hoechstmass Balzer v EUIPO (Judgment) [2018] EUECJ T-691/17 (289 June (2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T69117.html
Cite as: ECLI:EU:T:2018:394, EU:T:2018:394, [2018] EUECJ T-691/17

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

29 juin 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne - Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle - Forme d’un boîtier de mètre ruban - Motif absolu de refus - Absence de caractère distinctif - Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T-691/17,

hoechstmass Balzer GmbH, établie à Sulzbach (Allemagne), représentée par Me K. Zapfe, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Fischer, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 28 juillet 2017 (affaire R 2331/2016-4), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’un boîtier de mètre ruban comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Gratsias, président, A. Dittrich et P. G. Xuereb (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2017,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 22 décembre 2017,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 janvier 2016, la requérante, hoechstmass Balzer GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel en noir et blanc suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Mètres rubans ».

4        Par décision du 22 novembre 2016, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001], au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

5        Le 14 décembre 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 60 du règlement no 207/2009 [devenus articles 66 à 68 du règlement (UE) 2017/1001], contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 28 juillet 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a relevé que, à juste titre, l’examinateur avait constaté l’absence de tout caractère distinctif de la marque demandée. Selon la chambre de recours, la marque demandée montre le façonnage des produits revendiqués visés par cette marque. Ce façonnage serait banal et extrêmement simple, et imposé par la fonction du boîtier qui serait de servir d’enveloppe au mètre ruban. La forme de mètre ruban demandée ne présenterait pas de différences au regard des habitudes du secteur ; en toute hypothèse, de telles différences devraient être importantes, ce qui en l’espèce ne serait pas le cas.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

-        annuler la décision attaquée ;

-        à titre subsidiaire, limiter la liste des produits visés par la marque demandée dans la classe 9 aux « mètres rubans de tailleur » et annuler la décision attaquée en ce qu’elle vise les « mètres rubans de tailleur » ;

-        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

-        rejeter le recours ;

-        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la tenue d’une audience

9        Selon l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, une demande d’audience par une partie principale doit être présentée dans un délai de trois semaines à compter de la signification aux parties de la clôture de la phase écrite de la procédure.

10      En l’espèce, cette signification a été effectuée par le greffe du Tribunal le 4 janvier 2018.

11      Le 24 janvier 2018, la requérante a déposé au greffe du Tribunal, par télécopieur, une demande afin d’être entendue lors d’une audience.

12      Selon l’article 73, paragraphe 3, du règlement de procédure, la date à laquelle un acte de procédure parvient au greffe par télécopieur est prise en considération aux fins du respect des délais de procédure si l’original signé est déposé au greffe au plus tard dix jours après.

13      Le 8 février 2018, le greffe du Tribunal a informé la requérante que, l’original signé de la demande d’audience n’étant pas parvenu au greffe dans ce délai, ladite demande ne pouvait pas être prise en compte.

14      Par lettre déposée au greffe le 12 février 2018, la requérante a invoqué l’existence d’un cas fortuit et demandé au Tribunal de prendre en compte sa demande d’audience du 24 janvier 2018, dont elle a fourni un nouvel original signé.

15      Il ressort de la jurisprudence que la seule lenteur dans l’acheminement du courrier, en dehors d’autres circonstances particulières, telles qu’un dysfonctionnement administratif, une catastrophe naturelle ou une grève, ne saurait constituer, en soi, un cas fortuit ou un cas de force majeure contre lequel la requérante ne pouvait se prémunir (voir ordonnance du 14 décembre 2017, Rogesa/Commission, T-475/17, non publiée, EU:T:2017:919, point 25 et jurisprudence citée).

16      En l’espèce, la requérante soutient l’existence d’un dysfonctionnement exceptionnel de la part de la poste allemande ou de la poste luxembourgeoise. Or, elle n’apporte aucun élément de preuve permettant d’étayer cette allégation.

17      Dans ces circonstances, il convient de conclure que la requérante n’a pas introduit de demande d’audience dans le délai prévu à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

18      Par courrier du 12 février 2018, la requérante a demandé que, en cas de décision négative, sa demande soit soumise pour décision au président, conformément à l’article 62 du règlement de procédure. Cette disposition prévoit qu’un acte de procédure déposé au greffe après l’expiration du délai fixé par le président ou le greffier en vertu du règlement de procédure ne peut être accepté qu’en vertu d’une décision en ce sens du président. En l’espèce, il ne s’agit pas cependant d’un délai fixé par le président ou le greffier en vertu du règlement de procédure, mais d’un délai qui est fixé par le règlement de procédure lui-même, à savoir par l’article 73, paragraphe 3, de ce dernier. L’article 62 du règlement de procédure n’est donc pas applicable en l’espèce.

19      Selon l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure, une audience peut également être organisée d’office. Étant donné que le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier, il a décidé de ne pas faire usage de cette possibilité en l’espèce.

 Sur le fond

 Sur la demande principale

20      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

21      La requérante soutient, en substance, que la marque demandée présente un caractère distinctif suffisant. Selon elle, en refusant l’enregistrement de ladite marque, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

22      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

23      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux issus d’autres entreprises (arrêts du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C-344/10 P et C-345/10 P, EU:C:2011:680, point 42, et du 15 mai 2014, Louis Vuitton Malletier/OHMI, C-97/12 P, non publié, EU:C:2014:324, point 50).

24      À cet égard, il convient de rappeler que les signes dépourvus de caractère distinctif sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du 27 février 2002, REWE-Zentral/OHMI (LITE), T-79/00, EU:T:2002:42, point 26, et du 20 novembre 2002, Bosch/OHMI (Kit Pro et Kit Super Pro), T-79/01 et T-86/01, EU:T:2002:279, point 19].

25      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C-456/01 P et C-457/01 P, EU:C:2004:258, point 35, et du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C-344/10 P et C-345/10 P, EU:C:2011:680, point 43).

26      Selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (arrêts du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C-25/05 P, EU:C:2006:422, point 26, et du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C-344/10 P et C-345/10 P, EU:C:2011:680, point 45).

27      Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêts du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C-25/05 P, EU:C:2006:422, point 27, et du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C-344/10 P et C-345/10 P, EU:C:2011:680, point 46).

28      Conformément à la jurisprudence, plus la forme dont l’enregistrement a été demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C-456/01 P et C-457/01 P, EU:C:2004:258, point 39, et du 7 mai 2015, Voss of Norway/OHMI, C-445/13 P, EU:C:2015:303, point 91).

29      Il s’ensuit que, lorsqu’une marque tridimensionnelle est constituée de la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé, le simple fait que cette forme soit une « variante » de l’une des formes habituelles de ce type de produits ne suffit pas à établir que ladite marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Il convient toujours de vérifier si une telle marque permet au consommateur moyen de ce produit, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, le produit concerné de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 7 mai 2015, Voss of Norway/OHMI, C-445/13 P, EU:C:2015:303, point 92 et jurisprudence citée).

30      C’est à la lumière des principes énoncés aux points 22 à 29 ci-dessus qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

31      En l’espèce, les produits pour lesquels la marque a été demandée sont des « mètres rubans ». Ainsi que la chambre de recours l’a relevé à juste titre, il s’agit de produits simples, techniquement peu complexes et plutôt peu coûteux qui s’utilisent dans tous les foyers.

32      C’est par rapport à ces produits et par rapport à la perception qu’en a le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, que doit être apprécié le caractère distinctif de la marque demandée.

33      La requérante s’appuie notamment sur trois considérations afin d’étayer sa thèse selon laquelle la marque demandée a un caractère distinctif.

34      Premièrement, la chambre de recours aurait omis de tenir compte du fait que la forme de boîtier choisie pour le mètre ruban et représentée par la marque demandée s’inspirait de la forme de piluliers ou de poudriers de style Art nouveau, une forme entièrement étrangère aux produits en cause. Deuxièmement, le façonnage de la marque demandée serait inhabituel et ne correspondrait pas aux usages du secteur. Troisièmement, deux ordonnances rendues par le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin, Allemagne) que la requérante avait soumises à l’EUIPO auraient dû être considérées comme un indice du fait que la marque demandée possédait un caractère distinctif.

35      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

36      En premier lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la forme du boîtier choisie pour le mètre ruban, qui est représentée par la marque demandée, s’inspire de la forme de piluliers ou de poudriers de style Art nouveau, il convient de relever que la requérante s’appuie sur deux aspects. D’une part, la rainure du milieu de ce boîtier ne se trouverait pas exactement au milieu, mais à une hauteur qui correspondrait aux proportions du nombre d’or (ou section dorée). D’autre part, les saillies de couvercles apparentes dans la marque demandée rappelleraient celles d’une boîte que l’on pourrait ouvrir, ce qui susciterait chez l’utilisateur du mètre ruban, par association, l’idée de couvercles dont la saillie permettrait, en la soulevant avec les ongles, d’ouvrir les boîtiers. La marque demandée produirait donc une impression haptique.

37      À cet égard, il convient tout d’abord de relever que la marque demandée est illustrée par les images soumises à l’EUIPO par la requérante. Or, la rainure du milieu n’est guère visible sur ces images. En outre, au moins l’une des images de piluliers fournies par la requérante montre une forme qui ne semble pas contenir de rainure au milieu. Dans ces circonstances, le Tribunal considère qu’il est exclu que la rainure du milieu de la marque demandée ou sa position spécifique puisse inciter le consommateur moyen à penser à des piluliers ou à des poudriers de style Art nouveau.

38      Ensuite, en ce qui concerne les saillies apparentes sur les couvercles figurant sur la marque demandée, il est vrai que les illustrations de piluliers et de poudriers produites par la requérante devant la chambre de recours et devant le Tribunal montrent de telles saillies. Il convient toutefois de relever que la présence commune de cet élément ne suffit aucunement pour permettre de conclure que la marque demandée laisserait penser à des piluliers ou des poudriers de style Art nouveau, au vu des différences importantes qui existent entre ces produits. Premièrement, les saillies apparentes sur les couvercles figurant sur la marque demandée sont très légères. Deuxièmement, les piluliers et les poudriers auxquels la requérante fait référence présentent des éléments artistiques ou décoratifs qui font défaut en ce qui concerne la marque demandée. Troisièmement, sur la première des reproductions représentant la marque demandée, sont visibles tant l’encoche permettant le déroulement du mètre ruban qu’un bouton central permettant de déclencher le mécanisme d’enroulement du mètre ruban. De tels éléments ne se trouvent sur aucune des illustrations des piluliers ou des poudriers de style Art nouveau présentées par la requérante.

39      L’argument de la requérante, fondé sur la prétendue similarité de la marque demandée à la forme de piluliers ou de poudriers de style Art nouveau, doit donc être rejeté.

40      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel le façonnage de la marque demandée serait inhabituel et ne correspondrait pas aux usages du secteur, il convient de relever que cet argument s’appuie sur deux aspects, à savoir, d’une part, l’absence d’angle d’appui et, d’autre part, les saillies des couvercles qui auraient pour effet que la marque demandée présente le façonnage d’un pilulier.

41      En ce qui concerne le premier desdits éléments, il est vrai qu’un bon nombre de mètres rubans qui se trouvent représentés sur les illustrations de plusieurs centaines de mètres rubans soumises par la requérante comportent un angle d’appui. Il convient toutefois de constater que ces illustrations montrent également des mètres rubans dépourvus d’angle d’appui. Il est vrai que la requérante a fait valoir qu’elle avait, elle-même, fabriqué ces derniers produits. Or, la requérante n’a fourni aucune preuve à cet égard. En tout état de cause, dans son recours du 14 décembre 2016, introduit devant la chambre de recours contre la décision de l’examinateur, la requérante a explicitement reconnu l’existence de mètres rubans dépourvus d’angle d’appui, sans alléguer qu’il s’agissait exclusivement de produits qu’elle avait elle-même fabriqués.

42      En revanche, en ce qui concerne les saillies des couvercles, il ressort en effet des preuves, soumises par la requérante, que cet aspect ne semble pas être habituel pour des boîtiers de mètres rubans.

43      C’est donc de manière erronée que la chambre de recours a conclu que la configuration de la marque demandée n’avait rien de particulier et qu’elle n’était pas parvenue à reconnaître dans la forme du mètre ruban demandée la moindre différence par rapport aux habitudes du secteur. En outre, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les rebords qui font légèrement saillie dans la marque demandée servent à guider le mètre ruban est également incorrecte, comme la requérante l’a observé à juste titre.

44      Il convient toutefois de rappeler que la chambre de recours a considéré que la marque demandée représentait un boîtier dans lequel le mètre ruban était fixé de manière à ce que l’on pût le tirer et à ce qu’il s’enroulât à nouveau de lui-même par la tension et que cette forme et cette présentation du produit étaient absolument usuelles. Bien que la requérante eût fait état de certains éléments de la marque demandée qui, selon elle, étaient inhabituels pour le secteur, elle n’a pas remis en cause ladite appréciation de la chambre de recours.

45      Or, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence, citée au point 28 ci-dessus, que plus la forme dont l’enregistrement a été demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif.

46      En l’espèce, bien que la chambre de recours ait conclu, à tort, à l’absence de toutes différences avec les habitudes du secteur, elle a également relevé que, afin d’être pertinentes, de telles différences devaient être importantes, et que tel n’était pas le cas en l’espèce.

47      Cette conclusion n’est pas entachée d’erreur.

48      En effet, le fait que les rebords fassent légèrement saillie dans la marque demandée ne constitue pas un aspect qui diverge de manière significative des habitudes du secteur. La requérante, elle-même, fait référence à de « légères différences » à cet égard, tandis que la chambre de recours avait considéré qu’il s’agissait d’une forme simple et banale. Contrairement à ce que la requérante fait valoir, de telles différences ne suffisent aucunement à conférer au boîtier du mètre ruban à enroulement, représenté par la marque demandée, un haut degré de reconnaissance.

49      L’argument de la requérante, fondé sur le caractère prétendument inhabituel du façonnage de la marque demandée, doit donc être rejeté.

50      En troisième lieu, en ce qui concerne les deux ordonnances rendues par le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin), il convient de relever qu’il s’agit de décisions, prises à la suite des demandes de référé introduites par la requérante, visant à interdire à deux entreprises de mettre sur le marché des mètres rubans dont le façonnage correspondait à celui de la marque demandée. Dans l’une des deux affaires, l’injonction demandée par la requérante a été prononcée par la juridiction en cause. Dans l’autre affaire, la partie défenderesse s’étant conformée à la demande de la requérante, le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin) n’a statué que sur les dépens, en se prononçant en faveur de cette dernière, étant donné qu’elle considérait qu’il était vraisemblable que l’injonction demandée par la requérante fût délivrée.

51      Selon la requérante, ces ordonnances confirment la constatation de l’existence d’une originalité concurrentielle de la forme tridimensionnelle en cause, au sens du droit de la concurrence allemand. Or, la reconnaissance d’une originalité concurrentielle, du point de vue du droit de la concurrence, devrait être considérée comme un indice de la présence d’un caractère distinctif dans la forme demandée.

52      Or, même à considérer qu’il soit possible d’établir, à partir des ordonnances susmentionnées, que les produits commercialisés par la requérante ont une certaine originalité concurrentielle, force est de constater que les affaires ayant donné lieu auxdites ordonnances ne concernaient pas la question de savoir si la marque demandée en l’espèce pouvait être enregistrée en tant que marque.

53      En tout état de cause, il convient de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est autonome et que la légalité des décisions des chambres de recours s’apprécie uniquement sur la base du règlement no 207/2009, de sorte que l’EUIPO ou, sur recours, le Tribunal ne sont pas tenus de parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les administrations ou les juridictions nationales dans une situation similaire [voir, en ce sens, arrêts du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C-173/04 P, EU:C:2006:20, point 49, et du 23 janvier 2014, Coppenrath-Verlag/OHMI - Sembella (Rebella), T-551/12, non publié, EU:T:2014:30, point 61 et jurisprudence citée].

54      Dès lors, l’argument de la requérante, fondé sur les ordonnances du Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin), doit être également rejeté.

55      Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que la marque demandée n’avait pas de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

56      Cette conclusion n’est pas affectée par les autres arguments de la requérante.

57      En premier lieu, il est vrai que, dans son arrêt du 24 novembre 2004, Henkel/OHMI (Forme d’un flacon blanc et transparent) (T-393/02, EU:T:2004:342, point 42), le Tribunal a considéré qu’un caractère distinctif minimal suffisait pour l’enregistrement d’une marque. Or, contrairement à ce que la requérante a fait valoir, cet arrêt ne concernait pas une affaire similaire à l’affaire présente. En effet, dans ladite affaire, le Tribunal a admis le caractère distinctif d’un flacon tridimensionnel blanc et transparent en soulignant que la combinaison des éléments était véritablement spécifique et ne pouvait être considérée comme tout à fait commune à tous les produits en cause. À cet égard, le Tribunal a relevé que le récipient en question était particulièrement anguleux et que les angles, les arêtes et les surfaces le faisaient ressembler à un cristal. De plus, le récipient donnait une impression monolithique étant donné que le bouchon du récipient était intégré dans l’image d’ensemble. Enfin, le récipient était particulièrement plat. Selon le Tribunal, cette combinaison conférait donc au flacon en cause une apparence particulière et inhabituelle qui était de nature à retenir l’attention du public concerné et à permettre à ce dernier, sensibilisé à la forme de l’emballage des produits en cause, de distinguer les produits visés par la marque demandée de ceux ayant une autre origine commerciale (arrêt du 24 novembre 2004, Forme d’un flacon blanc et transparent, T-393/02, EU:T:2004:342, point 40). Or, comme cela est expliqué aux points 40 à 49 ci-dessus, de telles différences significatives, comparé à ce qui est habituel dans le secteur concerné, font défaut en l’espèce.

58      En deuxième lieu, la requérante s’oppose à l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle tous les documents par lesquels la requérante cherchait à étayer le fait qu’elle utilisait depuis longtemps déjà le façonnage de la marque demandée étaient dépourvus de pertinence, étant donné que ces documents suggéraient que la requérante commercialisait les produits en cause avec l’inscription de sa raison familiale.

59      Il convient de relever que l’appréciation contestée par la requérante a été faite par la chambre de recours, à titre surabondant, après qu’elle eut constaté que la requérante n’avait pas invoqué l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 3,du règlement (UE) 2017/1001], qui prévoit que l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d), n’est pas applicable si la marque demandée a acquis, pour les produits ou les services pour lesquels est demandé l’enregistrement, un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait. L’appréciation de la chambre visée par la requérante constituant donc une situation hypothétique, l’argument de la requérante dirigé contre cette appréciation est inopérant.

 Sur la demande subsidiaire

60      Ainsi que l’EUIPO l’a relevé, à juste titre, la demande subsidiaire est irrecevable.

61      En effet, selon la jurisprudence, une telle demande ne répond pas aux modalités prévues par les règlements s’appliquant en l’espèce et tend à modifier l’objet du litige, contrairement à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal (arrêt du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C-447/02 P, EU:C:2004:649, point 58).

62      Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Hoechstmass Balzer GmbH est condamnée aux dépens.

Gratsias

Dittrich

Xuereb

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 juin 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.


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