Pirelli & C. v Commission (Competition - Judgment) French Text [2018] EUECJ T-455/14 (12 July 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T45514.html
Cite as: [2018] EUECJ T-455/14, ECLI:EU:T:2018:450, EU:T:2018:450

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

12 juillet 2018 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché européen des câbles électriques – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Infraction unique et continue – Imputabilité de l’infraction – Présomption – Obligation de motivation – Droits fondamentaux – Proportionnalité –Égalité de traitement – Bénéfice d’ordre ou de discussion – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑455/14,

Pirelli & C. SpA, établie à Milan (Italie), représentée initialement par Mes M. Siragusa, F. Moretti, G. Rizza et P. Ferrari, puis par Mes Siragusa, Moretti, Rizza et A. Bardanzellu, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. C. Giolito, L. Malferrari et P. Rossi, puis par MM. H. van Vliet, Malferrari et Rossi, en qualité d’agents, assistés de M. P. Manzini, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

Prysmian Cavi e Sistemi Srl, établie à Milan, représentée par Mes C. Tesauro, F. Russo et L. Armati, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision C(2014) 2139 final de la Commission, du 2 avril 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord [EEE] (affaire AT.39610 – Câbles électriques), en ce qu’elle concerne la requérante, ainsi que, d’autre part, à la réduction du montant de l’amende infligée à celle-ci,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. R. Barents, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 22 mars 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Requérante et secteur concerné

1        La requérante, Pirelli & C. SpA, anciennement Pirelli SpA, est une société italienne. Entre le 18 février 1999 et le 28 juillet 2005, elle était la société mère de Pirelli Cavi e Sistemi SpA, puis de Pirelli Cavi e Sistemi Energia SpA. En juillet 2005, elle a cédé cette dernière société, en tant qu’acteur mondial du secteur des câbles électriques sous-marins et souterrains, à GSCP Athena Energia Srl, une filiale indirecte de The Goldman Sachs Group, Inc. (ci-après « Goldman Sachs »). À la suite de cette cession, Pirelli Cavi e Sistemi Energia SpA a été renommée Prysmian Cavi e Sistemi Energia Srl, puis Prysmian Cavi e Sistemi Srl, l’intervenante. Cette dernière fait actuellement partie du groupe Prysmian, dont la maison mère est Prysmian SpA, qui la détient à 100 %.

2        Les câbles électriques sous-marins et souterrains sont utilisés, respectivement sous l’eau et sous la terre, pour le transport et la distribution d’électricité. Ils sont classés en trois catégories : basse tension, moyenne tension ainsi que haute et très haute tension. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont, dans la majorité des cas, vendus dans le cadre de projets. Ces projets consistent en une combinaison du câble électrique et des équipements, installations et services supplémentaires nécessaires. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont vendus dans le monde entier à de grands exploitants de réseaux nationaux et à d’autres entreprises d’électricité, principalement dans le cadre de marchés publics.

 Procédure administrative

3        Par lettre du 17 octobre 2008, la société suédoise ABB AB a fourni à la Commission des Communautés européennes une série de déclarations et de documents relatifs à des pratiques commerciales restrictives dans le secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins. Ces déclarations et ces documents ont été produits dans le cadre d’une demande d’immunité au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la clémence »).

4        Du 28 janvier au 3 février 2009, à la suite des déclarations d’ABB, la Commission a effectué des inspections dans les locaux de Prysmian et de Prysmian Cavi e Sistemi Energia ainsi que d’autres sociétés européennes concernées, à savoir Nexans SA et Nexans France SAS.

5        Le 2 février 2009, les sociétés japonaises Sumitomo Electric Industries Ltd, Hitachi Cable Ltd et J‑Power Systems Corp. ont introduit une demande conjointe d’immunité d’amende, conformément au paragraphe 14 de la communication sur la clémence, ou, à titre subsidiaire, de réduction de son montant, conformément au paragraphe 27 de cette communication. Elles ont ensuite transmis à la Commission d’autres déclarations orales et d’autres documents.

6        Au cours de l’enquête, la Commission a envoyé plusieurs demandes d’informations, conformément à l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et au paragraphe 12 de la communication sur la clémence, à des entreprises du secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins.

7        Le 30 juin 2011, la Commission a ouvert une procédure et adopté une communication des griefs à l’encontre des entités juridiques suivantes : Nexans France, Nexans, Prysmian Cavi e Sistemi Energia, Prysmian, Goldman Sachs, Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, J‑Power Systems, Furukawa Electric Co. Ltd, Fujikura Ltd, Viscas Corp., SWCC Showa Holdings Co. Ltd, Mitsubishi Cable Industries Ltd, Exsym Corp., ABB, ABB Ltd, Brugg Kabel AG, Kabelwerke Brugg AG Holding, nkt cables GmbH, NKT Holding A/S, Silec Cable SAS, Grupo General Cable Sistemas, SA, Safran SA, General Cable Corp., LS Cable & System Ltd, Taihan Electric Wire Co. Ltd et la requérante.

8        Du 11 au 18 juin 2012, tous les destinataires de la communication des griefs, à l’exception de Furukawa Electric, ont participé à une audience administrative devant la Commission.

9        Par les arrêts du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T‑135/09, EU:T:2012:596), et du 14 novembre 2012, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia/Commission (T‑140/09, non publié, EU:T:2012:597), le Tribunal a partiellement annulé les décisions d’inspection adressées, d’une part, à Nexans et à Nexans France et, d’autre part, à Prysmian et à Prysmian Cavi e Sistemi Energia, pour autant qu’elles concernaient des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains à haute tension et le matériel associé à ces autres câbles, et a rejeté les recours pour le surplus. Le 24 janvier 2013, Nexans et Nexans France ont formé un pourvoi à l’encontre du premier de ces arrêts. Par arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission (C‑37/13 P, EU:C:2014:2030), la Cour a rejeté ce pourvoi.

10      Le 2 avril 2014, la Commission a adopté sa décision C(2014) 2139 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord [EEE] (affaire AT.39610 r – Câbles électriques) (ci-après la « décision attaquée »).

 Décision attaquée

 Infraction en cause

11      L’article 1er de la décision attaquée dispose que plusieurs entreprises ont participé au cours de différentes périodes à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE dans le « secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et/ou sous-marins ». En substance, la Commission a constaté que, à partir de février 1999 et jusqu’à la fin de janvier 2009, les principaux producteurs européens, japonais et sud-coréens de câbles électriques sous-marins et souterrains avaient participé à un réseau de réunions multilatérales et bilatérales et établi des contacts visant à restreindre la concurrence pour des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins à (très) haute tension sur des territoires spécifiques, en se répartissant les marchés et les clients et en faussant ainsi le processus concurrentiel normal (considérants 10 à 13 et 66 de ladite décision).

12      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que l’entente revêtait deux configurations principales qui constituaient un ensemble composite. Plus précisément, selon elle, l’entente se composait de deux volets, à savoir :

–        la « configuration A/R de l’entente », qui regroupait les entreprises européennes, généralement appelées « membres R », les entreprises japonaises, désignées en tant que « membres A », et, enfin, les entreprises sud-coréennes, désignées en tant que « membres K ». Ladite configuration permettait de réaliser l’objectif d’attribution de territoires et de clientèles entre producteurs européens, japonais et sud-coréens. Cette attribution se faisait selon un accord sur le « territoire national », en vertu duquel les producteurs japonais et sud-coréens s’abstenaient d’entrer en concurrence pour des projets se déroulant sur le « territoire national » des producteurs européens, tandis que ces derniers s’engageaient à rester en dehors des marchés du Japon et de la Corée du Sud. S’ajoutait à cela l’attribution de projets dans les « territoires d’exportation », à savoir le reste du monde à l’exception notamment des États-Unis, qui, pendant une certaine période, respecta un « quota 60/40 », signifiant que 60 % des projets étaient réservés pour les producteurs européens et les 40 % restant pour les producteurs asiatiques ;

–        la « configuration européenne de l’entente », qui impliquait l’attribution de territoires et de clients par les producteurs européens pour des projets à réaliser sur le « territoire national » européen ou attribués à des producteurs européens (voir point 3.3 de la décision attaquée et, en particulier, considérants 73 et 74 de ladite décision).

13      La Commission a constaté que les participants à l’entente avaient mis en place des obligations de communication de données afin de permettre le suivi des accords de répartition (considérants 94 à 106 et 111 à 115 de la décision attaquée).

14      En tenant compte du rôle joué par différents participants à l’entente dans la mise en œuvre de celle-ci, la Commission les a classés en trois groupes. Tout d’abord, elle a défini le noyau dur de l’entente, auquel appartenaient, d’une part, les entreprises européennes Nexans France, les entreprises filiales de la requérante ayant successivement participé à l’entente et l’intervenante et, d’autre part, les entreprises japonaises Furukawa Electric, Fujikura et leur entreprise commune Viscas ainsi que Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable et leur entreprise commune J‑Power Systems (considérants 545 à 561 de la décision attaquée). Ensuite, elle a distingué un groupe d’entreprises qui ne faisaient pas partie du noyau dur, mais qui ne pouvaient pas, pour autant, être considérées comme des acteurs marginaux de l’entente et a classé dans ce groupe ABB, Exsym, Brugg Kabel et l’entité constituée par Sagem SA, Safran et Silec Cable (considérants 562 à 575 de ladite décision). Enfin, elle a considéré que Mitsubishi Cable Industries, SWCC Showa Holdings, LS Cable & System, Taihan Electric Wire et nkt cables étaient des acteurs marginaux de l’entente (considérants 576 à 594 de cette décision).

 Responsabilité de la requérante

15      La responsabilité de la requérante a été retenue, en substance, en raison de l’exercice, en sa qualité de société mère, d’une influence déterminante sur les sociétés ayant précédé l’intervenante jusqu’au 28 juillet 2005. À cette fin, la Commission a eu recours à la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante établie par la jurisprudence du juge de l’Union européenne, en raison de la détention par la requérante de la quasi-totalité du capital desdites sociétés (considérants 729 à 738 et 785 de la décision attaquée).

 Amende infligée

16      L’article 2, sous g), de la décision attaquée inflige une amende de 67 310 000 euros à la requérante « conjointement et solidairement » avec l’intervenante pour la période entre le 18 février 1999 et le 28 juillet 2005.

17      Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a appliqué l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 et la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application [dudit article] (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 »).

18      En premier lieu, s’agissant du montant de base des amendes, après avoir déterminé la valeur des ventes appropriée, conformément au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 (considérants 963 à 994 de la décision attaquée), la Commission a fixé la proportion de cette valeur des ventes reflétant la gravité de l’infraction, conformément aux paragraphes 22 et 23 desdites lignes directrices. À cet égard, elle a estimé que l’infraction, par sa nature, constituait l’une des restrictions de la concurrence les plus graves, ce qui justifiait un taux de gravité de 15 %. De même, elle a appliqué une majoration de 2 % du coefficient de gravité pour l’ensemble des destinataires en raison de la part de marché cumulée ainsi que de la portée géographique quasi mondiale de l’entente, couvrant notamment l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE). Par ailleurs, elle a considéré, notamment, que le comportement des entreprises européennes était plus préjudiciable à la concurrence que celui des autres entreprises, en ce que, outre leur participation à la « configuration A/R de l’entente », les entreprises européennes avaient partagé entre elles les projets de câbles électriques dans le cadre de la « configuration européenne de l’entente ». Pour cette raison, elle a fixé la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l’infraction à 19 % pour les entreprises européennes et à 17 % pour les autres entreprises (considérants 997 à 1010 de ladite décision).

19      S’agissant du coefficient multiplicateur relatif à la durée de l’infraction, la Commission a retenu, en ce qui concerne la requérante, un coefficient de 6,41 pour la période comprise entre le 18 février 1999 et le 28 juillet 2005. Elle a, en outre, inclus, dans le montant de base de l’amende, un montant additionnel, à savoir le droit d’entrée, correspondant à 19 % de la valeur des ventes (considérants 1011 à 1016 de la décision attaquée).

20      En second lieu, s’agissant des aménagements du montant de base des amendes, la Commission n’a pas constaté de circonstances aggravantes qui pourraient affecter le montant de base de l’amende établi à l’égard de chacun des participants à l’entente, à l’exception d’ABB. En revanche, en ce qui concerne les circonstances atténuantes, elle a décidé de refléter, dans le montant des amendes, le niveau de participation des différentes entreprises dans la mise en œuvre de l’entente. Ainsi, elle a réduit de 10 % le montant de base de l’amende à infliger pour les acteurs marginaux de l’entente et de 5 % le montant de base de l’amende à infliger pour les entreprises dont l’implication dans l’entente était moyenne. En outre, elle a accordé à Mitsubishi Cable Industries et à SWCC Showa Holdings pour la période précédant la création d’Exsym ainsi qu’à LS Cable & System et Taihan Electric Wire une réduction supplémentaire de 1 % pour n’avoir pas eu connaissance de certains aspects de l’infraction unique et continue et pour leur absence de responsabilité dans ceux-ci. En revanche, aucune réduction du montant de base de l’amende n’a été accordée aux entreprises appartenant au noyau dur de l’entente, y compris à la requérante (considérants 1017 à 1020 et 1033 de la décision attaquée). Par ailleurs, la Commission a accordé, en application des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, une réduction supplémentaire de 3 % du montant de l’amende imposée à Mitsubishi Cable Industries en raison de sa coopération effective en dehors du cadre de la communication sur la clémence (considérant 1041 de ladite décision).

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2014, la requérante a introduit le présent recours.

22      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 septembre 2014, l’intervenante a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 octobre 2014, la Commission n’a pas soulevé d’objection à l’encontre de cette demande.

24      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 octobre 2014, la requérante a demandé au Tribunal de rejeter la demande d’intervention de l’intervenante.

25      Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal le 31 octobre 2014 et le 12 juin 2015, la requérante a respectivement demandé, au titre de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, que certaines pièces et informations contenues, d’une part, dans les annexes à la requête et, d’autre part, dans la duplique soient exclues du dossier communiqué à l’intervenante, si son intervention était admise. À cette fin, la requérante a produit une version non confidentielle des pièces concernées.

26      Par ordonnance du 25 juin 2015, le président de la huitième chambre du Tribunal (ancienne formation) a autorisé l’intervention de l’intervenante dans la présente affaire.

27      L’intervenante a déposé le mémoire en intervention le 23 septembre 2015. Les 27 et 30 novembre 2015, la Commission et la requérante ont respectivement présenté leurs observations sur ledit mémoire.

28      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal (huitième chambre) a posé une question écrite à la Commission. Celle-ci a déféré à la demande du Tribunal dans le délai imparti.

29      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre (nouvelle formation), à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

30      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 mars 2017.

31      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée, dans la mesure où elle la concerne, en particulier l’article 1er, point 5, sous d), l’article 2, sous g), et l’article 4 de cette décision ;

–        à titre subsidiaire, lui accorder un bénéfice d’ordre ou un bénéfice de discussion ;

–        à titre également subsidiaire, annuler ladite décision ou modifier son article 2, sous g), en réduisant le montant de l’amende qui lui est infligée solidairement avec l’intervenante en cas de décision favorable à Prysmian et à l’intervenante dans le recours en annulation introduit par celles-ci contre la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter toutes les demandes de la requérante ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

33      Dans le cadre du recours, la requérante formule tant des conclusions en annulation partielle de la décision attaquée que des conclusions visant à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée.

 Sur les conclusions en annulation

34      À l’appui des conclusions en annulation, la requérante invoque six moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré de la violation des droits fondamentaux en raison de l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante. Le troisième moyen est tiré de l’inapplicabilité de ladite présomption en l’absence des conditions qui la justifient et de la violation de l’article 101 TFUE. Le quatrième moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité. Le cinquième moyen est tiré de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement en raison de l’application erronée du principe de responsabilité solidaire aux fins du paiement de l’amende ainsi que de l’absence de prévision d’une mesure de correction adaptée de ce principe. Le sixième moyen est tiré de l’illégalité de la décision attaquée en ce qui concerne l’intervenante.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

35      La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée est dépourvue d’une motivation suffisante en ce qui concerne le rejet des arguments qu’elle a formulés au cours de la procédure devant la Commission sur l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante.

36      La requérante fait valoir que, devant la Commission, elle a allégué que l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante entraînait la violation, notamment, des principes de sécurité juridique et de responsabilité personnelle, de la présomption d’innocence et du droit fondamental de propriété. Ensuite, elle indique avoir avancé plusieurs éléments relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques existant entre elle et les sociétés ayant précédé l’intervenante aux fins de démontrer qu’elle n’avait pas exercé une influence déterminante sur ces dernières. Enfin, elle affirme avoir souligné que la poursuite de la participation de l’intervenante à l’entente, même après la cession à Goldman Sachs de Pirelli Cavi e Sistemi Energia, mettait en exergue le fait que cette dernière société agissait en pleine autonomie.

37      La requérante ajoute que, dans la décision attaquée, la Commission n’a toutefois traité ou cité aucun des éléments de droit et de fait avancés par elle pour démontrer la violation, notamment, des principes de sécurité juridique et de responsabilité personnelle, de la présomption d’innocence et du droit fondamental de propriété ainsi que l’autonomie dont bénéficiait sur le marché les sociétés ayant précédé l’intervenante. Par conséquent, elle estime que la Commission n’a pas exposé les raisons l’ayant conduite à lui appliquer la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, ce qui a eu pour effet de transformer la présomption simple établie par la jurisprudence en une présomption absolue.

38      La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

39      Aux termes de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), l’administration a l’obligation de motiver ses décisions.

40      L’obligation de motivation implique, selon une jurisprudence bien établie, que, conformément à l’article 296 TFUE, l’auteur d’un acte doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement sous-tendant ledit acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 147 et jurisprudence citée).

41      L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée).

42      L’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67, du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, EU:C:2001:178, point 35, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 146 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué au point 15 ci-dessus, la responsabilité de la requérante dans la présente affaire a été retenue en raison de l’exercice, en sa qualité de société mère, d’une influence déterminante sur les sociétés ayant précédé l’intervenante jusqu’au 28 juillet 2005. À cette fin, la Commission a eu recours à la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante établie par le juge de l’Union, en raison de la détention par la requérante de la quasi-totalité du capital desdites sociétés.

44      Aux fins de motiver une telle décision, il y a lieu de constater, tout d’abord, que la Commission a, aux considérants 692 à 706 de la décision attaquée, rappelé les principes jurisprudentiels relatifs à l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante.

45      En particulier, d’une part, au considérant 696 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que, selon la jurisprudence, le droit de la concurrence de l’Union reconnaissait que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique si ces sociétés ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché. Elle a ajouté que, dans un tel cas, la société mère qui exerçait une influence déterminante sur une société filiale formait une entité économique unique et pouvait, dès lors, être tenue pour responsable d’une infraction au motif qu’elle faisait partie de la même entreprise ayant violé le droit de la concurrence.

46      D’autre part, au considérant 697 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que, selon la jurisprudence, dans le cas particulier où une société mère contrôlait à 100 % sa filiale, il existait une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerçait effectivement une telle influence sans que la Commission ait à apporter des preuves supplémentaires de l’exercice effectif de cette influence.

47      Ensuite, dans la décision attaquée, la Commission a exposé, en ce qui concerne l’imputation de la responsabilité de l’infraction à la requérante, en sa qualité de société mère des sociétés ayant précédé l’intervenante, ce qui suit :

« (729)      Les preuves décrites dans la présente décision montrent que des employés de [Pirelli Cavi e Sistemi], puis de [Pirelli Cavi e Sistemi Energia] et finalement de [Prysmian Cavi e Sistemi Energia] (devenue [Prysmian Cavi e Sistemi]) ont participé directement à l’infraction entre le 18 février 1999 et le 28 janvier 2009. [Prysmian Cavi e Sistemi] devrait donc être tenue pour responsable pour sa participation à l’infraction.

(730)            Le groupe Pirelli était présent dans le secteur des câbles électriques [sous-marins] et [souterrains] au moins du 18 février 1999 au 28 juillet 2005. Jusqu’au 1er juillet 2001, les activités de câbles électriques sont assurées par [Pirelli Cavi e Sistemi]. Le 1er juillet 2001, [Pirelli Cavi e Sistemi] transfère ses activités d’exploitation dans le secteur des câbles électriques à sa filiale [Pirelli Cavi e Sistemi Energia Italia]. Le 27 novembre 2001, [Pirelli Cavi e Sistemi] a été (partiellement) scindée en deux holdings sectorielles. À partir de cette date, [Pirelli Cavi e Sistemi Energia] est devenue le successeur juridique et économique de [Pirelli Cavi e Sistemi] en charge du câble d’alimentation entreprise [souterrain] et [sous-marin]. En mai 2002, [Pirelli Cavi e Sistemi] a fusionné en un unique actionnaire Pirelli SpA.

(731)            [Pirelli] et Pirelli Finance SA détiennent alors respectivement 98,75 % et 1,25 % de [Pirelli Cavi e Sistemi,] puis de [Pirelli Cavi e Sistemi Energia]. Avec effet au 4 août 2003, [Pirelli] fusionne et devient [la requérante].

[…]

(735)            [Pirelli Cavi e Sistemi Energia Italia] (anciennement [Pirelli Cavi e Sistemi]) était détenue à près de 100 % par [la requérante] (anciennement [Pirelli]) du 18 février 1999 au 28 juillet 2005.

(736)            [La requérante] a déclaré n’avoir pas eu connaissance de l’existence des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par sa filiale et avoir publié un code d’éthique pour garantir le respect de la législation antitrust applicable. Elle a du reste fait valoir que la Commission avait agi en violation de ses droits de la défense et du principe de la sécurité juridique, en établissant la responsabilité de la société mère sur la base d’une présomption excessivement arbitraire et finalement non réfutable. Enfin, elle a souligné qu’à la suite de la cession de son activité de câbles électriques, elle n’avait pas accès aux preuves documentaires nécessaires pour réfuter les allégations de la Commission.

(737)            La Commission estime que [la requérante] n’est pas parvenue à renverser la présomption selon laquelle elle serait responsable pour les infractions commises par [Pirelli Cavi e Sistemi Energia]. En outre, si la Commission approuve les mesures prises par les entreprises pour éviter la récurrence des ententes et notifier les infractions aux autorités compétentes, ces mesures ne peuvent changer la réalité du fait que des infractions ont lieu et doivent être sanctionnées. [La requérante] n’a pas démontré que [Pirelli Cavi e Sistemi Energia] déterminait sa propre politique commerciale de telle sorte qu’elle et sa société mère ne constituaient pas une entité économique unique ni, par conséquent, une seule entreprise aux fins de l’article 101 du traité. Concernant la violation présumée des droits de la défense et du principe de la sécurité juridique, la Commission fait remarquer que la légitimité de la présomption de la responsabilité de la société mère fait l’objet d’une jurisprudence constante de la Cour de justice.

(738)            C’est la raison pour laquelle la Commission entend tenir [la requérante] pour responsable, en tant que maison mère, aussi en tant que successeur légal de l’ancienne société mère [Pirelli], du comportement anticoncurrentiel de son ancienne filiale entre le 18 février 1999 et le 28 juillet 2005. »

48      Il ressort des considérants qui précèdent que la Commission a expliqué, de manière détaillée, les rapports existant entre la requérante et les sociétés ayant précédé l’intervenante, en constatant que Pirelli Cavi e Sistemi Energia, anciennement Pirelli Cavi e Sistemi et devenue ensuite l’intervenante, avait été détenue par la requérante à près de 100 % du 18 février 1999 au 28 juillet 2005. Dans ces circonstances, non contestées par la requérante, elle a conclu qu’il pouvait être présumé que la requérante avait exercé une influence déterminante sur ses filiales et qu’elle pouvait, dès lors, être tenue pour responsable, en tant que société mère ainsi qu’en tant que successeur légal de l’ancienne société mère [Pirelli], du comportement anticoncurrentiel desdites filiales sur le marché.

49      Ainsi, la décision attaquée fait apparaître, de façon claire et non équivoque, conformément aux exigences de la jurisprudence établie aux points 40 à 42 ci-dessus, le raisonnement suivi par la Commission pour appliquer à la requérante la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante. La requérante ne saurait donc reprocher à la Commission un défaut de motivation à cet égard.

50      La requérante ne saurait non plus faire valoir que le rejet des observations qu’elle a formulées pendant la procédure devant la Commission aux fins de renverser la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante n’a pas été suffisamment motivé.

51      En effet, en premier lieu, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de la réponse de la requérante à la communication des griefs, la plupart des arguments qu’elle a formulés à l’encontre des constatations de la Commission lors de la procédure administrative ont consisté à affirmer que la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante était incompatible avec les droits prévus par la Charte ainsi que par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »). Or, dans la décision attaquée, la Commission a répondu auxdits arguments en affirmant, au considérant 737 de la décision attaquée, que la légitimité de ladite présomption avait fait l’objet d’une « jurisprudence constante de la Cour de justice », faisant notamment référence au respect des droits fondamentaux.

52      En deuxième lieu, dans sa réponse à la communication des griefs, la requérante a relevé à deux reprises, afin de contester l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, qu’elle avait imposé à ses filiales un code d’éthique relatif au respect de la législation en matière de concurrence, dont la mise en œuvre avait été confiée à un organe de surveillance spécifique interne au groupe. À cet égard, force est de constater que la Commission a rejeté cet argument aux considérants 736 et 737 de la décision attaquée, en soulignant, en substance, que, selon la jurisprudence de la Cour, un tel organe ne permettait pas de renverser ladite présomption.

53      En troisième lieu, il est vrai, comme la requérante le fait valoir, que la Commission n’a pas donné une réponse spécifique à d’autres arguments formulés brièvement, d’abord, dans sa réponse à la communication des griefs et exposés, ensuite, lors de l’audition du 12 juin 2012, afin de démontrer l’autonomie dont bénéficierait l’intervenante au cours de la période infractionnelle. Tel est notamment le cas de l’argument de la requérante selon lequel l’intervenante comportait une structure qui lui permettait d’opérer de manière autonome (« stand-alone ») sur le marché, de l’argument selon lequel la condition de holding financier de la requérante, contrôlant plusieurs sociétés différentes et opérant dans plusieurs secteurs commerciaux, excluait la possibilité de pouvoir exercer une influence déterminante sur toutes ses sociétés, y compris l’intervenante, et de l’argument selon lequel l’activité de transmission du rapport mensuel entre la requérante et l’intervenante était de nature purement informative et comptable.

54      Toutefois, selon la jurisprudence, si la Commission doit faire apparaître, dans sa décision, les raisons pour lesquelles elle considère que les éléments avancés sont insuffisants pour renverser la présomption de l’exercice d’une influence déterminante, il ne s’ensuit pas qu’elle soit tenue, dans chaque cas, de discuter spécifiquement chacun des éléments avancés par les entreprises concernées (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2014, Elf Aquitaine/Commission, T‑40/10, non publié, EU:T:2014:61, point 169 et jurisprudence citée).

55      En l’occurrence, force est de constater que la Commission a affirmé, au considérant 737 de la décision attaquée, que la requérante n’était pas parvenue à renverser la présomption selon laquelle elle serait responsable des infractions commises par les sociétés ayant précédé l’intervenante et, en particulier, à démontrer qu’elles ne constituaient pas une entité économique unique ni, par conséquent, une seule entreprise aux fins de l’article 101 TFUE. Or, une telle réponse était suffisante aux fins de permettre à la requérante de savoir que les arguments qu’elle avait formulés afin de démontrer la prétendue autonomie de l’intervenante au cours de la période infractionnelle n’étaient pas retenus et de connaître, en définitive, la décision finale de la Commission à son égard, le Tribunal restant en même temps en mesure d’exercer son contrôle sur de tels arguments.

56      En quatrième lieu, la requérante soutient avoir indiqué à la Commission, dans les observations écrites qu’elle a présentées sur la réponse de l’intervenante à la communication des griefs, toute une série d’arguments relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques existant entre les sociétés ayant précédé l’intervenante et elle-même, arguments qui démontreraient l’absence de l’exercice effectif d’une influence déterminante de sa part sur lesdites sociétés.

57      Cependant, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que ces arguments n’étaient pas destinés à contester l’application par la Commission de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, mais à réfuter les arguments de l’intervenante selon lesquels, en substance, la responsabilité de la participation à l’infraction devait être imputée exclusivement à la requérante en tant que société gérante de son activité opérationnelle du 18 février 1999 au 28 juillet 2005. Partant, la requérante ne saurait reprocher à la Commission le fait de ne pas avoir donné une réponse à ses arguments dans le cadre de l’appréciation effectuée quant à l’application de ladite présomption. En outre, il convient de souligner que les arguments formulées par l’intervenante dans sa réponse à la communication des griefs ont été examinés par la Commission aux considérants 733 et 734 de la décision attaquée, qui a accueilli la position soutenue par la requérante dans ses observations sur la réponse de l’intervenante. Aucun défaut de motivation ne peut dès lors être reproché à la Commission à cet égard.

58      En cinquième lieu, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas donné une réponse à son argument, formulé dans sa réponse à la communication des griefs et lors de l’audition du 12 juin 2012, selon lequel la preuve de l’absence de son influence déterminante sur l’intervenante découlait du fait que, même après la cession à la société Goldman Sachs le 28 juillet 2005, l’intervenante a continué à participer à l’entente.

59      À cet égard, il y a lieu de relever que, aux considérants 746 et 747 de la décision attaquée, la Commission a également tenu Goldman Sachs pour responsable de l’entente, solidairement avec l’intervenante, en estimant, à l’instar de la requérante, que Goldman Sachs a constitué une entité économique unique, ensemble avec sa filiale, et, par conséquent, une seule entreprise aux fins de l’article 101 TFUE jusqu’à la fin de la période infractionnelle. Or, ce faisant, la Commission a permis à la requérante de comprendre que son argument n’était pas suffisant aux fins de démontrer une autonomie et que, en substance, il n’était pas retenu.

60      Il ressort de tout ce qui précède que la Commission, sur la base des considérations exposées dans la décision attaquée, a motivé, à suffisance de droit, sa décision d’imputer la responsabilité de l’infraction à la requérante, en sa qualité de société mère de l’intervenante, ainsi que son appréciation selon laquelle la requérante n’avait pas réussi à renverser la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante qui lui avait été appliquée.

61      Par conséquent, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas violé l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l’article 296 TFUE.

62      Le premier moyen doit dès lors être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des droits fondamentaux en raison de l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante

63      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante est incompatible avec le principe de responsabilité personnelle et la présomption d’innocence, prévus par la Charte et par la CEDH. En outre, elle considère que l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante viole le droit de propriété ainsi que les droits de la défense.

–       Sur le premier grief, tiré de violations du principe de responsabilité personnelle et de la présomption d’innocence

64      S’agissant des violations du principe de responsabilité personnelle et de la présomption d’innocence, la requérante allègue que la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante constitue en soi une exception à ce principe et à la présomption d’innocence en ce que la charge de la preuve doit, en règle générale, incomber à la Commission et le doute doit profiter à l’accusé. La CEDH n’admettrait un renversement de la charge de la preuve que de façon raisonnable et n’autoriserait le recours à des présomptions que si elles poursuivent un objectif de politique générale et pour autant qu’elles ne sont pas appliquées de manière mécanique et peuvent être réfutées de manière effective. Sur cette base, la requérante fait notamment observer qu’imputer à une société la responsabilité des actions d’une autre équivaut, dans le système de la Charte et de la CEDH, à reconnaître la notion de la responsabilité sans faute et pour le fait d’autrui.

65      La Commission et l’intervenante contestent ces arguments.

66      Selon une jurisprudence constante de la Cour, qui n’a pas été remise en cause avec l’entrée en vigueur de la Charte, dans certaines circonstances, une personne juridique qui n’est pas l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence peut néanmoins être sanctionnée pour le comportement infractionnel d’une autre personne juridique, dès lors que ces personnes font toutes deux partie de la même entité économique et forment ainsi une entreprise au sens de l’article 101 TFUE (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 145 et jurisprudence citée).

67      Il résulte ainsi d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 146 et jurisprudence citée).

68      À cet égard, la Cour a précisé que, dans le cas particulier où une société mère détenait, directement ou indirectement, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence de l’Union, il existait une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerçait effectivement une influence déterminante sur sa filiale (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 147 et jurisprudence citée).

69      Dans une telle situation, il suffit que la Commission prouve que la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une filiale est détenue, directement ou indirectement, par sa société mère pour considérer que la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante est remplie. Il incombe ensuite à cette dernière de renverser ladite présomption en apportant des éléments de preuve suffisants relatifs aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre elle-même et sa filiale de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché. À défaut pour la société mère de renverser cette présomption, la Commission pourra considérer que cette dernière société et sa filiale font partie d’une même unité économique et que la première est responsable du comportement de la seconde, et condamner ces deux sociétés solidairement au paiement d’une amende, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de la société mère dans l’infraction (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 148 et jurisprudence citée).

70      En l’espèce, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de la requête, la requérante ne conteste pas, dans le cadre du présent grief, l’application concrète effectuée par la Commission à la requérante de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, tel qu’exposé aux considérants 729 à 738 de la décision attaquée. En revanche, elle fait valoir l’incompatibilité de cette présomption avec, d’une part, le principe de responsabilité personnelle et, d’autre part, la présomption d’innocence.

71      Or, le juge de l’Union a établi à plusieurs reprises que la Commission ne méconnaît ni le principe de responsabilité personnelle ni la présomption d’innocence en appliquant la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante.

72      En effet, tout d’abord, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le fait que la société mère d’un groupe, qui exerce une influence déterminante sur ses filiales, puisse être déclarée responsable solidairement des infractions au droit de la concurrence commises par ces dernières ne constitue nullement une violation du principe de responsabilité personnelle, mais est, au contraire, une expression de ce principe. En effet, la société mère et les filiales soumises à son influence déterminante forment ensemble une entreprise unique au sens du droit de la concurrence de l’Union, entreprise dont elles sont responsables, et, si, de propos délibéré ou par négligence, cette entreprise viole les règles de concurrence, elle engagera la responsabilité personnelle et solidaire de l’ensemble des personnes juridiques entrant dans la structure du groupe (voir arrêt du 27 septembre 2012, Nynäs Petroleum et Nynas Belgium/Commission, T‑347/06, EU:T:2012:480, point 40 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:262, point 97).

73      Ensuite, il ressort d’une jurisprudence constante que la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante ne viole pas le droit à la présomption d’innocence, en ce que, d’une part, elle n’aboutit pas à une présomption de culpabilité de l’une ou l’autre de ces sociétés (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 149 et jurisprudence citée) et, d’autre part, la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante revêt un caractère réfragable (voir arrêt du 19 juin 2014, FLS Plast/Commission, C‑243/12 P, EU:C:2014:2006, point 27 et jurisprudence citée).

74      Enfin, il suffit d’ajouter que, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait qu’il soit difficile d’apporter la preuve contraire nécessaire pour renverser une présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante n’implique pas, en soi, selon une jurisprudence constante de la Cour, que celle-ci soit en fait irréfragable et, partant, contraire au principe de la présomption d’innocence (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 44 et jurisprudence citée).

75      Il s’ensuit que le grief de la requérante selon lequel la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante est incompatible avec le principe de responsabilité personnelle et la présomption d’innocence, tels que prévus par la Charte et par la CEDH, doit être rejeté.

–       Sur le deuxième grief, tiré de la violation du droit de propriété

76      S’agissant de la violation du droit de propriété, la requérante soutient que l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante aboutit à décourager les régimes de détention capitalistique tels que ceux des holdings industriels, étant donné que ces derniers, même lorsqu’ils sont étrangers aux comportements anticoncurrentiels adoptés par leurs filiales, sont néanmoins tenus pour responsables de ces comportements. En revanche, d’autres schémas de détention capitalistique, tels que l’actionnariat diffus ou le simple contrôle au moyen d’une participation inférieure à la quasi-totalité des actions, ne les exposeraient pas à un tel risque. La requérante estime dès lors que ladite présomption constitue une violation de la Charte et de la CEDH ainsi que de l’article 345 TFUE, dans la mesure où celle-ci est fondée sur une inégalité arbitraire et injustifiée de traitement entre les différents régimes de propriété. Enfin, elle fait observer que cette présomption est susceptible d’affecter, de manière inéquitable et déraisonnable, ses petits actionnaires.

77      La Commission et l’intervenante contestent ces arguments.

78      Selon une jurisprudence constante, la notion d’entreprise qui ressort de l’article 101 TFUE désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. À cet égard, la Cour a précisé, d’une part, que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, devait être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique était constituée de plusieurs personnes physiques ou morales et, d’autre part, que, lorsqu’une telle entité économique enfreignait les règles de la concurrence, il lui incombait, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 53 et jurisprudence citée).

79      Il en résulte que, ainsi qu’il ressort, en substance, de la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, si une société mère exerce une influence déterminante sur sa filiale, ladite société mère peut se voir imputer la responsabilité du comportement de cette filiale dès lors que ces personnes font toutes deux partie de la même entité économique et forment ainsi une entreprise au sens de l’article 101 TFUE.

80      En l’espèce, premièrement, s’agissant de l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée aux points 68 et 69 ci-dessus, elle a pour conséquence que, lorsque la Commission prouve que la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une filiale est détenue, directement ou indirectement, par sa société mère, c’est à cette dernière qu’il incombe d’apporter des éléments de preuve suffisants relatifs aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre elle-même et sa filiale de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché.

81      Or, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante s’applique sans discrimination à toutes les entités économiques qui satisfont à sa condition objective d’application, à savoir la détention par la société mère de la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une filiale. Par ailleurs, dès lors que ladite présomption permet à la Commission uniquement de ne plus devoir démontrer l’exercice d’une influence déterminante par la société mère sur sa filiale et demeure, en tout état de cause, réfragable, rien ne permet de conclure que cette présomption comporte une limitation sur le régime des différentes formes de propriété de sociétés ou que, comme la requérante le prétend, la présomption concernée est susceptible de décourager certains régimes de détention capitalistiques tels que les holdings industriels.

82      Deuxièmement, s’agissant de l’argument tiré de la violation de l’article 345 TFUE, il convient de rappeler que, aux termes de cette disposition, les traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres. Il convient de rappeler de même que, selon la jurisprudence, une telle disposition interdit à l’Union de discriminer entre des régimes de propriété privé et des régimes de propriété publique au sein des États membres (voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 2013, Essent e.a., C‑105/12 à C‑107/12, EU:C:2013:677, points 29 à 34 ; du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, points 92 à 100 ; du 4 septembre 2014, SNCM et France/Corsica Ferries France, C‑533/12 P et C‑536/12 P, EU:C:2014:2142, point 38 ; du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T‑319/11, EU:T:2014:186, points 147 à 155, et du 15 janvier 2015, France/Commission, T‑1/12, EU:T:2015:17, points 91 à 102). En l’espèce, la requérante ne soutient toutefois pas que la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante soit susceptible de donner lieu à un tel genre de discrimination. Par conséquent, l’article 345 TFUE n’est pas de nature à fonder, en tant que tel, le reproche selon lequel ladite présomption établit une inégalité de traitement entre les holdings industriels et d’autres sociétés mères.

83      En tout état de cause, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que l’article 345 TFUE n’a pas pour effet que les régimes de propriété existant dans les États membres échappent aux règles fondamentales du traité, y compris celles relatives à la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2013, Essent e.a., C‑105/12 à C‑107/12, EU:C:2013:677, point 36 et jurisprudence citée). En outre, ladite disposition n’empêche pas d’attacher des conséquences à la détention majoritaire du capital d’une entreprise s’il y a des raisons objectives pour le faire (voir, en ce sens, arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T‑319/11, EU:T:2014:186, point 153), comme c’est le cas, en l’occurrence, de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, reconnue par la jurisprudence de la Cour.

84      Enfin, quant à l’argument de la requérante selon lequel l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante est susceptible d’affecter ses petits actionnaires, il suffit de relever qu’un tel argument, à le supposer recevable conformément aux règles relatives à la qualité pour agir devant les tribunaux de l’Union, n’est pas étayé par des preuves concrètes, de sorte qu’il y a lieu de le rejeter comme étant manifestement non fondé.

85      Par conséquent, il y a lieu de conclure que, en l’espèce, l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante ne viole ni le droit de propriété ni l’article 345 TFUE, dans le sens allégué par la requérante, et que le présent grief doit dès lors être rejeté.

–       Sur le troisième grief, tiré de la violation des droits de la défense

86      S’agissant des droits de la défense, la requérante soutient que ses droits ont été violés, car elle a cédé ses archives et les documents relatifs aux sociétés ayant précédé l’intervenante lors du transfert de la propriété de ces dernières à Goldman Sachs, de sorte qu’elle n’a pas été objectivement en mesure de se défendre quant au fond de l’infraction constatée, car elle ne disposait pas de l’information nécessaire à ces fins.

87      La Commission et l’intervenante contestent ces arguments.

88      Selon une jurisprudence constante, en vertu du devoir général de prudence qui incombe à toute entreprise ou association d’entreprises, la requérante est tenue de veiller à la bonne conservation, en ses livres ou archives, des éléments permettant de retracer ses activités, afin, notamment, de disposer des preuves nécessaires dans l’hypothèse d’actions judiciaires ou administratives (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 301 et jurisprudence citée). Cette obligation s’applique également en matière de cession d’une filiale conformément à l’arrêt du 27 juin 2012, Bolloré/Commission (T‑372/10, EU:T:2012:325, point 152).

89      Il s’ensuit que la requérante ne saurait faire valoir qu’elle n’a pas été objectivement en mesure de se défendre quant au fond de l’infraction constatée, car elle ne disposait pas de l’information nécessaire à cette fin.

90      La requérante soutient que, dans l’arrêt du 27 juin 2012, Bolloré/Commission (T‑372/10, EU:T:2012:325, point 152), la cession de la filiale concernée dans cette affaire avait eu lieu après les premières inspections de la Commission, tandis qu’elle n’a eu connaissance de l’enquête de la Commission qu’après ladite cession. Pour cette raison, elle estime que la présente espèce est substantiellement différente de celle concernée par ledit arrêt.

91      Cependant, il y a lieu de considérer que le devoir de conserver les éléments nécessaires afin de pouvoir se défendre en cas d’actions judiciaires s’impose à toute société en toute situation et ne s’applique pas uniquement au cas où la société mère détient encore la filiale au moment des inspections effectuées par la Commission. Dans le cas contraire, il suffirait à une société mère de céder sa société filiale avant l’ouverture d’une procédure d’enquête en matière de concurrence pour éviter toute responsabilité dans l’infraction sous prétexte d’une violation des droits de la défense (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2014, Bolloré/Commission, C‑414/12 P, EU:C:2014:301, point 52). Partant, il y a lieu de constater, contrairement à ce que soutient la requérante, que les considérations établies dans la jurisprudence citée au point 88 ci-dessus sont susceptibles d’être appliquées dans le cas d’espèce.

92      Il s’ensuit que le grief selon lequel l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante a violé les droits de la défense de la requérante doit être rejeté.

93      Le deuxième moyen doit dès lors être rejeté dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’inapplicabilité de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante en l’absence des conditions qui la justifient et de la violation de l’article 101 TFUE

94      La requérante fait valoir, en substance, que l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante n’était pas justifiée eu égard aux caractéristiques spécifiques de la relation de contrôle existant entre la requérante et les sociétés ayant précédé l’intervenante. Elle estime que le présent cas d’espèce se distingue de ceux dans lesquels ladite présomption est habituellement appliquée en raison de la présence cumulative de deux circonstances, à savoir, d’une part, le fait qu’elle est un holding de type conglomérat, qui contrôlait plus de 100 sociétés différentes, opérant dans des secteurs commerciaux distincts, de sorte que son chef se bornait à exercer une activité de gestion à caractère technique et financier, dénuée d’aspects commerciaux, et, d’autre part, le fait que l’intervenante a été cédée par elle le 28 juillet 2005 sans que cette cession ait eu la moindre répercussion sur la participation de l’intervenante à l’entente, ce qui mettrait en évidence que cette dernière société agissait en pleine autonomie.

95      La Commission et l’intervenante contestent ces arguments.

96      À titre liminaire, il convient de relever que, par le troisième moyen, la requérante fait valoir, en substance, l’existence d’une erreur d’appréciation de la Commission en ce que cette dernière a considéré qu’elle n’avait pas réussi à renverser la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante appliquée en raison de sa qualité de société mère de l’intervenante.

97      Or, il y a lieu de relever que, dès lors que la requérante possédait près de 100 % du capital de sa filiale pendant la période infractionnelle pour laquelle sa responsabilité solidaire a été retenue, ce que la requérante ne conteste pas, la Commission était en droit d’avoir recours à la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante et il ne lui incombait pas d’apporter d’autres éléments de preuve à cet égard, conformément à la jurisprudence citée au point 69 ci-dessus. L’argument de la requérante selon lequel l’application de ladite présomption n’aurait pas été justifiée en l’espèce doit dès lors être rejeté.

98      Les deux circonstances invoquées par la requérante ne sauraient remettre en cause la conclusion qui précède.

99      En premier lieu, même à supposer, comme la requérante le fait valoir, que celle-ci se soit bornée, en tant que holding, à gérer ses participations, eu égard à sa nature sociale et à son objet statutaire, outre le caractère non étayé de cette allégation par des preuves concrètes, elle n’est pas suffisante, selon une jurisprudence constante du Tribunal, pour renverser la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante. En effet, dans le contexte d’un groupe de sociétés, un holding, qui coordonne notamment les investissements financiers au sein du groupe, est une société qui a vocation à regrouper des participations dans diverses sociétés et a pour fonction d’en assurer l’unité de direction, notamment par le biais de ce contrôle budgétaire (voir arrêt du 15 juillet 2015, HIT Groep/Commission, T‑436/10, EU:T:2015:514, point 125 et jurisprudence citée). Dans ces circonstances, la requérante ne saurait faire valoir que sa condition de holding empêchait de considérer qu’elle et les sociétés ayant précédé l’intervenante faisaient toutes partie de la même entité économique et formaient ainsi une entreprise au sens de l’article 101 TFUE.

100    En outre, l’argument de la requérante selon lequel elle n’avait pas d’influence sur la politique commerciale de sa filiale doit également être rejeté. En effet, la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante ne saurait être renversée par la seule démonstration de ce que les sociétés ayant précédé l’intervenante ont géré sa politique commerciale stricto sensu, sans recevoir de directive de la requérante à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2015, HIT Groep/Commission, T‑436/10, EU:T:2015:514, point 144). Au demeurant, il convient de relever que, ainsi que la requérante l’a reconnu lors de la procédure administrative devant la Commission et ainsi qu’il ressort de la requête, ses filiales étaient soumises à une obligation de rapport de leurs activités, de sorte que ledit argument manque en fait.

101    En second lieu, il y a lieu de considérer que le fait que l’intervenante a continué à participer à l’entente même après sa cession à Goldman Sachs, comme la requérante le réitère, ne prouve pas non plus l’absence de responsabilité de la requérante en tant que société mère de l’intervenante pour une certaine partie de l’infraction. En effet, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, ce qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à une société mère à titre solidaire est le fait qu’elle est censée constituer, avec sa filiale, une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE, et ce n’est pas nécessairement la preuve d’une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et la filiale, ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 88 et jurisprudence citée). Or, la requérante demeure en défaut de démontrer, par le biais d’éléments de preuve relatifs aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre elle-même et sa filiale, que cette dernière se comportait de façon autonome sur le marché jusqu’à la date de sa cession à Goldman Sachs et, en particulier, qu’elles ne constituaient pas une entité économique unique ni, par conséquent, une seule entreprise aux sens de l’article 101 TFUE.

102    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure qu’aucune des deux circonstances invoquées par la requérante n’est de nature à justifier, comme la requérante le prétend, la non-application par la Commission de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante à la requérante.

103    Le troisième moyen doit dès lors être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

104    La requérante allègue que la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante répond actuellement à deux objectifs principaux, à savoir mieux garantir le paiement effectif de l’amende et permettre d’infliger des amendes d’un montant plus élevé à des fins de dissuasion. Or, aucune de ces motivations ne serait présente en l’espèce. En ce qui concerne le premier motif, elle relève notamment que l’intervenante était solvable aux fins du paiement de l’amende. En ce qui concerne le second motif, la requérante fait observer que le montant de l’amende ne dépasse pas le seuil de 10 % du chiffre d’affaires de l’intervenante, de sorte qu’il ne serait pas nécessaire d’inclure la requérante parmi les destinataires de la décision. Par conséquent, selon elle, dans la mesure où il n’existait aucun motif d’étendre la responsabilité de l’intervenante à sa société mère et, partant, l’application de ladite présomption n’était ni nécessaire ni justifiée pour la réalisation des objectifs qu’elle poursuit, la Commission a violé le principe de proportionnalité.

105    La Commission et l’intervenante contestent ces arguments.

106    Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 17 octobre 2013, Schaible, C‑101/12, EU:C:2013:661, point 29 et jurisprudence citée).

107    S’agissant, en particulier, de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, la Cour a dit pour droit que cette présomption vise notamment à ménager un équilibre entre, d’une part, l’importance de l’objectif consistant à réprimer les comportements contraires aux règles de la concurrence, en particulier à l’article 101 TFUE, et d’en prévenir le renouvellement et, d’autre part, les exigences de certains principes généraux du droit de l’Union tels que, notamment, la présomption d’innocence et les principes de responsabilité personnelle et de sécurité juridique ainsi que les droits de la défense, y compris le principe d’égalité des armes. Il s’ensuit que, selon la Cour, la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante est proportionnée au but légitime poursuivi (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 108 et jurisprudence citée).

108    En l’espèce, dans la mesure où la Commission a constaté que, pendant la période infractionnelle pour laquelle la responsabilité solidaire de la requérante a été retenue, cette dernière détenait près de 100 % du capital de sa filiale ayant participé à l’entente, elle pouvait lui appliquer, sans commettre aucune illégalité, et comme il a été constaté au point 97 ci-dessus, la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante.

109    En outre, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la Commission n’est pas tenue, en vue d’appliquer la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, d’apporter des indices supplémentaires à ceux démontrant le caractère applicable et opérant de cette présomption (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 80 et jurisprudence citée).

110    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission ne devait pas tenir compte du fait, aux fins de lui imputer la responsabilité solidaire pour le paiement du montant de l’amende infligée, que l’intervenante soit solvable aux fins dudit paiement ou, encore plus, que ledit montant ne dépasse pas 10 % du chiffre d’affaires de cette dernière société.

111    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de relever que, en l’espèce, la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité dans le sens invoqué par la requérante.

112    Le quatrième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement en raison de l’application erronée du principe de responsabilité solidaire aux fins du paiement de l’amende ainsi que de l’absence de prévision d’une mesure de correction adaptée de ce principe

113    Dans le cadre du cinquième moyen, la requérante formule trois griefs, tirés, premièrement, de l’application erronée du principe de responsabilité solidaire, deuxièmement, de l’absence d’adaptation du principe de responsabilité solidaire au cas d’espèce et, troisièmement, des violations des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

–       Sur le premier grief, tiré de l’application erronée du principe de responsabilité solidaire

114    La requérante fait valoir, en substance, que la Commission aurait dû imputer l’amende exclusivement à l’intervenante, car, d’une part, cette dernière société était solvable aux fins du paiement de la totalité de l’amende et, d’autre part, elle n’avait participé à l’infraction que de manière dérivée et accessoire. Dans ce contexte, elle estime que l’amende qui lui a été infligée solidairement ne poursuit pas les objectifs du mécanisme de solidarité, tels que définis par la jurisprudence.

115    La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

116    Tout d’abord, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que, pour autant que, par son argument, la requérante tend à remettre en cause, en substance, le principe selon lequel, si une influence déterminante de la société mère sur sa filiale est établie, la Commission peut prendre une décision infligeant une amende à la société mère, sans qu’il soit nécessaire de démontrer son implication directe dans l’infraction, une telle allégation est contraire à une jurisprudence constante (voir point 67 ci-dessus).

117    Ensuite, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait dû prendre en compte la circonstance qu’elle n’avait pas participé directement à l’entente et que, partant, le fait d’infliger solidairement une amende n’a aucun effet dissuasif, il y lieu de rappeler, aux termes d’une jurisprudence de la Cour bien établie, que la société mère qui s’est vu imputer le comportement infractionnel de sa filiale est personnellement condamnée pour une infraction aux règles de concurrence de l’Union qu’elle est censée avoir commise elle-même, en raison de l’influence déterminante qu’elle exerçait sur la filiale et qui lui permettait de déterminer le comportement de cette dernière sur le marché (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, EU:C:1972:70, points 140 et 141 ; du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C‑294/98 P, EU:C:2000:632, points 28 et 34 ; du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission, C‑50/12 P, EU:C:2013:771, point 55 ; du 10 avril 2014, Commission e.a./Siemens Österreich e.a., C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 49, et du 8 mai 2014, Bolloré/Commission, C‑414/12 P, non publié, EU:C:2014:301, point 44). Dans ces circonstances, contrairement à ce que prétend la requérante, l’amende qui lui est infligée est susceptible non seulement de dissuader des comportements anticoncurrentiels futurs de sa part, mais également d’encourager l’adoption de politiques internes efficaces au sein du groupe sociétaire dont font partie la société mère et la filiale afin de garantir l’absence de répétition desdits comportements.

118    Enfin, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle, eu égard à la solvabilité de l’intervenante, il n’existait pas de nécessité d’une garantie de paiement solidaire de sa part, il y a lieu de souligner, à l’instar du point 110 ci-dessus, qu’il ne découle pas de la jurisprudence que la solidarité entre la société mère et sa filiale ne puisse être instituée qu’en cas de risque de non-solvabilité de la filiale. En outre, comme il a été rappelé au point 66 ci-dessus, le droit de la concurrence de l’Union repose sur le principe de responsabilité personnelle de l’unité économique ayant commis l’infraction. Ainsi, si la société mère fait partie de cette unité économique, elle est considérée comme personnellement et solidairement responsable avec les autres personnes juridiques constituant cette unité de l’infraction commise (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 77). C’est pourquoi le rapport de solidarité qui existe entre deux sociétés constituant une unité économique ne saurait se réduire, en ce qui concerne le paiement de l’amende, à une forme de caution fournie par la société mère pour garantir le paiement de l’amende infligée à la filiale (voir, en ce sens, arrêts du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission, C‑50/12 P, EU:C:2013:771, points 55 et 56, et du 19 juin 2014, FLS Plast/Commission, C‑243/12 P, EU:C:2014:2006, point 107).

119    Il résulte de ce qui précède que, en retenant la responsabilité solidaire de la requérante et de l’intervenante pour le paiement de l’amende en cause, la Commission n’a pas enfreint les objectifs du mécanisme de solidarité prévu par la jurisprudence, dans le sens allégué par la requérante.

120    Le premier grief doit dès lors être rejeté.

–       Sur le deuxième grief, tiré de l’absence d’adaptation du principe de responsabilité solidaire au cas d’espèce

121    La requérante fait valoir que, même à supposer que la Commission ait pu appliquer le mécanisme de solidarité, celle-ci aurait dû, à tout le moins, l’appliquer de manière adéquate. En particulier, conformément aux paragraphes 27 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, la Commission aurait dû prendre en compte le fait que la requérante n’avait adopté aucun comportement réprimé par l’ordre juridique, étant donné qu’elle ignorait même la prétendue infraction. Cette solution n’aurait affecté nullement les intérêts financiers de l’Union, compte tenu du degré de solvabilité élevé de l’intervenante.

122    La Commission et l’intervenante contestent ces arguments.

123    Il convient de rappeler que, sous le titre 2 « Ajustements du montant de base », les paragraphes 27 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 prévoient ce qui suit :

« 27. Dans la détermination de l’amende, la Commission peut prendre en compte des circonstances qui mènent à une augmentation ou à une réduction du montant de base tel que déterminé à la section 1 ci-dessus. Elle le fera sur le fondement d’une appréciation globale tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes.

[…]

37. Bien que les présentes lignes directrices exposent la méthodologie générale pour la fixation d’amendes, les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette méthodologie ou des limites fixées au point 21. »

124    En l’espèce, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort du point 117 ci-dessus, contrairement à ce que soutient la requérante, cette dernière est considérée comme ayant commis une violation des règles de la concurrence, de sorte qu’aucune raison ne justifie d’adapter sa responsabilité en modulant le montant final de l’amende à payer par la requérante. En outre, rien ne permet de considérer que la responsabilité de la requérante est moindre que celle de l’intervenante, dès lors que la requérante est la société mère qui, selon les constatations de la Commission, a exercé une influence déterminante sur le comportement de l’intervenante qui était sa filiale. Enfin, il convient de souligner, à l’instar de la Commission, que les lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 lui permettent d’adapter ou de moduler le montant de l’amende à imposer aux entreprises ayant participé à une violation de l’article 101 TFUE, mais ne prévoient aucun pouvoir discrétionnaire concernant le mécanisme de solidarité au sens où l’entend la requérante.

125    Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la Commission n’était pas tenue de modifier ou d’adapter le montant de l’amende conformément aux paragraphes 27 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006.

126    Le deuxième grief doit donc être rejeté.

–       Sur le troisième grief, tiré de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement

127    La requérante reproche à la Commission la violation du principe de proportionnalité, dans la mesure où l’amende qui lui a été infligée solidairement avec l’intervenante est excessive. Elle invoque, de même, une violation du principe d’égalité de traitement, en ce que, à ses yeux, elle et l’intervenante sont traitées de la même manière, alors que la responsabilité de l’intervenante pour l’infraction serait directe et la sienne résulterait de l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante.

128    La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

129    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour fixer des amendes telles que celle en cause en l’espèce, la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit, tout particulièrement les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, tels qu’ils sont développés par la jurisprudence des juridictions de l’Union (arrêts du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, EU:T:2006:103, points 77 et 79, et du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, EU:T:2008:415, point 41).

130    Premièrement, s’agissant du principe de proportionnalité, celui-ci exige, comme il a déjà été indiqué au point 106 ci-dessus, que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché.

131    En l’espèce, force est de constater que, alors que la requérante affirme que l’amende qui lui a été infligée solidairement avec l’intervenante viole le principe de proportionnalité, elle n’avance aucun élément destiné à mettre en cause les appréciations effectuées par la Commission. Or, la simple invocation du principe du droit de l’Union dont la violation est alléguée, sans indiquer les éléments de fait et de droit sur lesquels cette allégation se fonde, ne satisfait pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêts du 3 mai 2007, Espagne/Commission, T‑219/04, EU:T:2007:121, point 89, et du 2 septembre 2009, El Morabit/Conseil, T‑37/07 et T‑323/07, non publié, EU:T:2009:296, point 27).

132    En tout état de cause, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, qu’il ressort du considérant 998 de la décision attaquée que l’infraction pour laquelle la Commission a retenu la responsabilité solidaire de la requérante et de l’intervenante a été qualifiée de très grave dans la mesure où elle a consisté à répartir la clientèle et les marchés au niveau mondial dans le secteur du câble électrique souterrain et sous-marin à haute et très haute tension. À cet égard, il convient de rappeler qu’une telle infraction compte parmi les restrictions de concurrence les plus graves au sens du paragraphe 23 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 et que le taux de 15 % correspond au taux le plus faible de l’échelle des sanctions prévue pour de telles infractions en vertu de ces lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Laufen Austria/Commission, C‑637/13 P, EU:C:2017:51, point 65 et jurisprudence citée). De plus, s’agissant du taux supplémentaire de 2 %, force est de constater que la Commission pouvait, à juste titre, l’additionner à celui de 15 % étant donné que, comme elle l’a expliqué, tous les destinataires combinés de l’entente constituaient presque l’intégralité des acteurs dans l’EEE du secteur des câbles électriques à haute tension, l’infraction avait une portée géographique quasi mondiale et elle couvrait notamment l’ensemble du territoire de l’EEE.

133    En outre, dans la décision attaquée, la Commission constate que l’entité formée par la requérante et l’intervenante a été impliquée dans presque toutes les activités de l’entente, telles que décrites au considérant 493 de la décision attaquée. Eu égard à ce comportement, la sanction infligée à ladite entité est d’un montant de 67 310 000 euros, ce qui correspond, comme la Commission l’indique, à 1,1 % du chiffre d’affaires de la requérante et à 0,9 % du chiffre d’affaires de l’intervenante. Dans ce contexte, la requérante ne saurait soutenir que l’amende infligée à titre solidaire est disproportionnée par rapport à la gravité de l’infraction dans laquelle elle a été impliquée.

134    Deuxièmement, s’agissant du principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler que ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts du 27 juin 2012, Bolloré/Commission, T‑372/10, EU:T:2012:325, point 85 et jurisprudence citée, et du 19 janvier 2016, Mitsubishi Electric/Commission, T‑409/12, EU:T:2016:17, point 108 et jurisprudence citée).

135    À cet égard, l’affirmation de la requérante selon laquelle sa responsabilité et celle de l’intervenante seraient différentes du fait que la première serait liée à la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante et que la seconde est directe ne peut pas être accueillie. En effet, une telle affirmation présente comme prémisse initiale l’existence de différents degrés de participation au sein de l’entité créée par la requérante et l’intervenante. Or, comme il a été déjà indiqué au point 117 ci-dessus, tant la société mère que la filiale sont responsables des infractions commises par l’entreprise unique à laquelle elles appartiennent, la première, en raison de l’influence déterminante exercée sur l’activité de sa filiale et, la seconde, en raison de la participation directe aux actions déterminées par la société mère. Dans ces circonstances, il ne saurait être admis qu’une société appartenant à une entreprise unique, au sens de l’article 101 TFUE, est moins responsable qu’une autre société appartenant à cette même entreprise pour invoquer un traitement différent et plus favorable en matière de sanctions.

136    L’argumentation de la requérante relative à la violation du principe de l’égalité de traitement doit ainsi être rejetée.

137    Par conséquent, la Commission n’a commis aucune violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement en raison de l’application erronée du principe de responsabilité solidaire aux fins du paiement de l’amende ainsi que de l’absence de prévision d’une mesure de correction adaptée de ce principe.

138    Le cinquième moyen doit dès lors être rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré de l’illégalité de la décision attaquée en ce qui concerne l’intervenante

139    La requérante soutient que la décision attaquée est illégale en ce que la Commission a établi la responsabilité de l’intervenante en tant qu’auteur direct de l’infraction. Elle estime qu’elle doit bénéficier de l’éventuelle annulation, partielle ou totale, de la décision attaquée ou, à tout le moins, de l’éventuelle réduction du montant de l’amende que l’intervenante pourrait obtenir dans le cadre du recours introduit par cette dernière devant le Tribunal contre ladite décision.

140    La Commission et l’intervenante contestent ces arguments.

141    Selon une jurisprudence constante, en vertu de l’article 76 du règlement de procédure, la requête doit notamment contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. En outre, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans avoir à solliciter d’autres informations. Il faut, en effet, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice. Toujours selon une jurisprudence constante, tout moyen qui n’est pas suffisamment articulé dans la requête introductive d’instance doit être considéré comme irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Corporación Empresarial de Materiales de Construcción/Commission, T‑250/12, EU:T:2015:749, point 101 et jurisprudence citée).

142    En l’espèce, il y a lieu de relever que le présent moyen, tiré du caractère illégal de la décision attaquée en ce qui concerne les appréciations relatives à l’intervenante, est fondé sur une énumération générale de griefs, sans aucun élément ou argument à l’appui. Dès lors, force est de constater qu’il ne remplit pas les conditions exigées par l’article 76 du règlement de procédure et doit être rejeté comme étant irrecevable, sans préjudice de l’examen de la demande de la requérante, formulée dans le cadre de ses conclusions visant la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée, de bénéficier de l’éventuelle annulation de la décision attaquée ou de l’éventuelle réduction du montant de l’amende que l’intervenante pourrait obtenir à la suite du recours introduit par cette dernière devant le Tribunal contre ladite décision.

143    Le sixième moyen doit dès lors être rejeté.

144    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas réussi à démontrer l’existence d’irrégularités commises par la Commission justifiant l’annulation de la décision attaquée en ce qui la concerne.

145    Les conclusions en annulation formulées par la requérante doivent, partant, être rejetées.

 Sur les conclusions visant la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante

146    Dans le cadre de ses conclusions visant la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée, la requérante invite le Tribunal à reconnaître un bénéfice d’ordre ou de discussion en sa faveur, en vertu duquel la Commission devrait d’abord demander le paiement de l’amende à l’intervenante avant de ne s’adresser à la requérante qu’à titre subsidiaire, en cas d’impossibilité de procéder à l’encontre de l’intervenante. De même, elle demande au Tribunal d’obtenir le bénéfice de toute réduction du montant de l’amende qui serait accordée à l’intervenante dans le cadre du recours introduit par celle-ci et Prysmian contre la décision attaquée et donnant lieu à l’affaire T‑475/14, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi/Commission.

 Sur la demande de bénéfice d’ordre ou de discussion

147    S’agissant, en premier lieu, de l’invitation de la requérante à reconnaître, en sa faveur, un bénéfice d’ordre ou de discussion, celle-ci fait valoir qu’une telle possibilité découle du pouvoir de pleine juridiction reconnu par l’article 261 TFUE, conformément auquel le Tribunal pourrait non seulement modifier le montant des amendes imposées par la Commission, mais également diversifier les modalités de paiement et de discussion desdites amendes.

148    À cet égard, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 261 TFUE, la compétence de pleine juridiction conférée au juge de l’Union en matière de concurrence ne peut concerner que les sanctions prévues notamment par le règlement no 1/2003. Ainsi, cette compétence ne saurait s’étendre à des appréciations qui ne relèvent pas du pouvoir de sanction de la Commission (arrêt du 10 avril 2014, Commission e.a./Siemens Österreich e.a., C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 75). Or, selon une jurisprudence constante, le pouvoir de sanction de la Commission en vertu de l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement ne s’étend pas à celui de déterminer les quotes-parts d’amende propres à chacun des codébiteurs solidaires dans le cadre de leurs relations réciproques, mais il incombe aux juridictions nationales d’y procéder, dans le respect du droit de l’Union, en faisant application du droit national (arrêt du 16 juin 2016, SKW Stahl-Metallurgie et SKW Stahl-Metallurgie Holding/Commission, C‑154/14 P, EU:C:2016:445, point 50 et jurisprudence citée), et, dès lors que ledit pouvoir de sanction ne comporte pas celui de répartir l’amende infligée entre les codébiteurs solidaires dans le cadre de leur relation interne, une fois celle-ci intégralement payée et, par suite, la Commission désintéressée, le Tribunal ne saurait non plus disposer d’un tel pouvoir de répartition dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction qui lui est reconnue à l’article 31 de ce règlement pour supprimer, réduire ou majorer ladite amende (arrêt du 10 avril 2014, Commission e.a./Siemens Österreich e.a., C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 74).

149    La demande de la requérante de bénéfice d’ordre ou de discussion doit dès lors être rejetée.

 Sur la demande de réduction du montant de l’amende afin de bénéficier de toute réduction dudit montant qui serait accordée à l’intervenante à la suite du recours introduit contre la décision attaquée dans l’affaire T475/14

150    S’agissant, en second lieu, de la demande de bénéficier de l’éventuelle annulation partielle de la décision attaquée ou, à tout le moins, de l’éventuelle réduction du montant de l’amende prévue à l’article 2, sous g), de ladite décision, qui serait accordée à l’intervenante à la suite du recours contre ladite décision dans l’affaire T‑475/14, il y a lieu de rappeler que la requérante n’a pas été tenue pour responsable de l’entente en cause sur le fondement de sa participation directe aux activités de celle-ci. En effet, conformément à l’article 1er de cette décision, elle a uniquement été tenue pour responsable de l’infraction en tant que société mère de l’intervenante.

151    Or, dans l’hypothèse où la responsabilité de la société mère résulte exclusivement de la participation directe de sa filiale à l’infraction et où ces deux sociétés ont introduit des recours parallèles ayant le même objet, le Tribunal peut, sans statuer ultra petita, tenir compte de l’annulation du constat d’infraction à l’égard de la filiale pour une période déterminée et réduire de façon corrélative le montant de l’amende infligée à la société mère solidairement avec sa filiale.

152    À cet égard, d’une part, pour retenir la responsabilité d’une entité quelconque d’une unité économique, il est nécessaire que la preuve soit apportée qu’une entité au moins a commis une infraction aux règles de concurrence de l’Union et que cette circonstance soit relevée dans une décision qui soit devenue définitive et, d’autre part, est sans pertinence la raison pour laquelle l’absence de comportement infractionnel de la filiale est constatée.

153    C’est dans un tel contexte qu’il y a lieu de se référer au caractère entièrement dérivé de la responsabilité de la société mère encourue du seul fait de la participation directe d’une filiale à l’infraction. En effet, dans ce cas de figure, la responsabilité de la société mère trouve son origine dans le comportement infractionnel de sa filiale, que la société mère se voit attribuer compte tenu de l’unité économique que ces sociétés constituent. Par voie de conséquence, la responsabilité de la société mère est nécessairement fonction des faits constitutifs de l’infraction commise par sa filiale auxquels sa responsabilité est inextricablement liée.

154    Pour des raisons identiques, il y a lieu de préciser que, dans une situation où aucun facteur ne caractérise individuellement le comportement reproché à la société mère, la réduction du montant de l’amende imposée à la filiale solidairement avec sa société mère doit, en principe, lorsque les conditions procédurales requises sont réunies, être étendue à la société mère.

155    En l’espèce, il convient de constater que tant la requérante, d’une part, que Prysmian et l’intervenante, d’autre part, ont introduit un recours contre la décision attaquée et ces recours ont, pour partie, le même objet, à savoir, à titre principal, celui d’annuler l’amende prévue par l’article 2, sous g), de ladite décision, en ce qui les concerne, et, à titre subsidiaire, celui de réduire le montant de ladite amende qui leur a été infligée solidairement.

156    Dans ces circonstances, il y aurait lieu de reconnaître à la requérante les mêmes bénéfices de l’éventuelle annulation de la décision attaquée qu’à l’intervenante dans le cadre du recours introduit dans l’affaire T‑475/14.

157    Toutefois, il convient de souligner que, par arrêt de ce jour, dans l’affaire T‑475/14, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi/Commission, le Tribunal a rejeté le recours dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, à savoir tant les conclusions en annulation formulées par Prysmian et l’intervenante que leurs conclusions visant à la réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées.

158    Partant, la demande de la requérante de bénéficier de toute réduction qui serait accordée à l’intervenante à la suite du recours introduit contre la décision attaquée dans l’affaire T‑475/14, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi/Commission, ne saurait prospérer et, dès lors, il convient de rejeter les conclusions visant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante dans leur ensemble.

159    À la lumière de tout ce qui précède, le présent recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

160    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

161    La requérante ayant succombé en l’ensemble de ses conclusions et de ses moyens et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de la condamner à supporter l’ensemble des dépens.

162    Selon l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’un intervenant autre que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 2 dudit article supportera ses propres dépens. Dans les circonstances du présent litige, il y a lieu de déclarer que l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Pirelli & C. SpA supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

3)      Prysmian Cavi e Sistemi Srl supportera ses propres dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2018.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Requérante et secteur concerné

Procédure administrative

Décision attaquée

Infraction en cause

Responsabilité de la requérante

Amende infligée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les conclusions en annulation

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des droits fondamentaux en raison de l’application de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante

– Sur le premier grief, tiré de violations du principe de responsabilité personnelle et de la présomption d’innocence

– Sur le deuxième grief, tiré de la violation du droit de propriété

– Sur le troisième grief, tiré de la violation des droits de la défense

Sur le troisième moyen, tiré de l’inapplicabilité de la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante en l’absence des conditions qui la justifient et de la violation de l’article 101 TFUE

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement en raison de l’application erronée du principe de responsabilité solidaire aux fins du paiement de l’amende ainsi que de l’absence de prévision d’une mesure de correction adaptée de ce principe

– Sur le premier grief, tiré de l’application erronée du principe de responsabilité solidaire

– Sur le deuxième grief, tiré de l’absence d’adaptation du principe de responsabilité solidaire au cas d’espèce

– Sur le troisième grief, tiré de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement

Sur le sixième moyen, tiré de l’illégalité de la décision attaquée en ce qui concerne l’intervenante

Sur les conclusions visant la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante

Sur la demande de bénéfice d’ordre ou de discussion

Sur la demande de réduction du montant de l’amende afin de bénéficier de toute réduction dudit montant qui serait accordée à l’intervenante à la suite du recours introduit contre la décision attaquée dans l’affaire T475/14

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’italien.

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