Pegasus v Parliament (Judgment) French Text [2018] EUECJ T-57/17 (11 July 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T5717.html
Cite as: [2018] EUECJ T-57/17, ECLI:EU:T:2018:425, EU:T:2018:425

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

11 juillet 2018 (*)

« Droit institutionnel – Parlement européen – Décision octroyant une subvention à une fondation politique – Préfinancement fixé à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée – Obligation de fournir une garantie bancaire de préfinancement – Règlement financier – Règles d’application du règlement financier – Règlement (CE) no 2004/2003 relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen – Proportionnalité – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑57/17,

Pegasus, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me P. Richter, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. N. Görlitz, Mmes S. Alves et C. Burgos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision FINS-2017-31 du Parlement européen, du 12 décembre 2016, relative à l’octroi d’une subvention à la requérante, en ce que cette décision limite le préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention et subordonne son versement à la fourniture d’une garantie bancaire,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva et M. R. Barents (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Pegasus, est une fondation politique au niveau européen, au sens de l’article 2, point 4, du règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO 2003, L 297, p. 1, ci-après la « fondation politique »). Elle est affiliée à Coalition for Life and Family (CLF), laquelle est un parti politique au niveau européen, au sens de l’article 2, point 3, du règlement no 2004/2003 (ci-après le « parti politique »). Les deux entités ont été créées en septembre 2016.

2        Par lettre datée du 5 septembre 2016, la requérante a présenté, pour la première fois, dans le cadre de l’exercice budgétaire 2017, une demande de financement à la charge du budget général de l’Union européenne auprès du Parlement européen, au titre du règlement no 2004/2003.

3        Par lettre datée du 22 septembre 2016, CLF a, elle aussi, demandé au Parlement, pour la première fois, une subvention, au titre du règlement no 2004/2003, dans le cadre de l’exercice budgétaire 2017. Conformément au point 4.6, sous g), de l’appel à propositions IX-2017/01 ‐ « Subventions octroyées aux partis politiques au niveau européen » (JO 2016, C 223, p. 10), CLF a joint à sa demande la liste de ses membres afin d’attester qu’elle remplissait la condition de représentation visée à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003. Il ressort du tableau fourni à cette occasion que CLF a déclaré huit membres, dans huit États membres différents, à savoir six membres de parlements nationaux, un membre d’un parlement régional et un membre d’une assemblée régionale.

4        Par courriel du 29 novembre 2016, le Parlement a informé CLF que son membre belge ne serait pas pris en considération dans la mesure où cette personne qui avait adhéré à CLF le 11 septembre 2016 était également membre d’un autre parti politique et avait confirmé son adhésion à cet autre parti politique le 30 septembre 2016.

5        Le 5 décembre 2016, le secrétaire général du Parlement a adressé une note au bureau du Parlement présentant les résultats de l’évaluation des demandes de subventions reçues pour l’exercice budgétaire 2017 de partis et fondations politiques et invitant ce dernier à arrêter la liste des bénéficiaires et des montants octroyés en tenant compte du résultat de l’évaluation (ci-après la « note du secrétaire général »).

6        Il ressort des points 27 et 28 de la note du secrétaire général que, à la suite du décompte final des subventions octroyées pour l’année 2015, un parti politique et deux fondations politiques ont dû engager une procédure de liquidation dans la mesure où ils n’ont pas été en mesure de rembourser la totalité des montants dus au Parlement. La note du secrétaire général ajoutait que de tels cas étaient à éviter et qu’il était nécessaire de préserver les intérêts financiers du Parlement à l’avenir.

7        Au point 33 de la note du secrétaire général, il était précisé que la requérante et CLF étaient de nouvelles entités et qu’elles n’étaient représentées que dans sept États membres. Le secrétaire général relevait, en outre, qu’il y avait un risque que le critère de représentation ne soit pas rempli, étant donné que, dans l’un des États membres, des élections devaient avoir lieu en décembre 2016. Certains membres de CLF avaient été auparavant membres d’autres partis européens faisant l’objet d’un examen. Selon le secrétaire général, certains membres du comité d’évaluation des demandes de subvention avaient également fait part de leurs préoccupations quant à savoir si CLF et la requérante respectaient ou non les principes sur lesquels l’Union est fondée. Compte tenu du manque de stabilité de CLF et de l’impossibilité de confirmer la viabilité administrative et financière des deux entités qui n’avaient été créées que le 5 septembre 2016, le secrétaire général proposait de lier le préfinancement à des mesures d’atténuation des risques, à savoir, ainsi qu’il ressort des points 35 et 36 de sa note, d’une part, limiter à 40 % le montant du préfinancement accordé et, d’autre part, subordonner son versement à la production d’une garantie bancaire portant sur un montant équivalent.

8        Lors de sa réunion du 12 décembre 2016, le bureau du Parlement a adopté la décision FINS-2017-31 accordant une subvention d’un montant maximal de 190 000 euros à la requérante pour l’exercice budgétaire 2017 (ci-après la « décision attaquée »). Aux termes des mesures établies à l’article I.4.1 de la décision attaquée, le montant du préfinancement était fixé à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée, soit 62 700 euros, et son paiement était subordonné à la production par la requérante d’une garantie bancaire portant sur un montant équivalent (ci-après, prises ensemble, les « mesures contestées »). La décision attaquée a été signée le 15 décembre 2016 et notifiée à la requérante par lettre datée du 21 décembre 2016.

9        Selon la lettre de notification de la décision attaquée du 21 décembre 2016, les mesures contestées ont été adoptées sur la base de l’article 134, paragraphe 1, du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier ») et de l’article 206, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement financier (JO 2012, L 362, p. 1, ci-après les « règles d’application du règlement financier »). Elles étaient justifiées par trois considérations. Premièrement, la requérante n’avait été créée qu’en septembre 2016. Par conséquent, le Parlement n’était pas en mesure d’évaluer avec suffisamment de certitude sa capacité à maintenir la stabilité administrative et financière nécessaire à la mise en œuvre de son programme de travail pendant la période de financement. Deuxièmement, en raison de sa création récente, le bureau du Parlement était dans l’impossibilité de déterminer si, comme l’exige l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2004/2003, la requérante, par ses actions, respectait les principes sur lesquels l’Union est fondée. Troisièmement, CLF, en plus d’être dans la même situation au regard des difficultés à évaluer sa stabilité administrative et financière ainsi que son respect des principes sur lesquels l’Union est fondée, n’était représentée que dans le nombre quasiment minimal d’États membres. Or, au terme des élections parlementaires qui s’étaient déroulées en Roumanie le 11 décembre 2016, mais dont les résultats n’étaient pas encore connus au moment où le bureau du Parlement prenait sa décision, CLF pouvait perdre l’adhésion d’un représentant. Cette perte était susceptible d’empêcher CLF de satisfaire au critère de représentation prévu à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003. Pour finir, l’attention de la requérante était attirée sur le fait que, si CLF perdait sa qualité de parti politique, la requérante, qui lui est affiliée, serait également exclue du financement, conformément à l’article 5, paragraphe 5, du règlement no 2004/2003.

10      Par courriels des 14 et 22 décembre 2016, CLF a transmis au Parlement deux nouvelles déclarations d’adhésion, l’une concernant un membre d’un parlement régional italien et l’autre un membre du parlement national lituanien.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 janvier 2017, la requérante a introduit le présent recours.

12      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé qu’il soit statué sur le présent recours selon une procédure accélérée, conformément à l’article 152 du règlement de procédure du Tribunal. Le 10 février 2017, le Parlement a déposé ses observations sur cette demande. Par décision du 1er mars 2017, le Tribunal (huitième chambre) a rejeté la demande de procédure accélérée.

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle limite le préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée et subordonne son versement à la constitution d’une garantie bancaire ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

14      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      Aucune des parties n’ayant demandé la tenue d’une audience dans le délai prévu à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal (huitième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

16      Partant, la demande de jonction aux fins de la phase orale de la procédure de la présente affaire avec le recours introduit par CLF contre la décision du Parlement lui octroyant une subvention, recours enregistré sous le numéro T‑54/17, Coalition for Life and Family/Parlement, présentée par le Parlement dans son mémoire en défense, est devenue sans objet.

 En droit

17      La requérante demande l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle limite le préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée et subordonne son paiement à la constitution d’une garantie bancaire.

18      À l’appui de cette demande, elle invoque, en substance, trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation du règlement financier, des règles d’application du règlement financier et du principe de proportionnalité. Le deuxième moyen est relatif à la violation du principe d’égalité, consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le troisième moyen est tiré de la violation de la liberté d’expression et de la liberté d’association, consacrées aux articles 11 et 12 de la Charte.

 Sur la violation du règlement financier, des règles d’application du règlement financier et du principe de proportionnalité

19      Le premier moyen est divisé en trois branches. La première branche est prise de la violation de l’interdiction d’exiger la constitution d’une garantie et de procéder à une limitation du montant du préfinancement pour les subventions de faible valeur. La deuxième branche est tirée de l’absence d’intérêt légitime du Parlement à adopter les mesures contestées. La troisième branche est tirée de la violation du principe de proportionnalité.

 Sur la première branche du premier moyen, relative aux subventions de faible valeur

20      La requérante fait valoir que l’article 134, paragraphe 2, du règlement financier ainsi que l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier interdisent l’exigence de constitution d’une garantie, et donc également la limitation du montant du préfinancement, pour les subventions de faible valeur.

21      Elle soutient que, pour déterminer si une subvention est de faible valeur, il convient de procéder à une comparaison avec les montants maximaux des subventions octroyées aux autres fondations politiques par le Parlement. Cette notion doit donc être appréciée au cas par cas, au terme d’un calcul comparatif. À titre subsidiaire, elle soutient que, pour des raisons de proportionnalité, un montant minimal de 60 000 euros aurait dû lui être versé sans conditions et que la constitution d’une garantie aurait pu être exigée pour le seul montant excédant cette limite.

22      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

23      L’article 134, paragraphe 1, du règlement financier dispose que l’ordonnateur compétent peut, s’il le juge approprié et proportionné, au cas par cas et sous réserve d’une analyse du risque, exiger du bénéficiaire une garantie préalable afin de limiter les risques financiers liés au versement des préfinancements. Le paragraphe 2 de ce même article dispose que les garanties ne sont pas exigées dans le cas de subventions de faible valeur.

24      L’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier énonce que, afin de limiter les risques financiers liés au versement de préfinancements, l’ordonnateur compétent peut, sur la base d’une analyse du risque, exiger du bénéficiaire une garantie préalable, dont le montant peut atteindre celui du préfinancement, sauf dans le cas des subventions de faible valeur, soit fractionner le versement en plusieurs tranches.

25      Pour déterminer si une subvention est de faible valeur, il y a lieu de se reporter à l’article 185 des règles d’application du règlement financier, aux termes duquel sont considérées comme telles les subventions inférieures ou égales à 60 000 euros. Force est donc de constater que le libellé de cet article ne soutient pas l’interprétation avancée par la requérante. En effet, cette disposition ne contient pas de référence relative à une appréciation au cas par cas ou à une analyse comparative. Elle fixe un seuil au-delà duquel une subvention ne saurait être considérée comme étant de faible valeur.

26      En l’espèce, le montant de la subvention accordée à la requérante par le Parlement est supérieur à 60 000 euros. Dès lors, cette subvention ne constitue pas une subvention de faible valeur.

27      Il ressort également des dispositions citées aux points 23 à 25 ci-dessus que la subvention est envisagée comme une somme indivisible, d’une valeur soit inférieure ou égale, soit supérieure à 60 000 euros. Ces dispositions ne permettent pas de diviser la subvention en une part de 60 000 euros, pouvant être versée sans garantie préalable, et en une autre part pour le surplus, dont le versement serait susceptible d’être conditionné à la constitution d’une garantie bancaire.

28      Dès lors, les arguments invoqués par la requérante ne sont pas de nature, en l’espèce, à mettre en cause la légalité de la garantie bancaire demandée par le Parlement, ni la possibilité que ce dernier avait de procéder à une limitation du préfinancement.

29      Par conséquent, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à l’absence d’intérêt légitime du Parlement à adopter les mesures contestées

30      La requérante fait valoir que le Parlement n’a pas d’intérêt légitime à adopter les mesures contestées, dans la mesure où les trois motifs invoqués par le Parlement dans la lettre de notification de la décision attaquée du 21 décembre 2016 sont dépourvus de fondement. Dans ces conditions, le risque avancé par le Parlement que d’éventuelles demandes de recouvrement soient un jour adressées à la requérante n’existerait pas et les mesures contestées, visant à limiter ce risque, ne seraient donc pas justifiées. L’analyse du risque effectuée par le Parlement ne serait ainsi conforme ni à l’article 134, paragraphe 2, du règlement financier, ni à l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier.

31      À cet égard, la requérante formule, en substance, trois griefs. Premièrement, le Parlement se serait fondé à tort sur le fait qu’elle a été constituée récemment en tant que fondation politique. Deuxièmement, il n’y aurait pas de risque que CLF cesse de satisfaire à la condition de représentation prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003. Troisièmement, rien ne permettrait de considérer que ses actions futures ne seront pas conformes aux valeurs fondamentales sur lesquelles l’Union est fondée, comme l’exige l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2004/2003. La requérante soulève, en outre, la violation de l’article 47 de la Charte.

–       Considérations liminaires

32      En vertu de l’article 134, paragraphe 1, du règlement financier et de l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier, c’est au terme d’une analyse du risque que l’ordonnateur compétent peut subordonner le versement d’un préfinancement à la constitution d’une garantie préalable afin de limiter les risques financiers liés au versement des préfinancements, ou fractionner le versement en plusieurs tranches. C’est donc l’analyse du risque effectuée par l’ordonnateur compétent qui sous-tend son éventuelle décision. Cette notion de risque a un contenu indéterminé et laisse ainsi à l’ordonnateur compétent une marge d’appréciation. Cette marge d’appréciation doit, toutefois, s’exercer dans les limites qu’impose le respect de l’objectif fixé à la mesure adoptée par l’ordonnateur par le libellé des dispositions en cause, à savoir « limiter les risques financiers liés au versement des préfinancements ».

33      Il résulte du point précédent que c’est l’existence d’un risque financier pour le budget général de l’Union et, plus largement, pour les intérêts financiers de l’Union, résultant du versement des préfinancements envisagés, qui sous-tend la possibilité de fractionner les versements ainsi que la possibilité d’exiger la constitution d’une garantie préalable.

34      Il y a donc lieu d’examiner si les considérations retenues, en l’espèce, par le bureau du Parlement dans le cadre de l’adoption des mesures contestées sont susceptibles de constituer un tel risque.

35      Dans ce cadre, la requérante soutient que la reconnaissance d’un large pouvoir d’appréciation au profit du Parlement pour exiger la constitution d’une garantie et fixer le montant du préfinancement violerait son droit à un recours effectif, consacré à l’article 47, premier alinéa, de la Charte, dans la mesure où seul un contrôle juridictionnel entier permettrait de garantir ce droit.

36      Selon une jurisprudence constante, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard, soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent (arrêts du 4 juin 2013, ZZ, C‑300/11, EU:C:2013:363, point 53, et du 23 octobre 2014, Unitrading, C‑437/13, EU:C:2014:2318, point 20).

37      En l’espèce, la requérante a eu accès à la décision attaquée et a pu la contester devant le Tribunal par l’intermédiaire du présent recours, introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE.

38      De plus, contrairement à ce que soutient la requérante, la reconnaissance d’une marge d’appréciation au profit du Parlement ne fait pas obstacle à l’exercice d’un contrôle juridictionnel des mesures contestées, mais permet simplement d’effectuer ce contrôle dans le cadre de la marge du pouvoir d’appréciation ainsi reconnue (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2017, Dextro Energy/Commission, C‑296/16 P, non publié, EU:C:2017:437, point 46).

39      Par suite, le grief tiré de la violation de l’article 47 de la Charte doit être rejeté.

–       Sur la constitution récente de la requérante en tant que fondation politique

40      La requérante affirme que l’expérience ne prouve nullement qu’il faille s’attendre à plus de demandes de remboursement avec les fondations politiques récemment constituées qu’avec les fondations politiques plus anciennes. En outre, accorder un soutien financier aux jeunes fondations politiques serait d’autant plus nécessaire que leurs structures administratives auraient besoin d’être stabilisées. Dès lors, par l’adoption de la décision attaquée, le Parlement contribue à la réalisation du risque de faillite prématurée qu’il entend éviter. Pour finir, la requérante avance que le raisonnement du Parlement, soutenant que les partis politiques et les fondations politiques nouveaux seraient en eux-mêmes plus instables, aboutit à l’établissement d’une « présomption générale d’insolvabilité imminente » à leur égard, alors qu’une appréciation au cas par cas aurait été nécessaire.

41      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

42      En l’espèce, il est certes exact, comme le soutient la requérante, que la lettre de notification de la décision attaquée du 21 décembre 2016 a retenu qu’elle avait été constituée en septembre 2016, c’est-à-dire la même année que l’appel à propositions IX-2017/02 ‐ « Subventions octroyées aux fondations politiques au niveau européen » (JO 2016, C 223, p. 14, ci-après l’« appel à propositions pour l’exercice 2017 »).

43      Toutefois, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, ce n’est pas cet élément isolé qui a motivé l’adoption des mesures contestées. En effet, la lettre de notification de la décision attaquée du 21 décembre 2016 relève également les conséquences qui résultent de cette situation, à savoir l’impossibilité pour le Parlement d’évaluer avec suffisamment de certitude la capacité de la requérante à maintenir la stabilité administrative et financière nécessaire à la mise en œuvre de son programme de travail pendant la période de financement.

44      Le bureau du Parlement a donc également pris en considération, dans le cadre de l’adoption des mesures contestées, la potentielle instabilité administrative et financière à plus long terme de la requérante et non pas seulement sa date de création, prise isolément.

45      À cet égard, il ressort de l’article 202, paragraphe 2, des règles d’application du règlement financier, relatif aux critères de sélection, que « [l]e demandeur doit disposer de sources de financement stables et suffisantes pour maintenir son activité pendant la période de réalisation de l’action ou l’exercice subventionné et pour participer à son financement ». Il ressort également du point 4.3 de l’appel à propositions pour l’exercice 2017, relatif aux critères de sélection, que « [l]es candidats doivent apporter la preuve qu’ils possèdent la viabilité légale et financière nécessaire pour mener à bien le programme de travail faisant l’objet de la demande de financement ».

46      Les fondations politiques qui souhaitent bénéficier d’une subvention sont donc, par principe, tenues de fournir un état financier global pour l’année précédant la demande de subvention, certifié par un organisme externe de contrôle des comptes, conformément à l’annexe 1 de la décision du bureau du Parlement européen du 29 mars 2004 fixant les modalités d’application du règlement no 2004/2003, telle que modifiée (JO 2014, C 63, p. 1, ci-après la « décision du bureau du 29 mars 2004 »). Cependant, aux termes de cette annexe, cette obligation ne s’applique pas aux fondations politiques créées pendant l’année courante, à savoir celle de l’appel à propositions concerné. Cette dérogation s’explique par le fait que ces documents n’existent pas pour les fondations politiques créées pendant l’année en cours.

47      Pour les fondations politiques ayant déjà bénéficié d’un financement, le Parlement dispose des documents visés à l’article 6, paragraphe 3, sous a), c) et f), de la décision du bureau du 29 mars 2004, à savoir un rapport sur la réalisation du programme de travail, un état récapitulatif complet des recettes et des dépenses et un rapport d’audit externe des comptes du bénéficiaire. Ces documents, qui sont remis par le bénéficiaire au Parlement dans le cadre de la liquidation du solde de la subvention, contiennent des informations approfondies sur la stabilité, et, plus largement, la viabilité financière de la fondation politique concernée.

48      Il résulte des points 45 à 47 ci-dessus que le Parlement ne dispose pas de preuve tangible de la stabilité et, plus largement, de la viabilité financière des fondations politiques créées pendant l’année en cours, contrairement aux fondations politiques plus anciennes. L’incertitude entourant la capacité financière des premières apparaît donc objectivement plus élevée, comparée à celle des secondes. Par conséquent, le risque financier que représente pour le budget général de l’Union et, plus largement, pour les intérêts financiers de l’Union le versement d’un préfinancement aux fondations politiques créées pendant l’année en cours apparaît supérieur à celui rencontré pour les plus anciennes.

49      Il résulte de ce qui précède que le fait qu’une fondation politique a été créée pendant l’année en cours peut être pris en considération dans le cadre de l’appréciation du risque lié au versement des préfinancements envisagés, dans la mesure où l’incertitude entourant sa stabilité et sa viabilité financière pourrait représenter un risque pour le budget général de l’Union et, plus largement, pour les intérêts financiers de l’Union.

50      En outre, en vertu de l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 2004/2003, le financement issu du budget général de l’Union ne saurait dépasser 85 % des coûts éligibles au financement. Il en résulte qu’une fondation politique doit posséder un minimum de 15 % de fonds propres pour pouvoir recevoir une subvention du Parlement.

51      En l’espèce, il ressort de l’article I.3.2 de la décision attaquée que le montant total de la subvention octroyée (190 000 euros) s’élève à 81,72 % du montant total estimé des dépenses éligibles (232 500 euros). Il en résulte que la requérante doit être en mesure de financer les 18,28 % restants du montant total estimé des frais éligibles (à savoir 42 500 euros). Or, il ressort du budget prévisionnel de la requérante, joint à sa demande de financement pour 2017, que le montant total de ses ressources propres s’élève à 34 875 euros (875 euros provenant de cotisations de ses membres et 34 000 euros provenant de donations), ce qui entretient le doute quant à sa capacité à maintenir une stabilité administrative et financière pendant la période de financement concernée et donc à honorer les demandes de remboursement qui pourraient lui être adressées. Ce doute est confirmé par les écrits de la requérante. Au point 44 de la requête, elle reconnaît ainsi elle-même que la mise en œuvre de son programme de travail dépend totalement de l’octroi de la subvention du Parlement, en raison de l’absence de ressources économiques significatives et de cotisations provenant de la part de ses membres. Au point 46 de la requête, la requérante souligne qu’elle ne dispose d’aucun actif. Enfin, au point 51 de la requête, elle allègue un risque d’effondrement de ses structures administratives en cas de paiement a posteriori de la subvention.

52      Il ressort de ce qui précède que le bureau du Parlement n’a pas commis d’erreur dans l’évaluation du risque financier lorsqu’il a tenu compte du fait que la requérante avait été créée en septembre 2016, à savoir pendant l’année en cours, et de la difficulté qui en résultait, en l’espèce, d’évaluer avec suffisamment de certitude sa capacité à maintenir une stabilité administrative et financière et, partant, a décidé de limiter le montant du préfinancement accordé et de conditionner son versement à la constitution d’une garantie bancaire.

53      Cette constatation n’est pas remise en cause par les autres arguments avancés par la requérante.

54      Premièrement, l’argument de la requérante selon lequel les fondations politiques nouvellement constituées auraient particulièrement besoin d’un soutien financier afin de stabiliser rapidement leurs structures administratives n’est pas étayé par le libellé du règlement no 2004/2003 qui ne distingue à aucun moment entre les fondations politiques nouvellement créées et les plus anciennes, comme l’admet d’ailleurs la requérante elle-même au point 58 de la requête. Le silence à ce sujet de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 2004/2003 et de l’article 10 dudit règlement apparaît particulièrement éloquent. La première de ces dispositions définit les critères d’éligibilité à remplir par les fondations politiques pour pouvoir prétendre à une subvention et la seconde établit la clé de répartition des crédits disponibles entre les différentes fondations politiques admises à ce financement ainsi que le seuil des coûts éligibles audit financement. Il ressort, au contraire, d’une lecture combinée de ces deux dispositions que le règlement no 2004/2003 s’applique, sur une même base, à toutes les fondations politiques, tout en prenant en compte la représentation effective des partis politiques d’affiliation au sein du Parlement pour l’allocation des ressources du budget général de l’Union.

55      En outre, l’objectif du règlement no 2004/2003 n’est pas de favoriser la création de nouvelles fondations politiques, mais de soutenir le programme annuel de travail des partis politiques et des fondations politiques existantes. En témoigne la nature des dépenses auxquelles les crédits provenant du budget général de l’Union peuvent être affectés aux termes de l’article 8 du règlement no 2004/2003. En témoigne également l’article 7, paragraphe 3, de la décision du bureau du 29 mars 2004, aux termes duquel « [l]a subvention [finale] est limitée au montant nécessaire pour équilibrer les ressources propres et les dépenses admissibles du budget de fonctionnement du bénéficiaire ayant conduit à la réalisation du programme de travail ».

56      Deuxièmement, il y a lieu de relever que l’argument tiré de la « présomption d’insolvabilité imminente » qui aurait été érigée à l’égard des fondations politiques nouvelles est fondé sur une prémisse erronée. En effet, ainsi qu’il ressort des points 42 et 44 ci-dessus, le Parlement n’a pas retenu que le fait qu’une fondation politique a été récemment créée était en soi un motif suffisant pour adopter les mesures contestées, puisqu’il s’est également attaché aux conséquences générées par cette situation, à savoir l’incertitude entourant la stabilité administrative et financière de la requérante.

57      De plus, un examen au cas par cas a été réalisé, ainsi qu’il ressort du point 4.4 du rapport du comité d’évaluation des demandes de subventions du 5 décembre 2016, joint en annexe au mémoire en défense, et du point 33 de la note du secrétaire général, repris au point 7 ci-dessus, dans la mesure où, dans ces deux documents, aux points cités figurent des considérations qui sont spécifiques à la requérante.

58      Il résulte de ce qui précède que les arguments invoqués par la requérante au soutien de son premier grief ne sont pas de nature à mettre en cause la possibilité qu’avait le Parlement de tenir compte de la constitution récente de la requérante dans le cadre de l’analyse du risque prévue à l’article 134, paragraphe 1, du règlement financier et à l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier.

–       Sur le risque que CLF cesse de satisfaire à la condition de représentation prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003

59      Premièrement, la requérante fait valoir que CLF est représentée actuellement dans huit États membres par huit membres de différents parlements nationaux, dont le mandat expire après 2017. Il n’y aurait donc pas de raison de craindre que le parti politique auquel la requérante est affiliée puisse dans un avenir proche être représenté dans moins de sept États membres et cesse de satisfaire à la condition d’éligibilité établie à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003, exposant ainsi la requérante à des demandes du Parlement de remboursement des sommes versées. Le Parlement n’aurait donc pas d’intérêt légitime à adopter les mesures contestées. Deuxièmement, CLF a toujours disposé d’un nombre égal ou supérieur à sept membres. Troisièmement, l’approche du Parlement reviendrait dans les faits à créer une exigence nouvelle de huit membres qui irait à l’encontre de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003. Quatrièmement, un acte juridique ne serait adopté qu’au moment de sa notification au destinataire. En l’espèce, le Parlement n’aurait donc pas dû se fonder sur les éléments de fait et de droit existant à la date d’adoption de la décision attaquée, à savoir le 12 décembre 2016, mais aurait dû se placer à la date de sa réception par la requérante, que cette dernière situe aux alentours du 23 décembre 2016 au vu des délais usuels d’acheminement du courrier. Le Parlement aurait ainsi dû prendre en considération au moins l’adhésion supplémentaire transmise par CLF le 14 décembre 2016.

60      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

61      L’article 3, paragraphe 1, sous b), premier alinéa du règlement no 2004/2003 prévoit qu’un parti politique, pour être éligible à une subvention, soit représenté dans au moins un quart des États membres par des membres du Parlement, ou dans les parlements nationaux ou régionaux ou dans les assemblées régionales. Le seuil minimal de représentation pour un parti politique est donc concrètement de sept membres, issus de sept États membres différents.

62      Selon l’article 3, paragraphe 1, de la décision du bureau du 29 mars 2004, les conditions énoncées à l’article 3 du règlement no 2004/2003 doivent être remplies à la date d’introduction de la demande de subvention et doivent persister durant toute la période de financement. Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, troisième alinéa, de la décision du bureau du 29 mars 2004, la décision du bureau du Parlement sur la demande de financement tient compte des changements de situation éventuellement intervenus depuis l’introduction de la demande, sur la base de communications reçues au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 2004/2003 et des changements qui sont notoires.

63      Aux termes de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 2004/2003, si le Parlement constate que l’une des conditions visées à l’article 3, paragraphe 1, sous b), dudit règlement n’est plus remplie, le parti politique en cause, ayant perdu de ce fait cette qualité, est exclu du financement au titre de ce règlement.

64      Aux termes de l’article 5, paragraphe 5, du règlement no 2004/2003, si le parti politique auquel une fondation politique est affiliée perd sa qualité de parti reconnu, ladite fondation politique est exclue du financement au titre de ce règlement.

65      En l’espèce, il ressort des points 3 et 4 ci-dessus que CLF était représentée à la date d’introduction de sa demande de financement, à savoir le 22 septembre 2016, par sept membres, issus de sept États membres, dans la mesure où son membre belge n’avait pas pu être pris en compte par le Parlement. Le seuil minimal de représentation, fixé à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003, était donc atteint à cette date.

66      Il ressort également du point 9 ci-dessus que des élections législatives se sont déroulées en Roumanie le 11 décembre 2016 et que le résultat de ces élections n’était pas encore connu le 12 décembre 2016, au moment où le bureau du Parlement adoptait la décision attaquée. Il était possible que le membre roumain de CLF ne soit pas réélu. Cela aurait eu pour conséquence de faire passer CLF sous le seuil de représentation requis par l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003 à l’expiration du mandat du député concerné, puisqu’elle n’aurait été représentée que par six membres, issus de six États membres. Il existait donc un risque que la requérante puisse être contrainte de devoir rembourser au Parlement les sommes éventuellement versées au titre de l’exercice 2017, en raison de la perte par CLF de sa qualité de parti politique reconnu. Les craintes du Parlement se sont au demeurant réalisées puisque le membre roumain n’a pas été réélu au terme des élections législatives du 11 décembre 2016.

67      Il résulte de ce qui précède que le Parlement n’a pas commis d’erreur dans l’évaluation du risque lié au versement des préfinancements envisagés lorsqu’il a tenu compte, dans le cadre de l’adoption des mesures contestées, du fait que CLF était susceptible de cesser de satisfaire à la condition de représentation prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003, dans la mesure où la perte par CLF de sa qualité de parti politique reconnu entraînerait l’exclusion de la requérante du financement et la nécessité pour cette dernière de rembourser les sommes versées, ces circonstances étant susceptibles de représenter un risque pour le budget général de l’Union et, plus largement, pour les intérêts financiers de l’Union, ainsi qu’il ressort du point 51 ci-dessus.

68      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments avancés par la requérante.

69      Premièrement, l’argument tiré de ce que CLF était, à la date du dépôt de la requête, représentée par huit membres, dans huit États membres différents, dont le mandat expire après 2017, n’est pas déterminant. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêt du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée ; arrêt du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, point 63). Dans ces conditions, la transmission par CLF de deux déclarations d’adhésion supplémentaires, les 14 et 22 décembre 2016, postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, ne pouvait pas être prise en considération par le bureau du Parlement.

70      Deuxièmement, l’argument tiré de ce que CLF a toujours disposé d’un nombre égal ou supérieur à sept membres issus de sept États membres n’est pas non plus déterminant. En effet, il est constant que, entre la date d’introduction de sa demande de subvention et l’adoption de la décision attaquée, CLF n’a disposé que de sept membres, issus de sept États membres et pas plus. Elle a donc seulement atteint le seuil minimal de représentation, fixé à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003, ce qui constitue un élément dont le Parlement a pu légitimement tenir compte dans le cadre de son analyse du risque, conformément aux points 65 à 67 ci-dessus.

71      Troisièmement, l’argument tiré de ce que l’analyse du risque effectuée par le Parlement reviendrait dans les faits à imposer une exigence nouvelle de huit membres, qui irait à l’encontre de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003, doit être rejeté. L’argument de la requérante à cet égard repose sur une confusion entre les conditions d’éligibilité de la subvention, issues du règlement no 2004/2003 et de la décision du bureau du 29 mars 2004, et la fixation des modalités de paiement de la subvention, telles qu’elles résultent du règlement financier et des règles d’application du règlement financier. En effet, les conditions d’évaluation de la demande de financement doivent être distinguées de celles liées à la fixation des modalités de paiement du financement accordé.

72      Dans le premier cas, la question qui se pose est de savoir si les conditions d’éligibilité résultant du règlement no 2004/2003 et de la décision du bureau du 29 mars 2004 sont remplies. Ainsi, le Parlement n’a jamais prétendu que la requérante et CLF n’étaient pas éligibles au financement ou que CLF ne remplissait pas la condition de représentation établie par l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003, à savoir disposer de sept membres, établis dans sept États membres. Une suite favorable a ainsi été réservée à la demande de financement de la requérante, puisque, aux termes de la décision attaquée, celle-ci s’est vu accorder une subvention d’un montant maximal de 190 000 euros.

73      La fixation des modalités de paiement présuppose, quant à elle, que les conditions d’éligibilité soient remplies. Dans ce cadre, la question qui se pose est de savoir s’il convient, au terme d’une analyse du risque, de prévoir des mesures visant à protéger les intérêts financiers de l’Union, conformément à l’article 134, paragraphe 1, du règlement financier et à l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier. Les conditions d’éligibilité sont un élément parmi d’autres susceptible d’être pris en considération dans le cadre de l’évaluation des risques liés au versement des préfinancements envisagés. Ce n’est que si ces conditions sont susceptibles de cesser d’être remplies au cours de la période de financement qu’elles pourraient constituer un risque pour le budget de l’Union. Or, ainsi qu’il ressort des points 65 à 67 ci-dessus, tel est le cas en l’espèce au regard de la condition d’éligibilité, définie à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003.

74      Quatrièmement, à supposer que l’argument, avancé pour la première fois dans la réplique, visant à remettre en cause la date du 12 décembre 2016 comme date d’adoption de la décision attaquée soit recevable, il y a lieu de constater qu’il doit être rejeté. En effet, la notion d’opposabilité d’un acte, qui est liée à l’accomplissement de toutes les formalités de publicité requises et fait courir le délai de recours, ne doit pas être confondue avec la notion d’adoption de cet acte. Or, il est constant que c’est lors de la réunion du 12 décembre 2016 que le bureau du Parlement s’est prononcé sur la demande de financement de la requérante et a adopté la décision attaquée. Dès lors, c’est à bon droit que le Parlement n’a pas tenu compte des deux adhésions supplémentaires communiquées par CLF postérieurement à l’adoption de la décision attaquée.

75      Il résulte de ce qui précède que les arguments invoqués par la requérante au soutien de son deuxième grief ne sont pas de nature à mettre en cause la possibilité qu’avait le Parlement de tenir compte du risque que CLF puisse cesser de satisfaire à la condition de représentation de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2004/2003, dans le cadre de l’analyse du risque prévue à l’article 134, paragraphe 1, du règlement financier et à l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier.

–       Sur l’impossibilité d’évaluer la conformité des actions futures de la requérante avec les valeurs fondamentales sur lesquelles l’Union est fondée

76      La requérante fait valoir que le Parlement ne saurait se fonder, pour adopter les mesures contestées, sur l’impossibilité d’évaluer, en raison de sa récente création, la conformité de ses actions futures avec les valeurs fondamentales sur lesquelles l’Union est fondée, comme l’exige l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2004/2003. Elle bénéficierait d’une « présomption d’innocence » et il incomberait au Parlement d’apporter la preuve d’agissements contraires à l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2004/2003. Or, ce dernier n’aurait présenté aucun indice concret d’une violation par la requérante des valeurs fondamentales sur lesquelles l’Union est fondée. Son programme de travail ne serait pas critiquable et il serait improbable que, par ses actions, elle porte atteinte à ces valeurs. Les spéculations du Parlement quant à son comportement potentiel futur ne sauraient ainsi être prises en considération dans le cadre de l’analyse du risque prévue à l’article 134, paragraphe 1, du règlement financier et à l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier.

77      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

78      L’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2004/2003 dispose qu’une fondation politique respecte, notamment dans son programme et par son action, les principes sur lesquels l’Union est fondée.

79      Aux termes de l’article 5, paragraphe 6, du règlement no 2004/2003, si le Parlement constate que l’une des conditions visées à l’article 3, paragraphe 2, sous c), dudit règlement n’est plus remplie, la fondation politique concernée est exclue du financement au titre de ce règlement.

80      En l’espèce, la requérante a été créée en septembre 2016, c’est-à-dire la même année que l’appel à propositions pour l’exercice 2017.

81      Ainsi qu’il ressort du point 47 ci-dessus, pour les fondations politiques ayant déjà bénéficié d’un financement, le Parlement dispose du document visé à l’article 6, paragraphe 3, sous a), de la décision du bureau du 29 mars 2004, à savoir un rapport sur la réalisation du programme de travail. Ce document, qui est remis par le bénéficiaire au Parlement dans le cadre de la liquidation du solde de la subvention, contient des informations sur les activités réalisées au cours de l’année écoulée.

82      Ainsi, le Parlement ne dispose pas d’éléments quant aux activités menées par les fondations politiques créées pendant l’année en cours, contrairement aux fondations politiques plus anciennes. L’incertitude entourant la conformité de leurs activités avec les valeurs sur lesquelles l’Union est fondée apparaît donc objectivement plus élevée, comparée à l’incertitude concernant les secondes. Par conséquent, le risque financier que représente pour le budget général de l’Union et, plus largement, pour les intérêts financiers de l’Union le versement d’un préfinancement aux fondations politiques créées pendant l’année en cours apparaît supérieur à celui rencontré pour les plus anciennes. En effet, le non-respect de l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2004/2003 entraînerait l’exclusion du financement et l’obligation de rembourser les sommes versées.

83      Il résulte de ce qui précède que le Parlement n’a pas commis d’erreur dans l’évaluation du risque lié au versement des préfinancements envisagés lorsqu’il a tenu compte, dans le cadre de l’adoption des mesures contestées, du fait que la requérante était susceptible de cesser de satisfaire à la condition prévue à l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2004/2003, dans la mesure où son exclusion du financement et la nécessité de rembourser les sommes versées seraient susceptibles de représenter un risque pour le budget général de l’Union et, plus largement, pour les intérêts financiers de l’Union, ainsi qu’il ressort du point 51 ci-dessus.

84      Cette constatation n’est pas remise en cause par les arguments avancés par la requérante.

85      Premièrement, en ce qui concerne l’argument relatif à la nécessité pour le Parlement d’apporter la preuve d’agissements contraires à l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2004/2003, il y a lieu de constater que la requérante effectue, à cet égard, à nouveau une confusion entre les conditions d’évaluation de la demande de financement et la fixation des modalités de paiement du financement accordé.

86      En effet, le Parlement n’a jamais prétendu que les actions de la requérante n’étaient pas conformes aux valeurs sur lesquelles l’Union est fondée ou qu’elle n’était pas éligible au financement. Une suite favorable a ainsi été réservée à sa demande de financement, puisque, aux termes de la décision attaquée, la requérante s’est vu accorder une subvention d’un montant maximal de 190 000 euros. En d’autres termes, elle a bénéficié de ce qu’elle appelle la « présomption d’innocence ».

87      L’appréciation contestée du Parlement intervient dans un autre cadre, qui est celui de la fixation des modalités de paiement de la subvention, ce qui présuppose que les conditions d’éligibilité soient remplies, ainsi qu’il ressort du point 73 ci-dessus. Ainsi qu’il ressort également de ce point, les conditions d’éligibilité sont un élément parmi d’autres susceptible d’être pris en considération dans le cadre de l’évaluation du risque lié au versement des préfinancements envisagés prévue à l’article 134, paragraphe 1, du règlement financier et à l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier. Ce n’est que si ces conditions sont susceptibles de cesser d’être remplies au cours de la période de financement qu’elles pourraient constituer un risque pour le budget de l’Union. Or, ainsi qu’il ressort des points 80 à 83 ci-dessus, tel est le cas en l’espèce s’agissant de la condition d’éligibilité définie à l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2004/2003.

88      Deuxièmement, quant à l’argument tiré de la conformité du programme de travail de la requérante avec les valeurs fondamentales sur lesquelles l’Union est fondée, il y a lieu de relever que c’est un élément certes nécessaire, mais insuffisant pour satisfaire à la condition d’éligibilité établie par l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2004/2003, ainsi que l’atteste l’emploi du mot « notamment » dans le libellé de cet article.

89      Il résulte de ce qui précède que les arguments invoqués par la requérante au soutien de son troisième grief ne sont pas de nature à mettre en cause la possibilité qu’avait le Parlement de tenir compte du risque qu’elle puisse cesser de satisfaire aux conditions prévues à l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2004/2003, dans le cadre de l’analyse du risque prévue à l’article 134, paragraphe 1, du règlement financier et à l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier.

90      Partant, aucun des griefs formulés par la requérante n’est en mesure d’établir l’absence d’intérêt légitime du Parlement à adopter les mesures contestées et la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la troisième branche du premier moyen, relative à la violation du principe de proportionnalité

91      La requérante soutient que la limitation du montant du préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée et l’exigence de constitution d’une garantie bancaire, ainsi que la combinaison de ces deux mesures, violent le principe de proportionnalité.

–       Sur la limitation du préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée

92      La requérante fait valoir que ses activités sont presque exclusivement financées au moyen du préfinancement. La limitation du montant du préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée affecterait substantiellement sa capacité opérationnelle, ce qui serait disproportionné en comparaison du besoin de couverture financière du Parlement.

93      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

94      À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt du 11 juin 2009, Agrana Zucker, C‑33/08, EU:C:2009:367, point 31).

95      L’article 6, paragraphe 1, de la décision du bureau du 29 mars 2004 dispose que, « sauf décision contraire du bureau [du Parlement] », la subvention sera versée en tant que préfinancement aux bénéficiaires en une tranche unique équivalant à 80 % du montant maximal de la subvention octroyée. Il ressort du libellé de cette disposition que les fondations politiques ne bénéficient pas d’un droit absolu au paiement d’un préfinancement équivalant à 80 % du montant maximal de la subvention octroyée et que le bureau du Parlement dispose ainsi d’une marge d’appréciation lorsqu’il détermine le montant du préfinancement qui leur est accordé. Ce montant doit néanmoins être proportionnel aux risques financiers inhérents au versement de préfinancements.

96      S’agissant du cas d’espèce, il y a lieu de considérer que la fixation du préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée apparaît comme une mesure appropriée et nécessaire à la réalisation de l’objectif légitime poursuivi, à savoir la protection des intérêts financiers de l’Union, compte tenu du risque que la requérante soit dans l’impossibilité de rembourser les sommes déjà perçues.

97      L’argument de la requérante selon lequel la limitation du préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée affecterait de façon significative sa capacité opérationnelle ne fait que confirmer le risque pour le Parlement de ne pas pouvoir recouvrer les sommes déjà versées si la requérante venait à ne pas être viable financièrement. Si le bureau du Parlement avait autorisé le versement à la requérante d’un préfinancement de 80 % du montant maximal de la subvention octroyée, le préjudice pour le budget général de l’Union aurait été encore supérieur.

98      Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel les inconvénients qui lui ont été causés seraient disproportionnés par rapport au but poursuivi par le Parlement, à savoir la protection des intérêts financiers de l’Union, il convient de noter que le Parlement a mis en balance les différents intérêts en cause. En effet, le montant du préfinancement accordé (62 700 euros), auquel il faut ajouter le cas échéant les ressources propres de la requérante disponibles à cette période, aurait vraisemblablement permis à la requérante d’organiser les évènements politiques et les autres évènements programmés pour les premiers mois de 2017. De plus, la requérante aurait encore eu la possibilité de surmonter d’éventuelles difficultés financières en prenant elle-même certaines mesures afin d’augmenter ses ressources propres, de manière à pouvoir continuer à financer ses activités. Elle aurait ainsi pu procéder, par exemple, à un appel aux dons ou exiger le paiement de cotisations de la part de ses membres.

99      Apparaît indifférente, à cet égard, la contradiction opérée par la requérante lorsque, d’une part, elle fait valoir au point 44 de la requête qu’elle ne dispose pas de recette provenant de cotisations de ses membres et, d’autre part, elle indique dans son budget prévisionnel de fonctionnement pour l’exercice 2017 des cotisations de ses membres s’élevant à 875 euros. Ainsi que le souligne le Parlement, si la requérante avait disposé effectivement de recettes provenant des cotisations de ses membres, elle aurait pu décider d’augmenter le niveau des cotisations existantes.

100    Dès lors, le premier grief de la requérante doit être rejeté comme non fondé.

–       Sur l’exigence de constitution d’une garantie bancaire 

101    La requérante fait valoir que l’exigence de constitution d’une garantie bancaire serait disproportionnée. Premièrement, elle soutient qu’elle serait dans l’impossibilité objective de constituer une telle garantie dans la mesure où elle ne dispose d’aucun actif. L’obligation de constituer une garantie reviendrait donc dans les faits à l’exclure du financement. Cela mettrait en péril son existence et paralyserait son travail politique. Deuxièmement, les dommages causés par l’exigence de constitution d’une garantie seraient irréversibles et ne seraient pas atténués par le versement a posteriori des montants retenus. Troisièmement, la requérante reproche au Parlement d’avoir combiné deux types de mesures de limitation des risques, à savoir l’exigence d’une garantie bancaire et le versement du préfinancement en plusieurs tranches, avec la limitation du montant du préfinancement. Enfin, la requérante reproche au Parlement l’absence d’une analyse des risques.

102    Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

103    En ce qui concerne, premièrement, l’impossibilité objective d’obtenir une garantie bancaire, il y a lieu de constater que la requérante ne produit aucun document venant attester un refus de lui accorder une telle garantie de la part des banques éventuellement consultées. Elle se contente de proposer le témoignage de son président à citer par son intermédiaire.

104    Il y a lieu de rappeler que la partie qui fait la demande d’une mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction doit fournir au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité de la mesure pour les besoins de l’instance (voir arrêt du 23 mai 2014, European Dynamics Luxembourg/BCE, T‑553/11, non publié, EU:T:2014:275, point 318 et jurisprudence citée).

105    Or, il convient d’observer qu’un témoignage, établi aux fins du présent recours par une personne exerçant, ainsi qu’il ressort de la première page de la requête, les fonctions de président auprès de la requérante, quand bien même à la demande du Tribunal, ne saurait être considéré comme différent et indépendant des déclarations de la requérante. Partant, ce témoignage ne disposerait que d’une faible valeur probante.

106    Il s’ensuit que ce témoignage en tant que seul élément de preuve venant à l’appui de l’allégation de la requérante ne suffirait pas à démontrer sa véracité.

107    Par conséquent, la demande de mesure d’instruction de la requérante doit être rejetée, ainsi que l’allégation de cette dernière relative à son impossibilité objective de constituer une garantie bancaire, qui n’est étayée par aucun autre élément de preuve.

108    En ce qui concerne, deuxièmement, la mise en péril de son existence et l’irréversibilité des dommages subis, à les supposer établis, il y a lieu de constater qu’ils ne permettent pas de mettre en cause la légalité de la limitation du préfinancement et de l’exigence de garantie bancaire. En effet, l’intérêt de la requérante à faciliter la continuation de son existence par l’annulation des mesures contestées ne saurait prévaloir sur l’objectif de protection des intérêts financiers de l’Union.

109    De plus, ainsi qu’il résulte du point 98 ci-dessus, la requérante aurait encore eu la possibilité de surmonter d’éventuelles difficultés financières en prenant elle-même certaines mesures afin d’augmenter ses ressources propres, de manière à pouvoir continuer à financer ses activités.

110    En ce qui concerne, troisièmement, la combinaison des différents instruments de garantie, la requérante critique le fait que la limitation du montant du préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention octroyée ait été combinée avec l’exigence de constitution d’une garantie bancaire. Le bureau du Parlement aurait pu, en lieu et place, prendre une mesure unique moins contraignante pour elle, à savoir fractionner le montant du préfinancement en plusieurs tranches.

111    À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le bureau du Parlement n’a pas décidé de cumuler l’exigence d’une garantie bancaire avec un fractionnement du versement du préfinancement en plusieurs tranches, sur la base de l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier. Ainsi qu’il ressort du point 8 ci-dessus, il s’est contenté, en l’espèce, de combiner le versement d’une tranche unique de préfinancement avec l’exigence de garantie bancaire.

112    Quant à la combinaison, en l’espèce, d’un montant de préfinancement réduit avec l’exigence de la constitution d’une garantie bancaire, il y a lieu de relever que le montant total des ressources propres de la requérante, à savoir 34 875 euros (875 euros provenant de cotisations de ses membres et 34 000 euros provenant de donations), correspond à environ 56 % du montant de la garantie préalable exigée. Dès lors, compte tenu du risque d’exclusion de la requérante du financement et du risque issu de son impossibilité de restituer au Parlement ne serait-ce que le préfinancement de 33 % du montant maximal de la subvention octroyée, le versement d’un préfinancement de 80 % du montant maximal de la subvention octroyée en plusieurs tranches, sans garantie bancaire, suggéré par la requérante comme une alternative, ne constitue pas une mesure qui aurait permis de protéger de manière suffisante les intérêts financiers de l’Union. La capacité financière limitée de la requérante, mise en avant par la requérante elle-même aux points 44 et 46 de la requête, ne fait que renforcer l’idée selon laquelle le préfinancement déjà mis à sa disposition ne pourrait pas être recouvré avec succès en cas de demande de remboursement à son endroit.

113    En ce qui concerne, enfin, la prétendue absence de mise en balance des différents intérêts en cause dans le cadre de l’analyse des risques exigée par l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier, il ressort des points 98 et 112 ci-dessus qu’une telle mise en balance a été effectuée par le Parlement.

114    Partant, aucun des arguments avancés par la requérante n’est en mesure d’établir que le Parlement aurait violé le principe de proportionnalité en l’espèce.

115    Dès lors, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée. Par suite, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur la violation du principe d’égalité

116    La requérante soutient, en substance, que la création récente d’une fondation politique ne constitue pas en soi une raison de craindre l’apparition de demandes de remboursement. Ce faisant, en retenant cet argument, le Parlement aurait violé le principe d’égalité de traitement entre fondations politiques « nouvelles » et « anciennes » ainsi qu’entre fondations politiques « nouvelles ».

117    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 1er mars 2011, Association belge des Consommateurs Test-Achats e.a., C‑236/09, EU:C:2011:100, point 28 et jurisprudence citée ; arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, point 30).

118    Il convient d’examiner les deux branches du deuxième moyen à la lumière des considérations qui précèdent.

 Sur la première branche du deuxième moyen, relative à la différence de traitement entre fondations politiques « nouvelles » et « anciennes »

119    La requérante fait valoir que ni le règlement no 2004/2003 ni la décision du bureau du 29 mars 2004 n’autorisent une différence de traitement entre les fondations politiques « nouvelles » et les fondations politiques « anciennes ». De plus, aucune règle empirique ne viendrait confirmer l’idée selon laquelle les fondations récemment constituées représenteraient un risque financier plus élevé que les anciennes.

120    Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

121    Il est vrai, comme le soutient la requérante, que ni le règlement no 2004/2003 ni la décision du bureau du 29 mars 2004 ne distinguent les fondations politiques en fonction du moment de leur création. Toutefois, il ressort des points 48, 49 et 82 ci-dessus que les fondations politiques créées pendant l’année en cours ne se trouvent pas dans une situation comparable à celles qui sont plus anciennes, en raison de l’absence de preuve tangible de leur viabilité économique à long terme et de la conformité de leurs actions avec les valeurs fondamentales sur lesquelles l’Union est fondée. Les risques financiers qui en résultent pour le budget général de l’Union, et plus généralement pour les intérêts financiers de l’Union, sont par conséquent objectivement différents.

122    Compte tenu du risque financier plus élevé généré par les fondations politiques créées pendant l’année en cours, il y a lieu de conclure que l’adoption de mesures d’atténuation des risques par le Parlement à l’égard de la requérante n’apparaît pas, en l’espèce, contraire au principe d’égalité entre fondations politiques « nouvelles » et « anciennes ». La première branche du deuxième moyen doit donc être rejetée.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen, relative à la différence de traitement entre fondations politiques « nouvelles »

123    La requérante reproche au Parlement d’avoir pour la première fois au titre de l’année 2017 adopté des mesures d’atténuation des risques à l’encontre des fondations politiques « nouvelles ». Cela constituerait une inégalité de traitement injustifiée.

124    Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

125    Ainsi qu’il ressort des points 29, 90 et 114 ci-dessus, la requérante ne démontre pas que les mesures contestées seraient contraires au droit de l’Union. Elle se contente d’affirmations générales, sans apporter aucun élément de preuve concret démontrant qu’elle serait dans une situation comparable à celle d’autres fondations politiques « nouvelles ». Ainsi, elle reste en défaut de prouver que des mesures d’atténuation des risques similaires n’ont pas été adoptées à l’égard de fondations politiques dont l’année de création coïncidait avec celle de l’appel à propositions et qui étaient affiliées à des partis politiques bénéficiant d’une représentation équivalente à celle de CLF.À supposer même que tel ait été le cas, la requérante resterait alors en défaut de prouver que ces fondations politiques présentaient un ratio de liquidité ou de solvabilité équivalent aux siens. Par conséquent, la requérante ne démontre pas une violation, en l’espèce, du principe d’égalité entre fondations politiques « nouvelles ». La seconde branche du deuxième moyen doit donc être rejetée.

126    Partant, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur la violation des articles 11 et 12 de la Charte

127    Par son troisième moyen, la requérante allègue une violation de ses droits à la liberté d’expression et à la liberté d’association, consacrés aux articles 11 et 12 de la Charte. La décision attaquée mettrait en péril son existence et produirait le même effet qu’une interdiction de parti politique ou d’association. Elle l’exclurait ainsi de facto de la concurrence politique au niveau européen. De plus, les mesures contestées affecteraient particulièrement durement les fondations politiques nouvellement créées, car elles seraient encore plus tributaires d’un financement de démarrage que les fondations politiques plus anciennes pour s’établir efficacement dans la concurrence politique au niveau européen et pour être en mesure d’agir sur un pied d’égalité avec les autres fondations politiques.

128    Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

129    À supposer que la requérante soit titulaire des droits reconnus aux articles 11 et 12 de la Charte, il convient de relever que ces dispositions ne lui reconnaissent pas de droit pécuniaire en sa qualité de fondation politique. Le fait de ne pas verser une somme d’argent à un parti politique, à une fondation politique ou à une association n’équivaut pas à une interdiction de parti politique ou d’association. Les mesures contestées ne sauraient, par conséquent, être considérées comme des restrictions injustifiées à la liberté d’expression ou à la liberté d’association, garanties par les articles 11 et 12 de la Charte.

130    De plus, il ressort du point 55 ci-dessus que l’objectif de la subvention octroyée sur la base du règlement no 2004/2003 consiste à soutenir la mise en œuvre du programme annuel de travail des fondations politiques et non du moins pas directement, à favoriser la création de telles fondations.

131    Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé et, par suite, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

132    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente instance, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Pegasus est condamnée aux dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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