’il s’agisse d’une question de fait qu’il appartiendrait à la juridiction de renvoi de trancher).

57.      S’il en va ainsi, comme je le pense, le fait que les marchandises commercialisées par Duma et GSI soient plus ou moins similaires à celles de Mitsubishi est sans pertinence dans la perspective du droit des marques. La question dont la Cour est saisie en l’espèce est relative à l’usage de marques qui appartiennent à un titulaire, c’est-à-dire au signe distinctif en tant que tel, et non à la plus ou moins grande similitude des produits qu’elles identifient.

c)      Interprétation téléologique

58.      Selon la Cour, l’article 2 de la directive 2008/95 consacre la fonction essentielle que la marque est appelée à remplir, en disposant que seuls les signes propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises peuvent constituer une marque (46).

59.      La marque protège donc la manière dont son titulaire individualise ses produits : le monopole du signe, opposable aux tiers, lui est octroyé dans un souci de transparence de l’information sur le marché, pour identifier ces produits, de sorte qu’ils soient associés au signe protégé. Si le signe qui jusque-là différenciait une marchandise en est supprimé, le consommateur pourra être induit en erreur ou il pourra y avoir un comportement commercial déloyal, mais, encore une fois, il ne s’agira pas pour autant d’un usage indu de la marque qui figurait jusque-là sur ladite marchandise.

60.      Comme je l’exposerai ci-après, face à un comportement présentant ces caractéristiques, impliquant une tromperie du consommateur ou une pratique commerciale déloyale, la réponse juridiquement appropriée suit d’autres voies procédurales.

d)      Notes de droit comparé

61.      Le droit de certains États membres confirme cette approche. Je me limiterai à trois exemples.

62.      Au Royaume-Uni (47), la suppression de la marque sur les produits qui en étaient revêtus n’ouvre pas le droit à son titulaire de s’opposer au démarquage (de-branding), pour autant qu’il soit complet, c’est-à-dire que le signe antérieur ait été totalement éliminé. La jurisprudence britannique accueille cette thèse et refuse d’y voir une violation du droit du titulaire de la marque de s’opposer à son usage par un tiers (48).

63.      En droit allemand, la doctrine soutient aussi que la suppression de la marque ne remplit pas les conditions d’application relatives aux infractions du droit des marques (49). Elle se base sur la jurisprudence du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) selon laquelle, dans la même ligne que les arrêts britanniques, « lorsque la marchandise, modifiée ou non, est revendue après retrait de la marque du fabricant, ce dernier ne peut pas invoquer ses droits de marque, puisqu’il n’y a pas eu usage de la marque enregistrée » (50).

64.      Il est certain qu’en France, « [l]a suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée » constitue une infraction au droit du titulaire de cette marque. Mais il en est ainsi parce que le législateur a introduit expressément, dans l’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle, l’interdiction de ce comportement, sauf autorisation du propriétaire (51). Le fait qu’il ait été nécessaire d’introduire cette règle, en complément de la protection contre l’usage indu de la marque, montre qu’en son absence, il ne conviendrait pas de la considérer comme incluse dans la liste des facultés que l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/95 et l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 confèrent au titulaire de la marque.

65.      Je suis conscient que ces exemples concernent le droit interne, dans lequel s’applique le principe de l’épuisement, mais il n’apparaît jamais que l’approche suivie (qui pourrait être résumée par la règle « no use, no infringement ») se justifie par un lien avec ce principe.

e)      La fonction du législateur

66.      Si les droits des États membres accusent des différences notables quant à l’inclusion du démarquage et du remarquage comme hypothèses d’usage indu de la marque, c’est que le législateur de l’Union s’est abstenu de prendre une décision à cet égard. L’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/95 et l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 se bornent à réguler des usages des marques, mais ne vont pas au-delà : dès lors, les États membres peuvent édicter leurs propres règles, favorables ou défavorables, relatives au non-usage (ou à la suppression) du signe distinctif, dans le cadre de leur liberté normative.

67.      Interpréter l’absence d’usage comme constituant malgré tout un usage au sens de ces deux articles équivaudrait à donner au droit de l’Union une portée qui, à mon avis, excéderait celle qu’il convient de lui attribuer selon cette réglementation et qui n’aurait d’ailleurs pas été prévue par les États membres (comme le démontre le fait que certains d’entre eux y restent opposés). Voulant faire œuvre d’interprétation, nous en viendrions probablement à adopter une solution plutôt législative.

3.      Les fonctions de la marque

68.      Dans la jurisprudence de la Cour, à tout le moins dans l’hypothèse de « double identité » visée à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/95, l’exercice du droit exclusif est réservé aux cas dans lesquels l’usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque, qu’il s’agisse de la fonction essentielle d’indication d’origine du produit ou du service couvert par la marque ou de l’une des autres fonctions de celle-ci (52). Parmi les autres fonctions se trouvent, notamment, celle de la garantie de la qualité de ce produit ou service et celles de communication, d’investissement ou de publicité (53).

69.      Il convient de souligner, en tout état de cause, que la Cour de justice met toujours en évidence l’usage du signe protégé. Comme j’avance qu’il n’y a pas réellement eu, en l’espèce, usage des marques Mitsubishi, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’aborder le débat de l’éventuelle atteinte aux fonctions propres de ces marques, débat qui n’a de sens qu’en cas d’usage de celles-ci.

70.      Si, en revanche, la notion d’usages pouvant être interdits par le titulaire de la marque couvrait des comportements tels que ceux analysés en l’espèce, il serait nécessaire de rechercher si la fonction de la marque servant à indiquer l’origine des produits a été méconnue (54). Il s’agirait d’une question de fait, qu’il appartiendrait à la juridiction de renvoi de trancher, sachant qu’étant donné le caractère particulier des chariots-élévateurs, utilisés dans des activités de stockage ou similaires, les consommateurs seront généralement des professionnels, possédant un degré de discernement élevé (55).

71.      À cet effet, une donnée qui apparaît dans l’ordonnance de renvoi pourrait s’avérer pertinente : si, comme l’affirme la juridiction de renvoi (deuxième question préjudicielle), malgré le remarquage des produits, les consommateurs continuent de les percevoir comme provenant de Mitsubishi, il semble probable que la confusion sur l’origine du produit fera défaut (56).

C.      Placement des marchandises sous le régime de l’entrepôt douanier

72.      Je déduis des considérations qui précèdent que la suppression, sur un certain produit, du signe qui y figurait ne constitue pas un usage de la marque pour lequel le consentement de son titulaire serait indispensable. L’apposition d’un autre signe n’habiliterait ce titulaire à interdire la commercialisation des produits que si le remarquage était identique ou similaire au signe original, ce qui n’apparaît pas avoir été le cas en l’espèce.

73.      S’il en est ainsi, les problèmes relatifs à l’application du droit des douanes ont en réalité beaucoup moins d’intérêt pour le présent litige. En principe, pendant que les biens se trouvent en entrepôt douanier, aucune atteinte aux droits de la marque protégés au sein de l’Union ne peut avoir lieu. En outre, les questions relatives à la première mise dans le commerce des marchandises dans l’EEE ne se posent, dans la perspective du droit des marques, que quand il s’agit de produits pourvus d’un signe distinctif que son titulaire estime avoir fait l’objet d’une violation. Si, au contraire, il s’agit de marchandises dépourvues de ce signe, je réitère que le titulaire de la marque supprimée ne pourra plus s’en prévaloir (mais pourra éventuellement opposer d’autres moyens).

74.      Je prendrai néanmoins position, à titre subsidiaire, sur les autres allégations soulevées.

1.      Sur l’allégation de fraude

75.      Mitsubishi soutient que les pratiques de démarquage et de remarquage enfreignent son droit de contrôler la première mise dans le commerce des produits revêtus de sa marque (57), dans la mesure où leur seul objectif est de contourner ou de neutraliser ce droit. Elle invoque, au soutien de sa thèse, un passage de l’arrêt TOP Logistics e.a. (58).

76.      L’argument de fraude à la loi n’est pas aisé à prouver. En réalité, la juridiction de renvoi ne pose même pas ses questions en ces termes. Néanmoins, celle-ci ayant élargi la première question (relative au démarquage) à celle relative à l’importation ou à la commercialisation dans l’EEE des marchandises après leur remarquage, il n’y a aucun inconvénient à examiner si la réglementation douanière pourrait avoir été utilisée, en l’espèce, de manière frauduleuse.

77.      La Cour de justice a jugé que les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes de l’Union (59). Pour pouvoir constater l’existence d’une pratique abusive, les conditions suivantes doivent être réunies :

–        « il doit ressortir d’un ensemble de circonstances objectives que, malgré le respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint »,

–        « il existe une volonté d’obtenir un avantage indu résultant de la réglementation de l’Union en créant artificiellement les conditions requises pour l’obtention de celui-ci » (60).

78.      Or, même si, en recourant au démarquage et ensuite au remarquage, Duma et GSI peuvent introduire dans l’EEE les chariots-élévateurs initialement fabriqués par Mitsubishi, ils le font en les adaptant aux exigences techniques du droit de l’Union. Il convient de souligner, en outre, qu’elles ne cherchent pas à les vendre en mettant en évidence la marque (et autres signes distinctifs) de ce fabricant mais les leurs.

79.      Partant, Duma et GSI ne portent pas atteinte au droit du titulaire d’une marque enregistrée, qui prévaut quand les produits sont introduits en étant encore revêtus de cette marque. C’est ce qui résulte de l’article 5, paragraphe 3, sous c), de la directive 2008/95 (« d’importer ou d’exporter les produits sous le signe ») (61).

80.      En réalité, la référence à l’arrêt TOP Logistics e.a. (62) n’est d’aucune aide pour Mitsubishi. Il est fait allusion dans cet arrêt au droit du titulaire de la marque de contrôler la première mise dans le commerce dans l’EEE de produits revêtus de cette marque. Dans cette affaire, les marchandises avaient été mises en libre pratique et ultérieurement placées sous le régime de suspension des droits d’accise, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En outre, les opérations auxquelles Duma et GSI soumettent les chariots-élévateurs pourraient éventuellement relever de l’article 531 du règlement d’application du code des douanes, qui admet, notamment, les manipulations usuelles consistant en « apposition ou retrait de marques » (63).

81.      En somme, je ne perçois aucune fraude à la loi ou abus de droit de la part des défenderesses, étant donné que :

–        pendant le placement des marchandises sous le régime d’entrepôt douanier, les manipulations auxquelles elles sont soumises ont un objectif légitime (les adapter à des exigences techniques) et les produits ne se trouvent pas encore, juridiquement, dans l’EEE ;

–        le titulaire de ces marques ne peut pas s’opposer à la mise en libre pratique des produits, en vue de leur consommation dans l’EEE, lorsque ses marques ne sont pas perceptibles, en tant que telles, par le consommateur ;

–        dans ces conditions, la situation du titulaire est, plutôt, comparable à celle dans laquelle il se trouve en cas d’importation directe des marchandises après leur démarquage et remarquage en dehors de l’EEE.

2.      Usage dans la vie des affaires de la marchandise placée sous le régime d’entrepôt douanier

82.      La Commission, bien qu’elle ne constate pas non plus de fraude, estime que, s’il existait des raisons de penser que les produits pourraient être détournés vers les consommateurs de l’EEE, il conviendrait de parler d’un usage dans la vie des affaires et, par conséquent, d’une violation du droit de marque, même s’ils sont placés sous le régime d’entrepôt douanier (64). Elle cite plusieurs arrêts de la Cour à l’appui de cette thèse.

83.      Les trois arrêts mentionnés par la Commission portaient sur des marchandises pirates (copies ou imitations), de contrefaçon (la marque était apposée sur des produits non élaborés par son titulaire) (65) ou originales mais conservant la marque du producteur, provenant de pays tiers et placées sous un régime suspensif. Dans ces trois cas, les questions portaient sur le point de savoir si le titulaire du droit de marque était habilité à s’opposer à la vente (ou à l’offre) effectuée durant le placement du produit sous un régime suspensif, en arguant du simple risque qu’elles soient mises dans le commerce dans l’EEE (66).

84.      Or, d’une part, il ressort, en l’espèce, de l’exposé de la juridiction de renvoi que les marchandises n’ont fait l’objet ni d’une vente ni d’une offre sous le signe du producteur (Mitsubishi) dans l’EEE, pendant qu’elles se trouvaient sous le régime d’entrepôt douanier. À cet égard, il incombe en outre au titulaire du droit de marque d’apporter la preuve des circonstances permettant l’exercice du droit d’interdiction (article 5 de la directive 2008/95 et article 9 du règlement no 207/2009), en établissant soit une mise en libre pratique, soit une offre ou une vente des marchandises non communautaires revêtues de sa marque (67).

85.      Par conséquent, tant que ce type de preuve n’a pas été apporté, les marchandises placées sous le régime de l’entrepôt douanier ne sauraient, de ce seul fait, porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle (68). En plus, durant leur placement sous ce régime, elles peuvent être soumises aux manipulations usuelles légalement reconnues comme licites en vertu de l’article 141 du code des douanes et de l’article 531 de son règlement d’application, déjà cité.

86.      D’autre part, dans ces trois affaires, le risque de détournement de la marchandise vers les consommateurs européens découlait du fait que les marchandises, dans les cas d’offre ou de revente à des clients, pouvaient avoir été introduites dans l’EEE revêtues du signe du fabricant d’origine, ce qui emportait une atteinte réelle au droit de marque. Au contraire, cette circonstance ne se présente pas en l’espèce : après les manipulations (démarquage et remarquage, notamment) auxquelles elles étaient soumises pendant qu’elles se trouvaient sous le régime suspensif, les marchandises ne devaient pas être mises en présence, sur le marché, d’autres marchandises identiques revêtues du même signe.

87.      En outre, Duma pouvait exporter les chariots-élévateurs vers des pays tiers après la manipulation (69), ce qui, en tout état de cause, n’aurait pas porté atteinte au droit de marque du titulaire, tant qu’ils n’avaient pas fait préalablement l’objet d’une mise en libre pratique. Dans ces conditions, accepter la saisie des biens aurait supposé une présomption de violation des droits de marque, incompatible avec la jurisprudence citée ci-dessus.

88.      La Commission s’arrête uniquement à la commercialisation des produits (70), sans prendre en compte la présence ou l’absence de la marque au moment de leur éventuelle introduction dans l’EEE. Or, cet élément est, à mon avis, important. La fiction juridique selon laquelle les marchandises placées en entrepôt douanier ne se trouvent pas sur le marché de l’EEE assimile ces marchandises aux produits directement importés de pays tiers qui auraient également fait l’objet d’un démarquage et remarquage : dans une telle hypothèse, le titulaire de la marque ne pourrait pas s’en prévaloir pour retenir ces marchandises, ce qu’il convient d’extrapoler au cas d’espèce.

89.      En d’autres termes, si le titulaire de la marque ne peut pas s’opposer à l’importation dans l’EEE de ses propres biens démarqués et remarqués par un tiers sans son consentement, étant donné qu’il n’y a pas usage de son signe enregistré, il ne peut pas non plus le faire s’agissant de ses marchandises originales soumises aux mêmes manipulations sous le régime de l’entrepôt douanier qui, par définition sont des marchandises non communautaires.

D.      La protection par la réglementation relative à la concurrence déloyale

90.      Conjointement avec la publicité trompeuse et comparative (71), le droit de l’Union a harmonisé partiellement le droit de la concurrence déloyale en ce qui concerne les pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs (72).

91.      En revanche, les comportements déloyaux entre commerçants échappent, à ce jour, à une réglementation spécifique dans le cadre de l’Union. Pour lutter contre ces comportements, il conviendra de recourir à la réglementation nationale de chaque État membre. On ne saurait prétendre, comme l’a fait la Commission à l’audience, qu’à défaut d’harmonisation des règles relatives à la concurrence déloyale entre entreprises dans l’Union, il conviendrait de renforcer le droit du titulaire de la marque par voie prétorienne. La création progressive du marché intérieur implique d’admettre qu’en l’absence de mesures d’harmonisation des droits nationaux, les divergences entre ceux-ci sont légitimes jusqu’à ce qu’il soit remédié à cette situation par une action du législateur de l’Union.

92.      En outre, il ressort du treizième considérant de la directive 2008/95 que les États membres sont signataires de la convention de Paris, dont l’article 10 bis les oblige à assurer une protection effective contre la concurrence déloyale (73). On peut donc raisonnablement s’attendre à ce que, malgré les différences, tous les États membres disposent de législations à cette fin.

93.      Certains États membres (74) ont étendu l’application des dispositions de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales aux relations des commerçants entre eux. Et effectivement, conformément à cette directive, la suppression de la marque d’un produit et son remplacement par une autre pourrait, probablement et en fonction des circonstances, relever de la clause générale de l’article 5, paragraphe 1 (en tant que « pratique commerciale déloyale »), ou bien du paragraphe 4, sous a), du même article (en tant que « pratique trompeuse »).

94.      Dans d’autres ordres juridiques, comme en Allemagne, la doctrine tend à considérer les cas de démarquage et de remarquage de produits comme des comportements de nature à entraver, en principe, la concurrence (Wettbewerbsbehinderung), et concrètement à faire obstacle à la vente (Absatzbehinderung) et à la publicité (Werbebehinderung) (75).

95.      En me référant à ces sources, je ne cherche pas à m’immiscer dans les possibilités dont peut disposer la juridiction de renvoi dans son droit national pour qualifier le comportement en cause en l’espèce. Je me limite à ouvrir la perspective en apportant des éléments de réponse de nature procédurale à un comportement éventuellement illicite, au-delà du cadre circonscrit du droit des marques (76).

V.      Conclusion

96.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles soulevées par le Hof van beroep Brussel (cour d’appel de Bruxelles) :

« Ne constitue pas un usage d’une marque, au sens de l’article 5 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques et de l’article 9 du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union] la suppression par un tiers, en l’absence du consentement du titulaire de la marque, des signes apposés sur des marchandises, quand :

–        ces marchandises n’ont pas été mises dans le commerce préalablement dans l’Espace économique européen, du fait qu’elles se trouvaient stockées dans un entrepôt douanier, dans lequel elles ont subi des modifications en vue de les adapter aux normes techniques de l’Union, et

–        quand il est procédé à la suppression des signes dans le but d’importer ou de mettre dans le commerce dans l’Espace économique européen ces marchandises revêtues d’une (nouvelle) marque, autre que celle d’origine ».


1      Langue originale : l’espagnol.


2      Cependant, cet épuisement n’a pas lieu si les marchandises pourvues de la marque enregistrée ont été vendues d’abord dans des pays tiers.


3      J’utiliserai ci-après les termes « démarquage » et « remarquage » pour désigner les actions appelées en anglais « de-branding » et « re-branding », mais je pourrai parfois recourir à une périphrase.


4      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2008, L 299, p. 25).


5      La directive (UE) 2015/2436 du Parlement Européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, (JO 2015, L 336, p. 1), dont la dénomination est identique à celle de la précédente, modifie celle-ci, mais n’est pas applicable ratione temporis en l’espèce.


6      La version applicable en l’espèce est celle du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1). Il existe une version postérieure, codifiée dans le règlement (UE) no 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), qui ne concerne pas non plus, ratione temporis, les faits en cause en l’espèce.


7      Depuis le 23 mars 2016, les marques « communautaires » sont devenues « marques de l’Union européenne » en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (UE) no 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 modifiant le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil sur la marque communautaire et le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) no 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 2015, L 341, p. 211). Je les désignerai ci-après comme « marques de l’Union ».


8      Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, établissant le code des douanes communautaires (code des douanes modernisé) (JO 2008, L 145, p. 1). Ce règlement a été remplacé entre-temps par le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1).


9      Règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes [de l’Union] (JO 1993, L 253, p. 1), dans la version applicable aux faits du litige au principal (ci-après le « règlement d’application du code des douanes »).


10      L’article 180 du règlement délégué (UE) no 2015/2446 de la Commission, du 28 juillet 2015, complétant le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l’Union (JO 2015, L 343, p. 1), qui n’est pas applicable ratione temporis, fait référence à l’article 220 du code, qui à son tour renvoie à son annexe 71-03, dont le numéro 18 est identique au numéro 16 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1).


11      Convention pour la protection de la propriété industrielle, signée à Paris le 20 mars 1883, révisée en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, no 11851, p. 305).


12      MCFE n’a pas présenté d’observations dans la présente procédure préjudicielle.


13      Par référence aux arrêts du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club (C‑206/01, EU:C:2002:651, point 38) et du 25 janvier 2007, Adam Opel (C‑48/05, EU:C:2007:55, point 16).


14      Elle cite, à cet égard, les arrêts du 22 septembre 2011, Interflora et Interflora British Unit (C‑323/09, EU:C:2011:604, point 38) et du 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a. (C‑379/14, EU:C:2015:497, point 32).


15      Elle mentionne notamment les arrêts du 11 novembre 1997, Loendersloot (C‑349/95, EU:C:1997:530, point 24) et du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2011:474, point 81).


16      Arrêt du 22 septembre 2011, Interflora et Interflora British Unit (C‑323/09, EU:C:2001:604, point 62).


17      Arrêt du 23 mars 2010, Google France et Google (C‑236/08 à C‑238/08, EU:C:2010:159, point 92).


18      Elle cite, notamment, les arrêts du 23 février 1999, BMW (C‑63/97, EU:C:1999:82, point 51) et du 14 juillet 2011, Viking Gas (C‑46/10, EU:C:2011:485, point 37).


19      Elle fait notamment référence aux arrêts du 18 octobre 2005, Class International (C‑405/03, EU:C:2005:616, points 71 et 72), et du 1er décembre 2011, Philips (C‑446/09 et C‑495/09, EU:C:2011:796, point 57).


20      Elle cite, notamment, les arrêts du 18 octobre 2005, Class International (C‑405/03, EU:C:2005:616, point 50) et du 1er décembre 2011, Philips (C‑446/09 et C‑495/09, EU:C:2011:796, point 56).


21      Elle renvoie à l’arrêt du 18 octobre 2005, Class International (C‑405/03, EU:C:2005:616, points 71 et 72.


22      Notamment, arrêts du 18 octobre 2005, Class International (C‑405/03, EU:C:2005:616, points 58 et 60) et du 9 novembre 2006, Montex Holdings (C‑281/05, EU:C:2006:709, point 26).


23      Il cite l’ordonnance du 19 février 2009, UDV North America (C‑62/08, EU:C:2009:111, point 42).


24      Il fait référence à l’arrêt du 23 mars 2010, Google France et Google (C‑236/08 à C‑238/08, EU:C:2010:159, points 75 et 77 et jurisprudence citée).


25      À cet égard, il renvoie à la jurisprudence relative au reconditionnement de médicaments, qui souligne la nécessité que la marque originale apparaisse d’une manière ou d’une autre pour que son titulaire puisse s’opposer à la commercialisation du produit reconditionné, en citant expressément l’arrêt du 23 avril 2002, Boehringer Ingelheim e.a. (C‑143/00, EU:C:2002:246, point 7).


26      Arrêt du 8 juillet 2010 (C‑558/08, EU:C:2010:416, point 86).


27      Elle mentionne, entre autres, les arrêts du 16 juillet 1998, Silhouette International Schmied (C‑355/96, EU:C:1998:374, point 31), et du 18 octobre 2005, Class International (C‑405/03, EU:C:2005:616, points 33).


28      Elle s’appuie, notamment, sur les arrêts du 1er décembre 2011, Philips (C‑446/09 et C‑495/09, EU:C:2011:796, point 56) et du 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a. (C‑379/14, EU:C:2015:497, point 34).


29      Elle invoque, entre autres, les arrêts du 18 octobre 2005, Class International (C‑405/03, EU:C:2005:616, point 58), et du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2011:474, point 67).


30      Elle faisait référence à la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1).


31      Arrêt du 11 septembre 2007, Céline (C‑17/06, EU:C:2007:497, point 14).


32      Arrêt du 20 novembre 2001, Zino Davidoff et Levi Strauss (C‑414/99 à C‑416/99, EU:C:2001:617, point 32).


33      Arrêt du 1er décembre 2011, Philips (C‑446/09 et C‑495/09, EU:C:2011:796, point 55 et jurisprudence citée).


34      Ibidem, point 56.


35      Arrêt du 14 mai 2002, Hölterhoff (C‑2/00, EU:C:2002:287, points 14 à 16).


36      Arrêt du 23 février 1999, BMW (C‑63/97, EU:C:1999:82, points 37 à 42).


37      Arrêt du 11 septembre 2007, Céline (C‑17/06, EU:C:2007:497).


38      Arrêt du 8 juillet 2010 (C‑558/08, EU:C:2010:416, point 86).


39      Le titulaire d’une marque souhaitait interdire « à un tiers de faire afficher, à partir d’un mot clé identique à cette marque que ce tiers a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur l’Internet, une annonce pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée ».


40      Aux points 19 et 20 de ses observations écrites.


41      Arrêt du 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a. (C‑379/14, EU:C:2015:497, point 43).


42      Ou de la disposition correspondante du règlement no 207/2009, à savoir l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et e). Voir arrêt du 8 avril 2003, Linde e.a. (C‑53/01 à C‑55/01, EU:C:2003:206), portant sur la demande d’enregistrement d’un signe constitué par la forme du produit pour des chariots de manutention à moteur et autres véhicules de manutention avec cabine conducteur, en particulier chariots-élévateurs à fourche.


43      Voir, à propos des conditions dans lesquelles une couleur peut être enregistrée comme marque, arrêt du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI (C‑447/02 P, EU:C:2004:649, point 79).


44      Arrêt du 23 mars 2010, Google France et Google (C‑236/08 à C‑238/08, EU:C:2010:159, point 65 et jurisprudence citée).


45      Points 24 à 26 de ses observations écrites.


46      Arrêt du 6 mars 2014, Backaldrin Österreich The Kornspitz Company (C‑409/12, EU:C:2014:130, point 21 et jurisprudence citée).


47      Stothers, Ch., Parallel Trade in Europe – Intellectual Property, Competition and regulatory Law, Hart Publishing, Portland (Oregon), 2007, p. 84 et 85.


48      Court of Appeal (Civil Division) [Cour d’appel (division civile), Royaume-Uni], arrêt du 21 février 2008, Boehringer Ingelheim KG & Anor v Swingward Ltd, [2008] EWCA Civ 83. On peut lire aux points 51 à 53 : « Total de-branding in general is far from uncommon. […] To say that removing (or not applying) the original supplier’s mark to the goods amounts to an infringement would be absurd : traders have […] applied their own trade marks to goods for centuries. There is no harm in it. […] Going back to the legislation, such total de-branding is clearly not an infringement. There is simply no use of the trade mark in any shape or form. Total de-branding does not fall within Art. 5 at all. No defence is needed. […] So a trade mark owner has no right to insist that his trade mark stays on the goods for the aftermarket ». Mise en italique par mes soins.


49      Voir, par exemple, Hacker, F., « Teil I Anwendungsbereich – § 2 », in Ströbele, P./Hacker, F., Markengesetz - Kommentar, Éditions Carl Heymanns, 9e édition, Cologne, 2009, p. 48, point 62.


50      Arrêt du 12 juillet 2007, « CORDARONE » (I ZR 148/04), point 24. Traduction libre.


51      Disposition introduite dans ce code par la loi no 92-597, du 1er juillet 1992 (annexe du JORF du 3 juillet 1992).


52      Arrêts du 23 mars 2010, Google France et Google (C‑236/08 à C‑238/08, EU:C:2010:159, point 79) et du 22 septembre 2011, Interflora et Interflora British Unit (C‑323/09, EU:C:2011:604, point 38). Mise en italique par mes soins.


53      Arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2011:474, point 58).


54      On entend par cette expression la fonction « d’identifier le produit ou le service désigné par la marque comme provenant d’une entreprise déterminée [qui correspond à] celle sous le contrôle de laquelle le produit ou le service est commercialisé ». Arrêt du 6 mars 2014, Backaldrin Österreich The Kornspitz Company (C‑409/12, EU:C:2014:130, point 20 et jurisprudence citée).


55      Voir en ce sens, ordonnance du 6 février 2009, MPDV Mikrolab/OHMI (C‑17/08 P, non publiée, EU:C:2009:64, points 28 et 29).


56      Arrêt du 25 janvier 2007, Adam Opel (C‑48/05, EU:C:2007:55, point 24).


57      Elle cite les arrêts du 1er juillet 1999, Sebago et Maison Dubois (C‑173/98, EU:C:1999:347, point 21) et du 20 novembre 2001, Zino Davidoff et Levi Strauss (C‑414/99 à C‑416/99, EU:C:2001:617, point 33).


58      Arrêt du 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a. (C‑379/14, EU:C:2015:497, point 48) : « tout acte d’un tiers empêchant le titulaire d’une marque enregistrée dans un ou plusieurs États membres d’exercer son droit, reconnu par la jurisprudence [...] de contrôler la première mise dans le commerce de produits revêtus de cette marque dans l’EEE porte par sa nature atteinte à ladite fonction essentielle de la marque. L’importation de produits sans le consentement du titulaire de la marque concernée et la détention en entrepôt fiscal de ces produits dans l’attente de leur mise à la consommation dans l’Union ont pour effet de priver le titulaire de cette marque de la possibilité de contrôler les modalités de la première mise dans le commerce de produits revêtus de sa marque dans l’EEE ».


59      Arrêt du 17 juillet 2014, Torresi (C‑58/13 et C‑59/13, EU:C:2014:2088, point 42 et jurisprudence citée).


60      Arrêt du 28 janvier 2015, ÖBB Personenverkehr (C‑417/13, EU:C:2015:38, point 56 et jurisprudence citée).


61      Mise en italique par mes soins.


62      Arrêt du 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a. (C‑379/14, EU:C:2015:497).


63      Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’examiner ce point plus en détail, étant donné que le débat ne s’est pas étendu à l’incidence de l’article 531 du règlement d’application du code des douanes.


64      Elle cite les arrêts du 18 octobre 2005, Class International (C‑405/03, EU:C:2005:616, point 58), du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2011:474, point 67) et du 1er décembre 2011, Philips (C‑446/09 et C‑495/09, EU:C:2011:796, points 57 à 62).


65      Voir les points 31, 32, 41, 42 et 51 de l’arrêt du 1er décembre 2011, Philips (C‑446/09 et C‑495/09, EU:C:2011:796).


66      Arrêt du 18 octobre 2005, Class International (C‑405/03, EU:C:2005:616, points 13 à 16) et du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2011:474, points 26 à 32).


67      Arrêt du 18 octobre 2005, Class International (C‑405/03, EU:C:2005:616, point 75).


68      Arrêt du 1er décembre 2011, Philips (C‑446/09 et C‑495/09, EU:C:2011:796, point 56 et jurisprudence citée).


69      À l’audience, Duma a confirmé qu’elle exportait des chariots-élévateurs revêtus de sa marque au Maroc et en Russie, entre autres.


70      Point 27 de ses observations écrites.


71      Directive 2006/114/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative (JO 2006, L 376, p. 21). Voir, en ce qui concerne les marques, notamment l’article 4.


72      Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (JO L 149, p. 22).


73      Voir point 14 des présentes conclusions


74      La loi espagnole 29/2009, du 30 décembre, portant modification du régime légal de la concurrence déloyale et de la publicité pour l’amélioration de la protection des consommateurs et des usagers (ley 29/2009, de 30 de diciembre, por la que se modifica el régimen legal de la competencia desleal y de la publicidad para la mejora de la protección de los consumidores y usuarios, BOE no 315, du 31 décembre 2009, p. 112039) établit « un régime juridique unitaire relatif au caractère déloyal des actes trompeurs et agressifs, le même niveau de correction étant applicable, qu’ils soient destinés à des consommateurs ou à des entrepreneurs ».


75      Voir Fezer, K.-H., Markenrecht, 4e édition, C.H. Beck, Munich, 2009, p. 249, points 87 et 88, ainsi que Hacker, F. et Ströbele, P., Markengesetz – Kommentar, 9e édition, Éditions Carl Heymanns, Cologne, 2009, p. 48, point 62. Les deux textes citent la jurisprudence des juridictions allemandes.


76      Bien que la juridiction de renvoi n’aie pas soulevé de question à cet égard, Mitsubishi affirme que sa demande contre Duma et GSI se base également, à titre subsidiaire, sur la réglementation belge relative à la concurrence déloyale.

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