Bernard Krone Holding v EUIPO (Mega Liner) (Judgment) French Text [2018] EUECJ T-187/17 (04 May 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T18717.html
Cite as: EU:T:2018:254, ECLI:EU:T:2018:254, [2018] EUECJ T-187/17

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

4 mai 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale Mega Liner – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2017/1001] – Obligation de motivation – Article 75, première phrase, du règlement no 207/2009 (devenu article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001) »

Dans l’affaire T‑187/17,

Bernard Krone Holding SE & Co. KG, établie à Spelle (Allemagne), représentée par Mes T. Weeg et K. Lüken, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. M. Fischer et W. Schramek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 9 janvier 2017 (affaire R 442/2016-1) concernant une demande d’enregistrement de la marque verbale Mega Liner comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, président, MM. E. Bieliūnas et A. Kornezov (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mars 2017,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 29 mai 2017,

vu les observations de la requérante sur la demande de jonction de l’affaire T‑187/17 et de l’affaire T‑188/17,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties et leurs réponses à ces questions déposées au greffe du Tribunal le 14 décembre 2017,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 12 août 2015, la requérante, Bernard Krone Holding GmbH & Co. KG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        L’enregistrement a été demandé pour la marque verbale Mega Liner.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 12 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 12 : « Véhicules, appareil de locomotion par terre, leurs pièces et accessoires, à l’exclusion des pneus, bandes de roulement, roues pleines, bandes de roulement pour rechapage de pneus ; tracteurs ; véhicules de chargement ; locomobiles ; accouplements ; boîtes de vitesse ; bennes pour véhicules ; remorques pour marchandises ; conteneurs interchangeables pour véhicules ; véhicules-conteneurs, à l’exclusion des pneus, bandes de roulement, roues pleines, bandes de roulement pour rechapage de pneus, étant des pièces de tous les produits précités » ;

–        classe 35 : « Commerce de gros, de détail et par correspondance de machines et machines-outils, d’appareils agricoles, notamment de moissonneuses-batteuses, ramasseuses-hacheuses, presses à mettre en balles, tracteurs agricoles, appareils de transport agricoles, chariots de chargement, faucheuses, faneuses et andaineuses, machines et appareils pour travailler la terre, semoirs, épandeurs d’engrais et de produits de protection des plantes, appareils entraînés manuellement pour l’agriculture, l’horticulture et la sylviculture, la construction de machines, d’appareils et de véhicules, ainsi que pour les techniques de la construction, véhicules, appareils de transport terrestre et leurs pièces et composants, tracteurs, véhicules de chargement, machines de traction, accouplements, entraînements, appareils hydrauliques et mécaniques pour véhicules terrestres, et excepté voitures, superstructures pour véhicules, semi-remorques, installations pour véhicules, conteneurs interchangeables pour véhicules, véhicules pour conteneurs, produits de l’imprimerie, articles pour reliures, photographies, papeterie, articles de bureau, matériel d’instruction et d’enseignement, cartes à jouer, matières plastiques pour l’emballage, journaux et périodiques, décalcomanies, diagrammes, classeurs, enveloppes, manuels, prospectus, photographies, images, plans, cartes géographiques, vêtements tels que tee-shirts, sweat-shirts, chemises, pantalons, vestes, gilets, combinaisons, manteaux, costumes, cravates, chaussures, articles de chapellerie, jeux, jouets, articles de gymnastique et de sport, modèles réduits de machines et de véhicules ; aucun des services précités n’étant fourni en matière de pneus, bandes de roulement, roues pleines, bandes de roulement pour rechapage de pneus, étant des pièces de tous les produits précités ».

4        Par décision du 18 février 2016, l’examinateur a refusé l’enregistrement de la marque demandée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001] pour tous les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

5        Le 7 mars 2016, la requérante a formé un recours contre cette décision, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001).

6        Par décision du 9 janvier 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a annulé partiellement la décision de l’examinateur, en ce qui concerne les services relevant de la classe 35 et correspondant à la description suivante : « Commerce de gros, de détail et par correspondance de produits de l’imprimerie, articles pour reliures, photographies, papeterie, articles de bureau, matériel d’instruction et d’enseignement, cartes à jouer, matières plastiques pour l’emballage, journaux et périodiques, décalcomanies, diagrammes, classeurs, enveloppes, manuels, prospectus, photographies, images, plans, cartes géographiques, vêtements tels que tee-shirts, sweat-shirts, chemises, pantalons, vestes, gilets, combinaisons, manteaux, costumes, cravates, chaussures, articles de chapellerie, jeux, jouets, articles de gymnastique et de sport, modèles réduits de machines et de véhicules ; aucun des services précités n’étant fourni en matière de pneus, bandes de roulement, roues pleines, bandes de roulement pour rechapage de pneus, étant des pièces de tous les produits précités ». Par ailleurs, la chambre de recours a renvoyé l’affaire à la division d’examen pour qu’elle la traite à nouveau en ce qui concerne les services énumérés ci-dessus (point 1 du dispositif de la décision attaquée).

7        Enfin, la chambre de recours a rejeté le recours pour le surplus, à savoir en ce qui concerne les produits de la classe 12 susmentionnés, ainsi que les autres services de la classe 35 (ci-après, pris ensemble, les « produits et services en cause ») (point 2 du dispositif de la décision attaquée).

8        Pour ce qui est des produits et services en cause, en premier lieu, la chambre de recours a analysé le motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Premièrement, elle a indiqué, au point 16 de la décision attaquée, que les termes figurant dans la marque demandée étaient des mots anglais, qui avaient également été intégrés à la langue allemande, et que le public pertinent, composé de consommateurs avisés ainsi que du public spécialisé particulièrement expert, était le public anglophone de l’Union européenne.

9        Deuxièmement, aux points 17 à 20 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé, en se référant à l’analyse de l’examinateur, que le terme « mega » était compris dans le sens de particulièrement grand, puissant, exceptionnel, que le terme « liner » signifiait, en allemand, paquebot et avion de ligne et que le signe litigieux signifiait donc notamment « véhicule de ligne particulièrement grand ». Elle a dès lors considéré que, en raison de la signification descriptive claire des termes « mega » et « liner », ainsi que de la similitude des termes « long liner », « gigaliner » et « mega liner », il était « raisonnablement envisageable » que le public pertinent, notamment le public spécialisé, comprît le terme « mega liner » comme faisant référence à « un camion ou un véhicule particulièrement grand et puissant ».

10      Troisièmement, aux points 21 à 24 et 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que la marque demandée était directement descriptive des produits et services en cause, dans la mesure où le signe litigieux décrivait une espèce particulière de véhicules, et, partant, décrivait directement l’espèce, la qualité et la destination de ces produits ainsi que l’objet de ces services.

11      En second lieu, concernant le motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la chambre de recours a considéré, aux points 34 à 37 de la décision attaquée, que le signe litigieux n’était pas propre à distinguer selon leur origine les produits de la classe 12, ni les services de la classe 35, étant donné, d’une part, qu’une marque verbale qui est descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, est, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement et, d’autre part, que le public comprendrait le signe Mega Liner comme un message publicitaire élogieux, ou encore comme une référence à l’espèce, à la qualité et à la destination des produits ou des services en cause, et non pas comme une indication de leur provenance.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en tant que la chambre de recours rejette le recours ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        joindre la présente affaire à l’affaire T‑188/17, conformément à l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal ;

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande de jonction

14      Le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu de joindre la présente affaire à l’affaire T‑188/17, dans la mesure où ces affaires, d’une part, concernent deux signes différents et, d’autre part, ont pour objet des recours tendant à l’annulation de deux décisions différentes. La demande de jonction formulée par l’EUIPO dans son mémoire en réponse est donc rejetée.

 Sur l’objet du recours

15      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, par le premier chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée en tant que la chambre de recours rejette le recours.

16      L’article 65, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 4, du règlement 2017/1001) prévoit que « [l]e recours est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions ».

17      Or, la chambre de recours a partiellement fait droit au recours de la requérante en annulant la décision de l’examinateur en ce qu’il refusait l’enregistrement du signe litigieux pour une partie des services relevant de la classe 35, énumérés au point 6 ci-dessus.

18      Dès lors, il y a lieu de considérer que, par le présent recours, la requérante demande l’annulation du point 2 du dispositif de la décision attaquée, à savoir en tant que la chambre de recours a rejeté le recours contre la décision de l’examinateur en ce qui concerne les produits et services en cause (voir point 7 ci-dessus).

 Sur le fond

19      À l’appui du recours, la requérante présente deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement.

20      Le Tribunal estime nécessaire d’examiner d’office si l’obligation de motivation de la décision attaquée a été respectée en l’espèce.

21      Aux termes de l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009 (devenu article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. L’obligation de motivation ainsi consacrée a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE. Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par ce dernier article doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle [voir arrêt du 11 décembre 2014, CEDC International/OHMI – Underberg (Forme d'un brin d'herbe dans une bouteille), T‑235/12, EU:T:2014:1058, point 42 et jurisprudence citée]. Ainsi, la motivation d’un acte doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte. Le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge de l’Union [voir arrêt du 21 janvier 2016, BR IP Holder/OHMI – Greyleg Investments (HOKEY POKEY), T‑62/14, non publié, EU:T:2016:23, points 29 à 31 et jurisprudence citée].

22      Il est également de jurisprudence constante que, hors les cas particuliers, tels que ceux prévus par les règlements de procédure des juridictions de l’Union, le juge de l’Union ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d’office, fût-il d’ordre public, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations sur ledit moyen (arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 57 ; voir également, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, point 54).

23      Le Tribunal ayant décidé d’examiner d’office le respect, par la chambre de recours, de son obligation de motivation, prévue à l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009, il a invité les parties, par l’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure, à présenter leurs observations écrites sur l’existence d’un défaut ou d’une contradiction de motivation dans la décision attaquée en ce qui concerne l’examen de la signification des termes composant le signe litigieux et notamment celle du terme « liner », par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, tel que défini dans la décision attaquée. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

24      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif et les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci.

25      Selon une jurisprudence constante, le caractère distinctif et le caractère descriptif d’une marque doivent être appréciés, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement du signe est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [voir arrêts du 31 janvier 2017, Coesia/EUIPO (Représentation de deux courbes rouges obliques), T‑130/16, non publié, EU:T:2017:44, point 12 et jurisprudence citée, et du 18 mai 2017, Reisswolf/EUIPO (secret.service.), T‑163/16, non publié, EU:T:2017:350, point 57 et jurisprudence citée].

26      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, au point 16 de la décision attaquée, que, étant donné que les termes figurant dans la marque demandée étaient des mots anglais, ayant « cependant également été intégrés à la langue allemande », il convenait de « prendre en considération le public anglophone de l’Union européenne pour l’examen des motifs absolus de refus ».

27      Ensuite, au point 17 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné la signification des deux termes composant la marque demandée. S’agissant, en particulier, de la signification du terme « liner », seule contestée dans le cadre du présent litige, la chambre de recours a examiné celle-ci en allemand, en faisant référence, à cette fin, aux points 17 et 18 de la décision attaquée, au dictionnaire unilingue de langue allemande Duden.

28      Aux points 17 et 18 de la décision attaquée, la chambre de recours semble également faire sienne, en l’approuvant, l’analyse effectuée par l’examinateur de la signification du terme « liner ». À cet égard, au point 3 de la décision attaquée, elle rappelle que ce dernier avait examiné la signification dudit terme en s’appuyant sur les sources suivantes :

–        deux dictionnaires bilingues anglais-allemand, le Duden-Oxford – Großwörterbuch Englisch et www.dict.cc ;

–        un article en allemand du 26 mai 2010 publié sur le site Internet www.verkehrsrundschau.de et mentionné par l’examinateur à deux reprises ;

–        une page en allemand de l’encyclopédie en ligne Wikipédia ;

–        une page du site Internet de la revue allemande VerkehrsRundschau ;

–        une page du site Internet de l’association allemande Verkehrsclub Deutschland e. V. (VCD) ;

–        une page du site Internet du quotidien allemand Süddeutsche Zeitung ;

–        une page du site Internet de la revue allemande Der Spiegel ;

–        une page, en allemand, du site Internet de la requérante.

29      C’est donc sur la base des sources mentionnées aux points 27 et 27 ci-dessus que la chambre de recours a conclu, aux points 20 à 24 de la décision attaquée, que le signe litigieux était directement descriptif des produits et services en cause, de sorte que le public pertinent comprendrait celui-ci comme faisant référence à « un camion ou un véhicule particulièrement grand et puissant » et, aux points 34 à 37 de la décision attaquée, que le signe litigieux était également dépourvu de caractère distinctif.

30      Cette appréciation de la chambre de recours est ainsi fondée sur une motivation à la fois insuffisante et contradictoire.

31      En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 25 ci-dessus, il est de jurisprudence constante que le caractère distinctif et le caractère descriptif d’une marque doivent être appréciés par rapport à la perception qu’en a le public pertinent. Or, ayant défini le public pertinent comme étant le public anglophone de l’Union, ce que les parties ne contestent d’ailleurs pas, il appartenait à la chambre de recours d’examiner la signification des termes composant la marque demandée, et notamment celle du terme « liner » en anglais.

32      Toutefois, force est de constater que la chambre de recours s’est appuyée, à cet égard, presqu’exclusivement sur des sources en allemand. En effet, au point 17 de la décision attaquée, la chambre de recours a mentionné la signification « en allemand » du terme « liner », telle qu’elle ressort du dictionnaire Duden. De même, au point 18 de la décision attaquée, elle a utilisé ce dictionnaire pour établir la signification du terme « gigaliner ». Les autres sources mentionnées dans la décision attaquée (voir point 27 ci-dessus) sont toutes, sauf une, en allemand.

33      Certes, au point 16 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les termes figurant dans la marque demandée avaient « également été intégrés à la langue allemande », en se référant au même dictionnaire unilingue de langue allemande mentionné au point 32 ci-dessus. Toutefois, elle a défini, au même point de la décision attaquée, le public pertinent comme étant le « public anglophone de l’Union ». Dans ces circonstances, le simple fait qu’un mot anglais ait été intégré à une autre langue ne saurait dispenser la chambre de recours de son obligation d’examiner la signification du terme en cause par rapport au public pertinent, tel qu’elle l’a elle-même défini, ainsi que l’exige la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus.

34      Partant, en considérant, d’une part, que le public pertinent était « le public anglophone de l’Union », tout en examinant, d’autre part, la signification du terme « liner » en allemand, la chambre de recours a entaché la décision attaquée d’une contradiction de motifs.

35      En ce qui concerne les deux seules sources se rapportant à la langue anglaise, à laquelle il est fait référence dans la décision attaquée, à savoir les dictionnaires bilingues anglais-allemand Duden-Oxford – Großwörterbuch Englisch et www.dict.cc, il convient de relever que l’examinateur s’y réfère afin d’établir non pas la signification du terme « liner » en anglais proprement dite, mais uniquement la façon dont ce terme « se traduit » en allemand, ainsi qu’il ressort du libellé même du point 3, deuxième tiret, de la décision attaquée. Or, la chambre de recours n’a fait référence à aucune autre source de langue anglaise. Ainsi, elle n’a pas examiné la signification de ce terme à partir de sources unilingues de langue anglaise, telles que des dictionnaires unilingues, des articles spécialisés en la matière ou des sites Internet pertinents dans cette langue, alors même que la requérante avait produit, à titre d’exemple, une copie de la page en anglais de l’encyclopédie en ligne Wikipédia concernant le terme « liner », que la chambre de recours n’a cependant pas utilisée dans le cadre de son analyse de la signification dudit terme. Au contraire, c’est le site Wikipédia, mais dans sa version allemande, qui a été pris en compte au point 3 de la décision attaquée (voir point 27, troisième tiret, ci-dessus).

36      Dans ces circonstances, la seule référence aux dictionnaires bilingues anglais-allemand Duden-Oxford – Großwörterbuch Englisch et www.dict.cc ne suffit pas, à elle seule, pour établir la signification du terme « liner » en anglais, d’autant plus que la requérante contestait, au cours de la procédure administrative, le fait que les termes composant le signe litigieux signifiaient en anglais « un camion ou un véhicule particulièrement grand et puissant ». En effet, si la requérante avait admis, au cours de ladite procédure, que le terme « liner » pouvait se traduire en allemand par « véhicule de ligne » (Linienfahrzeug), elle soutenait que ce terme n’est pas habituellement utilisé en anglais pour désigner des véhicules terrestres à moteur tels que des véhicules automobiles, des camions ou des tracteurs, contrairement à ce qu’avait considéré l’examinateur, mais uniquement pour désigner des bateaux et des avions, ces derniers ne figurant cependant pas parmi les produits et services en cause.

37      De même, aucune des sources mentionnées dans la décision attaquée ne permet de constater que le signe verbal en cause pouvait désigner, en anglais, les autres produits et services en cause, tels que, à titre d’exemple, les appareils agricoles, les moissonneuses-batteuses, les ramasseuses-hacheuses, les presses à mettre en balles, les tracteurs agricoles, les appareils de transport agricoles, les chariots de chargement, les faucheuses, les faneuses et andaineuses, les machines et appareils pour travailler la terre, les semoirs, les épandeurs d’engrais et de produits de protection des plantes, les appareils entraînés manuellement pour l’agriculture, l’horticulture et la sylviculture.

38      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas examiné à suffisance la signification du terme « liner » en anglais, ainsi que le fait valoir la requérante dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, et n’a donc pas apprécié la perception du signe litigieux par le public pertinent tel qu’elle l’a elle-même défini. Dans ces circonstances, la motivation de la décision attaquée ne suffit pas pour faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle au sens de la jurisprudence mentionnée au point 21 ci-dessus.

39      Aucun des arguments avancés par l’EUIPO dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion. S’agissant, premièrement, de l’argument tiré du fait que la décision attaquée indique qu’il convient de « prendre en considération » le public anglophone de l’Union, ce qui ne signifierait pas que ce public soit le seul à devoir être pris en considération, il convient de relever que cet argument est contredit par la lettre de la décision attaquée, laquelle définit le public pertinent comme étant le « public anglophone de l’Union européenne ». Ledit argument ne peut, par conséquent, qu’être rejeté.

40      S’agissant, deuxièmement, de l’affirmation de l’EUIPO selon laquelle le terme « gigaliner », mentionné au point 3 de la décision attaquée, serait compris également par le public anglophone comme indiquant des camions, il convient de constater que cette affirmation n’est étayée par aucune preuve et que, en tout état de cause, la seule source mentionnée dans la décision attaquée à cet égard est un article en allemand.

41      S’agissant, troisièmement, de l’affirmation de l’EUIPO selon laquelle le public anglophone de l’Union comprendrait également des personnes, de langue maternelle autre que l’anglais, mais qui maîtrisent bien l’anglais, et, par conséquent, la référence faite par l’examinateur à des sites Internet en allemand ne contredirait pas l’analyse de la signification du mot « liner » adoptée dans la décision attaquée, il y a lieu de considérer que cette affirmation, d’ailleurs non étayée par le moindre élément de preuve, n’établit aucunement que les personnes maîtrisant l’anglais comprendraient des sources en allemand.

42      Partant, il y a lieu d’annuler le point 2 du dispositif de la décision attaquée, sans qu’il y ait lieu d’examiner les moyens et arguments présentés par la requérante dans son recours.

 Sur les dépens

43      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, la requérante a conclu à la condamnation de l’EUIPO aux dépens de la présente instance. L’EUIPO ayant succombé, il y a donc lieu de faire droit aux conclusions de la requérante et de le condamner aux dépens exposés par celle-ci dans la procédure devant le Tribunal.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le point 2 du dispositif de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 9 janvier 2017 (affaire R 442/2016–1) est annulé.

2)      L’EUIPO supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Bernard Krone Holding SE & Co. KG dans la procédure devant le Tribunal.

Tomljenović

Bieliūnas

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 mai 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

© European Union
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