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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Stuhrk Delikatessen Import v Commission (Competition - Judgment) French Text [2018] EUECJ T-58/14 (13 July 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T5814.html Cite as: ECLI:EU:T:2018:474, EU:T:2018:474, [2018] EUECJ T-58/14 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
13 juillet 2018 (*)
« Concurrence – Ententes – Marchés belge, allemand, français et néerlandais des crevettes de la mer du Nord – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Fixation des prix et échange d’informations commerciales sensibles – Infraction unique et continue – Amendes – Principe de légalité des délits et des peines – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Circonstances atténuantes – Participation substantiellement réduite – Coopération durant la procédure administrative – Plafond de 10 % du chiffre d’affaires total – Article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 – Paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Égalité de traitement – Obligation de motivation »
Dans l’affaire T‑58/14,
Stührk Delikatessen Import GmbH & Co. KG, établie à Marne (Allemagne), représentée par Me J. Sparr, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. H. Leupold, F. Ronkes Agerbeek et P. Van Nuffel, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2013) 8286 final de la Commission, du 27 novembre 2013, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (affaire AT.39633 – Crevettes), dans la mesure où elle concerne la requérante et à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée dans le cadre de celle-ci,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
composé de MM. H. Kanninen, président, L. Calvo‑Sotelo Ibáñez‑Martín (rapporteur) et Mme I. Reine, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
I. Antécédents du litige
1 La requérante, Stührk Delikatessen Import GmbH & Co. KG, est une société de droit allemand, dont l’activité principale est le commerce de poissons et de crevettes. L’entreprise est basée à Marne, en Allemagne, et elle est principalement active dans cet État membre.
2 Le 14 janvier 2003, la Nederlandse Mededingingsautoriteit (autorité de la concurrence néerlandaise, ci-après la « NMa ») a adopté une décision sur la base du droit national de la concurrence néerlandais et de l’article 101 TFUE à l’encontre de plusieurs entreprises et associations d’entreprises actives dans l’industrie des crevettes de la mer du Nord. Cette décision concernait des accords sur le prix minimum et des restrictions relatives à la production pour la période allant de janvier 1998 à janvier 2000 ainsi que l’obstruction à l’entrée de nouveaux commerçants pour la vente de crevettes à la criée néerlandaise d’octobre à novembre 1999. Des amendes ont été infligées à Heiploeg BV, Goldfish BV, Klaas Puul & Zoon BV et L. Kok International Seafood BV.
3 Le 28 décembre 2004, dans le cadre d’un appel administratif, les amendes infligées à plusieurs petits négociants, dont L. Kok International Seafood, ont été annulées, alors que les amendes infligées à Heiploeg, Goldfish et Klaas Puul & Zoon ont été réduites. Pour le surplus, la décision de la NMa a principalement été maintenue par les décisions du Rechtbank Rotterdam (tribunal de Rotterdam, Pays-Bas) et du College van Beroep voor het bedrijfsleven (cour d’appel du contentieux administratif en matière économique, Pays-Bas).
4 Le 13 janvier 2009, Klaas Puul BV, Klaas Puul Beheer BV, Klaas Puul Holding BV (ci-après, prises ensemble, « Klaas Puul »), qui produisaient et commerçaient plusieurs types de fruits de mer, ont fait connaître leur intention, à la Commission européenne, de soumettre une candidature pour immunité contre les amendes liées à l’existence d’un cartel dans l’industrie des crevettes de la mer du Nord. La Commission a, par la suite, accordé un « marqueur », au sens du paragraphe 15 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération de 2006 »), à Klaas Puul jusqu’au 26 janvier 2009 afin de lui permettre de rassembler les informations et les preuves nécessaires.
5 Le 26 janvier 2009, Klaas Puul a présenté, conformément à la communication sur la coopération de 2006, une demande de clémence auprès de la Commission, qui lui a été accordée de manière conditionnelle le 17 mars 2009.
6 Les 24, 25 et 26 mars 2009, la Commission a procédé, conformément à l’article 20, paragraphe 4, et à l’article 21 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), à des vérifications dans des locaux commerciaux et des habitations privées en Belgique, au Danemark, en Allemagne ainsi qu’aux Pays-Bas. Entre le 3 août 2009 et le 9 mars 2012, la Commission a adressé plusieurs demandes de renseignements. Klaas Puul a continué sa coopération avec la Commission en lui fournissant des informations, des documentations et des explications.
7 Le 12 juillet 2012, la Commission a pris la décision d’engager une procédure à l’encontre de Goldfish, Heiploeg, Heiploeg Beheer BV, Heiploeg Holding BV (ci-après, prises ensemble, « Heiploeg »), Holding L. J. M. Kok BV, L. Kok International Seafood (ci-après, prises ensemble, « Kok Seafood »), Klaas Puul et la requérante. Le même jour, la Commission a adopté la communication des griefs à l’encontre de ces sociétés.
8 Tous les destinataires de la communication des griefs ont ensuite demandé et reçu un DVD contenant les documents consultables du dossier de la Commission. Les documents et les déclarations accessibles dans les locaux de la Commission ont été consultés seulement par Heiploeg. Les autres destinataires de la communication des griefs n’ont pas souhaité les consulter. Tous les destinataires de la communication des griefs ont présenté des commentaires par écrit et ont été entendus lors d’une audition le 7 février 2013.
9 Le 27 novembre 2013, la Commission a adopté la décision C(2013) 8286 final, du 27 novembre 2013, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (affaire AT.39633 – Crevettes, ci-après la « décision attaquée »).
II. Décision attaquée
10 Par la décision attaquée, la Commission a constaté que Heiploeg, Klaas Puul, Kok Seafood et la requérante avaient, au cours de périodes comprises entre les mois de juin 2000 et de janvier 2009, participé à divers accords et pratiques concertées et effectué des échanges d’informations sensibles, ayant donné lieu à une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
11 Le marché concerné par la décision attaquée était celui des crevettes grises de la mer du Nord. La Commission a constaté que ces crevettes étaient principalement distribuées aux consommateurs dans cinq États membres, à savoir la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. La Belgique représentait environ 50 % du total de la consommation de crevettes de la mer du Nord, l’Allemagne 25 % et les Pays-Bas la part la plus importante de la consommation restante. Les deux plus grands négociants de crevettes de la mer du Nord dans l’Union européenne étaient Heiploeg et Klaas Puul.
12 L’entente visée par la décision attaquée concernait une infraction unique, continue et complexe à l’article 101 TFUE. La Commission a indiqué que cette entente consistait en des accords sur les prix, des pratiques concertées et des échanges d’informations sensibles entre les fournisseurs de crevettes de la mer du Nord. Selon la décision attaquée, cette entente avait eu pour objectif d’influencer conjointement les niveaux de prix des crevettes de la mer du Nord, de limiter la concurrence et de stabiliser le marché.
13 L’entente est décrite dans la décision attaquée comme ayant fonctionné sur la base de contacts bilatéraux entre les sociétés. Selon la Commission, les sociétés concernées, tout particulièrement Heiploeg et Klaas Puul, avaient depuis longtemps des contacts fréquents afin de discuter de leurs affaires. Heiploeg et Klaas Puul auraient notamment révélé et coordonné leur conduite sur le marché et auraient échangé des informations commerciales sensibles. Les deux sociétés auraient plus particulièrement effectué des accords sur les prix devant être payés à leurs fournisseurs, sur les prix devant être facturés aux différents clients et sur la répartition de ces clients.
14 La Commission a constaté que la requérante avait aussi conclu des accords sur la fixation des prix avec Heiploeg et avait ouvertement évité d’être en compétition avec Heiploeg et avec Klaas Puul. Enfin, la décision attaquée a indiqué que Kok Seafood avait conclu un accord à long terme avec Heiploeg, visant à vendre ses crevettes à Heiploeg pour un prix fixé en fonction du prix de revente que pouvait obtenir Heiploeg. Selon la décision attaquée, l’objectif de cet accord était notamment que Kok Seafood ne devînt pas un concurrent sur le marché des crevettes.
15 La décision attaquée a conclu que ces divers et complexes arrangements entre les différentes sociétés constituaient des comportements de coordination du marché comprenant des accords anticoncurrentiels ou des pratiques concertées au sens de l’article 101 TFUE.
16 Les pratiques anticoncurrentielles concernant la requérante ont été considérées comme constituant une infraction unique et continue s’étendant sur une durée totale de 4 ans et 7 mois (du 14 mars 2003 au 5 novembre 2007).
17 S’agissant du calcul du montant de l’amende infligée à la requérante, la Commission a fait application, dans la décision attaquée, des dispositions des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices »). La Commission a premièrement déterminé le montant de base de l’amende, en prenant en compte la valeur des ventes pour l’exercice comptable des années 2004 à 2006 pour la requérante (entre 5 et 10 millions d’euros) en fonction du degré de gravité de l’infraction (16 %), multiplié par le nombre d’années de participation de l’entreprise (4,58 pour la requérante). Enfin, la Commission a ajouté un montant additionnel de 16 % au titre du paragraphe 25 des lignes directrices. Ces calculs ont abouti au montant de base de l’amende à infliger à la requérante, à savoir la somme de 5 636 000 euros.
18 Compte tenu de la participation de la requérante à l’infraction limitée à l’Allemagne et de la nature de sa participation, différente de celle des autres acteurs de l’entente, l’amende infligée à la requérante a été réduite de 15 % au titre du paragraphe 29 des lignes directrices. L’amende infligée à la requérante a par la suite été réduite de 18 %, toujours au titre du paragraphe 29 des lignes directrices, en raison de sa coopération ainsi que des informations importantes qu’elle avait fournies à la Commission. Le montant de l’amende après ces deux réductions a été fixé à 3 766 000 euros.
19 Au point 8.4.3 de la décision attaquée, intitulé « Adaptation de l’amende », la Commission a constaté que le présent cas était exceptionnel en ce que toutes les entreprises impliquées opéraient principalement sur un seul marché et avaient fait partie de l’entente pour une durée relativement longue.
20 La Commission a considéré, que, en pratique, tous les montants des amendes étaient susceptibles d’atteindre le plafond de 10 % du chiffre d’affaires total et que l’application dudit plafond serait la règle plutôt que l’exception (considérant 538 de la décision attaquée). À cet égard, la Commission a rappelé le point 75 de l’arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289), dont il résulterait qu’une telle approche pourrait donner lieu à des doutes à la lumière du principe selon lequel une pénalité doit présenter un lien immédiat avec l’infraction ainsi qu’avec son auteur, en tant qu’elle peut conduire, dans certaines conditions, à une situation dans laquelle toute différenciation en fonction de la gravité de l’infraction ou de circonstances atténuantes ne serait plus susceptible de se répercuter sur le montant d’une amende.
21 Les considérants 541 et 542 de la décision attaquée sont libellés comme suit :
« (541) En l’espèce, le montant de base est adapté d’une manière qui tienne compte de la valeur des ventes du produit cartellisé par rapport au chiffre d’affaires total, ainsi que des différences entre les parties en fonction de leur participation individuelle à l’infraction. Dans l’ensemble, les amendes seront fixées à un niveau qui est proportionné à l’infraction et produit un effet dissuasif suffisant.
(542)En conséquence, une réduction sera appliquée aux amendes calculées pour toutes les parties. Dans les circonstances particulières de l’espèce, au vu du fait que toutes les parties étaient actives, dans une mesure différente, mais importante, dans la vente de crevettes de la mer du Nord, il est proposé d’opérer une réduction de 70 % de l’amende de Stührk, de 75 % des amendes de Heiploeg et Klaas Puul et 80 % de l’amende de Kok Seafood. »
22 Après cet ajustement, le montant de l’amende à infliger à la requérante a été fixé à 1 132 000 euros.
23 Ensuite, la Commission a fait application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, selon lequel le montant de l’amende ne doit pas dépasser un taux de 10 % du chiffre d’affaires total de l’année précédant la décision de la Commission. Toutefois, le montant de l’amende n’a pas été modifié, le seuil de 10 % représentant une somme supérieure à l’amende infligée à la requérante. Le montant final de l’amende infligée à la requérante a donc été de 1 132 000 euros.
24 Enfin, s’agissant de la demande de clémence de la requérante du 17 février 2010, la Commission a indiqué que ni dans sa demande de réduction d’amende, ni lors de la réunion avec la Commission qui a eu lieu le lendemain, la requérante n’avait fourni d’informations allant au-delà de ce qui était déjà en possession de la Commission et présentant une valeur ajoutée significative. La Commission a précisé qu’une manifestation d’intérêt à coopérer avec elle n’était pas suffisante pour remplir les conditions du programme de clémence. La Commission a indiqué, en outre, que les aveux de la requérante ne faisaient pas partie d’une demande de réduction d’amende conformément au programme de clémence, mais qu’ils avaient été considérés en tant que circonstances atténuantes.
25 Le dispositif de la décision attaquée est libellé comme suit :
« Article [premier]
Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101(1) TFUE en participant, pour les périodes indiquées, à une infraction unique et continue dans l’industrie des crevettes de la mer du Nord dans l’Union européenne, et qui consistait en la fixation des prix des ventes et/ou achats et l’échange d’informations commerciales sensibles sur les prix, la clientèle et les volumes, et pour certaines d’entre elles également pour la répartition du marché et la répartition de la clientèle :
a) Heiploeg du 21 juin 2000 au 13 janvier 2009 ;
b) Klaas Puul du 21 juin 2000 au 13 janvier 2009 ;
c) Stührk du 14 mars 2003 au 5 novembre 2007 ;
d) Kok Seafood du 11 février 2005 au 13 janvier 2009.
Article 2
Pour les infractions mentionnées à l’article 1[er], les amendes suivantes sont imposées :
a) Heiploeg BV,
Goldfish BV et
Heiploeg Beheer BV
conjointement et solidairement à : 14 262 000 [euros]
Heiploeg BV,
Goldfish BV,
Heiploeg Beheer BV et
Heiploeg Holding BV
conjointement et solidairement à : 12 820 000 [euros]
b) Klaas Puul BV,
Klaas Puul Beheer BV et
Klaas Puul Holding BV
conjointement et solidairement à : 0 [euro]
c) Stührk Delikatessen Import Gmbh & Co. KG : 1 132 000 [euros]
d) L. Kok International Seafood BV et
Holding L. J. M. Kok BV
conjointement et solidairement à : 502 000 [euros]
[…] »
III. Procédure et conclusions des parties
26 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 janvier 2014, la requérante a introduit le présent recours.
27 Le 17 décembre 2015, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a), de son règlement de procédure, le Tribunal (neuvième chambre) a posé par écrit certaines questions aux parties auxquelles la Commission a répondu dans le délai imparti. La requérante n’a pas répondu dans le délai imparti.
28 Par décision du 15 avril 2016 du président du Tribunal, en raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur.
29 Par lettre du 24 mai 2016, la requérante a communiqué au Tribunal un document concernant l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité sur ses biens par l’Amtsgericht de Meldorf (tribunal de district de Meldorf, Allemagne).
30 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
31 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties une question écrite, en les invitant à y répondre lors de l’audience.
32 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 20 mars 2017, la requérante a informé le Tribunal qu’elle renonçait à participer à l’audience.
33 Par décision du président de la quatrième chambre du Tribunal du 22 mars 2017, l’audience prévue le 24 mars suivant a été annulée et reportée à une date ultérieure.
34 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions auxquelles elles ont répondu dans le délai imparti.
35 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a convoqué une nouvelle audience le 18 septembre 2017.
36 Par lettres déposées au greffe du Tribunal respectivement le 31 juillet et le 1er août 2017, la requérante et la Commission ont informé le Tribunal qu’elles renonçaient à participer à l’audience.
37 Par décision du président de la quatrième chambre du Tribunal du 10 août 2017, l’audience a été annulée et, en vertu de l’article 108, paragraphe 2, du règlement de procédure, la phase orale de la procédure a été clôturée.
38 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée dans la mesure où cette décision la concerne ;
– à titre subsidiaire, annuler dans son intégralité l’amende qui lui a été infligée ;
– à titre plus subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée et fixer l’amende à un montant ne dépassant pas 188 300 euros ;
– condamner la Commission aux dépens.
39 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours dans son intégralité ;
– condamner la requérante aux dépens.
IV. En droit
40 La Commission fait valoir, à titre liminaire, que le premier et le deuxième chef de conclusions du recours sont inopérants. La Commission demande, en substance, au Tribunal de rejeter ces deux chefs de conclusions sans analyser les moyens avancés par la requérante au soutien de ceux-ci.
41 S’agissant du premier chef de conclusions visant une annulation intégrale de la décision attaquée en ce qui concerne la requérante, la Commission fait valoir que, selon la jurisprudence, dans une situation où il est établi que le comportement d’une entreprise a rempli les conditions visées à l’article 101 TFUE, mais où il n’est pas prouvé que ce comportement fasse partie d’une infraction unique et continue plus large, le Tribunal ne peut annuler intégralement la décision qui est attaquée et ne peut le faire que partiellement.
42 S’agissant du deuxième chef de conclusions visant une annulation intégrale de l’amende, la Commission souligne, en substance, qu’une annulation complète de l’amende ne peut pas être envisagée, pour les mêmes raisons que celles exposées à l’égard du premier chef de conclusions.
43 La requérante conteste les arguments de la Commission.
44 S’agissant du premier chef de conclusions, il suffit de relever qu’il résulte de la requête que la requérante demande l’annulation de la décision attaquée en ce qui la concerne. Or, les arguments de la Commission ne sauraient justifier qu’une telle demande d’annulation partielle de la décision attaquée soit déclarée « inopérante » et qu’il n’y ait pas lieu d’examiner sur le fond les moyens invoqués au soutien d’un tel chef de conclusions.
45 S’agissant du deuxième chef de conclusions concernant une annulation complète de l’amende, il suffit de relever que les arguments de la Commission seront traités dans le cadre de l’examen au fond de la partie de la décision attaquée relative à l’amende.
46 À l’appui de son recours, la requérante soulève neufs moyens.
47 Les trois premiers moyens concernent la participation à l’infraction de la requérante et sont tirés, en substance, le premier, de l’absence de preuves de l’infraction concernant les prix d’achat, le deuxième, de l’erreur d’appréciation par la Commission de l’infraction réellement commise par la requérante et, le troisième, de l’absence de participation de la requérante à une infraction unique et continue.
48 Les six autres moyens concernent le calcul du montant de l’amende infligée à la requérante et sont tirés, en substance, le quatrième, du calcul incorrect de l’amende à la suite de la détermination uniforme de la gravité de l’infraction et du montant additionnel, le cinquième, du calcul erroné de l’amende dû à un manque de prise en compte des circonstances atténuantes, le sixième, du calcul erroné de l’amende à la suite du refus de réduction de l’amende conformément à la communication sur la coopération de 2006, le septième, de l’illégalité des lignes directrices, le huitième, de la suppression incorrecte du pouvoir d’appréciation imposé par les lignes directrices et, le neuvième, de l’ajustement incorrect du montant de base de l’amende infligée à la requérante selon le paragraphe 37 des lignes directrices.
A. Sur les moyens concernant la participation de la requérante à l’infraction
49 Les deux premiers moyens du recours seront traités ensemble.
1. Sur les deux premiers moyens
a) Arguments des parties
1) Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’infraction concernant les prix d’achat
50 La requérante articule le présent moyen en deux branches.
51 En ce qui concerne la première branche, la requérante fait observer, en substance, qu’il n’existe pas de preuve de l’échange d’informations sur les « prix payés aux pêcheurs » en Allemagne. Elle fait valoir que la Commission s’est fondée sur des éléments de preuve qui démontrent que Büsumer Fischerei-Gesellschaft (ci-après « BFG »), une filiale allemande de Heiploeg, lui a fourni, entre mars 2003 et novembre 2007, des informations sur des « prix » à seulement cinq occasions. La requérante souligne qu’elle n’a pas contesté tous ces faits à l’égard de la Commission, mais précise que, dans certains cas, Heiploeg ne faisait que lui confirmer des prix dont elle avait déjà eu connaissance par les pêcheurs ou par des tiers et qui étaient donc publics. La requérante ajoute qu’elle n’était pas seulement un concurrent, mais aussi un acheteur de crevettes grises auprès de Heiploeg.
52 La requérante fait observer, par exemple, que le courrier électronique du 12 janvier 2004 invoqué par la Commission contient, en partie, uniquement les prix fixés par Heiploeg auxquels elle pouvait acheter des crevettes grises et non pas les prix que Heiploeg payait à ses pêcheurs. En outre, la requérante fait valoir qu’il s’est écoulé un à deux ans entre la première prise de contact par Heiploeg en janvier 2004 et les contacts suivants en septembre 2005 ainsi qu’en mars et mai 2007. De surcroît, les courriers électroniques du 16 septembre 2005, du 30 mars 2007 et du 3 mai 2007, qui faisaient état d’appels téléphoniques de la part de Heiploeg, avaient été écrits un vendredi. Or, c’était traditionnellement le vendredi que le prix payé aux pêcheurs était communiqué à ces derniers sur la base des prix de la vente à la criée, qui étaient du domaine public.
53 La requérante rappelle que, s’agissant d’autres éléments de preuve et, notamment, les courriers électroniques des 20 mai et 26 juillet 2005, la Commission a elle-même constaté qu’il n’était pas possible de savoir avec certitude par qui la requérante avait obtenu ces informations sur les prix. Contrairement aux situations susmentionnées, aucun indice démontrant que la requérante aurait obtenu les informations d’un concurrent ne ressortirait des courriers électroniques cités par la Commission. À ce titre, la requérante indique qu’elle a eu connaissance des prix évoqués par la Commission par le biais de tierces personnes, notamment par l’intermédiaire de M. T. travaillant dans la coopérative de pêche Fischer-Genossenschaft Büsum eG, qui n’a aucun lien juridique avec BFG ou Heiploeg. La requérante reproche donc à la Commission d’avoir effectué une appréciation erronée des éléments de preuve et, notamment, d’un courrier électronique du 28 avril 2003.
54 Enfin, un courrier électronique du 16 juillet 2007 entre la requérante et Heiploeg qui fait mention du mécontentement de Heiploeg à l’égard de la requérante s’agissant du prix des grosses crevettes démontre, selon cette dernière, que Heiploeg ne lui a pas communiqué de prix d’achat avant leur divulgation aux pêcheurs.
55 En ce qui concerne la deuxième branche du présent moyen, la requérante soutient qu’elle n’a pas participé à des ententes anticoncurrentielles concernant l’achat de crevettes de la mer du Nord lors de ventes à la criée néerlandaises. La requérante précise qu’elle ignorait également l’existence de tels accords conclus entre Heiploeg et Klaas Puul. La requérante reproche aussi à la Commission de ne pas avoir établi qu’elle avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance d’un accord d’entente conclu entre Klaas Puul et Heiploeg au sujet des ventes à la criée néerlandaises.
56 La requérante fait observer, tout d’abord, qu’elle était simplement consciente de l’existence d’un duopole constitué de Heiploeg et de Klaas Puul et que la décision de la NMa avait mis fin aux infractions au droit des ententes.
57 La requérante fait aussi valoir qu’en août ou en septembre 2007, elle était sous pression économique du fait du « compte d’épluchage » auprès de Heiploeg et qu’elle a essayé d’acheter de manière dissimulée des crevettes grises de la mer du Nord à la vente à la criée de Lauwersoog (Pays-Bas). Néanmoins, lorsque Heiploeg l’a remarqué, cette dernière a augmenté les prix à un niveau qui n’était plus rentable pour la requérante, qui a alors décidé de se retirer de la vente à la criée afin de ne pas mettre en danger son « contrat d’épluchage » avec Heiploeg. La requérante affirme qu’elle n’adaptait donc pas sa propre stratégie lors des ventes à la criée de Lauwersoog en fonction de celle de Heiploeg, mais visait au contraire à acquérir, contre la volonté de Heiploeg, des crevettes grises de la mer du Nord à un bon prix.
58 La Commission conteste les arguments de la requérante.
2) Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, de l’infraction réellement commise par la requérante
59 Par le deuxième moyen, la requérante considère, en substance, que la Commission a, à bon droit, constaté qu’elle avait, entre mars 2003 et novembre 2007, participé à une concertation sur les prix dirigée par Heiploeg en ce qui concernait les offres faites à Aldi-Nord. La requérante aurait pleinement reconnu qu’au cours de cette période, sur l’insistance de Heiploeg, elle s’était vu communiquer par téléphone des informations sur les prix en vue des adjudications d’Aldi-Nord et avait fondé sa propre offre faite à cette dernière sur lesdites informations. La requérante aurait cependant déclaré qu’elle n’avait pas connaissance d’autres infractions dans sa lettre de réponse confidentielle du 27 septembre 2012 et au cours de l’audition du 7 février 2013.
60 La requérante affirme que son infraction était matériellement et régionalement limitée au client Aldi-Nord et consistait uniquement en la réception d’informations sur les prix et au respect du cadre de prix imposé par Heiploeg. La requérante affirme qu’elle n’a pas participé à l’entente suprarégionale constatée par la Commission et ne l’a pas non plus soutenue. Elle affirme que Heiploeg l’a seulement, dans un nombre de cas très limité, spontanément informée, par le biais de sa filiale allemande, BFG, des prix pratiqués par des concurrents ou de ses offres de prix. Avant de recevoir la communication des griefs, la requérante souligne qu’elle n’avait pas connaissance de l’existence d’infractions communes commises par les participants néerlandais et qui ne concernaient pas le client Aldi-Nord ni des circonstances sur lesquelles ces infractions reposaient.
61 La requérante reproche aussi à la Commission de ne pas avoir tenu compte de l’aveu de Klaas Puul qui prouve qu’elle n’a pas participé à l’entente constatée, mais également que l’infraction concernant Aldi-Nord était une infraction autonome. La requérante précise que les prétendues coordinations de prix à l’encontre de Metro démontrent aussi qu’elle n’a pas agi dans le cadre d’un accord d’entente continu et unique. La requérante souligne qu’en dehors de son attitude à l’encontre du client Aldi-Nord, elle s’est comportée de manière indépendante et concurrentielle sur le marché. Enfin, la requérante s’oppose à l’allégation de la Commission selon laquelle elle a intégré les informations sur les prix reçus dans sa politique de formation de prix à l’égard de Metro, car la Commission n’a produit aucune preuve de cette dernière.
62 La Commission conteste les arguments de la requérante.
b) Appréciation du Tribunal
63 Les deux premiers moyens soulevés par la requérante visent à contester la manière dont la Commission a apprécié les éléments de preuve relatifs, d’une part, à une infraction concernant les prix d’achat et, d’autre part, à l’infraction réellement commise par la requérante.
1) Sur la jurisprudence concernant l’appréciation des preuves
64 En ce qui concerne l’appréciation des preuves par la Commission, il convient de rappeler qu’elle doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence de faits constitutifs d’une infraction (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 30 et jurisprudence citée).
65 S’agissant de la portée du contrôle juridictionnel, il est de jurisprudence constante que, lorsque le Tribunal est saisi d’un recours en annulation d’une décision d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il doit exercer, de manière générale, un contrôle entier afin de vérifier si les conditions d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE se trouvent ou non réunies (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 31 et jurisprudence citée).
66 Dans ce contexte, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 32 et jurisprudence citée).
67 En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de présomption d’innocence, lequel fait partie des droits fondamentaux qui sont protégés dans l’ordre juridique de l’Union et a été consacré par l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes. Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a été commise (voir arrêt du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 50 et jurisprudence citée).
68 Toutefois, il importe de souligner que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêts du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 180 et jurisprudence citée, et du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 34 et jurisprudence citée).
69 Les indices invoqués par la Commission dans la décision qui est attaquée afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (arrêts du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, EU:T:2008:254, point 185, et du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 35).
70 Il convient de relever également que, en pratique, la Commission est souvent obligée de prouver l’existence d’une infraction dans des conditions peu propices à cette tâche, dans la mesure où plusieurs années ont pu s’écouler depuis l’époque des faits constitutifs de l’infraction et que plusieurs des entreprises faisant l’objet de l’enquête n’ont pas activement coopéré avec elle. S’il incombe nécessairement à la Commission d’établir qu’un accord illicite de fixation de prix a été conclu, il serait excessif d’exiger, en outre, qu’elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint. En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées au regard du fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante. Les entreprises peuvent se défendre utilement dans une telle situation, pour autant qu’elles aient la possibilité de commenter tous les éléments de preuve invoqués à leur charge par la Commission (arrêts du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 203, et du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 36).
71 En ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l’infraction à l’article 101 TFUE, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 37 et jurisprudence citée).
72 Quant à la valeur probante des différents éléments de preuve, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 38 et jurisprudence citée).
73 Selon les règles générales en matière de preuve, la crédibilité et, partant, la valeur probante d’un document dépendent de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de son contenu (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 39 et jurisprudence citée).
74 Lorsque la Commission s’appuie uniquement sur la conduite des entreprises en cause sur le marché pour conclure à l’existence d’une infraction, il suffit à ces dernières de démontrer l’existence de circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permettent ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une violation des règles de la concurrence de l’Union (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 40 et jurisprudence citée).
75 En revanche, dans les cas où la Commission s’est fondée sur des preuves documentaires, il incombe aux entreprises concernées non de présenter simplement une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision qui est attaquée pour établir l’existence de l’infraction. Une telle administration des preuves ne viole pas le principe de présomption d’innocence (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 41 et jurisprudence citée).
76 L’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum. Dès lors, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Même si la Commission découvre de telles pièces, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 42 et jurisprudence citée).
77 Lors de l’appréciation de la valeur probante des preuves documentaires, il convient d’accorder une grande importance à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits ou par un témoin direct de ces faits (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 43 et jurisprudence citée).
78 Il ressort du principe de libre administration des preuves que, même si l’absence de preuves documentaires peut s’avérer pertinente dans le cadre de l’appréciation globale du faisceau d’indices invoqués par la Commission, à elle seule, elle n’a pas pour conséquence de permettre à l’entreprise concernée de mettre en cause les allégations de la Commission en présentant une explication alternative des faits. Tel est seulement le cas lorsque les preuves présentées par la Commission ne permettent pas d’établir l’existence de l’infraction sans équivoque et sans qu’une interprétation soit nécessaire (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 45 et jurisprudence citée).
79 Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en sera d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période (arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 121, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, EU:C:1999:358, point 162).
80 C’est à l’aune de ces principes qu’il y a lieu de répondre aux arguments spécifiques de la requérante concernant l’absence d’infraction s’agissant des prix d’achat et l’absence d’infraction allant au-delà de la coordination des prix de vente pour Aldi-Nord.
2) Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’infraction concernant les prix d’achat
81 La requérante fait valoir, en premier lieu, qu’il n’existe pas de preuve de l’échange d’informations sur les prix d’achat payés aux pêcheurs en Allemagne.
82 À cet égard, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que la décision attaquée qualifie les fixations de prix d’achat entreprises par la requérante d’actes « collatéraux » soutenant la coordination des prix de vente (voir considérants 238 et 387 de la décision attaquée). La décision attaquée utilise, par ailleurs, l’expression d’accords « isolés » sur les prix d’achat (voir considérant 254 de la décision attaquée). Partant, il convient de considérer que la Commission n’a pas voulu qualifier l’infraction de coordination des prix d’achat de systématique, contrairement à ce que soutient la requérante.
83 En ce qui concerne les courriers électroniques du 16 septembre 2005, du 30 mars 2007 et du 3 mai 2007 (annexe A 4.310, A 4.311, A 4.312), mentionnés au point 52 ci-dessus, il convient d’observer qu’il est probable, comme le soutient la requérante, que les prix aient déjà été connus sur le marché au moment où ont eu lieu les appels téléphoniques, dont font état ces courriers électroniques. En effet, ces courriers ont été tous écrits un vendredi et c’était le vendredi que les pêcheurs communiquaient à leurs propres négociants les prix d’achat des autres négociants, souvent, immédiatement après leur publication. Néanmoins, comme le souligne à juste titre la Commission, bien que les prix aient déjà été connus, la requérante et Heiploeg ont estimé nécessaire de comparer les informations en leur possession et d’en vérifier l’exactitude, ce qui diminuait ainsi leurs incertitudes quant aux prix.
84 En ce qui concerne le courrier électronique du 12 janvier 2004 (annexe A 4.313), mentionné au point 52 ci-dessus, il suffit de relever que la Commission ne s’est pas basée sur ce courrier électronique afin de motiver le grief tiré de la coordination des prix d’achat entre la requérante et Heiploeg. En effet, il n’est pas fait référence à ce courrier électronique dans les considérants 143 à 180 de la décision attaquée, c’est-à-dire dans la partie de la décision attaquée qui concerne la coordination des prix d’achat.
85 En ce qui concerne les courriers électroniques des 20 mai 2005 et 26 juillet 2005 (annexe A 4. 316 et A 4.317), mentionnés au point 53 ci-dessus, la requérante souligne que, contrairement aux courriers électroniques mentionnés aux points 83 et 84 ci-dessus, il n’existe aucun indice indiquant qu’elle aurait obtenu les informations d’un concurrent. Néanmoins, il convient de constater, que, au considérant 172 de la décision attaquée, la Commission soulignait qu’il n’était pas aisé, concernant ces courriers électroniques, de savoir si la requérante avait reçu ces informations sur les prix de ses concurrents ou bien des pêcheurs. Ainsi, la Commission affirme, à juste titre, qu’elle ne s’est pas basée sur ces courriers électroniques pour parvenir à la constatation d’une coordination des prix d’achat.
86 En ce qui concerne le courrier électronique du 16 juillet 2007 (annexe A 4. 304), qui fait état d’un entretien téléphonique entre la requérante et Heiploeg, au cours duquel cette dernière se serait plainte des prix d’achat trop élevés payés par la requérante, il convient d’observer que, comme le souligne la Commission, le contenu du courrier électronique indique qu’il n’était pas inhabituel pour la requérante et Heiploeg de se concerter sur les prix d’achat. En effet, l’expression « estimant que nous devrions mieux nous concerter à l’avenir » n’indique pas, contrairement à ce que soutient la requérante, qu’il n’existait pas de concertation auparavant, mais conforte plutôt l’existence d’une certaine concertation qui devait seulement être améliorée. En outre, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que, en ce qui concerne l’entretien téléphonique du 16 juillet 2007, la requérante a elle-même expliqué, dans sa réponse du 27 septembre 2012 à la communication des griefs de la Commission, ce qui suit :
« M. T. Stührk se souvient aujourd’hui encore de l’appel qu’il a reçu de M. W. [S.]. Celui-ci était furieux et a menacé de rétorsions en cas de récidive. Pour Stührk, il n’était par conséquent pratiquement pas possible de se soustraire à l’impératif d’ajuster les prix. Cet impératif a amené Stührk à passer des accords isolés pour être certain qu’il n’y aurait pas encore davantage de pêcheurs qui résilient leur contrat avec Stührk et pour éviter l’application de sanctions par Heiploeg. »
87 Ainsi, l’argument de la requérante ne démontre pas l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’infraction relative aux prix d’achat.
88 À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence, mentionnée aux points 68 et 69 ci-dessus, selon laquelle il n’est pas nécessaire que chacune des preuves apportées par la Commission présente en soi tous les éléments d’une infraction. En effet, la Commission doit présenter des éléments de preuve suffisamment précis et probants pour démontrer que l’infraction a bien eu lieu. Il suffit cependant pour cela que l’ensemble des éléments de preuve produits, pris dans leur ensemble, réponde à cette exigence.
89 Or, en l’espèce, la Commission a procédé à une appréciation globale des éléments de preuve existants et a constaté que la requérante avait de temps à autre coordonné les prix d’achat avec Heiploeg (voir considérants 160 à 180 de la décision attaquée). Par ailleurs, la requérante a elle-même admis, dans sa réponse du 27 septembre 2012 à la communication des griefs de la Commission, qu’elle avait de manière irrégulière coordonné ses prix d’achat (annexe A 9. 352, point 4.1). Dès lors, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a considéré que les moyens de preuve invoqués étaient suffisants pour démontrer une coordination des prix d’achat.
90 Enfin, en ce qui concerne le courrier électronique du 28 avril 2003 (annexe A 4.318), mentionné au point 53 ci-dessus, il convient de relever que la Commission reconnaît, dans sa duplique, avoir considéré par erreur que M. T. travaillait pour BFG alors que, en réalité, il travaillait, comme le soutient la requérante, pour Fischer-Genossenschaft Büsum, une coopérative de pêche indépendante de Heiploeg. Néanmoins, il y a lieu de relever que l’appréciation globale de la Commission relative à une concertation à plusieurs reprises pour la coordination des prix d’achat est suffisamment étayée par d’autres éléments de preuve tels que ceux indiqués aux points 86 et 89 ci-dessus. Ainsi, l’erreur de la Commission concernant le courrier électronique du 28 avril 2003 n’est pas déterminante quant à la légalité de la décision attaquée à cet égard.
91 S’agissant, en second lieu, de l’argument de la requérante tiré du fait qu’elle n’a pas participé à des ententes anticoncurrentielles concernant l’achat de crevettes de la mer du Nord lors de ventes à la criée néerlandaises, il suffit de constater que la Commission n’a pas fait grief à la requérante de s’être entendue de façon anticoncurrentielle avec Heiploeg en ce qui concerne l’achat de crevettes de la mer du Nord lors de ventes à la criée néerlandaises. En effet, il y a lieu d’observer que, dans la décision attaquée, les événements d’août et de septembre 2007 ne sont pas mis à la charge de la requérante en tant que violation ou violation partielle de l’article 101 TFUE. En outre, la Commission a considéré que la participation de la requérante à l’infraction était limitée à l’Allemagne et a fixé le montant de l’amende qui lui a été infligée sur cette base (voir considérant 487 de la décision attaquée). Ainsi, ce grief ne saurait prospérer.
92 Au vu de toutes les considérations qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen dans son ensemble.
3) Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, de l’infraction réellement commise par la requérante
93 Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que l’infraction qu’elle a réellement commise était limitée au client Aldi-Nord et consistait uniquement en la réception d’informations sur les prix et au respect du cadre de prix imposé par Heiploeg. Elle soutient qu’elle n’avait pas connaissance d’autres infractions.
94 La requérante conteste s’être livrée à une coordination « systématique » des prix de vente avec des concurrents pour d’autres clients et d’avoir effectué une coordination de prix dans toute l’Allemagne.
95 Toutefois, il convient de constater à cet égard, d’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 89 ci-dessus, que la requérante a coordonné de temps à autre les prix d’achat avec Heiploeg (voir considérants 160 à 180 de la décision attaquée). D’autre part, elle a également coordonné les prix de vente pour Metro avec Heiploeg à plusieurs reprises (voir notamment considérants 87, 101, 247 et 249 de la décision attaquée et annexe A 9. 351).
96 En effet, dans un courrier électronique interne du 31 juillet 2003, un collaborateur de la requérante a relaté un entretien téléphonique s’étant déroulé la veille entre ce dernier et un collaborateur de Heiploeg concernant Metro. Cet entretien téléphonique fait référence à une réduction des prix souhaitée par Metro auprès de Heiploeg. Le collaborateur de la requérante soumet alors la possibilité que Metro vienne solliciter une telle réduction auprès de la requérante et indique que les sociétés doivent rester « fermes » et qu’il est « indispensable de [s’]en tenir [aux] conventions [conclues] avec PL [Heiploeg], car il s’agit également d’un test pour d’autres entretiens concernant Aldi » (voir considérants 87 et 247 de la décision attaquée et annexe A 4.330).
97 Un autre courrier électronique interne de la requérante démontre une coordination des prix de vente pour Metro (voir considérant 101 de la décision attaquée et annexe A 4.332). Ce courrier électronique du 6 avril 2006 fait référence à un appel téléphonique d’un collaborateur de Heiploeg reçu la veille par la requérante, dans lequel celle-ci énonce ce qui suit :
« À nouveau Hans/5.4.2006 : Metro : Bargelé lui a fait savoir qu’il y en a encore un qui offre en deçà de la barre des 13,30 euros. Il s’agit selon lui soit de Bremer, soit de Rentel. Je lui ai fait savoir que rien n’avait changé à ce jour dans notre perception des choses et que nous n’avions pas l’intention d’en changer jusqu’à nouvel ordre. Le cas échéant, il reprendra contact… »
98 Par ailleurs, la requérante a indiqué, dans sa réponse du 27 septembre 2012 à la communication des griefs de la Commission, qu’il était arrivé occasionnellement qu’elle fût informée par des concurrents des prix offerts, sans le demander et sans concertation, comme ce fut le cas par exemple dans le courrier électronique du 29 mars 2005 (voir annexes A 9.352 et A 4.331). En outre, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les informations de prix contenues dans ce courrier électronique porteraient sur des prix historiques, il y a lieu de noter que, indépendamment de la question de savoir si cette allégation est exacte, la requérante avait elle-même fait référence à ce courrier électronique au cours de la procédure administrative et avait indiqué qu’il était un exemple de transmission occasionnelle de prix de vente par des concurrents, ce qui sous-entend que d’autres opérations similaires existaient.
99 La requérante affirme que les prix de vente concernant Metro que Heiploeg lui a communiqués avaient déjà été fixés par elle de façon autonome. Toutefois, il convient de relever, à cet égard, que les courriers électroniques cités aux points 96 à 98 ci-dessus démontrent, en tout état de cause, que la requérante et Heiploeg ont fixé les prix de vente concernant Metro de manière anticoncurrentielle. En effet, une telle entente entre concurrents enfreint l’article 101 TFUE indépendamment de la question de savoir si un niveau de prix déterminé a été convenu ou si seulement des informations sur un comportement à adopter à l’avenir concernant les prix ont été échangées. Il convient partant d’écarter cet argument.
100 Par ailleurs, en ce qui concerne le grief de la requérante tiré d’un manque de coordination « systématique » des prix de vente pour d’autres clients qu’Aldi-Nord en Allemagne, il convient d’observer, à l’instar de la Commission, que dans la décision attaquée, celle-ci n’a pas fait grief à la requérante d’une telle coordination systématique. La Commission, dans la décision attaquée, a reproché à la requérante d’avoir coordonné avec Heiploeg les prix de vente concernant Aldi-Nord, mais aussi de temps à autres envers d’autres clients tels que Metro.
101 S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait conclu à tort que l’infraction qu’elle avait commise concernait toute l’Allemagne, la Commission soutient qu’elle n’a pas reproché à la requérante d’avoir coordonné les prix de vente dans « toute l’Allemagne », c’est-à-dire pour tous, ou presque tous, les clients allemands. À cet égard, il convient de constater que, au considérant 356 de la décision attaquée, invoqué par la Commission à titre d’exemple de l’interprétation erronée de la requérante, elle n’a pas précisé si les infractions citées concernaient uniquement Aldi-Nord en Allemagne ou bien toute l’Allemagne. Toutefois, les considérants auxquels le considérant 356 renvoie dans la décision attaquée citent des circonstances qui démontrent, d’une part, que l’infraction commise par la requérante ne se limitait pas à une coordination des prix de vente à Aldi-Nord en Allemagne, mais s’étendait aussi de temps à autre aux prix de vente proposés à d’autres clients tels que Metro et, d’autre part, que cette infraction était limitéeà l’Allemagne et ne s’étendait donc pas à d’autres pays tels que la Belgique, le Danemark, la France ou les Pays-Bas. En revanche, il ne peut pas être déduit de ces considérants que la Commission a imputé à la requérante une coordination des prix de vente pour tous les clients allemands (voir considérants 85, 86, 88, 89, 99, 101, 107, 109, 111, 113, 114, 120 et 122 de la décision attaquée). Ainsi, l’argumentation de la requérante à cet égard doit être rejetée.
102 Dès lors, à la lumière de tout ce qui précède, il convient de considérer que la Commission a prouvé que l’infraction commise par la requérante ne se limitait pas à une coordination des prix de vente à Aldi-Nord en Allemagne, mais s’étendait, occasionnellement, aux prix de vente concernant d’autres clients tels que Metro.
103 Enfin, ainsi qu’il a été rappelé au point 79 ci-dessus, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en sera d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période.
104 Or, en l’espèce, la requérante se limite à faire valoir qu’elle n’a pas intégré les informations sur les prix reçus dans sa politique de formation de prix à l’égard de Metro et que la Commission, dans son mémoire en défense, n’a pas démontré que de telles informations avaient été utilisées. Toutefois, selon une jurisprudence constante de la Cour, c’est à la requérante de renverser la présomption selon laquelle des entreprises qui obtiennent de leurs concurrents des informations relatives aux prix ou d’autres informations pertinentes sur le plan de la concurrence en tiennent compte pour déterminer leur comportement sur le marché (arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 121, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, EU:C:1999:358, point 162). Ainsi, les arguments soulevés par la requérante ne suffisent pas pour permettre un tel renversement de ladite présomption. Par conséquent, il convient de rejeter cet argument.
105 À la lumière de tout ce qui précède, il convient de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble.
2. Sur le troisième moyen, tiré, en substance, de l’absence de participation de la requérante à une infraction unique et continue
a) Arguments des parties
106 Par le troisième moyen, composé de deux branches, la requérante soutient, en substance, premièrement, qu’elle n’a pas participé à une infraction prétendument unique et continue et, deuxièmement, que la coordination des prix de vente pour Aldi-Nord en Allemagne ne constitue pas une infraction unique et continue avec une éventuelle coordination des prix de vente pour d’autres clients.
107 En ce qui concerne la première branche du présent moyen, la requérante fait valoir, premièrement, qu’elle ne poursuivait pas, avec les autres participants, un objectif anticoncurrentiel commun par le biais de la réception et de la prise en compte d’informations sur les prix en ce qui concerne Aldi-Nord et qu’elle ignorait les importantes infractions des autres participants.
108 En effet, selon la requérante, le seul intérêt poursuivi concernant la communication engagée et mise en œuvre par Heiploeg du prix souhaité pour les offres faites à Aldi-Nord était de ne pas perdre cette entreprise en tant que client récent et stratégiquement important. La requérante fait observer qu’elle n’avait pas d’intérêt à stabiliser le niveau de prix des crevettes de la mer du Nord dans l’Union et que les alignements individuels des prix lors de la fixation des prix d’achat avaient pour seul but d’éviter les mouvements d’humeur et les excès chez les pêcheurs. En outre, la coordination avec Heiploeg s’agissant des prix de vente exigés par Aldi-Nord n’aurait pas visé à restreindre la concurrence, mais simplement à ne pas perdre Aldi-Nord en tant que client. En ne prenant pas en compte ces éléments, la requérante affirme que la Commission aurait violé la présomption d’innocence à son égard.
109 La requérante rappelle que pour reconnaître l’existence d’un « plan d’ensemble » ou d’un « objet anticoncurrentiel commun », la jurisprudence exige que l’entreprise en cause ait, par son comportement, intentionnellement contribué à la réalisation de cet objet. Or, la requérante fait observer que, selon les propres constatations de la Commission, une contribution intentionnelle de sa part à l’entente constatée fait défaut, celle-ci considérant que la contribution à l’entente n’était pas intentionnelle. Ainsi, la requérante affirme que si la Commission est d’avis qu’une contribution intentionnelle de sa part à l’entente, dont elle suppose l’existence, fait déjà défaut, sa participation à une infraction unique est matériellement exclue. Toute autre interprétation conduirait à une violation du principe de droit pénal nulla poena sine lege.
110 La requérante, rappelle que, selon une jurisprudence constante, la Commission est tenue de prouver les infractions qu’elle constate et d’apporter des éléments de preuve qui établissent à suffisance de droit l’existence des faits constitutifs d’une infraction. Dans cette mesure, la requérante précise que la Commission doit démontrer que les accords ou les pratiques concertées en cause, même si ceux-ci concernent différents produits, services ou territoires, s’inscrivent dans un plan d’ensemble qui est consciemment mis en œuvre par les entreprises en vue d’atteindre un objectif anticoncurrentiel unique. Par conséquent, la requérante affirme que la Commission doit apporter des preuves convaincantes et concordantes afin de démontrer que l’infraction a été commise. Or, selon la requérante les éléments de preuve produits par la Commission n’ont pas permis à cette dernière d’établir de manière crédible qu’elle poursuivait un objectif anticoncurrentiel commun avec les autres participants ni qu’elle avait connaissance des autres comportements illégaux desdits participants ou qu’elle aurait raisonnablement pu les prévoir.
111 La requérante fait valoir, deuxièmement, que l’existence d’une interaction entre elle et les participants ainsi qu’un lien géographique entre les marchés font défaut, afin de pouvoir reconnaître l’existence d’une infraction unique et continue. La requérante fait observer qu’à l’exception d’un seul achat au cours de l’été 2007, elle n’a jamais eu de contact commercial avec Kok Seafood au cours de la période de référence. La requérante précise qu’elle n’avait pas et ne pouvait d’ailleurs pas avoir connaissance des accords existant entre Heiploeg et Kok Seafood étant donné que cette dernière n’approvisionnait pas Aldi-Nord. La requérante souligne qu’entre mars 2003 et novembre 2007, elle n’a obtenu les informations sur les prix concernant Klaas Puul que par le biais de Heiploeg. En effet, selon la requérante, à aucun moment de la période susvisée, il n’y a eu d’échange d’informations sur les prix entre Klaas Puul et elle-même.
112 Par ailleurs, la requérante soutient qu’un lien entre les marchés belge, danois, allemand, français et néerlandais, tel que la jurisprudence l’exige pour reconnaître l’existence d’une infraction unique, n’existe pas. La requérante conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle les marchés sont reliés entre eux uniquement par le biais du groupe Aldi, car cette dernière ne résisterait pas à un examen matériel et juridique. La requérante conteste aussi le raisonnement de la Commission qui se fonde sur des déclarations douteuses d’autres participants à l’entente qui ne sont ni vérifiées ni économiquement prouvées et que la Commission a déduites de retranscriptions postérieures d’entretiens téléphoniques entre Heiploeg et Kok Seafood. La requérante souligne à cet égard que les retranscriptions de ces entretiens téléphoniques ont été contestées par d’autres participants. En outre, la requérante fait valoir que la simple circonstance que des prix pratiqués dans d’autres marchés géographiques ont toujours une influence générale sur les marchés voisins ne saurait suffire pour reconnaître l’existence d’un « lien sous l’angle du droit des ententes ».
113 Enfin, la requérante fait observer que les infractions commises par les autres participants ne pourraient pas non plus lui être imputées en raison du fait qu’elle avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de celles-ci. La requérante rappelle tout d’abord que, selon une jurisprudence constante du Tribunal et de la Cour, une entreprise dont il est établi qu’elle n’a collaboré qu’à une partie des comportements sanctionnés par une amende peut, de manière exceptionnelle, être considérée comme responsable d’une infraction continue plus importante lorsqu’il est prouvé qu’elle connaissait ou aurait dû connaître les comportements infractionnels mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite de l’objectif anticoncurrentiel et qu’elle était prête à en accepter le risque. La requérante précise que le simple fait qu’un accord distinct auquel une entreprise participe et une entente globale aient le même objet ne suffit pas pour retenir, à charge de cette entreprise, une participation à ladite entente globale. Ce n’est que si l’entreprise, au moment où elle participait à cet accord, était ou aurait dû être au courant de ce que, par son comportement, elle s’intégrait à l’entente globale qu’il serait possible de lui imputer les infractions des autres entreprises.
114 Or, en l’espèce, la requérante affirme qu’elle n’avait pas connaissance de l’objet anticoncurrentiel ou des infractions des autres participants et ne devait d’ailleurs pas en avoir connaissance. La requérante fait valoir que les actes commis par les autres participants constituent une infraction qui, du point de vue de sa nature et de son intensité, est totalement différente de celle qu’elle a commise, puisqu’elle s’est contentée de recevoir des informations sur les prix en ce qui concerne Aldi-Nord et de respecter la fourchette de prix prescrite par Heiploeg dans le cadre des offres faites à ce client.
115 En ce qui concerne la deuxième branche du présent moyen, la requérante affirme que la coordination des prix de vente pour Aldi-Nord en Allemagne ne constitue pas une infraction unique et continue avec une éventuelle coordination des prix de vente pour d’autres clients. La requérante fait observer tout d’abord qu’elle a reconnu l’infraction qu’elle a réellement commise, à savoir la réception d’informations sur les prix et la prise en compte de ces dernières dans le cadre des appels d’offres lancés par Aldi-Nord entre mars 2003 et novembre 2007. La requérante admet que Heiploeg et certains de ses propres clients lui ont, à trois ou quatre reprises, sur une période de quatre ans et de manière spontanée, communiqué des informations sur les prix de vente d’autres clients allemands, mais elle affirme n’avoir jamais communiqué ses propres prix à un concurrent. La requérante considère que ces incidents ne peuvent, en toute hypothèse, que constituer, tout au plus, des infractions mineures isolées qui ne présentent pas de lien matériel ni chronologique avec l’infraction à l’encontre d’Aldi-Nord.
116 La Commission conteste les arguments de la requérante.
b) Appréciation du Tribunal
117 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 41 et jurisprudence citée).
118 Trois conditions doivent être réunies afin d’établir la participation à une infraction unique et continue, à savoir l’existence d’un plan d’ensemble poursuivant un objectif commun, la contribution intentionnelle de l’entreprise à ce plan et le fait qu’elle avait connaissance (prouvée ou présumée) des comportements infractionnels des autres participants (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 51 et 53).
119 Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 42 et jurisprudence citée).
120 Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 43).
121 En revanche, si une entreprise a directement pris part à un ou plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais qu’il n’est pas établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’entente et qu’elle avait connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par lesdits participants dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, la Commission n’est en droit de lui imputer la responsabilité que des seuls comportements auxquels elle a directement participé et des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qu’elle poursuivait et dont il est prouvé qu’elle avait connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 44).
122 Cela ne saurait néanmoins conduire à exonérer cette entreprise de sa responsabilité dans les comportements auxquels il est constant qu’elle a pris part ou pour lesquels elle peut effectivement être tenue pour responsable. En effet, le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé n’est pas pertinent pour établir l’existence d’une infraction de sa part, étant donné qu’il n’y a lieu de prendre en considération ces éléments que lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination de l’amende (voir arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 45 et jurisprudence citée).
123 Il n’est cependant envisageable de diviser ainsi une décision de la Commission qualifiant une entente globale d’infraction unique et continue que si, d’une part, ladite entreprise a été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de comprendre qu’il lui était également reproché chacun des comportements la composant, et donc de se défendre sur ce point, et si, d’autre part, ladite décision est suffisamment claire à cet égard (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 46).
124 Il s’ensuit que, lorsque les conditions énoncées au point 118 ci-dessus sont remplies, si le juge de l’Union constate que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit qu’une entreprise, lors de sa participation à l’un des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, avait connaissance des autres comportements anticoncurrentiels adoptés par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, il doit en tirer comme seule conséquence que cette entreprise ne peut se voir imputer la responsabilité de ces autres comportements et, partant, de l’infraction unique et continue dans son ensemble et que la décision qui est attaquée doit être considérée comme non fondée dans cette seule mesure (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 47).
125 Par ailleurs, dès lors que la constatation, par le juge de l’Union, du fait que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit qu’une entreprise, lors de sa participation à l’un des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, avait connaissance des autres comportements anticoncurrentiels adoptés par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, ne saurait conduire à exonérer ladite entreprise de sa responsabilité pour la partie des comportements dont il est établi qu’elle a pris part ou dont il est constant qu’elle peut être tenue pour responsable, le juge de l’Union doit se limiter à prononcer l’annulation partielle de la décision attaquée (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 50).
126 C’est à la lumière de la jurisprudence évoquée aux points 117 à 125 ci-dessus qu’il convient de répondre aux arguments de la requérante concernant l’absence de participation à une infraction unique et continue.
127 Dans le cadre du troisième moyen la requérante fait valoir, dans une première branche, que l’infraction à l’article 101 TFUE qu’elle a commise ne s’inscrit pas dans le cadre d’une entente globale plus large avec Heiploeg, Klaas Puul et Kok Seafood et n’était pas reliée à une telle entente en tant qu’infraction unique et continue et, dans une deuxième branche, que d’éventuelles ententes de prix avec Heiploeg concernant d’autres clients allemands ne représentaient pas une infraction unique et continue avec la coordination des prix de vente à Aldi-Nord en Allemagne, qui serait contraire au droit de la concurrence.
128 En ce qui concerne la première branche du présent moyen, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été indiqué au point 118 ci-dessus, que trois conditions doivent être réunies afin d’établir la participation d’une entreprise à une infraction unique et continue, à savoir l’existence d’un plan d’ensemble poursuivant un objectif commun, la contribution intentionnelle de l’entreprise à ce plan et le fait qu’elle avait connaissance (prouvée ou présumée) des comportements infractionnels des autres participants.
129 S’agissant de l’existence d’un plan d’ensemble, la requérante fait valoir que l’existence d’un tel plan présuppose obligatoirement la poursuite d’un objectif économique unique et totalement identique, une interaction de toutes les parties concernées ainsi qu’un lien étroit entre les marchés. La requérante prétend aussi que la coordination des prix de vente à Aldi-Nord en Allemagne n’avait pas pour but d’augmenter ou de stabiliser les prix de vente des crevettes de la mer du Nord, mais uniquement de ne pas perdre ce client, stratégiquement important. La requérante affirme donc qu’elle n’avait aucun intérêt à fixer un quelconque prix de référence.
130 Néanmoins, au vu de la jurisprudence citée aux points 119 à 125 ci-dessus, la référence à un plan d’ensemble ne signifie pas qu’un tel plan doit avoir été préalablement conçu ou qu’une structure globale de prise de décision regroupant les différentes composantes doit avoir existé. En effet, toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause un lien de complémentarité appréciée corrélativement à l’objectif des divers agissements en question peut permettre de qualifier les différents agissements d’infraction unique et continue.
131 À cet égard, il y a lieu de relever que les accords et les pratiques concertées visés à l’article 101, paragraphe 1, TFUE résultent nécessairement du concours de plusieurs entreprises, qui sont toutes coauteurs de l’infraction, mais dont la participation peut revêtir des formes différentes, en fonction notamment des caractéristiques du marché concerné et de la position de chaque entreprise sur ce marché, des buts poursuivis et des modalités d’exécution choisies ou envisagées. Par conséquent, la simple circonstance que chaque entreprise participe à l’infraction dans des formes qui lui sont propres ne suffit pas pour exclure sa responsabilité pour l’ensemble de l’infraction, y compris pour les comportements qui sont matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes, mais qui partagent le même objet ou le même effet anticoncurrentiel (arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, points 79 et 80, et du 6 mars 2012, UPM-Kymmene/Commission, T‑53/06, non publié, EU:T:2012:101, point 53).
132 Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que les différentes actions des participants à l’entente avaient toutes pour objectif d’influencer le niveau de prix des crevettes de la mer du Nord, de restreindre la concurrence et de stabiliser le marché (voir considérant 386 de la décision attaquée). En effet, selon la Commission, toutes les parties prenantes aspiraient à l’augmentation ou, à tout le moins, à la stabilisation des prix des crevettes de la mer du Nord (voir considérant 387 de la décision attaquée).
133 La requérante fait valoir, à cet égard, ne pas avoir poursuivi le même objectif que les autres participants, puisqu’il ne s’agissait pas pour elle d’augmenter ou de stabiliser ses prix de vente, mais de ne pas perdre son client Aldi-Nord en Allemagne. Or, il est certes possible que, comme le soutient la requérante, elle ait accepté la coordination des prix de vente avec Heiploeg pour éviter une guerre des prix et conserver ainsi ce client. Néanmoins, il y a lieu de constater que cette circonstance n’exclut pas la poursuite d’un objectif commun consistant à augmenter ou à stabiliser le niveau du prix de vente. L’augmentation ou la stabilisation du niveau du prix de vente constituait en effet le moyen permettant d’atteindre l’objectif primaire allégué de ne pas perdre le client Aldi-Nord en Allemagne (voir considérants 87, 88, 101 et 112 à 114 de la décision attaquée et annexes A 4.330, A 4.313, A 4.332 et B1). Partant, la Commission n’a pas violé le principe de présomption d’innocence tel qu’invoqué au point 108 ci-dessus.
134 Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument de la requérante relatif à l’absence de lien entre les marchés géographiques concernés, il y a lieu de constater qu’elle n’a avancé aucun élément de preuve permettant de remettre valablement en cause les conclusions de la décision attaquée. À cet égard, il convient de rappeler que les différentes actions des participants à l’infraction concernaient un produit unique, que les entreprises concernées étaient dans la plupart des cas actives sur plusieurs marchés, que les comportements individuels des participants présentaient un certain degré de complémentarité et que les personnes physiques impliquées étaient très souvent les mêmes. De plus, s’agissant des déclarations des autres participants à l’entente et, en particulier, des notes des entretiens téléphoniques entre Heiploeg et Kok Seafood, que la Commission a utilisées, notamment, pour corroborer sa conclusion quant à l’existence de liens entre les marchés géographiques concernés, il y a lieu de relever que le Tribunal a récemment considéré qu’il n’était pas établi que la Commission avait violé l’article 101 TFUE ou l’article 2 du règlement no 1/2003 en utilisant les enregistrements des conversations téléphoniques en cause ou les notes s’y référant (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Goldfish e.a./Commission, T‑54/14, EU:T:2016:455, points 125 et 129). Partant, ce grief doit aussi être rejeté.
135 Ainsi, au vu de toutes les circonstances établissant un lien de complémentarité entre les participants et au regard de l’objectif des divers agissements de la requérante, il y a lieu de considérer que la Commission a, à juste titre, conclu que ces agissements faisaient partie d’un plan d’ensemble poursuivant un objectif commun.
136 En ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle elle n’a pas contribué intentionnellement au plan d’ensemble, il convient de relever que les deux considérants de la décision attaquée que la requérante cite au soutien de son argument, à savoir les considérants 413 et 414, se limitent, d’une part, à énoncer l’argument de celle-ci et, d’autre part, à contester le fait que le comportement de la requérante devait être considéré comme une infraction distincte. Il n’est nullement indiqué dans ces considérants que la Commission a considéré la contribution de la requérante à l’entente comme n’étant pas intentionnelle.
137 Il convient de rappeler, à cet égard, ainsi qu’il a été indiqué au point 119 ci-dessus, qu’il suffit à la Commission de démontrer que l’entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir arrêts du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 42 et jurisprudence citée, et du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 50 et jurisprudence citée).
138 Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de l’examen des deux premiers moyens du recours, c’est en connaissance de cause et de propos délibéré que la requérante a coordonné avec Heiploeg les prix de vente et, de temps à autre également, les prix d’achat, contribuant ainsi intentionnellement à la réalisation de l’objectif commun des participants à l’entente, c’est-à-dire influencer le niveau de prix des crevettes de la mer du Nord, restreindre la concurrence et stabiliser le marché (voir considérants 386 à 388 de la décision attaquée).
139 Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel elle n’aurait pas contribué intentionnellement au plan global est erroné et doit être rejeté.
140 En ce qui concerne l’allégation de la requérante relative à son absence de connaissance et d’obligation de connaissance du comportement illégal des autres participants à l’entente allant au-delà de son propre comportement, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été indiqué au point 120 ci-dessus, que, selon la jurisprudence, une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 43).
141 Or, en l’espèce, il ressort du considérant 100 de la décision attaquée que Klaas Puul a indiqué que, jusqu’en novembre 2005, la requérante et elle-même avaient de temps à autre conclu des conventions directes sur les prix de vente pour Aldi-Nord en Allemagne. Il y a lieu d’observer que si la requérante conteste avoir eu des contacts directs avec Klaas Puul, elle a en tout état de cause reçu, à plusieurs reprises, des informations sur les intentions de prix de Klaas Puul par le biais de Heiploeg. Cette circonstance, indiquée par la Commission aux considérants 88 et 99 de la décision attaquée, est confirmée par la requérante dans sa requête, dans laquelle elle admet, au paragraphe 157, avoir obtenu, entre mars 2003 et novembre 2007, des informations sur les prix concernant Klaas Puul par le biais de Heiploeg. Par ailleurs, la requérante affirme au paragraphe 160 de sa requête qu’elle n’a jamais su s’il s’agissait des vrais prix de vente de Klaas Puul, mais qu’elle partait du principe que c’était le cas en raison du duopole néerlandais constitué par Heiploeg et Klaas Puul et de la relation personnelle entre le gérant de Klaas Puul, M. M., et le gérant de Heiploeg de l’époque, M. N.
142 La requérante devait donc pouvoir conclure de ces éléments que Heiploeg avait obtenu les informations concernant l’intention de prix de Klaas Puul directement de cette dernière et ne pouvait donc pas prétendre ignorer que la coordination des prix de vente et d’achat avec Heiploeg s’étendait au-delà des rapports entre les deux entreprises et impliquait à tout le moins Klaas Puul.
143 Il convient de relever, par ailleurs, que la requérante suivait l’évolution des prix sur le marché aux Pays-Bas grâce au concours d’un client néerlandais (voir considérants 122 et 400 de la décision attaquée). Or, les prix pratiqués par Heiploeg et Klaas Puul aux Pays-Bas étaient similaires. Dès lors, il peut en être conclu que la coordination entre Heiploeg et Klaas Puul que la requérante présumait ne se limitait pas à l’Allemagne, mais s’étendait aussi aux Pays-Bas.
144 En outre, la requérante était aussi informée par Heiploeg, de temps à autre, de la politique de prix que celle-ci prévoyait d’appliquer en Belgique (voir considérant 85 de la décision attaquée). Bien que, comme le souligne, à juste titre, la requérante dans sa requête, il ne soit pas fait mention de Klaas Puul dans le courrier électronique auquel ce considérant fait référence, ce courrier électronique démontre malgré tout que la requérante pouvait avoir connaissance du fait que la coordination de ses prix avec ceux de Heiploeg s’inscrivait dans une entente plus large qui ne se limitait pas à l’Allemagne. Il convient aussi de noter que la requérante avait elle-même des clients en Belgique et que ces informations présentaient donc également un intérêt pour cette dernière [voir annexe B2, réponse de la requérante du 4 janvier 2010 à la demande de renseignements de la Commission (ID 918/5)].
145 Enfin, il y a lieu de constater que, en ce qui concerne la connaissance d’un « caractère de référence » du prix d’Aldi-Belgique qui aurait eu une influence sur les prix en Allemagne, la Commission s’est principalement basée sur la lettre de réponse à la communication des griefs du 27 septembre 2012 (voir considérants 413 et 414 de la décision attaquée). Cette lettre de réponse fait notamment référence à un courrier électronique du 18 décembre 2008 dans lequel il est fait mention d’un entretien téléphonique au cours duquel Aldi-Nord faisait savoir qu’à l’avenir son prix d’achat devrait être ajusté en fonction de celui d’Aldi-Belgique. Néanmoins, il convient de remarquer que, comme le soutient la requérante, ce courrier électronique a été envoyé en décembre 2008 et donc en dehors de la période de l’infraction qu’elle a commise qui s’étendait du 14 mars 2003 au 15 novembre 2007 (voir considérants 449 et 450 de la décision attaquée). Il n’est donc pas opportun de prendre en compte cet élément de preuve.
146 En tout état de cause, les éléments de preuve susmentionnés démontrent à eux seuls que la requérante avait bien connaissance d’une coordination des prix de vente effectuée par Heiploeg et Klaas Puul.
147 À la lumière de ce qui précède, il convient de considérer que la première branche du troisième moyen n’est pas fondée en ce que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant que la requérante avait participé à une infraction unique et continue et n’a pas violé le principe de la présomption d’innocence à cet égard.
148 En ce qui concerne la deuxième branche du présent moyen, la requérante fait valoir que la coordination des prix de vente pour Aldi-Nord en Allemagne ne constitue pas une infraction unique et continue avec une éventuelle coordination des prix de vente pour d’autres clients.
149 Il convient de constater à cet égard que, selon la décision attaquée, la requérante savait que la coordination des prix de vente pour Aldi-Nord en Allemagne, d’une part, et pour Metro, d’autre part, constituait une contribution intentionnelle de sa part à un plan d’ensemble qui avait pour objectif d’influencer le niveau de prix des crevettes de la mer du Nord, de restreindre la concurrence et de stabiliser le marché. En effet, il convient de constater qu’il ressort des considérants 87, 88, 101 et 112 à 114 de la décision attaquée que la requérante et Heiploeg poursuivaient l’objectif commun d’augmenter ou de stabiliser le niveau des prix de vente pour Aldi-Nord et qu’il ressort des considérants 87, 101 et 247 de la décision attaquée que la requérante et Heiploeg poursuivaient le même objectif à l’égard de Metro.
150 Il convient aussi de rappeler que le considérant 87 de la décision attaquée cite un courrier électronique interne de la requérante, daté du 31 juillet 2003 (voir point 96 ci-dessus), dans lequel un de ses collaborateurs faisait mention d’un entretien téléphonique qu’il avait eu la veille avec un collaborateur de Heiploeg et au cours duquel avait été mentionné ce qui suit :
« Hier, [P. L.] de BFG [Heiploeg] m’a téléphoné. Manifestement Metro fait pression sur lui pour qu’il réduise le prix des crevettes grises. Je lui ai confirmé que nous ne diminuerions en aucun cas. Il ne veut pas non plus accepter de réduction. Il se peut que Metro tente sa chance chez nous aussi… Nous devons rester “fermes”. Il est indispensable de nous en tenir à nos conventions avec [P. L.], car il s’agit également d’un test pour d’autres discussions concernant Aldi… ».
151 Ce courrier électronique montre qu’il existait bien, pour la requérante, une corrélation étroite entre la coordination des prix de vente offerts à Aldi-Nord en Allemagne et la coordination des prix de vente offerts à Metro.
152 Ainsi, la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée comme non fondée.
153 Il convient donc de conclure que l’infraction à l’article 101 TFUE commise par la requérante s’inscrivait bien dans le cadre d’une entente globale plus large avec Heiploeg, Klaas Puul et Kok Seafood et était reliée à cette entente en tant qu’infraction unique et continue au sens de la jurisprudence. En outre, il convient de considérer que la coordination des prix de vente pour Aldi-Nord en Allemagne ainsi que pour d’autres clients allemands fait partie de la même infraction unique et continue.
154 Dès lors, il convient de rejeter le troisième moyen dans son ensemble. Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande d’annulation de la décision attaquée en ce qui concerne l’infraction commise par la requérante.
B. Sur les moyens soulevés au regard du calcul du montant de l’amende infligée à la requérante
155 Par le second groupe de moyens, la requérante présente des griefs et des arguments mettant en cause tant la légalité du calcul du montant de l’amende qui lui a été infligée que le caractère approprié de ladite amende. Ainsi, lesdits griefs et lesdits arguments visent, sans séparation claire, tant l’annulation partielle de l’article 2 de la décision attaquée en ce qu’il concerne la requérante que sa réformation dans le cadre de l’exercice par le Tribunal de son pouvoir de pleine juridiction.
156 Selon la jurisprudence, le contrôle de légalité des décisions adoptées par la Commission est complété par la compétence de pleine juridiction, qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou de l’astreinte infligée (voir arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 63 et jurisprudence citée). Le contrôle prévu par les traités implique donc que le juge de l’Union exerce un contrôle tant de droit que de fait et qu’il ait le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler la décision qui est attaquée et de modifier le montant des amendes. Il n’apparaît dès lors pas que le contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complété par la compétence de pleine juridiction quant au montant de l’amende, prévu à l’article 31 du règlement no 1/2003, soit contraire aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective figurant à l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 67 et jurisprudence citée).
157 Afin de déterminer le montant de l’amende infligée, il appartient au Tribunal d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause. Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans que le Tribunal soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 90).
1. Sur le quatrième moyen, tiré du calcul incorrect de l’amende à la suite de la détermination uniforme de l’infraction et du montant additionnel
a) Arguments des parties
158 Par ce moyen, la requérante fait valoir que l’appréciation de la gravité de l’infraction par la Commission ainsi que la fixation d’un taux de 16 % tant pour le montant de base que pour la majoration au titre de la dissuasion qui en découle sont erronées au regard de la nature et de l’étendue de sa participation à l’entente.
159 La requérante invoque la violation du principe de proportionnalité résultant de l’application d’un taux de 16 % pour fixer la partie variable du montant de base de l’amende. En effet, la requérante affirme que, selon l’exposé de la Commission, il importe peu que l’infraction consiste en une simple réception forcée d’informations sur les prix en ce qui concerne un client de l’Allemagne du Nord (Aldi-Nord) ou en une entente caractérisée sur les prix et les quantités ainsi que sur la répartition des clients en Belgique, au Danemark, en Allemagne, en France et aux Pays-Bas. La requérante fait observer que, selon la Commission, ces deux situations doivent être traitées de manière identique. Néanmoins, la requérante fait valoir que si la Commission attribue un tel taux à sa participation à l’infraction, elle doit attribuer un taux proportionnellement supérieur aux contributions à l’infraction bien plus graves des autres participants. Ainsi, la décision attaquée est, selon la requérante, purement arbitraire et viole le principe de proportionnalité. En outre, la Commission n’aurait pas fait usage de son pouvoir d’appréciation à cet égard.
160 La requérante invoque, par la suite, une violation du principe d’égalité de traitement. Elle souligne à ce titre que le fait pour une entreprise de ne pas avoir participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou d’avoir joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle avait participé doit être pris en considération par la Commission lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination de l’amende. Or, la requérante affirme que les infractions traitées diffèrent complètement par leur nature, leur portée et leur intensité.
161 La requérante fait aussi observer que, conformément au paragraphe 28 des lignes directrices, la seule qualité de récidiviste permet une majoration de 100 %. Or, en l’espèce, la requérante souligne que Heiploeg et Klaas Puul ont commis une nouvelle infraction sur le même marché de produit, et ce peu de temps après la décision de la NMa. S’ajoute à cela, selon la requérante, le rôle d’incitatrices de Heiploeg et de Klaas Puul ainsi que la pression exercée par Heiploeg à son égard. La requérante fait par la suite observer qu’elle détient une part de marché d’à peine 3,4 % dans le commerce des crevettes grises de la mer du Nord, contrairement à Heiploeg et à Klaas Puul qui détiennent chacune environ 40 % du marché. La requérante ajoute que même sur son marché national, l’Allemagne, sa part de marché est de seulement 10 %, ce qui n’a pas été pris en compte par la Commission. Dès lors, la requérante affirme que l’infraction qui lui est reprochée ne peut que constituer une infraction peu grave et non une infraction très grave, notamment par comparaison avec Heiploeg. Ces éléments n’ayant pas été assez pris en compte par la Commission, la requérante affirme que la décision de la Commission viole le principe d’égalité de traitement.
162 La requérante invoque, en outre, une violation du principe d’individualité des peines et des sanctions. En l’espèce, la requérante affirme qu’elle n’a participé à aucun accord ni sur les prix ni sur la répartition du marché ni sur des limitations de la production, et ce sur aucun marché. La requérante précise qu’elle s’est contentée de recevoir des informations sur les prix en ce qui concerne Aldi-Nord, c’est-à-dire en ce qui concerne le marché du Nord de l’Allemagne uniquement. La requérante souligne qu’elle n’a pas non plus pris part à de quelconques accords concernant les marchés belge, danois, français et néerlandais, auxquels les autres participants ont activement participé. En outre, la requérante fait observer qu’elle s’est livrée à une concurrence active et a récupéré des clients de ses concurrents. Dès lors, la requérante affirme ne pas avoir pris part à la répartition de la clientèle entre Heiploeg et Klaas Puul ni à la répartition du marché.
163 La requérante reproche à la Commission d’avoir dépassé les limites du pouvoir d’appréciation qui lui a été conféré en se fondant sur le même taux pour toutes les entreprises malgré les différences sur le plan de la participation à l’infraction qu’elle a, elle-même, constatées. La requérante affirme que le fait de mettre en balance la circonstance qu’elle a respecté des instructions en matière de prix concernant un seul client régional en Allemagne, à savoir Aldi-Nord, avec les accords conclus par les autres participants devrait conduire à réduire le taux retenu à son égard d’au moins deux tiers.
164 La requérante considère que, pour déterminer la gravité de l’infraction, il y a lieu de tenir compte de l’intensité des conséquences économiques réelles de cette infraction. La requérante souligne qu’à supposer que le prix d’Aldi-Belgique ait été un « prix de référence » pour toute l’Europe et ait par conséquent déterminé le prix d’Aldi-Nord, ce qu’elle conteste, le fait qu’elle ait reçu et pris en compte des prix de vente concernant Aldi-Nord n’avait, d’après la logique de la Commission, aucune conséquence économique ou tout au plus des conséquences économiques réduites. En outre, la requérante fait valoir que les conséquences économiques de l’infraction commise à l’encontre d’Aldi-Nord sont davantage marginalisées, voire même totalement neutralisées, par la puissance d’achat d’Aldi-Nord. Enfin, la fourchette des prix pouvant être offerts à Aldi-Nord était limitée vers le haut, selon la requérante, par le prix des crevettes asiatiques bon marché. Par conséquent, l’infraction commise ne pouvait pas causer un préjudice financier important à Aldi-Nord. La requérante affirme donc que le taux du montant de base retenu à son égard ne devrait pas dépasser 5 à 6 % si celui à l’encontre de Heiploeg s’élève à 16 %.
165 Enfin, la requérante fait valoir que, eu égard à son comportement, une majoration au titre de la dissuasion de 16 % ne s’imposait pas non plus. En effet, la requérante affirme que c’est volontairement qu’elle a cessé de collaborer à la manipulation anticoncurrentielle incluant Heiploeg. Or, la requérante souligne que si une entreprise cesse de collaborer à un comportement anticoncurrentiel qui lui avait, de surcroît, été imposé, une dissuasion particulière n’est manifestement plus nécessaire. Par conséquent, la requérante considère que si une majoration au titre de la dissuasion devait être considérée comme appropriée par le Tribunal, cette dernière ne devrait pas dépasser 5 à 6 %.
166 La Commission conteste les arguments de la requérante.
b) Appréciation du Tribunal
167 La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a commis différentes erreurs et violations dans le cadre du calcul du montant de l’amende qui lui a été imposée. À cet égard, elle soutient que la Commission a commis des erreurs dans la détermination des coefficients de 16 % qu’elle a retenus aux considérants 494 à 498, 502 et 503 de la décision attaquée.
168 Il convient toutefois de distinguer, notamment, deux problématiques différentes, c’est-à-dire, d’une part, la question de savoir si le traitement réservé à la requérante était approprié par comparaison à celui réservé aux autres participants à l’entente (violation du principe d’égalité de traitement et violation du principe d’individualité des peines) et, d’autre part, si, pris isolément, le taux appliqué par la Commission était proportionné au comportement de la requérante (violation du principe de proportionnalité).
169 Il convient donc de constater que les violations invoquées par la requérante visent toutes à contester, mais sous des angles différents, les coefficients de 16 % du chiffre d’affaires liés à ses ventes de crevettes de la mer du nord en Allemagne que la Commission a retenus aux fins du calcul du montant de base de l’amende, conformément, d’une part, aux paragraphes 21 à 23 des lignes directrices et, d’autre part, au paragraphe 25 desdites lignes. Dans ces conditions, il convient, en premier lieu, de rappeler les règles s’appliquant au calcul du montant de base de l’amende prévu par les lignes directrices, en deuxième lieu, de relever les motifs avancés par la Commission au soutien de son choix d’imposer un coefficient de 16 % et, en troisième lieu, d’examiner si, en procédant de la sorte, elle a commis les erreurs et les violations que la requérante invoque.
170 En premier lieu, s’agissant des règles applicables au calcul du montant de l’amende, il y a lieu de rappeler que, en vertu des paragraphes 9 à 11 des lignes directrices, la méthodologie utilisée par la Commission pour fixer les amendes comporte deux étapes. Dans un premier temps, la Commission détermine un montant de base pour chaque entreprise ou association d’entreprises. Dans un second temps, elle peut ajuster ce montant de base à la hausse ou à la baisse, et ce au regard des circonstances aggravantes ou atténuantes qui caractérisent la participation de chacune des entreprises concernées.
171 S’agissant, plus précisément, de la première phase de la méthode pour la fixation des amendes, selon les paragraphes 21 à 23 des lignes directrices, la proportion de la valeur des ventes prise en compte (ci-après le « coefficient “gravité de l’infraction” ») est fixée à un niveau compris dans une fourchette allant de 0 à 30 %, en tenant compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction, étant entendu que les accords de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. En vertu du paragraphe 25 des lignes directrices, il est précisé que, dans un but dissuasif, la Commission inclura dans le montant de base une proportion, permettant de calculer un montant additionnel (ci-après le « coefficient “montant additionnel” »), comprise dans une fourchette allant entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, en tenant compte des facteurs susmentionnés.
172 S’agissant, en deuxième lieu, de la détermination du coefficient « gravité de l’infraction » retenu par la Commission dans la décision attaquée, il convient de relever que les considérants 494 à 498 de ladite décision sont libellés comme suit :
« (494) Le montant de base se compose d’un montant compris entre 0 % et 30 % de la valeur des ventes d’une entreprise, en fonction du degré de gravité de l’infraction. Pour la gravité, la Commission a tenu compte d’un certain nombre de facteurs, notamment la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les entreprises concernées, la portée géographique de l’infraction et la mise en œuvre de l’infraction.
(495) Les accords horizontaux de fixation des prix, de partage des marchés et de limitation de la production sont, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus préjudiciables ; la proportion de la valeur des ventes prises en compte pour ces infractions sera généralement fixée à l’extrémité supérieure de l’échelle.
(496) En outre, la Commission entend, en l’espèce, tenir compte du fait que la part de marché cumulée des entreprises participant à l’infraction était très élevée.
(497) Heiploeg fait valoir que l’infraction consistait en des incidents sporadiques ne pouvant être qualifiés d’infraction très grave à l’article 101 TFUE. Cependant, il a déjà été expliqué pourquoi cet argument n’est pas valable et que l’infraction est beaucoup plus large et donc plus grave que ne le prétend Heiploeg.
(498) Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, compte tenu des critères exposés aux considérants 495 et 496, la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte pour le calcul de la gravité devrait être de 16 % pour tous les destinataires de la présente décision. »
173 S’agissant du coefficient « montant additionnel », la Commission a indiqué, aux considérants 502 et 503 de la décision attaquée, ce qui suit :
« (502) Indépendamment de la durée de la participation des entreprises à l’infraction, la Commission inclut dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes pour dissuader les entreprises de procéder à des ententes horizontales de répartition des marchés et les accords de limitation de la production.
(503) Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce et compte tenu des critères exposés ci-dessus aux considérants 495 et 496, la part de la valeur des ventes à prendre en compte pour le montant additionnel devrait être de 16 % pour tous les destinataires de la présente décision. »
174 Il ressort donc des motifs avancés aux considérants 494 à 498, 502 et 503 de la décision attaquée que la Commission a, en substance, justifié l’application du coefficient « gravité de l’infraction » et du coefficient « montant additionnel » de 16 % au regard de l’appréciation selon laquelle les entreprises sanctionnées dans la décision attaquée avaient participé à un accord horizontal de fixation de prix, de répartition des marchés et de limitation de la production qui comptait parmi les restrictions les plus graves de la concurrence en raison de sa nature même et que, de plus, la part de marché cumulée desdites entreprises était très élevée.
175 Toutefois, la Commission a estimé, aux considérants 414 et 487 de la décision attaquée, qu’il y avait lieu de considérer que la requérante, n’avait participé qu’au volet allemand de l’infraction.
176 De plus, la Commission a indiqué, au considérant 525 de la décision attaquée, ce qui suit :
« (525) La participation de Stührk était en effet limitée à l’Allemagne, où l’implication de Stührk dans l’entente était d’ailleurs d’une nature différente de celle du comportement anticoncurrentiel des principaux acteurs de l’entente. Stührk n’a jamais expressément convenu des prix avec les concurrents, mais Heiploeg l’a informée de ses prix et Stührk a adapté sa propre stratégie de prix en fonction des informations reçues. Le dossier montre que Stührk a essayé d’acheter des crevettes aux Pays-Bas, mais il lui a été fait comprendre que ce n’était pas possible. L’expérience de Stührk sur ce qui s’est passé lors de la prise de contrôle de Superunie aux Pays-Bas ne l’a pas non plus poussée à intensifier la concurrence en dehors de l’Allemagne. De plus, Stührk n’était impliquée dans aucune pratique de partage de marché. »
177 Cela a ainsi conduit la Commission à calculer le montant de base de l’amende infligée à la requérante sur la base de son chiffre d’affaires réalisé sur le marché allemand.
178 En outre, les considérations énoncées au considérant 525 de la décision attaquée ont conduit la Commission à appliquer une réduction de 15 % du montant de l’amende infligée à la requérante au titre des circonstances atténuantes.
179 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les prétendues erreurs et violations invoquées par la requérante.
1) Sur l’obligation de déterminer le montant de base de l’amende en fonction du rôle individuel de la requérante
180 D’une part, s’agissant de la violation du principe d’égalité de traitement et du principe d’individualité des peines invoquées par la requérante, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T‑161/05, EU:T:2009:366, point 79 ; voir également, en ce sens, arrêt du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, EU:C:1984:394, point 28).
181 D’autre part, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, en application du principe d’individualité des peines, la Commission est tenue de prendre en compte, lors de l’appréciation de la gravité relative de la participation de chaque contrevenant à une entente, le fait que certains contrevenants, le cas échéant, ne sont pas tenus responsables pour l’ensemble des volets de cette entente (voir arrêt du 19 mai 2010, Chalkor/Commission, T‑21/05, EU:T:2010:205, point 100 et jurisprudence citée).
182 Il convient de relever, tout d’abord, que certains des arguments invoqués par la requérante à cet égard ne sauraient prospérer.
183 Il en va ainsi de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû infliger à Heiploeg et à Klaas Puul une amende d’un montant plus élevé, ces entreprises devant être considérées comme des récidivistes compte tenu d’une décision antérieure de la NMa.
184 Selon la jurisprudence du Tribunal, par principe, le participant à une infraction ne saurait invoquer une circonstance atténuante tirée du comportement des autres participants à cette infraction (arrêt du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T‑62/02, EU:T:2005:430, point 125).
185 Par conséquent, en l’espèce, l’éventuelle récidive de Heiploeg et de Klaas Puul ou la non prise en compte de celle-ci dans le cadre de la détermination du montant de l’amende ne constitue donc pas une circonstance qui aurait dû être retenue pour réduire le montant de base de l’amende qui a été infligée à la requérante (voir, par analogie, arrêt du 14 mai 2014, Reagens/Commission, T‑30/10, non publié, EU:T:2014:253, points 285 et 286).
186 De plus, l’argument de la requérante tiré de l’absence de conséquences économiques ou de l’existence de conséquences économiques réduites causées par son infraction ne saurait non plus prospérer. À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence de la Cour selon laquelle la conséquence concrète d’une infraction sur le marché n’est pas un critère décisif pour la détermination du montant des amendes (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑272/09 P, EU:C:2011:810, point 34). En outre, les ententes horizontales de prix ou de répartitions de marchés peuvent être qualifiées d’infractions très graves sur le seul fondement de leur nature propre, sans que la Commission soit tenue de démontrer l’effet concret de l’infraction sur le marché. Dans ce cas de figure, la portée concrète de l’infraction ne constitue qu’un élément parmi d’autres qui, s’il est mesurable, peut permettre à la Commission d’augmenter le montant de départ de l’amende au-delà du montant minimal envisageable (arrêt du 13 juin 2013, Versalis/Commission, C‑511/11 P, EU:C:2013:386, point 83).
187 En revanche, force est de constater que, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, la Commission, tout en reconnaissant la participation substantiellement réduite de la requérante à l’infraction tant sur le plan de l’étendue géographique que sur le plan des comportements infractionnels, n’a pas pris en compte ces circonstances dans le cadre de l’établissement du coefficient « gravité de l’infraction » et du coefficient « montant additionnel » qui ont été fixés à 16 % pour toutes les entreprises sanctionnées dans la décision attaquée.
188 La Commission admet avoir fixé à 16 %, de manière uniforme pour tous les destinataires de la décision attaquée, les taux pour la détermination de la gravité de l’infraction et du montant additionnel, bien que, par comparaison avec d’autres destinataires tels que Heiploeg et Klaas Puul, la participation aux faits de la requérante ou la gravité de l’infraction qu’elle a commise soient moindres. Néanmoins, la Commission justifie cette approche par le fait d’avoir dûment tenu compte de la moindre gravité des actes de la requérante en reconnaissant des circonstances atténuantes à celle-ci et en accordant la réduction de l’amende qui y est liée.
189 Se pose donc la question de savoir s’il était loisible à la Commission de renoncer à toute différenciation entre les participants à l’infraction et à toute prise en compte des circonstances spécifiques du cas d’espèce afin de déterminer la gravité de l’infraction commise par la requérante.
190 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que la Cour a accepté que la Commission procédât à une prise en compte de la gravité relative de la participation d’une entreprise à une infraction et des circonstances particulières de l’affaire lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, points 101 à 104).
191 Toutefois, dans les cas où cette dernière approche est retenue par la Commission, l’appréciation des circonstances atténuantes et aggravantes doit permettre une prise en compte adéquate de la gravité relative de la participation à une infraction unique ainsi que d’une éventuelle variation de cette gravité dans le temps (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 104).
192 Il importe de relever que cette faculté est non seulement conforme à la jurisprudence, dès lors qu’elle impose, en toute hypothèse, qu’il soit tenu compte, lors de la détermination du montant de l’amende, du comportement individuel adopté par l’entreprise en cause, mais qu’elle est aussi envisagée par la Commission dans les lignes directrices. En effet, si, aux termes du paragraphe 20 de celles-ci, la gravité de l’infraction doit être appréciée au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, le paragraphe 27 desdites lignes prévoit également que, dans la détermination de l’amende, la Commission peut prendre en compte des circonstances qui conduisent à une augmentation ou à une réduction du montant de base de cette amende, sur le fondement d’une appréciation globale tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes, une liste d’exemples de circonstances aggravantes et atténuantes étant indiquée respectivement dans les paragraphes 28 et 29 des lignes directrices (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 105).
193 À la lumière de tout ce qui précède, dans la mesure où la requérante soutient que la gravité relative de sa participation est moins importante que celle d’autres entreprises impliquées dans l’infraction et que plusieurs circonstances spécifiques auraient dû être prises en compte, son argumentation développée à l’appui de cette allégation sera donc examinée dans le cadre des griefs tirés de l’appréciation erronée des circonstances atténuantes par la Commission. Dès lors, il convient de rejeter les griefs tirés de la violation du principe d’égalité de traitement et du principe d’individualité des peines et de prendre en compte les arguments de la requérante dans le cadre de l’examen du cinquième moyen (point 200 et suivants ci-après).
2) Sur la prétendue violation du principe de proportionnalité
194 S’agissant de la prétendue violation du principe de proportionnalité, il convient de rappeler que, dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les violations des règles de concurrence, l’application de ce principe implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est‑à‑dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 532). En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêts du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, EU:T:2006:270, points 226 à 228, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, EU:T:2010:165, point 171).
195 En l’espèce, force est de constater que la requérante a participé à une infraction consistant en la fixation des prix de vente ou d’achat et en l’échange d’informations commerciales sensibles sur les prix, comme il a été constaté dans le cadre de l’analyse du premier et du deuxième moyen, et que cette infraction a concerné tout le territoire allemand.
196 Or, ainsi qu’il est indiqué au paragraphe 23 des lignes directrices, les accords et les pratiques concertées visant à la fixation des prix comptent, par leur nature même, parmi les infractions les plus graves aux règles de concurrence. Dès lors, selon les paragraphes 21 et 23 desdites lignes directrices, le coefficient reflétant la gravité de l’infraction doit être fixé dans la partie supérieure d’une échelle allant de 0 à 30 %. Il en va de même en ce qui concerne l’établissement du montant à ajouter à titre de dissuasion selon le paragraphe 25 des lignes directrices, selon lequel, la proportion doit être comprise dans une fourchette allant de 15 à 25 % de la valeur des ventes.
197 Dans ces conditions, la Commission pouvait, conformément aux paragraphes 21 à 23 et 25 des lignes directrices, considérer à bon droit que le coefficient « gravité de l’infraction » et le coefficient « montant additionnel » de 16 % étaient conformes au principe de proportionnalité.
198 Partant, le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité doit être rejeté comme étant non fondé.
199 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble.
2. Sur le cinquième moyen, tiré du calcul erroné de l’amende du fait d’une prise en compte insuffisante des circonstances atténuantes
a) Arguments des parties
200 Par ce moyen, composé de six branches, la requérante invoque, en substance, premièrement, l’absence de prise en compte de sa participation limitée à l’infraction, deuxièmement, l’insuffisance d’une réduction de 15 % du montant de son amende pour compenser la fixation d’un taux uniforme lors de la détermination du coefficient « gravité de l’infraction » et du coefficient « montant additionnel », troisièmement, sa participation uniquement par négligence à l’entente globale, quatrièmement, l’absence de prise en compte de la politique de la Commission et des autorités allemandes dans le marché de la pêche situé en amont, cinquièmement, l’absence de prise en compte de l’arrêt volontaire de l’infraction commise envers Aldi-Nord en Allemagne et, sixièmement, ses aveux complets et sa pleine et entière coopération avec la Commission.
201 En ce qui concerne la première branche du présent moyen, la requérante rappelle que, conformément au paragraphe 29 des lignes directrices, la Commission doit retenir, en tant que circonstance atténuante, le fait que l’entreprise apporte la preuve que sa participation à l’infraction est substantiellement réduite et démontre qu’elle s’est effectivement largement soustraite à l’entente en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché. Or, la requérante fait observer qu’elle n’est qu’un petit acteur sur le marché des crevettes grises de la mer du Nord et qu’elle était économiquement mise sous pression par Heiploeg. Par ailleurs, la requérante souligne qu’elle avait essayé d’acheter, de manière tant ouverte que dissimulée, des crevettes grises de la mer du Nord lors de ventes à la criée qui étaient dominées par Heiploeg et Klaas Puul. La requérante affirme qu’elle a aussi tenté de récupérer des clients qui étaient approvisionnés par les autres participants et a toujours déterminé ses prix de vente à d’autres clients qu’Aldi-Nord de façon autonome. Enfin, la requérante rappelle que, dans le passé, la Commission aurait renoncé à imposer une amende lorsque la participation d’une entreprise à une infraction n’était que mineure.
202 En ce qui concerne la deuxième branche du présent moyen, la requérante affirme qu’en n’accordant qu’une réduction de 15 % du montant de base en raison de sa participation réduite à l’infraction, la Commission viole les principes de proportionnalité et de détermination individuelle et adaptée à la culpabilité de la peine ainsi que le principe d’égalité de traitement. La requérante reproche notamment à la Commission de ne pas avoir évalué, dans le cadre de la détermination du montant de base, la gravité de l’infraction de manière individuelle, mais de manière uniforme pour tous les participants. En effet, la requérante souligne que, bien que la Commission soit libre de procéder à une fixation unique ou individuelle du montant de base, elle doit tenir compte de manière adéquate de la gravité relative de la contribution aux faits dans le cadre de l’ajustement du montant de base. Or, la requérante affirme n’avoir agi que dans la partie nord d’un des États concernés, que les quantités de crevettes grises de la mer du Nord vendues à Aldi-Nord représentaient bien moins que 25 % des quantités totales, qu’elle n’a pas participé à des accords sur les quantités, la clientèle ou les prix dans d’autres marchés, qu’elle n’a pas pris part aux manipulations des prix à l’occasion des ventes à la criée néerlandaises et qu’elle n’avait pas connaissance de ces événements. Par ailleurs, la requérante souligne qu’à l’exception d’Aldi-Nord, elle a agi de manière concurrentielle sur tous les marchés et à l’égard de tous les clients. La requérante fait aussi observer qu’elle a mis fin volontairement à cette infraction. Ainsi, la requérante conclut que l’adaptation du montant de base aurait dû être de 50 % au moins et qu’aucun montant additionnel n’aurait dû être imposé.
203 En ce qui concerne la troisième branche du présent moyen, la requérante rappelle que, conformément au paragraphe 29 des lignes directrices, il convient de réduire l’amende lorsque l’entreprise apporte la preuve que l’infraction a été commise par négligence. La requérante affirme avoir exposé et suffisamment démontré qu’elle ne pouvait avoir connaissance de l’entente constatée par la Commission. Par ailleurs, la requérante souligne que la Commission ne conteste pas son argumentation selon laquelle il n’y a pas eu de participation intentionnelle à l’entente de sa part, ni même de participation. La requérante reproche donc à la Commission de ne pas avoir tenu compte de cet aspect en tant que circonstance atténuante.
204 En ce qui concerne la quatrième branche du présent moyen, la requérante estime que la Commission aurait dû considérer les interventions régulatrices sur le marché de la pêche situé en amont comme des circonstances atténuantes lors du calcul de son amende. La requérante attire notamment l’attention sur la politique commune de la pêche et sur certaines interventions du ministère de l’Agriculture du Land de Schleswig-Holstein (Allemagne) et de la chambre de l’agriculture du Land de Niedersachsen (Allemagne), qui ont restreint la concurrence entre les pêcheurs, ce qui a conduit à un déséquilibre concurrentiel au détriment des commerçants de crevettes de la mer du Nord. Par ailleurs, la requérante souligne que, dans d’autres affaires, la Commission a accordé aux entreprises qui avaient commis une infraction sur des marchés régulés une réduction de l’amende allant jusqu’à 60 %. La requérante affirme donc que la Commission est tenue d’exercer son pouvoir d’appréciation et d’expliquer la raison pour laquelle, malgré une régulation incontestée et une prise d’influence en partie massive de la politique sur la formation du prix d’achat sur le marché des crevettes grises de la mer du Nord, elle n’applique pas une réduction de l’amende.
205 En ce qui concerne la cinquième branche du présent moyen, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû tenir compte dans le calcul de son amende du fait qu’elle avait volontairement mis fin à son infraction en novembre 2007. La requérante fait valoir qu’en 2007, elle avait réduit de plus de la moitié la quantité de 118 tonnes qu’elle fournissait à Aldi-Nord en 2003 et que c’est ainsi que, à la fin de 2007, elle ne dépendait plus des ventes à Aldi-Nord et était, à nouveau, en mesure d’agir de manière autonome sans devoir subir l’influence de Heiploeg. La requérante affirme donc que la Commission méconnaît le principe in dubio pro reo en estimant qu’elle n’a pas renoncé à son comportement de manière volontaire.
206 En ce qui concerne la sixième branche du présent moyen, la requérante affirme que ses aveux ainsi que sa large coopération avec la Commission n’ont pas assez été pris en compte dans la décision attaquée. En effet, la requérante souligne que la décision attaquée se base essentiellement sur ses aveux et qu’elle est la seule participante (à l’exception du candidat à l’immunité) ayant complètement reconnu l’infraction commise. Ainsi, seulement au titre des aveux, la requérante fait valoir qu’une réduction d’au moins 30 % aurait dû lui être accordée.
207 La Commission conteste les arguments de la requérante.
b) Appréciation du Tribunal
208 Par le cinquième moyen, composé de six branches, la requérante conteste, en substance, la prise en compte insuffisante des circonstances atténuantes par la Commission.
209 À cet égard il convient, à titre liminaire, de rappeler que le paragraphe 29 des lignes directrices est libellé comme suit :
« Le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes, telles que :
– lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve qu’elle a mis fin à l’infraction dès les premières interventions de la Commission. Ceci ne s’appliquera pas aux accords ou pratiques de nature secrète (en particulier les cartels) ;
– lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que l’infraction a été commise par négligence ;
– lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que sa participation à l’infraction est substantiellement réduite et démontre par conséquent que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ; le seul fait qu’une entreprise a participé à une infraction pour une durée plus courte que les autres ne sera pas considéré comme une circonstance atténuante, puisque cette circonstance est déjà reflétée dans le montant de base ;
– lorsque l’entreprise concernée coopère effectivement avec la Commission, en dehors du champ d’application de la communication sur la clémence et au-delà de ses obligations juridiques de coopérer ;
– lorsque le comportement anti-concurrentiel a été autorisé ou encouragé par les autorités publiques ou la réglementation. »
210 Il convient, en outre, de rappeler que les considérants 525 à 529 de la décision attaquée indiquent ce qui suit :
« (525) La participation de Stührk était en effet limitée à l’Allemagne, où l’implication de Stührk dans l’entente était d’ailleurs d’une nature différente de celle du comportement anticoncurrentiel des principaux acteurs de l’entente. Stührk n’a jamais expressément convenu des prix avec les concurrents, mais Heiploeg l’a informée de ses prix et Stührk a adapté sa propre stratégie de prix en fonction des informations reçues. Le dossier montre que Stührk a essayé d’acheter des crevettes aux Pays-Bas, mais il lui a été fait comprendre que ce n’était pas possible. L’expérience de Stührk sur ce qui s’est passé lors de la prise de contrôle de Superunie aux Pays-Bas ne l’a pas non plus poussée à intensifier la concurrence en dehors de l’Allemagne. De plus, Stührk n’était impliquée dans aucune pratique de partage de marché.
(526) Dans les circonstances particulières de l’espèce, il est donc proposé d’appliquer une réduction de l’amende de 15 % pour Stührk.
(527) De plus, Stührk s’est montré très coopérative en admettant l’infraction, en dehors de la clémence. Le paragraphe 29 des lignes directrices sur les amendes de 2006 dispose que “le montant de base peut être réduit lorsque la Commission constate qu’il existe des circonstances atténuantes telles que : (...) lorsque l’entreprise concernée a effectivement coopéré avec la Commission en dehors du champ d’application de la Communication sur la clémence et au-delà de son obligation légale de le faire”.
(528) Stührk a non seulement reconnu l’infraction, mais a également fourni une corroboration utile des événements qui ont été exposés par le demandeur d’immunité Klaas Puul, mais qui étaient niés par Heiploeg. Cela a grandement renforcé la crédibilité des déclarations de Klaas Puul et la solidité de la décision de la Commission en général.
(529) En l’absence d’aucun autre demandeur de clémence, à l’exception du demandeur d’immunité Klaas Puul, cette admission et corroboration a créé une circonstance exceptionnelle permettant à la Commission d’établir plus facilement l’infraction, notamment à la lumière des contestations de Heiploeg. Dans les circonstances particulières de l’espèce, il est donc proposé d’appliquer une réduction supplémentaire de 18 % de l’amende pour Stührk. »
1) Sur la première branche du cinquième moyen
211 En ce qui concerne la première branche du présent moyen, selon laquelle la participation de la requérante à l’infraction a été substantiellement réduite et selon laquelle elle a tenté d’avoir un comportement concurrentiel sur le marché, il y a lieu de relever que, conformément au paragraphe 29, troisième tiret, des lignes directrices, l’entreprise concernée doit apporter la preuve que sa participation à l’infraction est substantiellement réduite et démontrer par conséquent que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché. De plus, le seul fait qu’une entreprise a participé à une infraction pour une durée plus courte que les autres ne suffit pas à considérer cette circonstance comme une circonstance atténuante, puisqu’elle est déjà reflétée dans le montant de base.
212 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, ce qui importe aux fins de l’octroi du bénéfice de la circonstance atténuante relative à la non-application effective des accords infractionnels, c’est de vérifier si les circonstances avancées sont de nature à établir que, pendant la période au cours de laquelle l’entreprise concernée a adhéré auxdits accords, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu’elle a clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci (arrêt du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission, T‑208/06, EU:T:2011:701, point 231).
213 Or, en l’espèce, la requérante ne saurait valablement soutenir qu’elle a eu un comportement indépendant et concurrentiel. En effet, ainsi qu’il a été relevé aux points 82 à 104 ci-dessus, il est établi que la requérante a coordonné avec Heiploeg ses prix de vente à Aldi-Nord en Allemagne et, occasionnellement, ses prix de vente concernant d’autres clients tels que Metro, ainsi que, parfois, ses prix d’achat. De plus, le prétendu comportement autonome de la requérante en matière de fixation des prix envers d’autres clients n’a pas permis de conclure qu’elle se serait soustraite aux accords de coordination des prix avec Heiploeg. Au contraire, elle s’est servie des informations sur les prix qu’elle avait reçues de Heiploeg et les a intégrées dans sa politique de formation de prix à l’égard des clients Aldi-Nord en Allemagne et Metro.
214 S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel elle ne pouvait adopter un comportement plus concurrentiel en raison de sa dépendance économique à l’égard de Heiploeg et de la pression exercée par celle-ci, il y a lieu de constater, ainsi qu’il a été indiqué au considérant 523 de la décision attaquée, qu’il ne saurait être considéré en tant que circonstance atténuante au sens du paragraphe 29, troisième tiret, des lignes directrices. En effet, selon une jurisprudence constante, une entreprise qui participe avec d’autres à des activités anticoncurrentielles ne peut se prévaloir du fait qu’elle y participerait sous la contrainte des autres participants. En effet, elle aurait pu dénoncer les pressions dont elle faisait l’objet aux autorités compétentes et introduire auprès de la Commission une plainte en application du règlement no 1/2003 plutôt que de participer aux activités en question (voir arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, EU:T:2005:367, point 164 et jurisprudence citée).
215 Enfin, il y a aussi lieu de rejeter l’argument de la requérante tiré du fait que la Commission a renoncé, dans le passé, à imposer une amende lorsque la participation d’une entreprise à une infraction était substantiellement réduite. À cet égard, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence, le seul fait que la Commission ait considéré, dans sa pratique décisionnelle antérieure, que certains éléments constituaient des circonstances atténuantes aux fins de la détermination du montant de l’amende n’implique pas qu’elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure (arrêt du 9 septembre 2011, Deltafina/Commission, T‑12/06, EU:T:2011:441, point 303). Ainsi, la requérante ne saurait faire valoir l’application d’une circonstance atténuante dans une autre affaire pour déduire une erreur de la part de la Commission dans la présente espèce.
216 Dans ces conditions, il convient de rejeter la première branche du présent moyen.
2) Sur la deuxième branche du cinquième moyen
217 En ce qui concerne la deuxième branche du cinquième moyen, la requérante affirme qu’en n’accordant qu’une réduction de 15 % du montant de base en raison de sa participation réduite à l’infraction, la Commission viole les principes de proportionnalité et d’individualité des peines ainsi que le principe d’égalité de traitement. La requérante reproche notamment à la Commission de ne pas avoir évalué, dans le cadre de la détermination du montant de base, la gravité de l’infraction de manière individuelle, mais de manière uniforme pour tous les participants. En effet, la requérante souligne que, bien que la Commission soit libre de procéder à une fixation unique ou individuelle du montant de base, elle doit tenir compte de manière adéquate de la gravité relative de la contribution aux faits dans le cadre de l’ajustement du montant de base.
218 Or, la requérante affirme n’avoir agi que dans la partie nord d’un des États concernés, que les quantités de crevettes grises de la mer du Nord vendues à Aldi-Nord représentaient bien moins que 25 % des quantités totales, qu’elle n’a pas participé à des accords sur les quantités, la clientèle ou les prix dans d’autres marchés, qu’elle n’a pas pris part aux manipulations des prix à l’occasion des ventes à la criée néerlandaises et qu’elle n’avait pas connaissance de ces événements.
219 À cet égard, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il a été relevé au point 190 ci-dessus, que, s’il était loisible à la Commission de procéder à une prise en compte de la gravité relative de la participation d’une entreprise à une infraction et des circonstances particulières de l’affaire lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes, l’appréciation des circonstances atténuantes et aggravantes devait cependant permettre une prise en compte adéquate de la gravité relative de la participation à une infraction unique ainsi que d’une éventuelle variation de cette gravité dans le temps.
220 En l’espèce, il convient de constater que, ainsi qu’il a été relevé par la Commission au considérant 525 de la décision attaquée, la participation de la requérante à l’entente « était matériellement limitée à l’Allemagne, pays dans lequel ladite participation de Stührk revêtait, de surcroît, un caractère différent de celui du comportement anticoncurrentiel des principaux participants à l’entente ».
221 De plus, la Commission a précisé dans la décision attaquée que la requérante n’avait jamais participé à des accords explicites sur les prix avec des concurrents, mais qu’elle était informée par Heiploeg de ses prix et qu’elle adaptait sa propre stratégie sur les prix en fonction des informations reçues. La Commission a indiqué, en outre, que la requérante n’avait pas participé à des accords sur la répartition du marché.
222 Comme il a été rappelé aux points 187 et 188 ci-dessus, cette participation substantiellement réduite à l’infraction tant sur le plan de l’étendue géographique que sur le plan des comportements infractionnels n’a pas été prise en compte dans le cadre de l’établissement du coefficient « gravité de l’infraction » et du coefficient « montant additionnel », qui ont été fixés à 16 % pour toutes les entreprises sanctionnées dans la décision attaquée.
223 Toutefois, il y a lieu de relever que cette participation substantiellement réduite à l’infraction a conduit la Commission, d’une part, à calculer, exclusivement pour la requérante le montant de base de son amende au regard de son chiffre d’affaires réalisé sur le marché allemand et, d’autre part, à lui accorder une réduction du montant de l’amende de 15 % au titre d’une circonstance atténuante.
224 Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu que cette réduction n’est pas suffisante eu égard aux principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualité des peines. Il s’ensuit qu’il convient de rejeter la présente branche du cinquième moyen.
3) Sur la troisième branche du cinquième moyen
225 En ce qui concerne la troisième branche du présent moyen, la requérante rappelle que, conformément au paragraphe 29 des lignes directrices, il convient de réduire l’amende lorsque l’entreprise apporte la preuve que l’infraction a été commise par négligence. La requérante affirme avoir exposé et suffisamment démontré qu’elle ne pouvait avoir connaissance de l’entente constatée par la Commission. Par ailleurs, la requérante souligne que la Commission ne conteste pas l’argumentation selon laquelle il n’y a pas eu de participation intentionnelle de sa part à l’entente, ni même de participation. La requérante reproche donc à la Commission de ne pas avoir tenu compte de cet aspect en tant que circonstance atténuante.
226 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour qu’une infraction aux règles de la concurrence puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré et non par négligence, il n’est pas nécessaire que l’entreprise concernée ait eu conscience d’enfreindre les règles de concurrence. Il suffit qu’elle n’ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet d’enfreindre la concurrence dans le marché intérieur (voir arrêts du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246/86, EU:C:1989:301, point 41 et jurisprudence citée, et du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, EU:T:2006:396, point 205 et jurisprudence citée).
227 Or, au regard des faits ayant constitué l’infraction litigieuse, il est manifeste que les membres du personnel ou de la direction de la requérante qui ont reçu pour son compte des informations sur les prix de vente ou d’achat dans le cadre de l’entente et qui, par la suite, ont adapté leurs prix en fonction de ces informations, ne pouvaient ignorer que leur comportement avait pour objet d’enfreindre la concurrence dans le marché intérieur. Telle est, en effet, la conséquence directe et immédiate d’une fixation des prix entre plusieurs participants sur les mêmes marchés, ces comportements relevant tous de l’objet de l’infraction sanctionnée par la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09, EU:T:2012:673, point 86). Par ailleurs, il doit être rappelé que la requérante avait bien connaissance d’une coordination des prix de vente par Heiploeg et Klaas Puul (voir point 145 ci-dessus).
228 Il s’ensuit qu’il convient de rejeter cette branche du cinquième moyen.
4) Sur la quatrième branche du cinquième moyen
229 En ce qui concerne la quatrième branche du présent moyen, par laquelle la requérante fait valoir, en substance, que la Commission aurait dû considérer les interventions régulatrices sur le marché de la pêche situé en amont comme des circonstances atténuantes lors du calcul de son amende, il suffit de constater que, même en admettant une éventuelle concurrence restreinte sur un marché situé en amont, c’est-à-dire sur le marché des pêcheurs de crevettes grises de la mer du Nord, cette circonstance ne peut pas constituer une justification de l’existence d’une entente sur un marché situé en aval, c’est-à-dire sur celui des acheteurs desdites crevettes. En effet, les commerçants desdits produits ne sont nullement exemptés de l’obligation de respecter les règles de concurrence de l’Union.
230 Il convient, par conséquent, de rejeter cette branche du cinquième moyen.
5) Sur la cinquième branche du cinquième moyen
231 En ce qui concerne la cinquième branche du présent moyen, par laquelle la requérante fait valoir que la Commission aurait dû tenir compte dans le calcul de son amende du fait qu’elle avait volontairement mis fin à son infraction en novembre 2007, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, une circonstance atténuante ne peut être accordée au titre du paragraphe 29, premier tiret, des lignes directrices dans le cas où l’infraction a déjà pris fin avant la date des premières interventions de la Commission ou, dans le cas où une décision ferme d’y mettre fin a déjà été prise par ces entreprises, avant cette date (voir arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 105 et jurisprudence citée)
232 Dès lors, il y a lieu de considérer que la Commission a, à juste titre, refusé de reconnaître une circonstance atténuante en raison de la décision de la requérante de mettre fin aux accords constitutifs de l’infraction, dans la mesure où cette dernière décision avait été prise antérieurement à, et indépendamment de, toute intervention de la Commission. Le fait que la requérante puisse avoir mis fin volontairement ou involontairement à l’infraction ne saurait changer cette conclusion.
233 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter cette branche du cinquième moyen.
6) Sur la sixième branche du cinquième moyen
234 En ce qui concerne la sixième branche du présent moyen, la requérante affirme que ses aveux ainsi que sa large coopération avec la Commission n’ont pas suffisamment été pris en compte dans la décision attaquée.
235 À cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une réduction de l’amende au titre d’une coopération lors de la procédure administrative trouve son fondement dans la considération selon laquelle une telle coopération facilite la tâche de la Commission de constater une infraction (voir, en ce sens, arrêts du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, EU:T:1998:93, point 325, et du 14 mai 1998, Finnboard/Commission, T‑338/94, EU:T:1998:99, point 363). Dès lors, pour justifier la réduction du montant d’une amende au titre de la coopération, le comportement d’une entreprise doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et la répression des infractions aux règles de la concurrence de l’Union (voir arrêt du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 499 et jurisprudence citée).
236 En l’espèce, il y a lieu de constater que rien ne permet de conclure que la Commission a commis une erreur d’appréciation en accordant à la requérante une réduction du montant de l’amende pour coopération de l’ordre de 18 %. En particulier, il y a lieu de constater que, aux considérants 527 à 529 de la décision attaquée, la Commission a apprécié la coopération de la requérante sans pouvoir, pour les motifs cités aux considérants 550 et 551 de la décision, lui accorder une modération de l’amende en vertu du programme de clémence (voir sixième moyen ci-après). Elle a mentionné que la requérante avait reconnu l’infraction et que ses arguments s’étaient révélés utiles pour prouver l’infraction de Heiploeg.
237 Toutefois, il y a lieu de relever que, au-delà de ses aveux, la requérante n’a pas fourni de preuves utiles pour prouver l’infraction. En effet, tous les éléments de preuve écrits émanant de la requérante qui ont été utilisés pour prouver l’infraction de Heiploeg ont été obtenus par la Commission dans le cadre de son inspection des locaux de la requérante.
238 Dans ces conditions, il convient de rejeter la sixième branche du cinquième moyen étant donné qu’aucune erreur manifeste d’appréciation de la Commission ne peut être relevée en établissant qu’une réduction de l’amende de la requérante de 18 % au titre de sa coopération était appropriée.
239 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter dans son intégralité le cinquième moyen.
3. Sur le sixième moyen, tiré du calcul erroné de l’amende à la suite du refus d’en réduire le montant conformément à la communication sur la coopération de 2006
a) Arguments des parties
240 Par le sixième moyen, la requérante invoque une erreur dans le calcul de l’amende à la suite du refus d’en réduire le montant conformément à la communication sur la coopération de 2006.
241 La requérante fait tout d’abord observer que, conformément au point 26 de la communication sur la coopération de 2006, la Commission accorde une réduction du montant de l’amende de 30 à 50 % à l’entreprise qui fournit des éléments de preuve apportant une valeur ajoutée significative. La requérante précise que la notion de valeur ajoutée se rapporte à l’importance ou au caractère détaillé des éléments de preuve qui aident la Commission à établir l’existence d’une entente supposée. La requérante affirme par ailleurs que des éléments de preuve à charge qui concernent un fait direct doivent se voir attribuer un bon classement et que même une reconnaissance ou des aveux plus tardifs constituent des éléments de preuve au sens de la communication sur la coopération de 2006.
242 Or, la requérante affirme qu’en l’espèce, elle a été le seul participant à avoir introduit une demande de clémence (Klaas Puul ayant introduit une demande d’immunité) et, qu’ainsi, elle aurait dû se voir accorder une réduction du montant de l’amende d’au moins 20 à 30 %. La requérante fait observer que, lors de l’entretien du 18 février 2010, elle a pleinement reconnu les infractions commises à l’encontre d’Aldi-Nord. Par ailleurs, la requérante souligne que la Commission s’est largement fondée sur ses aveux dans le cadre de la décision attaquée, ce qui démontre bien que ses aveux ont une forte valeur ajoutée.
243 En outre, la requérante reproche à la Commission de justifier son refus de réduction appropriée du montant de l’amende en invoquant le fait que la demande de clémence n’a pas été immédiatement jointe à ses aveux. La requérante fait valoir que cette affirmation n’est pas exacte, étant donné que, lorsqu’elle s’est livrée à des aveux au cours de la première réunion avec la direction générale (DG) de la concurrence de la Commission du 18 février 2010 ainsi que dans sa lettre de réponse, elle l’a fait en se fiant à la demande de clémence introduite et sur la base de cette dernière. Enfin, la requérante souligne qu’elle a également coopéré de manière illimitée avec la Commission et que les conditions énoncées aux points 23 et 26 de la communication sur la coopération de 2006 sont pleinement remplies. La requérante conclut donc que c’est à tort que la Commission n’a pas assez pris en compte les éléments susmentionnés pour la réduction du calcul du montant de l’amende qui lui a été infligée.
244 La Commission conteste les arguments de la requérante.
b) Appréciation du Tribunal
245 Le sixième moyen invoqué par la requérante vise à démontrer l’existence d’un calcul erroné de l’amende à la suite du refus de la Commission de réduire le montant de celle-ci conformément à la communication sur la coopération de 2006.
246 À cet égard, il convient, tout d’abord de constater, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus dans le cadre de la dernière branche du cinquième moyen, que la Commission a évalué les aveux ainsi que la coopération de la requérante au titre du paragraphe 29 des lignes directrices, et non dans le cadre de la communication sur la coopération de 2006, et qu’une réduction d’amende de 18 % a été concédée à la requérante à ce titre.
247 S’agissant de l’application de la communication sur la coopération de 2006, il convient de rappeler que, selon le point 23 de cette communication, « les entreprises qui dévoilent leur participation à une entente présumée affectant la Communauté, mais qui ne remplissent pas les conditions prévues au titre II peuvent toutefois bénéficier d’une réduction de l’amende qui à défaut leur aurait été infligée ».
248 Afin d’obtenir une réduction de l’amende, l’entreprise doit notamment fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission et apporter une coopération véritable, totale, permanente et rapide dès le dépôt de sa demande (voir points 12, 23 et suivants de la communication sur la coopération de 2006).
249 Par ailleurs, il est indiqué au point 27 de la communication sur la coopération de 2006 que l’entreprise doit présenter une demande formelle à la Commission et lui fournir des éléments de preuve suffisants de l’entente présumée. En outre, l’entreprise doit indiquer clairement que tous les éléments de preuve fournis spontanément à la Commission font partie d’une demande au titre de la communication sur la coopération de 2006.
250 Enfin, selon le point 29 de la communication sur la coopération de 2006, la Commission peut s’abstenir de prendre en considération une demande de réduction d’amende pour le motif qu’elle a été présentée après l’envoi de la communication des griefs.
251 C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient d’analyser les arguments de la requérante.
252 La requérante a présenté une demande de réduction d’amende le 17 février 2010 au titre de la communication sur la coopération de 2006 (annexe B.4). Il convient de constater, à cet égard, qu’au considérant 550 de la décision attaquée, la Commission souligne que, dans sa demande de réduction d’amende, la requérante n’a nullement fourni d’informations nouvelles dont elle n’avait pas déjà eu connaissance et qui auraient pu servir d’éléments de preuve. Par ailleurs, lors d’une réunion qui a eu lieu le 18 février 2010, la requérante n’a pas fourni d’informations présentant une valeur ajoutée significative. Cette dernière s’est limitée, selon les constatations de la Commission, à donner quelques indications générales concernant sa structure et le marché des crevettes de la mer du Nord.
253 La décision attaquée dans son considérant 550 précise aussi que la Commission a fait savoir à la requérante que sa demande de réduction d’amende n’était jusque-là qu’une manifestation d’intérêt à coopérer avec elle et ne répondait pas de ce fait aux exigences de la communication sur la coopération de 2006. Une copie de la communication sur la coopération de 2006 a alors été fournie à la requérante. Néanmoins, la Commission précise que la requérante n’a pas fourni d’autres éléments de preuve ni introduit d’autres demandes accompagnées de preuves suffisantes au titre de la communication sur la coopération de 2006.
254 Il convient donc de noter que la requérante n’avait pas présenté une demande contenant des éléments de preuve suffisants et d’une valeur ajoutée significative au sens du point 27 de la communication sur la coopération de 2006.
255 Il convient aussi de constater que, dans un compte rendu de la réunion de la Commission avec la requérante du 18 février 2010, qui a été transmis à cette dernière le 22 février suivant, il est fait mention du fait que la demande de réduction d’amende de la requérante n’était qu’une manifestation d’intérêt à coopérer avec la Commission et que cette dernière ne répondait pas de ce fait aux exigences de la communication sur la coopération de 2006 (voir annexe B.4). La Commission a donc bien informé la requérante par écrit, avant la date de notification de la communication des griefs, qu’elle ne remplissait pas les conditions d’octroi d’une réduction d’amende.
256 Il y a lieu, ensuite, de noter que la Commission admet que les aveux de la requérante lui ont été utiles. Néanmoins, la Commission souligne, à juste titre, que ces aveux ont été faits dans la réponse à la communication des griefs du 27 septembre 2012, soit plus de deux ans et demi après sa demande de réduction de l’amende du 17 février 2010 (voir considérant 551 de la décision attaquée). Il convient donc de rejeter l’argument de la requérante selon lequel ses aveux s’inscrivaient dans le cadre de sa demande de réduction d’amende.
257 En effet, la requérante savait, au moment de répondre à la communication des griefs, que la Commission jugeait sa demande de réduction d’amende insuffisante, la Commission le lui ayant fait savoir lors de la réunion du 18 février 2010 (annexe B.4). Par ailleurs, la réponse de la requérante à la communication des griefs contenait seulement un renvoi à la demande de réduction d’amende préalablement introduite. La requérante n’a pas clairement indiqué à la Commission que ses aveux s’inscrivaient dans le cadre de sa précédente demande de réduction d’amende, comme cela est exigé au point 27 de la communication sur la coopération de 2006 (annexe A 9.370).
258 Par ailleurs, il convient de rappeler que la Commission peut s’abstenir de prendre en considération une demande de réduction d’amende pour le motif qu’elle a été présentée après l’envoi de la communication des griefs (point 29 de la communication sur la coopération de 2006). Or, les aveux de la requérante, qui ont été selon la Commission les éléments de preuve les plus utiles, ont été transmis dans sa réponse à la communication des griefs du 27 septembre 2012, soit après la communication des griefs. Par conséquent, ces aveux pouvaient ne pas être pris en compte dans le cadre de la communication sur la coopération de 2006.
259 Dès lors, il y a lieu de conclure que les aveux de la requérante dans sa réponse à la communication des griefs ne faisaient pas partie d’une demande de réduction d’amende conformément à la communication sur la coopération de 2006.
260 Ainsi, au vu de ces circonstances, il convient de rejeter le sixième moyen.
4. Sur le septième moyen, tiré de l’illégalité des lignes directrices
a) Arguments des parties
261 Par le septième moyen, la requérante invoque l’illégalité des lignes directrices.
262 La requérante souligne que, lors de l’adoption du règlement no 1/2003, le législateur est parti d’une limite supérieure de l’amende en deçà de laquelle la Commission doit se livrer à une fixation individuelle de la peine. Par conséquent, selon la requérante, seules les infractions les plus graves peuvent aboutir à une amende de 10 %.
263 Or, la requérante affirme que, dans les lignes directrices, la Commission applique erronément le cadre de l’amende prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 en considérant le montant maximal de l’amende comme un seuil d’écrêtement. Cela aboutit notamment, selon la requérante, à ce que la condamnation à une amende correspondant à 10 % du chiffre d’affaires total n’est plus l’exception dans le cas des infractions au droit des ententes les plus graves, mais devient la règle. La requérante souligne que, dès lors, le montant des amendes infligées n’a plus de relation avec la culpabilité individuelle. Ainsi, les lignes directrices violent, selon la requérante, le cadre juridique prévu par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003 et le principe de légalité des peines.
264 En outre, la requérante fait observer, au soutien de son argumentation, qu’un arrêt récent du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) a considéré que les lignes directrices de l’autorité de la concurrence allemande qui s’inspiraient de celles de la Commission et qui prévoyaient un seuil d’écrêtement étaient illégales. En effet, selon le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), la limite de 10 % constitue la sanction la plus sévère et ne peut être atteinte que de manière exceptionnelle. Une interprétation différente serait contraire aux principes de la fixation individuelle de la peine et de la détermination de celle-ci.
265 La requérante affirme que les lignes directrices devraient en outre être considérées comme illégales étant donné l’applicabilité directe du principe nulla poena sine lege et du principe de la fixation des peines sur la base de la culpabilité individuelle consacrés par l’article 49 de la Charte. Par ailleurs, la requérante souligne que le processus de mise en balance prévu par les lignes directrices est indifférent. En effet, selon la requérante, l’application d’un seuil d’écrêtement a pour conséquence que toutes les entreprises soient condamnées à une amende de même importance.
266 La Commission conteste les arguments de la requérante.
b) Appréciation du Tribunal
267 Dans le cadre du présent moyen la requérante soutient, en substance, que les lignes directrices sont illégales en ce qu’elles permettent à la Commission de dépasser largement, dans le cadre du calcul du montant de base de l’amende et de son ajustement, la limite de 10 % du chiffre d’affaires total des entreprises concernées par l’infraction qui, au contraire, devrait être considérée comme une limite supérieure absolue pour les amendes. La requérante considère, en outre, que, quand l’application des lignes directrices revient à l’imposition d’une amende de 10 % à toutes les entreprises concernées, les amendes imposées n’ont plus aucun rapport avec le comportement infractionnel individuel et, par conséquent, lesdites lignes violent le principe nulla poena sine lege et celui de l’individualité des peines.
268 S’agissant, tout d’abord, de l’argument relatif à la limite supérieure absolue pour les amendes, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, la limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires global, prévue par l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, a un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction, à savoir éviter que ne soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, au vu de leur taille, telle qu’elle est déterminée par leur chiffre d’affaires global, fût-ce de façon approximative et imparfaite, ne seront pas en mesure de s’acquitter. Ainsi, cette limite, prévue par le législateur, est uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d’entre elles et vise à éviter des amendes d’un niveau excessif et disproportionné. Une telle limite a comme seule conséquence possible que le montant de l’amende calculé sur la base des critères de gravité et de durée de l’infraction soit réduit au niveau maximal autorisé lorsqu’il dépasse ce dernier. Son application implique que l’entreprise concernée ne paie pas la totalité de l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur lesdits critères (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, EU:T:2011:560, point 257 et jurisprudence citée).
269 Ainsi, l’argument de la requérante selon lequel les lignes directrices sont illégales, car elles partiraient à tort du principe que la limite de 10 % mentionnée à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 serait un plafonnement et non une limite supérieure absolue pour les amendes, ne saurait prospérer. En effet, à la lumière de la jurisprudence citée au point 268 ci-dessus, le droit de l’Union est clair à cet égard. La limite de 10 % visée à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 a été interprétée en tant que plafond en ce que cette limite n’interdit pas à la Commission, lors du calcul de l’amende, de se référer à des montants intermédiaires dépassant les 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée. Il convient, dès lors, de rejeter ce premier argument sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la jurisprudence du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) invoquée par la requérante.
270 S’agissant, en outre, de l’argument relatif à la violation du principe nulla poena sine lege et de celui de l’individualité des peines, il ressort d’une jurisprudence constante que seul le montant final de l’amende infligée doit respecter la limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires visée à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 et que cette disposition n’interdit pas à la Commission de parvenir, au cours des différentes étapes du calcul de l’amende, à un montant intermédiaire supérieur à cette limite, pour autant que le montant final de l’amende n’excède pas ladite limite. Ainsi, s’il s’avère que, au terme du calcul, le montant final de l’amende doit être réduit à concurrence du montant dépassant ladite limite supérieure, le fait que certains facteurs relevant de la gravité ou de la durée de l’infraction ne se répercutent plus de façon exhaustive sur le montant de l’amende infligée n’est qu’une simple conséquence de l’application de cette limite supérieure audit montant final (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 277 à 279 ; du 12 juillet 2012, Cetarsa/Commission, C‑181/11 P, non publié, EU:C:2012:455, points 80 et 81, et du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, EU:T:2002:70, points 451 à 453).
271 La prise en compte de circonstances atténuantes fait partie intégrante des étapes du calcul du montant final de l’amende. Par conséquent, il n’y a pas lieu de réserver à ces circonstances un sort différent de celui accordé aux autres étapes du calcul (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2012, Cetarsa/Commission, C‑181/11 P, non publié, EU:C:2012:455, point 85).
272 Il ressort de ces considérations que l’application de la limite maximale visée à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 ne pose aucun problème au regard du principe d’individualité des peines et des sanctions du fait que l’application effective de ladite limite implique, par définition, qu’un élément du calcul lié à la gravité ou aux circonstances atténuantes ne se répercutera plus sur l’amende. Il convient d’ajouter à cet égard que, comme l’a itérativement observé la Cour, la limite en question est uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d’elles (arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 281, et du 12 juillet 2012, Cetarsa/Commission, C‑181/11 P, non publié, EU:C:2012:455, point 83), de sorte que son application se fait dans le respect du principe d’individualité des peines et des sanctions.
273 Dans ces conditions, la requérante n’a pas démontré que les lignes directrices étaient illégales et que l’application de la limite maximale prévue à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 était contraire au principe nulla poena sine lege et à celui de l’individualité des peines et des sanctions. Dès lors, le présent moyen n’est pas fondé.
5. Sur le huitième moyen, tiré de la suppression de l’autolimitation de l’exercice du pouvoir d’appréciation résultant des lignes directrices
a) Arguments des parties
274 Par le présent moyen, la requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que, en utilisant le paragraphe 37 des lignes directrices, la Commission s’est écartée de la méthode de calcul sur laquelle elle s’est fondée dans les mêmes lignes directrices et a, par conséquent, violé tant le principe de détermination des peines que le principe de l’État de droit. La requérante précise que les réductions d’amende accordées aux participants ne sont pas liées aux différentes contributions aux faits de ceux-ci et que ces réductions sont donc arbitraires et illégales.
275 En ce qui concerne le présent moyen, la Commission souligne que le grief soulevé par la requérante est surprenant, car c’est en appliquant le paragraphe 37 des lignes directrices qu’elle a réduit le montant de l’amende de la requérante de 70 %. La Commission indique en outre que les arguments juridiques de la requérante ne convainquent pas non plus, car ni la possibilité de déroger individuellement aux lignes directrices ni le recours à cette possibilité dans la décision attaquée ne constituent une erreur de droit.
b) Appréciation du Tribunal
276 Il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que le paragraphe 37 des lignes directrices dispose que, « [b]ien que les présentes lignes directrices exposent la méthodologie générale pour la fixation d’amendes, les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette méthodologie ou des limites fixées au point 21 ».
277 Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, pour accorder une réduction exceptionnelle du montant de l’amende à une entreprise, la Commission peut s’écarter de ses propres lignes directrices, toutefois un tel écart doit être compatible, notamment, avec le principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2014, SKW Stahl-Metallurgie Holding et SKW Stahl-Metallurgie/Commission, T‑384/09, non publié, EU:T:2014:27, point 164).
278 Selon cette jurisprudence, il est loisible à la Commission de faire application du paragraphe 37 des lignes directrices, et donc de s’écarter desdites lignes, tant que cet écart reste compatible avec le principe d’égalité de traitement. Le pouvoir d’appréciation de la Commission en s’écartant des lignes directrices est donc limité par le respect de ce principe.
279 Il s’ensuit, d’une part, que l’argument soulevé par la requérante dans le cadre du huitième moyen et tiré de la suppression de l’autolimitation de l’exercice du pouvoir d’appréciation résultant des lignes directrices doit être rejeté. D’autre part, selon la jurisprudence rappelée au point 277 ci-dessus, il convient de vérifier que la Commission, en s’écartant des lignes directrices, a respecté le principe d’égalité de traitement. Cette question fait l’objet du neuvième moyen du recours.
6. Sur le neuvième moyen, tiré de l’ajustement arbitraire du montant de base de l’amende infligée à la requérante selon le paragraphe 37 des lignes directrices
a) Arguments des parties
280 Par le neuvième moyen, la requérante prétend que l’ajustement de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices a été effectué par la Commission de manière purement arbitraire et qu’il y a, par conséquent, une violation du principe d’égalité de traitement.
281 La requérante reproche à la Commission de n’avoir pas assez pris en compte la participation réelle à l’infraction de Klaas Puul et de Heiploeg dans le calcul de leurs amendes. En effet, nonobstant le rôle majeur que ces deux entreprises ont joué dans l’entente, la Commission leur aurait accordé une réduction de l’amende plus importante que celle qu’elle lui a accordée.
282 La requérante reproche aussi à la Commission d’avoir réduit l’amende de Kok Seafood de 80 % alors que celle-ci était parfaitement informée de tous les accords conclus entre Klaas Puul et Heiploeg et profitait du prix fixé par les deux entreprises concernant Aldi-Belgique.
283 La requérante conclut donc que, par comparaison avec les autres entreprises impliquées dans l’entente, la Commission aurait dû prendre en compte, de manière plus circonstanciée, sa participation individuelle et réduire le montant de son amende de 90 à 95 % au titre du paragraphe 37 des lignes directrices, et ce indépendamment de la réduction au titre du paragraphe 29 des lignes directrices.
284 En ce qui concerne le neuvième moyen, la Commission fait, tout d’abord, observer que la requérante soulève pour la première fois au stade de la réplique les griefs tirés de la violation du principe d’égalité de traitement et du principe de la détermination d’une peine proportionnelle et adaptée à l’infraction. Ces griefs étant nouveaux selon la Commission, ils devraient être rejetés comme irrecevables.
285 La Commission soutient ensuite que la réduction de l’amende sur la base du paragraphe 37 des lignes directrices n’a pas été accordée arbitrairement. La Commission souligne qu’il ressort du considérant 541 de la décision attaquée que deux facteurs ont été déterminants pour fixer le niveau de la réduction : la part représentée par le chiffre d’affaires correspondant aux crevettes de la mer du Nord sur le marché géographique pertinent dans le chiffre d’affaires global et les différences entre les participants en ce qui concerne leur participation individuelle à l’infraction.
286 La Commission réfute aussi le grief de la requérante selon lequel la réduction de l’amende ne tiendrait compte que de la gravité des diverses participations à l’entente. Selon la Commission, c’est la combinaison des deux facteurs cités au considérant 541 de la décision qui a conduit à réduire l’amende de la requérante de 70 %. La Commission souligne aussi que la participation de la requérante étant de moindre gravité que celle de Heiploeg et Klaas Puul, les réductions supérieures accordées aux autres participants découlent des parts nettement plus élevées des ventes de crevettes de la mer du Nord dans leur chiffre d’affaires global par rapport à celles de la requérante.
287 La Commission conclut donc qu’elle a suffisamment tenu compte, y compris dans le cadre du paragraphe 37 des lignes directrices, de la participation moins importante de la requérante à l’infraction, sans laquelle la réduction de son amende aurait été plus faible.
b) Appréciation du Tribunal
288 S’agissant du présent moyen, il convient, tout d’abord, de rejeter l’argument de la Commission selon lequel les griefs de la requérante tirés de la violation du principe d’égalité de traitement et du principe de la détermination d’une peine proportionnelle sont irrecevables en tant qu’ils sont soulevés pour la première fois au stade de la réplique.
289 En effet, il ressort clairement de la requête que, même si la violation de ces principes, en particulier de celui d’égalité de traitement, n’est pas explicitement mentionnée dans le cadre du présent moyen du recours, tous les arguments de la requérante tendent à comparer la situation des différentes entreprises impliquées dans l’entente et à démontrer la disparité de traitement qu’elle a subie au sujet de la réduction du montant de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices.
290 Par ailleurs, il convient d’ajouter, ainsi qu’il a été relevé au point 279 ci-dessus, que même les arguments soulevés dans le cadre du huitième moyen par la requérante appellent le Tribunal à vérifier le respect du principe d’égalité de traitement.
291 Le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par les articles 20 et 21 de la Charte. Selon une jurisprudence constante, ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, EU:C:2010:512, points 54 et 55 et jurisprudence citée ; du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 186, et du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 51).
292 La violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose ainsi que les situations visées sont comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 187 et jurisprudence citée). La jurisprudence a précisé à ce sujet que la Commission devait apprécier, dans chaque cas d’espèce et au vu de son contexte ainsi que des objectifs poursuivis par le régime de sanctions établi par le règlement no 1/2003, l’impact recherché sur l’entreprise concernée, notamment en tenant compte d’un chiffre d’affaires qui reflétait la situation économique réelle de celle-ci durant la période au cours de laquelle l’infraction avait été commise (arrêts du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, EU:C:2007:326, point 25 ; du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 53, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 144).
293 En l’espèce, il y a lieu de vérifier si la Commission a traité de manière égale des situations qui n’étaient pas comparables ou de manière inégale des situations comparables en adaptant les montants de base, à titre exceptionnel, en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices.
294 Il est nécessaire, à cet égard, de vérifier les motifs qui ont conduit la Commission à se départir de la méthodologie générale qui est prévue dans les lignes directrices et à effectuer une adaptation du montant de l’amende. Il convient, en outre, de tenir compte des objectifs poursuivis par cette réduction qui doivent présenter un lien avec les critères pertinents des dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et des lignes directrices.
295 À ce sujet, il y a lieu de rappeler que la Commission a indiqué, aux considérants 538 et 539 de la décision attaquée, que le présent cas était exceptionnel en ce que toutes les entreprises impliquées opéraient principalement sur un seul marché et avaient fait partie de l’entente pour une durée relativement longue.
296 La Commission a considéré que, en pratique, cette circonstance pourrait impliquer que la limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires global fût atteinte pour toutes les amendes. Or, cela pourrait, selon la Commission, soulever des problèmes au regard du principe d’individualité des peines et des sanctions et pourrait conduire, dans certaines circonstances, à une situation dans laquelle la gravité de l’infraction ou les circonstances atténuantes n’auraient plus d’impact sur le montant des amendes.
297 Dans ces conditions, la Commission a jugé approprié d’appliquer le paragraphe 37 des lignes directrices et a cité, en tant que critères appliqués aux fins du calcul de la minoration de l’amende, la part du chiffre d’affaires relatif aux produits ayant fait l’objet de l’infraction exprimée en pourcentage du chiffre d’affaires global de la requérante, les différences s’agissant de la participation individuelle de chaque entreprise et le besoin d’assurer malgré tout un effet dissuasif à l’amende (voir considérant 541 de la décision attaquée).
298 Il ressort, en outre, du considérant 542 de la décision attaquée que le pourcentage de minoration appliqué dans le cas de la requérante est de 70 % et que les pourcentages correspondants pour les autres entreprises sont de 75 % pour Heiploeg et pour Klaas Puul et de 80 % pour Kok Seafood.
299 Or, sur la base de la seule motivation exposée aux considérants 538 à 542 de la décision attaquée, c’est-à-dire sans prendre en considération les motifs supplémentaires que la Commission a avancés seulement en cours d’instance, les raisons qui l’ont conduite à appliquer aux entreprises concernées ces taux de réduction divergents, indiqués au point 298 ci-dessus, ne sont pas claires.
300 En effet, il y a lieu de relever, en premier lieu, que, aux considérants 538 et 539 de la décision attaquée, la Commission donne l’impression que la raison principale pour cette adaptation horizontale des montants de base en faveur des entreprises concernées résidait dans le fait que celles-ci se trouvaient toutes dans des situations plutôt comparables liées au caractère monoproduit de leur activité commerciale.
301 Toutefois, la Commission elle-même indique au Tribunal que la vente de crevettes de la mer du Nord représentait 25 à 35 % du chiffre d’affaires total pour Heiploeg, 35 à 45 % pour Klaas Puul, 90 à 100 % pour Kok Seafood et 22 % pour la requérante, ainsi que cela est, en substance, indiqué aux considérants 13, 19, 22 et 28 de la décision attaquée.
302 La prémisse sur laquelle se fonde la Commission au considérant 538 de la décision attaquée selon laquelle la plupart des entreprises concernées avaient effectué leurs ventes sur un seul marché (caractère monoproduit de leur activité commerciale) semble donc erronée en ce que, en réalité, une seule entreprise concernée (Klaas Puul) semble avoir effectué la plupart de ses ventes sur un seul marché.
303 Dans ces conditions, il n’est pas possible de comprendre et d’apprécier si la requérante et les autres entreprises concernées se trouvaient dans des situations comparables ou distinctes et si la Commission leur a accordé un traitement égal ou différent. Contrairement à ce qui est indiqué au considérant 538 de la décision attaquée, il semblerait, sur la base des informations fournies par la Commission elle-même, que les entreprises concernées ne se trouvaient pas dans des situations comparables et que la prémisse sur laquelle la Commission a fondé son application du paragraphe 37 des lignes directrices était erronée. Il est certes possible que, dans le cadre de cette réduction exceptionnelle de l’amende, les différences entre les pourcentages du chiffre d’affaires relatifs aux crevettes de la mer du nord de chaque entreprise concernée aient été compensées par d’autres éléments, toutefois la décision attaquée ne fournit aucune explication à cet égard.
304 En deuxième lieu, dans le cadre de la seule motivation exposée aux considérants 541 et 542 de la décision attaquée, il subsiste des doutes quant à la bonne compréhension des critères utilisés par la Commission pour déterminer la réduction à appliquer aux amendes des différents participants à l’entente. En effet, la décision attaquée semble se fonder, dans son appréciation globale, sur trois critères cumulatifs : la concentration du chiffre d’affaires global dans les ventes de crevettes de la mer du Nord des participants (c’est-à-dire le rapport entre les ventes mondiales de crevettes de la mer du Nord des participants à l’entente et leur chiffre d’affaires global au niveau mondial), les différences entre les participants à l’entente quant à leur participation individuelle à l’infraction et le besoin d’assurer malgré tout un effet dissuasif à l’amende.
305 À cet égard, s’agissant du premier critère, il convient de relever que les réductions supérieures accordées aux autres participants à l’entente semblent découler des parts plus élevées des ventes de crevettes de la mer du Nord dans leur chiffre d’affaires global au regard de celles de la requérante. Ainsi, selon l’approche que semble avoir suivie la Commission en l’espèce, plus la production était « cartellisée », plus le montant de base de l’amende a été revu à la baisse.
306 Toutefois, une entreprise dont une partie substantielle de la production est concernée par les arrangements collusoires tire un profit proportionnellement plus important de ceux-ci qu’une entreprise « multiproductrice », dont seule une petite partie de la production est concernée par les mêmes arrangements. Il pourrait donc en être déduit que le montant de base de l’amende représente un pourcentage plus conséquent du chiffre d’affaires global dans le premier cas que dans le second.
307 Or, en considérant que les ventes de crevettes de la mer du Nord représentaient un pourcentage assez faible du chiffre d’affaires global de la requérante, il ne ressort pas clairement de la décision attaquée pour quelle raison la Commission a décidé de la pénaliser, par rapport aux autres entreprises concernées, lors de la réduction exceptionnelle du montant de l’amende accordée au titre du paragraphe 37 des lignes directrices.
308 De plus, s’agissant du deuxième critère mentionné au point 304 ci-dessus, il ne ressort pas clairement de la décision attaquée si, en se référant aux différences entre les participants à l’entente quant à leur participation individuelle à l’infraction, la Commission envisageait de se référer, de manière implicite, à la situation de la requérante, dont la participation réduite à l’infraction avait déjà donné lieu à une réduction du montant de base la concernant de 15 %, en vertu du paragraphe 29 des lignes directrices.
309 Dans ces circonstances, il y a lieu de relever que, sur le fondement de cette motivation de la décision attaquée, la requérante n’était pas en mesure de contester utilement le bien-fondé de l’approche suivie par la Commission au regard du principe d’égalité de traitement et le Tribunal n’aurait pas été capable d’exercer pleinement son contrôle de la légalité concernant le respect dudit principe.
310 En effet, au regard des considérants 541 et 542 de la décision attaquée, il n’est pas possible de comprendre ni d’apprécier si la requérante et les autres entreprises concernées se trouvaient dans des situations comparables ou distinctes et si la Commission leur a accordé un traitement égal ou différent. Sur cette base, il est donc d’autant moins possible de vérifier si un éventuel traitement égal de situations différentes des entreprises concernées, au titre du paragraphe 37 des lignes directrices, essentiellement motivé par le caractère « monoproduit » de leur activité commerciale et, pour partie, par des considérations d’équité, ou un éventuel traitement différent de situations comparables, notamment l’application de taux de réduction divergents, étaient objectivement justifiés. Au contraire, la motivation succincte exposée au considérant 542 de la décision attaquée était de nature à créer l’impression erronée que la raison principale de l’adaptation horizontale des montants de base en faveur des entreprises concernées résidait dans le fait que celles-ci se trouvaient toutes dans des situations à tout le moins comparables, liées au caractère « monoproduit » de leur activité commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 55). Tel n’était toutefois pas le cas de trois sur quatre des entreprises concernées.
311 À la lumière des considérations qui précèdent, le Tribunal estime opportun, en l’espèce, de relever d’office un moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée, s’agissant de l’application du paragraphe 37 des lignes directrices.
312 À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que le défaut ou l’insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles au sens de l’article 260 TFUE et constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 19 septembre 2006, Lucchini/Commission, T‑166/01, EU:T:2006:258, point 144 et jurisprudence citée).
313 Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. Dans cette perspective, la motivation exigée doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. S’agissant, en particulier, de la motivation des décisions individuelles, l’obligation de motiver de telles décisions a ainsi pour but, outre de permettre un contrôle juridictionnel, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, points 146 à 148 et jurisprudence citée, et du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, points 114 et 115).
314 En outre, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 150 ; du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 116, et du 5 décembre 2013, Solvay/Commission, C‑455/11 P, non publié, EU:C:2013:796, point 91).
315 La jurisprudence a encore précisé que la motivation devait donc, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief. L’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant les instances de l’Union (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 149, et du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 74).
316 De plus, lorsque la Commission décide de s’écarter de la méthodologie générale exposée dans les lignes directrices, par lesquelles elle s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation quant à la fixation du montant des amendes, en s’appuyant, comme en l’espèce, sur le paragraphe 37 des lignes directrices, ces exigences de motivation s’imposent avec d’autant plus de vigueur (arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 48). À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que les lignes directrices énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec, notamment, le principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, point 53, et du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 60 et jurisprudence citée). Cette motivation doit être d’autant plus précise que le paragraphe 37 des lignes directrices se limite à une référence vague aux « particularités d’une affaire donnée » et laisse donc une large marge d’appréciation à la Commission pour procéder, comme en l’occurrence, à une adaptation exceptionnelle des montants de base des amendes des entreprises concernées. En effet, dans un tel cas, le respect par la Commission des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, dont l’obligation de motivation, revêt une importance d’autant plus fondamentale (voir arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 48 et jurisprudence citée).
317 Il en résulte que, en l’espèce, la Commission était tenue d’expliquer de façon suffisamment claire et précise la manière dont elle entendait faire usage de son pouvoir d’appréciation, y compris les différents éléments de fait et de droit qu’elle avait pris en considération à cet effet. En particulier, eu égard à son obligation de respecter le principe d’égalité de traitement lors de la détermination des montants des amendes, que la requérante lui reproche d’avoir violé à son détriment, ce devoir de motivation englobe l’ensemble des éléments pertinents requis pour pouvoir apprécier si les entreprises concernées, qui ont vu les montants de base de leurs amendes être adaptés, se trouvaient dans des situations comparables ou non, si lesdites situations ont été traitées de manière égale ou inégale et si un éventuel traitement égal ou inégal desdites situations était objectivement justifié (voir arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 49 et jurisprudence citée).
318 Le Tribunal ayant décidé d’examiner d’office le respect, par la Commission, de son obligation de motivation, a invité les parties, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 89 du règlement de procédure, à s’exprimer sur cette question par écrit. En particulier, le Tribunal a demandé aux parties de se prononcer sur l’incidence de l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), sur la présente affaire, en particulier en ce qui concernait une éventuelle insuffisance de motivation de la décision attaquée s’agissant de l’application du paragraphe 37 des lignes directrices.
319 En réponse à cette question la Commission a fait valoir que, dans la décision attaquée, elle s’était fondée cumulativement sur deux critères pour déterminer, dans le cadre d’une appréciation globale, le montant des réductions d’amendes à appliquer aux différents participants à l’entente au titre du paragraphe 37 des lignes directrices : d’une part, la valeur des ventes de crevettes de la mer du Nord réalisées par les participants par rapport à leur chiffre d’affaires total (c’est-à-dire le rapport entre les ventes mondiales de crevettes de la mer du Nord des participants à l’entente et leur chiffre d’affaires total au niveau mondial) et, d’autre part, les différences entre les participants à l’entente quant à leur participation individuelle à l’infraction.
320 Selon la Commission, la décision attaquée contient toutes les informations nécessaires pour en comprendre la motivation en ce qui concerne la réduction d’amende octroyée au titre du paragraphe 37 des lignes directrices.
321 Premièrement, selon la Commission, la décision attaquée fournit tous les éléments requis pour établir la valeur des ventes des produits faisant l’objet de l’entente réalisées par chacun des destinataires par rapport à leur chiffre d’affaires total. Contrairement à la décision qui était attaquée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), la décision attaquée comporterait, pour tous les destinataires, des indications concernant le chiffre d’affaires total qu’ils réalisent au niveau mondial et le chiffre d’affaires total qu’ils tirent de la vente de crevettes de la mer du Nord. Ces éléments permettraient de calculer facilement les pourcentages communiqués par la Commission dans sa duplique et dans sa réponse aux questions du Tribunal du 17 décembre 2015. La requérante aurait ainsi été en mesure de comprendre ces pourcentages et la méthode utilisée par la Commission pour les calculer. Le fait que les différents pourcentages ne soient pas explicitement mentionnés dans la décision attaquée serait donc sans incidence.
322 Deuxièmement, selon la Commission, la décision attaquée contient toutes les informations nécessaires pour établir les différences entre les participants à l’entente en fonction de leur participation individuelle à l’infraction. Les considérations détaillées sur ce point figureraient dans les parties de la décision attaquée relatives à la durée de l’infraction et aux circonstances atténuantes. La requérante aurait ainsi bénéficié, contrairement à Heiploeg et Klaas Puul, d’une réduction considérable du montant de base de son amende en raison de circonstances atténuantes. Cette réduction refléterait le fait que la participation individuelle de la requérante a été considérée comme moins importante que celle de Heiploeg et Klaas Puul.
323 Les arguments de la Commission ne sauraient prospérer.
324 En premier lieu, ainsi qu’il a été relevé aux points 299 à 310 ci-dessus, la motivation fournie par la Commission aux considérants 538 à 542 de la décision attaquée semble indiquer que la raison principale de cette adaptation horizontale des montants de base en faveur des entreprises concernées résidait dans le fait que celles-ci se trouvaient toutes dans des situations plutôt comparables liées au caractère monoproduit de leur activité commerciale.
325 De plus, contrairement à ce que soutient la Commission, la présence dans la décision attaquée d’informations sur le chiffre d’affaires total que les entreprises en cause tirent de la vente de crevettes de la mer du Nord contribue à rendre davantage difficile la compréhension de la motivation de la décision attaquée. En effet, la Commission indique que, sur la base des considérants 13, 19, 22 et 28 de la décision attaquée, il est possible de déterminer que la vente de crevettes de la mer du Nord représente 25 à 35 % du chiffre d’affaires total pour Heiploeg, 35 à 45 % pour Klaas Puul, 90 à 100 % pour Kok Seafood et 22 % pour la requérante.
326 Par conséquent, la prémisse sur laquelle se fonde la Commission au considérant 538 de la décision attaquée selon laquelle la plupart des entreprises concernées avaient effectué leurs ventes sur un seul marché semble erronée.
327 Dans ces conditions, il n’est pas possible de comprendre et d’apprécier si la requérante et les autres entreprises concernées se trouvaient dans des situations comparables ou distinctes et si la Commission leur a accordé un traitement égal ou différent. Contrairement à ce qui est indiqué au considérant 538 de la décision attaquée, il semblerait, sur la base des informations fournies par la Commission elle-même, que les entreprises concernées ne se trouvaient pas dans des situations comparables. Par conséquent, cette circonstance méritait d’être clarifiée dans la décision attaquée.
328 Sur cette base, il est donc d’autant moins possible de vérifier si un éventuel traitement égal de situations différentes des entreprises concernées, au titre du paragraphe 37 des lignes directrices, essentiellement motivé par le caractère « monoproduit » de leur activité commerciale et, pour partie, par des considérations d’équité, ou un éventuel traitement différent de situations comparables, notamment l’application de taux de réduction divergents, étaient objectivement justifiés.
329 De plus, ainsi qu’il a été relevé précédemment, il subsiste des doutes quant à la compréhension du critère utilisé par la Commission pour refléter, dans le cadre de la réduction exceptionnelle du montant de l’amende, les « différences entre les parties en fonction de leur participation individuelle à l’infraction ». En effet, ce dernier passage semble contenir une motivation supplémentaire pour ladite adaptation en tant qu’il vise à différencier la gravité ou la durée de la participation individuelle à l’infraction des entreprises concernées. Or, il n’est pas aisé de déterminer si, ce faisant, la Commission envisageait de se référer, de manière implicite, à la situation de la requérante, dont la participation réduite à l’infraction avait déjà donné lieu à une réduction du montant de base la concernant de 15 %, en vertu du paragraphe 29 des lignes directrices.
330 En effet, s’il est vrai que la décision attaquée contient toutes les informations nécessaires pour établir les différences entre les participants à l’entente en fonction de leur participation individuelle à l’infraction, il ne résulte pas clairement de la décision attaquée quel est l’impact de leur participation individuelle à l’infraction dans le cadre de l’application du paragraphe 37 des lignes directrices.
331 S’agissant, enfin, de l’argument de la Commission selon lequel la fixation du montant des amendes n’est pas une question purement arithmétique qui nécessiterait de motiver séparément l’évaluation précise de chacun des différents critères pris en compte à cet égard, il suffit de rappeler, ainsi qu’il a été indiqué au point 316 ci-dessus, que lorsque la Commission décide de s’écarter de la méthodologie générale exposée dans les lignes directrices, par lesquelles elle s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation quant à la fixation du montant des amendes, en s’appuyant, comme en l’espèce, sur le paragraphe 37 des lignes directrices, ces exigences de motivation s’imposent avec d’autant plus de vigueur. Cette motivation doit être d’autant plus précise que le paragraphe 37 des lignes directrices se limite à une référence vague aux « particularités d’une affaire donnée » et laisse donc une large marge d’appréciation à la Commission pour procéder, comme en l’occurrence, à une adaptation exceptionnelle des montants de base des amendes des entreprises concernées. En effet, dans un tel cas, le respect par la Commission des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, dont l’obligation de motivation, revêt une importance d’autant plus fondamentale (arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 48).
332 Dans ces circonstances, et surtout au regard des considérants 538 à 542 de la décision attaquée, il y a lieu de conclure que les motifs exposés dans la décision attaquée ne permettent ni à la requérante de contester utilement le bien-fondé de l’approche suivie par la Commission au regard du principe d’égalité de traitement, ni au Tribunal d’exercer pleinement son contrôle de la légalité concernant le respect dudit principe.
333 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a donc lieu de conclure que la décision attaquée est viciée d’une insuffisance de motivation au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE en ce qui concerne le montant de l’amende infligée à la requérante.
334 Par conséquent, il y a lieu d’annuler l’article 2, premier alinéa, sous c), de la décision attaquée et de rejeter le recours pour le surplus.
V. Sur les dépens
335 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.
336 Dès lors qu’il est partiellement fait droit au recours de la requérante, il convient de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, la moitié de ceux exposés par la requérante. La requérante supportera la moitié de ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) L’article 2, premier alinéa, sous c), de la décision C(2013) 8286 final de la Commission, du 27 novembre 2013, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (affaire AT.39633 – Crevettes), est annulé.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Commission européenne supportera ses propres dépens et la moitié de ceux de Stührk Delikatessen Import GmbH & Co. KG.
4) Stührk Delikatessen Import supportera la moitié de ses propres dépens.
Kanninen | Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín | Reine |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2018.
Signatures
Table des matières
I. Antécédents du litige
II. Décision attaquée
III. Procédure et conclusions des parties
IV. En droit
A. Sur les moyens concernant la participation de la requérante à l’infraction
1. Sur les deux premiers moyens
a) Arguments des parties
1) Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’infraction concernant les prix d’achat
2) Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, de l’infraction réellement commise par la requérante
b) Appréciation du Tribunal
1) Sur la jurisprudence concernant l’appréciation des preuves
2) Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’infraction concernant les prix d’achat
3) Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, de l’infraction réellement commise par la requérante
2. Sur le troisième moyen, tiré, en substance, de l’absence de participation de la requérante à une infraction unique et continue
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
B. Sur les moyens soulevés au regard du calcul du montant de l’amende infligée à la requérante
1. Sur le quatrième moyen, tiré du calcul incorrect de l’amende à la suite de la détermination uniforme de l’infraction et du montant additionnel
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
1) Sur l’obligation de déterminer le montant de base de l’amende en fonction du rôle individuel de la requérante
2) Sur la prétendue violation du principe de proportionnalité
2. Sur le cinquième moyen, tiré du calcul erroné de l’amende du fait d’une prise en compte insuffisante des circonstances atténuantes
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
1) Sur la première branche du cinquième moyen
2) Sur la deuxième branche du cinquième moyen
3) Sur la troisième branche du cinquième moyen
4) Sur la quatrième branche du cinquième moyen
5) Sur la cinquième branche du cinquième moyen
6) Sur la sixième branche du cinquième moyen
3. Sur le sixième moyen, tiré du calcul erroné de l’amende à la suite du refus d’en réduire le montant conformément à la communication sur la coopération de 2006
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
4. Sur le septième moyen, tiré de l’illégalité des lignes directrices
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
5. Sur le huitième moyen, tiré de la suppression de l’autolimitation de l’exercice du pouvoir d’appréciation résultant des lignes directrices
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
6. Sur le neuvième moyen, tiré de l’ajustement arbitraire du montant de base de l’amende infligée à la requérante selon le paragraphe 37 des lignes directrices
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
V. Sur les dépens
* Langue de procédure : l’allemand.
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