FV v Council (Judgment) French Text [2018] EUECJ T-750/16 (14 December 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T75016.html
Cite as: EU:T:2018:972, ECLI:EU:T:2018:972, [2018] EUECJ T-750/16

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ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

14 décembre 2018 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Article 42 quater du statut – Mise en congé dans l’intérêt du service – Égalité de traitement – Interdiction de la discrimination fondée sur l’âge – Erreur manifeste d’appréciation – Responsabilité »

Dans l’affaire T-750/16,

FV, ancienne fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, représentée initialement par Mes L. Levi et A. Tymen, puis par Me Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté par MM. A. Troupiotis et J. A. Steele, en qualité d’agents,

et par

Commission européenne, représentée par MM. G. Berscheid et D. Martin, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Conseil du 8 décembre 2015 de placer la requérante en congé dans l’intérêt du service sur le fondement de l’article 42 quater du statut des fonctionnaires de l’Union européenne et, en tant que de besoin, de la décision du 19 juillet 2016 rejetant la réclamation introduite par la requérante et, d’autre part, à la réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie),

composé de MM. M. Prek, président, E. Buttigieg (rapporteur), F. Schalin, B. Berke et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 juillet 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») a été modifié, notamment, par le règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013 (JO 2013, L 287, p. 15).

2        Les premier, troisième, septième et douzième considérants du règlement no 1023/2013 énoncent :

« (1)       L’Union européenne, qui compte plus de 50 institutions et agences, devrait continuer à disposer d’une administration publique européenne d’un niveau de qualité élevé tel qu’elle puisse réaliser ses objectifs, mettre en œuvre ses politiques et actions et accomplir ses missions de la meilleure manière possible conformément aux traités, pour répondre aux défis, sur les plans intérieur et extérieur, auxquels elle devra faire face à l’avenir, et servir les intérêts des citoyens de l’Union.

[…]

(3)       Compte tenu de la taille de la fonction publique européenne par rapport aux objectifs de l’Union et à sa population, une réduction des effectifs au sein des institutions et des agences de l’Union ne devrait pas aboutir à entraver celles-ci dans l’exécution des missions, devoirs et fonctions auxquels elles sont tenues et pour lesquels elles sont habilitées en vertu des traités. Il y a lieu, à cet égard, de rendre transparents les frais de personnel qu’occasionnent toutes les catégories de personnel à chacune des institutions et agences qui les emploient.

[…]

(7)       Dans le cadre d’un objectif plus vaste, il convient d’optimiser la gestion des ressources humaines d’une fonction publique européenne qui se caractérise par son excellence, sa compétence, son indépendance, sa loyauté, son impartialité et sa stabilité, ainsi que par sa diversité culturelle et linguistique et par des conditions de recrutement attrayantes.

[…]

(12) Dans ses conclusions du 8 février 2013 sur le cadre financier pluriannuel, le Conseil européen a souligné que le nécessaire assainissement des finances publiques à court, moyen et long terme exigeait de chaque administration publique et de son personnel un effort particulier pour améliorer l’efficacité et l’efficience et pour s’adapter à l’évolution du contexte économique. En réalité, cet appel rappelait l’objectif de la proposition de la Commission, présentée en 2011, modifiant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, qui s’efforçait de garantir un bon rapport coût-efficacité et reconnaissait que les défis auxquels est aujourd’hui confrontée l’Union européenne exigent, de la part de chaque administration publique et de chaque membre de son personnel, un effort particulier en vue d’une efficacité accrue et d’une adaptation à l’évolution du contexte socio-économique en Europe […] ».

3        L’article 1er, point 24, du règlement no 1023/2013 a prévu l’ajout, au chapitre 2 du titre III du statut, d’une section 7, intitulée « Congé dans l’intérêt du service », contenant une seule disposition, l’article 42 quater. Aux termes de cette disposition :

« Au plus tôt cinq ans avant l’âge de sa retraite, le fonctionnaire qui compte au moins dix ans d’ancienneté peut être mis en congé dans l’intérêt du service par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination, pour des besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences au sein des institutions.

Le nombre annuel total de fonctionnaires mis en congé dans l’intérêt du service n’est pas supérieur à 5 % du nombre total des fonctionnaires de toutes les institutions ayant pris leur retraite l’année précédente. Le nombre total de fonctionnaires pouvant être mis en congé selon ce calcul est attribué à chaque institution en fonction du nombre de fonctionnaires en service qu’elle comptait au 31 décembre de l’année précédente. Pour chaque institution, ce nombre est arrondi au nombre entier supérieur le plus proche.

Ce congé n’a pas le caractère d’une mesure disciplinaire.

La durée de ce congé correspond en principe à la période restant à courir jusqu’à ce que le fonctionnaire concerné atteigne l’âge de la retraite. Cependant, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut décider, à titre exceptionnel, de mettre un terme à ce congé et de réintégrer le fonctionnaire dans son emploi.

Le fonctionnaire mis en congé dans l’intérêt du service qui atteint l’âge de la retraite est mis à la retraite d’office.

Le congé dans l’intérêt du service obéit aux règles suivantes :

a)       le fonctionnaire peut être remplacé dans son emploi par un autre fonctionnaire ;

b)       le fonctionnaire mis en congé dans l’intérêt du service cesse de participer à l’avancement d’échelon et à la promotion de grade.

Le fonctionnaire mis en congé dans l’intérêt du service bénéficie d’une indemnité calculée conformément à l’annexe IV.

À sa demande, cette indemnité est soumise à la contribution au régime de pensions, calculée sur la base de ladite indemnité. Dans ce cas, la période de service du fonctionnaire en congé dans l’intérêt du service est prise en compte pour le calcul des annuités de sa pension d’ancienneté au sens de l’article 2 de l’annexe VIII.

Aucun coefficient correcteur n’est appliqué à l’indemnité. »

4        Le règlement no 1023/2013 est entré en vigueur le 1er novembre 2013 et l’article 42 quater du statut est applicable depuis le 1er janvier 2014.

5        La requérante, FV, est une ancienne fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne. Elle est entrée en service au sein du secrétariat général du Conseil (ci-après le « SGC ») le 1er mai 1981 en tant que fonctionnaire stagiaire et a été titularisée le 1er novembre 1981. Au cours de sa carrière, elle a été affectée à différents services au sein du Conseil.

6        [confidentiel] (1)

7        [confidentiel]

8        Par la communication au personnel no 71/15, du 23 octobre 2015 (ci-après la « CP 71/15 »), le secrétaire général du Conseil a fourni des informations sur la mise en œuvre de l’article 42 quater du statut par l’institution. Aux termes de cette communication :

« […] Les institutions de l’UE doivent constamment innover et se moderniser, ce qui implique que les fonctionnaires doivent acquérir de nouvelles compétences et mettre à jour leurs connaissances pour s’adapter aux nouvelles évolutions. Ces nouvelles compétences peuvent être liées, par exemple, à de nouveaux outils informatiques, à de nouveaux systèmes mis en place pour la production de documents du Conseil européen/du Conseil, à de nouvelles procédures en matière de marchés publics ou d’audit interne, à de nouvelles méthodes de travail ou à de nouveaux modes de gestion ou d’organisation.

Le congé dans l’intérêt du service vise à permettre aux fonctionnaires qui éprouvent des difficultés à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail d’être mis en congé avant d’avoir atteint l’âge de la retraite. […]

Pour 2015, cinq (5) possibilités sont disponibles au sein du Conseil et du Conseil européen […] »

9        [confidentiel]

10      [confidentiel]

11      [confidentiel]

12      [confidentiel]

13      [confidentiel]

14      [confidentiel]

15      [confidentiel]

16      [confidentiel]

17      [confidentiel]

18      [confidentiel]

19      [confidentiel]

20      [confidentiel]

II.    Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 octobre 2016, la requérante a introduit le présent recours.

22      Par acte déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé que l’anonymat lui soit accordé en application de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal. Par décision du 30 janvier 2017, le Tribunal a fait droit à cette demande.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 novembre 2016, la requérante a demandé, sur le fondement de l’article 66 du règlement de procédure, que certaines données figurant dans la requête et ses annexes soient omises dans les documents auxquels le public a accès.

24      Le 1er février 2017, le Conseil a déposé un mémoire en défense.

25      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 24 et le 10 février 2017, le Parlement européen et la Commission européenne ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.

26      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 8 mars 2017, la requérante a demandé que certaines informations contenues dans la requête et ses annexes fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard du Parlement et de la Commission si ces institutions étaient admises à intervenir. Elle a joint une version non confidentielle de ces documents à cette demande.

27      Le 20 avril 2017, la requérante a déposé la réplique.

28      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 mai 2017, la requérante a demandé que certaines informations contenues dans la réplique et ses annexes fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard du Parlement et de la Commission si ces institutions étaient admises à intervenir. Elle a joint une version non confidentielle de ces documents à cette demande.

29      Par ordonnance du 8 juin 2017, FV/Conseil (T-750/16, non publiée, EU:T:2017:420), le Parlement et la Commission ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Dès lors que, conformément à l’article 144, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante a demandé le traitement confidentiel de certaines informations contenues dans les mémoires susmentionnés et leurs annexes, cette ordonnance a provisoirement limité la communication des actes de procédure au Parlement et à la Commission à leurs versions non confidentielles, en attendant les éventuelles observations de ces institutions sur les demandes de traitement confidentiel.

30      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 juin 2017, la Commission a contesté la demande de traitement confidentiel relative à la requête et à ses annexes. Le Parlement n’a pas émis d’objection sur cette demande.

31      Le 17 juillet 2017, le Conseil a déposé la duplique.

32      Le 19 et le 12 juillet 2017, le Parlement et la Commission ont respectivement déposé leur mémoire en intervention.

33      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 août 2017, la requérante a demandé que certaines informations contenues dans la duplique et ses annexes fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard du Parlement et de la Commission et a joint une version non confidentielle de ces documents à cette demande.

34      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er septembre 2017, le Conseil a indiqué qu’il n’avait pas d’observations à formuler sur les mémoires en intervention du Parlement et de la Commission.

35      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 5 septembre 2017, la requérante a soumis ses observations sur les mémoires en intervention du Parlement et de la Commission.

36      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 septembre 2017, la Commission a contesté la demande de traitement confidentiel relative à la duplique et à ses annexes. Le Parlement n’a pas émis d’objection sur cette demande.

37      Par ordonnance du 26 janvier 2018, le président de la deuxième chambre du Tribunal a, partiellement, fait droit aux demandes de traitement confidentiel soumises par la requérante, lui a fixé un délai pour la présentation d’une version non confidentielle de la requête, de la duplique et de leurs annexes et a indiqué que, à la suite de la signification de la version non confidentielle desdits documents à la Commission, celle-ci disposerait d’un délai pour présenter d’éventuelles observations complémentaires à son mémoire en intervention.

38      Le 7 mars 2018, la Commission a déposé des observations complémentaires à son mémoire en intervention.

39      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 mars 2018, le Conseil a indiqué qu’il n’avait pas d’observations à formuler sur les observations complémentaires de la Commission.

40      Le 5 avril 2018, la requérante a soumis des observations sur les observations complémentaires de la Commission.

41      Le 6 avril 2018, le greffe du Tribunal a informé les parties de la clôture de la phase écrite de la procédure.

42      Par lettre du 24 avril 2018, la requérante a formulé une demande motivée, au titre de l’article 106 du règlement de procédure, aux fins d’être entendue dans le cadre de la phase orale de la procédure.

43      Sur proposition de la deuxième chambre, le Tribunal a décidé, le 16 mai 2018, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

44      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions et à déposer certains documents. Les parties ont déféré à ces invitations dans le délai imparti.

45      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 juillet 2018.

46      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 8 décembre 2015 et, en tant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation du 19 juillet 2016 ;

–        condamner le Conseil au paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériel et moral subis ;

–        condamner le Conseil à l’ensemble des dépens.

47      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

48      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

49      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur l’objet du recours

50      Dans le cadre de ses conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision du 8 décembre 2015 et, « en tant que de besoin », l’annulation de la décision de rejet de la réclamation du 19 juillet 2016. Elle fait valoir que cette demande est recevable non seulement en ce qu’elle est dirigée contre la décision du 8 décembre 2015, mais également en ce qu’elle est dirigée contre la décision de rejet de la réclamation, dans la mesure où celle-ci contient des éléments nouveaux par rapport à la décision du 8 décembre 2015.

51      Les autres parties au litige n’ont pas contesté la recevabilité de la demande en annulation dirigée contre les deux décisions susvisées.

52      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative, telle qu’elle est visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, points 7 et 8), sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation aurait une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (arrêt du 25 octobre 2006, Staboli/Commission, T-281/04, EU:T:2006:334, point 26).

53      En effet, toute décision de rejet d’une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable, de sorte que les conclusions dirigées contre cette décision sans contenu autonome par rapport à la décision initiale doivent être regardées comme étant dirigées contre l’acte initial (voir arrêt du 19 juin 2015, Z/Cour de justice, T-88/13 P, EU:T:2015:393, point 141 et jurisprudence citée).

54      Une décision explicite de rejet d’une réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté par la partie requérante. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation de la partie requérante, en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (arrêt du 15 septembre 2017, Skareby/SEAE, T-585/16, EU:T:2017:613, point 18).

55      En l’espèce, il convient de noter, tout d’abord, que la réclamation et le recours devant le Tribunal ont été formés dans les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut.

56      Ensuite, il convient de relever que la décision de rejet de la réclamation ne modifie ni le sens ni la portée de la décision du 8 décembre 2015 plaçant la requérante en congé dans l’intérêt du service en application de l’article 42 quater du statut. Par ailleurs, la décision de rejet de la réclamation complète la motivation de la décision du 8 décembre 2015 relative à l’appréciation de la capacité de la requérante à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail et, dans le cadre de cette appréciation, prend en compte des éléments factuels qui n’étaient pas disponibles le 8 décembre 2015, date à laquelle la décision de mise en congé dans l’intérêt du service de la requérante a été adoptée. Le Tribunal se réfère, à cet égard, aux rapports de notation de la requérante pour les années 2014 et 2015, lesquels, selon les explications du Conseil, ont été établis postérieurement à la décision du 8 décembre 2015, mais antérieurement à la décision de rejet de la réclamation.

57      Dans ces circonstances, il convient de conclure que le seul acte faisant grief à la requérante en l’espèce est la décision du 8 décembre 2015 la plaçant en congé dans l’intérêt du service en application de l’article 42 quater du statut (ci-après la « décision attaquée ») dont la légalité sera, toutefois, appréciée en prenant en compte la motivation contenue dans la décision portant rejet de la réclamation.

B.      Sur la demande en annulation

58      À l’appui de sa demande en annulation, la requérante soulève cinq moyens, le premier constituant une exception d’illégalité dirigée contre l’article 42 quater du statut, le deuxième, tiré de la violation de cette disposition ainsi que de la CP 71/15 et d’erreurs manifestes d’appréciation, le troisième, tiré de la violation du droit d’être entendu, le quatrième, tiré de la violation du devoir de sollicitude et, le cinquième, tiré d’un détournement de pouvoir.

1.      Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité de l’article 42 quater du statut

a)      Observations liminaires

59      La requérante soutient que l’article 42 quater du statut est illégal dans la mesure où il enfreint le principe d’égalité en droit et le principe de non-discrimination fondé, notamment, sur l’âge, consacrés aux articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16), et l’article 1er quinquies du statut.

60      Dans ce contexte, la requérante fait valoir que l’article 42 quater du statut, dans la mesure où il s’applique explicitement aux fonctionnaires et agents « [a]u plus tôt cinq ans avant l’âge de [leur] retraite », introduit une différence de traitement fondée sur l’âge telle qu’elle est définie par l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78. Selon la requérante, cette différence de traitement n’est pas objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78. Par ailleurs, même s’il devait être considéré que l’article 42 quater du statut poursuit un tel objectif légitime, les moyens utilisés pour l’atteindre ne seraient ni appropriés ni nécessaires au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78.

61      Le Parlement, le Conseil et la Commission contestent l’argumentation de la requérante et concluent au rejet du présent moyen.

62      À titre liminaire, il convient de déterminer les dispositions au regard desquelles l’exception d’illégalité soulevée par la requérante doit être examinée.

63      À cet égard, il convient de noter que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux, dont le principe de non-discrimination énoncé à l’article 21, paragraphe 1, de celle-ci est une expression particulière (arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C-190/16, EU:C:2017:513, point 29).

64      Par ailleurs, l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux précise que les dispositions de celle-ci s’adressent, notamment, aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité.

65      Il s’ensuit que la légalité de l’article 42 quater du statut, lequel a été introduit dans le statut par le règlement no 1023/2013, doit être appréciée au regard de la norme supérieure que constitue l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, visé par l’argumentation de la requérante, qui interdit toute discrimination fondée, notamment, sur l’âge.

66      En ce qui concerne l’invocation par la requérante de la directive 2000/78, il y a lieu de présenter, à titre liminaire, ses dispositions pertinentes.

67      L’article 1er de la directive 2000/78, intitulé « Objet », prévoit :

« La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe d’égalité de traitement. »

68      L’article 2 de la directive 2000/78, intitulé « Concept de discrimination », dispose dans ses premier et deuxième paragraphes :

« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe d’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2. Aux fins du paragraphe 1 :

a)       une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;

b)       une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :

i)       cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires […] »

69      L’article 6 de la directive 2000/78, intitulé « Justification des différences de traitement fondées sur l’âge », prévoit dans son premier paragraphe :

« 1. Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre :

a)       la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection ;

b)       la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi ;

c)       la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite. »

70      Ensuite, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 288, troisième alinéa, TFUE que les directives lient les États membres qui en sont destinataires quant au résultat à atteindre. Il s’ensuit que la directive 2000/78, ainsi qu’il est précisé d’ailleurs à son article 21, est adressée aux États membres et non aux institutions. Par conséquent, les dispositions de cette directive ne peuvent être considérées comme imposant, en tant que telles, des obligations aux institutions, dans l’exercice de leurs pouvoirs législatifs ou décisionnels (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 9 septembre 2003, Rinke, C-25/02, EU:C:2003:435, point 24, et du 24 mai 2008, Belfass/Conseil, T-495/04, EU:T:2008:160, point 43), et ne peuvent pas davantage, en tant que telles, fonder une exception d’illégalité de l’article 42 quater du statut (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T-325/09 P, EU:T:2011:506, point 52).

71      Cependant, même si la directive 2000/78 ne peut, en tant que telle, être source d’obligations pour les institutions de l’Union, dans l’exercice de leurs pouvoirs législatifs ou décisionnels en vue de régir les relations de travail entre elles-mêmes et les membres de leur personnel, il n’en reste pas moins que les règles ou principes édictés ou dégagés dans cette directive peuvent être invoqués à l’encontre de ces institutions lorsqu’ils n’apparaissent, eux-mêmes, que comme l’expression spécifique de règles fondamentales des traités et de principes généraux qui s’imposent directement auxdites institutions (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2016, Todorova Androva/Conseil e.a., T-366/15 P, non publié, EU:T:2016:729, point 34 et jurisprudence citée).

72      La Cour a déjà reconnu que la directive 2000/78 concrétisait, dans le domaine de l’emploi et du travail, le principe de non-discrimination en fonction de l’âge qui constitue un principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2014, Vital Pérez, C-416/13, EU:C:2014:2371, point 24 et jurisprudence citée).

73      Il s’ensuit que, si les dispositions de la directive 2000/78 ne peuvent pas fonder, en tant que telles, l’exception d’illégalité de l’article 42 quater du statut, elles peuvent constituer une source d’inspiration pour la détermination des obligations du législateur de l’Union dans le domaine de la fonction publique de l’Union, tout en tenant compte des spécificités de celle-ci. C’est de cette manière que le Tribunal tiendra compte en l’espèce de la directive 2000/78.

74      En ce qui concerne l’invocation par la requérante de l’article 1er quinquies du statut, il convient de rappeler que cette disposition prévoit l’interdiction de toute discrimination, notamment de celle fondée sur l’âge, dans l’application du statut. Cette disposition a été insérée dans le statut par le règlement (CE, Euratom) n o 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO 2004, L 124, p. 1).

75      Dans la mesure où l’article 1 er quinquies du statut figure dans le même acte, de nature réglementaire, que l’article 42 quater du statut, à savoir dans le statut, et occupe dès lors le même rang que celui-ci dans la hiérarchie des normes, cette disposition ne constitue pas une norme à l’aune de laquelle la légalité de l’article 42 quater du statut peut être appréciée. Au demeurant, la requérante a clarifié que la référence à l’article 1 er quinquies du statut avait été faite dans la seule mesure où cette disposition consacre le principe général d’égalité en droit et le principe de non-discrimination fondé, notamment, sur l’âge.

76      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que la légalité de l’article 42 quater du statut doit être appréciée à l’aune de l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux tout en tenant compte, dans les limites exposées au point 73 ci-dessus, de la directive 2000/78.

77      Ainsi que cela a déjà été relevé (voir point 63 ci-dessus), l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux énonce le principe de non-discrimination, lequel constitue une expression particulière du principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 20 de celle-ci.

78      Selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C-190/16, EU:C:2017:513, point 30 et jurisprudence citée).

79      Il convient d’examiner, dans un premier temps, si l’article 42 quater du statut institue une différence de traitement fondée sur l’âge et, dans un second temps, dans l’affirmative, si cette différence de traitement est, toutefois, conforme à l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux en ce qu’elle répond aux critères énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C-190/16, EU:C:2017:513, point 35).

b)      Sur l’existence d’une différence de traitement fondée sur l’âge

80      Il y a lieu de rappeler que l’article 42 quater du statut s’applique « [a]u plus tôt cinq ans avant l’âge de [l]a retraite » des fonctionnaires concernés. Le Conseil a précisé que cette disposition était applicable à des fonctionnaires dans une fourchette d’âge comprise entre 55 et près de 66 ans. Il ressort du cadre réglementaire applicable et des explications du Conseil fournies dans la cadre de sa réponse écrite à une question du Tribunal, que cette fourchette d’âge est déterminée sur le fondement du raisonnement qui suit.

81      En ce qui concerne les fonctionnaires entrés en service avant le 1er janvier 2014, il convient de prendre en considération l’article 22, paragraphe 1, cinquième alinéa, de l’annexe XIII du statut, prévoyant :

« Sauf disposition contraire du présent statut, l’âge de la retraite du fonctionnaire en service avant le 1er janvier 2014 à prendre en compte dans toutes les références à l’âge de la retraite figurant dans le présent statut est déterminé conformément aux dispositions ci-dessus. »

82      Cet âge de la retraite varie entre 60 et 65 ans selon l’âge du fonctionnaire à la date du 1er mai 2014, ainsi qu’il ressort du contenu des quatre premiers alinéas de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut.

83      En ce qui concerne les fonctionnaires entrés en service après le 1er janvier 2014, l’âge de la retraite est fixé à 66 ans en vertu de l’article 52, premier alinéa, sous a), du statut.

84      Il s’ensuit que, dès lors que la mise en congé dans l’intérêt du service peut être appliquée aux fonctionnaires ayant 10 ans d’ancienneté et qui sont, au plus tôt, à cinq ans de l’âge de la retraite, celle-ci concerne potentiellement les fonctionnaires qui ont entre 55 ans (pour ceux qui avaient 60 ans et plus au 1er mai 2014 et dont l’âge de la retraite était donc fixé à 60 ans) et 66 ans (pour ceux qui ont été recrutés après le 1er janvier 2014 et dont l’âge de la retraite est donc fixé à 66 ans).

85      Dans la mesure où l’article 42 quater du statut s’applique uniquement aux fonctionnaires dans une fourchette d’âge comprise entre 55 ans et 66 ans et ne s’applique pas aux fonctionnaires plus jeunes qui n’entrent pas dans la fourchette d’âge susvisée, cette disposition institue une différence de traitement fondée sur l’âge.

86      Il convient de noter que le Conseil émet des doutes sur la question de savoir si l’article 42 quater du statut peut relever de la notion de discrimination au sens de l’article 2 de la directive 2000/78, dans la mesure où il ne se réfère pas à un « âge donné », mais à l’âge de la retraite des fonctionnaires concernés qui peut varier. Il s’agirait, dès lors, d’une mesure d’accompagnement au départ à la retraite destinée à atténuer l’« effet couperet » de ce départ et non pas à discriminer en fonction d’un âge précis par rapport à un autre. Pour corroborer ce raisonnement, le Conseil relève aussi que l’application de l’article 42 quater du statut est soumise à une deuxième condition indépendante de l’âge, celle de l’existence d’une ancienneté de dix ans au moins.

87      Cette argumentation du Conseil concerne la justification de la différence de traitement fondée sur l’âge, qui est présente dans l’article 42 quater du statut et ne remet pas en cause l’existence de cette différence de traitement. Dans la mesure où cette disposition vise uniquement les fonctionnaires entrant dans une fourchette d’âge particulière, identifiée clairement, elle introduit une différence de traitement fondée directement sur l’âge, nonobstant la circonstance que la fourchette d’âge susvisée est déterminée en fonction de l’âge de la retraite des fonctionnaires concernés. La question de savoir si cette différence de traitement constitue une discrimination prohibée par l’article 21 de la charte des droits fondamentaux constitue une question distincte de celle relative à l’existence d’une différence de traitement.

88      Par ailleurs, toujours en réponse à l’argumentation du Conseil exposée au point 86 ci-dessus, il y a lieu de constater que le fait que l’article 42 quater du statut prévoit d’autres conditions non liées à l’âge, comme celle relative à l’ancienneté des fonctionnaires concernés et celle relative à l’existence des « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences », ne neutralise pas le fait que, lorsque ces conditions sont remplies, les fonctionnaires qui entrent dans la fourchette d’âge en cause sont traités différemment des fonctionnaires qui n’entrent pas dans cette fourchette.

89      Selon la jurisprudence, pour qu’il puisse être reproché au législateur de l’Union d’avoir violé le principe d’égalité de traitement, il faut qu’il ait traité d’une façon différente des situations comparables entraînant un désavantage pour certaines personnes par rapport à d’autres (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C-127/07, EU:C:2008:728, point 39 et jurisprudence citée). Il résulte de cette jurisprudence qu’il convient de vérifier, en l’espèce, si la différence de traitement en fonction de l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, entraîne un désavantage pour les fonctionnaires entrant dans la fourchette d’âge en cause par rapport à ceux qui n’y entrent pas (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C-190/16, EU:C:2017:513, point 33).

90      En l’espèce, les fonctionnaires entrant dans la fourchette d’âge en cause et soumis, dès lors, potentiellement à la mesure prévue par l’article 42 quater du statut peuvent se voir imposer, contre leur volonté, un changement de leur position administrative en ce qu’ils cessent d’être en « activité » au sens de l’article 36 du statut et se voient placés en « congé dans l’intérêt du service ». Par ailleurs, ces fonctionnaires cessent de bénéficier d’une évolution de leur carrière dans la mesure où, en vertu de l’article 42 quater, sixième alinéa, sous b), du statut, ils cessent de participer à l’avancement d’échelon et à la promotion de grade.

91      Les fonctionnaires qui ne sont pas soumis à l’application de l’article 42 quater du statut ne subissent pas de tels désavantages sur le plan de leur carrière.

92      Par ailleurs, les fonctionnaires mis en congé dans l’intérêt du service subissent incontestablement une réduction de leurs revenus professionnels résultant, notamment, du fait qu’ils cessent de percevoir le traitement de base, celui-ci étant remplacé par une indemnisation prévue au septième alinéa de l’article 42 quater du statut. En vertu de cette disposition, cette indemnité est calculée conformément à l’annexe IV du statut, ce qui signifie que les fonctionnaires mis en congé dans l’intérêt du service perçoivent pendant les trois premiers mois de l’application de la mesure une indemnité mensuelle égale à leur traitement de base, du quatrième au sixième mois de l’application de la mesure une indemnité mensuelle égale à 85 % du traitement de base et du septième mois jusqu’au terme du congé, à savoir jusqu’à l’arrivée de l’âge de la retraite, une indemnité mensuelle égale à 70 % du traitement de base. Selon le neuvième alinéa de l’article 42 quater du statut, aucun coefficient correcteur n’est appliqué à cette indemnité. Par ailleurs, le préjudice financier susvisé est potentiellement aggravé par la circonstance que les fonctionnaires concernés cessent de participer à l’avancement d’échelon et à la promotion de grade, ainsi que cela a déjà été relevé.

93      Les fonctionnaires qui n’entrent pas dans la fourchette d’âge en cause et qui ne sont, dès lors, pas susceptibles de se voir appliquer l’article 42 quater du statut, ne subissent pas les désavantages financiers identifiés au point 92 ci-dessus.

94      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que l’article 42 quater du statut institue une différence de traitement fondée sur l’âge.

c)      Sur le respect des critères énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux

95      Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel de ces droits et de ces libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.

96      En l’espèce, il y a lieu de constater que la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, est prévue par la « loi » au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, dans la mesure où cette disposition trouve son origine dans le règlement no 1023/2013 (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C-190/16, EU:C:2017:513, point 37).

97      Par ailleurs, il convient de constater que la différence de traitement susvisée porte sur une question de portée limitée dans le cadre de la fonction publique de l’Union, celle de la mise en congé dans l’intérêt du service de certains fonctionnaires remplissant un certain nombre de conditions, parmi lesquelles celle relative à l’âge. Par conséquent, cette différence de traitement « respecte le contenu essentiel » du principe de non-discrimination au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C-190/16, EU:C:2017:513, point 38 et jurisprudence citée).

98      Pour corroborer cette conclusion, il y a lieu de relever que l’article 42 quater, deuxième alinéa, du statut prévoit que le nombre annuel total des fonctionnaires mis en congé dans l’intérêt du service ne peut pas être supérieur à 5 % du nombre total des fonctionnaires de toutes les institutions ayant pris leur retraite l’année précédente. Il s’avère ainsi que, compte tenu de ce plafond et des conditions d’application de l’article 42 quater du statut, prévues au premier alinéa de cette disposition, le nombre annuel de fonctionnaires qui peuvent être placés en congé dans l’intérêt du service est très limité, ainsi qu’il ressort également des réponses écrites du Parlement, du Conseil et de la Commission à une question posée par le Tribunal. À titre d’exemple, le Conseil a indiqué que, en son sein, quatre fonctionnaires avaient été mis en congé dans l’intérêt du service au cours de chacune des années 2015, 2016 et 2017 sur un total de 2 757 fonctionnaires en service au Conseil au 31 décembre 2017.

99      Le Tribunal examinera la question de savoir si les deux conditions restantes, prévues par l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, permettant de justifier la différence de traitement en fonction de l’âge instituée par l’article 42 quater du statut, sont remplies en l’espèce. Ces conditions sont celle relative à l’existence d’un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union auquel la différence de traitement répond et celle relative à la proportionnalité.

1)      Sur la question de savoir si la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, répond à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union

100    Le Conseil, soutenu par le Parlement et la Commission, fait valoir, en substance, que la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, poursuit trois objectifs d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel. En premier lieu, cette différence de traitement poursuivrait l’objectif d’optimisation de l’investissement des institutions relatif à la formation professionnelle en leur permettant de concentrer cet investissement sur les fonctionnaires ayant encore une période d’emploi raisonnable avant la retraite. En deuxième lieu, la différence de traitement susvisée poursuivrait l’objectif d’accompagnement des fonctionnaires proches de la retraite qui ne parviennent pas à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail des institutions. En troisième lieu, cette différence de traitement poursuivrait, en substance, l’objectif de maintien d’une structure d’âge équilibrée entre jeunes fonctionnaires et fonctionnaires plus âgés, laquelle favoriserait, à son tour, l’embauche et la promotion de ces jeunes fonctionnaires, l’échange d’expériences et l’innovation ainsi que la diversité géographique.

101    La requérante conteste l’existence des trois objectifs susvisés. Elle soutient que le seul objectif poursuivi par l’article 42 quater du statut est celui de la réduction des coûts et des effectifs des institutions « en se débarrassant » des fonctionnaires qui se trouvent le plus proche de la retraite et qui bénéficieraient d’une rémunération élevée. Or, cet objectif ne constituerait pas un objectif légitime « de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle » au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, justifiant la différence de traitement en fonction de l’âge instituée par l’article 42 quater du statut.

102    En premier lieu, il convient de vérifier l’existence des objectifs invoqués par les institutions. À cet égard, il convient de tenir compte des dispositions de l’article 42 quater du statut et, le cas échéant, de son contexte général permettant l’identification de l’objectif sous-tendant la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par celui-ci (voir, par analogie, arrêts du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa, C-411/05, EU:C:2007:604, points 56 et 57 ; du 21 juillet 2011, Fuchs et Köhler, C-159/10 et C-160/10, EU:C:2011:508, point 39, et du 6 novembre 2012, Commission/Hongrie, C-286/12, EU:C:2012:687, point 58).

103    En ce qui concerne le premier objectif invoqué, celui de l’optimisation de l’investissement relatif à la formation professionnelle, il convient de relever, tout d’abord, que l’application de l’article 42 quater du statut est soumise à la condition de l’existence de « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences ». La référence à l’« acquisition de nouvelles compétences » démontre le rapport entre la disposition susvisée et la formation professionnelle.

104    Ensuite, il ressort du dossier et, notamment, des conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, que le règlement no 1023/2013 et, par conséquent, l’article 42 quater du statut ont été adoptés dans un contexte de rigueur budgétaire de l’administration publique européenne, de volonté des États membres d’amélioration de son efficacité et de sa performance et de réduction progressive des effectifs des institutions, à hauteur de 5 % pour la période 2013/2017.

105    Par ailleurs, il convient de rappeler que les considérations contenues aux premier, troisième, septième et douzième considérants du règlement no 1023/2013 évoquent, premièrement, le besoin pour l’Union de continuer à disposer d’une administration publique de qualité élevée (premier considérant) qui serait capable d’exécuter les missions conférées aux institutions dans un contexte de réduction des effectifs (troisième considérant), deuxièmement, le besoin d’optimisation de la gestion des ressources humaines (septième considérant) et, troisièmement, tout en renvoyant aux conclusions susvisées du Conseil européen, le besoin d’amélioration de l’efficacité et de l’efficience, le besoin d’adaptation à l’évolution du contexte économique et l’effort de garantir un bon rapport coût-efficacité (douzième considérant).

106    Les considérants susvisés du règlement no 1023/2013 démontrent la volonté du législateur de l’Union de poursuivre l’objectif de gestion efficace des dépenses afférentes à l’administration publique européenne en matière de rapport coût-efficacité, permettant, ainsi, le maintien du niveau de qualité élevée de cette administration et permettant, en fin de compte, à l’Union de réaliser ses objectifs, de mettre en œuvre ses politiques et d’accomplir ses missions dans un contexte de rigueur budgétaire et de réduction des effectifs des institutions. Eu égard à cette constatation et aux considérations énoncées au point 103 ci-dessus, il y a lieu de conclure que l’existence de l’objectif d’optimisation de l’investissement consacré à la formation professionnelle des fonctionnaires, poursuivi par le législateur de l’Union par le biais de la différence de traitement en fonction de l’âge instituée par l’article 42 quater du statut, se trouve établie.

107    Sans qu’il soit besoin de vérifier l’existence des deux autres objectifs invoqués par les institutions, en deuxième lieu, il convient d’examiner si le premier objectif invoqué dont l’existence a été établie constitue un objectif « d’intérêt général reconnu […] par l’Union » au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux.

108    Le premier objectif invoqué vise, en substance, la bonne gestion de l’argent public en matière de rapport coût-efficacité, dans un contexte de rigueur budgétaire et de réduction des effectifs des institutions. À cet égard, il convient de noter que, en vertu de l’article 310, paragraphe 5, TFUE, le budget de l’Union est exécuté conformément au principe de bonne gestion financière. Par ailleurs, l’article 30, paragraphe 1, du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), prévoit que les crédits sont utilisés conformément au principe de bonne gestion financière, à savoir conformément aux principes d’économie, d’efficience et d’efficacité. L’article 30, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 966/2012 précise que le principe d’efficience vise le meilleur rapport entre les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus. Il résulte de ces dispositions que l’objectif du législateur de l’Union d’assurer, par le biais de la différence de traitement en fonction de l’âge instituée par l’article 42 quater du statut, l’optimisation des dépenses des institutions en matière de formation professionnelle, constitue un objectif « d’intérêt général reconnu par l’Union ».

109    Par ailleurs, dans la mesure où le premier objectif invoqué vise la politique de formation professionnelle des institutions, il s’insère dans le champ d’application de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/78, qui mentionne, parmi les objectifs légitimes pouvant justifier des différences de traitement fondées sur l’âge instituées par des mesures nationales, celui relatif à la formation professionnelle. Il s’ensuit que, sur le fondement également de la directive susvisée, laquelle constitue une source d’inspiration pour la détermination des obligations du législateur de l’Union en l’espèce (voir point 73 ci-dessus), le premier objectif invoqué constitue un objectif « d’intérêt général reconnu par l’Union » au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (voir, par analogie, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C-190/16, EU:C:2017:513, points 42 et 43).

110    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, répond à, au moins, un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux.

111    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante présentée au point 101 ci-dessus. En effet, indépendamment de la question, soulevée par cette argumentation, de savoir si l’objectif de réduction des coûts et des effectifs des institutions peut constituer, en tant que tel, un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, force est de constater que la requérante ne démontre pas qu’il constitue le seul objectif poursuivi par l’article 42 quater du statut. À cet égard, il convient de rappeler que l’existence de, à tout le moins, un autre objectif légitime poursuivi par le législateur de l’Union, en l’occurrence l’objectif d’optimisation de l’investissement consacré à la formation professionnelle des fonctionnaires, a été établie.

112    La différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, répondant à au moins un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, il convient d’examiner si cette différence de traitement respecte le principe de proportionnalité au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C-190/16, EU:C:2017:513, point 39).

2)      Sur la proportionnalité

113    L’examen de la proportionnalité de la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, implique d’examiner si cette différence de traitement est appropriée pour atteindre l’objectif poursuivi et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C-190/16, EU:C:2017:513, point 44).

114    À cet égard, par analogie avec la large marge d’appréciation reconnue au législateur national en ce qui concerne la définition des mesures susceptibles de réaliser un objectif déterminé en matière de politique sociale et d’emploi (arrêts du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa, C-411/05, EU:C:2007:604, point 68 ; du 5 mars 2009, Age Concern England, C-388/07, EU:C:2009:128, point 51, et du 9 septembre 2015, Unland, C-20/13, EU:C:2015:561, point 57), il convient de reconnaître au législateur de l’Union une large marge d’appréciation dans la définition des mesures susceptibles de réaliser un objectif d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel. Compte tenu de cette large marge d’appréciation, le contrôle du juge porte, en l’espèce, sur la question de savoir s’il n’apparaît pas déraisonnable pour le législateur de l’Union d’estimer que la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, puisse être appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif légitime invoqué (voir, par analogie, arrêts du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa, C-411/05, EU:C:2007:604, point 72 ; du 12 janvier 2010, Petersen, C-341/08, EU:C:2010:4, point 70, et du 9 septembre 2015, Unland, C-20/13, EU:C:2015:561, point 65).

115    En ce qui concerne le premier objectif invoqué, relatif à l’optimisation des investissements relatifs à la formation professionnelle, il convient de rappeler que l’article 42 quater du statut a été adopté dans un contexte de rigueur budgétaire et de réduction des effectifs des institutions. Ainsi qu’il ressort du dossier, il s’agit d’une réduction progressive de 5 % des effectifs pour la période 2013/2017, applicable à l’ensemble des institutions, organes et agences de l’Union. La disposition susvisée a également été adoptée dans un contexte de volonté d’amélioration de l’efficacité et de l’efficience de l’administration publique européenne en matière de rapport coût-efficacité, ainsi qu’il ressort, notamment, du douzième considérant du règlement no 1023/2013.

116    Le Conseil a précisé que, dans un tel contexte, et afin d’assurer à un effectif décroissant des missions qui évoluent, les institutions devaient modifier leurs méthodes de travail et exiger des fonctionnaires qu’ils s’adaptent et acquièrent régulièrement des compétences nouvelles. À ces circonstances s’ajouteraient également les possibilités offertes par l’informatisation et la dématérialisation des procédures, conduisant à une diminution des besoins en matière d’emplois moins qualifiés. L’ensemble de ces circonstances obligerait les institutions à investir massivement dans la formation continue de leurs fonctionnaires.

117    Le Conseil a soutenu que, eu égard à ces éléments, l’article 42 quater du statut permet aux institutions de concentrer l’investissement consacré à la formation professionnelle aux fonctionnaires ayant encore une durée de carrière raisonnable avant la retraite et d’offrir une forme de pré retraite aux fonctionnaires en fin de carrière.

118    En effet, il ne saurait être contesté que, en présence de besoins d’acquisition de nouvelles compétences par les fonctionnaires et, dès lors, de la nécessité pour les institutions d’investir en matière de formation professionnelle dans un contexte de rigueur budgétaire et de réduction des effectifs, la mise en congé des fonctionnaires qui approchent l’âge de la retraite, libérerait des fonds relatifs à leur formation professionnelle qui pourraient être consacrés à la formation professionnelle des fonctionnaires plus jeunes, qui ont une plus longue carrière devant eux au sein des institutions. Il s’ensuit que cette mise en congé contribue à l’optimisation des investissements relatifs à la formation professionnelle en ce qu’elle sert à l’amélioration du rapport entre les coûts relatifs à ces investissements et les bénéfices obtenus par les institutions. Il convient dès lors de conclure que, eu égard à la large marge d’appréciation dont bénéficie le législateur de l’Union (voir point 114 ci-dessus), la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, constitue un moyen approprié pour atteindre le premier objectif poursuivi par le législateur de l’Union.

119    En ce qui concerne l’appréciation de la question de savoir si la différence de traitement susvisée dépasse ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, il convient de la replacer dans le contexte réglementaire dans lequel elle s’insère et de prendre en considération tant le préjudice qu’elle peut occasionner aux fonctionnaires concernés que les bénéfices qu’en tirent, notamment, les institutions (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C-190/16, EU:C:2017:513, point 53).

120    S’agissant des bénéfices tirés par les institutions, il convient de constater que l’optimisation des investissements relatifs à la formation professionnelle, visée par la différence de traitement fondée sur l’âge, contribue à ce que les institutions puissent, en fin de compte, continuer à accomplir leurs missions dans un contexte de rigueur budgétaire et de réduction des effectifs.

121    Par ailleurs, en replaçant la différence de traitement susvisée dans le contexte de l’article 42 quater du statut et du statut en général, il convient d’observer que la mise en congé dans l’intérêt du service est, en fin de compte, un outil de gestion du personnel à la disposition des institutions, dans la mesure où elle constitue une position administrative supplémentaire dans laquelle les fonctionnaires peuvent être placés, qui s’ajoute aux autres positions administratives que constituent, selon l’article 35 du statut, l’activité, le détachement, le congé de convenance personnelle, la disponibilité, le congé pour services militaires et le congé parental ou familial.

122    En outre, il convient de constater qu’il n’existe pas dans le statut des dispositions qui constitueraient une « alternative » à la mesure prévue à l’article 42 quater du statut. En particulier, et dans la mesure où la requérante se réfère à l’article 51 du statut relatif à l’insuffisance professionnelle, il y a lieu de relever que cette disposition vise à constater et à sanctionner l’accomplissement insatisfaisant des tâches par un fonctionnaire et opère indépendamment des considérations relatives à l’intérêt du service, tandis que la mesure adoptée en vertu de l’article 42 quater du statut opère dans l’intérêt du service.

123    En tant qu’outil additionnel de gestion du personnel, l’article 42 quater du statut est, ipso facto, bénéfique pour les institutions.

124    En ce qui concerne le préjudice causé aux fonctionnaires concernés, il convient de tenir compte des considérations énoncées aux points 90 à 92 ci-dessus.

125    Dans le même temps, il convient de relever que, ainsi que le Conseil le soutient également à juste titre, ces fonctionnaires sont mis en congé dans l’intérêt du service à des conditions financières raisonnables. En effet, il y a, notamment, lieu de rappeler que les fonctionnaires concernés reçoivent une indemnité mensuelle jusqu’à la fin du congé dont le calcul, précisé au point 92 ci-dessus, n’est pas considéré par le Tribunal comme étant déraisonnable. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’article 42 quater du statut, huitième alinéa, les fonctionnaires concernés peuvent continuer à contribuer au régime de pension et à augmenter, ainsi, le montant de leur pension. La condition relative aux dix ans d’ancienneté, prévue par l’article 42 quater du statut, contribue aussi au caractère proportionnel de la mesure prévue par cette disposition, dans le sens où, ainsi que le Parlement le note à juste titre, elle aboutit à réserver l’application de cette mesure à des fonctionnaires dont le niveau de salaire et de droits à pension est tel qu’il atténue les inconvénients financiers de la mise en congé. Enfin, il importe de rappeler que, premièrement, la mesure prévue à l’article 42 quater du statut est soumise à un ensemble de conditions prévues au premier alinéa de cette disposition, deuxièmement, que son adoption n’est pas obligatoire pour les institutions, lesquelles disposent d’une large marge d’appréciation quant à cette adoption et, troisièmement, que le nombre annuel total de fonctionnaires pouvant faire l’objet de cette mesure est plafonné à 5 % du nombre total de fonctionnaires de toutes les institutions ayant pris leur retraite l’année précédente (voir point 98 ci-dessus).

126    Eu égard à l’ensemble des considérations contenues aux points 120 à 125 ci-dessus, il n’apparaît pas déraisonnable pour le législateur de l’Union d’estimer nécessaire de prévoir la mise en congé dans l’intérêt du service uniquement pour les fonctionnaires qui entrent dans la fourchette d’âge en cause et non pas pour les fonctionnaires qui n’entrent pas dans cette fourchette, aux fins d’atteindre l’objectif légitime d’optimisation des investissements relatifs à la formation professionnelle. Il convient, dès lors, de conclure, que la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, est proportionnelle au premier objectif légitime invoqué.

127    Dans la mesure où la proportionnalité de la différence de traitement fondée sur l’âge a été établie par rapport au premier objectif légitime invoqué, il convient de conclure que cette différence de traitement, instituée par l’article 42 quater du statut, n’enfreint pas l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux en ce qu’elle répond aux critères énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci. Par conséquent, l’exception d’illégalité invoquée contre l’article 42 quater du statut doit être rejetée.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 42 quater du statut et de la CP 71/15 ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation

128    La requérante soutient que la décision attaquée enfreint l’article 42 quater du statut et la CP 71/15 et qu’elle est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation. Dans ce contexte, elle fait, notamment, valoir que le Conseil n’a pas justifié de l’intérêt du service qu’il avait entendu servir en lui appliquant l’article 42 quater du statut, n’a pas identifié les besoins organisationnels réels qui nécessiteraient l’acquisition de nouvelles compétences et n’a pas identifié les nouvelles compétences qu’elle ne serait pas en mesure d’acquérir. Au contraire, il se serait attardé, notamment, sur ses rapports de notation prétendument négatifs et sur son comportement dans le service, à savoir sur des éléments qui ne relèveraient pas du champ d’application de l’article 42 quater du statut. La requérante conteste également la conclusion figurant dans la décision attaquée selon laquelle elle ne disposait pas de la capacité d’adaptation à l’évolution des besoins du travail.

129    Le Conseil conteste l’argumentation de la requérante et conclut au rejet du présent moyen.

a)      Sur la détermination du cadre juridique applicable en l’espèce

130    Il y a lieu de rappeler que l’article 42 quater du statut prévoit explicitement que la mise en congé des fonctionnaires concernés s’effectue dans l’intérêt du service. Par ailleurs, il prévoit comme condition de son application l’existence de « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences au sein des institutions ».

131    Il convient de rappeler également que, par la CP 71/15, le secrétaire général du Conseil a fourni des informations sur la mise en œuvre de l’article 42 quater du statut par cette institution (voir point 8 ci-dessus) en précisant, notamment, le contenu des « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences » en ce qui concerne cette institution. Il ressort de cette communication et des précisions fournies dans le cadre de la décision de rejet de la réclamation (voir, notamment, points 44 et 64 de cette décision) que, pour l’application de l’article 42 quater du statut, le Conseil prend en compte les deux éléments suivants : d’une part, il prend en compte les « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences » au sein de l’institution, en ce sens qu’il évalue l’existence de ces besoins nécessitant l’acquisition de nouvelles compétences de la part des fonctionnaires concernés et, d’autre part, il prend en compte la capacité de ces fonctionnaires à acquérir de telles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail.

132    Le Conseil a précisé, au point 44 de la décision de rejet de la réclamation et dans la défense devant le Tribunal, que l’appréciation du second élément identifié au point 131 ci-dessus comportait nécessairement un élément de pronostic dans le sens où il s’agissait d’évaluer, sur la base des informations dont disposait l’AIPN au moment où elle prenait sa décision, s’il était raisonnable de présumer que les fonctionnaires concernés auraient des difficultés à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail et aux exigences du service dans le futur.

133    Il ressort du cadre juridique, constitué en l’espèce par l’article 42 quater du statut tel que cela est précisé par la CP 71/15, laquelle lie le Conseil, que l’évaluation des deux éléments identifiés au point 131 ci-dessus est une évaluation prospective, ainsi que cette institution l’a, au demeurant, confirmé lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal.

134    La requérante conteste la légalité de l’interprétation de l’article 42 quater du statut faite par le Conseil. D’une part, elle soutient que celui-ci, par le biais de la CP 71/15, a dénaturé cette disposition en prévoyant que la mise en congé dans l’intérêt du service sera appliquée aux « fonctionnaires qui éprouvent des difficultés à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail ». D’autre part, elle fait valoir que, en raison de cette dénaturation illégale, le raisonnement du Conseil, présenté au point 76 de la défense, selon lequel il s’agirait « d’évaluer le potentiel d’un fonctionnaire à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail » doit également être écarté dans la mesure où il se fonderait sur des supputations non autorisées par le libellé de l’article 42 quater du statut.

135    Cette argumentation de la requérante impose de contrôler la compatibilité de l’approche du Conseil, telle qu’elle est décrite dans la CP 71/15 et explicitée dans la décision de rejet de la réclamation et dans ses écritures devant le Tribunal, avec la norme supérieure que constitue l’article 42 quater du statut (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE, F-20/14, EU:F:2015:107, point 52 et jurisprudence citée).

136    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 42 quater du statut fait explicitement référence à l’« intérêt du service ». Ainsi que le Conseil l’a précisé dans le cadre de sa réponse écrite à une question posée par le Tribunal, les « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences », visés également par cet article, constituent un aspect spécifique de l’intérêt du service.

137    Dans la mesure où les « besoins organisationnels » sont liés à l’« acquisition de nouvelles compétences » et ne constituent qu’un aspect spécifique de l’intérêt du service dans le cadre de l’article 42 quater du statut, il y a lieu de conclure que le libellé de cette disposition n’interdit pas au Conseil de prendre en compte, au titre des « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences », la capacité des fonctionnaires concernés « à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail », aux termes de la CP 71/15.

138    Cette prise en compte d’un élément propre aux fonctionnaires concernés n’est pas non plus contraire à la ratio legis de l’article 42 quater du statut. En effet, dans la mesure où il a été établi que cette disposition poursuit l’objectif d’optimisation des investissements des institutions liés à la formation professionnelle en matière de rapport coût-efficacité, il apparaît compatible avec cet objectif que le Conseil prenne en compte, aux fins de la détermination des coûts des investissements relatifs à la formation professionnelle, la capacité des fonctionnaires concernés à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail. Cette prise en compte d’un élément propre aux fonctionnaires concernés apparaît également justifiée par la circonstance que l’application de l’article 42 quater du statut entraîne des conséquences défavorables pour eux et qu’elle peut leur être imposée contre leur volonté (voir points 90 à 92 ci-dessus). Il s’ensuit que cette prise en compte d’un élément propre aux fonctionnaires concernés rend l’application de cette disposition moins rigide pour eux.

139    Dès lors, il y a lieu de conclure que l’évaluation par le Conseil de la capacité des fonctionnaires concernés à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail est compatible avec l’article 42 quater du statut.

140    Par ailleurs, dans la mesure où cette évaluation vise la poursuite de l’intérêt du service, elle doit nécessairement porter sur la capacité future des fonctionnaires concernés à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail et doit comporter, ainsi, un élément de pronostic, comme le Conseil le fait valoir à juste titre. Dans l’hypothèse contraire, cette évaluation ne poursuivrait pas l’intérêt du service. Dès lors, il convient également de conclure que l’élément de pronostic compris dans l’évaluation du second élément identifié au point 131 ci-dessus est compatible avec l’article 42 quater du statut.

141    Sur le fondement des considérations qui précèdent, il convient de rejeter l’argumentation de la requérante présentée au point 134 ci-dessus.

142    Il ressort du cadre juridique constitué par l’article 42 quater du statut et la CP 71/15 que le Conseil était, en l’espèce, dans l’obligation d’évaluer deux éléments au titre des « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences », à savoir, en premier lieu, les besoins organisationnels futurs de l’institution nécessitant l’acquisition de nouvelles compétences et, en second lieu, la capacité de la requérante à acquérir les nouvelles compétences préalablement identifiées, dans le but d’évaluer, en fin de compte, le rapport coût-efficacité que représenterait l’investissement relatif à sa formation professionnelle, conformément à l’objectif poursuivi par l’article 42 quater du statut.

b)      Sur l’évaluation, en l’espèce, des besoins organisationnels futurs

143    À titre liminaire, il convient de noter que le Conseil a précisé dans ses écritures devant le Tribunal, en renvoyant au point 9, sous c), de la décision attaquée, que l’AIPN avait pris en compte, en l’espèce, non seulement les évolutions du service dans lequel la requérante était affectée, mais également les besoins organisationnels de l’institution, à savoir du SGC, dans son ensemble et que cette approche ne contrevenait pas à l’article 42 quater du statut ni n’était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. La requérante a contesté que le Conseil ait effectivement procédé à l’évaluation qu’il prétendait avoir effectué.

144    Il convient, dès lors, d’examiner si le Conseil a effectué, en l’espèce, une évaluation prospective et réelle des besoins organisationnels du service dans lequel la requérante était affectée et également de l’institution dans son ensemble, ainsi qu’il prétend l’avoir fait.

145    Dans la mesure où l’évaluation des besoins organisationnels a trait à l’évaluation de l’intérêt du service, il convient de reconnaître au Conseil un large pouvoir d’appréciation aux fins de cette évaluation, dont l’usage ne peut être remis en cause par le Tribunal que, en cas d’erreur manifeste d’appréciation, d’inexactitude matérielle ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T-223/99, EU:T:2000:292, point 53 et jurisprudence citée, et du 16 mai 2018, Barnett/CESE, T-23/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2018:271, points 36 et 38).

146    Toutefois, le contrôle juridictionnel exercé en l’espèce, même s’il a une portée limitée, requiert que le Conseil, auteur de la décision attaquée, soit en mesure d’établir devant le Tribunal que cette décision a été adoptée moyennant un exercice effectif de son pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation en cause (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C-310/04, EU:C:2006:521, point 122, et du 11 juillet 2007, Wils/Parlement, F-105/05, EU:F:2007:128, point 75).

147    Il en résulte que le Conseil doit, à tout le moins, pouvoir produire et exposer de façon claire et non équivoque les données de base ayant dû être prises en compte pour fonder la décision attaquée et dont dépendait l’exercice de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C-310/04, EU:C:2006:521, point 123, et du 11 juillet 2007, Wils/Parlement, F-105/05, EU:F:2007:128, point 76).

148    Dans la mesure où le Conseil doit évaluer le rapport coût-efficacité que représenterait l’investissement relatif à la formation professionnelle de la requérante, les données de base susvisées incluaient, de manière logique, des données relatives à la nature et l’ampleur des réformes à venir.

149    En l’espèce, en premier lieu, il ressort du dossier que la requérante, dans sa note du 1er décembre 2015 (voir point 13 ci-dessus), a, notamment, fait valoir que l’AIPN n’avait pas démontré qu’il existait des « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences » justifiant sa mise en congé contre son gré et qu’elle n’avait pas identifié les nouvelles compétences qui devraient être acquises.

150    En deuxième lieu, il ressort de la décision attaquée que les seuls points pertinents abordant la problématique relative à l’évaluation des besoins organisationnels futurs sont les points 9, sous a) et sous c).

151    Au point 9, sous a), de la décision attaquée, l’AIPN indiquait que l’unité [confidentiel] à laquelle la requérante était affectée procédait à l’adaptation de ses méthodes de travail dans la droite ligne des réformes menées aussi dans les autres services de la direction [confidentiel]. L’AIPN identifiait de manière générale ces réformes consistant, notamment, en la mise en œuvre de « nouvelles procédures flexibles » et « activités », en la « numérisation des flux de travail » et en l’« adoption de solutions informatiques interinstitutionnelles ». L’AIPN indiquait que la réalisation de ces réformes exigeait de la part du personnel un savoir-faire approprié et un certain degré de flexibilité.

152    Le Tribunal considère que le contenu du point 9, sous a), susvisé, ne démontre pas qu’une évaluation effective et prospective des besoins organisationnels au niveau tant de l’unité [confidentiel] que de la direction [confidentiel] a été faite par l’AIPN. En effet, les informations fournies par ce point ne démontrent ni que les réformes évoquées se situent dans le futur, ni la prise en compte de la nature et de l’ampleur de ces réformes. En d’autres termes, ces informations ne démontrent pas que le Conseil a pris en compte des besoins organisationnels futurs comme il était dans l’obligation de le faire selon son approche prospective et ne démontrent pas non plus que le Conseil a évalué la nature et l’ampleur de ces réformes afin qu’il puisse apprécier le rapport coût-efficacité des besoins de formation de la requérante.

153    En ce qui concerne le point 9, sous c), de la décision attaquée, il convient de constater que le Conseil se limite à indiquer que les services du SGC « s’adaptent constamment à la nature et à l’augmentation du rythme des réunions qu’[il] doit accueillir et à l’évolution de la dynamique du processus législatif ». Or, ces éléments d’information ne démontrent pas que le Conseil a procédé à une évaluation prospective des besoins organisationnels du SGC dans son ensemble ainsi qu’il a affirmé l’avoir fait (voir point 143 ci-dessus). À supposer même que le Conseil ait procédé à une telle évaluation, il n’est pas démontré que celle-ci ait pris en compte la nature et l’ampleur des réformes à venir. En effet, les considérations contenues au point 9, sous c), de la décision attaquée semblent concerner l’examen du potentiel de mobilité de la requérante, ainsi qu’il ressort de la première et de la dernière phrase de ce point.

154    Les dispositions restantes du point 9 de la décision attaquée, lequel contient la motivation de l’application de l’article 42 quater du statut à la requérante, ne concernent pas l’évaluation des besoins organisationnels futurs. Le point 9, sous b), de la décision attaquée fournit des informations sur l’historique de la carrière de la requérante et contient une évaluation de sa capacité d’adaptation fondée sur des données relatives à son parcours professionnel jusqu’à la date de l’adoption de la décision attaquée. Le point 9, sous d) et e), de la décision attaquée présentent l’évaluation du potentiel de mobilité de la requérante et concluent, sous e), à son absence. Or, l’évaluation de ce potentiel ne constitue pas une évaluation des besoins organisationnels futurs, dans la mesure où elle concerne la question de savoir si la requérante pouvait être transférée vers un autre service et ne concerne pas la question de savoir si le rapport coût-efficacité justifie la formation professionnelle de la requérante en vue de son adaptation aux réformes qui auront lieu. En tout état de cause, il ressort de la note du service des effectifs du 17 novembre 2015 (voir point 11 ci-dessus) sur la base de laquelle l’évaluation du potentiel de mobilité de la requérante a été effectuée, que ce potentiel était également influencé par les choix personnels de la requérante laquelle d’après cette note, avait refusé un certain nombre de postes qui étaient disponibles. Aucune évaluation des besoins organisationnels futurs ne figurait pas dans cette note.

155    En troisième lieu, il convient de noter que, dans sa réclamation contre la décision attaquée, la requérante a, de nouveau, contesté, notamment, l’existence d’une réforme dont la nature justifierait l’application de l’article 42 quater du statut à son égard. Or, la décision de rejet de la réclamation ne répond pas à cette allégation de la requérante et, à titre plus général, ne contient aucun élément démontrant que le Conseil a procédé à une évaluation effective et prospective des besoins organisationnels. Cette institution a limité son analyse à l’évaluation de la capacité de la requérante à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail et a fondé sa conclusion relative à l’absence d’une telle capacité sur le raisonnement, résumé au point 33 de la décision de rejet de la réclamation, aux termes duquel « quelqu’un qui peine à faire son travail ordinaire n’est pas en mesure d’assumer l’effort qu’implique l’adaptation à une réalité qui évolue ».

156    En quatrième lieu, devant le Tribunal, en réponse à l’argumentation de la requérante relative au défaut d’identification des besoins organisationnels réels nécessitant l’acquisition de nouvelles compétences (voir point 128 ci-dessus), le Conseil, dans la défense, se limite à affirmer, en se référant au point 9, sous c), de la décision attaquée, que « les changements de méthode de travail au sein du SGC et les besoins accrus en matière de capacité d’adaptation du personnel qui en résultent, y compris pour les fonctionnaires du groupe de fonctions AST, ne sont pas purement hypothétiques, mais constituent une réalité dont l’AIPN doit tenir compte ». Cette simple affirmation du Conseil ne démontre aucunement qu’une évaluation effective et prospective des besoins organisationnels a été opérée et n’ajoute aucune information substantielle à celle fournie au point 9, sous c), de la décision attaquée, elle-même insuffisante aux fins d’une telle démonstration (voir point 153 ci-dessus). L’argumentation du Conseil dans la duplique se limite également à présenter le point 9 de la décision attaquée.

157    Par ailleurs, la référence du Conseil devant le Tribunal à la note du chef de l’unité [confidentiel], du 26 octobre 2015 (voir point 11 ci-dessus), concernant une réorganisation du service [confidentiel] ayant eu lieu en 2014, à la suite de l’arrivée d’un nouveau [confidentiel], n’apporte aucun élément d’information utile sur la question de l’existence d’une évaluation effective et prospective des besoins organisationnels de ce service, de l’unité [confidentiel] ou du SGC dans son ensemble. En effet, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de la note du 26 octobre 2015 susvisée, et tel que cela a été confirmé par le Conseil dans la duplique, la référence à une réorganisation qui a eu lieu dans le passé a servi uniquement à appuyer la conclusion relative à la prétendue incapacité de la requérante à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail.

158    En cinquième lieu, eu égard à l’argumentation du Conseil, au point 42 de la duplique, qui pourrait être comprise comme signifiant que cette institution a pris en compte, aux fins de l’évaluation, en l’espèce, des besoins organisationnels futurs, la réduction des effectifs à laquelle elle était soumise, le Conseil a clarifié lors de l’audience, à la suite d’une question posée par le Tribunal, que tel n’était pas le cas. D’ailleurs, une telle prise en compte ne résulte du contenu ni de la décision attaquée ni de la décision de rejet de la réclamation.

159    Compte tenu des considérations qui précèdent, force est de constater que le Conseil n’a pas établi que la décision attaquée a été adoptée moyennant un exercice effectif de son pouvoir d’appréciation en ce qui concerne l’existence de besoins organisationnels futurs nécessitant l’acquisition de nouvelles compétences par la requérante, dans la mesure où il n’a pas démontré qu’il a effectué une évaluation prospective et qu’il a pris en compte, d’une part, la nature et l’ampleur des réformes devant avoir lieu et, d’autre part, les besoins organisationnels de l’institution dans son ensemble ainsi qu’il affirme l’avoir fait. En revanche, il ressort du dossier que le Conseil a, en réalité, fondé la décision attaquée exclusivement sur l’évaluation de la capacité de la requérante à acquérir de nouvelles compétences. Or, dans la mesure où cette évaluation n’a pas été mise en rapport avec une évaluation réelle et prospective des besoins organisationnels, le Conseil a effectué un usage erroné de l’article 42 quater du statut, lequel nécessite la prise en compte, par l’institution concernée, des éléments objectifs ayant trait à ses « besoins organisationnels ». En effet, en l’absence d’une telle prise en compte, la mise en congé prévue dans la disposition susvisée risque de revêtir un caractère disciplinaire à l’égard des fonctionnaires concernés par cette mesure.

160    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que le Conseil a dépassé les limites du large pouvoir d’appréciation dont il disposait en l’espèce et que, sur ce fondement, le deuxième moyen doit être accueilli. Il s’ensuit qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée, par laquelle la requérante a été placée en congé dans l’intérêt du service, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par elle.

C.      Sur la demande indemnitaire

161    La requérante soutient que la décision attaquée lui a causé un préjudice matériel et un préjudice moral.

162    Le préjudice matériel consisterait essentiellement en une perte de revenus et le Conseil devrait tirer toutes les conséquences de l’annulation de la décision attaquée et de la décision de rejet de la réclamation.

163    En particulier, le Conseil devrait payer à la requérante la différence entre, premièrement, sa rémunération nette (traitement de base et indemnités) et l’indemnité versée au titre de l’article 42 quater du statut (telle qu’elle a été fixée par l’annexe IV du statut), pour la période allant de janvier à mars 2016 et, deuxièmement, entre sa rémunération nette (traitement de base et indemnités) et sa pension, à partir du 1er avril 2016. Pour ces calculs, il conviendrait de tenir compte de l’atteinte à la progression dans la carrière de la requérante, emportant non seulement l’acquisition de nouveaux échelons, mais également d’une chance de disposer d’une promotion avant le départ à la retraite fixée à 65 ans. Enfin, il faudrait faire application d’un intérêt de retard sur l’ensemble de ces sommes au taux de la Banque centrale européenne (BCE) augmenté de 2 points. La requérante évalue le préjudice à un montant de 121 101,72 euros, ce montant ne tenant pas compte, notamment, des intérêts de retard, de l’acquisition de deux nouveaux échelons le 1er avril 2018 et le 1er avril 2020 et de la progression de la carrière par la voie d’une promotion.

164    Au titre du préjudice matériel, la requérante invoque également des difficultés financières causées par les deux décisions susvisées. [confidentiel] La requérante évalue le préjudice matériel résultant de ces éléments à 30 000 euros, sous réserve de parfaire.

165    [confidentiel]

166    [confidentiel]

167    [confidentiel]

168    [confidentiel]

169    La requérante conclut que le préjudice moral subi ne saurait être réparé par le seul arrêt d’annulation et évalue la réparation de ce préjudice à 70 000 euros ex æquo et bono.

170    Le Conseil, soutenu par la Commission, à titre principal, conclut au rejet de la demande indemnitaire et, à titre subsidiaire, fait valoir que les montants demandés par la requérante au titre des préjudices allégués apparaissent exagérés et doivent être ramenés à une plus juste proportion.

171    Il ressort d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’une demande en dommages et intérêts formulée par un fonctionnaire ou par un agent, la responsabilité de l’Union suppose la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (voir arrêt du 12 juillet 2012, Commission/Nanopoulos, T-308/10 P, EU:T:2012:370, point 102 et jurisprudence citée).

172    La requérante a invoqué en l’espèce l’existence d’un préjudice matériel et d’un préjudice moral.

1.      Sur le préjudice matériel

173    Le préjudice matériel invoqué par la requérante a deux composantes : la perte de revenus résultant de sa mise en congé dans l’intérêt du service et les conséquences financières résultant de son incapacité à rembourser les dettes qu’elle a contractées.

174    En ce qui concerne la première composante, la requérante fait valoir que « le défendeur devra tirer toutes les conséquences de l’annulation des décisions contestées ». Elle explicite ensuite ces conséquences.

175    Il s’ensuit que la réparation du préjudice matériel que la requérante demande se confond avec les obligations incombant au Conseil en vertu de l’article 266 TFUE résultant de l’annulation de la décision attaquée.

176    À cet égard, il est rappelé que, conformément à l’article 266 TFUE, l’institution dont émane un acte qui a été annulé par une juridiction de l’Union est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de la décision d’annulation afin de compenser les conséquences de l’illégalité qu’elle a commise. Ainsi, en principe, l’administration doit-elle mettre le fonctionnaire concerné exactement dans la situation qui serait aujourd’hui la sienne en l’absence de l’illégalité constatée. À cet effet, afin de corriger dans le temps les conséquences qu’a pu avoir ladite illégalité, et à la condition que la confiance légitime des intéressés soit dûment respectée, l’administration peut prendre un acte ayant un caractère rétroactif (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2011, AA/Commission, F-101/09, EU:F:2011:133, point 41).

177    Par conséquent, dans la mesure où la réparation de la première composante du préjudice matériel que la requérante demande se confond avec les obligations incombant au Conseil résultant de l’annulation de la décision attaquée, il convient de constater que la demande de la requérante est prématurée et ne peut, dès lors, être accueillie (voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2017, Teeäär/BCE, T-555/16, non publié, EU:T:2017:817, point 59).

178    En ce qui concerne la seconde composante, d’une part, force est de constater que la requérante ne démontre pas que son préjudice financier est réel et certain. [confidentiel] Or, ces éléments n’établissent pas l’existence d’un préjudice certain, mais celle d’un préjudice hypothétique.

179    D’autre part, il convient de noter que, selon une jurisprudence constante, le préjudice doit, pour être indemnisable, résulter de façon suffisamment directe du comportement reproché (arrêts du 4 octobre 1979, Dumortier e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, EU:C:1979:223, point 21 ; du 25 juin 1997, Perillo/Commission, T-7/96, EU:T:1997:94, point 41, et du 27 juin 2000, Meyer/Commission, T-72/99, EU:T:2000:170, point 49). Il appartient au demandeur d’apporter la preuve du lien de causalité (arrêts du 18 septembre 1995, Blackspur e.a./Conseil et Commission, T-168/94, EU:T:1995:170, point 40 et jurisprudence citée, et du 14 octobre 2004, I/Cour de justice, T-256/02, EU:T:2004:306, point 49). Or, en l’espèce, la requérante n’établit pas l’existence d’un lien suffisamment direct entre la baisse de ses revenus résultant de la décision attaquée et son incapacité à rembourser les dettes qu’elle a contractées. Cette incapacité peut être la conséquence de plusieurs facteurs en dehors de la sphère d’influence du Conseil et, notamment, de la gestion financière de la requérante pour laquelle le Conseil ne peut pas être tenu responsable.

180    Eu égard aux considérations qui précèdent, la demande de la requérante visant à la réparation du préjudice matériel doit être rejetée.

2.      Sur le préjudice moral

181    Le juge de l’Union a précisé que l’annulation d’un acte entaché d’illégalité pouvait constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir arrêt du 31 mars 2004, Girardot/Commission, T-10/02, EU:T:2004:94, point 131 et jurisprudence citée).

182    En l’espèce, les éléments présentés aux points 166 et 167 ci-dessus et causant prétendument un préjudice moral sont liés à l’adoption de la décision attaquée. À cet égard, le Tribunal estime que, en l’espèce, l’annulation de cette décision constitue une réparation adéquate du prétendu préjudice moral découlant de ces éléments.

183    En ce qui concerne le préjudice moral présenté au point 165 ci-dessus, il ne présente aucun lien avec la décision attaquée [confidentiel].

184    En ce qui concerne le préjudice moral présenté au point 168 ci-dessus, il convient de noter que la requérante n’établit pas l’existence d’un lien suffisamment direct entre la baisse de ses revenus résultant de la décision attaquée et [confidentiel].

185    Eu égard aux considérations qui précèdent, la demande de la requérante visant à la réparation du préjudice moral doit également être rejetée. Dès lors, sa demande indemnitaire doit être rejetée dans son ensemble.

IV.    Sur les dépens

186    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

187    Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

188    Le Parlement et la Commission supporteront leurs propres dépens, conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision du 8 décembre 2015 par laquelle FV a été placée en congé dans l’intérêt du service est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supporte ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par FV.

4)      Le Parlement européen et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Prek

Buttigieg

Schalin

Berke

 

      Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2018.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur l’objet du recours

B. Sur la demande en annulation

1. Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité de l’article 42 quater du statut

a) Observations liminaires

b) Sur l’existence d’une différence de traitement fondée sur l’âge

c) Sur le respect des critères énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux

1) Sur la question de savoir si la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, répond à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union

2) Sur la proportionnalité

2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 42 quater du statut et de la CP 71/15 ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation

a) Sur la détermination du cadre juridique applicable en l’espèce

b) Sur l’évaluation, en l’espèce, des besoins organisationnels futurs

C. Sur la demande indemnitaire

1. Sur le préjudice matériel

2. Sur le préjudice moral

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.


1      Données confidentielles occultées

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